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234 résultats trouvés pour psychologique

Tim O'Brien

Au lac des bois

Tag psychologique sur Des Choses à lire - Page 10 Index222

   D'une manière ou d'une autre, semble-t-il, nous effectuons tous des escamotages, effaçant l'histoire, verrouillant notre vie, et glissant jour après jour dans les ombres grisaillantes. Notre position est incertaine. Tous les secrets mènent à l'obscurité, et au-delà de l'obscurité il n'y a que des peut-être.


John Wade, homme politique qui a le vent en poupe, voit sa carrière s'effondrer à la révélation du secret bien gardé de sa participation au massacre de My Lai. En même temps que sa carrière, c'est toute sa vie qui est remise en cause, son couple,  sa façon d'accommoder la vérité pour la rendre tolérable, d'escamoter ce qui dérange, de faire croire à une personnalité solide et bienheureuse là où tout n'est que fragilité et masque.

Bien au-delà du traumatisme central de la guerre du Vietnam, toute la personnalité de John Wade, depuis l'enfance -  mais de façon beaucoup plus générale tout le roman - vise à une manipulation de la vérité, une culture de l'illusion. Magicien de l'enfance pour séduire un père alcoolique suicidaire, espion de son épouse, homme incertain et fragile,  John enfouit, sous l'apparente réussite, sa quête d'amour, de reconnaissance et de bonté. Par le silence il croit pouvoir défier le mal qui tout au long de sa vie, s’impose à lui.

   Il y avait longtemps, encore enfant, il avait appris le secret qui permettait de transformer son esprit en tableau noir. Efface tout ça. Dessine des jolies images à la place.


Tim O'Brien mène magistralement ce récit complexe mais éblouissant de la perte et de la fuite . John et Kate après la défaite se retirent loin de tout dans un lieu de nature idyllique où Kate va a son tour disparaître. L'auteur alterne efficacement la description de cette pause supposée ressourçante, des recherches, des hypothèses, des éléments antérieurs de la vie des personnages qui ont amené à cette situation, avec des témoignages ultérieurs recueillis lors de l'enquête, des citations littéraires en rapport avec les traumatismes de guerre, la façon d'y faire face, la disparition… Il décortique, comme on enlève les couches d'un oignon dit un des personnages, la fragilité de ce couple, apparemment résiliant, mais dont l'étayage se base sur les silences et ce, jusqu'à une certaine folie.

Cela donne un enchevêtrement brillant d' éléments qui pourraient paraître disparates, mais confèrent au contraire une extraordinaire richesse au récit et à l'étude de la personnalité de cet homme tragique, insaisissable parce qu'il l'a voulu tel, se croyant protégé derrière ses non-dits, en quête perpétuelle d'une reconnaissance. Témoin de la précarité de chacun, le mot peut-être est le fil rouge de ce récit qui n'affirme jamais rien, mais aborde ses personnages avec  une totale humanité .

(commentaire récupéré)


mots-clés : #psychologique
par topocl
le Dim 1 Jan - 17:22
 
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Sujet: Tim O'Brien
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Richard Ford

Tag psychologique sur Des Choses à lire - Page 10 41msgo10

UN WEEK-END DANS LE MICHIGAN

Dans ce premier livre d’une trilogie nous faisons connaissance avec Franck Bascombe (la trentaine) journaliste sportif, récemment divorcé, père de 2 enfants vivant avec son ex-femme à laquelle la perte de leur fils aîné le lie pour toujours.
Franck a des liaisons courtes avec de nombreuses femmes, mais en amour comme en toute chose il n’aime pas les complications. Il pratique l’oubli comme une protection quant à ce qui pourrait survenir de dommageable dans sa vie. Il vit l’existence d’un homme aisé sans contrainte; son métier le satisfait alors qu’il avait les capacités pour devenir écrivain.
Ce W.E pascal dont il attendait tant de bonheur, de joies simples se délite au fil des heures et certains faits se révèlent irréversibles.

Ce récit sur 3 jours est très révélateur de la vie de cette tranche de la population et de ces villes. À deux ou 3 propos le problème du racisme affleure.
L’auteur dresse le portrait d’un homme banal en somme avec ses faiblesses : le personnage fait preuve de cynisme, d’indifférence, il s’ennuie dans cette vie banale qui génère un certain fatalisme. Mais parce qu’il aime ses enfants, que la perte de son fils le bouleverse toujours, que son mariage a éclaté, et qu'il sait espérer et rêver, notre sympathie lui est accordée.

Une remarque : tout au long de ce récit Franck nomme son ex-femme X mais cet anonymat ne s’accorde pas avec les liens qui le lient encore à elle. L’auteur peut aussi bien emmener la disparition de X dans la suite ou au contraire la faire réapparaître pour un nouveau départ du couple ( ?) (à suivre dans le prochain livre).

Tous les personnages sont approfondis et installés justement. Je retrouverai Franck Bascombe dans le second livre 10 ans plus tard.

Extraits :

Tag psychologique sur Des Choses à lire - Page 10 R_110
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Tag psychologique sur Des Choses à lire - Page 10 R310
Tag psychologique sur Des Choses à lire - Page 10 R410

(message rapatrié)


mots-clés : #psychologique #solitude
par Bédoulène
le Sam 31 Déc - 18:21
 
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Sujet: Richard Ford
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Marie-Hélène Lafon

Gordana

Tag psychologique sur Des Choses à lire - Page 10 Couvgo10

D'abord, c'est un livre dont on tire une belle jouissance avant même de l'avoir lu, un bel objet éditorial, le rabat, e choix des couleurs, les tableaux de Nihal Marth qui alternent avec le texte.

Ensuite, c'est une nouvelle, donc, avec moi, assez dangereux. C'est vrai que ce qui t'est apparu un tour de force, animal, faire vivre trois personnes en si peu de pages, moi, m'a paru plutôt frustrant, comme un éparpillement inabouti.

Il n'en demeure pas moins que j'ai retrouvé avec plaisir Marie-Hélène Lafon, sa prose tirée au cordeau, son œil sans apitoiement mais pleine d'humanité sur les petits de ce monde, les obscurs qui, comme les autres, ont leur histoire, qui sont si nombreux et pourtant si inaperçus.

(commentaire récupéré)


mots-clés : #lieu #psychologique
par topocl
le Sam 31 Déc - 17:03
 
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Sujet: Marie-Hélène Lafon
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Ayana Mathis

Les douze tribus d'Hattie

Tag psychologique sur Des Choses à lire - Page 10 A115010

   Hattie savait que ses enfants ne la considéraient pas comme quelqu'un de gentil, et peut-être ne l'était-elle pas, mais quand ils étaient petits, il n'y avait pas beaucoup de temps pour les sentiments. Elle leur avait fait défaut dans des domaines essentiels, mais à quoi cela aurait-il servi de passer les journées à les serrer contre elle et à les embrasser s'ils n'avaient rien eu à se mettre dans le ventre ? Ils ne comprenaient pas que tout l'amour qu'elle avait en elle  était accaparé par la nécessité de les nourrir, de les habiller et de les préparer à affronter le monde . Le monde n'aurait pas d'amour à leur offrir ; le monde ne serait pas gentil.



C'est l'histoire d'Hattie.
Jeune noire à la peau claire fuyant à 15 ans le Sud avec sa mère et ses sœurs, installée à Philadelphie, très vite enceinte, mère de jumeaux à 16 ans, les perdant à 17 d'une pneumonie, déchirée à vie ; un mari brave mais volage et incapable de ramener l'argent à la maison  ;  10 grossesses enchaînées. Hattie, arrivée pleine de curiosité, prête à dévorer le monde, plongeant de désillusion en désillusion, n'ayant d'autre ressource que de serrer les dents, lutter pour l'ordinaire, abandonnant amour,douceur et tendresse – mais sans doute pas dans son cœur. Une femme qui n'a pas de choix.


 Il était important de faire ce qu'il y avait à faire, indépendamment du jour et des circonstances


Décrite en  10 chapitres s'étalant sur  55  ans,  comme 10 nouvelles s'enrichissant l'une-l'autre, chacune consacrée à l'un de ces enfants  devenant adultes, tout comme elle ballotés par un monde impitoyable,  dérivant, se perdant.  A travers le parcours de chacun, c'est la vie de Hattie qui est racontée, un cœur tendre soumis à rude épreuve, camouflé sous un carapace de colère.

