Des Choses à lire
Visiteur occasionnel, épisodique ou régulier pourquoi ne pas pousser la porte et nous rejoindre ou seulement nous laisser un mot ?

Après tout une communauté en ligne est faite de vraies personnes, avec peut-être un peu plus de liberté dans les manières. Et plus on est de fous...


Je te prie de trouver entre mes mots le meilleur de mon âme.

Georges Brassens, Lettre à Toussenot

Des Choses à lire
Visiteur occasionnel, épisodique ou régulier pourquoi ne pas pousser la porte et nous rejoindre ou seulement nous laisser un mot ?

Après tout une communauté en ligne est faite de vraies personnes, avec peut-être un peu plus de liberté dans les manières. Et plus on est de fous...


Je te prie de trouver entre mes mots le meilleur de mon âme.

Georges Brassens, Lettre à Toussenot

La date/heure actuelle est Ven 26 Avr - 21:41

12 résultats trouvés pour nouveauroman

Claude Simon

Le Palace

Tag nouveauroman sur Des Choses à lire Le_pal10

D’abord l’« Inventaire » détaillé d’une chambre de palace occupée par cinq combattants (« le maître d’école, l’Italien, le chauve, l’Américain » et « l'étudiant ») ; superbe description des pigeons alentour (qui seront récurrents dans tout le livre, et que le vol inaugural clora). Puis, quinze ans plus tard, l'étudiant est de nouveau sur les lieux, et se remémore cette attente.
Chapitre suivant, l'étudiant voyage en train avec « l’homme-fusil », l’Italien qui lui raconte, s’aidant d’un croquis précis de la scène (avec porte-tambour et paravent), l’assassinat politique qu’il a commis dans un restaurant.
Chapitre III, passent devant le palace réquisitionné les funérailles d’une personnalité, « Patrocle ».
Chapitre IV, insomnie de l’étudiant dans la chaleur ; il voudrait voir l’Américain, mais celui-ci est avec une femme ; endormi, il manque le passage de quelqu’un.
Chapitre V et dernier, l’Américain serait parti sur le front, sans le revoir.
Titres de journaux, morceaux d’affiches, et un leitmotiv (avec la puanteur) : « ¿ QUIEN HA MUERTO ? » Des phrases commencées à la fin d’un chapitre continuent dans le suivant, peut-être en calque de certains glissements d’une situation à l’autre ; les énumérations sont fréquentes, qui accentuent la peinture des faits et du lieu, souvent géométrique (caractéristique du Nouveau Roman dans son souci de la description factuelle, terre à terre).
D’après Wikipédia, « l’Américain » serait le George Orwell de Hommage à la Catalogne (c’est assez plausible à la lecture, on y pense vite ; ce livre serait donc une sorte de roman à clef, et alors un appareil critique l’explicitant serait sans doute bienvenu) ; Claude Simon étant à Barcelone en 1936, on peut sans doute le reconnaître dans le personnage de l’étudiant assez égaré dans la guerre d’Espagne, qui a piètre opinion de lui-même et semble se regarder réagir. Sourdent les convictions du narrateur (et/ou auteur) que paraît être cet étudiant : révolte contre la condition des pauvres, le clergé et les militaires, etc. Les hésitations de la voix narrative du récit, cherchant parfois les mots pour s’exprimer, étayent cette hypothèse d’un effort de reconstruction mémorielle.
Difficile de citer un extrait, tant la phrase gigogne est délicate à disséquer.
« …] prenant conscience du temps qui s’était écoulé depuis qu’il était là, c’est-à-dire de cette progression bizarre et saccadée, discontinue, du temps fait apparemment d’une succession de (comment les appeler ?) fragments solidifiés [… »

Savoureux complément, qui pourra rasséréner les augustes impubliés : https://www.radiofrance.fr/franceinter/un-canular-litteraire-qui-en-dit-long-1714240

\Mots-clés : #guerredespagne #nouveauroman
par Tristram
le Sam 2 Sep - 16:32
 
Rechercher dans: Écrivains européens francophones
Sujet: Claude Simon
Réponses: 35
Vues: 1924

Michel Butor

La Modification

Tag nouveauroman sur Des Choses à lire 513ndw10

Un vent de liberté, soufflant sur les pages de La Modification ? Hm. Pas si évident que ça. C’est tout le long un voyage en train, et pour être plus précis, la trajectoire d’un ego. Un ego que Butor propose au lecteur d’enfiler comme un vêtement, puisque l’auteur ne cessera pas de l’appeler « vous »… concernant l’ego, disons « le sujet », c’est cet éternel ballottage entre une femme et une autre, ces histoires de jalousies, de mensonges, de promesses faites un peu trop à la légère… prévenons-le tout de suite « vous » aurez beaucoup d’indulgence envers « vous » et c’est en cela que ce voyage, pour « vous » grand espoir de liberté, ne se révélera n’être qu’une vaste illusion. C’est vraiment ce qui m’a moins intéressé dans ce bouquin qui pourtant, malgré cela, m’a beaucoup plu. Oui, pour la « trajectoire ». C’est-à-dire, non pas le trajet entre Paris et Rome, mais la trajectoire de la pensée, rapide, tandis que celui qui produit cette pensée se débat laborieusement avec son corps et les objets, ou tandis qu’il se morfond.

