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Hans Magnus Enzensberger

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Message par Bédoulène Sam 10 Déc - 15:48

Hans Magnus Enzensberger
Né en 1929


Hans Magnus Enzensberger  Hans_m10

Hans Magnus Enzensberger (11 novembre 1929 à Kaufbeuren) est un poète, écrivain, traducteur et journaliste allemand, également connu sous le pseudonyme de Andreas Thalmayr, et qui vit actuellement à Munich-Schwabing.

Fils du directeur de l'administration générale des postes de Nuremberg, Enzensberger a grandi dans une famille bourgeoise. Il a trois frères cadets, dont l'angliciste Christian Enzensberger. Il a passé son enfance à Nuremberg, en 1945, il est enrôlé dans le Volkssturm, subsiste ensuite comme interprète et barman à la Royal Air Force et en faisant du marché noir. Après ses études secondaires qu'il termine en 1949, il étudie les Lettres (langues et philosophie) à l'université Friedrich-Alexander d'Erlangen-Nuremberg, à Fribourg-en-Brisgau, à Hambourg et à la Sorbonne à Paris grâce à une bourse de la Studienstiftung des deutschen Volkes. Il obtient son doctorat en 1955 avec une thèse sur Clemens Brentano. Il est ensuite journaliste à la radio de Stuttgart jusqu'en 1957. Après un séjour aux États-Unis et au Mexique, sa première publication voit le jour : c'est un recueil de poèmes, La Défense des loups (Verteidigung der Wölfe). Il participe au Gruppe 47 et reçoit le prix Georg-Büchner en 1963. S'ensuivent un premier séjour en Union soviétique et un premier voyage en Amérique du Sud en 1965.

De 1965 à 1975, Enzensberger édite la revue Kursbuch chez l'éditeur Suhrkamp, puis aux éditions Kursbuch Verlag créées à Berlin. Il est fellow au Center for Advanced Studies de l'université wesleyenne dans le Connecticut en 1967. Il séjourne à Cuba en 1968-69 et travaille alors sur l'anarchiste espagnol Buenaventura Durruti (son film sort en 1971, son roman en 1972).

Il séjourne à New York en 1974-1975 et quitte la revue Kursbuch et se met à l'écriture du livret de l'opéra La Cubana sur une musique de Hans Werner Henze. La première de sa pièce Le naufrage du Titanic a lieu en 1980. Après avoir adapté le Misanthrope de Molière, il écrit Le Philanthrope joué pour la première fois en 1984.

Il a écrit avec grand succès des livres pour la jeunesse: Der Zahlenteufel (1997) et Wo warst du Robert? (1998).

Enzensberger dirige depuis 1985 la collection Die Andere Bibliothek (L'Autre bibliothèque). Cette collection publie chaque mois un ouvrage choisi par Enzensberger - du moins jusqu'à fin 2005, date de sa démission - et édité de façon très soignée, les 999 premiers exemplaires étant destinés aux bibliophiles.

De nombreux prix ont récompensé l'inépuisable activité théâtrale, poétique et romanesque de H.M. Enzensberger, entre autres le prix Heinrich-Böll en 1985, le Prix de la paix Erich-Maria-Remarque en 1993, le prix Heinrich Heine en 1998, la Médaille d'Or du Círculo de Bellas Artes en 20011, le prix Princesse des Asturies en 2002, le Prix Jean Monnet des Littératures européennes de Cognac [archive] en 2010 pour Hammerstein; le prix du Meilleur Livre de l'Année en 20102 ou encore le Prix Sonning (en) 2010, l'un des plus prestigieux prix culturels délivrés au Danemark.

Il fut marié entre 1968 et 1969 à Maria Aliguer (1943—1991), la fille de l'écrivain Alexandre Fadéïev et de la poétesse Margarita Aliguer.

(wikipedia)

Œuvre traduite en français

Le Naufrage du Titanic : Une comédie
Europe ! Europe !
Médiocrité et Folie
Requiem pour une femme romantique
L'Europe en ruines
La Grande Migration
Les Rêveurs de l'absolu : Page 1
Le Perdant radical : Essai sur les hommes de la terreur
Mausolée : Précédé d'un choix de Défense des loups
Joséphine et moi
Hans Magnus Enzensberger  De sacrés petits prodiges : Sept contes à l'usage des parents qui ne se méfient pas de leur progéniture
Chicago-Ballade : modèle d'une société terroriste
Hammerstein ou L'Intransigeance : Page 1
Politique et Crime
Le Bref Été de l'anarchie : La vie et la mort de Buenaventura Durruti : Page 1
Fortune et Calcul - Deux divertissements mathématiques
Le Doux Monstre de Bruxelles ou L'Europe sous tutelle
Culture ou Mise en condition ?
Le Panoptique : 20 problèmes insolubles traités en 20 démonstrations morales et récréatives

Ouvrages pour la jeunesse
Esterhazy, un lièvre à Berlin
Le Démon des maths
Les Sept Voyages de Pierre

màj le 26/09/2018

Nous avons fait une Lecture Commune de Le bref été de l'anarchie, que vous pouvez retrouver : ici


Dernière édition par Bédoulène le Ven 3 Nov - 21:19, édité 2 fois

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Message par Bédoulène Sam 10 Déc - 15:56

Les rêveurs de l’Absolu

Hans Magnus Enzensberger  51uoe910


Le titre même est une invitation ; c’est le nom que Marx a attribué à une catégorie de conspirateurs, ceux qui exerçaient  avec  honneur : « Un rêveur de cette trempe, un inconnu au milieu d’une foule, suffit pour plonger tous les puissants de ce monde dans la terreur. »

Après la conspiration des Hommes de Décembre (Russie 1825), le Comité Central de la révolution en 1862, les conspirateurs Russes importaient les idées de l’Europe Occidentale (St-Simon, Charles Fourier, Feuerbach, Karl Büchner, Owen Proudhon, Darwin, Marx, Engels et Lassalle….)mais la pratique ils l’ apprirent dans leur pays.

