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Message par bix_229 Sam 3 Oct - 16:22

J'ai lu jeune une partie de l'oeuvre de Cendrars.
Mais j'ai fait connaissance avec lui bien plus tot, à 10-12 ans.
C'était avec Les Petits contes nègres pour les enfants blancs.
Et j'en ai gardé l'enchantement.
Cendrars s'interessait aux contes et aux mythes africains.

Les petits contes sont vraiment des fables poétiques qui perlent
l'imagination enfantine.
Il y a peu, on a voulu faire un mauvais procès à l'auteur parce qu'il
employait le mot "nègres" dans le titre.
Mauvais procès. A l'époque -les années 30, le mot n'avait pas de
connotations racistes, il était neutre, comme noir à présent.
En tout cas, vous pouvez le lire ou le faire lire sans crainte,
meme si les enfants d'aujourd'hui sont un peu trop submergés
d'images sans textes ou trop peu.
.
Un homme raisonnable ne peut parler de choses sérieuses à un autre homme raisonnable : il doit s'adresser aux enfants.
 
Blaise Cendrars - Page 2 Contes10
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Message par bix_229 Sam 3 Oct - 16:57



Cendrars par lui-meme
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Message par Aventin Dim 4 Oct - 18:19

Merci, Bix pour le partage.

bix_229 a écrit: Cendrars par lui-même
C'est un one manchot !
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Message par Aventin Sam 21 Nov - 7:31

bix_229 a écrit:Cendrars est un auteur très étonnant, en ceci qu'il a inventé une partie de ce qu'il raconte, alors
meme qu'il certifie que tout est vrai.
Alors, si on l'apperécie, il faut admirer la force de son imagination, et, au delà de la vérité,
l'authenticité qui emporte l'adhésion.
Le lecteur a seulement besoin d'etre convaicu et enchanté. Comme il l'était, enfant lorsqu'on
lui lisait des contes.
Lire l'article sur l'invention du mythe.

https://www.letemps.ch/culture/blaise-cendrars-fabrique-dun-ecrivain-mythique

Ce n'est pas le seul à pratiquer de la sorte - les récits anciens d'explorateurs, de grands voyageurs sont truffés d'invraisemblances, on dirait aujourd'hui de bidonnages racoleurs.
Plus près de nous, un Chateaubriand (par exemple) adapte, invente et magnifie sans vergogne dans ce qui est supposé être des Mémoires.

Que Cendrars puisse agacer certains au point atteint du refus d'ouvrir ses ouvrages écrits au "je", c'est un peu extrême, nonobstant ça ce conçoit sans peine.
Hâbleur, vantard sans nul doute, mythomane je ne crois pas, il choisit de ne pas être écartelé entre le fait de raconter une bonne histoire et la fidélité à la vérité sans fard: c'est une position, après tout.

Tartarinades & galéjades mûries, d'ailleurs; il y a toujours, je crois bien, a minima dix années qui séparent un fait auto-[fiction][biographique] de la vie de notre histrion de la date à laquelle il décide de le coucher sur papier.

Être un affabulateur (de fabula, récit) c'est produire des histoires inventées, n'est-ce pas un cœur de métier pour un écrivain ?
Pour ma part, j'ai simplement décidé de ne jamais le croire sur parole (ou plutôt sur écrit), du coup tout va bien, il devient lisible.

Tout va bien, alors ?
Mais non, vous n'y êtes pas, ce n'est pas si simple: on aimerait le croire, ou accorder une quelconque valeur de l'ordre du témoignage, lorsqu'il parle de certains de ses copains ou rencontres, allez en vrac: La Goulue, Marc Chagall, Maurice Utrillo, Pablo Picasso, Amadeo Modigliani, Fernand Léger, etc..
Et, du reste...il faut sans doute le faire...mais quand, comment discerner ?
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Message par Tristram Sam 21 Nov - 12:12

Il me semble que la leçon de ces souvenirs hypothétiques chez l'écrivain est valable pour tous. Il suffit de questionner un souvenir personnel, qui a été évoqué dans le cercle familial, du genre "petit, j'ai refusé de manger  avec les autres enfants lors d'un banquet", pour inéluctablement aboutir au constat que derrière l'assertion polie  par l'usage, nous ne sommes absolument certains que se trouvât un fait véridique.

_________________
« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
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Message par Bédoulène Sam 21 Nov - 21:14

j'apprécie de le lire et j'aime sa "gueule"

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“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia



[/i]
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Message par Aventin Mer 25 Nov - 20:48

L'homme foudroyé

Blaise Cendrars - Page 2 Cendra10
Autofiction pour les uns, œuvre autobiographique pour les autres, paru en 1945.

Toujours aussi m'as-tu-vu, toujours tendre à souhait, Cendrars nous bringuebale de la guerre de 14 à la calanque d'Ensuès-la-Redonne telle qu'elle était dans les années 1920, avant de nous entraîner dans une suite de quatre, les Rhapsodies gitanes (intitulées Le Fouet, Les Ours, La Grand'route et Les Couteaux) - peut-être cette appellation de rhapsodies constitue-t-elle un hommage à Franz Liszt (?).  
En tous cas il y a ce côté fantaisie, et rappel au folklore, comme vecteur de connaissances et aussi de mode vie en transmission.  

Livre difficile à cerner, qui échappe un peu au lecteur, patchwork, tout en fragmentations et écrit à l'épate.
Au meilleur de la truculence de l'auteur, cet inégal opus se déguste sans peine.
Tout en contraste, même quand le badin est de mise, la violence n'est jamais très loin.
Dans ce bric-à-brac, on peine à ordonner un puzzle.

Amateurs de grands échafaudages, de récits montés comme l'on monte en technique de pâtisserie s'abstenir.  
On retient, pour longtemps je pense, quelques beaux caractères brossés.
Bien sûr quelques personnalités - j'aurais parié que le poète employé aux messageries maritimes à Marseille qu'évoque Cendrars à plusieurs reprises était Louis Brauquier:
Perdu, Cendrars livre son nom plus avant dans le récit, c'était André Gaillard !

On y croise Fernand Léger, pas forcément peint à son avantage; Cendrars défouraille aussi sur une certaine intelligentsia littéraire et artistique, sans prendre de gants, et, comme toujours, ne rate pas une occasion de ramener son érudition (à l'aise, Blaise, toujours le même cabotin !).
Idem les désuètes séquences automobiles sont parfois succulentes (en Amérique du Sud), mais parfois tombent un peu à plat (en France).  

Au final ce drôle d'objet vous laisse quand même -un peu- la sensation d'avoir parcouru un bouquin qui se démarque, un truc pas très ordinaire.
D'où me vient ce léger manque d'enthousiasme ?
Comme si L'homme foudroyé était un peu en-deçà par rapport à Bourlinguer ?
Pourtant, non.
Même pas.


Blaise Cendrars - Page 2 Sunbea10
Sunbeam, la voiture de Cendrars à La Redonne.



Mots-clés : #autobiographie #autofiction #temoignage #violence #voyage #xxesiecle
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Message par Bédoulène Mer 25 Nov - 20:56

merci Aventin, c'est noté ! à cause du manque d'enthousiasme Wink

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Message par Tristram Mer 25 Nov - 21:21

J'ai relu L'homme foudroyé il y a quelques années, c'est effectivement assez inégal, mais il y a de jolies perles...
« C’est tout juste si les cendres que je remue contiennent des cristallisations donnant l’image (réduite ou synthétique ?) des êtres vivants et impurs qu’elles ont constitué avant l’intervention de la flamme. Si la vie a un sens cette image (de l’au-delà ?) a peut-être une signification. C’est ce que je voudrais savoir. Et c’est pourquoi j’écris… »
Blaise Cendrars, « L’homme foudroyé », « Première rhapsodie »
Je me souviens de la calanque : je m'y voyais bien...

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Message par Tristram Mer 17 Mar - 16:27

Emmène-moi au bout du monde !...

Blaise Cendrars - Page 2 Emmzon10


Le roman débute comme Thérèse Églantine s’envoie en l’air avec un légionnaire tankiste et fort tatoué (« Jean de France, dit Jean-Jean, alias Vérole ») dans un hôtel de passe des Halles (en citant Baudelaire). Nous sommes juste après « la guerre no 2 », et Mme Thérèse est une comédienne qui « allait créer le rôle de sa vie, à soixante-dix-neuf ans un rôle de vamp pour gens du monde, une espèce de pin-up de la pègre, la reine de la rue dans Madame l’Arsouille » ; fort bavarde et genre « folle de Chaillot », son nouveau béguin la bat, et elle aime ça. Cette notion de masochisme inhérent à la nature humaine parcourt le livre, constante idiosyncratique de Cendrars (voir Moravagine).
Le second chapitre commence par une description lyrique du baroque et provocant costume de scène de Thérèse. Et tout le livre n’est qu’une évocation assez délirante du monde du théâtre.
« Le théâtre est un monde, un monde "énorme et délicat" dont les frontières ne sont pas fixées entre le réel et l’illusion, si bien que l’on ne sait jamais qui l’emporte du mensonge ou de la vérité. »
Cendrars semble faire référence ici à Verlaine, Sagesse, I, X :
« C’est vers le Moyen Âge énorme et délicat
Qu’il faudrait que mon cœur en panne naviguât,
Loin de nos jours d’esprit charnel et de chair triste. »
Il y a d’autres renvois, comme à Henry Miller et Villon qui sont cités, ou Racine qu’on reconnaît ici :
« Les hommes m’ont toujours aimée. Je ne suis pas Vénus à sa proie attachée. C’était une question de peau. Ils n’arrivaient pas à se rassasier. Tous ceux qui ont dormi sur mon épaule sont morts. Ils sont morts trop tôt. Ils en avaient encore envie, tu comprends ? À toi, je puis bien le dire. Ils sont morts d’inassouvissement. »
Théâtre donc à tous niveaux, telles ces grandes tirades comme déclamées, ici usant du procédé de la liste à propos du peintre-décorateur :
« Coco, une espèce de grand seigneur de la bohème dorée, ne s’en faisait pas, jamais, et n’était à l’aise que dans les intrigues, les coulisses, les embrouillaminis d’argent, les folles dépenses, la passion, les coups de foudre, les rivalités, la publicité, la presse, les emballements, le déboulonnage, la cruauté, l’injustice, les applaudissements, la portée aux nues ou la chute, les sifflets, la claque, le public, les commanditaires ou les entrepreneurs, les spectacles variés, la vie, le rêve, les succès, le triomphe du théâtre, cet univers à part dont il était le dieu incontesté, deus ex machina dans le Paris du demi-siècle xx. Tout l’amusait. »
Le ton est foutraque, extravagant.
« Sautant en parachute, Émile s’était empalé sur un échalas qui l’avait perforé de part en part, lui déchirant les intestins. Comme il ne pouvait pas être question de lui écheniller le gros boyau tout plein d’échardes, on le lui avait coupé et à la place on avait mis un sac avec un tuyau en caoutchouc qui débouchait dans le bas-ventre, jouxtant le pli de l’aine. Pour vous faire voir sa blessure, Émile dévissait une plaque d’argent grosse comme la main qui maintenait ses tripes tout en les protégeant, et par l’ouverture ainsi découverte l’on pouvait admirer avec appréhension des matières grasses, jaunâtres, compressées derrière la vessie comme du hachis dans une paupiette. Émile profitait de la démonstration pour vider le tube en caoutchouc d’où s’écoulait une purulence fétide, une odeur nauséabonde, mitigée d’une pointe de baume du Pérou. Le séducteur souriait, sûr de l’effet produit, prêt à cueillir le fruit de ses extravagances, sachant par expérience que sa plaie ouverte émouvait les femmes profondément comme tout ce qui leur rappelle les entrailles chaudes et les remuements de la maternité et que la turpitude de l’exhibition troublait les filles d’une façon quasi mystique comme si elles apercevaient par une fenestrella pratiquée dans un sarcophage les organes vénérés d’un jeune martyr chrétien dont la relique embaumée et les restes exposés, enguirlandés, arrangés, peints, vernis, émaillés sont trop adorables, trop chargés de poésie et d’offrandes et, dans la lumière des bougies et des cierges au fond d’une crypte, trop vrais, trop proches, trop réalistes pour pouvoir résister à la tentation d’y porter la main, les lèvres, ou, par désespoir, d’en dérober une parcelle que l’on cache dans son cœur, que l’on dissimule en rougissant, en mourant de honte, tellement cela vous brûle d’amour. »
Le tenancier du Radar a été assassiné, et Thérèse et la Papayanis seront soupçonnées ; cette vague intrigue policière donne un peu d’argument au spectacle, outre une piquante peinture du quartier du théâtre de la Scala (assez louche et canaille, comme Cendrars apprécie) :
« Thérèse était une buveuse d’absinthe. C’était l’heure. Elle poussa une petite porte vitrée, attenante à la sortie des artistes, rue Bouchardon, la rue la plus moche du quartier, hôtels borgnes et rendez-vous de pédés, genre clubs pour sidis et chômeurs intellectuels. […]
Le faubourg Saint-Martin est le quartier le plus galant de Paris, il est habité par des petites gens polis, maniaques, fêtards, jouisseurs, gourmands, se moquant de tout, raffinés jusqu’aux bouts des ongles quoique peu rupins, ayant leurs habitudes du lundi et chômant bien volontiers. De toute façon, l’étroite buvette ne désemplissait pas à l’heure de l’apéritif car Émile, dit le Capitaine, y débitait le meilleur pastis du quartier et faisait volontiers crédit. »
Une autre péripétie adventice est celle des aventures rocambolesques d’une amie de Thérèse, la Présidente, femme-tronc favorite d’un pacha marocain défenestrée et enlevée par un légionnaire, phénomène exhibé dans les foires et les marchés, typique du goût de Cendrars pour les monstres et les milieux interlopes.
L’auteur apparaît d'ailleurs en clin d’œil :
« Quand donc ouvrira-t-on à Paris ce fameux théâtre érotique dont Blaise Cendrars m’a souvent entretenue ? Mais les gens sont moches et mesquins et au lieu de vivre dans la joie et de s’adonner franchement à leurs penchants amoureux, ils ont honte et se tourmentent secrètement. »
Des personnalités sont citées :
« La femme c’est un rond, me disait le vieux Renoir avant de mourir, et il se plaignait d’avoir eu à peiner toute sa vie avant de réussir à caser une femme nue dans un cadre. Aucune toile n’était assez grande. Il y avait toujours un sein qui débordait, un sein, l’autre sein, le ventre, une fesse, une hanche, le gras des bras ou des cuisses, le derrière, le dos ou une épaule dont il ne savait que faire parce qu’il n’y avait plus de place dans son tableau pour faire figurer toute cette chair qu’il adorait et sur laquelle il s’attardait en la mignonnant. Sapristi, et maintenant qu’il avait trouvé sa formule du rond et qu’il aurait pu peindre des géantes, des Vénus hottentotes, des mères aux multiples mamelles comme la Vénus de Lespugne et se faire la main en inscrivant des académies de baigneuses épanouies dans un cercle sans plus rien avoir à sacrifier de son idolâtrie de la chair, il devait mourir ! »
D’autres personnages ne sont pas directement identifiés :
« Sortant avec la Présidente du casino de Monte-Carlo, je dis à Jean Lorrain, qui était un petit costaud, corseté, dur, arrogant et que je trouve dégonflé sur un banc, avec une migraine, n’ayant même plus envie de boire une chartreuse verte : "Vous avez pris la veste, beau mâle ? – Je ne savais pas que les portes des cimetières sont ouvertes la nuit. C’est déconcertant…", me répondit-il en me désignant la foule des décavés, des décalvés, des jeunes crevés et des ex-grandes dames décaties sortant des salons. »
Le procédé est varié :
« Quant à Marcel Proust, jamais je n’ai pu croire qu’il s’était laissé mourir de faim, son œuvre accomplie, ainsi qu’a voulu me le démontrer Blaise Cendrars au lendemain de sa mort, me disant : "Le temps retrouvé paru en librairie, Marcel n’avait qu’à disparaître, il n’avait plus rien à dire. Ne pouvant se suicider, pour ne pas attirer l’attention sur sa personne le sodomiste s’est laissé mourir de faim, abusant de la maladie. C’est sa dernière élégance de snob et la conclusion logique de sa vie et de son œuvre d’athée…" »
Sans surprise, cet ouvrage (dernière œuvre de Cendrars) fit scandale lors de sa parution en 1956.
Avec sa grande inventivité, Cendrars est cependant un des rares chantres de la modernité, dans le fond comme la forme.
« Notre époque d’aujourd’hui, avec ses besoins de précision, de vitesse, d’énergie, de fragmentation de temps, de diffusion dans l’espace, bouleverse non seulement l’aspect du paysage contemporain, le site de l’homme et son habitat, mais encore, en exigeant de l’individu de la volonté, de la virtuosité, de la technique, elle bouleverse aussi sa sensibilité, son émotion, sa façon d’être, de penser, d’agir, tout son langage, bref, la vie. Cette transformation profonde de l’homme d’aujourd’hui, de son travail, de ses loisirs, ne peut pas s’accomplir sans un ébranlement général de la conscience et un détraquement intime du cœur et des sens : autant de causes, de réactions, de réflexes qui sont le drame, la joie, le désespoir, la passion, la tragédie de notre génération écorchée et comme à vif. »

\Mots-clés : #théâtre #xxesiecle

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Message par Bédoulène Mer 17 Mar - 20:31

merci Tristram, une lecture que je ferai un jour, j'ai apprécié mes lectures de l'auteur (et sa gueule)

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Message par Invité Jeu 18 Mar - 14:34

Merci Tristram de me ramentevoir cette excellente lecture. Very Happy

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