Jon Kalman Stefansson
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Jon Kalman Stefansson
Jón Kalman Stefánsson est un auteur islandais. Il grandit à Reykjavík et à Keflavík.
Après avoir fini ses études au collège en 1982, il travailla en Islande de l'ouest (par exemple dans les secteurs de la pêche et de la maçonnerie). Il entreprit ensuite des études en littérature à l'université d'Islande de 1986 à 1991, mais sans les terminer. Pendant cette période, il donna des cours dans différentes écoles et rédigea des articles pour le journal Morgunblaðið. Ensuite (de 1992 à 1995), il vécut à Copenhague, où il participa à divers travaux et s'adonna à une lecture assidue. Il rentra en Islande et s'occupa de la Bibliothèque municipale de Mosfellsbær jusqu'en 2000. Depuis, il se consacre à la production de contes et de romans.
Œuvres en français
L'Été derrière la montagne, 1997
La Lumière sur les montagnes, 1999
Diverses choses à propos des séquoias et du temps, 2001
Le Crépitement des étoiles, 2003
L'Enfer et le Paradis , 2007,
Entre ciel et terre, 2010 (prix Critiques Libres) ; Page 1, 2
La Tristesse des anges, 2011 ; Page 1
Le Cœur de l'homme, 2013 ; Page 1
D'ailleurs, les poissons n’ont pas de pieds, 2015 ; Page 1
A la mesure de l'univers, 2017 ; Page 1
Ton absence n'est que ténèbres, 2022 ; Page 2
MAJ de l'index le 20/03/2022
Entre ciel et terre, La tristesse des anges et Le cœur de l'homme constituent une trilogie d'une force et d'un réalisme poignants. La poésie est omniprésente, les questions existentielles sont posées à chaque paragraphe. La construction littéraire d'une originalité évidente donne à cette œuvre une dimension exceptionnelle.
Ses textes dépeignent avec humour une Islande rurale et quelque peu idéalisée avec des personnages assez singuliers et originaux, mais toutefois sympathiques.
simla- Messages : 302
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Re: Jon Kalman Stefansson
Mais voilà, ils sont beaucoup les auteurs et les livres qui n' attendent que moi...
bix_229- Messages : 15439
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Re: Jon Kalman Stefansson
Déjà, le pari était facile à gagner avec moi, cette histoire de noyés, de pays hostile et de mer, sans laquelle on ne saurait vivre, mais avec laquelle il faut bien mourir….
J'ai aimé les personnages, ce 'gamin" .
J'ai aussi aimé l'idée, que les mots et les livres, pour ceux qui les aiment et les fréquentent, permettent d'élaborer une pensée, un questionnement, une incertitude. C'est assez banal à dire, certes, et cela ne concerne pas que les livres, mais la culture en général, mais c'est quand même quelque chose auquel je crois, et même si ce n'est pas une idée nouvelle, sur quoi écriraient les écrivains si ils n'écrivaient que sur des idées nouvelles ? J'ai trouvé intéressante cette façon de montrer que c'était aussi quelque chose de dangereux, puisque c'est le livre qui fait que l'ami du gamin oublie sa vareuse, et finit par mourir. Le propos n'est donc pas si simpliste que cela.
Ensuite, j'ai beaucoup aimé le style, j'ai trouvé qu'il était berçant, qu'il avait un mélange de poésie mélancolique, et de légende. et cet aspect légende, pour moi, a excusé tout le négatif: les truismes, un côté parfois répétitif, le « nous » de narration, qui désigne parfois les vivants, et parfois les morts, (avec ce côté omniscient ). Et cela excusait même cette espèce de philosophie de bazar qui dit oui, malgré tous les malheurs, et bien que la vie soit difficile, elle vaut la peine d'être vécue.
Donc, ce livre est plein de défauts, mais, ce qui compte, "c'est l'histoire, la façon dont on le raconte" comme disait Yves Dutheil, et ça, moi, j'ai adoré.
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Etre dans le vent, c'est l'histoire d'une feuille morte.
Flore Vasseur
topocl- Messages : 8546
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Re: Jon Kalman Stefansson
La tristesse des anges
Voici un roman empli de poésie et aussi de tristesse que j'ai adoré !
