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Georges Brassens, Lettre à Toussenot

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Vassili Grossman

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Message par Bédoulène Sam 17 Déc - 17:19

Vassili Grossman
(1905-1964)


Vassili Grossman Vassil10

Vassili Semionovitch Grossman (en russe : Василий Семёнович Гроссман) est un écrivain soviétique né le 12 décembre (29 novembre) 1905 à Berditchev (actuelle Ukraine) et mort le 14 septembre 1964 à Moscou.

Il est issu d'une famille bourgeoise cultivée d'origine juive assimilée ayant abandonné toute pratique religieuse ainsi que le yiddish. Son père, Semion Ossipovitch Grossman, un bundiste, était ingénieur chimiste de profession et sa mère, Ekaterina, professeur de français.
Il naît le 12 décembre 1905 à Berditchev, dans l'Empire russe (actuellement en Ukraine). Ses parents s’étant séparés, il est élevé par sa mère et vit avec elle deux ans à Genève1 de 1912 à 1914. Il étudie au lycée à Kiev, puis en 1923 commence à Moscou des études d’ingénieur chimiste.
Pourtant, dès 1927, sa passion pour la science faiblit et il s’intéresse de plus en plus à la littérature. Il commence à écrire ses premiers textes, et son essai « Berditchev, trêve de plaisanterie » est publié dans la revue Ogoniok en 1928. Il obtient son diplôme en 1929 et épouse cette même année sa fiancée Anna Petrovna Matsouk. Leur fille Ekaterina naît en 1930. Grossman commence à cette époque à s’intéresser de plus en plus à l’écriture.
En 1930, il obtient un travail d’ingénieur dans une mine à Stalino dans le bassin du Donbass, sa femme restant à Kiev. Durant cette période l'Ukraine est très durement frappée par la famine en raison de la politique de dékoulakisation du régime soviétique.
À la suite d'un diagnostic de tuberculose erroné, il parvient à quitter Stalino en 1932 et s'installe à Moscou, où il travaille dans une fabrique de crayons. Il divorce cette même année. Grossman est épargné par les premières purges, mais sa cousine Nadejda Almaz est arrêtée en 1933.

En février 1934, Grossman abandonne définitivement son travail d'ingénieur pour se consacrer à l'écriture. Sa première nouvelle, Dans la ville de Berditchev, publiée en 1934 et qui ose mettre en avant une famille juive misérable, reçoit les encouragements de Maxime Gorki, alors sacré père des lettres soviétiques, mais aussi de Isaac Babel et Mikhaïl Boulgakov. Il publie cette même année son premier roman, Glückauf, qui a pour cadre une mine de charbon.
Bien que ses romans soient dans la ligne du régime — il est en effet persuadé que seul le communisme soviétique peut faire barrière au fascisme et à l’antisémitisme —, Grossman ne se rallie cependant pas au réalisme socialiste.

Il se remarie en 1935 avec Olga Mikhaïlovna Gouber, qu'il rencontre via les membres du groupe Pereval qu'il fréquente. Ses premiers textes lui permettent de devenir en 1937 membre de l'Union des écrivains soviétiques, une marque officielle de reconnaissance qui le fait entrer dans la nomenklatura2.
Son second roman, Stepan Koltchougin (publié entre 1937 et 1940), une ode aux usines métallurgiques, est proposé pour le prix Staline, mais est finalement rayé de la liste par Staline en personne du fait des soupçons de sympathie menchevik portés contre lui.

Grossman est rattrapé par les purges en 1938. Sa femme est arrêtée en pleine Ejovchtchina au motif que son précédent mari, Boris Gouber, a été condamné et exécuté en 1937. Grossman intervient alors en prenant le risque énorme d’écrire personnellement à Nikolaï Iejov et parvient à faire libérer sa femme. Il adopte également les deux fils de Gouber pour qu'ils ne soient pas envoyés dans un orphelinat pour enfants d’« ennemis du peuple », comme on faisait avec tous les enfants de condamnés politiques. Cette même année son oncle David Cherentsis est arrêté et fusillé à Berditchev.
Durant cette période, impuissant, Grossman est contraint de signer une pétition de soutien aux procès intentés contre les vieux bolcheviks accusés de trahison.
(wikipedia)


Œuvres traduites en français

Vivre
Le Peuple qui survit
Le peuple est immortel
L'Enfer de Treblinka
Vie et Destin
Tout passe
La Paix soit avec vous
Le Livre noir (en collaboration avec Ilya Ehrenbourg)
La Madone Sixtine
À la campagne
Carnets de guerre. De Moscou à Berlin. 1941-1945
Pour une juste cause

Recueils

Stalingrad. Choses vues (septembre 1942 - janvier 1943)( L'ouvrage rassemble les nouvelles et chroniques de guerre Volga-Stalingrad, Une compagnie de jeunes fusiliers-mitrailleurs, L'âme du soldat rouge, La bataille de Stalingrad, Vlassov, Tsaritsyne-Stalingrad, Ce que voit Tchékov, L'axe d'effort principal, Sur les routes de l'offensive, Stalingrad aujourd'hui, Le conseil militaire, L'armée de Stalingrad et Le front de Stalingrad.)

Années de guerre (L'ouvrage rassemble le roman Le peuple est immortel et les nouvelles et chroniques de guerre Le vieil instituteur, Volga-Stalingrad, Une compagnie de jeunes fusiliers-mitrailleurs, L'âme du soldat de l'Armée rouge, La bataille de Stalingrad, Tsaritsyne-Stalingrad, Vu par Tchékhov, L'axe d'effort principal, Sur les routes de l'offensive, Le conseil militaire, L'armée de Stalingrad, Le front de Stalingrad, Vivre, Le premier jour sur le Dniepr, Ukraine, Quelques réflexions sur l'offensive du printemps, La frontière soviétique, La “poche” de Bobrouïsk, Le bien est plus fort que le mal, L’enfer de Treblinka, Vers la frontière, Le triomphe, Moscou-Varsovie, Entre la Vistule et l'Oder et L'Allemagne.)