Voyageant de souvenirs en souvenirs ou les incursions d’épisodes hors du temps de la narration : c’est là, j’admets, que le style de Butor manifeste ce qu’il a de plus faible, les conversations sont creuses, vains les apitoiements ; on passe… étrange que ce sommet du « Nouveau Roman » donne l’arrière-goût d’un Svevo naïf, celui de "Senilità" (perdonami ! Ettore !). Bon, sinon, mon admiration était inconditionnelle : des éclats de pure beauté dans ces projections, Butor ne se contente pas de guider son lecteur à Paris ou Italie, il nous perd un peu partout, il accumule énormément de choses entre ses virgules : lumières, éclaboussures, visages, ruelles, animaux et feuillages… le voilà ce vent de liberté, même s’il est seulement dans « votre » imagination…

Mots-clés : #nouveauroman #voyage
par Dreep
le Lun 17 Aoû - 18:23
 
Rechercher dans: Écrivains européens francophones
Sujet: Michel Butor
Réponses: 4
Vues: 247

Jean-Marie Gustave [J.M.G] Le Clézio

Le procès-verbal

Tag nouveauroman sur Des Choses à lire Le_pro10

Le personnage central est Adam Pollo, un jeune homme squattant une villa du Midi près de la mer, oisif et meublant son tædium vitæ de menues occupations ludiques, telles que suivre un chien, correspondre avec son amie Michèle (nonobstant de manifestes difficultés de communication sociale ‒ d’ailleurs la jeune femme est peut-être imaginaire) ; c’est un pur produit de son auteur, et revendiqué comme tel :
« Il n’y avait rien, dans la composition même de ces choses horribles, qui lui indiquât de façon certaine s’il sortait de l’asile ou de l’armée. »

« …] l’important, c’est de toujours parler de façon à être écrit ; comme ça, on sent qu’on n’est pas libre. On n’est pas libre de parler comme si on était soi. Et voilà, on se confond mieux. On n’est plus seul. On existe avec le facteur 2, ou 3, ou 4, et plus avec ce satané facteur 1. Tu comprends ? »

D’ailleurs la lettre liminaire de Le Clézio est édifiante ; elle commence ainsi :
« J’ai deux ambitions secrètes. L’une d’elles est d’écrire un jour un roman tel, que si le héros y mourait au dernier chapitre, ou à la rigueur était atteint de la maladie de Parkinson, je sois accablé sous un flot de lettres anonymes et ordurières.
De ce point de vue, je le sais, le "Procès-verbal" n’est pas tout à fait réussi. Il se peut qu’il pèche par excès de sérieux, par maniérisme et verbosité ; la langue dans laquelle il est écrit évolue du dialogue para-réaliste à l’ampoulage de type pédantiquement almanach. »

L’ensemble paraît daté, et pas uniquement à cause des tranches de vie des années soixante :
« Un type italien, assis sur un banc, sort un paquet de cigarettes italiennes de sa poche. Le paquet est aux trois quarts vide, si bien que le nom, "Esportazione" se dépare de sa richesse et flotte sur les flancs du papier comme un fanion flapi. Il sort une cigarette, et ce qu’on pouvait attendre arrive : il fume. Il regarde les seins d’une jeune fille qui marche. Les pull-overs collants, genre marinier, qu’on vend à Prisunic. Deux seins.
À force de blocs, d’immenses rectangles gris, de ciment sur ciment, et de tous ces lieux anguleux, on passe vite d’un point à un autre. On habite partout, on vit partout. Le soleil s’exerce sur le granule des murs. À force de cette série de villes anciennes et nouvelles, on est planté en plein dans le tumulte de la vie : on vit comme dans des milliers de bouquins accumulés les uns sur les autres. Chaque mot est une incidence, chaque phrase une série d’incidences du même ordre, chaque nouvelle une heure, ou plus, ou moins, une minute, dix, douze secondes. »

Dans ce texte expérimental qui ressort au Nouveau Roman (utilisation du & pour "et", chapitres repérés par une lettre de l’alphabet en majuscule à leur début, texte en gras ou barré, etc.), quelques détails troublants, comme les termes « excavités », « cossidés » (lépidoptères, dont le gâte-bois) et « losangulaire » ou le verbe luminer (attesté en moyen français), le probable néologisme « circonférique », l’emploi de « prostase » (du grec supériorité, prédominance), et la référence au Parsidol (un antiparkinsonien ?) sont autant de signes que peut-être il y aurait quelque chose de cryptique à découvrir.
Une théorie particulièrement excentrique est exposée à la fin du chapitre N. :
« Pour donner un autre exemple d’une folie devenue familière à Adam, on pourrait parler de cette fameuse Simultanéité. La Simultanéité est un des éléments nécessaires à l’Unité qu’Adam avait un jour pressentie, soit au cours de l’histoire du Zoo, soit à cause du Noyé, soit à propos de bien d’autres anecdotes qui sont volontairement oubliées ici. La Simultanéité est l’anéantissement total du temps et non du mouvement ; cet anéantissement doit être conçu, non pas forcément sous forme d’expérience mystique, mais par un recours constant à la volonté d’absolu dans le raisonnement abstrait. Il s’agit, à propos d’un acte quelconque, mettons, fumer une cigarette, de ressentir indéfiniment durant le même geste, les millions d’autres cigarettes vraisemblablement fumées par des millions d’autres individus sur la terre. Sentir des millions de légers cylindres de papier, écarter les lèvres et filtrer quelques grammes d’air mélangé de fumée de tabac ; dès lors, le geste de fumer devient unique. Il se métamorphose en un Genre ; le mécanisme habituel de la cosmogonie et de la mythisation peut intervenir. Ce qui est, en un sens, aller en direction opposée au système philosophique normal, qui part d’un acte ou d’une sensation, pour aboutir à un concept facilitant la connaissance.
Ce processus, qui est celui des mythes en général, comme, par exemple, la naissance, la guerre, l’amour, les saisons ou la mort, peut être appliqué à tout : chaque objet, une éclisse d’allumette sur une table d’acajou verni, une fraise, le son d’une horloge, la forme d’un Z sont récupérables sans limite dans l’espace et le temps. Et, à force d’exister des millions et des milliards de fois, en même temps que leur fois, ils deviennent éternels. Mais leur éternité est automatique : ils n’ont nul besoin d’avoir jamais été créés, et se retrouvent en tous siècles et en tous lieux. »

Adam écrit longuement dans un cahier ; il y note :
« Procès-Verbal d’une catastrophe
chez les fourmis. »

Le procès-verbal, c’est celui d’une jeunesse mal à l’aise dans la société ; à la fin du livre (paru en 1963), Le Clézio prédit même une suite à cette histoire…
Interpellé après avoir harangué la foule, Adam sera interné dans un asile où des étudiants (« comme vous », c'est-à-dire lui) viennent l’interroger pour un diagnostic ; ils discutent entr’eux :
« "C’est intelligent, tout ça" dit le type à lunettes. "Mais c’est tout ce qu’on peut en dire…"
"Ça ne veut rien dire, c’est de l’amphigouri métaphysique" coupa un autre étudiant. »

