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Après tout une communauté en ligne est faite de vraies personnes, avec peut-être un peu plus de liberté dans les manières. Et plus on est de fous...


Je te prie de trouver entre mes mots le meilleur de mon âme.

Georges Brassens, Lettre à Toussenot

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Karel Capek

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Message par bix_229 Ven 16 Déc - 15:59

Karel Capek
(1890 - 1938)


Karel Capek Cas4r110

Karel Capek est né en Bohème en 1890 et décédé à Prague en 1938. On reconnait en lui l'un des premiers écrivains tchèques, l'un des plus grands créateurs de l'entre deux guerres. En effet il a rénové et modernisé la langue tchèque. Son oeuvre est diverse. On trouve aussi bien un ouvrage de «science-fiction» comme R.U.R. qui imagine un monde dirigé par les machines. Mais c'est son ouvre romanesque qui reste ce qu'il a fait de meilleur. On peut dire d'ailleurs que c'est un grand romancier populaire.

Ouvrages traduits en français :

Prose
1916 : Les profondeurs rayonnantes et d'autre prose, en collaboration avec son frère Josef,
1922 : La Fabrique d'Absolu,
1929 : L'année du jardinier, Page 1
1932 : Récits apocryphes,
1933 : Hordubal, Page 1
1934 : Une vie ordinaire,
1934 : Le Météore, Page 1
1936 : La Guerre des Salamandres,
1936 : Voyage vers le nord, Page 1
1939 : La vie et l'œuvre du compositeur Foltyn, (inachevé)
2009 : Nouvelles,
2018 : Contes d'une poche et d'une autre poche,

Théâtre, scénarios, livrets
1920 : R.U.R. Rezon's Universal Robots
1921 : De la vie des insectes, en collaboration avec son frère Josef,
1922 : Le dossier Makropoulos
1927 : Adam le Créateur, en collaboration avec son frère Josef,
1937 : La Maladie Blanche, Page 1
1938 : L’Époque où nous vivons

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Màj le 1 mai 2019
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Message par bix_229 Ven 16 Déc - 16:07

Karel Capek Captur61

HORDUBAL. - L'Age d'homme

De Capek, j'avais lu dans le temps un recueil de nouvelles et, plus récemment, L'Année du jardinier, un vériable almanach à l'ancienne, plein de conseils poétiques et fantaisistes. et d'illustrations amusantes.Et puis là, avec Hordubal, j' ai eu un vrai choc littéraire.

Juraj Hordubal, revient au pays, (un village de Bohème) après 8 ans d' absence. Pendant ces huit ans il a trimé dur comme mineur dans une mine de charbon à Johnstown, aux Etats-Unis.
On a exploité sa naiveté, son ignorance de la langue, pour utiliser sa force de travail et pour lui voler ses économies, 3000 dollars.

Mais il lui reste 700 dollars. Hordubal est optimiste, il a suffisamment pour voir venir, et n'a qu'une hâte, retrouver sa femme et sa petite fille, qui n'avait que trois ans lors de son départ. Et puis, bien entendu, sa ferme, le village, les amis.

Mais sa femme l'accueille très mal et sa petite fille ne le reconnait même pas. Désemparé, il erre dans la campagne en étranger. Et de fait, personne ne semble le reconnaitre. Le soir, il revient à ce qui était sa ferme et va se coucher à l' étable, attendant, espérant que sa femme lui revienne.

Mais elle le trompe depuis longtemps déjà avec le valet de ferme qu'elle a embauché. Tout le monde au village le sait, mais contre toute logique, Juraj se refuse à le croire.
Non, Juraj n'est pas logique. Il est seulement aimant, bon, fidèle et généreux. Peut-être même un peu trop...
A vouloir défendre son épouse à tout prix, un soir, à la taverne, il se fait assommer par des villageois qui la traitaient de pute...

Mais lui, toujours humble et patient, attend encore et espère... Jusqu'au moment où il finit quand même par chasser le valet de ferme qui se moquait trop ouvertement de lui.

Je ne vous raconterai pas la suite, car il y a mort d'homme et une enquête fort subtile et pleine de bon sens que je ne vous révélerai pas.