L'Amour (L'ouvrage rassemble les nouvelles et chroniques de guerre Fils du peuple, Frontière soviétique, La vie, L'amour et Le vieux professeur.)

Années de guerre (L'ouvrage rassemble les nouvelles et chroniques de guerre Ville crépusculaire, L'alerte, La mort d'une ville, Le vieil instituteur, Volga-Stalingrad, L'âme du soldat de l'Armée rouge, La bataille de Stalingrad, Vu par Tchékhov, L'axe d'effort principal, Sur les routes de l'offensive, Le conseil militaire, L'armée de Stalingrad, Le front de Stalingrad, Vivre, Le premier jour sur le Dniepr, Ukraine, La frontière soviétique, L’enfer de Treblinka, Entre la Vistule et l'Oder et L'Allemagne.)

Œuvres (L'ouvrage rassemble les romans Vie et Destin, Tout passe, les nouvelles Abel. Le six août, Tiergarten, La Madone Sixtine, Repos éternel, Maman, La route, Le phosphore, À Kislovodsk, ainsi que les documents Lettre à Krouchtchev, Entretien avec M. A. Souslov et Lettres à la mère.)

La Route ( Dans la ville de Berditchev, Le printemps, Quatre journées, Le rêve, Le graphite de Ceylan, La jeune et la vieille, La tête d'élan, Le vieux professeur, La route, Les aiglons et L'éboulement.)

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Message par Bédoulène Sam 17 Déc - 17:35

Vassili Grossman 41nt5k10

La Paix soit avec vous !

A son arrivée et à son départ  l'auteur voit en l'Arménie, des pierres. La Pierre, c'est l'âme de l'Arménie dit l'auteur. Les pierres plates, les os des montagnes éparpillés.

La préface est riche d'informations sur l'auteur,  marxiste-Léniniste  que je ne connaissais pas et les explications sur les passages en italique (ceux qui avaient été supprimés) très utiles et notamment le fait qu' il ait été happé à deux reprises par l'engrenage de la machinerie idéologique parce que juif.

Il va découvrir un pays qu'il n'imaginait pas, sera séduit par les paysages grandioses, sera sensible aux destins qui lui seront confiés ; s'étonnera de certaines violences héritées,  de leur religion chrétienne "polluée" de paganisme, de leurs us.

Ce voyage ressemble à une initiation tardive, dont il se satisfera. Sur l' image de la confession, lui le non-croyant s'accusera de ce qu'il a pu volontairement ou involontairement causé du tort aux autres.

j'ai vu ce récit comme celui d'un homme complexe, c'est-à-dire comme le sont les Hommes, et dont l'humanisme se révèle plus sensiblement avec l'âge, plus enclin à reconnaître ses torts et ses angoisses, notamment celle de la mort qui s'approche.


C'était finalement une lecture intéressante et agréable.

Spoiler:

Extraits

Le proverbe qui dit : l'habitude est une seconde nature, l' auteur parle de sa puissance et conclut de façon légère, avec une pointe d'ironie envers lui-même : "Me voilà donc habitué à la truite du Sevan,  pire même : je m'en suis lassé."

Vassili Grossman Stamp_10


Grossman fait alors une comparaison entre le monde réel et le monde créé par un artiste (quel que soit l'art) sensé être plus subjectif mais bien souvent plus réaliste. (ou l'inverse si je n'ai pas compris)

"Appelons le Créateur à la modestie, il a créé le monde à chaud, il n'a pas retravaillé ses brouillons, les a imprimé tout de suite. Que de contradictions, de longueurs, de coquilles, de digressions hors sujets, de personnages inutiles !

C'est très habilement que l'auteur rend hommage à sa Tante et sa famille en nous confiant leur sort : "Bien sur cet épisode n'a pas sa place dans des notes littéraires" et de conclure "ce n'est pas important"

Admirable le chemin menant à Dilijan qui par tant de beauté condamne la vie dans la vallée : "voilà la vie coupable de la vallée coupable."

L'auteur a un instant le désir de vivre seul, et s'accuse : "..que de peine j'avais causée, probablement plus qu'on ne m'en avait causée."

Un excellent passage que le ressenti de son "moi" et une facette de sa spiritualité.

"La terreur de la mort, de la fin de la vie, croissait de seconde en seconde, elle était dans cette douloureuse légèreté du corps qui, déjà, n'était plus mon corps, mon unique demeure, la résidence de mon moi."

La reconnaissance de la vie : "Cela me fait penser que ce monde de contradictions, de longueurs, d'erreurs, de déserts arides, de pensées sages et stupides, ce monde de souffrances, de besoin, de travail, ce monde de sommets parés de couleurs par le soleil couchant, ce monde est beau."

L'auteur rappelle brièvement la haine de certains envers les juifs et regrette le peu de soutien

"Il m'est toujours douloureux de constater que nos lecteurs, propagandistes, travailleurs du front idéologique n'interviennent pas, par des discours ou des livres contre l'antisémitisme, comme l'avaient fait, naguère, Korolenko, Gorki, Lénine."

"Je ne me suis jamais incliné devant personne."