Voilà une histoire qui pourrait être misérabiliste, où il ne faut pas rechercher de douceur. Une femme dans le siècle, un combat pour survivre et se protéger tant bien que mal, qui  pourrait être un amalgame de  situations convenues, et c'est au contraire plein de belles surprises, grâce à une forme littéraire originale, à  des dialogues somptueusement menés, grâce surtout à l'œil attentif de Ayana Mathis, une femme qui sait regarder les autres sans pitié, mais sans les juger.

(commentaire récupéré)


mots-clés : #psychologique #famille
par topocl
le Sam 31 Déc - 10:17
 
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Sujet: Ayana Mathis
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Margaret Laurence

Tag psychologique sur Des Choses à lire - Page 10 Divine10

UNE DIVINE  PLAISANTERIE

Rachel Cameron a 34 ans. Elle enseigne dans un CM 1 d'une petite ville du Manitoba.
Plutôt solitaire, elle n'est pas très bien dans sa peau. À 34 ans elle a des envies ou plutôt des velléités qu'elle met en veilleuse.
Elle est intelligente pourtant, sensible, lucide, mais rien d'important ne s'est produit dans sa vie. On n'a pas l'impression qu'elle existe, mais passivement, en spectatrice de sa vie.
Elle se rend parfaitement compte qu'elle se fait manipuler par ceux qui sont conscients du pouvoir qu'ils exercent sur elle. Elle l'accepte par manque de confiance et par absence d'intérêt pour elle-même mais elle se tue littéralement à force de questions.

«Honnêtement, je ne sais pas pourquoi je me sens taraudée par des ennuis imaginaires. Dieu m'est témoin que j'en ai assez dans la réalité.

Je ne dois pas me laisser aller à ce genre de pensées. J'ignore pourquoi je le fais. Si ce n'est pour visualiser quelque chose de nettement pire que tout ce qui pourrait arriver ; du coup, quoi qu'il arrive, ce ne sera jamais aussi redoutable en comparaison.»
P. 81-82

À travers le perpétuel monologue intérieur qu'elle nous livre, il lui arrive de manifester son désaccord avec les autres, mais cela dépasse rarement les intentions. Et si par hasard elle le fait, elle culpabilise aussitôt, elle regrette. «Désolée» est l'une de ses expressions favorites et ça s'arrête là.
Elle est consciente que les êtres humains -pas seulement les hommes et les femmes- ne se comprennent pas vraiment, et d'ailleurs, la plupart du temps, ils se bornent à monologuer et à entendre...
Elle est morbide aussi et craint constamment que son corps ne la trahisse.
Elle vit avec sa mère, asphyxiante représentante des conventions sociales et du formalisme. Hypocrite, égoïste, fouineuse, elle pratique le chantage affectif avec la meilleure conscience.

Lorsque Rachel rencontre enfin l'homme de sa vie, en fait le seul qu'elle ait jamais connu, elle va vers lui avec confiance, amour et la plus grande naïveté du monde en entretenant le désir profond aussi d'avoir un enfant de lui. Mais lorsqu'elle le lui avoue, il la rejette immédiatement, la plongeant dans la douleur et le chaos.
Mais cet échec devient aussi une issue. Elle a enfin une réaction de libération et de volonté.
Elle sort de cette crise profondément blessée, frustrée, désabusée, mais fermement décidée à aller de l'avant, parce que c'est sa volonté et qu'elle le décide elle-même. Elle quitte la ville.

«Là où je vais tout peut arriver. Ou alors rien du tout.

Peut-être vais-je épouser un veuf d'âge mûr ou bien un débardeur, ou encore un charron, ou un homme de loi, ou un voleur. Et j'aurai mes enfants en temps voulu. Ou peut-être pas. Il y a très peu de chances que ça ait lieu. Aucune même. Il arrivera ce qu'il arrivera. Il se peut que mes enfants demeurent putatifs et que je ne les tienne jamais dans mes bras. Mais il en est de même pour tout un chacun.

Je serai différente. Je resterai la même. Je continuerai d'avancer… J'aurai peur. Parfois, j'aurai le coeur léger, parfois la tête légère. Il se pourra que je chante fort, même dans le noir.

Je me demanderai si je deviens folle, mais si ça m'arrive, je ne m'en rendrai pas compte...»


Une divine comédie est un livre profondémént humain et profondémént féminin aussi. L'univers mental d'une femme vu de l'intérieur d'une femme libre mais trop longtemps empêchée. C'est écrit avec beaucoup de maîtrise et de style.

Message récupéré


mots-clés : #psychologique
par bix_229
le Ven 30 Déc - 18:28
 
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Sujet: Margaret Laurence
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Anjana APPACHANA

Tag psychologique sur Des Choses à lire - Page 10 Livre_10

L’année des secrets

« A cette époque enfouie et lointaine, vivaient sous notre toit ma mère, constamment affligée, sa sœur, vive et enjouée, et mon père, absent à qui donnait corps le terrible silence de ma mère. Notre maison était un puits rempli de cette absence et de ce silence, et c'est dans ces eaux-là que mon histoire commença.»


Mallika a grandi entourée de l'amour exclusif et passionné de sa mère et de sa tante, pressentant depuis toujours qu'un mystère plane sur l’absence de son père. De ce secret jalousement gardé par les femmes de ce roman, chacune va nous relater sa version, forcément parcellaire, et en partie fantasmée. Au lecteur de reconstituer le puzzle et d'avoir une vision d'ensemble que ne possède aucun des protagonistes.
La trame est déjà vue, et le lecteur croit bien vite détenir la clé du mystère _ Tout ça pour ça ? _  mais, telles des poupées gigognes, les multiples facettes de la vérité vont se révéler peu à peu, dans un récit maîtrisé de bout en bout.

Les femmes constituent le cœur de ce roman, et au-delà de l'intrigue, c'est la description sans fard de leur condition dans une Inde très largement patriarcale qui m'a le plus intéressée. Jeunes filles nourries de rêves et de romans victoriens, toutes s'imaginent un avenir fait de drames et de passion, un amour qui leur permettra de fuir « avant que les tâches ménagères blêmes clapotent autour de leurs chevilles et montent, mine de rien, pour les engloutir jusqu’au cou.» Si souvent pourtant, elles finissent par gommer toute ambition personnelle, remisant dons et diplômes au placard afin de se conformer à ce que la société attend d'elles. Reléguées aux taches ménagères sous le regard d'un mari indifférent.

« Combien d'hommes avait-elle rencontré qui, lorsqu'on les questionnait, répondaient : Je veux une jeune fille intelligente ? Pas un. Ils voulaient de la beauté, du talent dans les domaines de la cuisine, de la maison, ils voulaient de la culture, une bonne famille. A l'heure actuelle, ils voulaient même de l'instruction. Une maîtrise au minimum. Mais l'intelligence ? Non. Le mariage et la maternité exigeaient du bon sens et de l'intuition, pas de l'intelligence. Entretenir ses capacités intellectuelles impliquait, pour une femme, de négliger son foyer et ses enfants, et entretenir sa maison et ses enfants, de négliger le reste. Méditer sur sa vie revenait à laisser attacher le riz. Et réfléchir aux relations humaines, à affamer les enfants.»


