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29 résultats trouvés pour guerredespagne

Jorge Semprun

L'Évanouissement

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Le six août dix-neuf cent quarante-cinq, Manuel Mora s’évanouit et se blesse grièvement en tombant d’un train ; il a une perte de mémoire dans une « obsession confuse de neige et de lilas » ; voilà trois mois qu’il est revenu d’Allemagne, où il était prisonnier du camp de Buchenwald, et deux jours plus tard survient le bombardement d’Hiroshima.
Le coup sur la tête lui rappelle le début de son interrogatoire par la Gestapo, ses pensées sur la mort et celle de son professeur, Halbwachs (évoquée dans d’autres de ses livres, plus directement autobiographiques ; Mora est le personnage principal de son précédent et premier roman publié, Le Grand Voyage), et l’exécution de la femme qui dénonça aux Allemands son mari et son groupe de résistants.
Il analyse la douleur.
« À chaque instant, il fallait qu’il décide de prolonger sa douleur [en ne parlant pas], à l’infini, il fallait que de sa propre volonté la plus intime jaillisse cette liberté de s’aliéner le monde. »

« Il en reprenait possession [du monde] par l’angoisse de cette femme [l’interprète], par l’hébétude désespérée des types de la Gestapo, échouant dans leur propos de le faire parler, et devenant de plus en plus opaques, de plus en plus lointains, c’est-à-dire éloignés d’eux-mêmes, du sens de leur vie, de plus en plus projetés dans l’agonie de leur métier. »

Puis, venu de Paris (Laurence) à Ascona (Lorène), c’est son existentielle « étrangeté au monde » (et aux femmes) qui est évoquée.
« Peut-être le monde extérieur est-il vraiment incontestable, fermé sur lui-même et ouvert à tout regard, à la fois. Ce serait rassurant. »

Il retrouve l’origine de son souvenir, un Premier Mai à la Nation, six ans auparavant, comme il était venu à Paris à la fin de la guerre d’Espagne.
Hans, Michel, compagnons de lutte, reviennent aussi dans ses pensées, avec notamment la séquence d’un soldat allemand abattu pour récupérer ses armes.
Dans ce deuxième texte de Semprun est rendue sensible la difficulté à communiquer/ témoigner de l’expérience de la guerre, traumatisme et amnésie (et la difficulté d’en parler, d’écrire), où des femmes ont un rôle vital.

\Mots-clés : #campsconcentration #deuxiemeguerre #guerredespagne #xxesiecle
par Tristram
le Ven 1 Déc - 11:04
 
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Sujet: Jorge Semprun
Réponses: 30
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Javier Cercas

L'imposteur

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Cercas détaille comme, troublé par l'histoire d’Enric Marco, « le grand imposteur et le grand maudit » qui s'est fait passer pour un survivant des camps de concentration et est devenu une célébrité espagnole de la mémoire historique des horreurs nazies, il s’est finalement résolu à écrire ce roman non fictionnel. « Comprendre, est-ce justifier ? » N’est-il pas lui-même un imposteur ?
« La pensée et l’art, me disais-je, essaient d’explorer ce que nous sommes, ils révèlent notre infinie variété, ambiguë et contradictoire, ils cartographient ainsi notre nature : Shakespeare et Dostoïevski, me disais-je, éclairent les labyrinthes de la morale jusque dans leurs derniers recoins, ils démontrent que l’amour est capable de conduire à l’assassinat ou au suicide et ils réussissent à nous faire ressentir de la compassion pour les psychopathes et les scélérats ; c’est leur devoir, me disais-je, parce que le devoir de l’art (ou de la pensée) consiste à nous montrer la complexité de l’existence, afin de nous rendre plus complexes, à analyser les ressorts du mal pour pouvoir s’en éloigner, et même du bien, pour pouvoir peut-être l’apprendre. »

« Un génie ou presque. Car il est bien sûr difficile de se départir de l’idée que certaines faiblesses collectives ont rendu possible le triomphe de la bouffonnerie de Marco. Celui-ci, tout d’abord, a été le produit de deux prestiges parallèles et indépassables : le prestige de la victime et le prestige du témoin ; personne n’ose mettre en doute l’autorité de la victime, personne n’ose mettre en doute l’autorité du témoin : le retrait pusillanime devant cette double subornation – la première d’ordre moral, la seconde d’ordre intellectuel – a fait le lit de l’escroquerie de Marco. »

« Depuis un certain temps, la psychologie insiste sur le fait qu’on peut à peine vivre sans mentir, que l’homme est un animal qui ment : la vie en société exige cette dose de mensonge qu’on appelle éducation (et que seuls les hypocrites confondent avec l’hypocrisie) ; Marco a amplifié et a perverti monstrueusement cette nécessité humaine. En ce sens, il ressemble à Don Quichotte ou à Emma Bovary, deux autres grands menteurs qui, comme Marco, ne se sont pas résignés à la grisaille de leur vie réelle et qui se sont inventés et qui ont vécu une vie héroïque fictive ; en ce sens, il y a quelque chose dans le destin de Marco, comme dans celui de Don Quichotte et d’Emma Bovary, qui nous concerne profondément tous : nous jouons tous un rôle ; nous sommes tous qui nous ne sommes pas ; d’une certaine façon, nous sommes tous Enric Marco. »

Simultanément s’entrelace l’histoire de Marco depuis l’enfance, retiré nourrisson à sa mère enfermée à l’asile psychiatrique ; il aurait été maltraité par sa marâtre et ignoré par son père ouvrier libertaire, puis ballotté d’un foyer à l’autre, marqué par les évènements de la tentative d’indépendance catalane d’octobre 1934, juste avant que le putsch et la guerre civile éclatent. Cercas a longuement interviewé Marco, un vieillard fort dynamique, bavard et imbu de lui-même, criant à l’injustice parce qu’il aurait combattu pour une juste cause.
D’après Tzvetan Todorov :
« [Les victimes] n’ont pas à essayer de comprendre leurs bourreaux, disait Todorov, parce que la compréhension implique une identification avec eux, si partielle et provisoire qu’elle soit, et cela peut entraîner l’anéantissement de soi-même. Mais nous, les autres, nous ne pouvons pas faire l’économie de l’effort consistant à comprendre le mal, surtout le mal extrême, parce que, et c’était la conclusion de Todorov, “comprendre le mal ne signifie pas le justifier mais se doter des moyens pour empêcher son retour”. »

Militant anarcho-syndicaliste, Marco aurait combattu dans les rangs de la République, et Cercas analyse le « processus d’invention rétrospective de sa biographie glorieuse » chez ce dernier.
« Et je me suis dit, encore une fois, que tout grand mensonge se fabrique avec de petites vérités, en est pétri. Mais j’ai aussi pensé que, malgré la vérité documentée et imprévue qui venait de surgir, la plus grande partie de l’aventure guerrière de Marco était un mensonge, une invention de plus de son égocentrisme et de son insatiable désir de notoriété. »

Cercas ne ménage pas les redites, procédé (didactique ?) un peu lassant.
« Parce que le passé ne passe jamais, il n’est même pas le passé – c’est Faulkner qui l’a dit ; le passé n’est qu’une dimension du présent. »

« Mais nous savons déjà qu’on n’arrive pas à dépasser le passé ou qu’il est très difficile de le faire, que le passé ne passe jamais, qu’il n’est même pas le passé – c’est Faulkner qui l’a dit –, qu’il n’est qu’une dimension du présent. »

« La raison essentielle a été sa découverte du pouvoir du passé : il a découvert que le passé ne passe jamais ou que, du moins, son passé à lui et celui de son pays n’étaient pas passés, et il a découvert que celui qui a la maîtrise du passé a celle du présent et celle de l’avenir ; ainsi, en plus de changer de nouveau et radicalement tout ce qu’il avait changé pendant sa première grande réinvention (son métier, sa ville, sa femme, sa famille, jusqu’à son nom), il a également décidé de changer son passé. »

Cercas évoque De sang-froid de Truman Capote et L’Adversaire d’Emmanuel Carrère, deux « chefs-d’œuvre » du « roman sans fiction » dont il juge le premier auteur atteint de « turpitude » pour avoir laissé espérer tout en souhaitant leur exécution les deux meurtriers condamnés à mort, et doute du procédé du second, présent à la première personne dans son récit peut-être pour se donner une légitimité morale fallacieuse.
Intéressantes questions du kitch du narcissique, et du mensonge (peut-il être légitime ? un roman est-il mensonge ?)
« Il y a deux mille quatre cents ans, Gorgias, cité par Plutarque, l’a dit de façon indépassable : “La poésie [c’est-à-dire, la fiction] est une tromperie où celui qui trompe est plus honnête que celui qui ne trompe pas et où celui qui se laisse tromper est plus sage que celui qui ne se laisse pas tromper.” »

En fait de déportation, Marco a été travailleur volontaire en Allemagne fin 1941, et emprisonné au bout de trois mois comme « volontaire communiste ». Revenu en Espagne, il a effectivement connu « les prisons franquistes, non comme prisonnier politique mais comme détenu de droit commun. » Il abandonne ses premiers femme et enfants, change de nom pour refaire sa vie (grand lecteur autodidacte, il suit des cours universitaires d’histoire) – et devenir le secrétaire général de la CNT, le syndicat anarchiste, puis président de l’Amicale de Mauthausen, l’association des anciens déportés espagnols. Il a toujours été un séducteur, un amuseur, un bouffon qui veut plus que tout qu’on l’aime et qu’on l’admire.
« …] de même, certaines qualités personnelles l’ont beaucoup aidé : ses dons exceptionnels d’orateur, son activisme frénétique, ses talents extraordinaires de comédien et son manque de convictions politiques sérieuses – en réalité, l’objectif principal de Marco était de faire la une et satisfaire ainsi sa médiapathie, son besoin d’être aimé et admiré et son désir d’être en toute occasion la vedette – de sorte qu’un jour il pouvait dire une chose et le lendemain son contraire, et surtout il pouvait dire aux uns et aux autres ce qu’ils voulaient entendre. »

« Le résultat du mélange d’une vérité et d’un mensonge est toujours un mensonge, sauf dans les romans où c’est une vérité. »

« Marco a fait un roman de sa vie. C’est pourquoi il nous paraît horrible : parce qu’il n’a pas accepté d’être ce qu’il était et qu’il a eu l’audace et l’insolence de s’inventer à coups de mensonges ; parce que les mensonges ne conviennent pas du tout à la vie, même s’ils conviennent très bien aux romans. Dans tous les romans, bien entendu, sauf dans un roman sans fiction ou dans un récit réel. Dans tous les livres, sauf dans celui-ci. »

Après la Transition de la dictature franquiste à la démocratie, la génération qui n’avait pas connu la guerre civile a plébiscité le concept de “mémoire historique”, qui devait reconnaître le statut des victimes.
« La démocratie espagnole s’est construite sur un grand mensonge, ou plutôt sur une longue série de petits mensonges individuels, parce que, et Marco le savait mieux que quiconque, dans la transition de la dictature à la démocratie, énormément de gens se sont construit un passé fictif, mentant sur le passé véritable ou le maquillant ou l’embellissant [… »

Cercas raconte ensuite comment l’historien Benito Bermejo a découvert l’imposture de Marco, alors devenu un héros national, et s’est résolu à la rendre publique (c’est loin d’être la seule du même genre). Marco tente depuis de se justifier par son réel travail de défense de la cause mémorielle. Cercas décrit ses rapports avec Marco partagé entre le désir d’être le personnage de son livre, et le dépit de ne pas pouvoir contrôler ce dernier.
« — S’il te plaît, laisse-moi quelque chose. »

Opiniâtre quant à la recherche de la vérité, outre ses pensées Cercas détaille son ressenti, qui va du dégoût initial à une certaine sympathie ; "donquichottesque", il pense même un temps à sauver Marco non pas en le réhabilitant, mais en le plaçant devant la vérité…
Manifestement basée sur une abondante documentation, cette étude approfondie, fouillée dans toutes ses ramifications tant historiques que psychologiques ou morales, évoque aussi le rôle de la fiction comme expression de la vérité.

\Mots-clés : #biographie #campsconcentration #devoirdememoire #ecriture #guerredespagne #historique #politique #psychologique #xxesiecle
par Tristram
le Mar 17 Oct - 12:34
 
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Sujet: Javier Cercas
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Claude Simon

Le Palace

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D’abord l’« Inventaire » détaillé d’une chambre de palace occupée par cinq combattants (« le maître d’école, l’Italien, le chauve, l’Américain » et « l'étudiant ») ; superbe description des pigeons alentour (qui seront récurrents dans tout le livre, et que le vol inaugural clora). Puis, quinze ans plus tard, l'étudiant est de nouveau sur les lieux, et se remémore cette attente.
Chapitre suivant, l'étudiant voyage en train avec « l’homme-fusil », l’Italien qui lui raconte, s’aidant d’un croquis précis de la scène (avec porte-tambour et paravent), l’assassinat politique qu’il a commis dans un restaurant.
Chapitre III, passent devant le palace réquisitionné les funérailles d’une personnalité, « Patrocle ».
Chapitre IV, insomnie de l’étudiant dans la chaleur ; il voudrait voir l’Américain, mais celui-ci est avec une femme ; endormi, il manque le passage de quelqu’un.
Chapitre V et dernier, l’Américain serait parti sur le front, sans le revoir.
Titres de journaux, morceaux d’affiches, et un leitmotiv (avec la puanteur) : « ¿ QUIEN HA MUERTO ? » Des phrases commencées à la fin d’un chapitre continuent dans le suivant, peut-être en calque de certains glissements d’une situation à l’autre ; les énumérations sont fréquentes, qui accentuent la peinture des faits et du lieu, souvent géométrique (caractéristique du Nouveau Roman dans son souci de la description factuelle, terre à terre).
D’après Wikipédia, « l’Américain » serait le George Orwell de Hommage à la Catalogne (c’est assez plausible à la lecture, on y pense vite ; ce livre serait donc une sorte de roman à clef, et alors un appareil critique l’explicitant serait sans doute bienvenu) ; Claude Simon étant à Barcelone en 1936, on peut sans doute le reconnaître dans le personnage de l’étudiant assez égaré dans la guerre d’Espagne, qui a piètre opinion de lui-même et semble se regarder réagir. Sourdent les convictions du narrateur (et/ou auteur) que paraît être cet étudiant : révolte contre la condition des pauvres, le clergé et les militaires, etc. Les hésitations de la voix narrative du récit, cherchant parfois les mots pour s’exprimer, étayent cette hypothèse d’un effort de reconstruction mémorielle.
Difficile de citer un extrait, tant la phrase gigogne est délicate à disséquer.
« …] prenant conscience du temps qui s’était écoulé depuis qu’il était là, c’est-à-dire de cette progression bizarre et saccadée, discontinue, du temps fait apparemment d’une succession de (comment les appeler ?) fragments solidifiés [… »

Savoureux complément, qui pourra rasséréner les augustes impubliés : https://www.radiofrance.fr/franceinter/un-canular-litteraire-qui-en-dit-long-1714240

\Mots-clés : #guerredespagne #nouveauroman
par Tristram
le Sam 2 Sep - 16:32
 
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Sujet: Claude Simon
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José Carlos Llop

Le Rapport Stein

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Guillermo Stein est jugé « bizarre » par Palou, le capitaine de la classe du narrateur, Pablo, lorsqu’il rejoint leur collège jésuite en milieu d’année scolaire. C’est leur condisciple Planas, « spécialiste de la Deuxième Guerre mondiale », qui enquête et « rédige le rapport » sur le mystérieux Stein.
Le ton du récit est celui d’un élève qui s’applique à raconter clairement, un peu scolaire, expliquant les faits sans éviter les répétitions – ce qui n’empêche pas le style d’être excellent :
« J’étais en train de regarder des cartes de visite du père de Stein ; sur l’une, on pouvait lire Boris Negresco, Avocat ; sur une autre, Boris IV, Roi de Galicie. Les cartes de visite du père de Stein m’avaient plongé dans la stupéfaction et je me demandais si ce n’était pas un faussaire recherché par différentes polices étrangères, je pensais à mes grands-parents qui disaient que lorsque des gens habitaient extra-muros c’était qu’ils avaient quelque chose à cacher, lorsque Paula Stein apparut dans le bureau du père de Stein, souriante et entièrement nue. »

C’est une belle histoire d’enfance un peu triste (Pablo est élevé par ses grands-parents, tandis que ses parents sont au loin ; les professeurs sont souvent autoritaires, voire méchants, dans une ambiance militaire et xénophobe), mais où sourdent des allusions à des fascistes, des guerres, et des non-dits. Et, de fait…
« Mon garçon, le monde des adultes est dégoûtant. »

Cette novella m’a beaucoup plu (bien que je ne sois pas fan du thème de l’enfance, mais sensible à sa forme), et ramentu le Vargas Llosa de La ville et les chiens, voire le Musil de Les Désarrois de l'élève Törless.

\Mots-clés : #enfance #guerredespagne #regimeautoritaire
par Tristram
le Mer 27 Avr - 12:20
 
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Ramón Sender

Le Roi et la Reine

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Étrange huis-clos dans une Espagne en pleine guerre civile, dont les échos ― bruit de canons, lot de misères, d’atrocités ― sont tout proches. De quoi rendre plus pesante, plus inquiétante, l’atmosphère de confinement dans laquelle sont plongés le château et ses résidents. Principalement Romulo et la duchesse pour qui il travaillait avant que les événements historiques bouleversent l’organisation du domaine, dont la relation entre ces deux personnages. C’est ce retournement de situation que j’ai préféré dans le roman, il maintient une ambiguïté ― parfois comique ― jusqu’à la fin. Mais elle finit par perdre de la force, ou disons plutôt que Ramon J. Sender s’intéresse à autre chose. Le profil des personnages n’a rien d’étonnant : un jardinier plutôt simple (quoique), son épouse gentille, une duchesse cynique et hautaine, un nain hargneux et mesquin, mais en dépit de tout cela leurs attitudes sont parfois difficiles à interpréter, et on doute assez souvent s’ils sont sain d’esprit ou en plein délire. La menace (de la guerre entre autres) s’agite comme un fantôme autour du château, on se croit dans un conte gothique. Mais voilà, après le retournement de situation dont j’ai parlé, tout est relativement attendu, il ne reste que l’ambiance qui, si lourde fut-elle, ne donne pas suffisamment de consistance au récit.


