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Simon Leys

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Message par bix_229 Mar 20 Déc - 21:06

Simon Leys (1935-2014)

Simon Leys  Leys10

Simon Leys, de son vrai nom Pierre Ryckmans est un écrivain, essayiste, critique littéraire et sinologue belge, de langue française et anglaise. Il est né le 28 septembre 1935 à Bruxelles.

Son œuvre porte notamment sur la Chine, la littérature et la mer. Petit-fils d'un bourgmestre d'Anvers, il étudie le droit et l'histoire de l'art à l'Université catholique de Louvain. En 1955, à l'âge de dix-neuf ans, il participe au voyage d'une délégation de jeunes Belges invités durant un mois en Chine. À partir de 1959, il poursuit des études de langue, littérature et art chinois à Taïwan, Singapour et Hong Kong. Il acquiert pendant cette période une science profonde du monde chinois en plus d'une expérience quotidienne de réalité de la Chine à cette époque.

En 1964, Simon Leys épouse une Chinoise, Hanfang, qui devient belge par son mariage. Le couple a quatre enfants, dont des jumeaux, Marc et Louis, né en 1967 à Hong Kong[. La famille s'installe en Australie en 1970, mais garde cependant la nationalité belge.

En 1971, sur les conseils de son éditeur, il décide de prendre un pseudonyme avant de publier les Habits neufs du président Mao, pour ne pas risquer de devenir persona non grata en République populaire de Chine. Il choisit comme nom « Leys », référence au personnage du roman de Victor Segalen, René Leys, publié en 1922 ; et comme prénom « Simon », référence au nom originel de l'apôtre Pierre.

Pierre Ryckmans enseignait la littérature chinoise à Canberra, puis les études chinoises à l'université de Sydney de 1987 à 1993.

Il est mort à Canberra en aout 2014.
source : Wikipedia

Œuvres publiées sous le nom de Simon Leys

• Essais sur la Chine, 1998 [comprend la plupart des essais, articles et chroniques ayant trait à la Chine, en particulier : Les Habits neufs du président Mao (1971), Ombres chinoises (1974), Images brisées (1976), La Forêt en feu (1983), L’Humeur, l’honneur, l’horreur (1991)].
• Orwell ou l’horreur de la politique, 1984
• La Mort de Napoléon, 1986
• L’Ange et le Cachalot, 1998
• Protée et autres essais, 2001 [recueil d’articles].
• Les Naufragés du Batavia, suivi de Prosper, 2003
• La Mer dans la littérature française, anthologie : vol. I : de François Rabelais à Alexandre Dumas ; vol. II : de Victor Hugo à Pierre Loti, Paris, Plon, 2003.
• Les Idées des autres idiosyncratiquement compilées par Simon Leys, 2005.
• Le Bonheur des petits poissons. 2008 [recueil de chroniques].

Source : Textyles. Revue des lettres belges de langue française.
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Message par bix_229 Mar 20 Déc - 21:15

C' est lui qui a osé dire la vérité sur la Chine de Mao et sur la pseudo Révolution culturelle.
Et ça lui a fait des ennemis ausssi bien à gauche qu' à droite.
Tout le monde à l' époque écrivait des livres ineptes et délirants sur le Grand Timonier, de Maria Antonietta Machiochi, maoiste italienne à Peyrefitte, ministre gaulliste.
La révolution cul leur permit au moins de se faire de l' argent facile sans connaitre le sujet.

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Message par bix_229 Mar 20 Déc - 21:19

Simon Leys  Captur36

LE BONHEUR DES PETITS POISSONS

Lire Simon Leys est un plaisir constant. Celui que nous procure un homme très intelligent, très cultivé, sans être pour cela pédant ou abstrait. Au contraire le plaisir et la curiosité qui motivent sa vie, Simon Leys parvient à nous les communiquer, à stimuler ce qu'on appelle notre "matière grise".

Dans Le Bonheur des petits poissons, à partir de ses connaissances sur la Chine, il nous montre ce qui différencie profondément la culture chinoise de la culture occidentale. Il cite Le savant sinologue Joseph Needham, "un des très rares ouvrages que les chinois prennent au sérieux."

