Yasunari KAWABATA
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Re: Yasunari KAWABATA
Après avoir décrit le vieillissement de son grand-père dans Journal de ma seizième année, le jeune Kawabata raconte l'enterrement de l'aïeul. Le récit possède déjà l'effrayante lucidité de l'auteur. Au lieu du souvenir du défunt ; l'encrassement, la vulgarité, la honte, et l'inévitable démolissement de la sépulture, son abandon hâtif. Kawabata signe-là ses débuts en littérature, en quelques pages ; il a fait publier ce texte quelques années plus tard, se rappelant cette tentation de la mise en scène, un événement qu'il avait vécu tout à fait égoïstement.
mots-clés : #autobiographie #mort
Dreep- Messages : 1539
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Re: Yasunari KAWABATA
Pas de commentaire car j'adhère totalement à celui d'Oliposuccion. Comment à partir d'un sujet malgré tout scabreux, Kawabata réussit à écrire un ouvrage d'une grande sensibilité abordant des thèmes éternels : la jeunesse, la vieillesse, la mort, le désir. Un livre vraiment admirable (en le lisant, je me disais que tout de même certains Nobel n'étaient pas volés)
ArenSor- Messages : 3433
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Re: Yasunari KAWABATA
Le titre, Jojôka en japonais, correspond bien aux propos élégiaques de cette nouvelle, empreinte de réflexions mélancoliques et tendres autour du deuil d’un amant infidèle et d’une mère abandonnée. Métempsychose, synesthésies, prédestination (et même voyance) sont évoquées dans une méditation d’une rare beauté.
« À l’annonce de votre mort, j’ai frémi de crainte, et j’ai ressenti, plus fortement encore, l’envie de devenir une fleur sauvage.
[…]
Alors je n’aurai plus besoin d’invoquer les morts, selon la navrante coutume des vivants. »
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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram- Messages : 15957
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Re: Yasunari KAWABATA
Autre nouvelle : un esthète misanthrope assez détestable, uniquement intéressé par les oiseaux et les chiens ‒ surtout ceux qu’il considère purs ‒, rencontre la jeune danseuse avec laquelle il faillit se suicider.
« Vivre avec les animaux, c’est aimer seul, dans un libre orgueil. »
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Re: Yasunari KAWABATA
Louvaluna- Messages : 1682
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Re: Yasunari KAWABATA
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Tristram- Messages : 15957
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Re: Yasunari KAWABATA
Pour le reste, il paraît que pour Kawabata, Les Belles Endormies devaient se retrouver avec les textes suivants : La beauté tôt vouée à se défaire et Le Bras. Ces deux derniers ont été réunis ensemble par les éditions Livre de poche en France (ce livre-là), mais pas avec Les Belles Endormies.
Lecture du 16 avril dernier :
L'Adolescent
Contient : Lettres à mes parents ; L'Adolescent ; Le journal de ma seizième année ; Huile ; Grand-mère.
Kawabata rouvre la malle et met sous nos yeux les textes de jeunesse qu'elle contient, telles des vieilles photographies. D'autres auraient réutilisés ces fragments comme matériaux pour d'autres écrits, plus impersonnels, les rendant méconnaissables. Kawabata nous les montre sans retouche, se contentant de les commenter en faisant remonter ses souvenirs avec plus ou moins de difficultés. Ces souvenirs sont loin d'être tous lumineux, certains sont même terribles. Le regard de Kawabata fixe les êtres et les choses sans pudeur et avec insistance, habitué à regarder sans être vu : il avait été élevé par son grand-père aveugle puis bien tôt dû s'occuper de lui, jusqu'à l'âge de quinze ans. Il se rappelle aussi de l'amour que Kiyono ressentait pour lui, de l'huile qu'il a renversé par colère et qui le dégoûte, de sa grand-mère qui le protégeait, des crises et des élans tendres qu'il a connu. Kawabata expose ses fragilités, avec suffisamment de distance pour ne pas que ce soit étouffant, mais avec une sincérité et une intelligence remarquables.
Yasunari Kawabata a écrit:C'est une voix brève et douloureuse que je dois supporter sans répit, jusqu'à ce que je m'endorme. Au fond de moi-même, j'entends ces mots qui martèlent ma cervelle : « Ça prend du temps, mais le corps finit par perdre ses forces. » Grand-père redresse un peu la tête ; il reprend conscience et veille à ne pas trop manger.