Deux principaux personnages, Jens le Postier, un colosse taiseux et "le gamin" un jeune homme subitement orphelin recueilli par une famille islandaise, dont le père pêcheur s'est noyé au cours d'une tempête et dont toute la famille est morte par la suite.
" Lorsque Jens le Postier arrive au village, gelé, il est accueilli par Helga et le "gamin" qui le détachent de sa monture avec laquelle il ne forme plus qu'un énorme glaçon. Sa prochaine tournée doit le mener vers les dangereux fjords du Nord qu'il ne pourra affronter sans l'assistance d'un habitué des sorties en mer.
De son côté, le gamin poursuit sa découverte de la poésie et prend peu à peu conscience de son corps, des femmes et de ses désirs. C'est lui qu'on envoie dans cet enfer blanc, "là où l'Islande prend fin pour laisser place à l'éternel hiver", accompagner Jens dans son périple.Malgré leur différence d'âge, leurs caractères opposés, ils n'ont d'autre choix que de s'accrocher l'un à l'autre, s'accrocher à leurs amours éloignées, pour ne pas céder à l'impitoyable nature."
Le gamin aime lire et parler. Jens, lui, trouve que parler ne sert à rien, seule l'action prouve quelque chose. Peu à peu, le gamin va établir un contact avec Jens et le contraindre à se révéler au fils des journées...
La neige et le vent sont omniprésents, la marche est très difficile et dangereuse dans cet univers blanc: "l'homme peut rester longuement debout lorsque son existence est en jeu, le désir de vivre n' a pour ainsi dire aucune limite ".
Leur tournée est interrompue par quelques haltes, des personnages souvent émouvants, des vies toujours douloureuses.
Une très belle réflexion philosophique sur le poids des mots et l'influence des livres dans la vie.
Quelques passages :
Le gamin se lève précautionneusement, il n'est pas certain que ses jambes fatiguées parviendront à le soutenir, mais elles le font, l'assurance du repos qu'elles connaîtront bientôt leur donne de la force, il jette un oeil de côté en arrivant à la porte, regarde les étagères pleines de livres et de mots qui ont le pouvoir d'ouvrir sur des mondes nouveaux, tandis que les yeux de Kjartan se perdent dans la nuit. Il est toujours possible de connaître un homme à ce sur quoi ses yeux se portent. Je croyais, déclare le gamin, trop assommé de fatigue pour être timide, qu'on ne pouvait pas être malheureux entouré d'une telle quantité de livres. Kjartan tourne la tête vers lui et le fixe longuement, mais il ne répond rien."
" Celui qui meurt ne revient pas, nous l'avons perdu, aucune puissance dans l'univers n'est capable de nous rapporter la chaleur d'une existence engloutie, le son d'une voix, le mouvement d'une main, la douceur d'un humour. Tous ces détails qui constituent la vie et qui lui donnent sa valeur sont disparus pour l'éternité, ils sont engloutis, mais il laissent dans le coeur comme une plaie ouverte que le temps change peu à peu en une cicatrice boursouflée. Toutefois, celui qui meurt ne nous quitte jamais tout à fait, c'est le paradoxe qui nous console autant qu'il nous torture, celui qui est mort est à la fois proche et distant."
Un magnifique roman
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simla- Messages : 302
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Re: Jon Kalman Stefansson
Dernier tome de la trilogie, aussi magique que les précédents.
Jens le postier et le gamin ont survécu à la tempête de neige qui les a propulsés quasiment dans la maison du médecin d'un village.
Le gamin rencontre Geirpruour, une femme indépendante, riche et libérée des conventions, détestée par plus d'un, notamment Friorik le riche marchand du village. Geirpruour tient un petit café, entre autres, et recueille le gamin. comme elle a recueilli Kolbeinn, un capitaine devenu aveugle, féru de poésie, qui avec, Gisli, le directeur de l'école alcoolique, fera l'éducation du gamin.
" Gisli quitte la maison de Geirpruour, il a terminé son enseignement. Que signifie se trahir soi-même, quelle est la pire des trahisons, le pire des crimes, si grand que le roi en personne ne saurait t'en absoudre ? Ne pas oser vivre, telle était la réponse du gamin."
Au hasard....