Des groupes  aux noms évocateurs se formèrent : Sté du Tribunal du Peuple ou de la Hache, Union Centrale des Travailleurs, la Volonté du Peuple, ainsi que la presse :  La Libre Parole, La Cause du Peuple, Le Messager de la Vérité…. Les tracts et les bombes livraient combat.

Trois Hommes et leurs doctrines s’ affrontaient : le « Géant Bakounine, anarchiste, l’un de ses élèves Netchaïev Sergheï et un autre disciple de Bakounine Peter Tkatchev.

90% des Russes étant analphabètes dont 50 millions de paysans,  la presse et les tracts n’atteignaient qu’une minorité.

En 1870 La jeunesse de la bourgeoisie, de la noblesse décidèrent d’aller vers le Peuple, ces pélerins du socialisme se firent appelés les Narodniki.  Mais la tâche était rude tant le Peuple était écrasé de misère physique et morale.

193 de ces pélerins furent arrêtés leur procès en octobre 1877 fut retentissant.

1879 Le Comité exécutif de la Volonté du Peuple provenait de l’aile gauche des Narodniki, ces transfuges de leur propre classe n’en trouvèrent aucune autre pour les accueillir. Des petits bourgeois, des paysans et des ouvriers et  de nombreuses femmes rejoignirent le Comité. Les statuts sont en faveur de la révolution qui devait être prioritaire sur la famille, l’amitié, l’amour ;  l’individu cède la place à l’organisation.

Alexandre II fut tué par une bombe lancé par Grinevitzki en mars 1881 Le Comité adresse une lettre ouverte au fils du Tsar (non pas pour demander son départ mais une vie meilleure et plus de justice pour le Peuple) dont la réponse fut celle d’un despote et  ses exactions  décimèrent le Comité exécutif de la Volonté du peuple en 2 ans, ces membres exterminés.

Une trentaine d’années plus tard Lénine  à la tête de la révolution détruisait l’ordre ancien.

L’Occident s’était inspiré de l’exemple russe, des attentats contre les dirigeants des pays se répandirent malgré la police secrète dont ils s’entouraient.  L’ Internationale anarchiste avait proclamé la Terreur noire et provoqué des troubles  dans plusieurs pays.

1905 une nouvelle organisation s’ installa ; Kaliaïev l’un des membres  de l’organisation de Combat des révolutionnaires sociaux (organe  exécutif du Parti  des révolutionnaires sociaux)fut l’un de ces rêveurs de l’Absolu, lui qui renonça à  commettre l’attentat prévu contre le Grand-Duc quand il s’aperçut que la Grande-Duchesse et les enfants étaient dans la voiture. (attitude approuvé à l’unanimité par l’organisation)

C’est cette conscience qui marquait la différence entre les conspirateurs de 1905 et ceux qui les avaient précédés des décennies auparavant «  Ceux de 1905 n’étaient pas seulement des caractères extraordinaires au sens littéral du mot : ils en étaient conscients. »

C’est grâce aux « Mémoires d’un terroriste »  Boris Savinko que fut connue le fonctionnement, les méthodes de l’organisation de Combat des révolutionnaires sociaux.

Pour Lénine ces révolutionnaires sociaux n’ ont jamais compris le rôle historique du prolétariat, de même que les Communistes n’ont jamais compris que le combat de ces « Rêveurs de l’Absolu » n’était pas politique « Durant la seconde de vérité où ils lançaient la bombe, ils réalisaient leur salut et anticipaient celui des autres. »

Cette lecture très prenante est enrichissante historiquement, politiquement et socialement.

L’écriture est  agréable et  permet l’accessibilité à ce récit qui se lit aussi facilement qu’un thriller, ce qu’il peut sembler d’ailleurs  par la mobilité des  conspirateurs  et  les traques de la police secrète.
Je pense d’ailleurs que l’Ochrana avait intérêt à ce qu’ existent  ces  organisations révolutionnaires  et/ou terroristes qui garantissaient  sa propre existence.
Les évènements survenus en  Russie et ceux qui se déroulèrent  dans l’Occident  annonçaient dans  leur différence   la   destinée des  pays  concernés.
Le passage  concernant  les « Mémoires d’un terroriste » de Savinko m’ a tout particulièrement intéressée, je pense d’ailleurs en faire la lecture  (ce passage est aussi relevé par Guilloux dans l’Herbe d’Oubli)

"message rapatrié"



mots-clés : #insurrection


Dernière édition par Bédoulène le Mar 21 Avr - 9:09, édité 7 fois

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Message par bix_229 Sam 10 Déc - 16:04

