José Saramago
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Re: José Saramago
L'année de la mort de Ricardo Reis
Ce n'était finalemnt qu'un vulgaire roman policier, une banale histoire d'assassinat et d'enquête, le crimminel, la victime, ou l'inverse, la victime préexistant au criminel, le détective enfin, tous trois complices de la mort, et force est de reconnaître que le seul survivant authentique de cette histoire est le lecteur lui-même, d'ailleurs c'est toujours comme unique survivant véritable que chaque lecteur lit chaque histoire.
C'est un peu en survivant que j'ai terminé la lecture de L'année de la mort de Ricardo Reis.
Au départ, on connait les originalités de Saramago pour la ponctuation. Ici les phrases sont immenses, tant et si bien qu'il est malaisé de trouver un "stop" nécessaire en milieu de page.
Bref, on s’y accommode car la fluidité de José nous emmène.
Mais j'ai failli le laisser tomber, je me suis accrochée, je ne le regrette pas, mais j'ai nettement préféré Caïn.
Cliniou- Messages : 916
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Re: José Saramago
Relevé de terre
Le ton est celui du récit parlé populaire, celui d’un ancien avec ses dictons, ses ingénuités ; c’est l’histoire d’une misérable famille rurale sur quatre générations, au cours de laquelle les yeux bleus du violeur initial réapparaissent aléatoirement. Cette narration commence au début du XXe, au moment de la proclamation de la République, et repasse parfois au quinzième siècle, lors du viol de l’ancêtre par un Allemand gouverneur du latifundium, tant ce dernier laisse inchangé le destin de la population à sa merci.
Le latifundium est, dans l’antiquité romaine, un grand domaine rural formé à la suite d'usurpations de terres, cultivé par des esclaves et sur lequel les riches Romains pratiquèrent une agriculture de type nouveau fondée sur l'élevage, l'oléiculture et la viticulture ; aux temps modernes, c’est un très vaste domaine agricole où l'on pratique une culture extensive pauvre (TLFi). Aride contrée, où on arrache l’écorce de liège des chênes.
Le peuple affamé par le latifundium que soutient la garde nationale et le clergé, toujours dans la hantise du chômage, se rebelle progressivement grâce au communisme.
Heureusement quelques (fausses) digressions animent le récit :
Ricardo Reis, hétéronyme de Fernando Pessoa et sujet du roman de Saramago quatre ans plus tard, fait une première apparition dans son oeuvre.
C’est une poignante évocation de la misère rurale portugaise, mais pas ma lecture préférée de cet auteur.
Mots-clés : #ruralité #social #viequotidienne
Le ton est celui du récit parlé populaire, celui d’un ancien avec ses dictons, ses ingénuités ; c’est l’histoire d’une misérable famille rurale sur quatre générations, au cours de laquelle les yeux bleus du violeur initial réapparaissent aléatoirement. Cette narration commence au début du XXe, au moment de la proclamation de la République, et repasse parfois au quinzième siècle, lors du viol de l’ancêtre par un Allemand gouverneur du latifundium, tant ce dernier laisse inchangé le destin de la population à sa merci.
Le latifundium est, dans l’antiquité romaine, un grand domaine rural formé à la suite d'usurpations de terres, cultivé par des esclaves et sur lequel les riches Romains pratiquèrent une agriculture de type nouveau fondée sur l'élevage, l'oléiculture et la viticulture ; aux temps modernes, c’est un très vaste domaine agricole où l'on pratique une culture extensive pauvre (TLFi). Aride contrée, où on arrache l’écorce de liège des chênes.
Le peuple affamé par le latifundium que soutient la garde nationale et le clergé, toujours dans la hantise du chômage, se rebelle progressivement grâce au communisme.