" Les étés d'Islande sont si brefs et capricieux qu'on dirait parfois qu'ils n'existent pas. Ici, il peut neiger jusqu'à mi-pente sur les montagnes en plein mois de juin, et il arrive que les oiseaux gèlent entre les touffes d'herbe dans la nuit d'août.Mais rien au monde n'est aussi lumineux et limpide que le mois de juin, le crépuscule et l'aube se confondent, les ombres disparaissent et le ciel se teinte d'un bleu d'éternité jusqu'au milieu de la nuit..."
"Un navire qui vogue sous le vent est comme une musique. Les cordages et le bois gorgé de sel craquent, les voiles sont gonflées par la brise, cet air en mouvement sous les étoiles et le soleil, et la pluie a cessé. "
.....L'homme est né pour aimer, les fondements de l' existence sont aussi simples que ça. Voilà pourquoi le coeur bat, étrange boussole ; grâce à lui, nous trouvons aisément notre route à travers les brumes les plus
opaques où les périls nous guettent de tous côtés, à cause de lui , nous nous perdons et nous mourons en plein soleil."
" Les mots ne sont pas des blocs de pierre inertes ni des ossements blanchis et battus par les vents sur les montagnes . Avec le temps, y compris les mots les plus banals sont susceptibles de s'éloigner de nous pour se transformer en musées d'un époque révolue, abritant des choses disparues qui ne reviendront pas. Prés,champs fumés au fumier de mouton, ces mots nous font presque monter les larmes aux yeux, quelque chose se brise au fond de nous, comme lorsque nous sommes confrontés à l' improviste à de vieilles photos où nous voyons des visages depuis longtemps disparus sous la terre, ou au fond de la mer. Où sont les prés ? ...."
" Ton coeur bat-il encore ? Et si oui, comment ? Par le diable en personne ! Le gamin reçoit une lettre où il est question des battements de son coeur. Comme s'il n'était pas assez éprouvant de vivre."....
Merveilleusement poétique, romantique, mélancolique aussi mais on referme ce livre, comme les deux premiers, heureux
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simla- Messages : 302
Date d'inscription : 23/12/2016
Re: Jon Kalman Stefansson
D'ailleurs les poissons n'ont pas de pieds
c'est d'ailleurs pour cela qu'ils ne marchent pas sur l'eau....dit ce poète de Jon Kalman Stefansson
J'ai adoré ce roman, comme ses précédents
L'histoire de l'Islande vue à travers les destinées de trois générations d'islandais, un poète, des pêcheurs, une région, une ville Keflavik, l'implantation d'une base américaine qui influence toute une génération, et ensuite l'instauration des quotas de pêche qui mène cette ville à "une non existence" :
"Keflavik a trois points cardinaux : le vent, la mer, l'éternité"
Ari, revient au pays, après un long séjour a Copenhague où il travaillait dans une maison d'édition, il a quitté d'une façon abrupte sa femme, ses filles, son père, avec lequel il n'a quasiment pas ou peu de relations, lui fait parvenir un colis de souvenirs et tous ceux-ci remontent à la surface, sa mère décédée, la mémoire des grands-parents, leur vie de pêcheurs..
Les femmes sont omniprésentes, une justesse d'analyse dans leurs personnalités, leur place dans la société bien définie, le pouvoir des hommes les maintenant toujours à une place pas toujours bien vécue ni choisie...je dirais que Stefansson est un féministe convaincu
"Il ne savait pas que cette femme aussi belle que la lune, aussi mystérieuse que la nuit du mois d'août,n'avait supporté ni le poids des responsabilités, ni la fatigue éreintante, il ne savait pas que les deux conjugués avaient fini par engendrer ce démon qui venait l'assaillir dans son sommeil, l'accueillait à son réveil, elle avait ployé, puis s'était effondrée et enfuie par cet escalier menant au sous-sol de la maison du quartier de Vesturbaer à Reykjavik, elle avait fui sa petite fille de trois mois qui pleurait et hurlait dans son berceau, fui sa fille ainée, la mère d'Ari alors âgée de dix-huit mois, qui toussait et se mouchait sans relâche, refusait de s'alimenter, avait arraché la cuiller des mains de sa mère en trépignant, toutes trois hurlaient et pleuraient, la plus petite à cause de la fatigue et du mal de ventre, la plus grande parce qu'elle était souffrante et que la réaction de sa mère l'avait effrayée, quant à la grand-mère que j'ai en commun avec Ari, elle s'était mise à hurler parce que cette chose qui aurait du être la plus belle du monde, le but de la vie elle-même, la source de la beauté et de l'innocence avait transformé son existence en véritable enfer.