Alors, sous le masque serein et souriant de la mère et épouse dévouée, la révolte gronde, les regrets s'amoncellent, la culpabilité sourd. Pourtant ces femmes n'en perpétuent pas moins le schéma classique ; privilégiant les fils au détriment des filles, rabaissant les brus. Et préparant leurs filles à se taire à leur tour, à accepter, à nier leurs désirs pour satisfaire ceux des hommes. Parce qu'en Inde, une femme qui ose déroger aux règles bien établies, qui ose aimer, qui ose se rebeller, le paye au prix fort. Même pour ceux qui aiment à professer leur ouverture d'esprit, le constat se fait souvent amer : « en ce qui concerne ses filles, Appa n'acceptera jamais les conséquences de ses propres croyances... »

Anjana Appachana, auteur de l'excellent recueil de nouvelles Mes seuls Dieux, a l'art de brosser un personnage en quelques mots, quelques gestes, quelques pensées intimes. Elle fouille ensuite au plus profond des âmes, nous révélant les sentiments de ses personnages dans toute leur complexité, dans un récit fort, et très riche, passionnant malgré quelques inévitables longueurs. Le lecteur s’y plonge pour n'en ressortir que des heures plus tard, quelque peu estourbi par l'ampleur des drames qui se jouent en silence dans les arrière-cours, et pardonne bien volontiers les quelques invraisemblances du dernier chapitre, encore hanté par les visages de ces héros auxquels l’auteur a insufflé tant de vie…

(Ancien commentaire remanié)


mots-clés : #psychologique #famille #romanchoral
par Armor
le Ven 30 Déc - 16:21
 
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Sujet: Anjana APPACHANA
Réponses: 1
Vues: 746

Henning Mankell

Les chaussures italiennes

Tag psychologique sur Des Choses à lire - Page 10 Images16

Depuis douze ans, Fredrik Wellin vit sur une île suédoise, dans la maison qui appartenait autrefois à ses grands-parents, perdu au milieu de la glace et de la neige. Son seul contact avec le monde extérieur est le facteur, qui vient trois fois par semaine dans son hydravion, n'apportant jamais aucun courrier. Pour cet ancien chirurgien, cet isolement glacé est sa protection face à la vie qu'il a voulu fuir, parce qu'il y a douze ans justement, une catastrophe est survenue. Il observe les oiseaux, nourrit son chat et son chien, note d’anodins petits faits quotidiens dans son journal, et la vie passe ainsi… Au moins elle ne risque pas de le blesser.

 
 Dans les villes, on ne voit plus les étoiles, c'est pour ça que j'habite ici. Quand j'étais en ville, le silence me manquait, mais plus encore la lumière des étoiles. Je ne comprends pas comment personne ne s'aperçoit que nous avons dans ce pays des ressources naturelles fantastiques qui n’attendent que d'être exploitées. Qui vend le silence comme on vend le bois ou le fer ?
   Je comprenais ce qu'elle voulait dire. Pour beaucoup de gens, le silence, la nuit étoilée, peut-être aussi la solitude n'étaient plus des biens accessibles. J’ai pensé que Louise me ressemblait peut-être, malgré tout.



Mais Hariett, un amour de jeunesse qu'il avait autrefois abandonnée dans des circonstances pas très flatteuses pour lui, vient le sortir de sa retraite paresseuse. Il va lui falloir se confronter au monde, à la réalité, aux émotions qui font que la vie est à la fois heureuse et douloureuse,. Elle est sacrément décidée, Hariett, malgré son cancer en phase terminale et son déambulateur…

Ce retour au monde l'amène à des rencontres. Des femmes (sur lesquelles je ne dirai pas plus), qui contrairement à lui, ont choisi leur destin, ont trouvé à se protéger autrement que dans le retrait.


   « - Pourquoi n'y a-t-il personne de normal ici ? Pourquoi tous les gens sont-ils si étranges ? (…)
   - Il n'y a pas de gens normaux. C'est une fausse image du monde, une idée que les politiques veulent nous faire avaler. L’idée que nous ferions partie d'une masse infinie de gens ordinaires, qui n'ont ni la possibilité ni la volonté d'affirmer leur différence. Le citoyen lambda, l'homme de la rue, tout ça - c'est du flan. Ca n' existe pas. C'est juste une excuse que se donnent nos dirigeants pour nous mépriser. »


Il apprend qu'on peut exister sans fuir la responsabilité et les sentiments. Quoique fasciné par ce qu'il rencontre, il adopte une fois de plus sa technique favorite de la fuite, pour se retrouver à nouveau seul, isolé dans son île, décontenancé, mais tenté cette fois-ci par le monde extérieur

   « Comment j'allais me débrouiller avec ma vie, après tout ce qui s'était passé, je n'en avais aucune idée.
   Là, tout à coup, sur la jetée, j'ai fondu en larmes. Chacune de mes portes intérieures battait au vent, et ce vent, me semblait-il ne cessait de gagner en puissance. »

Et ce monde auquel il s’est confronté le rattrape peu à peu, des liens se tissent, douloureux ou réconfortants, mais au moins des liens sont là, des chemins se présentent, des décisions sont à prendre. Il est confronté à la vie, à la souffrance et à la mort, c'est peut-être douloureux mais il redevient maître de ses choix.

   « J'ai vu ma vie.
   J'étais parvenu à ce point de l'existence. Il restait peut-être un ou deux carrefours en perspective, mais pas beaucoup plus. Et pas beaucoup de temps. »


Les personnages de Henning Mankell refusent tous notre monde moderne et violent, chacun à sa façon. Fredrik n'est pas le plus adroit, ni le plus sympathique, c'est un perdant, un rustre déboussolé, auquel les femmes ouvrent peu à peu les yeux. Ce livre nous parle de lâcheté, du pardon, de la solitude et de la mort. D’un certain cheminement que l'on peut faire pour se réconcilier avec soi-même, sans pour autant devenir un héros et trouver des solutions à tout. Pas forcément trouver la paix, mais souffrir un peu moins, s’ouvrir à l'autre. La nature sauvage est un refuge, une nourriture pour l’homme égaré. Fredrik a trouvé ce bout du monde perdu dans les glaces, cette maison de l'enfance qu’il croyait être un rempart face a ses propres vérités. Il a bien failli se perdre lui-même ; les femmes déterminées qu'il rencontre lui montreront qu’un rapprochement est possible avec lui-même et les autres. Malgré les erreurs, malgré la douleur de vivre parfois, il faut savoir accueillir des émotions autres que celles du vent qui passe. La vie reste une impasse mais on aura su la rendre plus légère.

Les chaussures italiennes est le roman d'éducation d'un homme adulte, qui a failli, s'est puni lui-même, mais va entrer dans la vieillesse après que des femmes l’aient non pas sauvé, mais apaisé.

(commentaire récupéré)


mots-clés : #insularite #nature #psychologique
par topocl
le Ven 30 Déc - 10:53
 
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Sujet: Henning Mankell
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Paula Fox

Tag psychologique sur Des Choses à lire - Page 10 Pauvre10

Pauvre Georges ! - Ed. Joelle Losfeld. - 2006

Paula Fox semble bien connaître l'enfer. Sinon elle, en tout cas, les personnages de Pauvre Georges. Ils sont encore jeunes pourtant, mais ils ont raté leur départ, ou alors ils ont perdu leur chemin. Ou ne l'ont jamais trouvé.
Ceux qui ne sont pas médiocres ou pervers, sont des affligés. Des pantins souffrants.
Longtemps ils ont refusé de se voir, eux et ceux qui les entourent, et lorsqu'ils sont contraints de lever le masque, ils sont comme effarés. Ils se souviennent alors qu'avant, dans leur passé, ce n'était pas mieux. Passé pesant, présent pourri, et pas d'avenir convenable.

Le personnage principal, le "pauvre Georges" est un etre falot, marié depuis près de 10 ans, mais son couple est miné par l'usure, le doute, les frustrations et les différends.
Les êtres qui les entourent sont désespérants ou désespérés. Mais c'est un élément extérieur à tous les deux, qui va s'immiscer entre eux sous la forme d'un adolescent, dont Georges prétend sauver l'avenir.
Et c'est cet ado qui va précipiter l'explosion de ce couple défaillant.

Paula Fox n'a décidément rien à envier à personne dans la noirceur. Pas même Jean Rhys avec qui elle a en commun un passé calamiteux. Si Paula Fox a souvent de la compassion pour ses personnages, elle l'a oublié ici.
Ce livre est vraiment effrayant ! Mais remarquable comme ceux que j'ai déjà lus d'elle précédemment...

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mots-clés : #psychologique
par bix_229
le Mer 28 Déc - 19:20
 
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Bengt Ohlsson

Tag psychologique sur Des Choses à lire - Page 10 6a00d810

SYSTER

«La soeur de Marjorie disparut un vendredi, début mai.Dans la soirée, la police sillonna les environs pour recueillir des informations auprès de ses camarades de classe.
Deux garçons l'avaient vue de l'autre côté du lac, vers trois heures de l'après-midi, après la sortie de l'école. Elle était assise, immobile et regardait dans l'eau. Ensuite elle s'était levée et avait commencé à gravir la colline.
Elle portait son imperméable jaune. Grand comme une pèlerine de moine, il lui descendait jusqu'aux pieds.»