Les phrases sont souvent longues, paraissent parfois l’être trop, et la ponctuation n’aide guère à scander le discours (il manque des points entre les différentes répliques des dialogues qui sont concaténés, seule une majuscule annonçant le changement d’interlocuteur) ; c’est d’ailleurs l’écriture ‒ l’élocution ‒ typique de Saramago, flux torrentiel quasiment continu. Parti pris a priori ? j’ai eu l’impression d’une litanie monocorde, à peine relevée par moments, comme lorsqu’il évoque les libres brigands.« Vu de Monte Lavre, le monde est une montre ouverte, avec les tripes au soleil, en train d’attendre que sonne son heure. »
« C’est ça le luxe de l’époque, que les souffrants se glorifient de leurs souffrances, que les esclaves s’enorgueillissent de leur esclavage. »
« …] ils se connaissaient, évidemment, ce ne fut pas je te vois et je t’aime, mais ensuite elle dit, Alors, Manuel, et il répondit, Alors, Gracinda, et ce fut tout, celui qui pense qu’il en faut davantage se trompe. »
« Trente jours d’isolement font un mois qui ne peut figurer sur aucun calendrier. On a beau calculer et apporter la preuve réelle, ce sont toujours des jours de trop, c’est une arithmétique inventée par des fous, nous nous mettons à compter, un, deux, trois, vingt-sept, quatre-vingt-quatorze, et finalement nous nous étions trompés, seuls six jours étaient passés. »
Heureusement quelques (fausses) digressions animent le récit :
Cette forme de relation orale est questionnée :« …] on se met à raconter une histoire, mais il y en a d’autres qui vous viennent en cours de route. »
On est même parfois proche du conte : outre la vision panoptique des milans, ce sont des fourmis qui « lèvent la tête comme les chiens », et sont les seuls témoins du maquillage en suicide de la mort sous les coups d’un gréviste interrogé après avoir été arrêté par la garde.« Il faut distinguer ce qui est réflexions du narrateur de ce qui est pensées de João Mau-Tempo, mais reconnaissons qu’il s’agit d’une seule et même certitude, et, s’il y a des erreurs, qu’elles soient partagées. »
« Les hommes sont ainsi faits que même lorsqu’ils mentent ils disent une autre vérité et si, au contraire, c’est la vérité qu’ils veulent entendre sortir de leur bouche, cette vérité s’accompagne toujours d’une sorte de mensonge, même quand ce n’est pas intentionnel. Voilà pourquoi nous n’en finirions jamais si nous nous mettions à discuter la part de mensonge et de vérité dans ces histoires de chasse d’António Mau-Tempo [… »
Ricardo Reis, hétéronyme de Fernando Pessoa et sujet du roman de Saramago quatre ans plus tard, fait une première apparition dans son oeuvre.
C’est une poignante évocation de la misère rurale portugaise, mais pas ma lecture préférée de cet auteur.
Mots-clés : #ruralité #social #viequotidienne
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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram- Messages : 15559
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Re: José Saramago
merci Tristram, je vais tout de même noter pour le sujet ! et je n'ai jamais lu Saramago
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“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia
[/i]
"Il n'y a pas de mauvais livres. Ce qui est mauvais c'est de les craindre." L'homme de Kiev Malamud
Bédoulène- Messages : 21020
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Re: José Saramago
J'ai justement pensé à toi comme lectrice potentielle de ce bouquin (si le style ne te rebute pas) : essaie donc !
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Tristram- Messages : 15559
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Re: José Saramago
L’aveuglement
De partout on nous dit que le covid19 qui s’est invité dans nos vies, a aussi des aspects positifs : solidarité, nouveaux espoirs sociétaux, explosion de la créativité et j’en passe… J’ajoute à la liste de ces bienfaits pour l’humanité le fait de m’avoir poussée à retenter L’aveuglement, dont la lecture m’avait rebutée il y a pas mal d’années. Pour être tout à fait honnête, Marie y a aussi contribué .
Nous voilà face à une nouvelle sorte d’épidémie, une cécité brutale qui se communique d’homme à homme avec une rapidité si fulgurante que bientôt toute l’humanité est concernée. Seule une femme bienveillante résiste encore et toujours à l’envahisseur. Quand l’adversité est trop forte, il faut bien des prophètes.
Alors nous assistons à des chose bien classiques : l’incurie et l’autoritarisme des gouvernants, la mise en quarantaine, la peur comme seule guide, les caractères exacerbés par l’épreuve, l’homme tel qu’en lui même révélé.