La civilisation chinoise, écrit Needham, présente l'irrésistible fascination de ce qui est totalement autre, et seul ce qui est totalement autre peut inspirer l'amour le plus profond en même temps qu'un puissant désir de le connaître."

Leys montre que la découverte de la culture chinoise par les occidentaux et réciproquement, est assez récnte, et que beaucoup se sont cassés les dents à essayer de la comprendre. A commencer par Malraux et Segalen.

Simon Leys, montre ailleurs,comment les peintres chinois pratiquent leur art. Les Chinois, écrit-il, considèrent que "peindre est surtout difficile avant de peindre", car "l'idée doit précéer le pinceau." Dans la peinture occidentale, en effet, il est relativement rare que l'oeuvre constitue la simple projection d'une vison intérieure préexistante ; bien plus souvent, la peinture résulte d'un dialogue, voire même d' un corps à corps que l'artiste engage avec sa toile... Le peintre travaillant d' après nature se sert de la "mémoire primaire", utilisant les images qui ne durent qu'un instant, le temps qu' il met pour tranférer son regard du modèle à la toile.

A cette "mémoire primaire", Leys oppose "la mémoire secondaire ou éidétique : l'esprit emmagasine les images comme le ferait une caméra, et il se les projette sur un écran mental où elle apparaissent dans toute leur complexité.... L'imagination éidétique se rencontre souvent à l'état spontané chez les enfants, mais on peut aussi les cultiver méthodiquement.

L'étude et l'exercice de l'écriture idéographique ont probablment favorisé le développement de cette faculté chez les peintres chinois, de même que la pratique de la méditation enseignée par le taoïsme et le bouddhisme chan. Ajoutez à cela toute la technique de la peinture chnoise : la nature même de ses instruments -encre et pinceau-, ne tolérant ni hésitations ni repentirs, exclut largement la possibilité de travailler à partir des images de la "mémoire primaire" (d'après nature) et exige au contraire une exécution instantanée, exempte de retouches. Pour l' artiste, il s'agit en effet de restituer d' un jet l'image qu'il s' était formée dans l' esprit avant de prendre le pinceau...

Plus loin, Simon Leys, parle de la litote et l'art de suggérer plutot que dire, répéter, décrire comme le font trop souvent des créateurs comme Balzac.

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mots-clés : #creationartistique #essai
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Message par Armor Mer 21 Déc - 0:01

Intéressant !

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Message par tom léo Mer 21 Déc - 7:13

Simon Leys  41fjsu11

Prosper


2003

CONTENU :
Récit d'une « marée » sur un des derniers voiliers thoniers bretons.

REMARQUES :
Avant d'embarquer à la fin des années 50 pour l'Asie et sa Chine aimée, Simon Leys, alias Pierre Ryckmans, se rend sur la côte bretonne pour y participer à une « marée », la sortie d'un thonier pour une durée de trois, quatre semaines, en haute mer. Il s'agit d'un des derniers voiliers de l'époque, encore en activité pour la pêche, la « Prosper ». Ce récit a alors l'âge respectable de 45 ans quand Leys le trouvera dans ses documents lors de rangement dans les années 2000. Il retouche légèrement et publie le texte, ensemble avec le récit du Nauffrage de la Batavia (voir plus bas).

Il décrit d'une façon précise et empathique les caractères de différentes personnes de l'équipage (le capitain, sept marins et deux hôtes). Il les montre dans leur originalité, alliant une certaine dureté (extérieure) et une propre façon de grande humanité, le compagnonnage et le fait d'être isolé sur un bateau dans un « huis-clos ». La bouteille n'est jamais trop loin, mais dans leur état des fois mi-ivre, ces marins ne perdent jamais leurs capacités étonnantes et un certain sens d'équilibre. Le jeune étudiant qu'est Leys les admire sensiblement et à sa manière.

On accompagne la Prosper dans cette sortie, et on apprend sur les différentes postes sur le bateau et les responsablités d'un tel et d'un tel. Quand on croise au large les autoroutes maritimes des grands paquebots et des géants de la mer, cela ouvre à des réflexions sur la place de cet « ancien monde et mode » dans un environnement changeant. Cela devient alors ici la description d'un monde perdu, avec les gestes, les capacités et la beauté qui lui étaient propres.

mots-clés : #voyage
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Message par bix_229 Mer 21 Déc - 14:55

Tiens ! Je ne connaissais pas ce titre. Merci Tom Leo !
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Message par tom léo Mer 21 Déc - 15:59

bix_229 a écrit:Tiens ! Je ne connaissais pas ce titre. Merci Tom Leo !

