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Pierre-Jakez Hélias

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Message par Tristram Lun 23 Jan - 13:03

Pierre-Jakez Hélias (1914-1995)

Pierre-Jakez Hélias  Avt_pi10

Pierre-Jacques Hélias, dit Pierre-Jakez Hélias, en breton Per-Jakez Helias, né le 17 février 1914 à Pouldreuzic (Finistère) et mort le 13 août 1995 à Quimper, est un journaliste français, homme de lettres et folkloriste de langues bretonne et française. Il est particulièrement connu pour son livre Le Cheval d'orgueil, adapté au cinéma par Claude Chabrol en 1980.


Bibliographie

Danses de Bretagne, 1955
Contes bretons du pays bigouden, 1967
Bretagne aux légendes I. La mer, 1967
Tradition bretonne : le savoir-vivre, 1969
Costumes de Bretagne, 1969
Tradition bretonne : logis et ménages, 1975
Quimper en Cornouaille, 1980 (photographies de Dominique Le Doaré)
Images de Bretagne, 1984 (nouvelle édition)
Ethnographie bretonne
Le Cheval d'orgueil Mémoires d'un Breton du pays bigouden, 1975, Page 1
Les autres et les miens, 1977
Lettres de Bretagne Langues, culture et civilisations bretonnes, 1978
Au pays du Cheval d'orgueil, 1980 (photographies d'Édouard Boubat)
Le Quêteur de mémoire Quarante ans de recherche sur les mythes et la civilisation bretonne, 1990
Un pays à deux langues, 2000 (textes inédits, édition de Fanch Broudic)

Divers
Lisbonne, Autrement, coll. « L'Europe des villes rêvées », 1986
Le Piéton de Quimper, Éditions de Fallois, 1994

Fiction
Contes du sabot à feu, Éditions Jos Le Doaré, 1961
Comme on connaît ses saints, Ar Pilhaouer, 1962
Contes du pays bigouden, Éditions Jos Le Doaré, 1967
Contes bretons de la Chantepleure, Éditions Jos Le Doaré, 1971
Comment un Breton devint roi d'Angleterre, Éditions G.P., 1976 (livre écrit pour son petit-fils Malo)
Jean qui parlait aux pierres , 1977
Le Grand Valet, La Femme de paille, Le Tracteur - Théâtre I
La Sagesse de la terre, 1980
L'Esprit du rivage, 1981
L'Herbe d'or, 1982
La Colline des solitudes, 1984 : Page 1
Les Contes du vrai et du semblant, 1984
Vent de soleil, 1988
Midi à ma porte, 1988
La Nuit singulière, 1990
Le Diable à quatre, 1993
Ventre-à-Terre, l'aventurier, éditions Coop Breizh, 1996, écrit pour son petit-fils Elvin

màj le 7/12/2017

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Message par Tristram Lun 23 Jan - 13:09

Le Cheval d’Orgueil

Pierre-Jakez Hélias  Pierre-jakez-helias-3.1282458120.thumbnail

Témoignage sur son enfance en pays bigouden, pleine de sensibilité, par un breton de souche. Les sabots, les lits-clos, les coiffes, mais aussi la grande place de la misère ou au moins de l’indigence (« la Chienne du Monde »), la faim ‒ et le corollaire respect pour la nourriture, le pain, les pommes de terre, le cochon familial (« le sacrifice du prince entripaillé ») ‒, les jeux astucieux avec des riens, cueillettes, chapardages, glanes diverses, recadrent d’ailleurs un peu notre passé proche, avec cette constatation que j’ai pu faire moi-même dans d’autres régions « défavorisées » : l’altruisme et l’entraide naturels dans la collectivité (en l'occurence, "coterie", clan) et le bonheur « simple » que vivent paradoxalement les gens des sociétés matériellement pauvres, mais qui ont encore cette dignité ici appelée orgueil (honneur et vergogne).

« Mais chacun est juge de ses devoirs. »

Hélias cite, en épigraphe au chapitre VI (La vie dure) le philosophe Destutt de Tracy (à qui on doit notamment le terme idéologie), homme politique dès la révolution (d’origine noble, il s’engage pour l’abolition des droits féodaux) :

« Les nations pauvres, c’est là où le peuple est à son aise ; les nations riches, c’est là où il est ordinairement pauvre. »
observation qui (me) donne à réfléchir.

Le passage de la langue bretonne au français, autour de la charnière de la première guerre mondiale notamment (première « ouverture » sur le reste du monde), et des Rouges de la République opposés aux Blancs dans la « nationalisation » de la France, constitue aussi un des thèmes principaux qui se dégagent. Aucun côté revendicateur chez l’auteur, qui manie parfaitement les deux idiomes (le livre, originellement écrit en breton, a d’ailleurs une vraie valeur littéraire) ; mais il souligne le malaise civilisationnel consécutif au déclassement qu’apporta l’interdiction du breton à l’école.