LE BREF ETE DE L' ANARCHIE. -

Hans Magnus Enzensberger  Anarch11

Travail biographique très original, histoire de l' un des personnages principaux de la Guerre civile d' Espagne,
l' anarchiste Buenaventura Durruti.
C' est un livre poétique et lyrique, le récit d' une aventure avortée et qui aurait pu peut etre changer
l' histoire de l' Espagne. Mais l' époque était cahotique, et les rancoeurs contre l' église, les grandes
propriétaires terriens et le patronat très forte.
L' armée avait brisé dans le sang les grèves ouvrières dans les Asturies en 1931. La rebellion de Franco prit de court tout le monde en 1936. Avec l' aide efficace d' une grande partie de l' armée et des tabors marocaiins, la lutte était déjà inégale, d' autant que l' Italie de Mussolini et surtout du régime nazi qui
faisait ses premières armes.
En face il y aviat un gouvernement républicain, démocratique mais faible, et les partis de gauche, notamment, le syndicat anarchiste de la CNT, le seul syndicat révolutionnaire européen.
Et les communistes très minoritaires au début et dont le but était de transformer l' Espagne en "démocratie populaire" dans le genre de ce qu' on connut plus tard en Tchécoslovaquie et ailleurs.
Ils s' allièrent au début avecc les organisations de gauche, puis commencèrent à les éliminer.
Orwel et d' autres ont décrit l' évènement.
La suite est connue. Franco gagna et la répression s' abattit sur l' Espagne pendant près de
40 ans.
Hitler avait testé les démocraties occidentales. Elles avaient reculé. Il pouvait donc ouvrir les hostilités.
La Deuxième Guerre Mondiale commençait.

Ces éléments sont nécéssaires pour mieux comprendre les éléments de cette histoire complexe et
tragique.
Et l' histoire particulière de Durruti.

Message rapatrié.


mots-clés : #guerredespagne
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Message par Bédoulène Sam 10 Déc - 17:47

je dois le lire aussi, merci Bix

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Message par bix_229 Sam 10 Déc - 18:25

HAMMERSTEIN OU L' INTRANSIGEANCE

Hans Magnus Enzensberger  Hammer10

Je vais essayer de parler de ce livre en évitant les redites, mais en insistant quand même sur ce qui fait l' interet unique de ce livre de ce livre et de ce qu' il m' a appris.

En tant que document historique, je me suis rendu compte que ce que je savais sur L' Allemagne des années  30 et 40, et qui précédèrent la guerre, était pratiquement nul.
Que j' ignorais aussi les liens militaires qui lièrent L'URSS et l' Allemagne.
Je me souvenais à peine de l'importance du Traité de Versailles qui avait sanctionné l'Allemagne en 1918. Et j'ignorais que l'Allemagne avait cherché à contourner le Traité en essayant de  reconstituer une armée grâce à l'URSS.
On était encore  loin du ¨Pacte Germano Soviétique.

Les Anglais et les Français imposèrent des conditions économiques et militaires draconiennes qui placèrent l'Allemagne dans une situation catastrophique. La république de Weimar dura peu et ne fit pas illusion sinon à l'étranger.
Il ne fallut que quelques années pour que l'Allemagne en crise profonde se laisse guider dans les pires voies. Comme l'écrit Enzensberger, les hommes politiques étaient tous dépassés par la  situation et Hitler en profita pour imposer sa démagogie et prendre le pouvoir.

Comme beaucoup sans doute, j'ignorais la position de l'armée allemande et  de ses dirigeants.
Et je me suis rendu compte que si Hammerstein et d'autres militaires de haut rang avaient réagi à temps, ils auraient pu arreter Hitler. Mais ils ont laissé passer l'occasion.

Enfin, je n' aurais jamais cru qu'un général en chef des armées, tel qu'il le fut officiellement Hammerstein, fut aussi courageux, déterminé, "intransigeant" face à un dictateur et son régime.
Il ne dut quand même échapper à la prison ou à l'exécution  qu'à un cancer non soigné qui le fit mourir en 1943.

Autre étonnement personnel encore que l'attitude de H. en tant que père de famille. Si ses filles lui reprochèrent une certaine distance pendant leur enfance, tous reconnaissent qu'il leur laissa  une indépendance d'esprit et d'action incroyables compte tenu de la situation et de l'époque. Tous d' ailleurs se montrèrent dignes de lui, chacun à sa façon et souvent en flirtant avec le communisme.
Et là comme ailleurs, Enzensberger, mieux que quiconque -en tout cas autrement- montre le rôle des communistes dans la clandestinité et leur efficacité.
Sauf que, ils étaient totalement manipulés par Moscou. Et que, en guise de récompense, ils furent presque tous emprisonnés et exécutés dans les années 3O.

C'était l' époque terrible où Staline inaugura une série de procès politiques qui liquida tous ses ex camarades bolcheviks. Il fit pire sur le plan militaire, en faisant exécuter pratiquement tout l'Etat Major de l' Armée Rouge. Près de 6000 hommes disparurent ainsi à quelques mois de l'entrée en guerre de l'Allemagne contre l'Union soviétique.

En tout cas, c'est à  travers les trois filles de Hammerstein et leurs relations avec leurs amis communistes qu' Enzensberg, intégrant à son récit l'histoire particulière des individus à celle de l'Histoire tout simplement.