« Parce que c’est de la littérature. Tout bonnement. Je sais, on fait tous de la littérature, plus ou moins, mais maintenant, ça ne va plus. Je suis vraiment fatigué de – C’est fatal, parce qu’on lit trop. On se croit obligé de tout présenter sous une forme parfaite. On croit toujours qu’il faut illustrer l’idée abstraite avec un exemple du dernier cru, un peu à la mode, ordurier si possible, et surtout – et surtout n’ayant aucun rapport avec la question. Bon Dieu, que tout ça est faux ! Ça pue la fausse poésie, le souvenir, l’enfance, la psychanalyse, les vertes années et l’histoire du Christianisme. On fait des romans à deux sous, avec des trucs de masturbation, de pédérastie, de Vaudois, de comportements sexuels en Mélanésie, quand ce ne sont pas les poèmes d’Ossian. »

Je ressens ce roman comme situé dans le sillage de La nausée de Sartre et de L’étranger de Camus ; une vague démonstration existentialiste, presque absurde, vide voire philosophico-creuse…

Mots-clés : #jeunesse #nouveauroman #xxesiecle
par Tristram
le Ven 18 Oct - 21:07
 
Rechercher dans: Écrivains européens francophones
Sujet: Jean-Marie Gustave [J.M.G] Le Clézio
Réponses: 16
Vues: 1370

Claude Simon

Tag nouveauroman sur Des Choses à lire Livre_10

Le vent, Tentative de restitution d'un retable baroque

Bon, il y a des points au bout des phrases et il se passe des choses. D'accord. Il y a même une belle part de mystère et une large place faite au dialogue. Mais cette drôle d'histoire de type pas encore vieux mais plus jeune (intermédiaire alors ?), Montès, qui débarque dans une petite ville du Sud pour une histoire d'héritage et semble errer seulement avant de rencontrer, de sembler ne pas interagir avec d'autres... en fait c'est très intense. Certes, il y a du mordant dans ce portrait de vie provinciale, et peut-être une petite part d'autobiographie avec son appareil photo autour du cou. C'est intense dans les sensations, les hésitations, les mots qui ne se prononcent pas ou les gestes qui ne se font pas. C'est tout sauf froid. Dénuement mélancolique mêlé de grande douceur pour entourer quelques débordements, des ignorances et des drames aussi.

Grand plaisir ou grande satisfaction ou satiété dans cette lecture. Manière, rythme, ça a beau être plus actif que le Tramway par exemple, à la fois ça se démarque par la recherche évidente, surtout on retrouve une manière d'atmosphère et de regard, des moments. Attentes, souffles, une patience et un retour vers le marquant discret. Une grande force aussi.

Expliquer le sous-titre je ne saurais pas le faire mais ça n'empêche pas d'être captivé par ce portrait fragmenté et profond. C'est merveilleux de pouvoir lire des écritures pareilles...

Mots-clés : #lieu #nouveauroman #portrait #psychologique
par animal
le Mar 1 Jan - 20:59
 
Rechercher dans: Écrivains européens francophones
Sujet: Claude Simon
Réponses: 35
Vues: 1924

Alain Robbe-Grillet

Un régicide

Tag nouveauroman sur Des Choses à lire Un_rzo10

C’est un bref roman, le premier d’Alain Robbe-Grillet, mais publié près de trente ans plus tard. L’auteur précise à cette occasion que c’est un « livre plus difficile d’accès » que Les gommes, son second ouvrage…
Lecture au charme inexplicable, expérience difficile à expliciter sans renvoyer à la lecture du texte : transitions en fondus enchaînés de scènes comme juxtaposées, tels deux univers s’interpénétrant : Boris est à la fois habitant d’une petite île écartée et employé dans une grande usine de la capitale, suivant vaguement la politique au travers des journaux et simulant/ répétant l’assassinat du roi.
Images d’immersions/ engloutissements aquatiques, passages du "il" au "je", étrangeté certes, mais la seule composante fantastique semble être (à part peut-être l’inconnu vivant dans une tour) les sirènes estivales qui, comme son amante Aimone, viennent chaque année visiter l’île autrement dérobée dans la brume avec ses tourbières et ses moutons.
Caractéristiques du Nouveau Roman on retrouve le vague suspense, l’objectif réalisme neutre, mais aussi de l’absurde, du fantasmatique poétique et onirique. Quelques légères contradictions ne sont pas évitées, peut-être même voulues.
Il y a également une certaine dimension politique dans ce livre ; Boris vit dans une société peu politisée (sauf son amie Laura), monarchie surtout aux mains des politiciens (dominée par le Parti, « l’Eglise », qui achète les votes des pauvres) :
« Par surcroît, aucun des chefs ne se faisait faute de supposer implicitement dans ses discours que l’ensemble des abstentionnistes appartenait "de cœur" à son groupe, si bien que chacun d’eux prenait la parole à la Chambre au nom de la nation tout entière, et cela sans risquer le moindre démenti. »

« D’une façon générale, les politiciens considéraient les idées comme dangereuses et ne les utilisaient que dans des discours rares et confus, relégués en dernière page par les quotidiens d’information. »

« Boris, d’ailleurs, ne pouvait s’empêcher de penser qu’il n’y avait rien derrière cette agitation, que ce bruit constituait une fin en soi, de même que ce travail ne visait aucune production ; c’était cela qui lui faisait horreur. »

Mais l’essentiel à mes yeux, ce sont les oscillations entre les deux mondes, répliques des allers et venues de la mer sur l’estran, jeu d’alternances, d’interférences et de reprises dans la zone de balancement des marées (bretonnes).
Voici un échantillon exemplaire du style, mais aussi d’une transition, ici dès le premier chapitre :
« Boris s’assit à la terrasse, posa sans les ouvrir les journaux sur la table, commanda du café et des croissants, et attendit, la tête inoccupée, laissant aller ses yeux au hasard à travers la foule, sans rien y découvrir qui déclenchât en lui le moindre courant d’attention. Les gens avaient l’air fatigué, c’était tout ce qu’on pouvait en dire. Indistincts, sans expression, ils passaient. Le décor, que plus rien ne retenait, glissa peu à peu vers le pays des brumes, où la mer étale baigne le pied des roches, sous une lumière grise. »