"... des amoureux des poings levés, des mots de mépris et de haine racistes : "Dommage que Hitler ne vous ait pas tous saignés jusqu' au dernier."


mots-clés : #voyage

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Message par Bédoulène Ven 2 Mar - 17:03

"Pour une juste cause"

Vassili Grossman Pour-u11

Deuxième guerre mondiale, Hitler ne tenant aucun compte du pacte germano/soviétique ( traité de non-agression entre l'Allemagne et l'Union soviétique)  prend  la décision unilatérale  d'attaquer l'URSS en déclenchant l'opération Barbarossa (le 22 juin 1941).

C'est cette invasion sur le sol soviétique et notamment la bataille de Stalingrad que l'auteur choisit de raconter.

Le lecteur fait la connaissance, au tout début de la guerre, d'une famille et de quelques personnages qui gravitent autour d'elle. Evidemment les chefs militaires impliqués dans cette guerre, qu'ils soient soviétiques ou allemands sont évoqués et intégrés à cette petite histoire dans la grande Histoire.

Les membres de cette famille, les personnages de fiction représentent toutes les classes (cf révolution d'Octobre ) de la population, les ouvriers, les kolkhoziens, les médecins, infirmières, les instructeurs politiques...

Certains personnages qualifient d'autres  ou se qualifient de "communistes" ; sous-entendant  que d'autres ne l'étaient pas. A plusieurs reprises il est fait état  de personnes âgées qui se signent.

Evidemment les valeurs, de courage, de travail, de force, d'humanisme sont mis en avant ; c'est le Peuple, le peuple qui vaincra parce que "la cause est juste", la barbarie nazie sera balayée du sol soviétique, de l'Europe, du Monde.

Tous les personnages sont intéressants, attachants dans leur façon de vivre comme dans celle de mourir.

Cette bataille de Stalingrad coûta des millions de vies, les secteurs les plus touchés furent : la gare et le tertre de Mamaïev, là le lecteur voit mourir plusieurs des personnages connus.

« Des milliers de gens en Europe, en Chine, en Amérique ressentirent la tension de cette bataille ; elle influa sur les idées des diplomates et des politiciens à Tokyo et à Ankara, elle détermina le cours des entretiens secrets de Churchill avec ses conseillers et l’esprit des appels et des décrets publiés par la Maison Blanche et signés par Roosevelt. »

« La tension de cette bataille fut ressentie par les partisans soviétiques, polonais, yougoslaves, par les maquisards français, par les prisonniers de guerre dans les terribles camps allemands, par les Juifs dans les ghettos de Varsovie et de Bialystok : le feu de Stalingrad fut, pour des millions de gens, un feu de Prométhée.


Ce sont de petits détails qui comme souvent montrent le plus la cruauté, l' affection, tous les sentiments qui affectent l'homme.

« Dans l’un des havresacs, il trouva une tablette de chocolat enveloppée dans un torchon blanc propre ; dans la sacoche d’un lieutenant, parmi les cahiers, les papiers et les lettres, il trouva un couteau, un miroir, un rasoir en bon état. »


Après les combats il y eut des rivalités entre chefs pour s’attribuer les victoires, bien que  tous reconnaissaient la valeur des soldats, des « disciplinaires », des ouvriers, des divers régiments placés sous leurs ordres.

« Mais ceux qui avaient occupé le tertre de Mamaïev (ou le cote 102) n’avaient pas besoin de discuter pour comprendre que c’étaient eux, et personne d’autre, qui avaient pris cette cote ; d’ailleurs, en haut, ils s’étaient retrouvés tous seuls. Les morts, nombreux, se taisaient : chacun d’eux aurait pu apporter sa parole à cette dispute. Mais les ergoteurs partageaient la gloire entre les vivants. »

Cette bataille n'impliquait pas seulement les allemands, leurs alliés et les soviétiques, elle impliquait le monde.

« Il savait que le mot « Stalingrad » avait apparu, écrit au charbon et à l’ocre rouge – cette encre noire et rouge de la foule – sur les murs des immeubles et des casernes d’ouvriers, sur les baraquements des camps dans des dizaines de villes d’Europe occupées par les nazis, que ce mot était répété par les partisans et les parachutistes dans les forêts de Briansk et de Smolensk, par les soldats de l’armée révolutionnaire chinoise, qu’il faisait bouillonner les esprits et les cœurs, qu’il attisait l’espoir et poussait à la lutte dans les camps de la mort d’où l’espoir semblait pourtant à jamais banni… »

Il me faut aussi parler du rôle de la Volga, cette rivière qu'il fallait traverser, qui amenait dans son flot matériel, hommes, les allemands croyaient la soumettre :

« la Volga n’avait pas séparé les deux ailes de la grande bataille. La netteté et la profondeur de cette ligne de démarcation n’étaient qu’apparentes : Il s’agissait en fait d’une ligne de soudure. La Volga ne coupait pas, elle unissait la patience et le courage de la rive droite à la puissance de tir de la rive gauche. »

Pendant que les soldats luttaient, des scientifiques, des ouvriers faisaient rugir les usines, les mines... Les tanks sortaient des usines, le charbon, on construisait des villes pour ces travailleurs.

Les armées soviétiques ont beaucoup subi, elles ont beaucoup reculé, mais elles ont tenu, elles ont gagné. L' allemagne nazie est entrée en force, en hommes (soutenus par les Italiens) en matériel mais la réplique du peuple soviétique s'est dressée par delà le nazisme qui lui s'était levé "par delà le Bien et le Mal" (Spengler)

L'auteur a présenté quelques uns des chefs allemands les plus vindicatifs, mais il a aussi fait s'élever une voix humble qui s'interroge :

« Comment était-il arrivé que lui, le soldat Karl Schmidt, un Allemand, fils et petit-fils d’allemands, qui aimait sa patrie, était épouvanté par les victoires de l’Allemagne au lieu de s’en réjouir ? »

Le livre se termine avant la victoire de Stalingrad ; nous n'entendons pas les cris de joie, mais l'espoir est là dans les champs, dans les récoltes.

c'était une bonne lecture, l'écriture de l'auteur juste dans le ton.