Dans un dialogue imaginaire avec Helga, la troisème fille de Hammerstein, Enzensbeerger lui dit
"l'histoire de votre famille m'occupe parce qu' elle en dit long sur la façon dont on pouvait survivre sous le régime hitlérien sans capituler devant lui."

Message rapatrié



mots-clés : #historique #regimeautoritaire
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Message par bix_229 Jeu 15 Déc - 15:41

A propos de Hammerstein.
Hans Magnus Enzensberger: "Ne pas se complaire dans l'obsession de la culpabilité"

... Et si l' on vous répond que la page n' existe pas, alors tapez l' intitulé sur Google.


Dernière édition par animal le Jeu 15 Déc - 22:08, édité 1 fois (Raison : correction lien)
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Message par animal Jeu 15 Déc - 22:09

pour le lien vers l'article, c'est comme pour les images : il faut copier le lien depuis la page ou l'image directement et pas depuis la page de résultats de Google.

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Message par Marie Ven 16 Déc - 1:07

Hammerstein ou l'intransigeance : Une histoire allemande


Hans Magnus Enzensberger  Hammer10

Passionnante est l’histoire du général Kurt von Hammerstein, et de sa famille nombreuse. Celui-ci a été l’unique général allemand qui, au moment de la prise de pouvoir par Hitler en 1933, a décidé de dire non. Issu de l’aristocratie prussienne, chef d’état major de toute l’armée, conscient, dès le début, du danger pour son pays et le monde de cette élection, il a démissionné .Si Hammerstein ne fit pas partie des officiers allemands, souvent issus comme lui de la vieille noblesse, qui s'engagèrent dans la résistance armée à Hitler, il choisit néanmoins clairement son camp et continua, jusqu’à sa mort en 1943, à exprimer sa détestation du régime nazi. Ses sept enfants seront eux aussi, d’une façon ou d’une autre, engagés dans une résistance , fidèles à leur père et refusant ,par exemple, que le drapeau nazi ne recouvre son cerceuil de leur père. Cachant des Juifs. Espionnant pour le Komintern, etc.

Une des filles, interrogée par l’auteur, dit:

"Aucun d’eux ne voulait être un héros. Ce n’était pas possible autrement, voilà tout. Ils ont simplement fait ce qui devait être fait."

Ils ont tous, en tout cas, pris beaucoup de risques sous ce régime dont le point fort n'était pas l'indulgence pour l'opposition, c'est le moins que l'on puisse dire. Ils ont eu beaucoup de chance aussi, Hammerstein père est donc mort dans son lit en 1943 et seules la mère et deux de ses filles ont été emprisonnées à Buchenwald en 45,otages des nazis qui croyaient encore pouvoir négocier avec les Alliés. Elles couraient le risque d’être exécutées à tout moment .

Ce n’est pas pour rien que ce livre est sous-titré Une histoire allemande, car- l’auteur l’explique dans son post-scriptum- à travers le récit de la vie de cette famille, « on retrouve et on peut montrer , ramassés sur un très petit espace, toutes les contradictions et tous les thèmes décisifs de la catastrophe allemande: depuis la mainmise de Hitler sur le pouvoir total jusqu’à l’hésitation titubante de l’Allemagne entre l’Est et l’Ouest, du déclin de la république de Weimar à l’échec de la résistance, et de l’attrait de l’utopie communiste jusqu’à la fin de la guerre froide. Cette histoire exemplaire, c’est aussi celle des derniers signes de vie d’une symbiose entre Allemands et Juifs, et elle montre aussi que, bien avant les mouvements féministes des dernières décennies, c’est de l’énergie des femmes que dépendit la survie des survivants. »

Peut être plus que le récit de la période hitlérienne, ce qui m’a intéressée est l’analyse de la genèse de l’épisode le plus tragique de l’histoire mondiale du siècle dernier.

Un extrait :
"Qu’on ait pu croire par la suite au mensonge qui déguisa ces « années folles » en âge d’or, c’est une énigme que ne saurait excuser ni l’ignorance, ni le manque de vision historique. Ce mythe inconsistant se nourrit bien plutôt d’un mélange d'envie, d’admiration et de kitsch: envie inspirée par la vitalité et admiration pour les productions d’une génération de grands talents, mais aussi nostalgie facile. On assiste à la millième représentation de L’Opéra de quat'sous, on est épaté par les prix atteints dans les ventes par les tableaux des Beckmann, Schwitters et Schad, on s’enthousiasme pour les copies de meubles du Bauhaus et l’on se repaît de films comme Cabaret, montrant un Berlin hystérique, pervers polymorphe, « canaille ». Un peu de décadence, un zeste de risque et une bonne dose d’avant-garde donnent aux habitants de l’Etat providence d’agréables frissons dans le dos.
Cette floraison d’une culture extrêmement minoritaire fait oublier le marécage où elle poussait. Car le monde intellectuel et artistique des années vingt n’était nullement immunisé, lui non plus, contre les états d’excitation de la guerre civile. Des écrivains et des philosophes comme Heidegger, Carl Schmitt ou Ernst Jünger mais aussi comme Brecht, Horkheimer et Korsch, opposaient à la pusillanimité de la classe politique le pathos de l’énergie résolue- résolue à quoi, cela ne leur importait qu’en second lieu. Et leurs suiveurs aussi, de gauche comme de droite, rivalisaient d’ostentatoire intransigeance.
A côté, les tenants d’une politique modérée étaient dépassés. Ils avaient l’air pâles et désemparés. Ils étaient totalement incapables de canaliser les peurs, les ressentiments et l’énergie destructive des masses. Hitler, lui, s’y entendait mieux que personne, et c’est pourquoi ils le sous-estimèrent, tous sans exception. Pour finir, il ne resta plus guère à la classe politique qu’à louvoyer entre la panique et la paralysie
."