Un peu plus loin, au tout début du second chapitre, on retrouve la foule (phénomène amorphe qui m’a toujours fasciné), avec l’encore plus nette influence métaphorique de la mer :
« Dehors, sur l’avenue, la foule de plus en plus compacte perdait, à mesure qu’elle s’épaississait, les mouvements qui semblaient, ce matin, la diriger dans un sens ou dans l’autre. On ne pouvait guère encore parler de circulation, mais plutôt d’une agitation flasque, sans orientation précise, laissant des zones de stagnation entre lesquelles, coulaient, par intermittence, de petits courants hésitants qui se perdaient aussitôt dans la masse.
Boris avançait avec peine, se frayant un chemin au milieu des cadavres, profitant comme il pouvait des intervalles mouvants qui subsistaient entre les agglomérats. L’effort qu’il accomplissait pour progresser le ramena bientôt vers ses réflexions ordinaires et, comme toujours, il fut bien obligé de reconnaître que lui non plus n’allait nulle part. Il sentit en même temps le flot visqueux qui pénétrait rapidement dans son corps, entrant en bourdonnement assourdi par le nez et les oreilles, encombrant les poumons de membres cachectiques et de visages verts. »

Signe, indice, clin d’œil (coquille ?!), parlant du roi qu’il a(urait) poignardé (chapitre 10/14) :
« …] il fallait un coup qui mette vraiment en cause le corps de son auteur. »

(son père ?!)

J'oubliais encore de tagger : je ne vois que Nouveauroman qui convienne...

mots-clés : #nouveauroman
par Tristram
le Mer 8 Aoû - 14:35
 
Rechercher dans: Écrivains européens francophones
Sujet: Alain Robbe-Grillet
Réponses: 63
Vues: 4444

Robert Pinget

Fable

Tag nouveauroman sur Des Choses à lire Fable10

Je pense n’avoir pas tout compris de cette Fable, mais qu’importe ; suffisamment en tout cas pour me rendre compte que Robert Pinget est un auteur important qui mérite d’être (re) découvert.
Bien sûr, c’est une lecture qui peut être quelque peu déroutante au premier abord. L’image qui me vient à l’esprit est celle du puzzle : une réalité éclatée en de multiples fragments que l’auteur/lecteur assemble peu à peu. Parfois, il se trompe, parfois non et donne alors des bribes de compréhension. Mais à la différence du puzzle il n’y a pas qu’une seule possibilité d’assemblage, mais de multiples qui ébauchent de nouvelles pistes, entrouvrent d’autres possibles, valides ou non. Enfin pour garder la métaphore, la notion de jeu me semble ici essentielle.
Claude Mauriac écrivait lors de la sortie de Fable :

« La fable, la voici : on l’appelle Miette, mais son nom est Narcisse. Il s’éprend moins de son image qu’il ne cherche à en recoller les morceaux brisés. Nous reconnaissons les lieux en même temps que lui. Le temps est retrouvé. Mais, de nouveau, l’espace disparaît, la chronologie s’évanouit. Futur, passé, chronologie à dissoudre. »


C’est tout à fait cela, un individu qui cherche à reconstruire son identité, morceaux par morceaux. Les habitués reconnaitront ici une parenté étroite avec Beckett.

Il y a des temps de désespoir d’abord qui alternent avec d’autres où l’âme se libère mais peu à peu l’alternance ne se fait plus et c’est alors que la tête pourrit


Le temps qui est le mal à la petite semaine, joie qui déserte, conscience de toute vanité, la carcasse se dirige sans boussole vers son dernier asile comme si le thème de la survie était désormais hors d’usage.


Ma vie est faite depuis beau temps, tu y avais mis un grain de futur, il n’a pas levé."]Ma vie est faite depuis beau temps, tu y avais mis un grain de futur, il n’a pas levé.


Mais la ville fumait toujours sous les décombres, l’ancien cauchemar se réveillerait et les grincements de dents, ce passé à dissoudre comme ne faisant plus partie du système, racines plongeant dans le néant, futur itou.

Il y a de belles explorations archéologiques à faire dans ce qui fut appelé le « Nouveau roman »  Very Happy


mots-clés : #identite #nouveauroman
par ArenSor
le Mar 31 Juil - 19:25
 
Rechercher dans: Écrivains européens francophones
Sujet: Robert Pinget
Réponses: 33
Vues: 2357