Les recherches se poursuivront pendant des semaines en vain. Les parents de Marjorie vont alors l'envoyer chez sa tante Ilse, la soeur du père.
Ilse vit en solitaire dans une grande maison au bord de la mer, entourée de grands arbres. La première impression de Marjorie en la voyant est plutôt sinistre.

«La maison de tante Ilse semblait abandonnée. Elle était poussiéreuse, couleur blanc sale, et comportait deux niveaux garnis de fenêtres lugubres.»

Livrée à elle-même, à ses questionnements, à ses contradictions d'enfant, et à ses sautes d'humeur, elle s'enferme d'abord dans un mutisme méfiant. Elle observe Ilse. Qui lui fait visiter la maison, puis les environs et le bord de mer. Elle se montre dévouée, affectueuse mais discrète et disponible.
Peu à peu s'instaure entre elles un climat de confiance qui se prête aux discussions, et mieux encore aux confessions. En toute honnêteté et sur un plan d'égalité.

C'est alors que Marjorie confesse qu'elle n'aime pas sa soeur, trop sûre d'elle-même et qui lui fait de l'ombre. Elle avoue même qu'elle souhaite qu'on ne la retrouve pas. Derrière la honte de cette confession, elle se rendra compte qu'en fait elle l'admire et l'aime vraiment. Mais il lui faudra encore du temps.

Marjorie pense autant qu'elle parle et même davantage. Elle s'interroge sur tout. Et son cerveau encore tout neuf, a du mal à formuler, à contrôler les idées, les images, les impressions qui se bousculent.
Elle essaie d'avancer des suppositions, des hypothèses, d'associer des mots aux images. Mais elle assiste impuissante au défilement du temps, des pensées, des visions. Elle passe de l'optimisme le plus noir à un optimisme tout aussi irraisonné... Elle est en train d'évoluer sans en avoir encore conscience.

Mais Ilse est là qui l'écoute toujours. Qui se tait quand il faut se taire. Et qui répond du mieux possible aux interrogations de la fillette qui finit par se livrer entièrement.
En échange, au bout d' un certain temps, Ilse finit aussi par se raconter. Avec pudeur, avec des dons très sûrs de conteuse et de guérisseuse.
La vie d'Else est pleine de blessures anciennes, de chocs en tout genre. Mais aussi de petits et de grands bonheurs.
Sans prêchi-prêcha aucun, elle essaie d'apprendre à la petite fille comment avancer dans la vie en essayant de surmonter les épreuves et de trouver finalement un modus vivendi convenable et à sa mesure.

Et Marjorie qui est intelligente, comprend parfaitement ce que Ilse lui dit et ce qu'elle tait.
Elle est rassurée, sereine, confiante.
Elle peut désormais quitter Ilse et vivre sa propre vie dans sa famille retrouvée. Je ne vous dirai pas la fin, mais elle est justifiée, je trouve.

Pour nous conter son histoire, Ohlsson se place à hauteur d' enfant. Et il est sans aucun doute infiniment difficile de savoir ce qui se passe dans le cerveau d' une jeune enfant confrontée à de telles épreuves.

Mais comme toute histoire qui procède de l'introspection encourt les mêmes difficultés, les mêmes risques, toute fiction réussie est celle qui nous la rend crédible.


mots-clés : #initiatique #psychologique
par bix_229
le Mer 28 Déc - 16:59
 
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Sujet: Bengt Ohlsson
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Arnon Grunberg

Tag psychologique sur Des Choses à lire - Page 10 Tirza110

TIRZA

Quel écrivain oserait-il s'embarrasser d'un personnage aussi flou et peu intéressant  que l'est Jorgen Hofmeister.
Il sait lui-même qu' il n'interesse vraiment personne. Sa femme l'a quitté et lorsqu'elle est revenue,  c'est parce qu'elle n'avait pas d'autre endroit où aller. Ni personne à aimer.
De ses deux filles, l'aînée est déjà partie, et l'autre est sur le point de le faire.
Directeur de collection chez un éditeur, il est jeté sans ménagements après trente ans et plus de service. Depuis, il va tous les matin à l'aérodrome d'Amsterdam/Schiphol.
Il regarde les gens passer et parfois, il leur adresse un salut, comme s' il attendait quelqu'un.

Tout ce qu'il a dit ou fait dans sa vie s'est retourné contre lui. Et il ne peut pas dire non plus qu'il a fait pour le mieux. Mais il s'est toujours senti "superflu". Il a honte de ce qu'il est ou de ce qu'il paraît aux autres.

"Moins les autres existaient, plus  ils devenaient agréables. Il s'en était aperçu à l'aéroport."
"Il avait été conseiller éditorial pour les œuvres de fiction traduites. Il avait consacré toute sa vie à ce qui n'existait pas, au possible toutau plus, au probable peut-être. A présent, la distinction entre ce qui existait et ce qui n'existait pas s'estompait, la frontière était devenuefloue. Brumeuse comme les matins d' automne à l'aéroport en automne."

" La vie lui fait mal, l'enfer c'est lui-même".  Sa femme lui dit qu'il est le serviteur du malheur et de la Fatalité. Ils sont les deux moitiésd'un ratage collectif. Et ils le savent parfaitement.

Pourtant, il y a Tirza, sa fille cadette. Il l'aime, la vénère, l'idolâtre. Il pense que Tirza est la seule à l'aimer et à le comprendre.
Et Tirza l'aime aussi, alors qu'elle déteste sa mère trop souvent absente ou embarquée dans des aventures sexuelles.
Mais Tirza à dix huit ans se rend compte que son père l'étouffe et qu'il l'a manipulée sans le vouloir.  Contrairement à ce qu'il croit, elle a l'impression tout d'un coup d'etre seule, laide, non aimée.
Et Tirza se laisse mourir de faim pour s'affirmer, prendre le contrôle de sa vie.
On doit l'hospitaliser et c'est alors que Jorgen comprend son erreur.
Contre sa volonté, il décide enfin "de ne plus être amoureux de la femme qui est sa fille."

Tirza décide de partir en Afrique avec son ami. 
Et je n' en dirai pas plus. Ce livre est un vrai grand thriller psychologique. Et il faut attendre et découvrir soi-même la suite.

Sinon que ce livre est aussi dérangeant que passionnant. Il nous remet en cause et nous émeut.
Il nous aide aussi à comprendre le calvaire d'un homme sans qualités et dont le niveau affectif, psychologique et émotionnel est celui d'un enfant de neuf ans. Et son drame de ne pas avoir dépassé cet âge mental.
Mais cette malédiction lui procurera quand même in extremis une révélation foudroyante.

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mots-clés : #psychologique
par bix_229
le Mer 28 Déc - 15:35
 
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Gonçalo M. Tavares

Tag psychologique sur Des Choses à lire - Page 10 41j3tl10

Apprendre à prier à l'heure de la technique
Position dans le monde de Lenz Buchmann

traduit du portugais par Dominique Nédellec

Viviane Hamy

- Dans cette maison, la peur est illégale.
C’était un des leitmotiv de Frederich Buchmann. Ajoutons que cette phrase fut déterminante pour Lenz- son père savait combien il importait de ne pas faire preuve d’inconséquence.
Frederich punissait les manifestations de peur de ses deux fils en les enfermant à clé dans une pièce de la maison, la «  prison », dont il avait obturé les fenêtres et qui ne contenait aucun meuble ni objet.
En de rares occasions ( mais qui le marquèrent durablement), Lenz fut jeté en prison pour avoir commis l’illégalité d’afficher sa peur. Son frère Albert, en revanche, était constamment enfermé dans cet espace où se trouvait suspendue toute possibilité de jeu, en attaque comme en défense. C’était un espace absolument neutre, où la portée des gestes était annulée: tout mouvement devenait inutile et presque ridicule. Les murs n’étaient pas des surfaces stimulantes pour un humain et l’étaient moins encore si cet humain était un enfant. C’était un espace qui écrasait l’enfance- une masse énorme qui en écrasait une autre bien moins robuste. Il était impossible dans cet espace de penser en conformité avec son âge….