La vie n'avait rien à voir avec tout ça, ces difficultés financières, cette constante fatigue, ce manque de sommeil et son mari en haute mer qui ne comprenait rien, ne remarquait rien, c'en était fini de l'aventure....."
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"Les plus vieux écrits de ce monde, ceux qui sont si anciens qu'ils ne sauraient mentir, affirment que le destin habite les aurores et qu'il convient donc de s'armer de précautions au réveil : caresser une chevelure, trouver les mots qu'il faut, prendre le parti de la vie....
Il est vrai qu'à l'aube nous ressemblons parfois à une plaie ouverte.Nous sommes fragiles et désarmés et tout tient au premier mot prononcé, au premier soupir, à la manière dont tu me regardes quand tu t'éveilles, dont tu me considères au moment où j'ouvre les yeux pour m'arracher au sommeil, cet univers étrange où nous ne sommes pas toujours nous-mêmes, où nous trahissons ceux que nous ne pourrions imaginer trahir, où nous accomplissons d' héroïques prouesses, cet univers où nous volons, où les défunts revivent et où les vivants périssent. On dirait parfois que nous entrevoyons l'autre versant du monde, qu'il se livre à nous dans une autre version, comme s'il entendait par là nous rappeler que nous ne sommes pas forcément celui ou celle que nous devrions être, que la vie a mille facettes et qu'il n'est - hélas et Dieu merci- jamais trop tard pour s'engager sur une voie nouvelle, un chemin imprévu. Puis nous nous réveillons, si fragiles, désarmés et à fleur de peau, que tout est suspendu à nos premiers soupirs.Le jour tout entier, la vie tout entière peut-être. Alors regarde-moi avec délicatesse, dis quelque chose de beau, caresse-moi les cheveux car la vie n'est pas toujours juste, elle n'est pas tous les jours facile et nous avons si souvent besoin d'aide, viens et apporte-moi tes mots, tes bras, ta présence, sans toi je suis perdu, sans toi je me brise au creux du temps. Sois auprès de moi à mon réveil."
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L'amour, déclare-t-il, est une Voie lactée rayonnante et indestructible ! Et le plus douloureux dans la vie est sans doute de n'avoir pas assez aimé, je ne suis pas certain que celui qui s'en rend coupable puisse se le pardonner."
Du pur Stefansson, un des seuls auteurs qui me donne la chair de poule en le lisant, quelle joie de savoir qu'il existe
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simla- Messages : 302
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Jon Kalman Stefansson
A la mesure de l'Univers
Suite du roman : "D'ailleurs les poissons n'ont pas de pieds".
On y retrouve les personnages principaux , Ari, qui rentre du Danemark après avoir reçu une lettre de son père, Jakob, lui annonçant sa mort imminente. Les amants magnifiques Margret et Oddur....... etc....
C'est une plongée dans le passé qui l'attend au fil des rencontres, il retrouve des amis ou connaissances perdus de vue depuis des années. Il attend des réponses à ses interrogations, la mort de sa mère, la venue subite de sa belle-mère, son enfance bouleversée....
Stefansson, comme souvent, entrecroise les époques, les histoires personnelles et les lieux avec toujours son style poétique :
" Combien de jours vivons-nous sur cette planète, qui, au fil d 'une vie, comptent réellement, de jours où des choses sont susceptibles d'advenir, qui rendent notre existence plus lumineuse et plus pleine le soir qu'elle ne l'était le matin - combien de jours ? "
Beaucoup de poésie comme toujours, des chansons de variétés émaillent le récit tout du long, rappels d'une époque révolue, un vrai bonheur, mais un rien mélancolique quand même !