Nathalie Sarraute

Ici

Tag nouveauroman sur Des Choses à lire Sarrau10

Il serait dommage de choisir ce dernier ouvrage de Nathalie Sarraute pour découvrir son oeuvre : il me semble incontournable de s'approprier le langage Sarrautien , si particulier , par une imprégnation progressive ,afin de trouver les clés d'entrée de ce royaume intérieur ....
Le sien , le mien , le vôtre ....de royaume .
Intérieur . Le mot . Celui auquel il faut s'accrocher pour grimper les marches et accéder à cette partie de l'être , pas totalement inconsciente , mais pas non plus accessible dans la réalité immédiate perçue : une sorte de préconscience , celle qui affleure de façon fugitive à certains moments , légère , insaisissable , frustrante souvent .
Ici .
C'est l'histoire de . Nenni .
Et pourtant , c'est bien une sorte d'aventure que nous propose l'écrivaine : donc narration .
Plusieurs "séquences" , chapitres , ni totalement indépendants les uns des autres , ni dans une suite discursive traditionnelle constituent cet ovni littéraire inclassable .
Les trois premières séquences invitent le lecteur à la rencontre d'une sensation connue par tous : les trous de mémoire .
C'est par un effet de mise en scène de la mémoire , que la situation est abordée sous une forme diffractée en totale adéquation avec ce genre d'expérience : le lecteur n'aura aucune difficulté à se repérer , par des signes de reconnaissance , des sensations de vécu : par exemple le soulagement du mot "retrouvé " , surgi brusquement à force de tâtonnement et par des chemins analogiques , des associations d'idées , des tautologies , allitération , et autres outils que la conscience invite pour faire surgir de cette zone limite de la préconscience , Le mot .
Jusque là donc tout se passe bien plutôt bien . Nous ne sommes plus sur le plancher des vaches mais nous ne sommes pas complètement dans un espace inconnu.
Le glissement , un peu abrupt, vers une suite un peu planante risque fort de laisser quelques lecteurs à quai .
A moins que la curiosité l'emporte et c'est assurément promesse d'une extraordinaire expérience littéraire .
Comme le cerveau humain est plutôt surprenant et que le lecteur instinctivement saura trouver sa place et ses ressources insoupçonnées pour traverser cet univers fantastique , le texte se révèlera dans un flottement délicieux : Tout à tour logique , sensibilité , référentiel viendront à votre secours pour vous guider à travers ces situations labyrinthiques , construites ou "déconstruites "dans une veine narrative en apesanteur .
Le lecteur Sarrautien retrouvera en ligne de fond ( si si quand même il y en une ) cette approche "tropistique" qui constitue l'essence de l'écriture de Nathalie Sarraute , ces fameux mouvements qui circulent sous la parole , et créent des sensations souvent d'extrême intensité par leur impossibilité intrinsèque à surgir vers la conscience et par leur fugacité , indépendant de toute volonté , et alimentant une "sous-conversation" . Ces tropismes qui quelquefois nous font déraper par effet de maladresse à notre insu , ces tropismes vivant de leur propre vie dans leur petit monde sous le vernis social et individuel .
Une oeuvre riche , aux portes infinies par interaction puissante avec le lecteur .
Un immense moment de lecture parce que j'adore la sensation de fumer la moquette l'espace d'un instant pour mieux me retrouver par la suite .


mots-clés : #nouveauroman
par églantine
le Dim 26 Nov - 12:24
 
Rechercher dans: Écrivains européens francophones
Sujet: Nathalie Sarraute
Réponses: 42
Vues: 3225

Alice Rivaz

Tag nouveauroman sur Des Choses à lire 41g6rp10

Comme le sable

En 1946, Alice Rivaz publiait chez Julliard son deuxième roman: Comme le sable. Il a été rapidement épuisé et, semble-t-il, oublié. Grâce à Françoise Fornerod, qui a préfacé le présent ouvrage, Comme le sable sort du purgatoire dans une version revue et corrigée. On découvre la modernité d'une oeuvre et on mesure à quel point Alice Rivaz a participé au renouvellement de l'écriture radicalisée par le Nouveau Roman.

"Trois soirées de l'hiver 1928 qui font basculer la vie d'un homme de la latence dans l'amour fou et qui enfoncent dans le désespoir la femme qui avait cru en lui sept ans plus tôt, tel pourrait être le résumé banal de Comme le sable. Une histoire de séduction et de rupture qui ressemblerait à tant d'autres."

Mais la plume d'Alice Rivaz sait incarner des personnages et restituer le drame amoureux dans toute sa complexité. Elle donnera en 1967 une suite à ce roman avec Le Creux de la vague.


Des histoires d'amour ratées dans le Genève de l'entre deux guerres. Les deux protagonistes principaux, Chateney et Hélène Blum travaillent pour le Bureau international du travail qui n'est cité que par le nom de son vénéré directeur Albert Thomas. On écrit beaucoup, on dicte et les dactylos s'affairent. En dehors du travail on réfléchit encore à la marche du monde et s'enivre de musique...

A côté du travail et pendant aussi d'ailleurs, ce sont idées fixes, conventions, statuts et espoirs qui habitent les esprits. Alice Rivaz écrit très bien ces couches de pensées qui vivent ensemble. Avec un certain humour, qui sait être piquant et triste à la fois, elle relève petits travers et petites mesquineries. A travers l'instant et le passage d'une couche à l'autre elle dépeint un vide existentiel commun à ces personnages et à des satellites, commun au sens partagé et intime. Des manquements de l'auto-apitoiement, des ressassements mais partagés, qui ne sont plus des fins en soi. L'art est présent également, à travers la musique principalement, et est représentatif des ambivalences : libération d'un côté, esbroufe et faire valoir d'un autre, passage obligé, rêve, ...

Sans oublier Genève, un petit nœud du monde cosmopolite, un petit microcosme bavard aux capacités incertaines.

Une lecture très fluide, agréable et intelligente une mise en oeuvre façon nouveau roman très équilibrée avec effet de miroir sans nombrilisme et un regard lointain sans certitudes.

Le prisme féminin est potentiellement étonnant pour une partie du lectorat et tant mieux.

Sens de la formule et de l'air du temps :
- Il voit tellement tout en rose, disait Mlle Rivier... Avec lui on dirait vraiment qu'il n'y a qu'à tourner un bouton électrique. C'est fou ce qu'il est plein d'assurance et d'enthousiasme ce type-là... Un enthousiasme presque sans mesure, portatif...


mots-clés : #nouveauroman
par animal
le Sam 25 Nov - 22:06
 
Rechercher dans: Écrivains européens francophones
Sujet: Alice Rivaz
Réponses: 5
Vues: 1326