Mais jour après jour, son corps...[...]
Mon grand-père est comme un vieux kimono usagé tout défraîchi et plein de gros plis. Sa peau est dépourvue de toute élasticité. Quand on lui pince la chair, elle reste telle quelle. Je ne sais plus que faire. Aujourd'hui, ne me dit que des choses qui m'énervent. Son visage a l'air de plus en plus inquiétant.
mots-clés : #autobiographie
Dreep- Messages : 1539
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Re: Yasunari KAWABATA
Louvaluna- Messages : 1682
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Re: Yasunari KAWABATA
Dreep a écrit: Pour le reste, il paraît que pour Kawabata, Les Belles Endormies devaient se retrouver avec les textes suivants : La beauté tôt vouée à se défaire et Le Bras. Ces deux derniers ont été réunis ensemble par les éditions Livre de poche en France (ce livre-là), mais pas avec Les Belles Endormies.
J'ai effectivement ce livre publié par Albin Michel avec la postface de Mishima
ArenSor- Messages : 3433
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Re: Yasunari KAWABATA
De l’histoire vraie vécue par l’auteur en tant que chroniqueur pour un journal d’un tournoi de go qui dure près de six mois, Kawabata a fait un roman étrange, allant et revenant dans le déroulement de la partie, ce qui ôte tout suspense mais n’amoindrit pas la formidable tension.
Sa dimension au-delà du jeu s’annonce dès le début du texte, lorsque l’auteur s’interroge sur un sourcil démesuré du visage du vieux Maître décédé peu après sa défaite, qu’il prit alors en photo ; le récit reste cependant tout à fait factuel.
Le protocole cérémonieux, et même solennel, participe à l’étrangeté de ce conte du combat de deux puissances (et deux patiences), de deux époques et deux rythmes dans une sorte de huis-clos irréel entre deux mondes, dont l’un va disparaître :
L’expert goûte dans la progression du jeu des arcanes qui échappent au lecteur occidental non averti :« La vie de Shûsai, Maître de go, semblait s’être achevée quand son art s’était éteint, lors de ce dernier tournoi. »
« Chez les Orientaux, le jeu dépasse le jeu, le conflit de forces, pour devenir un art et une discipline empreints d’un certain mystère, d’une sorte de noblesse. »
Les portraits des deux champions, différents et opposés, décrivent admirablement leurs attitudes entre lubies, somatisations et impénétrabilité.« Le jeu des Noirs contre le Maître ne m’avait pas paru particulièrement gai. On pouvait en effet lui trouver quelque chose de sombre, un je-ne-sais-quoi qui semblait jaillir des profondeurs, comme un cri étranglé. Un concentré de puissance se frayait un chemin dans une voie semée d’obstacles ; on chercherait vainement un courant libre et naturel. Un inexorable harcèlement avait suivi des attaques lourdes. »
« Le Maître avait composé son tournoi comme un esthète ; il lui semblait qu’on venait de barbouiller de noir cette œuvre, une œuvre d’art en somme, au moment le plus dramatique. Le jeu du Noir sur le Blanc, du Blanc sur le Noir, aussi délibéré qu’une œuvre créatrice, en emprunte les formes. Le courant de l’esprit s’y retrouve, une harmonie qui s’apparente à celle de la musique. Tout est perdu quand retentit une fausse note, quand l’un des musiciens se lance seul et sans prévenir dans une cadence excentrique. Un des adversaires insensible aux humeurs de l’autre peut gâcher une partie parfaite. »
Ouvrage à ranger sur le rayon thématique où se tiennent à l’affût Le Jeu des perles de verre d’Hermann Hesse, La Défense Loujine de Nabokov et Le Joueur d'échecs de Stefan Zweig.
Au cours de cette lecture, je me suis senti particulièrement zen, détaché ou plutôt emporté ailleurs ; il est salutaire de revenir régulièrement à l’œuvre de Kawabata, profondément originale, fortement dépaysante, comme à la littérature japonaise en général.
mots-clés : #traditions
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Tristram- Messages : 15957
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Re: Yasunari KAWABATA
Avadoro- Messages : 1405
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Re: Yasunari KAWABATA
J'ai longtemps retardé ce moment , celui de la découverte de ce romancier japonais Prix Nobel , incontournable selon les spécialistes de la littérature de la littérature japonaise : crainte de rater le rendez-vous promis , de gaspiller l'oeuvre par mon regard occidental , dérangée aussi peut-être par ce que sous-entend la traduction en français pour une culture dont je retiens souvent si peu d'accroche avec le monde occidental et qui par là-même me fascine , me transporte et me déleste du poids de mon référentiel rationnel encombrant et fatigant quelquefois .