Extrait :
Hallny a toujours eu une santé fragile, mais elle n’a jamais manqué de courage, son foyer était impeccablement tenu, elle s’accordait rarement un instant de répit, ni dans sa maison ni à l’extérieur, elle dépeçait les phoques avec la même dextérité qu’un homme, et tout aussi vite, puis elle tannait les peaux, et les traitait avec tant de soin que celles qui étaient passées entre ses mains étaient toujours de premier choix. Et elle avait pour habitude de regarder les étoiles. Pas comme certains autres, qui ne font que lever brièvement les yeux vers elles – le ciel étoilé l’appelait à lui d’une manière différente. Elle aimait se poster à la porte, le soir, pour l’observer, elle croisait ses bras décharnés et regardait. Complètement ailleurs. Laissant le froid entrer dans la maison et la transpercer. Elle ne revenait à elle que quand quelqu’un lui donnait un coup de coude pour la réveiller, refermait alors la porte à regret, allait vaquer à ses occupations, car elle n’en manquait pas ; les étoiles sont certes extrêmement nombreuses et fascinantes, on peut dire et supposer beaucoup de choses en s’appuyant sur elles, mais jamais elles ne sont acquittées de nos corvées à notre place.
Hallny le savait bien, mais parfois, elle était simplement trop subjuguée, tellement emportée qu’elle refermait la porte, certes, mais pour franchir le perron, aller s’installer au pied du mur de l’étable, ou plus loin, en contrebas s’y asseoir, ou s’adosser à une charrette de foin, elle continuait à regarder, à déchiffrer la voûte céleste. Elle oubliait le froid, oubliait le vent polaire qui lui transperçait le corps, elle était sortie sans enfiler un manteau, tête nue, bras nus, si maigre qu’elle ne tardait pas à être transie. Maman est sortie, prévenait un des enfants, quand une tâche laissée en suspens soulignait son absence, et son époux, le père de la belle-mère, cet homme taciturne et tout d’un bloc, marmonnait quelques mots qui ressemblaient à, quelle maudite idiotie, il attrapait alors une couverture en laine, un bonnet et sortait la chercher, la trouvait dans la nuit, sous les étoiles, posait la couverture sur ses épaules frêles, lui caressait brièvement la tête, si brièvement qu’on pourrait croire que cette caresse est une illusion d’optique, avant de lui enfiler le bonnet. Il restait un instant à côté d’elle, regardait également et rentrait se mettre au chaud.
Donc, en fin de compte, l’amour n’a rien à voir avec ces je t’aime à mourir, ces you’ll alvways be my endless love, ces tu seras toujours mon amour infini – mais avec cet instant où quelqu’un sort dans le froid avec une couverture et un bonnet pour qu’une autre personne puisse continuer à contempler les étoiles…
… et c’est pour cette raison que Hanny, la mère de la belle-mère, a pleuré à l’enterrement de son mari, cet homme taciturne, râblé et aussi dur qu’une pierre, car qui viendrait désormais lui poser une couverture sur les épaules ? "
simla- Messages : 302
Date d'inscription : 23/12/2016
Re: Jon Kalman Stefansson
tu l'as beaucoup lu cet écrivain, tu dois apprécier son écriture !
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“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia
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"Il n'y a pas de mauvais livres. Ce qui est mauvais c'est de les craindre." L'homme de Kiev Malamud
Bédoulène- Messages : 21622
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Re: Jon Kalman Stefansson
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Armor- Messages : 4589
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Re: Jon Kalman Stefansson
Eh oh attends, j'arrive !
bix_229- Messages : 15439
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Re: Jon Kalman Stefansson
Extrait d'une interview
ça y'est je suis entré dans le royaume de Stefansson, et je ne suis pas près d'en sortir.
C'est magnifique, vraiment poétique et jamais obscur.
bix_229- Messages : 15439
Date d'inscription : 06/12/2016
Localisation : Lauragais
Re: Jon Kalman Stefansson
simla- Messages : 302
Date d'inscription : 23/12/2016
Re: Jon Kalman Stefansson
Le premier contact avec lui est très enthousiasmant.
Ensuite... écrivain est un métier à risque.
bix_229- Messages : 15439
Date d'inscription : 06/12/2016
Localisation : Lauragais
Re: Jon Kalman Stefansson
simla a écrit:¨J'adore cet auteur, par contre, son dernier roman Asta, une cruelle déception..je n'en ai même pas parlé, j'aurais peut-être dû.....je n'y ai trouvé aucun intérêt. Un roman charnel disent-ils...ma foi, des descriptions anatomiques de l'acte sexuel très surprenantes chez Stefansson....une histoire sans queue ni tête..enfin du moins pas beaucoup de tête
Oui, cela m'étonne aussi de cet auteur qui semblait habité par une certaine forme de simplicité, voir même retenu. Tout en déployant des histoires sur fond islandais.