Alain Robbe-Grillet

Le voyageur

Tag nouveauroman sur Des Choses à lire Le_voy10

Recueil de textes (articles, préfaces), causeries et entretiens (intervious) revus par Robbe-Grillet :
défense et illustration du Nouveau Roman (avec la place prééminente de Nathalie Sarraute) ;
explicitations éclairantes (et intelligibles) sur sa démarche romanesque et, à l’opposé, la contrainte de la réalité dans son écriture cinématographique (il faut ici rappeler l’œuvre de Robbe-Grillet comme scénariste et réalisateur) : littérature et cinéma, deux langages sans rapport entr’eux (l’un s’adresse à l’esprit, l’autre aux sens de la vue et de l’ouïe, etc.) ;
aperçus pertinents sur Sade, Balzac, Flaubert, Proust, Queneau, Barthes, Beckett, Blanchot, Camus, Husserl, Godard, les critiques littéraires, les universitaires, les éditeurs (Minuit) ;
fin de la psychologie et des « vieux mythes de la profondeur », du drame et de la tragédie, de l’âme et de « l’humanisme transcendant » ‒ voire même du sens ? ;
dépravation des thèmes-objets, représentés dans leur superficialité d’images (de mode) stéréotypées, de fantasmes affichés sans mystère (refus de croire aux « profondeurs cachées »), « littérature conflictuelle, c'est-à-dire une littérature de tensions non résolues » entre objectivité des phénomènes et intériorité/ subjectivité/ inconscient : son « objectivisme » (extrait d’Un écrivain non réconcilié, critique de La maison de rendez-vous, publiée en 1972 sous le pseudonyme de Franklin J. Matthews !) ;
le Nouveau Roman comme étape après « le roman de type balzacien, c'est-à-dire d’un système d’ordre [ou classement] reposant sur la chronologie, la continuité causale et la non-contradiction » ;
le Nouveau Roman comme « entreprise d’évacuation de l’auteur hors de son texte » ;
son passage du monde scientifique au littéraire par « perte de confiance définitive dans la vertu et dans la possibilité de faire une œuvre ronde, fermée, propre et nette », c'est-à-dire "total(itair)e" (et suite à la révélation de la face cachée des totalitarismes nazi et stalinien) ;
rejet de « l’idéologie réaliste » normative, commun à tous les arts modernes,
par un intellectuel retors, pervers, humoriste, maître romancier, grand inventeur et créateur.

« Si le voyageur fait apparaître le paysage, le romancier à son tour réinvente le voyageur, qu’il a pourtant été. Le lecteur ensuite ne peut faire autre chose que créer le romancier, c'est-à-dire lui rendre sa vie véritable, et disparaître en elle comme faisait le voyageur dans le paysage… »

« Engagé, le romancier l’est, certes ‒ mais il l’est de toute façon et ni plus ni moins que tous les autres hommes ‒ en ce sens qu’il est le citoyen d’un pays, d’une époque, d’un système qu’il vit au sein d’habitudes et de règles sociales, religieuses, sexuelles, etc. En somme, il est engagé dans l’exacte mesure où il n’est pas libre. »
« Quant à nous, pauvres romanciers, auteurs dramatiques, ou cinéastes […] nous ignorons à l’instant de la création ce que ces formes signifient, et à plus forte raison ce à quoi elles pourront servir [… »
« "Formalistes" ? Bien sûr, nous savons que les formes littéraires sont le vrai contenu des livres, et celles que vous prônez nous paraissent justement représenter le monde que vous [le réalisme socialiste] êtes sensés combattre. »
« Pour nous, la littérature n’est pas un moyen d’expression, mais de recherche. Et elle ne sait même jamais ce qu’elle cherche. Elle ne sait pas ce qu’elle a à dire. "Poétique", pour nous, cela signifie invention, invention du monde et de l’homme, invention constante, et perpétuelle remise en question. "Politique", nous le voyons trop tous les jours, cela ne veut dire, à l’Est comme à l’Ouest, que respect des règles, réduction de la pensée à des stéréotypes, crainte panique de toute contestation. »

« L’écrivain, par définition, ne sait pas où il va, et il écrit pour essayer de comprendre pourquoi il a envie d’écrire. »

« Ce qui caractérise le genre romanesque, c’est qu’il a besoin d’être à chaque instant dans l’impasse. »

« Mais le mouvement de la littérature est ce glissement d’une scène à la même scène qui se répète sous une forme à peine détournée, à peine contournée, à peine retournée… »

« Il s’agit en fin de compte de réduire le réel lui-même, le réel vivant, à une trame rassurante, homogène, linéaire, réconciliée, entièrement rationnelle, d’où toute aspérité choquante aura disparu. Disons-le tout net : le réalisme n’est en aucune façon l’expression du réel, c’est même exactement le contraire. Le réel est toujours ambigu, incertain, mouvant, énigmatique, sans cesse traversé de courants contradictoires et de ruptures. En un mot, il est "incompréhensible". Sans doute aussi est-il inacceptable. Le réalisme, en revanche, a pour première fonction de le faire accepter. Il devra donc, et de façon impérative, non seulement donner du sens, mais donner un seul sens, toujours le même, et le consolider sans relâche par tous les moyens techniques, artifices et conventions qu’il sera possible de mettre à son service. »
« …] la reconnaissance et l’exploration (jusqu’à l’angoisse) de son étrangeté [le réel] constitueront le point de départ nécessaire à l’élaboration d’une conscience libre. Et l’une des fonctions essentielles de l’art est justement d’assumer ce rôle de révélateur. Ce qui explique que l’art ne vise pas à rendre le monde plus supportable (comme le fait sans doute le réalisme), mais moins supportable encore, son ambition finale étant non pas de faire accepter le réel, mais de le changer. »

« La liberté ne pouvant être qu’un mouvement de conquête de la liberté, la liberté ne se conquiert pas une fois pour toutes, elle n’existe que dans le mouvement de sa conquête. »

« Le sens, s’il est unique, est toujours totalitaire. Ce qu’on appelle forme, dans un roman, ce sont, en fait, les déviations de sens ; les interventions formelles du romancier, ce sont les moments où il change de de système de sens, les articulations où s’opèrent des glissements… »

« Quelquefois, des critiques ont remarqué cette contradiction fondamentale, qui existe dans tous mes livres et films, entre une apparence de froide rigueur mathématique, un projet avoué de mise en ordre, et d’autre part l’invasion progressive de la narration par des fantasmes et des spectres. […]
Ce qui m’intéresse, justement, c’est l’impossibilité de concilier l’univers fabuleux qui habite l’homme avec son esprit méthodique. Tout mon travail repose ainsi sur des systèmes de contradictions insolubles, qui forment dans le récit des pôles de tension entre lesquels va pouvoir se déplacer la lecture. »
« …] le texte fuit la signification mais reste ouvert et perméable au sens. »

« Un texte n’est pas le dévoilement progressif d’une vérité, c’est l’aventure d’une liberté. »

« De la même façon que le romancier invente la littérature, le livre invente le public. […]
Le public est créé par l’art, par la littérature. »