Bix,

il est possible que Prosper soit seulement parue ensemble avec Les Naufragés du Batavia. Mais j'en ai fait deux récensions différentes... Voici donc pour l'autre pièce dans l'édition:

Simon Leys  41fjsu11

Les Naufragés du Batavia
Anatomie d'un massacre


2003

Première publication : « La Revue des Deux Mondes », N° 2486

CONTENU :

Dans ce récit d'une longeur d'environ 70 pages, l'auteur nous raconte les circonstances du voyage et du naufrage de la Batavia en 1629. Elle avait devié de la route maritime entre la Hollande et les colonies sur Java, et s'est échoué sur un archipel d'îlots au latge de la côte australienne. Leys se concentre alors dans sa description sur la survie des 300 passagers et marins qui seront peu à peu manipulés, isolés, voir massacrés par un psychopathe jusqu'à ce que de l'aide arrive. Comment a-t-on pu y arriver ?

REMARQUES :
On aura la chair de poule quand on lira de ce naufrage, et plus encore, de la terreur qu'un homme manipulateur exerçait via l'art du discours et une stratégie maléfique pour s'emparer du « pouvoir », voir des trésors échoués. Et le lecteur, avec les expériences du XXième siècle et ses dictatures de terreurs, ne peut que se poser des questions similaires : Comment a-t-on pu arriver là ? Qui resistera, et comment ? Où commence, où se termine la culpabilité et la co-culpabilité ? Etc...

Et ainsi Leys souligne aussi qu'à l'époque déjà le récit de ce voyage a trouvé un écho immédiat. A sa façon, ce naufrage aurait même eu plus d'influence sur l'imaginaire de l'époque que celui de la Titanic dans son temps !

Selon l'introduction, Leys a rassemblé (et on le sent) à travers des années des documents sur ce sujet, mais il mentionne que récemment Mike Dash a écrit une œuvre maîtresse sur le sujet et son propre livre ne peut que humblement diriger le lecteur vers celui de Dash : Batavia's Graveyard: The True Story Of The Mad Heretic Who Led History's Bloodiest Mutiny.

L'auteur belge essaie d'analyser les facteurs multiples qui ont pu conduire au desastre. Par exemple déjà en soi le voyage claustrophobe et sous des conditions à bord difficiles sur ce trois mats de la VOC pendant sept mois ! Les tensions internes à bord, les caractères des personnages principaux et leurs histoires. L'ambiance environnante dans laquelle certains ont grandi (surtout le grand guide, Jeronimus Cornelisz). Et ainsi de suite. Puis la survie, et la systématique procèdure de Cornelisz...

C'est d'un coté une maîtrise des documents, l'assemblage d'informations d'une façon très convaincante, mais aussi une interrogation constante autour du pourquoi, qui anime Leys. Il allie objectivité et une certaine interrogation personnelle. Les liens avec des questionnements modernes (après les horreurs du Xxième siècle) me semble évidents. Donc « une étude du mal », qui était bien présent déjà dans le passé...

Terrible, , informativ, néccessaire !


mots-clés : #historique #violence #voyage
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Message par shanidar Mer 21 Déc - 16:14

Ça a l'air totalement effrayant et attirant ! hop je note !
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Message par bix_229 Jeu 2 Mai - 16:54

Soulignant le role de l' magination, Simon Leys écrit que le romancier, par exemple, si génial soit-il, peut etre dépassé par ce qu' imaginera son lecteur. S' il en a l' envie et l' occasion. Tout le propos de "Le Bonheur des petits poissons" est d' exalter l' imagination.

C' est par un saut de l' imagination que l'on saisit la vérité. C' est vrai non seulement pour la pensée scientifique, mais aussi pour la réflexion philosophique...
L' Histoire, n' enregistre pas les évenements. Elle enregistre seulement les échos des évènements, ce qui est fort différent ; et pour ce faire, elle s' appuie sur l' imagination. Livrée à elle-meme, la mémoire ne peut qu' accumuler des données dénuée d' objet et de signification....