Merci à simla et Bix!
tom léo- Messages : 1353
Date d'inscription : 04/12/2016
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Re: Jon Kalman Stefansson
Mais certains ont aimé Asta ai-je lu dans des rubriques littéraires....ma foi....je ne représente que moi-même (et ma soeur..fan comme moi de cet écrivain) dans cette opinion très négative sur son dernier ouvrage....qui sait, vous aimerez peut-être ?
simla- Messages : 302
Date d'inscription : 23/12/2016
Re: Jon Kalman Stefansson
bix_229- Messages : 15439
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Re: Jon Kalman Stefansson
Folio
Celui qui meurt se transforme immédiatement en passé. Peu importe combien il était important, combien il était bon, combien sa volonté de vivre était forte et combien l'existence était impensable sans lui : touché ! dit la mort, alors, la vie s'évanouit en une fraction de seconde et la personne se transforme en passé. Tout ce qui lui était attaché devient un souvenir que vous luttez pour conserver et c'est une trahison que d'oublier. Oublier la manière dont elle buvait son café. La manière dont elle riait. Cette façon qu'elle avait de lever les yeux. Et pourtant, pourtant, vous oubliez. C'est la vie qui l'exige. Vous oubliez lentement, mais sûrement, et la douleur peut être telle qu'elle vous transperce le coeur.
Il y a un siècle en Islande, la peche à la morue n'était ni un sport ni un passe temps. Juste un moyen pour les pêcheurs de gagner leur croute en bravant tous les dangers. Leurs embarcations étaient des coquilles de noix que la houle bousculait et que la tempête retournait souvent. Et les pêcheurs ne savaient pas nager. Le froid était redoutable, et si on oubliait un vêtement chaud, ou pouvait en mourir.
Si Stefansson avait voulu peindre l'univers de ces travailleurs de la mer comme un Zola, il y avait largement matière. Mais l'éclairage est différent et il n'y a pas de distance entre lui et ses personnages. Seulement l'empathie et la compréhension.
Le travail n'empêche pas les pêcheurs d'etre humains et pitoyables et l'entraide est plus qu'une sauvegarde. Les morts ne le sont pas au point de regretter leur sort.
Deux matelots s’étaient noyés, leurs corps n’avaient jamais été retrouvés et ils étaient allés rejoindre la foule des marins qui errent au fond de la mer, se plaignant entre eux de la lenteur du temps, attendant l’appel suprême que quelqu’un leur avait promis en des temps immémoriaux, attendant que Dieu les hisse vers la surface et les attrape dans son épuisette d’étoiles, qu’il les sèche de son souffle tiède et les laisse entrer à pied sec au royaume des cieux, là, il n’y a jamais de poisson aux repas, disent les noyés qui, toujours aussi optimistes, s’occupent en regardant la quille des bateaux, s’étonnent du nouveau matériel de pêche, maudissent les saloperies que l’homme laisse dans son sillage, mais parfois aussi, pleurent à cause de la vie qui leur manque, pleurent comme pleurent les noyés et voilà pourquoi la mer est salée.
La douleur de la perte des amis des parents les laissent désarmés, au bord du suicide. Et puis il y a les anges. Comme chez Wenders et Les Ailes du désir.
Ils lisent des livres et l'amitié est leur seule assurance. Mais pas leur garantie.
Ils seraient totalement démunis s'il n'existait des humains merveileusement atypiques pour veiller sur eux. Dans la mesure du possible et des rencontres.
Le style de Stefansson est clair, inspiré, poétique. On sait immédiatement qu'on a affaire à un véritable écrivain.