Bien qu’il s’agisse d’un livre très sombre, avec la mise en avant du caractère sordide de pas mal de nos concitoyens, une solidarité larvée puis triomphante permet à un petit groupe de s’en sortir, pas forcément bien, mais de s’en sortir, dans ce monde apocalyptique (et non pas post-apocalyptique, même si, à de nombreuses reprises, j’ai pu penser à La route de Mc Carthy)
Ces hommes et femmes privés de leur vue comme de leur dignité s’apparentent, bien évidemment, au dieux joueurs des plus grands mythes de l’humanité, dont ils partagent les terribles mises à l’épreuve. Saramago ne dit-il pas : « le monde avait sûrement commencé comme ça ». Oui, nous sommes bien tous comme ça, les dieux, les héros, les hommes premiers ou civilisés, ce mélange de veulerie et de courage, de tendresse et de désespoir. Et ce roman est bien universel.
Car vous l’avez compris, l’aveuglement, ça n’est pas seulement perdre la vue. C’est l’aveuglement global d’une société et individuel de ses sujets, embarqués sans retour possible dans une perte de sens dont ils ne savent plus comment se défaire.
On retrouve bien ici le style de Saramago. Il en rebutera certains, il m’a surtout gêné au début, avant que je me sente embarquée : peu de points, de retours à la ligne, des dialogues insérés dans le texte sans démarcation, l’usage répété et amusé des dictons. Il trouve ici son meilleur emploi dans cette obstiné litanie appliquée à la fuite en avant d’un destin inéluctable, sans respiration, ce destin d’être humain, tragique mais auquel nul·le ne veut renoncer.
De partout on nous dit que le covid19 qui s’est invité dans nos vies, a aussi des aspects positifs : solidarité, nouveaux espoirs sociétaux, explosion de la créativité et j’en passe… J’ajoute à la liste de ces bienfaits pour l’humanité le fait de m’avoir poussée à retenter L’aveuglement, dont la lecture m’avait rebutée il y a pas mal d’années. Pour être tout à fait honnête, Marie y a aussi contribué .
Nous voilà face à une nouvelle sorte d’épidémie, une cécité brutale qui se communique d’homme à homme avec une rapidité si fulgurante que bientôt toute l’humanité est concernée. Seule une femme bienveillante résiste encore et toujours à l’envahisseur. Quand l’adversité est trop forte, il faut bien des prophètes.
Alors nous assistons à des chose bien classiques : l’incurie et l’autoritarisme des gouvernants, la mise en quarantaine, la peur comme seule guide, les caractères exacerbés par l’épreuve, l’homme tel qu’en lui même révélé.
Bien qu’il s’agisse d’un livre très sombre, avec la mise en avant du caractère sordide de pas mal de nos concitoyens, une solidarité larvée puis triomphante permet à un petit groupe de s’en sortir, pas forcément bien, mais de s’en sortir, dans ce monde apocalyptique (et non pas post-apocalyptique, même si, à de nombreuses reprises, j’ai pu penser à La route de Mc Carthy)
Ces hommes et femmes privés de leur vue comme de leur dignité s’apparentent, bien évidemment, au dieux joueurs des plus grands mythes de l’humanité, dont ils partagent les terribles mises à l’épreuve. Saramago ne dit-il pas : « le monde avait sûrement commencé comme ça ». Oui, nous sommes bien tous comme ça, les dieux, les héros, les hommes premiers ou civilisés, ce mélange de veulerie et de courage, de tendresse et de désespoir. Et ce roman est bien universel.
Car vous l’avez compris, l’aveuglement, ça n’est pas seulement perdre la vue. C’est l’aveuglement global d’une société et individuel de ses sujets, embarqués sans retour possible dans une perte de sens dont ils ne savent plus comment se défaire.
On retrouve bien ici le style de Saramago. Il en rebutera certains, il m’a surtout gêné au début, avant que je me sente embarquée : peu de points, de retours à la ligne, des dialogues insérés dans le texte sans démarcation, l’usage répété et amusé des dictons. Il trouve ici son meilleur emploi dans cette obstiné litanie appliquée à la fuite en avant d’un destin inéluctable, sans respiration, ce destin d’être humain, tragique mais auquel nul·le ne veut renoncer.
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Etre dans le vent, c'est l'histoire d'une feuille morte.
Flore Vasseur
topocl- Messages : 8395
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Re: José Saramago
« …] car le premier être humain à être dépourvu de cette deuxième peau que nous appelons égoïsme n’a pas encore vu le jour, peau bien plus dure que la première qui, elle, saigne pour un oui ou pour un non. »
José Saramago, « L’aveuglement »
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Tristram- Messages : 15559
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Re: José Saramago
merci topocl, je le lirai certainement et ferai ainsi connaissance avec cet auteur.