Extraits :

hommage à l'infanterie :  « Sans le courage de l’infanterie, la force monstrueuse de l’artillerie aurait été vaine. Celle-ci ne put déployer toute la puissance et la rapidité de concentration de son tir que parce que l’infanterie réussit à tenir dans la ville. »

du côté allemand :

« Pour dire la vérité, à présent que la guerre est finie, eh bien, toutes ces discussions sur l’unité du peuple ne sont que des balivernes. Les bourgeois boufferont à n’en plus pouvoir, ce sont eux qui tireront profit de la victoire : les nazis et les SS comme Stumpfe et son frère s’en mettront plein la panse, eux aussi, et s’il y en a qui se font égorger, ce seront des imbéciles d’ouvriers comme moi ou des paysans comme mon père. Nous, on fera les frais de cette fameuse unité ! Allez tous au diable, nos chemins se séparent après la guerre. »


mots-clés : #deuxiemeguerre #lieu

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Message par Tristram Ven 2 Mar - 20:37

Merci Bédoulène. Ta dernière citation ne vaut pas que pour le côté allemand, si on se rappelle ce qui suivit, notamment en Russie...
De Vassili Grossman, je n'ai lu "que" Vie et destin, un grand livre :
« "Geneviève, il est de bon ton, chez nous, de railler les intellectuels pour leur dédoublement à la Hamlet, leurs doutes, leurs hésitations. Dans ma jeunesse, je méprisais, en moi, ces traits de caractère. Mais j'ai, aujourd'hui, un autre point de vue : les grandes découvertes, les grands livres, l'humanité les doit à tous ces indécis, à tous ces gens qui doutent. Leur œuvre n'est pas moindre que celle de tous ces imbéciles qui ne dévient jamais. Ils sont capables d'aller au feu quand il faut, et ils essuient les balles, aussi bien que tous ces gens résolus et volontaires. »

« L'histoire des hommes n'est pas le combat du bien cherchant à vaincre le mal. L'histoire de l'homme c'est le mal cherchant à écraser la minuscule graine d'humanité. »

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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
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Message par Bédoulène Ven 2 Mar - 22:47

bien sur Tristram, je me plaçais seulement dans le texte du livre, car il me semble que justement avec cette réflexion l'auteur évoque le sort de tous les ouvriers ou paysans, les gens du peuple, quel que soit les pays.

Ce sont les sentiments de Grossman à ce moment là (puisqu'il y a eu un avant et un après)

je lirai Vie et destin, juste après une pause.

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Message par Tristram Ven 2 Mar - 23:35

J'espère que tu donneras ici ton ressenti !

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Message par Tristram Mer 9 Oct - 0:28

Une petite émission (5') qui, pour le moins, attire l'attention : https://www.franceculture.fr/emissions/le-tour-du-monde-des-idees/une-version-non-expurgee-du-roman-de-vassili-grossman-sur-la-bataille-de-stalingrad?actId=ebwp0YMB8s0XXev-swTWi6FWgZQt9biALyr5FYI13OqmOnxLi6rsVN8SkIKwMoFh&actCampaignType=CAMPAIGN_MAIL&actSource=543203#xtor=EPR-2-[LaLettre08102019]
La parution d'une version non expurgée du roman de Vassili Grossman sur la bataille de Stalingrad permet enfin de mieux saisir ce que fut le projet littéraire de celui qu'on a qualifié de "Tolstoï du XX° siècle".
Grossman met en scène une discussion entre un officier SS de haut rang, Liss, et un vieux responsable bolchevique, son prisonnier, Mostovskoï. Il montre l’extraordinaire parenté idéologique des deux systèmes. Un tabou à l’époque. Et qui le demeure dans certains milieux.
« Quand nous nous regardons, nous ne regardons pas seulement un visage haï, nous nous regardons dans un miroir, lance le SS au bolchevique. Là réside la tragédie de notre époque. Se peut-il que vous ne vous reconnaissiez pas en nous ? Le monde n’est-il pas pour vous comme pour nous, volonté : y a-t-il quelque chose qui puisse nous faire hésiter ou vous arrêter ? (…) Réfléchissez : qui se trouve dans nos camps en temps de paix ? Les ennemis du parti, les ennemis du peuple. C’est une espèce que vous connaissez, ce sont ceux qu’on trouve également dans vos camps. (…) _Il n’y a pas de gouffre entre nous. Nous sommes des formes différentes d’une même essence : l’Etat-parti_. (…) Nous aussi, nous appelons à l’unité et à l’effort national ; nous aussi, nous disons que le parti exprime les aspirations de l’ouvrier allemand. (…) Le socialisme dans un seul pays est l’expression suprême du nationalisme. »
Mais la réflexion de Vassili Grossman va bien au-delà de ses ressemblances entre les deux grandes idéologies. Il dénonce l’aspect proprement génocidaire de la terreur bolchevique ; des peuples entiers, considérés comme ennemis par nature, déportés en masse dans les profondeurs de l’Asie centrale où l’espérance de vie était faible. L’assassinat par la famine délibérément provoquée de plusieurs millions de paysans ukrainiens.
Une différence, l’antisémitisme ?
On l’a un peu oublié aujourd’hui, mais le régime stalinien ne fut pas en reste. Liss toujours : "Aujourd’hui, vous êtes effrayé par notre haine du judaïsme. Mais il se peut que, demain, vous la repreniez à votre compte." Grossman savait de quoi il parlait.
Lorsque l’Allemagne nazie attaqua l’URSS, en juin 41, Staline monta en URSS un Comité juif antifasciste, destiné à mobiliser des soutiens aux Etats-Unis. Grossman et Ilya Ehrenbourg reçurent la mission de recenser les atrocités commises par les nazis contre les Juifs d’URSS. Et Grossman en savait long, lui qui, en tant que correspondant de guerre, a été un des premiers témoins à pénétrer à l’intérieur du camp d’extermination de Treblinka. Son témoignage, qui figure dans le recueil Carnets de guerre, a été utilisé lors du Procès de Nuremberg.
Mais le Livre noir sur l’extermination scélérate des Juifs ne fut jamais publié en URSS. La ligne politique avait changé. En décembre 1952, Staline déclara devant le Présidium du Parti communiste d’URSS « tout Juif est un nationaliste et un agent de l’espionnage américain ». Tous les dirigeants du Comité juif antifasciste furent exécutés.
Du coup, je vais peut-être lire Pour une juste cause (et relire Vie et destin, puisque ces deux romans en forment un seul sur la bataille de Stalingrad) _ tout ça dans la "bonne" version, quand elle existera en français ?