Si vous m'aimez un peu, vous lirez ce livre... Et sinon, vous prendrez le train ! Karel Capek Icon_surprised

Ce livre m'a fait penser à un autre livre que j'ai beaucoup aimé : Un Roi sans divertissement de Giono.
Comme Giono, Capek sait retrouver l'essence des êtres humains ou plutôt ceux d'une communauté paysanne obéissant à des règles strictes et primaires.
Et là aussi, il s'agit bien d'une tragédie où l'on trouve des hommes frustes et brutaux, mais aussi des justes et des indifférents.

Le livre est savamment composé. La majeure partie est vue du coté de Hordubal. Les deux autres sont une enquête policière (comme dans Un roi sans divertissement) menée par des gens du village et qui font assaut de subtilité, une subtilité qui n' a d' égale que leur bon sens...
A la clé, des révélations tout à fait inattendues...

Ce livre est un grand livre et j'attends de lire avec impatience : Une vie ordinaire et Météore qui forment une trilogie...

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mots-clés : #criminalite


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Message par tom léo Ven 16 Déc - 18:12

Karel Capek 51jlkn10

L'année du jardinier


Originale :  Zahradníkův rok (Tchèque, 1929)
Avec des illustrations de son frère Joseph Čapek

Traduction : Joseph Gagnaire

CONTENU/COMMENTAIRE:
Doublé d'un amoureux passionné de jardins, cet almanach,  Čapek l'a publié en 1929. (…) Sa lecture est foisonnante de poésie et d'émotions. De quoi combler tous les jardiniers expérimentés ou débutants. Car ce n'est pas de conseils qu'il est question ici. Mais bien de sensations, d'odeurs, d'amour des plantes. Dans le jardin de Čapek on ne s'ennuie jamais. Mieux, on s'amuse. L'auteur sait se moquer de lui et donc de nous... Pour preuve : les dessins de son frère qui illustrent malicieusement son propos. De Janvier à Décembre, Čapek nous propose une véritable promenade au paradis. Passionnant.

"Le véritable jardinage ne comporte aucune activité méditative. Čapek, son dernier grand théoricien, savait bien, lui, de quoi il retournait : le vrai jardinier n'est pas celui qui cultive les fleurs, mais celui qui travaille la terre. Les rosiers sont faits pour les dilettantes. Lui n'a d'yeux que pour ce que le profane ne voit pas ; ses secrets sont enfouis dans la composition de son incroyable humus dont il connaît, seul, la formule chimique. Capek sait d'ailleurs reconnaître l'authentique jardinier entre mille, à sa curieuse physionomie. Ordinairement terminé, vers le haut, par son derrière, sa tête, elle, pend quelque part entre les genoux. Et hormis le soir, au moment de l'arrosage, il mesure rarement plus d'un mètre de hauteur…" Joël Jegouzo
(Source : Descriptions du produit, amazon.fr)

REMARQUES :
Le livre consiste de douze chapites, consacrés aux mois de l’année et où l’auteur va parler d’une façon à la fois réaliste, mais avant tout plein d’humour, du jardinier enthousiaste. Là, il prendra en focus le jardinier de fleurs, pas le maraîcher ou le paysan d’arbres fruitiers. Ce sont ses occupations typiques, liées aux saisons, les aventures, souffrances, enthousiasmes qu’il vise. Et bien sûr le narrateur fait lui-même partie de cette étrange tranche spéciale de la population que présente les jardiniers. Donc, se montrer avec un regard d’humour, voir un peu de moquerie, deviendra jamais méchant, mais au contraire un signe d’amour, une grande capacité de pouvoir rire des particularités des jardiniers. Avant ou entre ces chapitres sur les mois, on trouvera encore des chapitres thématiques sur diverses activités.

Donc, pour moi un melange quasi idéale entre une belle capacité d’observation sur le jardinage, certaines activités fort néccessaires un moment donné de l’année (Čapek doit avoir des connaissances bien élaborées sur ce sujet!), ET, d’un autre coté, un si grand sens d’humour et d’autodérision que le tout devient une déclaration d’amour. Et derrière ces deux volets se dessinent discrètement et sans s’imposer même une forme de sagesse !