"Oui, nous sommes bien tous comme ça, les dieux, les héros, les hommes premiers ou civilisés, ce mélange de veulerie et de courage, de tendresse et de désespoir."
cela me rappelle ce que disait un personnage du livre "la peste" "[...]qu’il y avait toujours une heure de la journée et de la nuit où un homme était lâche et qu’il n’avait peur que de cette heure-là."
"Oui, nous sommes bien tous comme ça, les dieux, les héros, les hommes premiers ou civilisés, ce mélange de veulerie et de courage, de tendresse et de désespoir."
cela me rappelle ce que disait un personnage du livre "la peste" "[...]qu’il y avait toujours une heure de la journée et de la nuit où un homme était lâche et qu’il n’avait peur que de cette heure-là."
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Bédoulène- Messages : 21020
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Re: José Saramago
La Lucarne
Deuxième roman de José Saramago, écrit en 1953 puis égaré 36 ans chez un éditeur ; l’auteur (qui n’a dès lors pas accepté sa publication de son vivant) n’avait recommencé à être publié que 20 ans après cette mésaventure…
Lisbonne dans les années quarante, un immeuble aux locataires de condition modeste, avec la promiscuité que cela suscite : un artisan et sa bonne épouse, un représentant de commerce et son insupportable conjointe, un ouvrier odieux avec sa femme, des veuves, des employées, une femme entretenue, un jeune sous-locataire rompu aux épreuves et jaloux de rester sans attache, riche d’expériences et « inutile », amateur de Pessoa et de considérations philosophico-existentialistes…
Le roman s’intéresse à ces différents occupants, dont un cordonnier qui se souvient de l’époque du dictateur Salazar :
Un passage étonnant, celui de la révélation d’un désir lesbien à la lecture de La Religieuse, de Diderot.
De fréquentes références au temps qui passe donnent le ton du livre :
Mots-clés : #psychologique #social #viequotidienne
Deuxième roman de José Saramago, écrit en 1953 puis égaré 36 ans chez un éditeur ; l’auteur (qui n’a dès lors pas accepté sa publication de son vivant) n’avait recommencé à être publié que 20 ans après cette mésaventure…
Lisbonne dans les années quarante, un immeuble aux locataires de condition modeste, avec la promiscuité que cela suscite : un artisan et sa bonne épouse, un représentant de commerce et son insupportable conjointe, un ouvrier odieux avec sa femme, des veuves, des employées, une femme entretenue, un jeune sous-locataire rompu aux épreuves et jaloux de rester sans attache, riche d’expériences et « inutile », amateur de Pessoa et de considérations philosophico-existentialistes…
Le roman s’intéresse à ces différents occupants, dont un cordonnier qui se souvient de l’époque du dictateur Salazar :
Quelques notations suffisent à rendre la bonne entente dans un couple, et l’inverse donne lieu à un long développement (c’est sans doute pourquoi on ne fait pas de littérature avec de bons sentiments). De fait, les drames conjugaux et familiaux sont exposés, faisant l’objet principal du roman.« Il avait pris l’habitude dans sa jeunesse de regarder les gens bien en face pour savoir qui ils étaient et ce qu’ils pensaient, à une époque où faire confiance ou non était quasiment une question de vie ou de mort. »
Un passage étonnant, celui de la révélation d’un désir lesbien à la lecture de La Religieuse, de Diderot.