« J’y étais. J’ai connu ces gens et ces lieux. Je peux témoigner de leur existence réelle, puisque c’est moi qui les ai créés. »


Clés, notamment pour Les Gommes :

« Il n’est pas rare en effet, dans ces romans modernes, de rencontrer une description qui ne part de rien ; elle ne donne pas d’abord une vue d’ensemble, elle paraît naître d’un menu fragment sans importance ‒ ce qui ressemble le plus à un point ‒ à partir duquel elle invente des lignes, des plans, une architecture ; et on a d’autant plus l’impression qu’elle les invente que soudain elle se contredit, se répète, se reprend, bifurque, etc.
Pourtant, on commence à entrevoir quelque chose, et l’on croit que ce quelque chose va se préciser. Mais les lignes du dessin s’accumulent, se surchargent, se nient, se déplacent, si bien que l’image est mise en doute à mesure qu’elle se construit. Quelques paragraphes encore et, lorsque la description prend fin, en s’aperçoit qu’elle n’a rien laissé derrière elle : elle s’est accomplie dans un double mouvement de création et de gommage, que l’on retrouve d’ailleurs dans le livre à tous les niveaux et en particulier dans sa structure globale ‒ d’où cette "déception" inhérente aux œuvres d’aujourd’hui. »

« Tout l’intérêt des pages descriptives ‒ c'est-à-dire la place de l’homme dans ces pages ‒ n’est donc plus dans la chose décrite, mais dans le mouvement même de la description. »

« Le projet d’adapter cet ordre mathématique [les nombres premiers formant le serpent ouroboros aux 108 anneaux] à une structure narrative était en soi très intéressant, mais il est rare qu’un échafaudage [générateur] de cette sorte (comme tous les échafaudages structurels) survive au travail d’un texte. Le travail du texte part de cette conception plus ou moins abstraite, mais le texte est nourri concrètement par le travail de l’écriture, si bien que l’échafaudage éclate très rapidement. »

« J’étais donc arrivé à l’histoire d’un policier qui enquête sur un crime, sans savoir que le crime n’a pas été commis, et qui, par la logique de son enquête, est amené à commettre le crime à la fin du texte (un nouveau policier peut donc venir pour reprendre l’enquête, etc.) ; c’est donc une structure circulaire telle qu’on en rencontre fréquemment dans la littérature moderne.
Après au moins six mois de travail, j’ai pensé que j’étais en train de récrire Œdipe roi de Sophocle, mais sous une autre forme, qui était circulaire au lieu de linéaire. Œdipe enquête sur un crime, et s’aperçoit qu’il est le meurtrier. »

« …] l’activité de l’écriture allait donner un sens, et non pas découvrir un sens préalable (alors que dans le cas d’Œdipe roi de Sophocle, le sens existe avant, puisque Œdipe a tué son père et découvre qu’il est le criminel). »


Étourdissante, agrémentée d’humour, sans grande complexité lexicale, cette compilation est un complément théorique à Pour un Nouveau Roman, qui ravira les fascinés du renouveau littéraire apporté par Duras, Sarraute, Claude Simon, Ricardou, Perec, Butor, Pinget, Ollier, Cayrol, Duvert, Le Clézio, Beckett et bien sûr Robbe-Grillet.

Ces éclairages m’ont conduit à visionner Trans-Europ-Express ‒ une œuvre saisie en pleine élaboration comme fin en soi ‒, et L’homme qui ment ‒ boucles récursives avec variantes, comme des hypothèses qui buttent dans des impasses, du menteur qui joue comme un comédien ‒ ou l’inverse.

Mots-clés : #creationartistique #nouveauroman
par Tristram
le Dim 15 Oct - 14:41
 
Rechercher dans: Écrivains européens francophones
Sujet: Alain Robbe-Grillet
Réponses: 63
Vues: 4444

Nathalie Sarraute

Martereau

Tag nouveauroman sur Des Choses à lire Marter10


Lire Nathalie Sarraute c'est accepter de plonger dans une sorte d'abîme , c'est sortir de soi et de toutes formes d'individuation pour accéder à cet état du "juste avant" qui détermine notre relation au monde , ce moment où tout se joue avant l'acte ou la parole tissés par les fils invisibles qui relient l'ensemble du monde vivant , monde-racine de ces fameux Tropismes .

Martereau
, un de ces premiers "romans" ( qui a dit plutôt anti-roman , Sartre il me semble ...) est une déclinaison de ces tropismes .

Alors parce qu'il faut bien quelque matériau , c'est à travers un jeune garçon maladif en pension chez son oncle et tante ,  doté d'une hypersensibilité que d'aucun qualifieront de pathologique , lui prêtant névroses en tous genres , que Nathalie Sarraute déploie toutes cette structure souterraine , cette "sous-conversation" , qui régit , alimente , les relations humaines ,
Oeuvre intimiste alors et dans la fibre psychologique ?
Non , et peut-être même pourrait-on parler d'anti-psychologie .

C'est un long monologue intérieur , fait de soubresauts , de changements de conscience , de perceptions fugaces , l'une chassant l'autre , ou plusieurs dans la simultanéité que se construit ce "roman" .

C'est une sorte de dépliement de la pensée du jeune narrateur qui s'imbibe de tous les états de préconscience des gens qui l'entourent . Position assurément inconfortable mais riche de toute l'essence des choses et des actes en devenir .

Si Nathalie Sarraute s'attache à planter ses "personnages " ou "anti -personnages" ( ce qui me semble plus juste ) dans  un milieu bourgeois avec tous les codes et les travers présupposés , on devine aisément que c'est parce que celui-ci lui est plus familier( et par là-même plus facile à utiliser ). Mais il est certain qu'il ne faudrait en aucun cas y voir une simple satire sociétale , le décor et milieu n'étant en aucune manière la matière de son oeuvre . Ni même l'histoire qui n'est qu'un prétexte .