Les illustrations si simples mais très parlantes du frère de l’auteur, Joseph, augmentent encore le bonheur !

Est-ce qu’il peut y avoir un meilleur cadeau pour soi ou tout amateur du jardinage, drôle, littéraire et profond ? Donc, récommandation spéciale aux jardiniers du monde entier !


mots-clés : #nature
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Message par Hanta Ven 16 Déc - 20:16

Karel Capek 41mtbb10

La maladie blanche

Ce commentaire suit une relecture et cette pièce est toujours aussi instructive.
Critique du totalitarisme, critique des sociétés où l'ignorance et la superficialité dominent, Capek par un style léger appuie là où cela fait mal.
Le style est toujours ironique, ridiculement emphatique par moment, on est dans la comédie dramatique si l'on peut dire, les personnages sont blasés pour parler d'horreurs et très égocentriques en général, une façon d'insister sur cette superficialité destructrice d'idée.
Le héros le seul à avoir une idée, est le seul au tempérament linéaire, le seule conscient des enjeux, le seul inquiet.
Une jolie leçon qui serait très adaptée à un cours au collège.


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Message par Tristram Sam 18 Fév - 22:07

J'ai Le météore dans ma LAL depuis quelques décennies (trouvé dans la Bibliothèque idéale, préfacé par Pivot ?) : quelqu'un sur le forum l'a-t-il lu ?

_________________
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Message par Invité Ven 1 Déc - 4:42

tom léo a écrit:
Karel Capek 51jlkn10

L'année du jardinier


Est-ce qu’il peut y avoir un meilleur cadeau pour soi ou tout amateur du jardinage, drôle, littéraire et profond ? Donc, récommandation spéciale aux jardiniers du monde entier !


Oh, non, tu as bien raison Tom Léo,  très beau petit livre pour ceux qui aiment leur jardin et leur potager, à consulter toute l'année, chaque année (!) comme un almanach perpétuel !!
Le ton est parfois moqueur et fait de petites critiques qu'on ne peut s'empêcher de trouver très justes surtout lorsqu'elles concernent des habitudes que l'on a , le râteau à la main !

La couverture que tu as postée, Tom Léo, est très jolie, mon exemplaire a une couverture plus désuète...

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Message par bix_229 Ven 1 Déc - 15:11

Très joli en effet !
Si je me souviens bien, l' illustrateur du livre est le frère de Capek.
Mon édition à moi :

Karel Capek Captur15

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Message par bix_229 Ven 1 Déc - 15:38

Karel Capek Capek_10

VOYAGE  DANS  LE  NORD. - Ed. du Sonneur. - 2010

Lorsque Karel Capek entame son voyage, en 1936, il sait déjà que le sort de son pays, la Tchécoslovaquie, est  scellé.
Pourtant, à part de très brèves allusions, on peut dire que le voyage est vraiment enchanteur.
Du Danemark, pays de cocagne à la Suède installée dans un paysage et une sagesse inamovibles. De la Norvège au Cercle polaire, Capek nous laisse l'impression d'un voyageur attentif, généreux, émerveillé. Sa vision est à la fois familière, chaleureuse, mais aussi imaginative à souhait.

"Nous voilà donc très bas, près de gracieux lacs cernés de bosquets crépus, des fermes rouges et des prés lumineux partout sur les hauteurs, des cîmes de granit couvertes de neiges éternelles : tout cela est ma foi admirable : seulement voilà, on aimerait bien savoir ce qu'il y a de l'autre côté des montagnes."

"Le Danemark : un enfant gras de  la campagne, à la caboche trop grosse et trop intelligente. Imaginez une ville d'un million d'habitants à la tête d'un pays qui en compte trois ; une belle ville, royale et quasi neuve, vaste et vivante.
Il parait qu' il y a quelques siècles à peine, chaque nuit, on fermait les portes de Copenhague et on déposait les clefs sur la table de nuit du roi du Danemark."