Il ne suffit pas à l' artiste d' avoir la vision de son sujet. Pour restituer cette vision dans toute son intensité ; il doit la suggérer par la litote, notamment. Balzac, par exemple possédait la vision mais ignorait la litote à un point qui a souvent exaspéré ses meilleurs lecteurs. Ainsi Stevenson confiait à un intime : "Balzac est une espèce de Shakespeare balbutiant, écrasé sous un excès de détails forcés mais faibles. Il est ahurissant de voir combien il peut etre parfois mauvais et faux, et ennuyeux - mais aussi, bien sur, superbe et puissant dès qu' il s' abandonne à son tempérament. Mais meme alors, jamais simple ni clair. Il ne pouvait rien laisser sous-entendu... Ah, il n' y a qu' un art : l' art d' omettre."



C'est aussi ce que j'ai toujours éprouvé en lisant Balzac.
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Message par Tristram Jeu 2 Mai - 17:07

Cela fait écho aussi à l'émission "Henry James et Robert Louis Stevenson : Une amitié littéraire" qui passe actuellement sur France Culture, Bix.

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Message par Invité Jeu 2 Mai - 18:50

bix_229 a écrit:


C'est aussi ce que j'ai toujours éprouvé en lisant Balzac.

C'est ce que je me suis dit aussi en lisant ce passage !

Sinon :

Quand on lit certains ouvrages de sociologie, de sciences politiques ou de théorie littéraire, on souscrirait volontiers à cette suggestion jadis formulée par un de mes collègues : de même que les gouvernements de certains pays hyperdéveloppés paient de temps en temps leurs paysans pour qu'ils ne produisent pas de beurre ou de maïs, ne pourrait-on pas subsidier certains universitaires pour qu'ils cessent d'écrire des livres ?

Spoiler:

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Message par bix_229 Jeu 2 Mai - 19:46

Sur l'art de la litote et de la suggestion, Mallarmé écrit :

« Nommer un objet, Stéphane Mallarmé, c'est supprimer les trois quarts de la jouissance du poème qui est faite de deviner peu à peu : le suggérer, voilà le rêve... Il doit y avoir toujours énigme en poésie, et c'est le but de la littérature,  il n'y en a pas d'autres,  d'évoquer les objets. »



C'est aussi un modèle d'expression pour moi, un modèle à atteindre dans la formulation.
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Message par Tristram Lun 7 Oct - 10:56

Les Naufragés du Batavia - Anatomie d’un massacre -

Simon Leys  Les_na11

Le subrécargue assistant (ancien apothicaire anabaptiste, et psychopathe) Jeronimus Cornelisz, qui ourdissait déjà une mutinerie lors du voyage à destination de Java, prit le pouvoir sur les rescapés après le naufrage du Batavia, bâtiment de la Compagnie hollandaise des Indes orientales (« près de trois cent trente personnes » à bord) en 1629 sur un récif des Houtman Abrolhos au large du continent australien ; il organisa le massacre de « 125 hommes, femmes et enfants, tous abattus en à peine deux mois » (Wikipédia).
Éloquent et persuasif, « son autorité se fondait sur une base idéologique » selon Simon Leys, qui rapproche cette fabrique de l’Enfer sur terre du nazisme.
« …] quiconque se signalait de façon quelconque à leur attention se voyait séance tenante mis en demeure de prouver son loyalisme et sa soumission au Capitaine-général : on lui désignait aussitôt une victime à assommer, étrangler, noyer ou poignarder, et s’il hésitait, c’était lui-même qui subissait ce même traitement.
De cette façon, tout le monde finit par être impliqué dans ce massacre permanent. Finalement, qui était complice et qui victime ? Le dessein de Cornelisz était d’effacer toute démarcation claire entre ces deux états, car c’était sur cette confusion même que s’asseyait son pouvoir. Les serments d’allégeance que tous avaient prêtés (et durent renouveler à plusieurs reprises) consacraient déjà une sorte de participation collective au meurtre. Quant à ceux qui acceptaient de jouer une part active et personnelle dans les assassinats, la plupart tuaient simplement par peur d’être eux-mêmes tués ; mais quelques-uns y prirent finalement goût […]
Une société civilisée n’est pas nécessairement une société qui comporte une moindre proportion d’individus criminels et pervers (celle-ci est probablement à peu près constante dans tous les groupements humains) – simplement, elle leur donne moins l’occasion de manifester et d’assouvir leurs penchants. »
Je ferais cependant remarquer que certaines rares personnes s’insurgèrent contre Cornelisz et ses affidés, comme le simple soldat Hayes.