« Avec le français on peut aller partout. Avec le breton seulement, on est attaché de court comme la vache à son pieu. Il faut toujours brouter autour de la longe. Et l’herbe du pré n’est jamais grasse. […]
Et puis, ma mère le lit un peu certains soirs, en suivant la ligne avec le doigt de la bouillie [l’index], moi derrière elle, essayant de mettre des sons sur la balle de blé noir des signes. »

Un témoignage précieux, effectivement, sur la disparition de la paysannerie (« les jardiniers du monde »), de l’indépendance et de l’art de vivre en collectivité rurale bretonne. Aller-retour de l’exode et du tourisme, du folklore à la contestation... Plus globalement, je dirais perte de diversité (dans l’uniformisation) : appauvrissement…

« Il est plus facile d’être de son temps que d’être de quelque part. »


mots-clés : #autobiographie

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Message par Armor Lun 23 Jan - 13:16

Je l'ai justement ressorti il y a peu de la bibliothèque familiale. Depuis le temps que je dois le lire totalement, au lieu de me contenter des quelques extraits déjà connus.

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Message par Tristram Lun 23 Jan - 13:18

Je profite de mon compte-rendu de lecture de Le Cheval d’Orgueil de Pierre-Jakez Hélias, et de la lecture en cours de Les Veines ouvertes de l'Amérique latine. Une contre-histoire d'Eduardo Galeano par Chamaco, pour saluer la collection Terre humaine, de Jean Malaurie, aux éditions Plon, dont j’ai lu près de la moitié des œuvres réunies, et qui constitue un vivier étonnant de livres majeurs (à la base ethnographiques).

catalogue Terre humaine :

C’est la seule collection, dont je me rappelle le nom, pour orienter mes lectures, avec L’Imaginaire Gallimard, ce recel d’œuvres généralement peu connues mais qui constituent (le plus souvent) des trouvailles intéressantes.


Dernière édition par Tristram le Lun 23 Jan - 14:41, édité 3 fois

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Message par Tristram Lun 23 Jan - 13:21

Armor a écrit:Je l'ai justement ressorti il y a peu de la bibliothèque familiale.

Compte-tenu de ton avatar, tu le lis en breton ?
550 pages, mais qui se lisent sans effort, avec beaucoup d'intérêt (alors que je ne suis pas Breton !...)

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Message par Armor Lun 23 Jan - 13:22

Ah non, je ne suis pas bretonnante. En français ça sera très bien. Wink

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Message par Quasimodo Lun 23 Jan - 13:56

C'est un titre qui me berce depuis tout petit. J'aimerais beaucoup le lire.

(Le breton, ça date pour moi. Mais je pourrais l'envisager plus tard, en relecture et avec un dictionnaire)
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Message par bix_229 Lun 23 Jan - 14:56

Un gros best seller qui corespondait à l' époque à un engouement pour les cultures autres que françaises
dans l' hexagone.
Mais un succès justifié !
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Message par animal Lun 23 Jan - 20:42

ça m'avait beaucoup plu La colline des solitudes et je m'en trouverais bien de ne pas m'arrêter là.

Pierre-Jakez Hélias  La-col10

La colline des solitudes

Une lecture peu habituelle mais très prenante. Un éminent chirurgien qui plaque tout pour "rentrer au pays"... qu'il n'a pas connu. Ou plutôt qu'il n'a connu que par les histoires qu'a pu lui raconter sa mère, et une langue qu'il a finalement appris à parler avec elle, sur le tard, et un couple de domestiques bretons eux aussi.

Le pays c'est un village en cours de désertification, une face d'une colline sur laquelle survivent onze anciens qui ne se parlent plus guère. A ce stade vous pourriez être partagés entre la curiosité et la crainte du retour nostalgique larmoyant. Seulement, dans la forme, c'est bien plus tordu. L'auteur vous mène par le bout du nez intrigué en commençant par le village et la reconstruction d'une maison avant le retour et plein de personnages mystérieux : les vieux, le notaire, le docteur, et toute une approche prudente, précautionneuse des lieux.

Un certain charme  désuet (potentiellement trompeur) de l'écriture et de la construction ainsi que de sérieux accents fantastiques créent une atmosphère rendue encore plus étrange par l'enjeu de la première partie du roman : s'intégrer ou non dans la communauté et l'espoir de la faire revivre. La thématique de la désertification des campagnes et des culpabilités possibles des uns et des autres, ceux qui s'en vont et ceux qui restent mais pas seulement. Ou alors c'est ça mais à travers un sens de la continuité, de ce qui reste pour les uns comme les autres entre l'histoire personnelle et collective, mais des gestes, des habitudes, des attitudes.

Dans la deuxième partie c'est encore plus étrange car on passe aux légendes locales, que l'on découvre avec les yeux comme le docteur avec ses oreilles. Si ce n'était déjà fait on peut alors identifier certaines répétitions déjà présentes dans le texte comme une manière de la narration orale. Ce qui convient bien à la légende, et ce n'est pas un hasard si après ou en même temps qu'une histoire très ouverte sur le monde de départs et de retours depuis et vers ce village ne fait aucun cas des convenances modernes de la rationalité.

Autre forme de drôle de mélange, une vision un peu agaçante (quand même) de royauté locale, de dynastie choisie pour une forme de pouvoir (et bien des malheurs) qui s'accommode sans trop de mal d'une égalité et d'une débrouillardise "moderne" de tous (le fait aussi que le docteur en tant que déclencheur "donne" quelque chose d'essentiel mais que surtout il reçoit de tous. A tel point qu'on ne mettrait pas sa main au feu de franchement savoir où il veut en venir.

Même principe pour les étrangers à la colline qui malgré tout font partie de la communauté.

Un roman qui est donc loin de sentir le renfermé. Une saveur presque terroir avec les pierres, les meubles, les herbes, les chemins, les bêtes, les gens et leurs histoires... et l'énigmatique récit vivant du pays qui le laisse tangent au bord du monde mais bien plus "connecté" (et avec de sacrés ramifications) qu'il ne pourrait y paraître. L'image même, romantique, du pays fier et savamment isolé, est en question (la fin est loin loin loin !).

Drôle d'affaire et surtout une bien belle lecture. Un livre auquel on revient avec envie et plaisir le temps qu'elle dure. Et un sens de la transmission (et de quoi) qui mérite réflexion.

(récup).

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Message par Chamaco Lun 23 Jan - 22:30

bix_229 a écrit:Un gros best seller qui corespondait à l' époque à un engouement pour les cultures autres que françaises
dans l' hexagone.
Mais un succès justifié !

Oui, une tres belle lecture, en effet à cette époque là le regionalisme était à la mode, je ne crois pas me tromper à dire que c'était l'époque du Larzac et de l'émission de télé "droit de réponse" de Pollack... Pierre-Jakez Hélias  2042282828
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Message par Tristram Lun 23 Jan - 22:47

J'ai revu récemment le documentaire Tous au Larzac ; curieuse, cette impression d'époque révolue, alors que les problèmes sont toujours d'actualité...

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Message par animal Mer 11 Juil - 22:24

Oh, j'avais oublié l'extrait :
Passèrent encore quelques jours vides, mais que fait le vide des jours quand le temps ne compte pas! Et puis, un beau matin, on entendit le bruit d'une voiture à moteur qui tournait autour de la colline. Indécise, peut-être, sur le chemin à prendre pour la gravir ou redoutant de s'engager dans une voie qui ne mènerait nulle part. Sans doute son conducteur finit-il par repérer les traces du camion des ouvriers, profondément marquées dans la terre depuis les allées et venues de l'hiver. Et c'est par là qu'il arriva, cahin-caha, jusqu'au village.
Ce ne fut pas long. Il descendit du du véhicule sans arrêter le moteur, il sortit une grosse valise, une mallette et un sac qu'il alla déposer devant la porte de la maison du maréchal et il repartit tambour battant, sans un regard autour de lui. Il n'avait vu personne. Mais à peine avait-il entamé la descente que les onze, demeurés invisibles pendant le temps de son passage, se mirent en marche vers l'endroit d'où chacun pouvait voir la Noire Epine sans être vu des autres. Et ils aperçurent un homme, vêtu en bourgeois, accoudé à la barrière, qui faisait connaissance avec la colline. Ils ne s'étaient donc pas trompés, les onze, en pensant qu'un fils de bonne mère ne pouvait pas arriver là dans un carrosse à quatre roues. Bon pour les bagages, le carrosse, à défaut d'un char-à-bancs. Et l'ancien du village put confier à son chapeau : nous voilà une douzaine maintenant. Il n'aurait pas su dire pourquoi, mais il se sentait tout ragaillardi.

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Message par Louvaluna Jeu 12 Juil - 18:23

Oh la la ! J'ai écrit le commentaire suivant en 2010 ! Ça me fait tout drôle de le relire... Quel enthousiasme !

Pierre-Jakez Hélias  51wvll10

La colline des solitudes

« Ses ruines, sous le ciel, mettraient plus de temps à disparaître que les os de ses derniers habitants à se dessécher au tombeau. »

Onze vieillards solitaires arpentent leur village sur des chemins indépendants. Jamais les onze ne se croisent pour respecter ce vœu de silence qui s’est imposé avec le temps et la désertion de la colline par leur descendance. Discrètement, ils veillent les uns sur les autres et s’entraident avec une rare efficacité par le biais d’un code de signaux et d’avertissements mis en place pour palier l’absence des mots. On suit ce manège avec d’autant plus de fascination que Pierre Jakez Hélias lui donne un aspect quasi mythique. On serait tenté de voir les onze tels les dieux de l’Olympe isolés dans des hauteurs inaccessibles au commun des mortels.

Mais voilà qu’on restaure la maison de feu Yann Strullu, le maréchal-ferrant ! Les onze, intrigués, rôdent autour du chantier. Que signifie donc tout ce remue ménage ? Il y a que le petit-fils du maréchal, le docteur K., veut s’installer dans la maison de son grand-père. Pourquoi ? Le petit-fils ne le sait pas vraiment lui-même. Cependant, il ne va pas tarder à découvrir l’ampleur de son héritage à travers les contes et légendes de ce mystérieux pays.

Pierre Jakez Hélias a magnifiquement bâti son récit. Une première partie où l’on s’étonne du troublant comportement des onze solitaires et où l’on assiste, après l’arrivée du petit-fils, à un drôle d’apprivoisement des uns par les autres. Une seconde partie offrant contes et légendes splendides, et durant laquelle on est certainement aussi déconcerté que le docteur lui-même. Enfin, une troisième partie où les liens se font et se défont, où comme dans une forêt après une terrible tempête la petite population secouée tente de se réinstaller confortablement ou s’exile si trop d’arbres sont tombés.

Hormis cette construction du récit qui nous emballe, on est enchanté par l’écriture tout en finesse et la richesse du texte. C’est dense et on se surprend à relire des passages entiers, non par manque de lisibilité mais pour savourer chaque détail qui, avec cet auteur, a son importance et n’est certainement pas cité pour gonfler le texte et masquer une trame pauvre. L’humour n’est pas en reste dans cette histoire ! Cela commence surtout avec les trois sœurs et une situation qui devient comique grâce au procédé de la répétition : « Chaque jour, la plupart des onze passaient un par un devant le chantier, chacun à son heure exacte, si bien que l’un ou l’autre ouvrier pouvait tirer sa montre et annoncer : nous allons voir apparaître la première des trois sœurs. A peine avait-il fini de parler que l’aînée se montrait, suivie de près par la seconde qui lui soufflait dans le cou, la plus jeune à vingt pas derrière, allez donc savoir pourquoi ! » Et nous d’imaginer cette scène plus épatante à mesure qu’on a l’occasion de l’observer ! On se régale encore de certaines expressions comme : « La nuit était noire comme dans un cul de chaudron.» (inséré dans un contexte inquiétant, une ambiance de cimetière, on est totalement pris au dépourvu), « On était à peine entré en décembre que les journaux imprimèrent une nouvelle qui fit se frotter les yeux même à ceux qui ne savaient pas lire. » (là, j’adore, j’ai ri jusqu’à ce que je découvre moi-même la nouvelle et que je sois aussi décontenancée que le narrateur). Mais il y a aussi toutes ces petites remarques que l’on retrouve habituellement à l’oral : « Edouard Bolzer était son nom, mais on l’appelait Ed le Joufflu, a-t-on besoin de vous dire pourquoi ! » Un texte savoureux, pour sûr !

La toute fin du livre est éblouissante ! Pris dans un curieux mélange d’appréhension, de surprise et de satisfaction, le lecteur y sera difficilement indifférent.

J’ai adoré ce livre qui nous maintient en lévitation entre ciel et terre, ou plutôt devrais-je dire entre terroir et magie !
mots-clés : #contemythe
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Message par Bédoulène Jeu 12 Juil - 18:40

je vais m'intéresser à cet auteur, vos commentaires me font penser que j' apprécierai. merci

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Message par Tristram Jeu 12 Juil - 18:41

Je viens moi-même de mettre La colline des solitudes dans ma LAL...

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Message par bix_229 Jeu 12 Juil - 19:14

Je note aussi La Colline des solitudes.
Content de revoir cet écrivain classique et populaire qu' est Jakez Helias.
A une époque, il y avait beaucoup de témoignages des cultures populaires.
Je me souviens notamment de La Vie d' un simple d' Emile Guillaumin et
Histoire de la campagne française : Gaston Roupnel.
La collection entière de Terre humaine (Plon) est pleine de classiques de ce genre.
Et Tristram a bien fait de la citer.
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