De fréquentes références au temps qui passe donnent le ton du livre :
Ce n’est sans doute pas un chef-d’œuvre (et dommage qu’il frôle par endroits la caricature, la lourdeur et/ou l’idéalisme trémolant), mais une œuvre intéressante, surtout en regard de celles qui allaient suivre ‒ d’un style moins original, et (donc) plus abordable : une bonne surprise de lecture !« Le temps s’écoulait lentement. Le tic-tac de la pendule repoussait le silence, s’obstinait à l’éloigner, mais le silence lui opposait sa masse dense et lourde, où tous les sons se noyaient. Sans défaillance, l’un et l’autre se battaient, le son avec l’opiniâtreté du désespoir et la certitude de la mort, le silence avec le dédain de l’éternité. »
« Le passé pour s’en souvenir, le présent pour le vivre, le futur pour en avoir peur. »
« En deçà – ou peut-être par-delà – les bruits inévitables, un silence épais, affligeant, le silence inquisitorial du passé qui nous contemple et le silence ironique de l’avenir qui nous attend. »
« Les minutes et les heures passèrent lentement. La pendule en bas dévida le temps en écheveaux sonores avec un fil interminable. »
Mots-clés : #psychologique #social #viequotidienne
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Tristram- Messages : 15559
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Re: José Saramago
Une Vie mode d'emploi portugaise?
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Flore Vasseur
topocl- Messages : 8395
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Re: José Saramago
J'y ai évidemment pensé, mais non, plus proche du prétexte à rassembler quelques tranches de vie !
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Tristram- Messages : 15559
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Localisation : Guyane
Re: José Saramago
cela m'a aussi fait penser au livre de Perec
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― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia
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Bédoulène- Messages : 21020
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Age : 79
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Re: José Saramago
J'ai beaucoup apprécié le peu que j'ai lu de Saramago. Trop peu. Pourquoi ?
La réponse est -comme toujours- dans les livres.
Relevé de terre, Les Intermittences de la mort, Menus souvenirs, Cain, Ricardo Reis,
Le Voyage de l'éléphant...
Projets...
La réponse est -comme toujours- dans les livres.
Relevé de terre, Les Intermittences de la mort, Menus souvenirs, Cain, Ricardo Reis,
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bix_229- Messages : 15439
Date d'inscription : 06/12/2016
Localisation : Lauragais
Re: José Saramago
A propos de Cain, tombé sur une critique de lecteur, drole et acide. : Critique de viou1108 sur Babelio : clic
bix_229- Messages : 15439
Date d'inscription : 06/12/2016
Localisation : Lauragais
Re: José Saramago
"Dans une écriture limpide et poétique, José Saramago nous livre une mosaïque de souvenirs d'enfance et d'adolescence. Entre Azinhaga, la terre de ses grands-parents, où il est né, et Lisbonne, où il a grandi, images, sensations, anecdotes reviennent pêle-mêle à la mémoire du grand écrivain: une famille de paysans pauvres, une grand-mère analphabète, un père devenu fonctionnaire de police à force de travail, et un enfant qui court dans les oliveraies, passe de longues heures sur les rives du Tage, contemple les beautés d'un ciel nocturne, marche pendant plusieurs jours en compagnie de son oncle pour aller vendre des cochons à une foire aux bestiaux, s'évade, solitaire, dans la lecture, ou cède à la magie des cinémas lisboètes.Cet attachement à la terre et aux plus humbles a nourri toute l'œuvre du prix Nobel de littérature et éclaire l'engagement sans faille d'un homme aux côtés des opprimés."
A plus de quatre vingt ans, Saramago revisite son enfance et sa jeunesse. Malgré la grande pauvreté du milieu familial, il sait transcender l'humble réalité
[left]et les personnages qui peuplèrent son univers. Surtout ceux qu'il a aimé, sa mère, son grand père maternel."La pluie tombe, le vent malmène les arbres dépouillés de leurs feuilles et une image émerge du passé, celle d'un homme grand et maigre, vieux,
maintenant qu'il est plus proche, sur un sentier inondé.
Des porcs marchent devant lui, tete basse, groin rasant le sol. L'homme qui s'approche ainsi, brouillé par la pluie qui tombe à seaux, est mon grand-père.
Il est fatigué. Il traine avec lui soixante dix ans de vie difficile, de privations, d'ignorance.
Et pourtant, c'est un homme sage, silencieux qui n'ouvre la bouche que lorsque c'es indispensable. Il parle si peu que nous nous taisons tous pour
l'écouter lorsqu'une espèce de lueur s'allume sur son visage.
Il a une façon étrange de regarder au loin, meme si ce lointain est seulement le mur en face de lui.
Son visage figé, mais expressif, semble taillé à l'herminette, et ses yeux, petits et perçants, brillent de temps à autre comme si une pensée qui lui avait
traversé l'esprit venait enfin d'etre comprise.