J'ai plusieurs ouvrages dans ma PAL de KAWABATA depuis des années ...Pourquoi a-t-il fallu que je saisisse celui-ci plutôt qu'un autre ( Grondement dans la montagne , Tristesse et beauté , Pays de neige, Les belles endormies ) , dans l'état de flottement de convalescence s'étirant dans une douce torpeur ? Pourquoi a-t-il fallu que je commence "à l'envers" ,( comme d'habitude diront ce qui me connaissent un peu ! ), à mon insu puisque je ne savais pas que c'était la dernière oeuvre du grand écrivain et qu'elle resterait inachevée ? Pourquoi chercher à comprendre tout cela d'ailleurs ...Il me semble que justement l'écrivain me sussurre à l'oreille qu'il est grand temps de lâcher-prise et de se laisser porter par les seules perceptions , aussi fugaces qu'intenses , infinis , insaisissables , et pourtant bien réelles , plus réelles que quelque vérité .
Alors quoi ? Cette histoire de pissenlits ?
De pissenlits jaunes ou blancs , d'un village fantomatique , d'un berceau ne fraîcheur et de pureté dans un coin reculé du Japon et d'un hôpital psychiatrique à l'orée de celui-ci d'où une mère et son futur gendre reviennent , après avoir déposée la jeune fille atteinte de cécité partielle dès lors que son fiancé/amant s'unit à elle .
Le roman n'est autre qu'une longue errance dans le dialogue de cette mère et l'amant de sa fille , chacun tentant de percer le mystère qui entoure cette maladie ...d'amour ou ?
Enveloppés par ce petit cocon de nature , en marge de la course du temps , au rythme du son toujours différent de la cloche que font sonner les malades de l'hôpital psychiatrique , chacun d'eux s'interroge sur la source du mal de la jeune fille ...Une relation étrange s'établit entre eux , les fluides se pénètrent , se dissocient , comme une danse où pureté et perversité s'entremêlent sans jamais trouver l'harmonie , traduit par un dialogue "de sourds" en échos à la pathologie ophtalmique de la "princesse prisonnière "de sa cécité ?
De l'incommunicabilité entre les êtres , de la douce mélancolie comme garde-fou , de l'évanescence de toutes choses , d'attraction et de répulsion , d'hystérie et de schémas Freudiens caricaturés mais surtout du grand mystère de la vie auquel on s'abandonne volontiers sous la plume gracile et terriblement prégnante , pour mieux se perdre encore . Une préparation au grand saut tout en magie et volupté ?
Kawabata s'est suicidé avant d'avoir terminé ce dernier roman . Y aurait-il eu une fin d'ailleurs , la fin n'existait peut-être déjà plus pour l'auteur ...
églantine- Messages : 4431
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Re: Yasunari KAWABATA
bix_229- Messages : 15439
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Re: Yasunari KAWABATA
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“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia
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"Il n'y a pas de mauvais livres. Ce qui est mauvais c'est de les craindre." L'homme de Kiev Malamud
Bédoulène- Messages : 21730
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Re: Yasunari KAWABATA
Avadoro- Messages : 1405
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Re: Yasunari KAWABATA
d'oiseaux blancs et j'ai été déçu par Les Belles endormies et les Récits des paumes de la main.
bix_229- Messages : 15439
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Re: Yasunari KAWABATA
pour une entrée vous m'inviteriez à lire quoi ?
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Bédoulène- Messages : 21730
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Re: Yasunari KAWABATA
Je serais tentée de dire Le Pays de Neige car c’est magnifique et s’il n’y en a qu’un, autant que ce soit celui-là.
Kyoto est un cran en-dessous mais d’un abord plus facile pour nous, occidentaux.
Sinon, les petites nouvelles regroupées dans Première Neige sur le Mont Fuji, et ensuite passer au Pays de Neige....
Cliniou- Messages : 916
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Re: Yasunari KAWABATA
bix_229- Messages : 15439
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Re: Yasunari KAWABATA
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Bédoulène- Messages : 21730
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