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Message par Bédoulène Lun 14 Oct - 18:29

ma lecture de Vie et destin, repoussée (un pavé qui demande du temps disponible), mais je compte la faire, déjà lu donc pour une juste cause.

merci pour le lien

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Message par Bédoulène Dim 15 Déc - 18:04

Vie et destin

Vassili Grossman 51y1mn10

suite du premier Tome de cette fresque historique, la bataille de Stalingrad où le lecteur retrouve en autre la famille CHAPOCHNIKOV.

La lettre annoncée de la mère du physicien Strum 2ème mari de Lioudmila porte un bouleversant témoignage à son fils de la réalité du ghetto où elle vit et duquel elle va partir pour un camp de concentration allemand parce qu'elle est juive.

Prise de conscience pour Strum de sa judéité pendant cette guerre (comme Grossman d'ailleurs qui n'a pas pu/su éviter le camp à sa mère) ; de même lorsque alors que ses travaux ne sont pas reconnus, les contrats des assistants Juifs de son laboratoire ne sont pas reconduits.

La guerre a déplacé des milliers d'habitants d'une ville à l'autre au gré des avancées de l'armée allemande, la pénurie c'est installée.

D’un goulag soviétique à un camp de concentration allemand, du QG du feld-maréchal Paulus à un état-major de l’armée rouge, d' un laboratoire scientifique de Kazan (celui de Strum), d’une cave de Stalingrad où se terrent des soldats allemands, à la maison "6 bis" que tiennent vaillamment une poignée d'hommes sous les ordres de Grekov,  aux immenses steppes russes Kalmoukes ( l'une des nations minoritaires de l'union soviétique)l'auteur démontre la similitude de la politique de deux états totalitaires.

La conversation entre Liss (SS responsable du camp) et Mostovkoï vieux Bolchevik de la première heure (détenu) est révélatrice en ce sens.

Avec les paroles d'un détenu de droit commun dans un camp allemand, Ikonnikov : « Je ne crois pas au Bien je crois à la Bonté ! « illustré notamment par cette vieille femme russe qui aide un soldat allemand,  l'auteur rejette les notions de Bien et de Mal ! Il le rappellera, il croit en "la bonté".

Novikov, Colonel de chars,  fait le choix de retarder de 8 minutes l’attaque pour épargner ses hommes.

"Il existe un droit plus grand que celui d'envoyer les hommes à la mort sans se poser de questions, c'est celui de se poser des questions en envoyant les hommes à la mort."



alors que du côté allemand Paulus :

Bien sûr, il aurait pu ne pas se soumettre à l’ordre reçu ! Le Führer l’aurait fait exécuter, mais ses hommes auraient été sauvés. Il lisait ce reproche dans bien des regards.
  Oui, il aurait pu sauver son armée !
  Mais il avait peur d’Hitler et craignait pour sa peau


L'auteur s'il évoque évidemment la puissante étreinte du Parti, l'année de terreur 1937 lors de procès truqués, il rappelle avec force aussi que chacun a son "libre arbitre". Certains l'ont exercé et bien sur l'ont payé très cher.

L’homme qui a péché connaît toute la puissance d’un État totalitaire : elle est incommensurable. Cette force énorme emprisonne la volonté de l’homme, au moyen de la propagande, de la solitude, du camp, d’une mort paisible, de la faim, du déshonneur… Mais dans chaque pas que fait l’homme sous la menace de la misère, de la faim, du camp et de la mort, se manifeste, en même temps que la nécessité, le libre arbitre de l’homme.
« le destin mène l’Histoire mais l’homme le suit parce qu’il le veut et il est libre de ne pas vouloir »


"Ceux qui s’obstinaient à revendiquer le droit d’être des hommes étaient, peu à peu, ébranlés et détruits, brisés, cassés, grignotés et mis en pièces, jusqu’au moment où ils atteignaient un tel degré de friabilité, de mollesse, d’élasticité et de faiblesse, qu’ils ne pensaient plus à la justice, à la liberté, ni même à la paix, et ne désiraient qu’être débarrassés au plus vite de cette vie qu’ils haïssaient."

L'accusé devant le juge n'est plus un homme c'est une "créature" !

C’est du délire pur et simple, marmonna la créature à la vareuse largement ouverte.
Le juge d’instruction répondit :
  — Réfléchissez !
La créature, elle, pensait. Elle avait de quoi réfléchir.
C’est du délire pur et simple, marmonna la créature à la vareuse largement ouverte.
Le juge d’instruction répondit :
  — Réfléchissez !
La créature, elle, pensait. Elle avait de quoi réfléchir.