Beaucoup de sujets de réflexion, donc, dans cette histoire, qui incite aussi,bien sûr,à une méditation sur la morale individuelle et sa transmission .

On retrouve aussi dans le post- scriptum des explications de l’auteur sur la forme de son ouvrage, et sur les sources utilisées. Entretiens avec les survivants, documents d’archives, lettres et notes manuscrites , photographies parsemées à l’intérieur du livre ,mais aussi et c’est plus audacieux ,plus littéraire et souvent savoureux, présentation de certains épisodes sous forme de conversations posthumes avec certains personnages, et digressions personnelles intitulées « gloses » - sur la république de Weimar, sur la Russie, sur l'aristocratie et ses valeurs, sur l'ambiguïté et bien d’autres sujets.
Ce changement de style permanent, s’il peut surprendre , parvient à faire lire cet ouvrage très dense presque comme un roman, plus que comme un essai historique. Ce qui pourrait lui être reproché...

Dans un de ces entretiens posthumes, l’auteur fait dire à Hammerstein:
"Les relations avec Moscou sont un pacte avec Belzébuth. Mais nous n’avons pas le choix. La peur n’est pas une vision du monde."

Paroles réellement prononcées? Peu importe, l'esprit y est..

Message rapatrié
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Message par Bédoulène Mer 21 Déc - 21:11

me semble que je ne peux faire l'impasse sur ce livre

merci Marie et Bix pour vos commentaires

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Message par shanidar Jeu 22 Déc - 11:26

et moi ça me donne envie de l'acheter et de le relire parce que deux remarques me viennent en lisant les extraits postés par Marie : je ne suis pas vraiment sûre qu'il y ait eu un jour une symbiose bien réelle entre les Allemands et les Juifs (toujours sujets de brimades et rejetés) (à ce propos, topocl, tu n'avais pas lu un essai sur la persécutions des Juifs à travers les âges ?) et l'autre réflexion est issue de ce qui est dit à propos du film "Cabaret" (que j'ai adoré et donc pour lequel je suis peut-être totalement de mauvaise foi) mais on voit bien, malgré la frivolité de la plupart des situations la montée du nazisme (avec des scènes de violences, de matraquage de juifs) et en particulier une scène qui donne la chair de poule quand un tout jeune adolescent allemand, lors d'une fête de campagne, entonne un chant nazi ; il me semble que ce film montre parfaitement ce qu'on ne veut pas voir, ce fascisme, cette violence latente qui explose sporadiquement et va bientôt envahir tout le pays et plus encore.
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Message par Bédoulène Jeu 22 Déc - 12:01

une prochaine lecture commune ?

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Message par Bédoulène Lun 9 Jan - 9:26

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Le bref été de l'anarchie

Durruti : une légende ?

Spoiler:

Je le crois dans la mémoire de la Catalogne, de l’Espagne et plus encore  puisque de nos jours l’histoire de cet homme suscite encore l’envie de savoir, de le connaître.
Durruti est entré dans l’Histoire, celle d’un peuple, celle de la révolution et la guerre d’Espagne.

L'auteur : «"Cependant, l'ensemble de ces propos anonymes et contradictoires se confond et acquiert une qualité nouvelle : ces histoires deviennent l'Histoire. C'est ainsi que depuis la plus haute antiquité "Elle" nous a été transmise : sous forme de légendes, d'épopées, de romans collectifs."

Sa vie est assez  rocambolesque, bandit d’honneur
Spoiler:
, aimé du peuple qui d’ailleurs l’a pleuré comme « Fils du Peuple » à sa mort.

Durruti c’est un ouvrier, un homme qui a toujours défendu les travailleurs, qui a su s’en faire comprendre et aimer. Un Anarchiste, membre du syndicat  de la CNT et du Parti anarchiste F.A.I. qui a participé dès les premiers jours à la révolution Espagnole et aux nombreuses grèves qui s’égrenèrent avant le mois de Juillet 36.

Ce mois, plus,  cet été où l’anarchie dressait les drapeaux, les barricades et les armes contre ceux qui exploitaient les travailleurs, les paysans, c’est-à-dire contre les propriétaires terriens, la bourgeoisie, l’ église et tout ce qui représentait la répression. Les anarchistes étaient habités d' une haine du capitalisme très vive.

Durruti a été souvent arrêté, emprisonné, obligé de s’exiler pour les idéaux qu'il défendait. De même ses proches amis Ascaso et Jover, surnommés d'ailleurs "les trois mousquetaires".
Durruti a cherché des fonds et du soutien auprès des anarchistes d’Argentine, de France pour la révolution et  ses méthodes n’étaient pas toujours très orthodoxes mais il a été honnête envers ses camarades, le peuple.

Après l’arrivée au pouvoir de la République, après leur participation à la victoire aux élections de  la Généralité de la Catalogne, ce qui constituait un dilemme quant aux idéaux qu’ils défendaient,  les anarchistes durent participer avec les autres partis.  Il devenait urgent de battre le général Franco, pour tous les anti-fascistes Espagnols.

Sans abandonner l’idée de continuer la révolution Durruti forma une colonne pour aller se battre sur le front de Saragosse., puis à Madrid où il trouva la mort. Comment ? cela reste aussi  un mystère.

Alors qu’ en 1918 80% de la classe ouvrière Catalane adhérait aux organisations anarchistes, après l’arrivée des Brigades Internationales majoritairement communistes, l’ envoi de matériel, armes par l’URSS, la main mise de l’URSS sur la guerre civile Espagnole le PCE devint majoritaire, les autres partis furent écrasés, interdits (FAI, POUM….) De fait la révolution fut étouffée, Staline n’en voulait pas, son objectif était de battre Hitler mais pas de sauver la révolution Espagnole.

Les anarchistes espagnols avaient choisi la ligne Bakounine depuis longtemps, plutôt que celle de Marx. L' une des racines de l'anarchisme s'était implantée lors de la venue en Espagne d'un certain Giuseppe Fanelli (Bakouniste) lequel avait su se faire comprendre du Peuple. L'exploitation des travailleurs, ouvriers et paysans avait consolidé l'idéal libertaire.


Ce récit est à de nombreuses voix et s’il en est une qui a su estimer au plus juste, a été la plus franche, la plus lucide c’est bien celle de Simone Weil.
Le choix de l’auteur de justement amener toutes ses voix en fait un récit très animé, attachant, instructif.



Quelques participants :
Le vicaire Jesus Arnal Pena, Diego Abad de Santillan, Ricardo Sanz, A. Souchy, César Lorenzo, Kaminski, A. Sanchez, Emma Goldman, Franz Borkenau, Louis Berthomieux, Ilya Ehrenbourg, MikhaÏl Kolcov, M. Hernandez


Extraits

Rien n’est changé effectivement, sauf une petite chose : le pouvoir est au peuple. Les hommes en bleu commandent. C’est à présent une de ces périodes extraordinaires qui jusqu’ ici n’ont pas duré, où ceux qui ont toujours obéi prennent les responsabilités. Cela ne va pas sans inconvénients, c’est sûr. Quand on donne à des gamins de dix-sept ans des fusils chargés au milieu d’une population désarmée…  « Simone Weil »

On a déjà eu en Europe une expérience de ce genre, payée de beaucoup de sang elle aussi. C’est l’expérience russe. Lénine, là-bas, avait publiquement revendiqué un Etat où il n’y aurait ni armée, ni police, ni bureaucratie distinctes de la population. Une fois au pouvoir, lui et les siens se sont mis, à travers une longue et douloureuse guerre civile, à construire la machine bureaucratique militaire et policière la plus lourde qui ait jamais pesé sur un malheureux peuple.   « Simone Weil »

Parlant de l’Espagne : Le mensonge organisé existe, lui aussi, depuis le 19 juillet. « S. Weil »

Je ne sentais plus aucune nécessité intérieure de participer à une guerre qui n’était plus, comme elle m’avait paru être au début, une guerre de paysans affamés contre les propriétaires terriens et un clergé complice des propriétaires, mais une guerre entre la Russie, l’Allemagne et l’Italie. « S. Weil »

Au prolétariat de l’URSS : Nous savons que pour la défense de notre révolution, nous pouvons compter sur vous, les travailleurs de l’URSS Mais on ne peut pas se fier aux politiciens, qu’ils s’instituent antifascistes ou démocrates. Nous ne croyons qu’à nos frères de classe. Seuls les travailleurs peuvent défendre la révolution espagnole, comme nous l’avons fait il y a vingt ans pour la révolution russe.
Vous pouvez nous croire. Nous sommes comme vous des travailleurs. Nous ne renierons en aucun cas nos principes et nous ne déshonorerons pas la faucille et le marteau, ces instruments de notre travail, symbole du prolétariat. Salut de tous ceux, qui, les armes à la main ,combattent contre le fascisme sur le front d’Aragon.  Votre camarade B. Durruti
Aux travailleurs russes : Le prolétariat international ne comprend pas pourquoi ces camarades (anarchistes) sont retenus prisonniers. Nous ne comprenons pas davantage pourquoi les renforts et les armes que la Russie envoie à l’Espagne sont devenus les instruments de négociations politiques à la suite desquelles le révolutionnaire espagnol sera obligé de renoncer à sa liberté d’action.
La révolution espagnole doit suivre d’autres voies que la révolution russe. Elle ne doit pas se développer sous le slogan d’ « un parti au pouvoir, tous les autres en prison ». […] Au peuple de choisir le régime qu’il désire !. Buenaventura Durruti


la LC ICI


mots-clés : #biographie #historique #insurrection

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Message par shanidar Mar 10 Jan - 14:41

Le bref été de l'anarchie - La vie et la mort de Buenaventura Durruti - Roman

Hans Magnus Enzensberger  Anarch12

Le texte se compose de huit gloses écrites par Enzensberger, le reste ne sont que des propos rapportés ou des extraits de livres, articles, etc.


Bédoulène a parlé, et bien parlé, de Durruti ; je vais donc plutôt m'intéresser au travail d'Enzensberger, à la manière dont il a construit son récit, la manière dont il aide à propager la légende.