Encore une fois j'ai adoré l'expérience de lecture que nous propose cette auteure inclassable ( bien que classée dans le mouvement "nouveau roman " mais qui regroupe des écrivains si différents que je n'adhère pas à cette étiquette facile  ) , je me sens incroyablement libre dans ces eaux à fleur de surface , dans le pressenti .
La fracture littéraire que constitue cette approche ,qui fut novatrice et reste unique encore aujourd'hui , place cette écrivaine parmi les plus grands génies littéraires .


mots-clés :  #nouveauroman
par églantine
le Mar 2 Mai - 16:29
 
Rechercher dans: Écrivains européens francophones
Sujet: Nathalie Sarraute
Réponses: 42
Vues: 3225

Nathalie Sarraute

  Les fruits d'or

Tag nouveauroman sur Des Choses à lire Les_fr10


C'est à petit pas , la tête rentrée , et le doigt hésitant sur chaque touche de clavier que je vais bafouiller trois petits mots invisibles (enfin presque )  et par là même inattaquables (là encore presque ) sur cette oeuvre.

Pourquoi donc tant de retranchements me direz-vous ....moi si exaltée ,dithyrambique , positionnée , affirmative , résolue , prête à clamer haut et fort mes convictions comme parole d'Evangile et vérité absolue , ma vérité , la seule et unique : Lisez c'est le chef-d'oeuvre , l'incontournable , l'essentiel , ou fuyez, pipo , vide et plat , un pur produit dont on rira la saison prochaine .
J'en passe et des meilleurs .

Les fruits d'or alors ?
Une technique narrative habilement choisie , cette fameuse mise en abyme permettant de jouer par exemple sur le registre comique notamment dans le théâtre (Pirandello par exemple ) , permet aux lecteurs de s'appuyer sur un des rares éléments fixes , connus , tangibles pour aborder ce texte .
Et là il s'agit d'un roman Les fruits d'or , qui fait sensation dès sa sortie , dans le milieu des initiés , des spécialistes , cette petite confrérie d'élus , les écrivaillons du moment à la plume facile et le verbe haut , l'air naturellement inspiré , les grands commanditaires du grand verdict qui établit les classifications .
Alors oui , il y a de quoi glousser . Et je ne m'en suis pas privée sur ces 150 pages .Et de là , mon entrée en matière dans ce commentaire , furtive . J'entrevois l'oeil sarcastique de Nathalie Sarraute lisant ma prétention . Profile-bas donc j'avance , c'est plus commode .

Petite facétie de ma part , histoire de ....vous amuser et surtout de trouver ma plume . (pas facile après cette lecture ) .
Certes le thème se prête à l'ironie facile .
Mais avec l'oeil sous-terrain de Nathalie Sarraute , ça devient non seulement jubilatoire , mais aussi et surtout un excellent support pour décortiquer les petits liens unissant les uns aux autres , en deçà de la conscience , dans un flux de conscience/inconscient , ces soubresauts de l'être agissant comme une sorte de tectonique des plaques et qui font apparaitre un paysage sociétal , des vibrations , des "ô temps suspends ton vol" et de voir l'invisible.
C'est par l'abolition de toutes formes de psychologie , d'idées , de présupposés , de constructions mentales que Sarraute , dans une forme novatrice rattrapée très rapidement par ce grand courant littéraire que sera le nouveau roman , parvient à écrire sur ces mouvements , ces fameux Tropismes ( il faut que je le lise ) dont elle s'empare pour en faire la base , l'essence , le matériau de son art .
Et donc qu'en ressort-il pour le lecteur lambda ?
Une expérience . Une sensation de déjà perçu dans une autre forme d'adhésion au réel . Une envie de recommencer surtout .
Comme de bien entendu il serait impossible de lire sans établir même (et surtout ) à son insu des parallèles , et parce que ça rassure , ça confirme , ça solidifie l'ancrage de ses perceptions , j'ai perçu une similitude avec Virginia Woolf . Mais plus encore avec ce que j'ai lu de Proust (Aussi étrange que cela puisse paraitre ,l'écriture minimale jusqu'à la page blanche, déconstruite , effacée rejoint l'écriture Proustienne dans cette capacité de transcendance dans l'apparente trivialité du réel ) .
Alors oui c'est délicieusement corrosif dans cette attaque au vitriol de notre prétention , et je n'ai pas boudé mon plaisir .
Mais , surtout , surtout ( et je ne saurais que trop insister ) j'ai palpité dans ces prémisses de la découverte d'une auteure qui n'a pas fini de me réjouir , de me surprendre , de me propulser dans l'inconnu pour peut-être mieux me rencontrer , étale , surface plane , sans limite , et dans l'unité .
J'avais lu son "autobiographie" ,( "autofiction" ?) , il y a bien 20 ans et déjà ce "je ne sais quoi " m'avait ébranlée ...L'aventure continue donc .



mots-clés :  #nouveauroman
par églantine
le Mer 19 Avr - 14:09
 
Rechercher dans: Écrivains européens francophones
Sujet: Nathalie Sarraute
Réponses: 42
Vues: 3225

Claude Simon

L'invitation

Tag nouveauroman sur Des Choses à lire 97827012

Je n'ai pas réussi à accrocher. Les phrases de plusieurs pages, sans point, ont eu raison de mon attrait.
J'ai personnellement besoin d'un rythme un minimum rapide, ou du moins d'une cadence, ce qui n'est pas le cas dans ce récit.
L'histoire, personnellement, à cause de ces phrases, je n'ai pu en retenir grand chose.
Et cette manière de décrire quasiment dans un exercice de médecine légale, chaque acte, chaque mouvement d'un personnage chaque situation m'a lesté et ce récit pourtant court fut pour moi interminable.
C'est pourtant un brillant exercice de style, excellemment écrit, ce n'est juste pas du tout pour moi.
Je n'ai jamais été fan du Nouveau Roman et cela se confirme. Pour autant je ne déconseille pas ce livre il a une grande qualité mais qui ne m'accroche pas.
Si je dois l'évaluer ce sera l'évaluation de mon expérience avec lui non une volonté d'objectiver sa qualité.[/center]


mots-clés : #nouveauroman
par Hanta
le Mar 6 Déc - 23:06
 
Rechercher dans: Écrivains européens francophones
Sujet: Claude Simon
Réponses: 35
Vues: 1924

Revenir en haut

Sauter vers: