François Bégaudeau

Pour revenir au livre, qu’est-ce que ça donne 48 heures après ?

Et bien une grande ambivalence, que je n’ai sans doute pas bien traduite, à lire tous vos commentaires unanimement hostiles à Bégaudeau, qui doit bien avoir quelque chose à sauver en lui, comme tout un chacun. Si on attend que chaque personne qui exprime une opinion soit irréprochable, il n’y aura plus d’opinion.

D’abord il est clair que l’agacement est certes déclenché par la forme, l’agression, mais aussi parce que ça gratte où ça fait mal. Si je ne me reconnais pas dans ce bourgeois générique, plutôt hipster parisien décrit par Bégaudeau, j’y reconnais mes faiblesses, mes négligences, mes paresses, ma bonne conscience et mes petites compromissions qui sont très bien mises en avant. Je suis moins pire, sans doute, mais alors ? On a vu plus haut qu’entre deux pires il est difficile de choisir.

Et puis cela fait bien longtemps que je me dis que la situation est si dramatique qu’il ne faudra pas nous étonner d’une réponse violente, qu’elle est même peut-être souhaitable, je ne sais pas trop. Qu’il est même incroyable que la violence ne s’exprime pas plus fort et plus souvent, à hauteur de la détresse. Et là, pour une simple diatribe, des mots sur du papier, pour une erreur de choix (à mon idée) de deux mots (bêtise et bourgeois) je me raidis, et je récuse un homme qui exprime toute la détresse que nous avons tous. Parce que ça façon est différente, qu’elle m’est épidermiquement d’abord antipathique. Mais que filialement il ne fait que ça , dire que la méthode douce, la conciliation, ça n’a pas marché, manifestement, que le monde en fait ne l’utilise pas dans son fonctionnement donc pourquoi en face l’imposer dans nos débats. Qu’il faut peut-être passer à autre chose. Qu'il faudrait se bouger. Un lanceur d’alerte maladroit, en quelque sorte.

J'ai rien dit contre Bégaudeau personnellement, son livre est dans ma PAL.

les réactions sont sur ton ressenti, ton commentaire, je n'ai jamais lu cet auteur.

" à lire tous vos commentaires unanimement hostiles à Bégaudeau" je n'ai posé que des questions et je ne pense pas que les réponses soient dans le livre.

si dans un moment de liberté de temps je décide de m'intéresser à cet auteur, lequel tu conseillerais à une "non-bourgeoise" ?

Que penses-tu de ces  deux critiques, assez différentes, Topocl ?

https://www.nouveau-magazine-litteraire.com/critique-non-fiction/bêtise-de-la-facilité

https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/histoire-de-ta-betise-de-begaudeau-213273

tu peux me donner la date de l'article d'agoravox, bix s'il te plait, que je le retrouve plus facilement.

topocl a écrit:tu peux me donner la date de l'article d'agoravox, bix s'il te plait, que je le retrouve plus facilement.

8 mars 2019

Un extrait :

Du second livre, Histoire de ta bêtise de Bégaudeau, la petite bourgeoisie intellectuelle apprendra sur quels contes son soi-disant progressisme s'appuie et pourquoi elle ne se différencie qu'en surface de la bourgeoisie réactionnaire, avec ce facteur aggravant de ne pas assumer son amour foncier de l'ordre et de l'inégalité. Apprendra ou n'apprendra pas, car les premiers signes donnés par cette petite bourgeoise "Je suis Charlie" fière d'être soi et incapable de se remettre en cause, confirment le diagnostic de Bégaudeau. La revue Transfuge, nec plus ultra de la coolitude progressiste au côté des Inrockuptibles, vient de virer François Bégaudeau et de livrer un article à charge de Serge Kaganski (fondateur des Inrocks dont il fut le chroniqueur cinéma) qui démontre, un, que Kaganski n'a évidemment pas lu le livre de Bégaudeau (du moins faut-il l'espérer pour lui, qui sinon doit être urgemment diagnostiqué comme analphabète), deux, que tout ce que dit Bégaudeau à propos des Inrocks et de Kaganski et ses semblables parisianistes est terriblement vrai : cette classe est bête, vulgaire, auto-satisfaite, incapable d'aucun recul sincère sur soi, potentiellement autoritaire lorsque le besoin s'en fait ressortir, une des faces du fascisme, la plus sournoise et la plus dangereuse car ayant accompli le cauchemar d'Orwell de la novlangue (la langue qui ne sert qu'à tromper et ne plus rien dire du réel).

J'ai corrigé le lien de bix, ainsi ça fonctionne.

Armor a écrit:J'ai corrigé le lien de bix, ainsi ça fonctionne.

Merci Armor !

Bon, j'ai lu les deux articles.
Celui du Magazine littéraire dit à peu près la même chose que moi, mais sans se donner le recul de se dire qu'il y a peut-être un message à entendre, un type qui a à dire derrière le mauvais garçon, et que ça vaut la peine de se pencher dessus.
Celui d 'agoravox partage pleinement l'analyse et le mépris du  bourgeois de Bégaudeau, sans se dire qu'il y a peut-être quelque chose à sauver de certains bourgeois, et que ce n’est pas en crachant dessus qu'on entamera le dialogue (mais comme on l'a dit , ils ne souhaitent pas le dialogue).

donc, me voila en train de

Tristram a écrit:Nuancer, graduer, relativiser, varier, moduler, tempérer, diversifier, pondérer, atténuer, modérer

dans agoravox il est mentionné " la petite bourgeoisie intellectuelle" y a t-il plusieurs genres ? parce que là c'est méprisant

je voyais la bourgeoisie comme l'héroïne du livre "la douce colombe est morte" de Barbara Pym

En fait, Bégaudeau parle de gens que je ne vois pas du tout comme des "petits bourgeois". Déformation de vue selon le milieu dans lequel on fonctionne.

tu les qualifierais comment, toi ces gens là ? ceux que tu fréquentes ? que tu préfères ne pas fréquenter ?

non je ne fréquente pas ceux dont Bégaudeau parle, ce n’est pas mon milieu.

Et les bourgeois, c'est bien connu, c'est comme les cochons, plus ça devient vieux, plus ça devient bête, etc.

Je sais pas, moi, quoi dire.
Euh, faut peut être, plutôt que s'arc-bouter sur la nuance, imaginer le contenu du livre qu'un bourgeois écrirait sur le même ton roque, trouver les pendants de la critique ? Manière de voir le soleil de la nuit, et la nuit du soleil ?

Ton retour est très abouti, tu contextualises très bien la reception et l'entendement que tu as eue du livre, pour t'en extraire, je salue l'effort, mine de rien c'est un effort énorme que de mettre le mords à un sentiment de révolte , de hierarchiser, comme Armor le dit, dans un autre contexte.

Je pense qu'un adversaire de ton égal serait aussi prolixe en poncifs, le genre le veut. Pamphlet en effet, plutôt qu'essai. Si j'ai bien compris ce qu'est un pamphlet.

Ces sujets m'ont souvent mis mal à l'aise, parce que mon père est issu d'un milieu qui se pensait bourgeois, et ma mère d'un milieu très modeste et rural.  
Avec mes potes bourgeois je me sentais impostrice, avec mes potes prolos, impostrice itou.
Intérieurement je veux dire. Que Bourdieu ou Ernaux m'aient tant parlé n'est guère étonnant.

Depuis quatre décennies je continue, aussi , à avoir une famille, des amis, et une vie socio professionnelle très hétérogènes.Eduqués, absolument pas éduqués, frustres, délicats, conventionnels, farfelus, middle classe, malades, en bonne santé, équilibrés, très désequilibrés, bosseurs, désoeuvrés, gauchos, conservateurs, populistes, intellos, que sais je.

Ce que dit Tristam fait tilt, sur Flaubert et les notions de classe : il se trouve qu'avec tout ce ferment familial je me disais, sur la question des classes, assez ravie, il ya 20 ans, que quelque part les classes s'étaient nivelées, à cause par contre de la consommation. On pouvait trouver, tres cher ou tres bon marché les mêmes choses-fonctions, cher et moche ou bon marché et beau, dans la rue les gens se ressemblaient presque, années 90. En ville.

Depuis 8 ans je suis catastrophée, les vitrines forcent le trait, maintenant des basquets sont à 250 euros dans ma rue, à côté d'une autre enseigne où elles sont à 20 euros. je dois dire qu'elles sont tout aussi laides les unes que les autres, mais ce que je vois c'est que les moyens financiers s'exhibent davantage.
Il y a 8 ans, dans ce même magasin "bourgeois" par exemple, les corsages etaient à 60 euros." tout de même du coton, je me disais "on paye la marque, là". Aujourd'hui ils sont à 160. J'ai même vu des socquettes à 75 euros (pas en Kashemire, sinon j'aurais mieux compris. )La tv dont parle Arturo, sur un autre fil, a un drôle de rôle, aussi : il y a des emissions "les vacances où vont les riches" etc.
Les gens modestes realisent des vies et des chiffres , des pratiques qui accusent leur niveau de vie. Avant les stars se contentaient de tenir ce rôle de nantis mais l'art les rendaient légitimes je crois ? là, pas par la vie vécue,  mais par les vitrines, ou la tv, on apprend, modeste,  que des mondes coexistent pas que dans l"'idée de classes à l'ancienne.
Et en effet ,en plus,si finalement, dans la vraie vie , tout de même se dessinent des quartiers. les gens resserent leurs circuits. Dans les années 90, à Nantes où j'ai grandis, l'hyper centre ne marquait pas cela. Il y avait bien sûr des lieux d'initiés , pour les modestes ou les non modestes, des lieux electifs, mais ils n'avaient dans les deux cas pas pignon sur rue.


A ce propos c'etait intéressant, cette histoire de carte des pouvoirs parisiens, versus itineraires des manifestations traditionnelles, vous avez vu, ça ?
https://www.monde-diplomatique.fr/carnet/2018-12-05-gilets-jaunes-Paris-lieux-pouvoir

Bon, bref, encore un long commentaire, qui enfile les perles sans faire aucun collier. Sur un fil qui pârle de livres en plus.
Je vais manger, des saluts de bon sommeil !
Je n'ai aucune réponse, je livre des remarques. Puissent -elles aider à faire des ponts dans les vôtres.

je ne sais pas s'il suffit simplement d'avoir du fric pour être catalogué "bourgeois" ? je pensais qu'il y avait à la base des valeurs, une mentalité spécifique, lesquelles, je ne sais pas mais cela me semblerait plus cohérent que le seul critère "argent".

Nadine : à bas corsage et socquettes !

Je pense aussi que c'est un milieu social qui est visé ; sinon, gagner au loto serait suffisant ?!
Le nouveau riche est souvent un "parvenu", peu apprécié ni des toujours pauvres, ni des riches établis auxquels il voudrait être assimilé, dans une sorte de noblesse adoubée par la durée.

Nadine, c’est surtout que plein de "bourgeois" et plein de "gauchistes" sauraient parler beaucoup plu poliment au "camp adverse." Et que ce choix nuit aux idées présentées, qu'on y adhère ou pas.

Pour le non-dialogue buté vers lequel on tend, voir le blocage outre-atlantique, deux positions manichéennes qui ne peuvent plus communiquer...

mais les Chosiens ne sont pas comme ça !