Pour la famile Buchmann, ce qui perturbait le plus le développement de la personnalité, c’était la peur.
Frederic Buchmann disait:
-On pourra formuler à votre encontre n’importe quelle accusation: vous pourrez vous rendre coupables de la pire des immoralités, être recherchés par la police ou par le diable en personne: je défendrai mes fils avec les armes dont je disposerai. Je ne me sentirai honteux que si un jour quelque un me rapporte que vous avez eu peur. Si cela devait se produire, inutile de chercher refuge ici: vous trouverez la porte close.
C’est dans cette atmosphère que Lenz grandit et apprit à vivre. C’est ainsi qu’il se prépara, mûrit, développa ses forces

Genèse d’une personnalité.. Une seule, car..


Frederich Buchmann n’avait aucun doute:
- J’ai un chien et un loup, lançait-il directement à ses fils.
Et il n’allait pas jusqu’à leur dire, mais il y pensait souvent lorsqu’il sentait qu’il n’était plus capable de veiller très longtemps avec vigueur sur sa famille. Il pensait que ces deux personnalités compromettaient dès le départ la possibilité d’une alliance: le chien ne pourra pas protéger le le loup parce qu’il n’en a pas la force, et le loup ne protègera jamais le chien parce que cela n’est pas dans sa nature.


Exit le frère!

Et puis:

Car il faut dire ici que Lenz a toujours considéré de simples idées de son père sur le monde comme des déclarations définitives ,voire comme des ordres. Et Lenz aurait été plus enclin à déplacer le monde pour qu’il soit dans la position exacte indiquée par son père qu’à dire à ce dernier qu’il s’était trompé.
Il savait bien quel sens avait un ordre. Un ordre peut avoir des conséquences positives ou négatives, mais cette question ne se pose que plus tard; ce qui importe, c’est l’énergie principale. Un ordre est simplement une phrase à laquelle il s’agit obéir , un bout de langage; et qui le reçoit doit, au péril de sa vie si nécessaire, lui donner une existence dans la réalité. Un ordre exprime la volonté de celui qui en sait plus et, ainsi, à un commandement doit donc correspondre un ensemble de mouvements visant à ce que le monde confirme la vision pénétrante de celui qui l’a émis. Chaque fois que l’on obéit intégralement à un ordre, la hiérarchie en place est confirmée et le cœur s’en trouve tranquillisé.


Peur et besoin de sécurité, voila les bases de l’éducation du jeune Lenz. Et les bases aussi , c’est normal, de la conduite de sa vie et de son rapport aux autres.


Au fur et à mesure que je relis ce roman pour en recopier des extraits , je me rends compte à quel point c’est un roman très brillant , intelligent , mais glaçant. Qui fait peur..Non pas à cause des actions décrites, on en a vu d’autres, mais par sa logique inéluctable que seule viendra perturber des éléments incontrolables, eux, , la maladie et la mort.
Logique qui fait que l’on rentre dans le raisonnement du personnage central, tout à fait dépourvu d’affects et de morale ,et qu’on finit par le comprendre et presque à le plaindre. Du moins moi..
La capacité d’emprise de ce genre d’individus est sans limites ( pas pour tous les autres, heureusement ) car ils sont constamment en équilibre , qu’ils justifient leurs modes opératoires par des arguments somme toute assez valables, et que c’est ainsi qu’ils arrivent à entraîner des foules qui se demandent après comment elles ont pu se faire manipuler , mais c’est trop tard. Comment? La peur, le besoin de sécurité et un discours logique , et voilà tout.
C’est vrai que ni un chirurgien , ni un homme politique ne doivent avoir trop d’états d’âme s’ils veulent être à la hauteur de leur tâches. Ce ne sont pas des domaines ( ni des spécialités en ce qui concerne la chirurgie) qui sont choisis par hasard, mais dans les deux, le goût du pouvoir est nécessaire.Et le pouvoir permet tant de choses, qui, alloué à une personnalité limite, peut conduire absolument à n’importe quoi , tant en chirurgie qu’en politique. S’il n’existe pas bien sûr de barrières ( personnelles ou extérieures).

C’est un roman très découpé, ciselé en petits chapitres et sous-chapitres tous précédés de titres explicatifs qui accentuent la logique de la démonstration et de l’étude du raisonnement de Lenz et de sa conduite.
Le récit est également mené sans affect aucun , avec une précision- surtout dans les détails physiques- d’entomologiste , et tout cela contribue à créer une atmosphère dont on ne ressort pas indemne.
Un vrai cauchemar, ce roman, mais un très brillant cauchemar qui, là aussi, pourrait animer des heures de conversation tant il y aurait à dire!

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mots-clés : #psychologique
par Marie
le Mar 27 Déc - 3:46
 
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Sujet: Gonçalo M. Tavares
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Junichiro TANIZAKI

C'est vrai bix, pour moi, Tanizaki a deux facettes, qui ont donné lieu à des ouvrages très différents.
Il y a celle que je préfère, la facette apaisée, qui s'attache à décrire la réalité d'un Japon pris entre tradition et modernité. Un monde qui s'enfuit, et dont on observe les derniers feux avec nostalgie mais sans amertume.
Dans cette veine, j'ai aimé Le goût des orties, apparemment inspiré de la propre expérience de l'auteur.
Plus que tout, j'ai été envoûtée par Quatre soeurs (autrefois publié sous le titre Bruine de neige), qui pour moi est un pur chef d'oeuvre.

Et puis, il y a la facette la plus étrange de Tanizaki, se nourrissant de ses obsessions personnelles. Celle-là a donné lieu à des livres parfois brillants, mais à l'atmosphère déroutante et malsaine. Même si je suis loin d'avoir tout lu, je pense que La clé, la confession impudique est l'un de ceux qui reflètent le mieux cet aspect de l'oeuvre de Tanizaki.

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La clé, la confession impudique

Un couple tout ce qu'il y a de respectable : un professeur d'université de cinquante-six ans et son épouse de quarante-cinq. Depuis toujours, la femme est dotée d'un insatiable appétit sexuel que son mari, l'âge aidant, et malgré une passion jamais démentie, ne parvient plus à satisfaire ; et ce d'autant plus que leurs exigences ne s'accordent pas.
Un soir, l'époux découvre que sous l'emprise de l'alccol son épouse devient bien plus coopérative, et que son désir pour elle s'en trouve fortement attisé. Il remarque par ailleurs que le jeune Kimura, pressenti pour épouser leur fille Toshiko, semble bien plus épris de la mère que de la fille, et que cette attirance a l'air d'être réciproque...
Aussi, les soirs où tous les quatre dînent ensemble, invariablement Madame boit plus que de raison et va s'évanouir dans son bain, et invariablement Kimura aide son époux à la transporter jusqu'à son lit avant de rentrer chez lui. La lampe de la chambre parentale demeure ensuite allumée toute la nuit...
Mais pour entretenir sa vigueur retrouvée, le mari devra user de nouveaux stratagème, et quel stimulant plus puissant que la jalousie ? L'idée lui vient d'utiliser le jeune Kimura, et dans ce domaine son imagination se révèle fertile autant que malsaine.

Chacun des époux va se mettre à tenir un journal intime dans lequel il relate cette situation nouvelle et tente par la même occasion de manipuler l'autre. Il est effet évident que, tout en niant lire les écrits de son conjoint, chacun prend aussi souvent que possible connaissance des pensées les plus intimes de celui-ci.
Ce aurait pu n'être qu'un marivaudage destiné à pimenter la vie de couple va se révéler bien plus insidieux et pervers, chacun se jouant de l'autre jusque dans les détails du quotidien. Même Toshiko, la fille du couple, va pour d'obscures raisons se mêler ouvertement de la vie sexuelle de ses parents...

Au fil des pages le mari se révèle à la fois calculateur, pervers et bien naïf, se consumant peu à peu à force de courir après sa jeunesse perdue. L'épouse parfaite et mère de famille exemplaire va quant à elle dévoiler  un tout autre visage, de plus en plus glaçant.
Tandis que l'époux s'étiole et ne vit plus que pour ses ébats nocturnes et l'illusion qu'ils lui apportent d'une vigueur retrouvée, sa femme s'épanouit et semble puiser une nouvelle jeunesse auprès du séduisant Kimura.