Mots-clés : #guerredespagne
par Dreep
le Lun 17 Aoû - 11:48
 
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Lluís Llach

Lluís Llach
Né en 1948

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Lluís Llach i Grande, né le 7 mai 1948 à Gérone (Catalogne), est un chanteur et romancier catalan. Il est une des figures de proue du combat pour la culture catalane contre le franquisme. En 1965, il rejoint le groupe Els Setze Jutges. Du fait de cet engagement qui l'a conduit à l'exil, il est considéré en Catalogne comme une référence non seulement musicale mais également morale. Sa chanson L'Estaca (le pieu) est devenu un véritable hymne libertaire catalan. Aux élections de 2015 au parlement de Catalogne, il conduit la coalition indépendantiste Junts pel Sí dans la circonscription de Gérone. Il devient député au parlement de Catalogne de 2015 à 2017. Il préside de 2018 à 2019 le Conseil consultatif pour la promotion d'un forum civique et social pour le débat constituant.


Bibliographie

Les Yeux Fardés, 2012
Les Femmes de la Principal, 2014
Le Théâtre des merveilles, 2017

Discographie
Spoiler:




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Les yeux fardés

Un jeune réalisateur en mal d'idées vient écouter l'histoire d'un vieil homme aux yeux outrageusement fardés. Ce roman est constitué d'un court prologue suivi des vingt-quatre enregistrements de Germinal Massagué, qui raconte pour l'essentiel sa jeunesse pendant la guerre civile. Pour son premier roman, l'auteur fait preuve d'un certain sens du rythme et de la composition : chacun de ces enregistrements se focalise sur une étape majeure de la formation du narrateur, sans fausse note ni baisse de régime. L'écriture est rapide, les phrases brutes, mal dégrossies, car Lluís Llach se refuse à toute joliesse. Et l'on se rend compte, bientôt, que sa manière ne manque nullement de vigueur, d'efficacité ni de délicatesse.

Si l'on en croit le narrateur, c'est une histoire d'amour qui va nous être racontée. Mais le contexte politique de la guerre civile, le combat des gauches contre le fascisme prennent rapidement le dessus : le singulier ne peut se défaire du collectif, l'histoire d'amour et l'histoire espagnole sont indissociables l'une de l'autre. Il s'agit d'une trajectoire individuelle au milieu de la tragédie collective, une plongée dans la guerre civile à hauteur d'homme, qui la rend pleinement sensible. Il est singulier qu'un si vieil homme, racontant ses années de formation, puisse ressusciter sa jeunesse avec tant de chair, de nerfs, d'appétits; qu'il recrée enfin ces années d'étourdissements euphoriques, de pulsions vitales et de traumatismes avec une pareille acuité. Le récit trouve son équilibre entre la plongée immersive par laquelle Germinal revit les événements de sa jeunesse, et la prise de distance qui intervient de loin en loin, rythmées par les adresses au réalisateur, qui lui permettent l'analyse rétrospective et la contextualisation de ce que la jeune génération ignore de l'ancienne. Par ailleurs, c'est un livre à double face : une incarnation des élans et des frissons de la chair, mais également une peinture de la destruction; un éloge de l'humanisme et de l'effervescence intellectuelle de cette époque presque mythologique, des aspirations politiques et sociales de tout un peuple, mais aussi un chant funéraire et le récit d'un naufrage; en somme, un conte d'amour qui devient un conte de folie et de mort. Parallèlement à cette trame se noue une discrète histoire d'amitié hors champ, entre Germinal et le réalisateur silencieux, que l'on comprend à demi-mot.

Comme je l'ai dit, ce roman est formé d'entretiens qui peut-être serviront de base à un scénario de film. Ainsi, bien qu'il ne puisse être réduit à un simple matériau de travail pour le cinéma, ce roman forme-t-il un appel aux arts visuels. Chaque adresse au réalisateur nous rappelle la raison de ce récit, et nous incite à le transposer au cinéma. Et de même pouvons-nous envisager le personnage du cinéaste comme un avatar du lecteur, et son film en germe comme une métaphore de l'activité imageante de la lecture littéraire.
En revanche, s'il fait son film, le personnage du cinéaste ne se contentera certainement pas d'animer l'histoire qu'il a entendue. Ce n'est pas un documentariste, c'est un réalisateur de fiction : sans nul doute, en se l'incorporant, fera-t-il de cette histoire quelque chose d'entièrement nouveau (avec des personnages, des lieux et une trame tout autres). Et ainsi devrait faire le cinéaste qui voudrait adapter Les yeux fardés : réaliser le film qu'est venu chercher le réalisateur fictif dans l'histoire de Germinal Massagué.


Mots-clés : #amour #erotisme #guerredespagne #identitesexuelle #jeunesse #xxesiecle
par Quasimodo
le Mer 12 Fév - 21:16
 
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Sujet: Lluís Llach
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Juan Goytisolo

Pièces d’identité

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Premier volume de la trilogie Álvaro Mendiola, comme ne l’annonce pas l’éditeur. À propos de ce dernier, il faut signaler que de trop nombreuses coquilles altèrent le texte...

Barcelone, 1963 : le personnage principal, Álvaro Mendiola, 32 ans, est rentré en 1961 dans sa ville natale après un exil de dix ans à Paris. Il est à la recherche de son identité et de celle de son pays, principalement en se plongeant dans le passé. La « tribu » espagnole (terme rimbaldien ?) c’est une longue histoire de misère jusqu’au franquisme issu de la guerre civile, soit 25 ans de « paix » depuis, et l’examen qu’il fait de sa patrie déchue n’est pas complaisant…
« Sol barbare et stérile, combien de générations vas-tu encore frustrer ? »

« Plusieurs années se sont écoulées depuis cette époque, et si Hier s’en fut, Demain n’est pas venu. »

De retour d’exil comme au sortir d’une parenthèse de son existence, une suspension de la vie, Álvaro parcourt en mentales allées et venues remémoratrices (voire ramentevantes) photos de famille et cimetières, avec un sentiment de vague culpabilité.
« (Un de tes premiers souvenirs d’enfance ‒ ou était-ce une création tardive de ton imagination fondée sur une anecdote souvent racontée en famille ? ‒ [… »

C’est notamment l’occasion de narrer l’histoire emblématique du barrage d’Yeste, et le massacre des gardes civils en parallèle avec l’encierro tauromachique.
Méfiance rurale (souvent justifiée) :
« Le pouvoir central continuait à se manifester exclusivement sous forme d’ordres et d’anathèmes, et, comme par hasard, l’intérêt des uns et des autres tournait toujours au profit des caciques. »

Il y a aussi chez Álvaro une volonté de témoigner des faits et personnes dont il ne restera rien à sa disparition (il évoque ainsi ses amis, Sergio puis Antonio).
« …] sans profession connue ‒ car ce n’est ni un office ni une profession, mais un supplice et un châtiment que vivre, voir, noter, décrire tout ce qui se passe dans ta patrie ‒ [… »

« …] ‒ faudrait-il donc qu’ils meurent tous sans savoir quand sonnerait leur heure, unique raison de leur venue au monde, la possibilité conquise un jour et vite arrachée, d’être, de vivre, de se proclamer, simplement des hommes ? ‒ [… »

Image forte du chassé-croisé des touristes européens et des exilés ou émigrés espagnols. D’ailleurs amer constat du passage de l’indigence à « se mercantiliser, se prostituer » dans le tourisme :
« La modernisation était arrivée, étrangère à la morale et à la justice, et l’essor économique menaçait d’anesthésier pour toujours un peuple non encore réveillé, au bout de vingt-cinq ans, du long et lourd sommeil où il était resté en léthargie depuis la déroute militaire lors de la guerre. »

Le tableau des expatriés germanopratins n’est pas moins critique, voire sarcastique, que celui des intellectuels et diverses factions politiques ressortissant de près ou de loin à la République.
Viennent ensuite les belles pages sur l’amour, celui d’Álvaro pour Dolores avec qui il vit depuis dix ans.
De grandes similitudes biographiques sont évidentes entre Álvaro et l’auteur.
La langue est volontiers soutenue, alternant les registres selon les séquences, réflexions cérébrales et mélancoliques, aperçus populaires, comptes-rendus de filature des activistes clandestins, les discours officiels de la dictature rendus avec emphase et sans ponctuation (dès dans l’incipit).
Un vrai bel écrivain.
Je pense que cet ouvrage (ou l’auteur en général) pourrait plaire à Bédoulène, à Quasimodo, à Topocl et Armor, ou encore ArenSor ; mais il est vrai que les livres de Goytisolo sont difficiles à trouver…

Mots-clés : #devoirdememoire #exil #guerredespagne #identite #xxesiecle
par Tristram
le Mer 7 Aoû - 14:31
 
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Sujet: Juan Goytisolo
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Serge Mestre

Les plages du silence

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Le narrateur raconte la quête de celui qu’il nomme « le garçon » à la recherche du jeune homme que fut   son père Manu, l’un des Républicains qui attendra sur la plage d’Argelès-sur-Mer, l’ouverture de la porte sur la France en 1939, sur un exil  que l’on a appelé la « retirada ».

Réfugié en France Manu ne racontera jamais « sa » guerre, il ne parlera que de ce qui ne le concerne pas directement, sauf à laisser échapper , parfois un nom, un lieu, un évènement qui n’ expliqueront rien et entretiendront l’envie pour le garçon, de savoir ce que sont les trous, dans ce passé qui est tue, de ce passé qui dans ce présent fait qu’il vit sur deux langues, l’espagnol et le français.

Manu après avoir été blessé au pied à  Porto Cristo sera amputé à plusieurs reprises, par morceaux, pourrait-on dire et sera obligé de porter une prothèse.

A la mort de Manu, le garçon partira en Espagne sur les traces de son père, mais c’est plus pour ne pas perdre son père une deuxième fois, pour continuer à être auprès de lui dans cette Espagne qu’ il ne connait que par la voix et les yeux de son père.  Découvrir cette mémoire, ces souvenirs qui lui manquent. Cette quête restera inaboutie, mais c’est  être encore aux côtés de son père. C’est dire combien il l’aimait Manu,  cet homme secret, combien il aimait son père.

Le garçon écrit sur ses moleskines, le journal des souvenirs de Manu !

« J’aurais dû le savoir : la mémoire est tout simplement errance. Je ne suis pas de nulle part, pas d’ici non plus, je suis de la page de ces carnets à travers lesquels je continue à fouiller les traces de ton absence, écrivait le garçon, de ce passé qui se dérobe, me transforme en calque imparfait de moi-même, me lègue un corps indédit dont je ne suis toujours pas parvenu à toucher la jambe manquante. »

***
J’ ai lu plusieurs livres, des autobiographies notamment,  sur la guerre d’Espagne, donc le volet histoire m'était connu (bien que toujours il faille se pencher dessus) donc  c’est surtout cette quête de mémoire qui m’a intéressée.  Ce garçon qui toute sa vie, était attentif à son père mais qui n’a jamais su, ou si peu de son passé en Espagne, de ce que fut « sa » guerre ce qu'était son enfance, sa vie dans ce pays dont lui ne connaissait que la langue.  Ce père avec qui il se tenait à la fenêtre tous les soirs et qui lui signalait dans le ciel les clignotements de l’avion Paris/Barcelone.

Extraits :

« La mémoire, c’est la répétition interprétée »

Dans le camp d’Argelès : « De nombreux réfugiés ne parvenaient pas à réprimer leurs larmes, le froid glaçait tout, autour d’eux. Surtout  ne pas geler entendait-on. Nous nous en sortirons Manu ! renchérissait-on. Où les réfugiés prenaient-ils la force qui les poussait encore à plaisanter ? Sur une jambe, il n’y a qu’un pied qui se congèle ! »

« Aujourd’hui Manu peu m’importe de savoir ce qui s’est réellement passé en Espagne, pour toi, dans les années trente du siècle passé. Ma vie s’est réglée sur le mouvement de ton absence. Le tempo de ta mort a laissé place à de nouvelles tempêtes dans cette tête en désordre qui te survit. Il m’arrive parfois d’entendre siffler ton accent dans la cuisine, le dimanche. »


Une chose m’interpelle, ce garçon est-ce l’auteur ?
Dans la note liminaire à la réédition  Serge Mestre dit : « éternel  petit soldat, pour le nourrir de mes émois d’aujourd’hui, pour le compléter également du prénom de l’épouse de Manu, ma mère désormais disparue. »


Mots-clés : #exil #guerredespagne #relationenfantparent
par Bédoulène
le Mer 1 Mai - 17:24
 
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Sujet: Serge Mestre
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Russell Banks

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La Réserve


« La Réserve », c’est un lieu de villégiature, perdu dans les Adirondaks, un lieu majestueux, au nord-est de l'État de New York. Les habitants des maisons, des chalets luxueux, perdues au fond de cette végétation luxuriante et montagneuse sont des riches, parmi les plus riches, des New-Yorkais entre autres. Ce lieu est tellement préservé qu’il est gardé, balisé, entouré d’une garde armée. Comme une sorte de cité idéale.

Parmi ces riches, la famille Cole dont la maison est au bord du lac, vient y passer des mois, le père est un médecin de renom. La fille, Vanessa Cole, fille adoptive, se plaît dans ce lieu de refuge. Séduisante et séductrice, elle sait y faire pour attirer les hommes dans ses rets. Mais en même temps elle est considérée comme une foldingue, et surtout par sa mère qui rêve de la faire interner et envisage sérieusement de le faire, c’est une réalité.

Le peintre Jordan Groves, ami du père, vient de temps à autre, avec son petit avion, rendre visite à la famille. Il est vite repéré par les gardes, et on n’aime pas les intrus qui sont vite renvoyés d'où ils viennent. Il se laisse séduire par la belle et élégante Vanessa et se rendra de plus en plus souvent à la Réserve après la mort du père, le Dr Cole.

Jordan Groves, qui vit hors de la Réserve, suffisamment loin pour y venir en avion, un biplan qui peut se poser (en douce) sur le lac, est marié avec une belle femme, discrète, une sorte de femme idéale et à laquelle il tient, a deux fils et sa vie rangée va être pas mal chahutée. Rien à faire, il a besoin de retourner à la Réserve car quelque chose se passe entre ces deux-là !
Et puis la jalousie qu’il ressent lorsqu’il a la surprise de voir que Vanessa se rend chez le jardinier et homme à tout faire de la Réserve, un homme canon physiquement, est une émulation. Il veut Vanessa Cole.

La mère de Vanessa, Evelyn Cole, de son côté, femme riche et éprise d'argent, confisque celui qui doit revenir à Vanessa à la mort du père, malgré un testament. Elle aimerait mettre sa fille sous tutelle, et pire encore, la faire interner en Suisse, d'ailleurs les contacts sont déjà pris.

Mais la terrible Vanessa Cole est-elle réellement folle ? Et aura-t-elle le choix ? En tout cas elle n'a pas l'intention de se laisser faire par sa mère, et elle va le lui montrer. On entre dans un univers un peu pervers et perverti, où se côtoient la beauté et la noirceur, le meilleur et le pire de la laideur.

Chaque chapitre de ce livre commence par des « flashs » de ce qui adviendra plus tard, on voit évoluer tous ces personnages dans l'avenir, et la guerre d’Espagne gronde et bombarde. La vie change. Même pour les riches.

C’est mon premier Russel Banks, j’y ai pris du plaisir, et parfois mon avis était mitigé, mais avis aux amateurs de Russel Banks ! C'est pour vous !


mots-clés : #amour #famille #guerredespagne #lieu #pathologie
par Barcarole
le Mer 9 Jan - 19:01
 
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Sujet: Russell Banks
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Javier Cercas

Le monarque des ombres

Tag guerredespagne sur Des Choses à lire 51bt-t10

Longtemps Javier Cercas a voulu ne pas écrire sur Manuel Mena, ce grand-oncle phalangiste mort à 19 ans dans la bataille de l'Ebre, resté le héros d'une famille dont Cercas ne partage pas les idées. C'était pour lui une honte, cet héritage familiale. Mais il s'est cependant attaché à réunir des témoignages, a compulsé des archives et peu à peu l'oncle a pris chair, et mené Cercas à une réflexion nouvelle sur sa famille et sur l'Espagne en général, sur les héros morts pour des idées, qu'elles soient bonnes ou mauvaises, et sur la nécessité d'écrire dessus.

Cercas rapporte donc finalement l'histoire de cet oncle, alternativement historien objectif et écrivain en quête de sens. Et il se montre à l’œuvre dans sa démarche jouant avec un humour, parfois lourdingue sur opposition, historien/littérateur.

Tout cela est a priori bien intéressant, Mais Cercas caricature ici sa propension à s'interroger et tourner en rond, tergiverser, y revenir et encore . Sans compter  les fastidieux rapports de bataille, je me suis embourbée  dans la prose  pesante de Cercas, qui prend plaisir à se rouler dans les méandres complexes de ses interrogations, gavant le lecteur d'un propos répétitif et redondant, dont églantine 'n’avait pas manqué de nous faire part.

églantine a écrit:J'ai abandonné le dernier de Javier Cercas à la moitié , Le monarque des ombres .
Euh .
Bon son écriture journalistique  un peu" brouillonnée "redondante de L'imposteur m'avait quand même un peu ennuyée malgré le vif intérêt que j'ai eu pour le sujet , mais là ça ne passe plus .
Le sujet était aussi très pertinent cette fois : enquêter dans sa propre famille pour comprendre comment un être "normal " a pu basculer du mauvais côté de l'histoire . Soucieux de rester neutre et factuel dans son rapport d'enquête , il n'a de cesse de scander sa position . Une remontée historique au sein de la montée du franquisme à travers un exemple parmi tant d'autres mais le touchant personnellement  afin de proposer une forme de résilience au peuple espagnol , c'est louable mais Javier Cercas complique les choses , se vautre dans son écriture reconnaissable ...à son besoin d'alourdir , dans une absence de style , dans une forme hybride , ni fiction ni essai , indigeste .


C'est à regret  car la réflexion, quoique tortueuse,   pourrait être passionnante, et le personnage est, on s'en rend compte en même temps que l'auteur, plus complexe qu'il n'y paraît.

Mots-clés : #autofiction #culpabilité #guerredespagne #historique
par topocl
le Lun 12 Nov - 20:30
 
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Sujet: Javier Cercas
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Lydie Salvayre

Je demande pardon pour ce commentaire beaucoup trop longue, mais je ne savais pas quoi couper...:

Lydie Salvayre – Pas pleurer

Tag guerredespagne sur Des Choses à lire Pas-pl10


REMARQUES :
La narratrice raconte à partir des souvenirs et récits de sa mère de 90 ans, en l’an 2011. Sa mère, Montse, a quasimment tout oublié de ce qui s’est passé à partir d’un certain moment, mais de l’été 1936, elle se rappelle à merveille et enthousiasme, peut-être les semaines les plus marquantes de sa vie. Ayant grandi dans un village de la Catalogne, il vit les événements de cet été : la république de quelques années souffre et peine. Et peut-être le lecteur, tout comme moi, découvre avec un peu d’étonnement que les événements, les protagnistes, les partis impliqués étaient plus compliqués comme on ne pensait. Alors l’écrivain ne va pas écrire un « épos » de toute la guerre civile, mais la description de la vie de sa mère, sa famille, son mari, leur village, l’escapade de courte durée vers la ville voisine, marquée par des forces libertaires, anarchiques, animée d’une euphorie sans nom – tout cela va exemplairement parler des multitudes des attitudes et de vécus possibles.

Alors le roman (ou est-ce un récit?) va parler des pauvres paysans et des proprietaires plus prospères ; d’une pieté bigotte ou vieille ici (dans la personne d’une tante de Diego, personnage terrible), et d’une forme de haine et de refus des riches et de la hierarchie ecclesiastique (soutenant l’ordre sociétale existant) par certains pauvres, plus ou moins politisés. Certains alors appartiennent au PC qui de par son association avec l’ordre et aussi l’URSS fait d’abord peur. Diego, homme adopté (ou plus que ça?) par un couple plus aisé, Don Jaime et Dona Sol, appartient justement au Parti. Plus tard il deviendra « maire » du village et aussi, après maintes péripéties, le mari de Montse. Mais celle-ci était plutôt proche de son frère José, son ami Juan, qui sont mus par les idéaux libertaires et anarchiques d’un Bakounine.  C’est avec eux que Montse, née en 1921, va aller en ville et vivre une courte période d’une euphorie incroyable dans une atmosphère de partage, de liberté... Elle ne l’oubliera jamais. Mais elle en revient enceinte, sans idée sur plus que le prénom du père français, poète et volontaire, partant pour le front après une nuit passionnelle d’amour... Après des arrangements un mariage est convenu avec Diego, qui semblait si loin...

De village en village les constellations étaient différentes. Et règnaient partout des tensions plus ou moins grandes entre les fractions, les partis, les partisans. Dans notre récit les tensions sont encore dramatisées (mais cela était probablement vrai partout...) par l’existance de celles-ci à l’intérieur d’une même famille. Là on a par ailleurs une des explications pour l’extrême gravité des combats dans une même societé, d’une guerre civile...

Cette partie est largement prédominante, mais on y trouve de temps en temps la référence à l’écrivain Georgres Bernanos qui vivaient à l’époque déjà depuis quelques années à Palma/Mallorque. Lui qui étaient de par son éducation peut-être plutôt porté vers une foi catholique plus traditionnelle, et qui avait même un fils engagés au début (il lâchera dans la suite) chez les phalangistes, va connaître une conversion de plus en plus aigue vers une expression forte de ses observation sur les massacres perpetrés sur l’île. Il s’y montre rapporteur de ces massacres, largement tus à l’époque, ET un attaqueur sans relâche de la lâcheté et la prise de position redoutable et compremettante de l’église catholique, au moins dans une très large partie de son episcopat. Il écrivait alors un pamphlet « Les cimitières sous la lune » (il faisait par là allusion aux éxecutions nocturnes) virulent, clair, sans compromis.

De coté chrétien, c’est quasiment lui-seul qui trouve la grâce dans les yeux de Salvayre qui se concentre sur l’hierarchie, pensant peut-être que c’est le tout de l’église … ?! Et elle a certainement raison : ce qui s’est passé comme cecité, unilaterisme, prise de position inacceptable est detestable et triste. Peut-être Salvayre ne cite pas les contre-exemples. Il me semble vrai qu’une certaine forme d’incompréhension compréhensible peut susciter de son coté un espèce de haine. Son desarroi et sa peine sont exprimés avec véhémence, aggressivement, avec de la polémique. En ceci elle ressemble un peu à Bernanos, lui-même pamphlétaire. Mais néanmoins... croyant, et s’exprimant justement comme croyant.

C’est au cours de l’oeuvre, plus tard, qu’on trouvera mentionné aussi les atrocités commises  de « l’autre coté ». C’est même ce qui fera douté José et Juan du bien fondé de leur lutte.

L’auteure utilise différentes styles, perspectifs : des parties d’un point de vue de Bernanos ; des longues passages de narration avec Montse dans la troisième personne comme protagoniste ; soit dans les narrations de sa mère même où elle raconte dans sa façon inimitable : ici apparaissent des hispanicismes, un français influencé et « massacré » par l’origine de Montse. On y trouve aussi des mots entiers, voir des phrases entières, en espagnol. Ceci peut desorienter le lecteur, malgré une certaine proximité des langues. Est-ce qu’on aurait pu mettre des notes avec les traductions ? Mais en soi je trouvais l’usage de cette forme de style intéressant, voir drôle. Connaissant certains Catalans, Espagnols vivants en France, je retrouvais leur façon de parler... Certaines phrases se terminent en suspension : il faut s’imaginer soi-même comment cela allait se terminer (pas toujours difficile).

Le livre peut bien donner à beaucoup un accès nouveau, voir insoupçonné, aux données historiques -  comme par exemple la complexité des différents partis engagés etc - autour de la Guerre civile espagnole. Il faut peut-être s’adapter à certains aspects de la langue de Salvayre, mais je la trouvais variée, vivante et innovative (en partie), jouant avec différents perspectifs et styles. A coté d’une forme d’inventaire de la situation politique par l’exemple de personnes concrètes, ce roman est aussi le témoignage d’une femme, la mère de Lydie Salvayre, qui a vécu des événements de grande portée. Comme tellement de victimes, réfugiés etc du XXème siècle.

Observation qui me venait à l’esprit: A quel point l’importance d’un laps de temps extrêmement court (ici : env une semaine dans une ville libertaire) est sans mesure par rapport à la longueur, la durée de la vie. Comme si l’essentiel, un essentiel peut se concentrer dans un minimum de temps et revêtir une influence peu soupçonné. Donc, nous faut-il de la patience dans notre vie pour atteindre ces moments cruciaux, ces instants d’accomplissements, de bonheur absolu ? Montse dira même qu’elle échangerait ces quelques jours contre le restant de sa vie...




mots-clés : #biographie #guerredespagne
par tom léo
le Sam 13 Oct - 22:40
 
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Sujet: Lydie Salvayre
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George Orwell

Tag guerredespagne sur Des Choses à lire 51h01m10

Dans le ventre de la baleine et autres essais (1931-1943)

Littérature, parcours personnel, socialisme, engagement, Guerre d'Espagne, fascisme, Angleterre, patriotisme, politique tels sont les sujets abordés dans cette sélection de textes.

Rentre dedans sans se laisser aller au tape à l’œil facile, Orwell a l'air d'un homme en... révolte plutôt qu'en colère, une révolte constante qui ne doit surtout pas exclure le choix et l'engagement, y compris physique, y compris le choix du combat. Ce qui frappe dans son exercice de la critique, car c'est surtout de ça qu'il s'agit, c'est qu'il n'hésite pas plus à relever ce qui lui plait, par exemple chez un écrivain comme Dickens, qu'à nommer ce qui ne luit plait pas. De la même manière sur le versant politique il ne se présente jamais les mains vides, il a des idées et des solutions à essayer.

Avec la touche d'humour et d'ironie qui ne manque pas de faire mouche quand il le faut on tient donc une lecture diversifiée et vivifiante. Je reconnais avoir pataugé un brin dans certaines longues tirades sur l'Angleterre et le patriotisme mais c'est assez emblématique du bonhomme et complexifie sa figure d'homme de gauche contrariant pour tout le monde. Sa défiance envers les grands mouvements politiques ne s'arrête pas à la Guerre d'Espagne et on retombe plus tard sur un jeu de vocabulaire qui laisse penser que des décennies après les occasions ratées sont toujours là.

On peut apprécier qu'il apparaisse plus normal, quoique avec une pensée aussi active... que prophète et goûter ainsi un peu plus pleinement la lucidité qui guide sa démarche. La même lucidité qui motive l'urgence quand le monde s'emballe, abandonne l'Espagne et se précipite à reculons dans notre deuxième conflit mondial.

C'est fort intéressant pour qui est sensible à cet auteur et recoupe ce qu'on apprend de lui au travers de ces romans et récits.

Quelques lignes mal ordonnées (désolé ça mérite tellement mieux) avant de laisser place à des citations/extraits.

Et une pensée pour les lectures communes de Bédou et Shanidar sur la Guerre d'Espagne et les mouvements de pensée du siècle dernier !


Mots-clés : #creationartistique #deuxiemeguerre #essai #guerredespagne #historique #social
par animal
le Jeu 26 Oct - 22:24
 
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Sujet: George Orwell
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Javier Cercas

L'Imposteur


Tag guerredespagne sur Des Choses à lire Cercas10

Ecrire la vérité vraie de celle d'un imposteur qui fut pendant des décennies sous les feux des projecteurs : d'abord dans ses rôles successifs d'antifranquiste admiré , militant anarcho-syndicaliste, parangon incontestable de l'homme héroique dans tous ses combats , mais surtout comme porte-parole des survivants espagnols de l'Holocauste ,
Ecrire la vérité par souci de rendre justice aux vraies victimes de L'holocauste ? Ecrire la vérité pour tenter de réhabiliter un homme peut-être pas si monstrueux que cela après tout ? Ecrire la vérité pour satisfaire son petit ego d'écrivain qui cherche LE sujet de son chef d'oeuvre , écrire la vérité pour rendre justice ? Et si au final il ne s'agissait pas plutôt de tuer l'imposteur pour permettre à l'homme vrai de renaitre , une écriture salvatrice en quelque sorte ?
Mais où se situe la vérité finalement ? Un roman fictif est -il moins vrai qu'un roman qui soit disant écrit la vérité ? Et pourquoi les romans fictions ont -ils autant de succès ? N'est-ce pas que ceux -ci mettent en lumière la vérité à travers une forme de mensonge ? Et toi Javier qui es-tu pour chercher à écrire l'impossible , quelle est ta légitimité dans cette histoire ? Mais est-ce la vérité que tu veux écrire ?

Tâche ardue car l'homme est complexe : Marco , l'imposteur est incernable . Et c'est bien ce qui aiguise la plume de Javier Cercas ! Décrivant avec une précision de détective ce que furent ces mois , ces années son travail de quête d'informations pour reécrire l'histoire de Marco , celle qui se cache derrière tous ses artifices et ses rôles de fieffé roublard , le vrai Marco . Au risque de .... perdre son âme comme Truman Capote après la publication de son "De sang-froid" .

Il est malin Javier Cercas : A travers cet histoire d'imposture Marco ne sera pas le seul sur la sellete . Pour qu'il y ait imposture , il faut aussi un contexte social ( y aurait -il mensonge en dehors du regard d'autrui ? Un Homme seul sur île déserte pourrait-il être un imposteur ? ) et ce contexte là ne serait pas si innocent que ça après tout puisque il a donné vie à cette imposture . Et puis , si on y regarde de plus près , ce Marco n'aurait il pas tout simplement exacerbé les petits mensonges de monsieur tout le monde , juste pour oublier qu'il n'est qu'un monsieur tout le monde , qui tente de survivre dans cette Espagne de terreur . En somme ne serait-il pas le petit menteur qui se cache en chacun de nous , juste un ...."gros poilique " exacerbé ? Et finalement L'industrie de la mémoire n'a t-elle induit le comportement de cet homme car n'est-il pas vrai que ce "devoir de mémoire" a été rattrapé par un phénomène presque "de mode" , ce qui reviendrait à dire que l'imposteur n'a que répondu à une demande inconsciente de la société du moment ?

Javier Cercas interroge Marco , , interroge l'histoire , interroge les souvenirs , interroge l'actualité et s'interroge lui et probablement le lecteur , ouvre des portes sans les refermer , et au final laissant chacun dans son libre-arbitre . Mensonge et vérité n'étant peut-être que des perceptions . Marco affabulateur invétéré mais au final peut-être plus sincère que l'opinion publique , Marco génial manipulateur sans scrupules à l'ego démesuré ou Marco victime de l'histoire de son pays qui n'a pu trouver d'autres moyens de survivre que de se réfugier dans un personnage . Javier Cercas écrivain lui aussi génial ou simplement petit bourgeois qui cherche à se donner une bonne conscience ?

Et voilà on pourrait en écrire des tartines , le sujet est sans limites mais Javier Cercas sait le faire mieux que moi !



Com rapatrié



mots-clés : #guerredespagne
par églantine
le Mar 8 Aoû - 21:05
 
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Sujet: Javier Cercas
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Georges Bernanos

Tag guerredespagne sur Des Choses à lire Bernan10

Les cimetières sous la lune

Tout d’abord il faut rappeler qui est Bernanos, français (mais avec des racines espagnoles) journaliste et écrivain ;  il se déclare monarchiste et Chrétien.  Son engagement de chrétien ne le contraindra pas dans  les reproches et accusations  vifs qu’il fait pendant la guerre d’Espagne à  l’Eglise et tout particulièrement sur l’Evêque de Majorque ; bien qu’il ait écrit « sous aucun pré-texte, je ne vou¬drais écrire un mot contre l’Eglise ».

Bernanos verra le soulèvement de Franco et l’adhésion d’un de ses fils à la Phalange avec bienveillance, car les « Rouges » sont en face, mais les tueries dont il sera témoin, l’ attitude de l’Eglise qui fournira même des prêtres pour bénir les armes et les assassins feront qu’il reviendra sur son premier élan. Il a compris que les républicains ne pourront gagner la guerre et malgré qu’il haïsse aussi le communisme il comprend la solidarité que manifeste par leur engagement les communistes français, il fustige dans la presse ceux qui leur  en font reproche.

Ce livre ne doit pas être réduit à la seule guerre d’Espagne, le champ des réflexions et propos de l’auteur est vaste, complexe. Son analyse sur les démocraties, sur les diverses révolutions en Europe, notamment en France 1789, en Russie 1917, est très argumentée.

Bernanos  s’intéresse aussi au « social » en condamnant  les misérables conditions faites aux ouvriers, paysans et aux enfants (rappel du dur travail dans les filatures) par les « Bien-Pensants », sous les yeux de l’Eglise qui détourne la tête, cette nouvelle bourgeoisie qu’il déteste.

Il dit son écoeurement quant à  la faiblesse des hommes politiques, devant les « trois éléphants » Hitler, Mussolini et Staline, qui ont sacrifié la jeunesse. Il  dénonce encore l’Eglise qui n’a pas su parler à cette jeunesse laquelle a abandonné la religion chrétienne « sans même sans apercevoir ».

Bernanos  expose les méfaits du capitalisme, bon,  je  suis d’accord mais ce qui me gêne c’est qu’à l’occasion, comme à d’autres, étant donné que nombre de financiers sont juifs, j’ai ressenti un anti-sémitisme latent « aristocrates enjuivés »  ou « …les aristocrates mâtinés de juif, qui tiennent de leur double origine les formes les plus exquises de la lèpre ou de l’épilepsie » etc..
Ses  connaissances, amis, lectures m’y confortaient (Maurras, Drumont, Brasilhac…) mais j’ai lu par ailleurs qu’il avait « rejeté l’antisémitisme de Drumont »  donc ?

C’est  en rappelant le don de sa vie par Jeanne d’Arc (pour qui la victoire était sa vie même), pour la France et en dressant ce qu’elle représente, contre Hitler que Bernanos montre son espérance en la résistance en tant que Chrétien et Français.


Ce récit est bien trop « grand » et mon commentaire bien pâle , mais je dois dire la valeur de l’écriture, des idées, même celles que je ne partage pas.
J’ai apprécié qu’il fasse parler par sa voix certains personnages, dévoilant ainsi ses sentiments. Il ne cherche pas à convaincre le lecteur ;  il use du questionnement : Que voulez-vous ?  Qu’importe ?
Comme pour dire : c’est ainsi. Il dit ce qu’il a vu, si on ne le croit pas tant pis !

Il met en opposition les idées des uns et des autres comme explication des évènements, des actions. Il maîtrise bien ses sujets, certainement sa qualité de journaliste.

Ce fut donc une première et intéressante  lecture de cet auteur.


mots-clés : #guerredespagne
par Bédoulène
le Ven 14 Juil - 18:42
 
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Sujet: Georges Bernanos
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Antoine Choplin

Le héron de Guernica

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Originale: Français, 2011

CONTENU :
Avril 1937, Guernica. Quand il n’aide pas à la ferme du vieux Julian, Basilio peint des hérons cendrés dans les marais. En ville, on dit de lui qu’il a un sacré coup de pinceau. Mais qui peut comprendre sa fascination pour ces oiseaux, l’énigme de leur regard, leur élégance hiératique, mais aussi leur vulnérabilité? Comment faire pour rendre par le pinceau la vie qui s’exprime dans le frémissement des plumes? Ce matin du 26, les premières bombes tombent sur Guernica et Basilio, avec l’aide d’Eusebio, son ami prêtre, photographie les avions allemands, pour témoigner de ce massacre. Comment rendre la vérité dans ce cadre limité de la plaque photo. « Ce qui se voit ne compte pas plus que ce qui est invisible » dit-il.

REMARQUES :
Le récit se passe pour l'essentiel à Guernica au Pays Basque, juste autour le bombardement macabre par les Allemands en Avril 1937. Il est encadré par la venue à Paris de ce jeune peintre Basilio, pour y voir – suivant l'invitation du Père Eusebio, prêtre ouvert et comprenant le jeune – le devoilement de la toile Guernice du maître, Pablo Picasso. Il apportera bien quelques peintures à lui, mais qu'est-ce qu'il en fera… ?

On rencontre en Basilio un jeune qui aurait voulu s'engager dans l'armée republicaine, mais il fût réfusé, pas pris. Donc, il continue à travailler chez le vieux fermier Julian, visite son oncle un peu infirme et fait la cour à Celestina, une jeune fille.

Mais avant tout – et c'est ici que se trouvent les sujets et les questions principaux du livre– il continue à peindre avec fidelité le héron cendré des marais d'alentour. Toujours à nouveau – et selon lui de façon inachevé et seulement s'approchant de loin des vraies impressions – il essaie à rendre par le pinceau cette sorte de dignité qui émane de l'oiseau, entre immobilité et élégance, inertie et palpitation pleine de vie et d'attention, voir même de la profondeur du regard. Ici on trouve des idées, ou faut-il dire, des thèses, des énoncés, sur l'approche artistique et sa quête quasi intemporel de peindre en justesse.

Ces scènes presque immobile du marais, mais aussi des grandes parties, dégagent une certaine douceur, une profondeur derrière l'apparence. Mais puis elles coexistent, ou se passent, en parallèle avec le déchainement de ces bombardements absurdes et destructifs : ils enlèveront des nombreuses vies… Ces passages sont durs et ne cachent rien de la violence et de la terreur. Comment alors peindre? Quel (non-)sens?! Et puis, malgré cela, ou au milieu de cela, il y a comme un combat encore d'autre chose : pour « garder nos âmes » et « avoir très envie de bien regarder les choses ». Basilio fait resistance: à sa façon!

Quel livre !


mots-clés :  #guerredespagne
par tom léo
le Dim 19 Mar - 22:10
 
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Sujet: Antoine Choplin
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Georges Bartoli

Georges Bartoli
Né en 1957

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Reporter photographe

Né en 1957 en Catalogne, Georges Bartoli a d’abord travaillé dans la presse quotidienne régionale (Midi-Libre, L’Indépendant). Il a ensuite réorienté son activité vers les problèmes de société en France et à l’étranger, en collaboration avec le journal L’Humanité, l’Agence France Presse et REA, puis avec Reuters et Maxppp. Il est actuellement photographe indépendant et ses reportages sur l’altermondialisation, le monde du travail, la Palestine ou le Venezuela, le Chili... sont diffusés sur le site Divergence-images. Il a réalisé les photographies des ouvrages Gens du Rail (Privat, 2010), Cette France là… (Goutte de sable, 2009), Retirada (Actes-Sud, 2009)…


Bibliographie :

Ce monde-là, 2002 (collectif)
La confédération paysanne, 2003 (avec José Bové)
Le train jaune, les enragés du rail, 2004 (avec Joël Mettay)
Cette France-là…, 2009 (avec Thierry Baffou)
Avec ou sans les dents : 42 histoires invraisemblables mais vraies dont un timbre fut un jour le héros…, 2009
La Retirada : Exode et exil des républicains d'Espagne, 2009
Gens du rail, 2010 (avec Didier Daennickx)
Chili, 2013
Compagnons d'utopies : Scènes de la vie du village Emmaüs Lescar-Pau, 2015 (avec Magyd Cherfi)





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La Retirada



Ce livre est l'hommage d'un fils, Georges Bartoli,  à un père et à un oncle, qui firent partie des vaincus de la guerre civile espagnole.
Et à travers eux, à tous ceux qui durent quitter leur pays devant l'avance des soldats franquistes en février 1939.
Ils s'enfuirent dans le froid, tous ceux qui le purent, même les enfants, les femmes, les vieux.

Et lorsque ils franchirent la frontière, ils furent désarmés, arrêtés par les gendarmes français et parqués dans des camps au bord de la mer pour la plupart.
Eux pensaient que la France était une terre d'accueil. Et qu'en défendant leur pays, ils combattaient le fascisme.
Mais le Front Populaire était terminé et le gouvernement Daladier, préfaçait la guerre et Vichy.

Affamés, épuisés, humiliés.
Certains furent déportés en Afrique du Nord. D'autres envoyés dans le camp de Matthausen. Oubliés tout au long de l'histoire qui suivit.
Tragédie humaine. Exil forcé. Blessures inguérissables.
Jamais la France ne reconnut ces espagnols si mal accueillis qui combattirent dans la Résistance et aux cotés du général Leclerc, dans la 2e DB.
Jusqu'à la victoire.

Georges Bartoli raconte le destin de ces exilés. Eux qui furent trompés après la guerre de 40,  alors que les Alliés leur avait promis de les aider à chasser Franco, le général putschiste.
Ils attendirent en vain, en silence. Remachant la défaite, leurs rancoeurs, leur nostalgie. Tandis que la répression de Franco dénombrait 130 000 victimes supplémentaires.
Tandis que que l' Espagne retrouvait une place aux Nations Unies.

Mais les traces sont d'autant plus vives qu'elles sont encore présentes dans les mémoires.
En Espagne même où les partisans des franquistes ont encore nombreux. Où les charniers des exécutions comptent déjà plus de 4000 victimes.
Mais les jeunes, eux, n'ont pas tous oublié, au contraire.
Et c'est un peu la revanche des vaincus.

Georges Bartoli s'est aussi chargé de rendre hommage à son oncle Josep. Lui aussi exilé et qui, dessinateur satirique de grand talent, illustra cette période tragique.
Ce sont ces images que je vais sélectionner.



mots-clés : #exil #guerredespagne
par bix_229
le Mar 31 Jan - 18:06
 
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Sujet: Georges Bartoli
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Elsa Osorio

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La capitana
"Il y a des vies qui sont des romans qu’aucun romancier n’oserait écrire par crainte d’être taxé d’invraisemblance. Mika, la Capitana d’Elsa Osorio, semble avoir eu l’habitude de se trouver à l’épicentre des convulsions qui ont secoué le monde contemporain depuis les années 30.
Mika, Micaela Feldman de Etchebéhère (1902-1992), la Capitana, a réellement vécu en Patagonie, à Paris, à Berlin, en Espagne, elle a tenu toute sa vie des carnets de notes. À partir de ces notes, des rencontres avec les gens qui l’ont connue, des recoupements de l’Histoire, Elsa Osorio transforme ce qui pourrait n’être qu’une biographie en littérature. Mika a appartenu à cette génération qui a toujours lutté pour l’égalité, la justice et la liberté. Elle est allée à Paris avec son mari pour participer au mouvement intellectuel dans les années 30, ils ont fondé la revue Que faire ?. Puis ils sont allés vivre à Berlin dont les ont chassés la montée du nazisme, ainsi que les manipulations du mouvement ouvrier par le stalinisme. Enfin ils sont allés rejoindre les milices du POUM dans la guerre civile en Espagne.
Dans des circonstances dramatiques, elle, qui ne sait rien des armes et des stratégies militaires, se retrouve à la tête d’une milice. Son charisme, son intelligence des autres, sa façon de prendre les bonnes décisions la rendent indispensable et ce sont les miliciens eux-mêmes qui la nomment capitaine. Poursuivie par les fascistes, persécutée par les staliniens, harcelée par un agent de la Guépéou, emprisonnée, elle sera sauvée par les hommes qu’elle a commandés. Elle a fini sa vie d’inlassable militante à Paris en 1992. Elsa Osorio, portée par ce personnage hors du commun, écrit un roman d’amour passionné et une quête intellectuelle exigeante en mettant en œuvre tout son savoir faire littéraire pour combler les trous de l’Histoire."

A.M. Métailié

Je n'ai pas lu le livre d'Elsa Osorio, mais les propres souvenirs de Mika Etchebehere. Je conseille la lecture des deux.
Celui de M.E. est admirable de pudeur, de sincérité et d'humilité.
Je pense que le livre de  E.O. est un hommage romanesque mais vrai à cette femme extraordinaire  et à l'ensemble de sa vie tout à fait exemplaire. B


mots-clés : #biographie #guerredespagne
par bix_229
le Mar 31 Jan - 15:20
 
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Sujet: Elsa Osorio
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Geneviève Dreyfus-Armand et Emile Témime

cette lecture était une lecture commune mais il me semble essentiel de ne pas perdre le ressenti, donc le commentaire est atypique


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"Les camps sur la plage, un exil Espagnol"

Préambule : je retiens "la mémoire par définition est sélective"
Témime étant un Enseignant de l'Université de Provence à Marseille cite les camps qui y étaient établis et dont la disparition (aucune trace) conforte la phrase

photo du camp Oddo où sont rassemblés les Arméniens 1923

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le grand camp Arenas, successivement renommé "camp Vietnam" fermé en 1948, "Enclave juive"  selon les nationalités y résidant (sic)

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Ceci est un rappel de la France terre d'accueil.

Les auteurs précisent que l'émigration politique d'Espagne est récurrente depuis l'invasion Napoléonienne.

La guerre civile Espagnole est avant tout la guerre sociale (le pronunciamento) et une révolution. Cette situation amena Franco à se soulever et s'en suivi la guerre civile, les Républicains en lutte contre le fascisme représenté par Franco et ses alliés Allemands et Italiens.

"explosion révolutionnaire ; elle s'accompagne de violences aveugles, d'exécutions sommaires, de massacres incontrôlés. Il faudra des années pour effacer les traces"

Je pense que l'on peut mettre au compte de ces exactions l' assassinat des ecclésiastiques et la destruction des monuments religieux.

La France n'était pas préparée à recevoir la masse des réfugiés Espagnols, que ce soit financièrement et matériellement. Donc le gouvernement n'offre qu' une solution inadaptée et inhumaine : les camps et les centres d'internement. Certains ne proposent aucun abri, aucune hygiène, aucun soin, ni nourriture, comme celui d'Argelès sur mer où les réfugiés Espagnols survivent sur la plage.

Dans les premiers jours, mois de nombreux Espagnols meurent, de froid, de faim, minés par les maladies.