Chaque grand chapitre consacré à Durruti commence par une glose écrite de la main d'Enzensberger et qui donne un aperçu syncrétique de l'état de l'Espagne et des espagnols au moment dont il va être question. Cette glose pousse le lecteur à se poser quelques questions sur la véracité de ce qu'il va lire (des témoignages parfois contradictoires ou que le temps et l'oubli ont sans doute transformés) et à ne pas tomber dans le piège d'une lecture linéaire qui goberait sans résistance les extraits proposés. Car ces extraits ont la particularité d'émaner de sources extrêmement différentes et forment, a posteriori et selon la volonté d'Enzensberger l'histoire de Durruti. Qu'il s'agisse donc de documents extraits à la base (dans les journaux de l'époque par exemple) ou d'interviewes réalisées par Enzensberger (dans le cadre d'un documentaire filmé), les éléments réunis sont éminemment subjectifs et retracent le parcours chaotique d'un homme qui reste une énigme.

Il faut d'ailleurs, pour être tout à fait honnête, s'interroger aussi sur les choix d'Enzensberger. On voit bien que l'auteur en réunissant son matériau a cherché l'exhaustivité, chipant ici et là dans différentes sphères (des anarchistes amis de Durruti à sa femme française en passant par les communistes russes, les journalistes indépendants anglais et même la presse nazie) des indices qui puissent amener le lecteur à se faire une idée globale de l'homme Durruti et de la période qu'il représente. Mais on comprend aussi très bien qu'en faisant des choix, Enzensberger prive le lecteur d'une chronologie efficace, d'une vision objective, d'une biographie ramassée. En faisant des coupes dans les documents qu'il propose, Enzensberger oriente son propos et par là-même force le lecteur à ne lire que ce qu'il veut bien lui dire de Durruti.

Ce parti pris n'est pas explicité par l'auteur. La seule indication qu'il donne (en dehors des contradictions qu'il soulève en particulier concernant la mort de Durruti), c'est que ce qu'il présente est un roman. Appellation hautement contestable, puisque de fiction ici il n'est pas censé être question et parce que l'aspect biographique et historique prend largement le pas sur la légende. Largement ? Et bien peut-être pas tant que ça. L'élaboration du livre, le choix des extraits, amène Enzensberger à construire sa propre mythologie, à reconstruire le personnage de Durruti et peut-être à l'inventer un peu, tel qu'il a envie ou besoin de le voir pour en faire ce héros dont personne ne saisit totalement l'aventure (Buenaventura) mais qui reste encore aujourd'hui une icône.

On ne saura jamais qui fut réellement cet ouvrier qui lisait des livres, cet homme capable de galvaniser les foules mais qui n'était pas un très bon orateur , ce guérillero qui sut se transformer en vrai guerrier pour combattre les fascistes, ce fier à bras qui langeait sa fille, ce révolutionnaire qui fut tué d'une balle dans le dos… et c'est peut-être bien ainsi.
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Message par bix_229 Mar 10 Jan - 16:07

Oui, lisez les autres livres d' Enzensberger.
Lucides, pénétrants, documentés, profondément personnels.
Parfois presque provocants. L' auteur ne cherche pas le consensus mais appelle toujours à la réflexion,
à l' insubornation de  la pensée et à sa vigilance.
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Message par Bédoulène Mar 10 Jan - 20:31

merci Shanidar.

Il y a toujours un fond de vérité dans les légendes et ici on ne peut écarter les témoignages.

et je me permets de rappeler ce que dit l'auteur et que j'ai cité plus haut

L'auteur : «Cependant, l'ensemble de ces propos anonymes et contradictoires se confond et acquiert une qualité nouvelle : ces histoires deviennent l'Histoire. C'est ainsi que depuis la plus haute antiquité "Elle" nous a été transmise : sous forme de légendes, d'épopées, de romans collectifs."

merci de m'avoir accompagnée Shanidar, une telle lecture doit être partagée.

merci Bix de nous avoir suivies


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Message par Tristram Sam 12 Mai - 21:52

Hammerstein ou l'intransigeance : Une histoire allemande

Hans Magnus Enzensberger  Hammer10

Biographie du chef d’état-major de la Reichswehr après la Première Guerre mondiale, de l’accession d’Hitler au pouvoir à sa propre mort en 1943.
Cet essai m’a paru constituer une narration claire de la montée du nazisme après l’élection d’Hitler (incendie du Reichstag, élimination des SA par les SS, assassinat de l’ancien ministre de la Défense, manque de réaction/ atermoiements de la Reichswehr et des politiques, etc.). La « vision du monde » du national-socialisme, c’est dès le début la dictature interne pour éradiquer le marxisme puis l’expansion "vitale" pour alimenter l’économie (et promouvoir la race).
Cet ouvrage est aussi un exposé approfondi de l’opposition communiste clandestine : lutte contre le fascisme, espionnage et auto-espionnage, dénonciations, falsifications et liquidations, paranoïa et terreur des purges staliniennes… Juxtaposition et affrontement des deux dictatures criminelles, allemande et russe.
Occasion également de découvrir une magnifique liste, qui aurait réjoui Eco et Borges :
« Dans leur histoire, tous les partis communistes ont travaillé avec virtuosité pour découvrir et punir les fautes réelles ou fictives commises par leurs membres. Voici une liste des déviations possibles, d’où il ressort que, pour de simples raisons de logique, déjà, personne ne pouvait être à l'abri des suspicions idéologiques.  