Durant cette première nuit, il avait prononcé des discours séditieux, compati au sort des détenus des camps, raconté son intention de devenir apiculteur et jardinier. Mais, peu à peu, au fur et à mesure qu’il retrouvait sa vie d’antan, ses discours s’étaient modifiés.


Strum, le scientifique accepte de signé le document collectif qui doit être adressé à la presse et dans lequel est nié les condamnations de médecins Juifs, dont les Etats unis notamment ont eu connaissance et accuse l'Union soviétique. Encore une fois l'auteur rappelle le "libre arbitre" de chacun. (comme le personnage de Strum Grossman a lui aussi signé un document collectif, reconnaissant la culpabilité de certains accusés)

La tristesse, le dégoût, le pressentiment de sa docilité l’envahirent. Il sentait sur lui le souffle tendre du grand État et il n’avait pas la force de se jeter dans les ténèbres glacées… Il n’avait plus de force du tout. Ce n’était pas la peur qui le paralysait, c’était autre chose, un sentiment terrifiant de soumission.
Que l’homme était donc curieusement bâti ! Il avait trouvé la force de renoncer à la vie, et il était soudain incapable de rejeter quelques gâteries. Allez donc repousser la main omnipotente qui vous caresse la tête, vous tapote l’épaule !


En rappelant : "Trois événements grandioses ont été à la base d’une nouvelle vision de la vie et des rapports humains : la collectivisation des campagnes, l’industrialisation, l’année 1937." pour argumenter l'Etat/Parti de Staline. Staline à qui renvoie d'ailleurs plusieurs conversations ou réflexions de militaires, scientifiques ou intellectuels. Conversations ou réflexions discrètes car dangereuses pour le responsable.


Stalingrad devint la philosophie de l'Histoire !

Ce qui se jouait dans la bataille de Stalingrad c’était le sort des pays de l’Europe, la fin des camps nazis, le sort des prisonniers russes et allemands, le destin des Juifs, des minorités de l’Union Soviétique, les relations de l’ Union soviétique et des autres pays, le devenir d’Hitler et de Staline.

Selon que l'armée soviétique subissait ou au contraire dominait, les rapports entre les Russes et les nations minoritaires changeaient ; le sentiment nationaliste de la patrie  s'exerçait différemment et,  force dans le malheur,  pouvait devenir dictature, antisémitisme.....

L'armée soviétique a beaucoup subi, des millions de morts autant civils que militaires, mais a finalement encerclé l'armée allemande, la célèbre 6ème division de Paulus qui a conduit à sa capitulation.

Il faut remarquer que les détenus dans les camps soviétiques ont travailler pendant et après la guerre pour l'armée, pour la reconstruction ; leur conditions de détention sont aussi révélées, de même dans un chapitre poignant  le sort des Juifs dans un camp de concentration.

***

Une lecture qui m'a confirmée dans mes sentiments sur cette triste période, pas si lointaine, et qui réveille des questions encore d'actualité comme l'antisémitisme (en France notamment) ; le fait que des millions de personnes aient cru en le communisme (je ne jetterais jamais la pierre à quiconque pour avoir voulu, cru en des jours meilleurs, à cette utopie ?, ni à ceux qui ont encore gardé cet espoir).
D'ailleurs je ne sais pas  (n'ayant pas lu ni Marx, Engels....) ce qu'est véritablement le marxisme, le communisme mais ce que je sais - après plusieurs de mes lectures, documentaires vus,  que le Stalinisme est terrifiant ; que le nazisme l'était encore plus ( conduisant à une paranoÏa certaine chefs et serviteurs). Que des millions de gens ont payé de leur vie d'avoir vécu sous ces régimes ou de les avoir combattus ;  et que malheureusement de nos jours se réveillent dans plusieurs pays d'Europe des politiques extrêmes.

Strum est l'alter-égo de l'auteur, scientifique comme lui, ayant dans sa vie privée également des rapprochements - 2 femmes dont le mari de la première a été prisonnier de goulag, une mère morte dans le camp de concentration,  signataire lui aussi d'un texte collectif en 1937, publié dans la presse et demandant la peine de mort pour les inculpés d’un grand procès de prétendus traitres, parmi lesquels figurait Boukharine.
Je pense que l'auteur était bien conscient que son livre était une condamnation, une dénonciation du régime et que donc son oeuvre risquait d'être confisquée. Une manière de s'amender de  son pro-soviétisme d'avant la guerre ? .......mais c'était son pays !

d'autres extraits :

Soldats allemands après la capitulation :
Ils étaient laids et faibles, tels qu’ils avaient été mis au monde par leurs mères et tels qu’elles les aimaient. On cherchait en vain les représentants de cette nation au menton lourd, à la bouche hautaine, têtes blondes, visages clairs et poitrails de granit.
Ils ressemblaient comme des frères à ces misérables foules de malheureux, nés, eux, de mères russes, que les Allemands chassaient à coups de baguette et de bâton vers les camps de l’ouest à l’automne 1941.

Un soldat s’était introduit entre les côtes du cheval et ressemblait à un charpentier œuvrant parmi les chevrons d’un toit en construction. À deux pas de là, au milieu d’une maison en ruine, brûlait un feu au-dessus duquel un chaudron noir était suspendu à un trépied : tout autour, des soldats casqués ou en calots, enveloppés dans des couvertures ou des châles, fusil à l’épaule, grenades au ceinturon. De la pointe de sa baïonnette, le cuisinier renfonçait dans l’eau du chaudron les morceaux de viande de cheval qui remontaient. Assis sur le toit d’un abri, un soldat rongeait lentement un os de cheval qui ressemblait à un incroyable et gigantesque harmonica.