"De ces moments, on en trouve partout dans le monde, ma foi, à quoi bon en discuter ; mais ce sont des instants fugitifs, insaisissables, trop courts , et un quart d'heure plus tard la fête est finie.
Alors que nous autres ici dans le Sternfjors ou ailleurs encore, nous assistons à des couchers de soleil dorés qui durent des heures, des pans de ciel et de mer toujours  plus grands sont submergés, l'ouest et le nord tout entiers ont déjà pris feu, l'incendie s'étend à présent à l'est, où les lueurs de l'aube commencent  à poindre ; et voici que la mer et le ciel se  fondent en une chose infiniment étrange et magnifique."


Pourtant que voit-il ?  Des forêts sans fin, des montagnes, des glaciers, à perte de vue. La toundra et des arbres nains.
Des maisons coquettes peintes en rouge ou ailleurs en bois  ou en pierre.
Des chevaux, des vaches avec ou sans cornes. Des îles et des îlots. Des falaises. Des fjords.
Les rochers semblent avoir été éjectétés ici et là par des éruptions volcaniques et les montagnes ont accouché de récifs déchiquetés.
Ces éléments, tous ces éléments, sont les véritables personnages de Capek.
Sans oublier le Hakon Adalstein, le vaillant petit bateau où il a embarqué.

Les humains ne manquent pas de relief pourtant. Du capitaine, imposant et impertubable, au mécanicien très imbibé.
Les plus drôles sont qund même les membres cachochymes d'une congrégation religieuse américaine.

"Le seul malheur de notre joli bateau tenait à sa cargaison spirituelle : un groupe de représentants d'une quelconque église américaine, d'une sorte de congrégation chrétienne en voyage organisé vers le Cap Nord."

Ce qu'il nous en dit est le passage le plus drôle du livre.

Mais le voyage s'achève :

"Les lumières de l'Europe luisent dans un petit matin gris ; rien à faire c'est la fin du voyage.... En ce moment le Hakon Adalstein doit mettre le cap au nord entre les falaises nues des Lofoten. Quoi qu'on en dise, c'était un bon bateau et c'était un beau voyage."

Si le voyage vous tente ...

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mots-clés : #voyage
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Message par Invité Mar 5 Déc - 20:33

bix_229 a écrit:
Karel Capek Capek_10

VOYAGE  DANS  LE  NORD. - Ed. du Sonneur. - 2010

Si le voyage vous tente ...


Oui, je crois bien...

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Message par Tristram Mer 1 Mai - 23:39

Le Météore

Karel Capek Le-met10


Le traducteur, Alain Van Crugten, nous apprend dans une préface que cet ouvrage fait partie de…
« …] la trilogie parue en 1933 et 1934 et dont Le Météore constitue le deuxième volet, les deux autres étant Hordubal et Une Vie Ordinaire. »
(Cependant, les romans seraient indépendants.)
Un chirurgien et un interniste (l’œil du médecin est prépondérant dans ce roman), un poète et un voyant s’interrogent sur un agonisant tombé en feu d’un avion pendant une tempête.
Agonie à l’hôpital :
« Pouls insensible. Amenez un paravent, Mademoiselle, s’il vous plaît. »
« Comme ces oréodoxes déchiquetés sifflent et craquent ! »
Curiosité, ou lubie de traducteur, cet oréodoxe (-doxa, -doxe, du grec « gloire, splendeur »), qui serait un grand palmier américain, peut-être le palmier royal, palmiste montagne ou Prestoea
L’inconnu apparaît en rêve à la religieuse qui le veille, l’extralucide donne sa version de l’histoire de cet homme, et l’écrivain l’imagine de façon vraisemblable en partant d’hypothèses plausibles. C’est l’occasion pour Capek de formuler l’écriture comme nécessité, comme chasse des possibilités de la réalité, et aussi « passion du détective », enquête sur le mystère du vivant ‒ voire comme déconstruction de la perception du réel.
« Moi [le poète] je regarde continuellement, et pendant ce temps-là j’imagine continuellement des choses. Ou plutôt ça se passe ainsi : elles se mettent à s’inventer toutes seules en moi, elles se déroulent, elles commencent à vivre leur propre vie. Bien sûr, moi aussi je m’en mêle : je donne des conseils, je corrige, etc., vous comprenez ? »