Ce bref texte est suivi d’un autre, Prosper, récit autobiographique d’une marée sur un des derniers dundee-thoniers (à voile) en Bretagne. Dur métier, où l’équipage carbure essentiellement au vin rouge.
« Félix a soixante-deux ans, dont cinquante ans de mer »

« Bombard, lui, est l’objet de l’hostilité collective des pêcheurs, et pour des raisons complexes. La première est que jamais un homme de métier ne pourra accepter qu’un amateur ait quelque chose à lui enseigner. Comment un terrien pourrait-il en remontrer à des marins sur le sujet de la survie en mer ? La seconde est que Bombard vient déranger un grand nombre d’habitudes – principalement, celle de périr quand on fait naufrage – et veut instaurer de nouvelles (et coûteuses) obligations, dont celle d’avoir à bord un équipement de sauvetage effectivement capable de remplir sa fonction. »

« Bien que les lois de la mer consacrent la priorité absolue des voiliers, si petits soient-ils, sur les navires à moteur même les plus grands, nous ne pouvons pas escompter que ces monstres prennent jamais conscience de notre présence ; surtout de nuit, ils nous couleraient bas et poursuivraient froidement leur chemin sans s’être aperçus de rien. »

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Message par Tristram Ven 11 Oct - 12:36

Le Bonheur des petits poissons

Simon Leys  Le_bon11

Recueil de chroniques littéraires ‒ souvent basées sur de nombreuses citations (tirées de la littérature française, mais aussi extrême-orientale) avec de nombreux exemples venus de biographies, de la peinture, du cinéma.
Dans le texte éponyme, un jeune maoïste s’en prend dans un symposium d'historiens à un spécialiste de la peinture de paysage des Song.
« Tout en désapprouvant le manque de manières de leur bouillant collègue, la plupart de ces universitaires estimaient au fond que, dans un débat intellectuel, toute opinion est estimable ; nul ne semblait comprendre que ce que l'on venait d'entendre n'était pas une opinion parmi d'autres, mais bien un constat de décès de l'idée même de l'université. En effet, ce que le jeune idéologue avait proclamé – sans susciter la moindre réfutation – c'était l'illégitimité des jugements de valeur ; mais si la vérité n'est qu'un préjugé de classe, toute l'entreprise universitaire se trouve réduite à une farce absurde. Comment pourrait-on étudier, par exemple, la littérature et les arts sans se référer à la notion de qualité littéraire et artistique ? Sans cette référence, les bandes dessinées de Superman et les feuilletons sentimentaux de Barbara Cartland doivent constituer un sujet d'étude aussi valable que les œuvres de Shakespeare et de Michel-Ange. C'est là, du reste, la conclusion qu'a largement adoptée l'université aujourd'hui. »

« Seul le jugement de la postérité peut donner des béquilles au goût défaillant, en balisant clairement les œuvres qu'il lui conviendrait d'admirer. Ainsi Sainte-Beuve a pu commenter avec finesse les valeurs établies, tandis qu'il tâtonnait en aveugle parmi les ouvrages contemporains. »

« Céline et le Docteur Destouches auraient-ils donc été deux individus différents ?
Non, dirait Sainte-Beuve, qui pensait que l'homme et l'écrivain ne font qu'un : une complète connaissance du premier vous livrera la pleine compréhension du second. Mais Proust a superbement démoli cette mécanique grossière : "[Sainte-Beuve] méconnaît ce qu'une fréquentation un peu profonde avec nous-même nous apprend : qu'un livre est le produit d'un autre moi que celui que nous manifestons dans nos habitudes, dans la société, dans nos vices." Ce qui explique d'ailleurs le contraste parfois saisissant entre la splendeur d'une œuvre et la malodorante misère humaine de son auteur. Paradoxe bien résumé par l'axiome de Valéry : "Toute personne est moindre que ce qu'elle a fait de plus beau." Hilaire Belloc en explique la raison : "Quand une œuvre est réussie, le fait est que ce n'est pas simplement un homme qui en est l'auteur, mais un homme inspiré." Bernanos, humble et lucide, disait du Journal d'un curé de campagne : "J'aime ce livre comme s'il n'était pas de moi." Et il ajoutait : "Je ne suis pas responsable de ce que j'ai créé : virtus de illo exibat." »
(La citation latine de Bernanos peut se traduire par « une force sortait de lui », et semble extraite de l'Évangile selon Luc.)
Beaucoup de notations pertinentes, parfois bizarres, et qui ont pour but apparemment de donner matière à penser au lecteur.
« Et le fait est que seules les impressions accidentelles laissent une empreinte durable sur notre sensibilité ; nous ne les avions pas recherchées – et moins encore, n'avions réservé à cette fin une place dans un tour organisé. »

« Ce que le mythe communique, ce n'est pas la vérité, mais la réalité. La vérité est toujours à propos de quelque chose, mais la réalité est cela même dont parle la vérité. » (C. S. Lewis)

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Message par Bédoulène Ven 11 Oct - 20:02

merci Tristram ! (encore un que je n'ai pas lu)

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“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia



[/i]
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Message par Tristram Dim 20 Oct - 17:03

Le Studio de l'inutilité

Simon Leys  Le_stu10

Essais (préfaces, articles, etc.) regroupés en trois parties, Littérature, Chine et La Mer.
« Les gens comprennent tous l’utilité de ce qui est utile, mais ils ignorent l’utilité de l’inutile. »
Zhuang Zi
Belgitude de Michaux
« D’entrée de jeu, le voyage apparaît comme l’activité essentielle de Michaux. On a pu dire que les maladies sont les voyages des pauvres ; combien plus vrai encore serait-il de dire que les maladies sont les premiers et les plus prodigieux voyages des enfants. »

« Les vertus qui nous rendent Michaux particulièrement cher sont précisément son irrespect tonique, son intelligence acérée et son absolue originalité – toutes ses idées, c’est par lui-même qu’il y est arrivé, avec une sorte de naïveté barbare, et jamais il ne se laissa guider par aucune mode. »

« Le phénomène des écrivains de génie qui, sur le tard, cessent de comprendre ce qu’ils ont fait de mieux, le désavouent et le gauchissent, ou s’appliquent à le refaire et à le mutiler, est consternant, mais nullement exceptionnel. Si la mort ne l’avait interrompu, Gogol aurait achevé de saboter ses Âmes mortes en leur accrochant l’affreuse rallonge d’une seconde partie en forme de sermon moral. Tolstoï, dans ses vieux jours, s’estimait coupable d’avoir gaspillé son énergie à écrire un roman frivole comme Anna Karénine, alors qu’il aurait dû employer son temps à rédiger de la propagande pieuse. Henry James, à la fin de sa vie, entreprit de récrire nombre de ses romans pour une nouvelle édition de ses œuvres complètes ; une certaine verbosité tortueuse que l’on croit souvent caractéristique de son style, n’est en fait que le résultat de cette révision tardive et malencontreuse qui, à l’époque, suscita une réaction horrifiée de la critique new-yorkaise : "On souhaiterait que M. James ait plus de respect pour les classiques, à commencer par ceux qui sont sortis de sa plume." Conrad, souffrant dans ses dernières années d’une véritable sclérose de l’imagination, renia la riche ambiguïté des grands romans de sa maturité. Même les créateurs de bandes dessinées souffrent parfois de cette désolante révisionniste : Hergé redessina tous les Tintin de la première partie de sa carrière, et, ce faisant, tua la verve et la saveur qui avaient animé le graphisme des planches originales.
Plus une œuvre est originale et parfaite, plus elle est vulnérable et risque ultérieurement de subir les mauvais traitements de son géniteur. Une œuvre inspirée est, par définition même, une œuvre qui a échappé à son auteur – le danger est donc qu’il veuille la rattraper et qu’il tente maladroitement de rétablir son contrôle sur elle. Nul artiste n’est à la hauteur de ce qu’il a fait de plus beau : cet écart peut devenir pour lui source de perplexité et d’hostilité. Dans le cas de Michaux, il n’est donc pas étonnant que ce soit Un barbare en Asie – son chef-d’œuvre – qui ait finalement été le plus cruellement malmené par ses révisions. »
De G. K. Chesterton :
« La poésie est une saisie du réel. La poésie dresse un inventaire de l’univers visible ; elle donne leur nom à toutes les créatures ; elle nomme ce qui est. »
G. K. Chesterton dixit :
« Il n’y a pas de choses mauvaises, mais seulement un mauvais usage des choses. Ou, si vous voulez, il n’y a pas de mauvaises choses, mais seulement des pensées mauvaises, et surtout des intentions mauvaises. Il est possible de disposer des choses bonnes avec de mauvaises intentions, et les bonnes choses, telles que le monde et la chair, ont été détournées par une intention mauvaise, appelée le diable. Mais le diable est incapable de rendre aucune chose mauvaise – les choses demeurent telles qu’elles ont été créées le premier jour. L’œuvre du Ciel seule est matérielle – la création du monde matériel. L’ŒUVRE DE L’ENFER EST ENTIÈREMENT SPIRITUELLE. »