C'est un homme comme tant d'autres sur cette terre dans ce monde, peut etre un Einstein écrasé sous une montagne d'impossibles, un philosophe,
un grand écrivain analphabète. Quelque chose qu'il ne pourra jamais etre.
Je me souviens de ces nuits tièdes d'été quand nous dormions sous le grand figuier, je l'entends parler de sa vie, du chemin de saint Jacques qui
resplendissait au dessus de nos tetes, du bétail qu'il élevait, des histoires et des légendes de son enfance lointaine.
Nous nous endormions tard, bien enroulés dans nos couvertures à cause de la fraicheur de l'aube.
Mais l'image qui ne me quitte pas en cette heure de mélancolie est celle du vieillard avançant sous la pluie, obstiné, silencieux, comme s'il accomplissait
un destin que rien ne pourra changer. Ce vieillard, que je touche presque de la main, ne sait pas comment il mourra. Il ne sait pas encore que quelques
jours seulement avant sa dernière heure, il aura le pressentiment que sa fin est arrivée et il ira d'arbre en arbre dans son jardin étreindre les troncs,
leur dire adieu, prendre congé de leur ombre amie, des fruits que plus jamais il ne mangera...
Quelle parole prononcera t-il alors ?"
Menus souvenirs, pp 129-13O
A travers ce magnifique portrait, ému et admiratif, il y a quelque chose de connu et d'universel.
Celui d'un etre qu'on a connu,, aimé, puis regretté et qui, si longtemps après est encore là et qui nous accompagnera jusqu'au bout.
Plus qu'une trace et un souvenir ou une reconstruction à moitié effacée.
Une indignation, une révolte, comme un besoin de réhabilitation posthume.
J'aime aussi Saramago pour n 'avoir pas renié ses origines mais pour les revendiquer tout au long de son oeuvre.
Personnellement, j'ai reconnu là mon propre grand père maternel avec quelques différences certes, mais la meme présence digne et intelligente
er auquel je n'ai cessé de penser depuis regrettant la légèreté de mes 15 ou 16 ans.
bix_229- Messages : 15439
Date d'inscription : 06/12/2016
Localisation : Lauragais
Re: José Saramago
Le radeau de pierre
La péninsule Ibérique se sépare de l’Europe par « rupture des Pyrénées », et José Saramago nous raconte avec bonhomie cette scission fantastique, et les réactions des personnes comme des gouvernements et scientifiques.
Joana Carda griffe le sol avec une branche d’orme, Maria Guavaira dévide interminablement un bas de laine bleue, Joaquim Sassa fait ricocher une lourde pierre sur la mer, les étourneaux suivent José Anaiço, Pedro Orce est le seul à ressentir le tremblement de la terre, et tous vont se réunir pour voyager à travers l’ex-péninsule.
La foule va voir passer le rocher de Gibraltar, tandis que d’après les calculs l’archipel des Açores se trouve sur la route suivie…
La recherche stylistique novatrice, habituelle à Saramago, va vers un allégement de la ponctuation, moins marquée notamment dans les dialogues ; cette fois, elle ne gêne pas la compréhension du lecteur, souligne le flux de paroles ou pensées sans artificialité. De plus, le narrateur s’adresse directement au lecteur, et digresse volontiers sur l’écriture, le langage (et les noms, qui apparemment fascinent l’auteur). Saramago fait aussi de nombreuses allusions aux littératures espagnoles et lusophones, y compris à ses propres œuvres, et affectionne les dictons.
\Mots-clés : #contemythe #fantastique #insularite
La péninsule Ibérique se sépare de l’Europe par « rupture des Pyrénées », et José Saramago nous raconte avec bonhomie cette scission fantastique, et les réactions des personnes comme des gouvernements et scientifiques.
Elle a pris la mer comme une île, et la vision forte est à la fois rendue avec réalisme et poésie, un certain onirisme, du merveilleux et de l’humour sur un substrat de mythologie infernale (avec notamment les chiens).« Il y eut une pause, on sentit passer dans l’air comme un grand souffle, la première et profonde respiration de celui qui se réveille, et la masse de pierre et de terre, couverte de villes, de villages, de rivières, de bois, d’usines, de forêts vierges, de champs cultivés, avec ses habitants et ses animaux, commença de bouger, barque qui s’éloigne du port et met le cap vers l’océan, une fois encore inconnu. »
Joana Carda griffe le sol avec une branche d’orme, Maria Guavaira dévide interminablement un bas de laine bleue, Joaquim Sassa fait ricocher une lourde pierre sur la mer, les étourneaux suivent José Anaiço, Pedro Orce est le seul à ressentir le tremblement de la terre, et tous vont se réunir pour voyager à travers l’ex-péninsule.