« Je vais vous dire une phrase de démence métaphysique : la possibilité qui entre toutes serait seule possible serait la réalité. »

« Mon cher ami, le monde est grand, plus grand que notre expérience ; il est composé d’une poignée de faits et de tout un univers de possibilités. Tout ce que nous ne savons pas est là en tant que possibilité et chaque fait est un petit grain dans le rosaire des éventualités passées et à venir. »

« Je cours derrière quelque chose de vivant et je ne sais pas encore où cela me mènera. Croyez-moi, écrire des romans est une activité plus proche de la chasse que, par exemple, de la construction d’une église selon des plans préconçus. Jusqu’au dernier moment nous vivons dans l’attente de ce que nous allons rencontrer ; nous aboutissons à des endroits inattendus, mais seulement parce que nous nous accrochons avec un acharnement absurde à la trace de cette chose vivante. Nous chassons un cerf blanc et ce faisant, presque sans le vouloir, nous découvrons de nouvelles contrées. Écrire est une aventure – je ne vous dirai rien de plus à la gloire de cette vocation. »

« Je tente d’excuser la littérature et sa complaisance pour le tragique et le risible. Car ces deux choses sont les détours que l’imagination a inventés pour donner par ses expédients, par ses voies irréelles, l’illusion de la réalité. La réalité en elle-même n’est ni tragique ni comique ; elle est trop importante et infinie pour l’un ou l’autre. La pitié et le rire ne sont que des secousses passagères, à l’aide desquelles nous accompagnons et nous commentons les événements en dehors de nous. Suscitez d’une manière quelconque ces secousses et vous susciterez également l’impression que quelque chose de réel s’est passé en dehors de vous, d’autant plus réel que le choc sentimental a été plus rude. Mon Dieu, quels trucs et quels tours n’inventons-nous pas, nous les spécialistes de l’imagination, pour secouer convenablement et impitoyablement l’âme sclérosée du lecteur ! »
(Et là, dans le dernier extrait, j'ai fortement pensé à Kundera !)
L’auteur expose la genèse de l’ouvrage en abîme (chapitre 22 sur 39), puis narre les aventures de l’inconnu au fil de son imagination, celles d’un amnésique dans les Antilles coloniales (et racistes), surnommé Kettelring (qui pourrait traduire par "maillon de chaîne" ?) ‒ là encore, la présence du narrateur-auteur n’est pas discrète…
« Montrez à ces pauvres sauvages les bienfaits de la civilisation sous la forme de gens furieux, irritables, maladifs, qui se sentent ici en exil et comptent les jours et les sous qui leur permettront de retourner chez leurs tantes et leurs cousins. »

« (Quelle magnifique invention que les colonies ! Découvrir des terres qui ne sont pas le foyer de l’homme, mais seulement un espace à exploiter ! Comme cela a dû libérer ses aptitudes économiques !)
Il y a beaucoup d’observations et de remarques intéressantes au cours du récit :
« Si l’on y réfléchit bien, la morale sexuelle n’est-elle pas fondée sur le déplaisir causé par le plaisir que d’autres ont ensemble ? »

« Nos paroles sont des succédanés de nos sensations, elles sont dérivées de ce que nous voyons, entendons et touchons. Elles ne permettent pas d’exprimer précisément les choses qui ne sont pas accessibles à ces sens. »

« Quand vous vous représentez un fleuve, tout un fleuve, non pas comme une ligne en zigzag sur la carte, mais pleinement et globalement avec toute l’eau qui, lorsqu’elle coule le long de ses rives, contient aussi une représentation de la source et du fleuve qui coule et de la mer, de toutes les mers du monde, des nuages, de la neige et de la vapeur, le souffle des morts et l’arc-en-ciel, tout cela, tout le circuit de toutes les eaux du monde sera ce fleuve. »