« La démocratie, c’est comme quand on se mouche : même si vous ne le faites pas bien, vous devez le faire vous-même. »
Puis Orwell ; Conrad et L’Agent secret ; le prince de Ligne et le XVIIIe ; Segalen ; Milosz, Camus et Simone Weil ; Nabokov.
« Pour écrire ses romans, Nabokov procédait de façon très particulière : son habitude était de former d’abord dans son esprit une vision complète de l’œuvre, et ensuite il se mettait à noter sur des fiches un premier brouillon fait de fragments détachés, sans suite logique ni chronologique. Ces fiches, d’un format légèrement inférieur à celui de cartes postales standard, présentent chacune, uniquement sur le côté recto, un court passage (pouvant aller d’une ligne à un ou deux paragraphes). Certaines fiches ne comportent qu’une phrase isolée – une idée, une touche descriptive ; d’autres offrent une séquence numérotée, formant une narration ininterrompue (allant, dans deux cas, jusqu’à plus de vingt fiches).
Dans une seconde étape, il mélangeait et réassemblait ces fiches, organisant un projet de structure, esquissant liens et connexions, tissant ensemble les divers fils de l’intrigue. La composition prenait ainsi progressivement forme, jusqu’à ce qu’un manuscrit définitif et continu puisse enfin être mis au net. »
Anatomie d’une « dictature post-totalitaire »
« L’inhumanité de l’époque maoïste qui a fait de la Chine un champ de ruines est la cause principale du “vide moral” que nous observons aujourd’hui dans le pays entier. »
Liu Xiaobo
L’université :
« Mais, si l’exigence d’égalité est une noble aspiration dans sa sphère propre – qui est celle de la justice sociale –, l’égalitarisme devient néfaste dans l’ordre de l’esprit, où il n’a aucune place. La démocratie est le seul système politique acceptable, mais précisément elle n’a d’application qu’en politique. Hors de son domaine propre, elle est synonyme de mort : car la vérité n’est pas démocratique, ni l’intelligence, ni la beauté, ni l’amour – ni la grâce de Dieu. (…) Une éducation vraiment démocratique est une éducation qui forme des hommes capables de défendre et de maintenir la démocratie en politique ; mais, dans son ordre à elle, qui est celui de la culture, elle est implacablement aristocratique et élitiste. »

« Les écoles professionnelles et techniques sont fort utiles, tout le monde comprend ça ; les universités sont inutiles – transformons-les donc en un ersatz d’écoles professionnelles : telle est la mentalité qui menace aujourd’hui la survie de l’université. Les pressions exercées sur elle par ses principaux bailleurs de fonds pour qu’elle justifie son existence en termes quantitatifs et utilitaires sont probablement le plus redoutable facteur de corruption auquel elle doit maintenant faire face. »

\Mots-clés : #essai

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Message par Bédoulène Lun 21 Oct - 10:08

ça dit quoi sur Simone Weil et Camus ?

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Message par Tristram Lun 21 Oct - 15:11

Leys parle des rapports amicaux de Milosz, Weil et Camus.

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Message par Bédoulène Lun 21 Oct - 16:58

d'accord !

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