La foule va voir passer le rocher de Gibraltar, tandis que d’après les calculs l’archipel des Açores se trouve sur la route suivie…
La recherche stylistique novatrice, habituelle à Saramago, va vers un allégement de la ponctuation, moins marquée notamment dans les dialogues ; cette fois, elle ne gêne pas la compréhension du lecteur, souligne le flux de paroles ou pensées sans artificialité. De plus, le narrateur s’adresse directement au lecteur, et digresse volontiers sur l’écriture, le langage (et les noms, qui apparemment fascinent l’auteur). Saramago fait aussi de nombreuses allusions aux littératures espagnoles et lusophones, y compris à ses propres œuvres, et affectionne les dictons.
De mon point de vue, une belle réussite !« Joaquim Sassa ne répondit pas, il fit taire son imagination, car le dialogue menaçait de tourner en rond, il allait devoir répéter, Je ne sais pas, et ainsi de suite, avec quelques légères variantes, d’ordre formel, en prenant malgré tout le maximum de précautions car, on le sait, la forme mène au fond, le contenant au contenu, le son d’un mot à son sens. »
« Une aura, une lueur sans éclat, une sorte de lumière non lumineuse semblait planer sur elle, mais cette phrase, composée comme toutes les autres presque uniquement de mots, peut-elle échapper à l’équivoque. »
« …] c’est le narrateur, amant de la justice, qui n’a pu résister à faire ce commentaire. »
« Enfin, le dernier car il en fallait bien un, Pedro Orce dit, Où on dira je vais, et cette phrase qui offense manifestement la grammaire et la logique par excès de logique et sans doute aussi de grammaire, restera telle quelle, peut-être finira-t-on par lui trouver un sens particulier qui la justifie et l’absolve, celui qui a l’expérience des mots sait qu’on peut tout en attendre. »
« …] tout ce que nous disons s’ajoute à ce qui est, à ce qui existe [… »
\Mots-clés : #contemythe #fantastique #insularite
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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram- Messages : 15559
Date d'inscription : 09/12/2016
Age : 67
Localisation : Guyane
Re: José Saramago
merci Tristram !
jamais lu saramago mais dans mes projets aussi (la liste s'allonge et à l'allure où je lis ............)
jamais lu saramago mais dans mes projets aussi (la liste s'allonge et à l'allure où je lis ............)
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“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia
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"Il n'y a pas de mauvais livres. Ce qui est mauvais c'est de les craindre." L'homme de Kiev Malamud
Bédoulène- Messages : 21020
Date d'inscription : 02/12/2016
Age : 79
Localisation : En Provence
Re: José Saramago
Ah ioui, lisez Saramago ! On a besoin de sa lucidité et de son humanité. Laique oui !
bix_229- Messages : 15439
Date d'inscription : 06/12/2016
Localisation : Lauragais
Re: José Saramago
Ce roman en particulier me semble mériter la lecture, surtout pour une première fois (parfois Saramago est difficile à suivre, obscurité entretenue par le manque de ponctuation).
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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram- Messages : 15559
Date d'inscription : 09/12/2016
Age : 67
Localisation : Guyane
Re: José Saramago
Au sujet de La lucidité que j'ai lu il ya quelques années :
"Au lendemain des élections municipales organisées dans la capitale sans nom d' un pays sans nom, la stupeur s' empare du gouvernement : 83 % des électeurs ont voté blanc.
Incapables de penser qu' il puisse s' agir d' un rejet démocratique et citoyen de leur politique, les dirigeants soupçonnent une conspiration organisée par un petit groupe subversif, voire un complot anarchiste international. Craignant que cette "peste blanche" ne contamine l' ensemble du pays, le gouvernement évacue la capitale. L' état de siège est décrété et un commissaire de police chargé d' éliminer les coupables - ou de les inventer. Aussi lorsqu' une lettre anonyme suggère un lien entre la vague de votes blancs et la femme qui, quelques années auparavant, a été la seule à ne pas succomber à une épidémie de cécité, le bouc émissaire est tout trouvé. La presse se déchaine. La machine répressive se met en marche. Et, contre toute attente, éveille la conscience du commissare."