« Il recherche la solitude pour qu’il n’y ait pas cette rupture entre lui et l’entourage. Il essaie de faire fondre comme un morceau de glace son abandon intérieur dans les mers infiniment solitaires ou les terres étrangères. Il doit sans cesse abandonner quelque chose pour que son abandon ait une cause extérieure. »
Une étonnante découverte, et plus qu’une intéressante curiosité, une véritable pensée métaphysique à la valeur intrinsèque.
« Que veux-tu, un homme n’est totalement lui-même que lorsqu’il est vaincu. C’est alors qu’il se connaît ; c’est infaillible et réel, c’est la réalité indiscutable. »


Mots-clés : #ecriture

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Message par Bédoulène Jeu 2 Mai - 11:30

merci Tristram, je pense venir un jour à cet auteur !

_________________
“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia



[/i]
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Message par Tristram Jeu 2 Avr - 16:50

L'année du jardinier

Karel Capek 51jlkn10

Tom et Bix ont déjà fait une présentation élogieuse de ce texte, je vais plutôt insister sur un de ses aspects particuliers.
Il y a une forme de jubilation dans le goût des listes et autres accumulations, comme chez Zola, Huysmans et nombres d'autres auteurs, que Čapek inventorie des verbes, amoncelle des noms de plantes ou énumère les caractéristiques (admirablement observées) des bourgeons :
« On dit qu’au printemps la nature verdoie ; ce n’est pas absolument vrai, car elle se pare aussi de bourgeons roses et écarlates. Il y a des bourgeons d’un pourpre foncé et d’un rouge brutal ; d’autres sont gris et gluants comme la poix ; d’autres sont blanchâtres comme le feutre qui recouvre le ventre d’une hase, mais il y en a aussi qui sont violets et fauves ou sombres comme du vieux cuir. Quelques-uns laissent percer de petites pointes, d’autres ressemblent à des doigts ou à des langues et d’autres encore rappellent des verrues. Les uns s’enflent, deviennent charnus, se couvrent de duvet et sont trapus comme de jeunes chiens ; d’autres s’allongent en une pointe mince et raide ; d’autres poussent des queues hérissées et fragiles. Croyez-moi, les bourgeons sont aussi étranges et aussi divers que les feuilles ou les fleurs. On n’a jamais fini de découvrir les différences qui les séparent. »
Un autre exemple de "collection" (et en l’occurrence les extraits ne peuvent pas être très courts) :
« Et puis, il y a des cactus qui ressemblent à des oursins, à des concombres, à des courges, à des candélabres, à des pots, à des barrettes de curé, à des nids de serpents ; il y en a qui sont couverts d’écailles, de tétines, de touffes de poils, de griffes, de verrues, de baïonnettes, de yatagans et d’étoiles ; il y en a qui sont trapus et d’autres étirés ; les uns sont hérissés comme un régiment de lanciers, les autres tranchants comme une troupe qui brandit le sabre ; vous en voyez qui sont gonflés, ligneux, ridés, barbus, bourrus, épineux comme des abatis d’arbres, tressés comme des paniers, semblables à des tumeurs, des animaux ou des armes : c’est la plus mâle de toutes ces plantes, portant des graines chacune selon son espèce, qui furent créées le troisième jour (Qu’ai-je fait là ? dit ensuite le Créateur, étonné lui-même de ce qu’il avait créé). »
Ce jardinier, passionné par les plantes, est surtout enthousiasmé par la terre elle-même.
« La terre de jardin ou de culture, appelée aussi humus ou terre meuble, se compose d’une manière générale de certains ingrédients qui sont : la terre, le fumier, les feuilles pourries, la tourbe, les pierres, les tessons de verres à bière, les plats cassés, les clous, les fils de fer, les os, les flèches hussites, le papier d’étain des tablettes de chocolat, les tuiles, les vieux sous, les vieilles pipes, le verre de vitres, les glaces, les vieilles étiquettes de plantes, les ustensiles de fer blanc, les ficelles, les boutons, les semelles, les excréments de chiens, le charbon, les anses de pot, les cuvettes, les serviettes, les bouteilles, les traverses, les bocaux, les boucles, les fers à cheval, les boîtes de conserves vides, les morceaux de journaux et d’innombrables autres composants que le jardinier surpris récupère chaque fois qu’il bêche ses plates-bandes. »