Le lecteur, placé dans la position inconfortable du voyeur, est confronté tour à tour à chacune des versions des événements. La sensation de malaise s'accroît au fil des pages tandis que pensées inavouables et situations malsaines défilent devant ses yeux. Les masques tombent.  Et celui qui a initié le jeu n'est pas forcément celui qui le mène au bout du compte…

(Ancien commentaire remanié)


mots-clés : #psychologique #famille
par Armor
le Mar 27 Déc - 0:44
 
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Sujet: Junichiro TANIZAKI
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Philippe Adam

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Jours de Chance

Livre très intéressant. Les narrations croisées de dizaines de gagnants de lotos et autres jeux à gratter qui les a fait passer de personnes ordinaires en personnes fortunées à millions.
D'aucuns pourraient penser que le récit est cynique, je l'ai personnellement trouvé réaliste, les comportements sont multiples et bien représentés, les pensées ainsi que les émotions et angoisses également.
C'est une critique acerbe de l'argent, de sa nature qui transforme les gens, qui clivent le monde, mais que beaucoup désirent ardemment par besoin ou par envie.
Le style est simple, il n'y a que peu d'identité dans l'écriture il faut le reconnaître mais cette évidente neutralité de ton sied bien à la narration désincarnée des gagnants dont on ne sait jamais l'identité, et permet une bonne description des changements psychologiques qui s'opèrent. le discours par contre est pertinent par sa diversité, subtile puis caricatural, très fidèle aux réactions humaines tantôt démesurées tantôt très pondérées, cette diversité permet une richesse agréable: les clichés sont là mais il n'y a pas que cela, il y a plus profond et plus intense. L'auteur n'a pas rejeté la superficialité des personnages et c'est réussi; trop d'ouvrages en font l'économie quand elle est pourtant si présente dans la vie quotidienne.
Un bémol demeure, les récits se comptent par dizaines et n'ont pas de rupture autre qu'un saut de ligne, comme chaque narrateur s'exprime à la première personne du singulier ça rend complexe et parfois ardu de suivre chaque histoire. C'est intentionnel certainement mais l'on peut être perdus voire saoulés par tant de personnages si peu identifiables.
A lire.


mots-clés : #psychologique
par Hanta
le Lun 26 Déc - 18:40
 
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Witold Gombrowicz

La Pornographie

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Un ouvrage très dérangeant. Je ne m'y suis jamais senti à l'aise et paradoxalement j'ai pris plaisir à le lire. Récit très riche, qu'on pourrait rapprocher d'une sorte de roman philosophique existentialiste car le nerf du récit est le tourment du personnage principal. Un tourment dans sa compréhension du monde, souvent décalée, mais également dans la méconnaissance de la place qu'il doit ou devrait occuper. Il existe un deuxième pan dans le récit (en fait il en existe plusieurs mais je dégage les deux qui m'ont principalement intéressés), qui est une sorte d'expérience esthétique de l'amour, ou de l'eros pour être précis, qui prend place dans le jeu malsain des deux protagonistes principaux à manipuler deux personnes afin qu'elles tombent amoureuses. Il y a donc une expérimentation esthétique dans le jeu de séduction, de manipulation du sentiment, et aussi un dilemme morale qui s'expose dans le rôle que tiennent chacun et dans le sens même de la manipulation. Je conçois que cela paraisse confus mais c'est un livre dont la critique est peu aisée.

Le style est très agréable mais indéfinissable, j'avais l'impression qu'un ami me racontait une histoire qu'il aurait lui-même vécue. Peut être que l'implication que met Gombrowicz, la projection de sa personne dans sa narration y est pour quelque chose. Je n'ai pas su dire pourquoi j'avais moins aimé la deuxième partie de l'oeuvre même après relecture, peut être un sentiment de confusion. Objectivement, c'est une très belle oeuvre qui possède toutes les qualités qu'on peut attendre d'un bon roman. Il faut juste aimer soutenir un malaise persistant. Moi j'ai aimé.


mots-clés : #psychologique
par Hanta
le Lun 26 Déc - 0:54
 
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Gonçalo M. Tavares

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Jérusalem

Titre originale : Jerusalém (Portugais, 2004)

CONTENU :
Y-a-t-il une formule pour l'horreur ? Théodore Busbeck, médecin et historien, travaille avec acharnement sur l'idée que le mal suit une logique, une formule interne, et qu'on pourrait calculer en avance les horreurs à venir. Son ex-femme et patiente Mylia resiste depuis de années aux prognostics des docteurs de sa mort imminente ; Ernst Spengler, son amant de jadis, est un homme cassé après un séjour en hôpital psychiatrique ; Hinnerk Obst reste marqué par la guerre... Dans une nuit de Mai toutes ces personnes se rencontrent et la violence semble inévitable... : Spengler est en train de se jeter par la fenêtre, Mylia visite une église dans sa maladie, Obst se promène avec un fusil.

REMARQUES :
Le livre consiste d'une multitude de petits, courts chapitres avec encore des paragraphes ordonnantes, toujours titrées simplement avec les personnages qui y jouent un rôle. Il y a des constellations les plus diverses. La langue est sèche, distanciée, logique et sans débordements émotionnels, tout en communiquant une atmosphère sombre, ombrageux.

Pas facile de résumer ce roman sous un fil et un aspect unificateur : selon le sujet, selon la chronologie ??? On peut avec raison voir dans cette nuit du destin un noyau du livre : c'est à ce moment là, dans quelques instants, que se concentrent les conséquences des décisions de vie et des événements antérieurs. Parallèlement à ce moment précis et circonscrit nous regardons justement en arrière, dans ces passés qui se rencontrent là. A le considérer comme ça, nous pourrions lentement établir une chronologie donnant un fil qui accompagne les portagonistes à travers les années :

Mylia est sonnée psychiquemment quand dans une thérapie elle fait connaissance du Docteur Busbeck, son époux futur et théoreticien d'une formule universelle. Plus tard il l'interne dans une clinique psychiatrique où elle sera sous tutelle. Elle fera connaissance de son grand amour Ernst Spengler, avec lequel elle aura dans la clinique encore un enfant : elle pourra le porter au terme de la grossesse avec la « permission » de Busbeck, mais le perdra aussi toute de suite à celui-ci qui demandera le divorce et enlèvre – comme docteur ?! - l'enfant de ses parents pas responsables. Donc il grandira avec un handicap chez le Docteur.

Ce livre appartient dans l'oeuvre de Tavares à la tétralogie « Le règne » et forme le troisième tome. Dans cette série l'auteur se pose en gros avec la question du mal dans le monde. Ici, dans « Jérusalem » cela se passe au même moment sur plusieurs niveaux : D'un coté le Docteur Busbeck travaille avec acharnement sur une théorie avec laquelle il aimerait découvrir une certaine logique et rythmicité du mal dans l'histoire de l'humanité. Peut-être aura-t-il encore dans l'arrière pensée la volonté que de telles découvertes, de telles données objectives d'un ouevre de vie, permettent aux génération futures une maîtrise et une compréhension de l'indicible souffrance et mal. Néanmoins : jusqu'à où cela peut aller ? Est-ce qu'on peut vraiment trouver une formule pour prédire avec sécurité les acteurs et victimes futures, et pour déculpabiliser ce faisant la part de participation en liberté ???

Les acteurs de ce roman sont tous plus ou moins des acteurs, et aussi des victimes du bien et du mal. En chacun il y a un mélange, aussi une accentuation différente du degré de conscience, voir de l'inconscience, d'un acte, de la participation et de la responsabilité ou voir d'une existence de « victime ». Comment Tavares construit ces variations infinies de coexistences des contraires pour un tel ou une telle, est un coup de génie (selon moi). Tout le monde est partiellement atteints, cherche d'une façon ou d'une autre un adoucissement de ses souffrances ou une réponse à ces besoins.