Stalingrad, l’offensive de Stalingrad, ont contribué à créer une nouvelle conscience de soi dans l’armée et la population. Les Soviétiques, les Russes, avaient maintenant une autre vision d’eux-mêmes, une autre attitude à l’égard des autres nationalités. L’histoire de la Russie devenait l’histoire de la gloire russe au lieu d’être l’histoire des souffrances et des humiliations des ouvriers et paysans russes. Le national changeait de nature ; il n’appartenait plus au domaine de la forme mais au contenu, il était devenu un nouveau fondement de la compréhension du monde.



Mots-clés : #deuxiemeguerre #regimeautoritaire #xxesiecle


Dernière édition par Bédoulène le Lun 16 Déc - 7:37, édité 2 fois

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Message par bix_229 Dim 15 Déc - 18:13

Bel effort, Bédou ! Mais trop long pour moi...
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Message par Bédoulène Dim 15 Déc - 18:22

tu ne peux lire que mon ressenti Bix !

mes prochaines lectures de l'auteur seront peut-être plus courtes !

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Message par bix_229 Dim 15 Déc - 19:51

Un ami m'a dit que Les Carnets de guerre étaient tout aussi intéressants que
Vie et destin.
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Message par Bédoulène Lun 16 Déc - 7:30

je pense, merci !

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Message par Nadine Lun 16 Déc - 17:30

Je n'avais pas lu ce fil, Bédoulène, tu parles de ces lectures d'une manière qui est très nourricière, et je suis très touchée par ton insistance à souligner son côté subtil, humain, non manichéen mais exigeant. En plus la dimension historique serait passionnante. J'espere le lire . Merci
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Message par Quasimodo Lun 16 Déc - 17:53

Moi je vais le lire. Quand ? L'an prochain ? On me l'avait chaudement recommandé, et ton magnifique commentaire le replace tout en haut de ma "PAL - pavés".

Merci également pour cette abondance de citations qui semble restituer le foisonnement de ce livre et qui nous permet de découvrir son style (tout à fait de mon goût d'ailleurs).

Excellent, celui-ci :

C’est du délire pur et simple, marmonna la créature à la vareuse largement ouverte.
Le juge d’instruction répondit :
— Réfléchissez !
La créature, elle, pensait. Elle avait de quoi réfléchir.
C’est du délire pur et simple, marmonna la créature à la vareuse largement ouverte.
Le juge d’instruction répondit :
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Message par ArenSor Jeu 14 Juil - 14:04

Carnets de guerre : de Moscou à Berlin, 1941-1945

Vassili Grossman Carnet10

Le livre est composé d’extraits des carnets remplis par Vassili Grossman pendant le conflit entre l’URSS et l’Allemagne nazie, enrichis de lettres et d’articles, l’ensemble étant  mis en contexte par l’historien Antony Beevor.
Dès les débuts de l’invasion en juin 1941, Vassili Grossman se porte volontaire pour aller au combat. Il est refusé en raison de son piètre état physique.  En revanche, il est accepté comme correspondant de guerre de « Krasnoïa Zvezda », « L’Etoile rouge », journal officiel de l’Armée rouge.
La débâcle de 1941
Il part pour le front en début août à Goumel et Briansk. Il assiste, catastrophé, à l’effondrement de l’armée soviétique et échappe de peu à deux encerclements, surpris par la vitesse à laquelle les panzers foncent sur Moscou. Le récit de l’évacuation en urgence de la ville d’Orel est à proprement parler surréaliste :
« Toute la nuit la ville est en effervescence, des voitures, des charrettes filent à toute allure sans s’arrêter. Au matin, la ville est toute entière envahie d’effroi, d’agonie, comme une éruption de typhus. ».

« Je pensais savoir ce qu’est une retraite, mais une chose pareille, non seulement je ne l’avais jamais vue, mais je n’en avais pas même l’idée. L’Exode ! La Bible ! »

Lors du repli sur Moscou, Grossman fait une halte émouvante à Iasnaïa Poliana, le domaine de Tolstoï
« La tombe de Tolstoï. Au dessus d’elle les avions de chasse hurlent, les explosions sifflent. En cet automne majestueux et calme. Comme c’est dur. J’ai rarement ressenti une douleur pareille. »

Quelques jours plus tard, le général Guderian y installera son QG pour diriger la prise de Moscou.
Finalement, c’est le facteur climatique qui va sauver la capitale. Dès le début d’octobre, la succession de quelques jours de gel et de dégel entraîne le phénomène de la « rapoutitsa », saison des boues, qui enlise littéralement les véhicules blindés allemands.
« Une pareille gadoue, personne n’en a vu, c’est sûr : la pluie, la neige, une soupe, liquide, un marécage sans fond, une pâte noire, touillée par des milliers et des milliers de bottes, de roues, de chenilles. »

Stalingrad
Grossman est envoyé à Stalingrad en août 1942. Il va couvrir une grande partie de la fameuse bataille.  Expérience majeure en ce qui le concerne et pour tous ceux qui l’ont vécu. Ses récits sont passionnants. Le correspondant interroge aussi bien les officiers supérieurs que les simples soldats, s’intéresse aux pilotes de chasse, aux snippers, aux tankistes….
Grossman fournit probablement le témoignage le plus véridique et le plus poignant du terrible affrontement sur les rives de la Volga. Ses reportages sont attendus avec impatience par tous les militaires, ce qui le protège d’un Staline qui ne l’aime pas. Il se plaint néanmoins des modifications que l’on fait dans ses articles :
« Mais si tu voyais comment on coupe et comment on défigure [mes textes], comment on va même jusqu’à ajouter des phrases entières à mes pauvres articles, tu serais à coup sûr navrée plutôt que réjouie de ce que mes articles, finalement voient le jour. »

Toutefois, au printemps  43, au moment de la contre-attaque, Grossman est écarté de Stalingrad et envoyé dans le sud en Kalmoukie.  Il vit très mal cet éloignement d’une ville où il laissait une partie de son âme :
« Au soir du Nouvel An nous quittons Stalingrad, nous appartenons désormais au front sud. Quelle tristesse ! D’où me vient ce sentiment de séparation ? Pas une fois je ne l’avais éprouvé à la guerre. »

Lors du séjour en Kalmoukie, Grossman s’intéresse à la façon dont a été vécue l’occupation allemande pour ce peuple qui vient d’être libéré. Il y a des informations intéressantes sur la façon dont les occupants avaient modifié les programmes scolaires.

La reconquête, la découverte de l’extermination des juifs
Grossman va suivre les armées dans leur reconquête du territoire envahi, puis de la Pologne et enfin de l’Allemagne jusqu’à la chute de Berlin.
Il découvre, avec épouvante, l’ampleur des massacres juifs : ceux de Babi Yar à Kiev et ceux de Bertidchev qui le marquent personnellement puisque sa mère fait partie des victimes. Grossman s’en doutait mais il a confirmation sur place.
« Et il n’y a plus personne à Kazary pour se plaindre, personne pour raconter, personne pour pleurer. Le silence et le calme règnent sur les corps des morts enterrés sous des tertres calcinés, effondrés et envahis d’herbes folles. Ce silence est plus terrible que les larmes et les malédictions. Et il m’est venu à l’esprit que, de même que se tait Kazary, les Juifs se taisent dans toute l’Ukraine. »

Plus tard, c’est la découverte des camps de Maïdanek  et de Treblinka. Là encore, son témoignage est capital.
« La terre rejette des fragments d’os, des dents, des objets, des papiers, elle refuse de garder le secret. Et des objets s’échappent de la terre, de ses blessures mal refermées. »

Impossible de tout dire, mais il y a également des pages étonnantes sur la bataille de Berlin.
Grossman n’hésite pas à parler, malgré de grands risques, de sujets qui « fâchent » : le comportement de soudard d’une partie de l’armée qui est saoule nuit et jour, tue les civils, pille sans vergogne, viole les femmes… Les témoignages sont accablants, en particulier des Russes qui avaient été emmenés en otage et qui sont considérés comme des traites.


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Message par Bédoulène Ven 15 Juil - 7:33

merci Arensor, le livre est dans ma pal, et j'aime cet écrivain donc, un de ces jours.

(lecture peut-elle se faire avec des pauses ? je ne peux lire en continue des pavés)

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Message par ArenSor Lun 18 Juil - 17:53

Ce n'est pas un pavé ; rien à voir avec "Vie et Destin" qui lui en est un !
Ces mémoires de guerre peuvent se lire facilement par tranches en suivant la progression chronologique
1- Les désastres de 1941
2- Stalingrad
3- La reconquête des territoires perdus.
4- L'entrée en Pologne et la chute de Berlin
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Message par Bédoulène Lun 18 Juil - 21:33

merci Aren !

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Message par simla Dim 5 Mai - 2:33

Vassili Grossman CVT_Pour-une-juste-cause_4171


Le siège de Stalingrad.... de multiples personnages...on s'y perd un peu parfois....courageux et tous décidés à affronter cette terrible épreuve au nom de la grande Russie....très intéressant... Smile


J'ai adoré ce livre, j'apprécie d'ailleurs toute la littérature russe, jamais superficielle....il y a eu déjà des avis sur ce roman mais je ne résiste pas à poster cet extrait !



Il n'avait pas sommeil, il descendit dans le jardin.

Un clair de lune baignait les larges gradins de pierre devenus blancs, marmoréens. Le silence était parfait, extraordinaire. Dans l'immobilité de l'air lumineux, les arbres semblaient plongés dans un étang transparent.

Une étrange lumière, où le clair de lune se mêlait à l'aube du jour le plus long de l'année, avait envahi le ciel. A l'Est,on devinait une vague tâche lumineuse, l'Ouest rosissait à peine. Le ciel était blanchâtre, trouble, teinté de bleu.

Le contour de chaque feuille était net, comme ciselé dans la pierre noire, et toute la masse des érables et des tilleuls se dessinait, ornement noir plat, sur un fond de ciel clair. La beauté du monde avait atteint son apogée cette nuit-là, et les hommes ne pouvaient plus l'ignorer. Ce triomphe de la beauté advient lorsqu'on s'arrête, frappé par le tableau qui s'offre à lui, non seulement l'homme désoeuvré, mais aussi l'ouvrier qui a fini sa journée, le voyageur aux pieds meurtris, qui en oublient leur fatigue, embrassent d'un regard lent le ciel et la terre.

Dans ces instants, l'homme ne perçoit pas séparément lumière, espace, bruissement, silence, chaleur, odeurs suaves, frôlements d'herbes et de feuilles, ces centaines, ou peut-être ces milliers, ces millions de parcelles qui composent la beauté du monde.

Une telle beauté - la beauté véritable - dit à l'homme une seule chose : la vie est un bien.

Novikov se promena longtemps dans le jardin, s'arrêtant pour regarder autour de lui, s'asseyant de temps à autre, puis reprenant sa marche sans penser à rien, sans se souvenir de rien, saisi par la tristesse inconsciente de voir cette beauté vivre sans partager son éternité avec les hommes.




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