« Il y a des terres grasses comme du lard, légères comme du duvet, levées comme un gâteau, jaunes et noires, sèches et imprégnées d’humidité, qui sont toutes d’excellentes variétés de beauté, quoique très diverses : mais tout cela est laid et infâme qui est gluant, aggloméré, mouillé, dur, froid, stérile et donné à l’homme pour qu’il maudisse la matière non rachetée, et tout cela est aussi laid que la froideur, l’opiniâtreté et la méchanceté des âmes humaines. »

« Prendre la terre à pleines bêches, c’est une sensation aussi appétissante et gastronomique que de prendre de la nourriture à pleines louches ou à pleines cuillères. La bonne terre, comme la bonne nourriture, ne doit être ni trop grasse, ni trop lourde, ni trop froide, ni trop humide, ni trop sèche, ni trop gluante, ni trop dure, ni trop crue : elle doit être comme du pain, ou du pain d’épices, comme un gâteau, comme une pâte levée ; elle doit s’émietter mais non pas se dissoudre ; elle ne doit pas former des blocs ni des mottes, mais quand vous la retournez à pleines bêches, elle a loisir de respirer et de se répandre en petits grumeaux et en grains de gruau. Et alors ce sera une terre appétissante et comestible, cultivée et loyale, une terre profonde et tiède, perméable, aérée et tendre, bref, une terre bonne comme on dit de certains hommes qu’ils sont bons ; et dans cette vallée de larmes, il n’y a rien de meilleur, comme on le sait. »
« Je vous le dis : la mort n’existe pas ; il n’y a même pas de sommeil. Seulement nous croissons par périodes. Il faut être patient avec la vie car elle est éternelle. »
« Novembre »
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Message par Bédoulène Jeu 2 Avr - 17:13

les extraits me parlent (dans la LAL) merci Tristram

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Message par animal Jeu 2 Avr - 20:54

Karel Capek Voyage10

Voyage vers le Nord

... illustré par l'auteur !

C'est important de le souligner. Tout comme c'est confortable de passer après le commentaire de Tristram qui décrit bien cette manière d'énumérer autant que de décrire en s'en tenant au plus élémentaire. Il nomme les choses, leur donne leur contour et leur place et pour le lecteur se dessine le paysage.

Ensuite il faut aussi dire que ce voyageur attentif, s'il est curieux, n'est pas inquisiteur et il absorbe autant qu'il se sait partie du voyage. L'humour discret lui aussi tout comme les vues plus larges et sur l'Europe et le monde alors que va éclater la guerre civile en Espagne...

Naturaliste de goût, réservé de caractère, patient certainement, faussement naïf, sage certainement. Très belle prise de contact avec l'auteur. Très belle association du texte et des nombreux dessins, croquis, qui énumèrent eux aussi les paysages.

Un voyage doux et intense... et très dépaysant ! Un peu déroutant mais très attachant.

Karel Capek 0000110

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Message par Bédoulène Jeu 2 Avr - 20:58

merci Animal, le voyage est tentant ! et les illustrations !

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Message par bix_229 Jeu 2 Avr - 21:09

Essayez de dégoter Hordubal, c'est aussi beau que du Giono.
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Message par Invité Jeu 2 Avr - 21:21

Celui-là a l'air bien tentant : drunken

Karel Capek Lettre10

En avril 1923, Karel Čapek démissionne du poste de dramaturge qu’il occupait depuis octobre 1921 au Théâtre municipal de Vinohrady et part aussitôt en vacances en Italie pour se refaire une santé. Son séjour dure près de huit semaines. On est au tout début de l’ère fasciste et c’est son premier voyage en Italie. Durant son périple, Čapek adresse à son journal quinze lettres, qui sont publiées en feuilleton, au fur et à mesure. Sur la base de celles-ci, il produira ce recueil de Lettres italiennes, savoureux, drôle et pénétrant. Le périple de Čapek est avant tout urbain, Venise, Padoue et Ferrare, Ravenne et Saint-Marin, Florence, Sienne et Orvieto, Rome, Palerme, Taormina, Gênes et Milan, Vérone, Bolzano, sans compter les étapes intermédiaires évoquées en passant (Rimini, Bologne, Pérouse, Arezzo, Pise, Mantoue) et les nécropoles souterraines (Pompéi, Ostie) mais il est très loin d’offrir une liste de beautés ou de curiosités. En voyageant librement et en s’intéressant plus aux enfants qui jouent dans une cour qu’aux monuments historiques d’intérêt capital, Čapek fait le choix d’un voyage personnel et joyeux où il cède volontiers à la description d’ambiances et d’anecdotes, non sans se départir de sa facécie. Ainsi de Rome il dira : « Si je fais cet exposé pseudo-historique, c’est pour ne pas avoir honte de dire que Rome dans l’ensemble ne me plaît pas. Ni le Forum romanum, ni l’horrible ruine de briques du Palatin, ni rien d’autre n’ont suscité en moi de sentiments sacrés ».
Résumé de l'éditeur

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Message par bix_229 Sam 10 Oct - 20:26

Karel Capek Capek_13

Vous pouvez lire ces récits tels quels. Ils se lisent très agréablement sans avoir besoin d'en
savoir plus.
Personnellement, je voulais savoir pourquoi pourquoi Kapek était allé revisiter les textes et les
personnages bibliques.
Notamment.
Et pourquoi les qualifiait-il d'apocryphes comme les évangiles.
J'ai cru comprendre qu'à travers des personnages et des mythes, des textes bibliques ou historiques, il voulait les ramener à une vérité populaire.
A un éclairage nouveau.
Ces personnages ordinaires, parfois pitoresques, parfois ridicules, reflètent l'esprit des
textes apocryphes. Populariser des écrits ignorés par les texte bibliques.
Ainsi, il met en scènes des figures du peuple, usant d'une langue familère, ou meme triviale,
la voix des petites gens.
Il  dédramatise le coté officiel et emblématique de l'évènement. L'aspect tragique.
Et du coup, les effets sont tellement irrespectueux qu'on a envie d'en sourire ou meme
d'en rire.
Qu'il s'agisse d'Alexandre le Grand, de Roméo ou de Napoléon.
Pour Capek, il n'y a pas de vérités historiques ou dogmatiques, juste des croyances.
Avec ses personnages, il rejoint ainsi une tradition littéraire propre à la Tchécoslovaquie qui apprécie les anti héros.
Il n'est qu'à penser au Brave soldat Schveik de Hazek.
On peut penser aussi qu'il cherche à travers le passé une résonnance actuelle.
Et l'on sent aussi chez lui, une tendresse réelle pour l'homme.
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Message par Bédoulène Dim 11 Oct - 15:34

merci Bix !

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Message par Dreep Lun 6 Déc - 18:16

La Fabrique d'Absolu

Karel Capek 61sd7pu1wfl

On comprend assez vite de quoi il est vraiment question dans La Fabrique d’Absolu de Karel Capek : non pas tant d’une invention, révolutionnaire en soi, que de l’énorme chaos que celle-ci provoque dans la société. Un cataclysme économique et social, des débordements mystiques tous azimuts… Le monde entier est sous l’emprise d’une folie collective extrêmement violente. Fi du fameux « carburateur » de Marek, donc ? Non, c’est là un rêve saisissant : transformer les atomes en ouvriers. Toutes les machines utilisent désormais l’énergie « atomique » (si Čapek avait entendu parler de la bombe…) et cependant le personnage qui relate ces événements ne se départ jamais d’une sérénité toute guillerette, un peu comme si tout cela n’était qu’une blague. En fait, tout le livre n’est qu’une vaste blague, mais moins vaste en elle-même que par l’étendue de ses conséquences rocambolesques dans le récit (Ce qui me rappelle un peu le défaut de Chesterton dans Le Napoléon de Notting Hill). Celui-ci aboutit trop tôt à une caricature, certes éloquente et même assez visionnaire. Le récit implose et il n’y a plus qu’à se repaître des dégâts
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