Ce complexe de sujet central est enrichi encore avec d'autres élaborations de sujets, partiellement en passant, mais digne de réflexion : comment vivre avec ceux aui ont atteris dans des établissements spécialisées ? Ou et comment se passe la guérison ? Qui a et dans quelle mésure, des droits sur la vie des autres (tutellage etc) ? Une multitude de thèmes digne d'être digerés. Et à la fin on est là un peu pantois, avec le vertige, ne sachant pas toujours où est-ce que nous nous trouvons dans une prise de position ou le spectre large élaboré par l'auteur dans ses réponses ou suggestions.

Non, je ne vais pas affirmer qu'il s'agit d'un « beau » livre, mais quelle puissance que je ressente derrière l'écriture de cet auteur, quels sujets intéressants ! Remarquable !


mots-clés : #pathologie #psychologique
par tom léo
le Ven 23 Déc - 18:05
 
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Delphine de Vigan

Tag psychologique sur Des Choses à lire - Page 10 Image212

Rien ne s'oppose à la nuit


Comment commenter un livre qui a trouvé un écho si positif ? Je dois avouer que je partais dans cette lecture avec une forte opinion favorable, aussi parce que la figure de la mère, étant atteinte par la bipolarité, suscitait en moi des nombreuses questions et préavis positifs.

Le livre est sousdivisé en trois grandes parties qui correspondent dans une certaine manière à des périodes de la vie de Lucile, la mère de Delphine de Vigan : enfance et jeunesse dans la grande famille de neuf enfants, avec ses drames familiaux. Deuxième partie (en gros) : mariage avec deux enfants (des filles dont Delphine), éclosion de la bipolarité, en partant avec une phase maniaque, suivie par une longue période de dépression et d'apathie. Troisième partie : les enfants de Delphine vont leur chemin, cheminement de Lucille après ses env. 40 ans jusqu'au suicide en Janvier 2008 (qui par ailleurs avait été annoncé depuis la première page).

Donc, récit fortement (auto-)biographique. Mais l'auteur a la délicatesse de remarquer que chaque choix dans les faits, photos, récits divers, est déjà une sorte d'interprétation. Elle comble ici et là ces lacunes par ce qui semble le plus probable... et finalement, ce livre sort avec l'appélation de « roman » !

Delphine de Vigan intercale régulièrement des reflexions sur son propre écriture et l'état de l'avancement de son livre un moment donné. Dans ces passages, souvent, elle cherche indirectement à justifier ses choix : elle parle des résistances et des autres et de soi-même qu'elle doit surmonter pour avancer. Si elle est mue par cette tendance de l'autojustification, c'est en grande partie qu'elle doit des fois « revèler » des secrets familiaux et avancer des thèses, dont on n'est même pas totalement sûr. Ceci est un choix d'auteur.

Pour ma part – et peut-être pas seulement pour d'autres membres de la famille, mais aussi d'autres lecteurs – on peut se demander jusqu'où doit, peut aller un déballage, voir une écriture sur des personnes si proches ? Est-ce que cette démarche n'est pas seulement la recherche de trouver les sources de la souffrance de sa mère et un hommâge, mais éventuellement aussi une recherche de s'autojustifier ? L'auteur est visiblement influencée par des remords.

Quelle sont, dans une grande partie, les explications du geste fatal ? Finalement on divine bien la souffrance de la mère, de Lucile. Mais on y mettant un ton, un brin de fatalité – et le titre en est un bon exemple : cela sonne bien, mais est pessimiste et sans appel – on arrive à « comprendre » le geste fatal de la mère comme pratiquemment inévitable, voir même (dans les dernières lignes du livre) comme louable et splendide. Cela m'écoeure. Oui – et je parle en connaissance de cause – il ne peut pas s'agir d'accuser quelqu'un de si souffrant de légèreté. Oui, on doit finalement, et avec tristesse, après coup accepter un geste. Mais au même moment on ne peut pas presque comme excuse, juger le suicide comme cela : cela est extrêmement dangéreux. Et correspond à une tendance de notre societé de se dédouaner et de se dire que, de toute façon, il y avait rien à faire. Et même si la nuit peut être immense et insondable, nous devrions espérer que l'aube et la lumière peuvent être proches. Par ailleurs Lucile avait connu une phase bonne après des années d'apathie. C'est dans cette direction et possibilité qu'il faudrait – à mon avis – aller. Mais cela est trop souvent appeler « trop rose », comme si la vraie réalité implique le choix de la fin.

Donc, malgré une excellente description de la maladie bipolaire (très fort!) je ne peux souscrire à certains choix de l'auteur et reste sceptique.

A chacun de découvrir et à juger… !



mots-clés : #pathologie #psychologique
par tom léo
le Ven 23 Déc - 17:38
 
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Juan Gabriel Vásquez

Les réputations

Tag psychologique sur Des Choses à lire - Page 10 Index512

Arrivé à la soixantaine et à la consécration, Javier Mallarino, célèbre caricaturiste colombien autant haï qu' adulé, voit surgir une jeune femme qui le fait se retourner sur son passé, et s'interroger sur son propre rôle et sa responsabilité,  l'honnêteté de son engagement. Remonte à la surface cet à quoi bon qui l'a perpétuellement nargué tout au long de sa carrière .

Javier Mallarino est un homme droit dans ses bottes, sûr de lui et de sa mission, capable de construire ou détruire une réputation d'un trait de plume :

Les grands caricaturistes n'attendent d'applaudissements de personne, ils ne dessinent pas pour cela : ils dessinent pour déranger, incommoder, être insulté. On m'a insulté, menacé, on m'a déclaré persona non grata, on m'a interdit l'entrée de certains restaurants, on m'a excommunié. J'ai toujours réagi de la même manière, ma seule réponse aux plaintes et aux agressions a été la suivante : les caricatures peuvent forcer la réalité, pas l'inventer. Elles peuvent déformer, jamais mentir.


N'a t-il pas traité par le mépris les menaces de mort qui lui étaient adressées, n'a-t-il pas sacrifié son couple, et sa fille, pour poursuivre avec détermination son combat ?
Seulement :

les certitudes acquises à un moment donné du passé pouvaient avec le temps cesser d'être des certitudes : un événement survenait, un fait fortuit ou volontaire, et, brusquement, son évidence était invalidée, les choses avérées cessaient d'être vraies, les choses vues n'avaient jamais été vues et celles qui étaient survenues n'avaient jamais eu lieu .


Cette confrontation avec son passé vient changer la donne, le doute s'installe : ne s'est-il pas trop un peu trop facilement accommodé du pouvoir dénonciateur qu'il s'était arrogé ? Sa soi disant incorruptibilité  n'était-elle  pas en fait de l'arrogance, une simple façon de jouir abusivement d'un pouvoir abusivement capté ? Les concessions ne sont-elles pas aussi importantes que l'intransigeance ?

Dans ce récit d'une simplicité déconcertante, d'une remise en question de toute une vie sur 24 heures, on retrouve les questionnements que Vasquez avait déjà dans Les dénonciateurs : comment le temps et la mémoire jouent pour démasquer nos défaillances, laisser s'infiltrer la culpabilité  et le questionnement.

C'est  un livre passionnant, las face aux  certitudes, qui interroge l'humain, plein de dureté et de douceur mêlées. Juan Gabriel Vasquez  a une belle écriture, qui porte un personnage magnifique, un homme qui s'est cru gagnant contre tous. Au moment où tous s'inclinent enfin devant lui, il s'interroge.

(commentaire récupéré)



mots-clés : #psychologique
par topocl
le Ven 23 Déc - 16:10
 
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Sujet: Juan Gabriel Vásquez
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Juan Gabriel Vásquez

Les dénonciateurs

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C'est un livre très intéressant et qui pose beaucoup de questions. Le narrateur est un jeune journaliste qui publie un livre sur le passé d'une grande amie de son père, juive allemande qui a émigré en Colombie avant la guerre. Son père, une autorité morale à Bogotá, publie sur le livre un article critique farouchement hostile, puis père et fils ne se parlent plus pendant trois ans. Un beau jour, le père, qui réchappe in extremis d'une opération cardiaque, reprend contact avec son fils.Il veut démarrer une nouvelle vie, connaît une jeune femme kinésithérapeute.

« On m'a accordé une chance, et cette fois je veux être comme si je n'avais jamais publié cette critique, comme si je n'avais pas commis cette lâcheté que je nous ai infligée ».


Mais il finit par mourir tragiquement dans un accident de voiture. C'est à la suite de cela que peu à peu le fils apprend par petits morceaux grâce à divers témoignages la vérité sur son père. Si celui-ci a été si hostile à son livre, c'est qu'il craignait que ne soient dévoilées des faits remontant à l'époque de la guerre, où il avait dénoncé des amis allemands et ainsi motivé la déportation puis le suicide de l'un d’eux.

« La vie que j'ai reçue en héritage - cette vie dans laquelle je ne suis plus le fils d'un orateur admirable, un professeur décoré, de l'homme qui souffre en silence avant de révéler publiquement sa souffrance, de la créature la plus méprisable de toutes : un être capable de trahir un ami et de vendre sa famille - a commencé un lundi, deux semaines après le Nouvel An (…) »


Vasquez raconte encore les réactions qui ont lieu chez lui et dans son entourage à la suite de la publication de cette histoire : il s'interroge sur le droit qu'il avait de révéler ce secret et sur les conséquences que cela implique.

« Dans mon livre, je m'étais dénudé, je m'étais exposé délibérément, j'avais refusé que les erreurs de mon père soient oubliées : dans une large mesure, j'avais assumé la responsabilité de ses erreurs. Car on hérite des fautes ; on hérite de la culpabilité ; on paye pour ce qu'ont fait nos ancêtres, tout le monde le sait. »

Ce livre réfléchit sur la culpabilité, sur le secret, sur la rédemption, sur le pardon. Toutes ces pistes sont très approfondies, d'une façon extrêmement complexe, extrêmement fine, chaque personnage adoptant son propre parcours pour affronter les aléas de la vie.

« C'est ce processus que je trouvais intéressant de mettre par écrit : les raisons pour lesquelles un homme qui s'est trompé dans sa jeunesse tente dans sa vieillesse de rattraper son erreur, et les conséquences que cette tentative peut avoir sur lui-même et sur ceux qui l'entourent : et surtout, par-dessus tout, les conséquences qu'elle a eues sur moi, son fils, la seule personne au monde susceptible d'hériter de ses fautes, mais aussi de sa rédemption. Et au fil de ce processus où je passais à l'écriture, je pensais que mon père cesserait d'être la fausse image qu'il avait lui-même affichée, qu'il réclamerait la place devant moi qu’occupent tous nos morts, en me laissant en héritage l'obligation de le découvrir, de l'interpréter, de chercher qui il avait été en réalité. Et à force d'y penser, le reste est venu avec la clarté d’un éclair. »


Bien que d'un style très agréable, ce livre n'est pas d'une lecture facile, il donne beaucoup à penser, il n'apporte pas de solution toute prête. Il nous apprend une part de l'histoire de la Colombie, et nous livre une grande leçon d'ouverture et de tolérance .



« Je ne suis pas sceptique de nature, mais je ne suis pas d'avantage ingénu, je sais très bien de quel tour de passe-passe la mémoire est capable quand ça l'arrange, et en même temps je sais que le passé n'est ni immobile ni figé, en dépit de l'illusion des documents : tant de photographies, de lettres et de films qui permettent d'envisager l'immuabilité de ce qui a été vu, écouté, plus. Non : rien de tout cela n'est définitif. Il suffit d’un fait insignifiant, d'un événement qui dans le grand paysage des événements nous semblerait inconsistant, pour que la lettre qui racontait des banalités détermine soudain nos vies, pour que l'homme innocent sur la photographie s'avère avoir toujours été notre pire ennemi.»


(commentaire récupéré)



mots-clés : #psychologique #famille
par topocl
le Ven 23 Déc - 16:07
 
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Sujet: Juan Gabriel Vásquez
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Tarun TEJPAL

Tag psychologique sur Des Choses à lire - Page 10 Captur86

LOIN DE CHANDIGARH

Dans ce roman, il est question d'un couple. Des élans de la passion, des pièges du désir et de la sexualité. De leurs limites aussI.
Parcequ'on imagine toujours plus que ce qu'on sait, que ce qu'on voit, que ce qu'on tient. Parcequ'on désire toujours ce qu'on n'a pas... Et quand on l'obtient, par hasard, on désire autre chose. L'homme n'est pas raisonnable...
Il est question aussi de la difficulté à etre aimé pour ce qu'on est et non pour l'image qu'on se fait de nous. L'homme de ce couple essaie d'échapper à ce piège en se laissant envouter vontairement par un fantome, un fantasme. Et se fait ainsi piéger d'une autre façon.
Et Tejpal nous parle de la création littéraire, de sa magie, de ses pièges, de la torture qu'elle engendre. De la destruction qui est toujours au coeur de la création, de toute création. On finit toujours par le savoir...

Dans ce livre dont l'auteur est indien, l'Inde est toujours présente. Et son histoire, sa culture, sa civilisation, ses religions. Ce qu'elle est train de devenir sous le poids d'une population exponentielle, d'une misère endémique, sous la pression et l'attraction de l'Occident et notamment des Etats Unis.

Voila pourquoi ce livre m'a semblé grand... Je n'oublie jamais que c'est l'impression du moment et qu'elle est subjective...

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mots-clés : #psychologique
par bix_229
le Jeu 22 Déc - 22:26
 
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Sujet: Tarun TEJPAL
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Elise Turcotte

Le bruit des choses vivantes

Tag psychologique sur Des Choses à lire - Page 10 Image191

   Je voulais que cela dure mille ans, or rien ne dure mille ans à part la mer, les rochers et les paysages. Personne n'est encore arrivé à être un paysage

.

Albanie et Maria, sa fille de trois ans,  se protègent l'une l'autre dans un couple intime et tendre face à un père parti, une petite sœur pas née, un monde où d'autres enfants n'ont pas droit à l'amour, et que dévastent les guerres et les catastrophes naturelles . Elles s'accompagnent mutuellement , entre douceur et connivence. Accrochées à leur foi dans les choses vivantes autant qu'aux mots et aux rêves, elle cheminent peu à peu vers un « tremblement de bonheur ».

   
elle ouvre un cœur en chocolat, dedans il y a de la paille rose et jaune, elle l'écarte avec ses mains et découvre tous les bébés cœurs en chocolat. Elle me regarde et alors, là, nous sommes vraiment une force fantastique. Personne ne peut nous voir, les pieds sur la table, en train de chanter à pleine tête une chanson des Rolling Stones, mais nous voilà, présentes, et cela fait de nous une force fantastique.


D'une prose à la fois concise et poétique, à tous petits pas, Elise Turcotte nous dresse le portrait de ce couple fusionnel, balayant les contingences ordinaires par une attention à l'autre  et aux autres, une détermination à fuir le pathos et croire à une étoile de confiance. C'est une histoire d’une banalité absolue (une femme quittée se reconstruit pour un nouveau couple) qui, par petites touches prend un chemin de tendresse, et s'ouvre au lendemain. L'amour maternel, cette relation qui reçoit tant sans rien demander en retour,  y est décrit dans toute sa simplicité, son évidence, sa douceur fortifiante.

   Elle n'a que trois ans et demi. Il faut faire cette fête et tout arrêter maintenant, parce qu'après, il sera trop tard. Il n'y aura plus de vraies vacances. Après, il faudra qu'elle entre dans le temps qui n'est pas avec nous, il faudra qu'elle soit tirée en avant par la manche, qu'elle prenne les choses par les cornes etqu'elle plonge. Mais ce qu'il faut vraiment, et c'est pour ça, la fatigue, le noyau, les trois jours de congé, c'est aimer. Il faut aimer. C'est tout, c'est toujours trop et c'est toujours tout.


Touchant, confondant d'émotion  tout en gardant une distance faite de sérieux et de patience, ce livre montre comment le rêve mène à retrouver le concret, comment un cocon protecteur n'est pas une prison mais un tremplin, à condition qu'on y mette ce qu'il faut d'amour et de fantaisie.

(commentaire récupéré)




mots-clés : #psychologique #famille
par topocl
le Jeu 22 Déc - 16:32
 
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Sujet: Elise Turcotte
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