Vivement la suite !
bix_229- Messages : 15439
Date d'inscription : 06/12/2016
Localisation : Lauragais
Re: Jon Kalman Stefansson
simla- Messages : 302
Date d'inscription : 23/12/2016
Re: Jon Kalman Stefansson
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Bédoulène- Messages : 21622
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Re: Jon Kalman Stefansson
Quatrième de couverture
:"Dans un petit village des fjords de l’ouest, les étés sont courts. Les habitants se croisent au bureau de poste, à la coopérative agricole, lors des bals. Chacun essaie de bien vivre, certains essaient même de bien mourir. Même s’il n’y a ni église ni cimetière dans la commune, la vie avance, le temps réclame son dû.
Pourtant, ce quotidien si ordonné se dérègle parfois : le retour d’un ancien amant qu’on croyait parti pour toujours, l’attraction des astres ou des oiseaux, une petite robe en velours sombre, ou un chignon de cheveux roux. Pour certains, c’est une rencontre fortuite sur la lande, pour d’autres le sentiment que les ombres ont vaincu - il suffit de peu pour faire basculer un destin. Et parfois même, ce sont les fantômes qui s’en mêlent…
En huit chapitres, Jón Kalman Stefánsson se fait le chroniqueur de cette communauté dont les héros se nomment Davíð, Sólrún, Jónas, Ágústa, Elísabet ou Kristín, et plonge dans le secret de leurs âmes. Une ronde de désirs et de rêves, une comédie humaine à l’islandaise, et si universelle en même temps. Lumière d’été, puis vient la nuit charme, émeut, bouleverse."
Voilà, j'ai retrouvé le Stefansson que j'aime, ses écrits pleins de délicatesse, de poésie, de mélancolie...un magnifique roman....les histoires qui s 'entrecroisent de villageois confrontés à la vie rétrécie d'un village...vie à deux compliquée ou solitude pesante....une petite communauté où tout le monde se connaît, les destins se mêlent, s'éloignent...c'est vrai qu'il suffit de peu pour qu'une vie soit transformée...pour le meilleur...ou non...Les personnages sont tous plus ou moins farfelus....très émouvants.
" La mer est profonde, elle change de couleur, on dirait qu'elle respire. Heureusement qu'elle est là, parfois, les journées s'écoulent sans que rien ne se passe, alors, nous observons le fjord qui bleuit, qui verdit puis s'assombrit comme une apocalypse. Mais s'il est vrai que l'immobilité est le rêve secret de la vitesse,nous devrions peut-être créer ici une maison de repos qui accueillerait les citadins souffrant de stress, non seulement ceux de Reykjavik, mais aussi de Londres, de Copenhague, de New-York ou de Berlin. Venez donc vous ressourcer dans un lieu où il n'arrive jamais rien, où rien ne bouge en dehors de la mer, des nuages et de quelques chats domestiques. Certes, cette publicité serait quelque peu mensongère, mais quelles réclames ne le sont pas ? Celui qui travaille dans ce domaine doit être capable de nous persuader que l'inutile est nécessaire, et cela fonctionne à merveille puisque nos vies s'emplissent peu à peu d'objets futiles et de moments dénués de valeur, nous croulons tant sous les gadgets que nous peinons à garder la tête hors de l'eau."
Jónas a sorti ses mains de ses poches, il a souri, les yeux baissés, et s’est mis au travail. Il lui a fallu tout l’été pour achever son œuvre, il arrivait à six heures du matin, les joues encore douces de sommeil. (...) Jónas passait ses soirées à peindre, c’est incroyable de réussir à transformer une chose aussi inerte qu’un mur en une fresque débordante de vie, nous passons régulièrement notre temps à compter la multitude d’oiseaux qui volent par milliers sur les murs extérieurs de l’Atelier, ça fait du bien de descendre jusqu’à ce bâtiment, surtout en hiver, quand les migrateurs ont déserté le ciel, quand le temps n’avance pas, entravé par la nuit, et que même l’eau peine à s’écouler des robinets. Or les oiseaux peints sur les murs semblent tellement vivants qu’un des chats du voisinage, un démon jaune qui a écourté l’existence de bien trop de volatiles, a passé plusieurs semaines à s’en prendre aux fresques, il en a conservé un certain nombre de stigmates et ne s’est jamais complètement remis de sa chasse, venez donc nous dire après ça que l’art n’a pas le pouvoir de changer la vie.
Un très beau roman....qui, comme la plupart de ceux de Stefansson, a le pouvoir d'enchanter et d'attrister à la fois.....
simla- Messages : 302
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