Saramago serait-il prophétique ? En tout cas, en lisant ce livre, on ne peut s' empecher de penser à l' élection présidentielle d' un pays sans nom et dont les électeurs vont se trouver devant un problème épineux : voter ? Pour qui ? Pourquoi ?
Ou encore, contre qui/quoi ?
Dernière édition par bix_229 le Mer 7 Avr - 16:13, édité 1 fois
bix_229- Messages : 15439
Date d'inscription : 06/12/2016
Localisation : Lauragais
Re: José Saramago
Petit additif à La LUCIDITE
Au fil des pages, le récit, de bouffonnrie noire, tourne à la tragédie. Et le "héros" meurt à la fin. Les héros meurent pour rien ou presque. Mais celui-là meurt en paix. Peut etre Saramago a-t-il voulu montrer que le cynisme des hommes politiques pouvait etre mis en échec par quelques hommes honnètes, courageux et de bonne volonté.
René Char écrit :
Dis ce que le feu hésite à dire...
Et meurs de l' avoir dit pour tous.
Et quand les gens qu' il va sauver lui demandent pourquoi il les aide, il répond :
"Nous naissons et à cet instant c' est comme si nous avions signé un pacte pour toute la vie, mais un jour peut arriver où nous nous demandons Qui a signé cela pour moi." P. 313
En sa dernière nuit, il pense et monologue avec lui meme :
"Le commissaire divague. Il s' est assis sur son lit, puis laissé tomber en arrière, il ferme les yeux et implore le sommeil de ne pas tarder, Je sais bien que la nuit a à peine commencé, qu' une clarté subsiste encore dans le ciel, mais je veux dormir comme il parait que dort la pierre, sans les leurres du reve, ... s' il vous plait, au moins jusqu' à demain, si davantage n' est pas possible.
"Le sommeil entendit son appel éploré, il se précipita et resta quelques instants, puis se retira pour que le commissaire se déshabille et se metter au lit, mais il revint presque aussitot et resta toute la nuit à ses cotés, chassant les reves au loin, vers le pays des fantomes, là où, unissant le feu à l' eau, ils naissent et se multiplient". P. 347
Un bel idéaliste, le commissaire, mais je les aime ainsi !
Au fil des pages, le récit, de bouffonnrie noire, tourne à la tragédie. Et le "héros" meurt à la fin. Les héros meurent pour rien ou presque. Mais celui-là meurt en paix. Peut etre Saramago a-t-il voulu montrer que le cynisme des hommes politiques pouvait etre mis en échec par quelques hommes honnètes, courageux et de bonne volonté.
René Char écrit :
Dis ce que le feu hésite à dire...
Et meurs de l' avoir dit pour tous.
Et quand les gens qu' il va sauver lui demandent pourquoi il les aide, il répond :
"Nous naissons et à cet instant c' est comme si nous avions signé un pacte pour toute la vie, mais un jour peut arriver où nous nous demandons Qui a signé cela pour moi." P. 313
En sa dernière nuit, il pense et monologue avec lui meme :
"Le commissaire divague. Il s' est assis sur son lit, puis laissé tomber en arrière, il ferme les yeux et implore le sommeil de ne pas tarder, Je sais bien que la nuit a à peine commencé, qu' une clarté subsiste encore dans le ciel, mais je veux dormir comme il parait que dort la pierre, sans les leurres du reve, ... s' il vous plait, au moins jusqu' à demain, si davantage n' est pas possible.
"Le sommeil entendit son appel éploré, il se précipita et resta quelques instants, puis se retira pour que le commissaire se déshabille et se metter au lit, mais il revint presque aussitot et resta toute la nuit à ses cotés, chassant les reves au loin, vers le pays des fantomes, là où, unissant le feu à l' eau, ils naissent et se multiplient". P. 347
Un bel idéaliste, le commissaire, mais je les aime ainsi !
bix_229- Messages : 15439
Date d'inscription : 06/12/2016
Localisation : Lauragais
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