Anarchisme (petit-bourgeois)
Antibolchevisme
Avant-gardisme
Aventurisme
Blanquisme
Bonapartisme
Capitulationnisme
Centrisme
Cosmopolitisme
Culte (de la personnalité)
Défaitisme
Droitisme
Economisme
Egalitarisme
Entrisme
Formalisme
Fractionnisme
Gauchisme
Hitlero-trotskisme
Individualisme (bourgeois)
Libéralisme (pourri)
Liquidationnisme
Opportunisme de gauche
Opportunisme de droite
Putschisme
Relativisme
Renégatisme
Révisionnisme
Sectarisme
Sionisme
Social-démocratisme
Social-fascisme
Social-patriotisme
Trotskisme
Trotskisme de droite
Anti-parti
Contre-révolutionnaire
Élément (ennemi)
Ennemi de classe
Ennemi du peuple
Espion
Menchevik
Provocateur
Rat visqueux
Saboteur
Vipère lubrique
Hammerstein : un général brillant, intelligent voire génial, observateur remarquable et d’une grande sûreté de jugement, quasiment « visionnaire », sans compromis, mais aussi « paresseux » et plus intéressé par la chasse, d’origine noble et dernier représentant de l’état-major de la Première Guerre mondiale, d’un étonnant libéralisme (dans le sens de respect et de tolérance) avec ses filles (proches des milieux juif et/ou communiste, jusqu’à la clandestinité et le renseignement au sein du Kominterm). C’est lui l’auteur de cette célèbre analyse :
« Un jour qu’on lui demandait de quels points de vue il jugeait ses officiers, il dit : "Je distingue quatre espèces. Il y a les officiers intelligents, les travailleurs, les sots et les paresseux. Généralement, ces qualités vont par deux. Les uns sont intelligents et travailleurs, ceux-là doivent aller à l’état-major. Les suivants sont sots et paresseux ; ils constituent 90 % de toute armée et sont aptes aux tâches de routine. Celui qui est intelligent et en même temps paresseux se qualifie pour les plus hautes tâches de commandement, car il y apportera la clarté intellectuelle et la force nerveuse de prendre les décisions difficiles. Il faut prendre garde à qui est sot et travailleur, car il ne provoquera jamais que des désastres." »
Cet aristocrate déteste le bolchevisme, mais se rapproche d’abord de l’Armée rouge dans un pragmatique jeu gagnant-gagnant (instruction contre réarmement) :
« "Les relations avec Moscou sont un pacte avec Belzébuth. Mais nous n’avons pas le choix. La peur n’est pas une vision du monde." »
Malgré son opposition à Hitler et son « courage civique » jamais démentis, Hammerstein aurait toujours douté de l’opportunité d’un putsch (et à la lecture de ce livre on comprend mieux pourquoi les personnes perspicaces n’ont pas pu réagir efficacement contre Hitler), ce qu’il exprime fréquemment avec un certain cynisme :
« "Puisque le troupeau de moutons que sont les Allemands a élu un tel Führer, qu'ils le paient jusqu'au bout." Il ne fallait pas épargner cette expérience amère aux Allemands, sinon jamais ils ne deviendraient moins bêtes. »

« "…] il fallait absolument abandonner l’idée d’un attentat, étant donné que l’Allemand était à ce point peu doué politiquement qu’il ne comprendrait jamais la nécessité avant d’avoir bu la coupe amère jusqu’à la lie. Au contraire, il prétendrait toujours que le génie Hitler avait été tué par ambition. Nous avons sérieusement pesé cette opinion et n’avons pu en nier la justesse. Si finalement nous ne l’avons pas suivie, c’est après avoir réfléchi qu’il était du devoir de ceux qui voient clair de ne pas laisser plus longtemps la jeunesse allemande mourir d’une mort absurde »

« "À Goerdeler, il dit : "À quoi bon prendre encore des risques pour ces membres de la "communauté du peuple" ? Tant que Hitler remporte pour eux des victoires, ils ne se soucient pas des Juifs" »
Le sujet d’Enzensberger, c’est « la façon dont on pouvait survivre sous le régime hitlérien sans capituler devant lui. » Sa manière de l’aborder : documents d’archives, témoignages, mais aussi des « gloses » et « entretiens posthumes » avec les protagonistes (plusieurs personnalités intéressantes), qui lui permettent d’exposer ses interprétations d’enquêteur.


mots-clés : #deuxiemeguerre #politique

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Message par Tristram Sam 12 Mai - 22:12

- Je relis (un peu tard) les commentaires précédents : d'après Enzensberger, l'antisémitisme était déjà présent avant la Première Guerre mondiale (dans la vieille noblesse allemande), sous un aspect "bénin".
- Si une "petite main" savait afficher la liste citée sur deux colonnes, ce serait plus présentable...

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Message par animal Sam 12 Mai - 22:52

Est-ce mieux ?

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Message par Tristram Sam 12 Mai - 23:33

Super, merci : j'ai déjà du mal à le faire dans Word, alors...

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Message par topocl Dim 13 Mai - 10:45

Je me demande pourquoi je l'avais abandonné en cours de route, celui-là.

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