La frontière de fils barbelés est gardée par des Spahis et des Sénégalais. Après ouverture de la frontière les réfugiés sont expédiés dans les divers camps du sud.
Certaines organisations issues du Front Populaire et certaines religieuses apportent leur aide, la majorité des français n'accueillent pas les réfugiés Espagnols selon la devise française : "liberté, Egalité, Fraternité". Ils sont méprisés, insultés, humiliés, notamment par une certaine presse et plus que les difficultés rencontrées durant l'exode ce sont les mots qui les atteignent plus durablement.

Après quelques mois, le gouvernement Français, attisé par les préfets (mandataires de la population) souhaitent que le retour des Espagnols dans leur pays soit actif, même si dans un premier temps, il interdit la force. Mais peu de pays se proposent d'accueillir les réfugiés, à part le Mexique qui ouvre largement ses frontières ; cependant la majorité des Espagnols préfèrent rester en France pour ne pas s'éloigner de leur pays, même si beaucoup ne peuvent et ne veulent vivre sous le régime franquiste.

De son côté le gouvernement de Madrid, connait aussi des difficultés matérielles à assumer un retour massif des Espagnols et de plus craint de voir le retour de trop nombreux "opposants". Il tergiverse donc.

A l'aube de la seconde guerre mondiale, la France raisonne autrement, elle voit là la possibilité de remplacement des soldats qui partent sur le front par les réfugiés ; certains seront d'ailleurs volontaires pour continuer la lutte contre le fascisme.

Outre les photos très révélatrices sur la situation des réfugiés, c'est leurs regards qui m'impressionnent.

Les Espagnols considérés indésirables ou dangereux par leur activités politiques font l'objet de mesures rigoureuses dans des camps disciplinaires, les brigadistes qui ne se sont pas vu accorder le statut de réfugié politique, se retrouvent dans ces camps (le camp du Vernet où nous retrouvons Koestler) en compagnie des Communistes Allemands et Français.

Les auteurs rappellent que les Espagnols déportés dans les camps Africains (Algérie et Tunisie) doivent supporter comme souffrance supplémentaire "le climat". Certains internés seront aussi utilisés pour main-d'oeuvre par le gouvernement de Vichy. Ces camps sont de véritables "bagnes". Ce n'est qu'avec le débarquement des Alliés que la situation s'améliorera.

Les nombreux chants et Poèmes écrits à cette période évoquent crument le quotidien des réfugiés. Je suis interpellée par celui intitulé "Dolor" "Rivesaltes (revoltijo de mujeres hispanas para pasto de Senegales) traduit par (ramassis de femmes espagnoles, pâture pour Sénégalais) ??

doit-on comprendre que les femmes sont agressées sexuellement ? (dans ce cas cela rappellerait les maroquinades en Italie)

Lors de leur arrivée à la frontière les Républicains ont été désarmés, si l'on peut comprendre que le gouvernement français ait jugé obligatoire ce retrait pour la sécurité, pour les combattants Espagnols c'était l'abandon d'un symbole, celui de leur lutte.

Les autorités françaises scandaient un "allez, allez" comminatoire et une phrase tranchante "ici vous êtes en France" !

Petit à petit, les camps sont organisés, par les soldats Espagnols sous l'autorité d'officiers Français, des ilots de personnes sont créés, des baraquements s'élèvent (construits par les soins des Espagnols), des sanitaires primitifs sont installés, mais malgré ces améliorations les maladies minent le physique et le moral des réfugiés.

Le désespoir, l'ennui sont les chemins de la folie, du suicide. Certains conscients du danger organisent des jeux, des compétitions pour occuper les internés.

Dans leur exode les Espagnols n'ont pu emporter leurs affaires, ils doivent donc se procurer le nécessaire pour survivre (produits d'hygiène, nourriture pour compléter l'insuffisance de celle accordée, vêtements...)

Des profiteurs, installent un marché noir au sein même des camps, cet endroit devient dangereux.



Même si des violences sont rapportées, il ne s'agit pas d'un fait majoritaire.

Il semble que l'ironie et l'humour que ce soit dans les "chants et poèmes" ou sur les faits, soient aussi une protection contre le désespoir.

le local disciplinaire installé à Barcarès est appelé "hippodrome" par les internés. Les "punis" sont le plus souvent accusés de propagande politique ou d'évasion, même si parfois à l'appréciation du chef de camp, des actes insignifiants sont punissables.

Toute expression politique leur étant refusée officiellement, mais l'idéal pour lequel ils ont combattu pendant 3 ans étant toujours vivace c'est grâce à la Culture qu'ils parviennent à s'exprimer.
Les intellectuels et artistes qui se retrouvent aux côtés des soldats entreprennent la conception et la diffusion de "bulletins".
On peut dire qu'un véritable service d'enseignement est mis en place. Les créations littéraires et artistiques s'expriment ouvertement ; c'est leur façon de dire, l'Espagne c'est nous !

Un réseau clandestin politique reliant les communistes internés et les communistes Français déjouent la surveillance des gardiens ; des réunions ont lieu dans les baraquements permettant de diffuser les informations extérieures, notamment une certaine presse qui leur est favorable.

La vie dans les camps exacerbe les divergences existant entre les diverses tendances politiques.

Peu à peu la vie dans les camps s'améliorent et les hommes qui sont engagés par des employeurs apprécient de sortir des camps et de gagner un peu d'argent.

Les auteurs analyse les raisons de l'oubli de ces réfugiés

Tout d'abord le désintérêt de la presse, passés les premiers jours de l'exode, puis le fait que pour le gouvernement français l'urgence c'est l'avance des troupes allemandes.

Le journal Voz de Madrid publié en france est interdit en avril 39 par les autorités françaises suite à leurs articles sur les camps et le sort des réfugiés Espagnols.

Les auteurs sont très lucides sur les raisons qui ont contribué à l'oubli des réfugiés, même après la seconde guerre mondiale alors même que nombreux sont les Espagnols qui y ont participé et ont perdu la vie.

"pour la France de la libération il y a beaucoup de honte à effacer, non seulement la défaite et la collaboration, mais tout ce qui peut ternir ou affaiblir l'image retrouvée de la France combattante et généreuse."

"La célébration de la victoire sur le fascisme, qui s'accompagne d'une sévère condamnation du régime de Franco, s'accommode mal d'un rappel trop insistant des faiblesses et des abandons de la IIIème République à l'égard de la République Espagnole et des exilés de 1939."

C'est par un décret de 1945 que la France accorde la qualité de réfugié politique aux Républicains Espagnols, leur permettant ainsi de retrouver leur liberté et leurs droits.

Le journal "l'Espagne Républicaine" fait porté la responsabilité des souffrances subies par les réfugiés sur les Franquistes ( leur ignoble propagande en France notamment qui avait signalé les Républicains comme des bandits). On ne peut pourtant pas exclure, à mon sens, la responsabilité de la majorité des Français, par indifférence, voire rejet. Même si les auteurs mentionnent pour la population française, le souvenir les luttes du Front Populaire et les conséquences de la 1ère guerre mondiale.

Suit une analyse étonnante, mais très juste de l'ouvrage de Federica Montseny qui emploie un vocabulaire d'inspiration religieuse. Ces termes se justifient dans la connaissance des terribles souffrances subies par les Républicains Espagnols.

Le retour dans leur pays est impensable : comment les Républicains se soumettraient-ils à un régime honni sans risquer de perdre leur idéal, de renier ceux qui sont tombés en son nom, de se renier, de perdre leur dignité ?

Combattre contre les Allemands c'était continuer la lutte commencée en Espagne et retrouver leur dignité.

J'aime beaucoup cette assertion :

"L'ombre de Don Quichotte flotte assurément sur l'exil Espagnol"

Je ne connaissais pas l'existence de ces camps en Afrique du nord et le peu qui nous en ai dit fait frémir. Comme fait frémir l'idée des autorités françaises de mettre, pour garder les prisonniers, des Sénégalais avec lesquels les Espagnols ne peuvent pas parler et qui n'ont aucune idée de ce que ces réfugiés ont vécu en Espagne avant d'arrivée sur les plages françaises. Perversion d'autant plus efficace que la plupart des troupes de Franco étaient composées de 'maures'... Lesquels ne rappellent donc pas de bons souvenirs aux réfugiés.

Je ne savais pas non plus, mais pour le choix des Sénégalais et des Spahis, cette explication :

" une prison à laquelle on donne quelque temps des gardiens difficilement corruptibles et totalement incompréhensifs, les troupes sénégalaises ou marocaines, plus sûres en la circonstance que n'importe quel régiment français. "


Complément trouvé sur le net à propos des Camps d'Afrique du Nord : (Université de Paris I)

" Parmi ces 10 000 exilés, débarqués en Tunisie, au Maroc et en Algérie, les trois départements français d'Alger, Constantine et Oran accueillirent 7 000 réfugiés, Oran recueillant de loin le plus grand nombre d'entre eux[[Il est intéressant de noter que dans les dossiers de l'administration française consultés aux archives le traitement des exilés espagnols s'effectue avec pour référent géographique l'Afrique du Nord bien plus souvent que l'Algérie, le Maroc ou la Tunisie."

" Peut-être plus dures qu'en France métropolitaine, les autorités d'Algérie freinent la possibilité pour les exilés de s'intégrer et de participer à la vie économique. De même, la reconnaissance de leur statut d'exilé tarde. Jusqu'en 1954, ils seront considérés comme apatrides. De fait, les autorités françaises espèrent toujours leur départ."




mots-clés : #guerredespagne #immigration
par Bédoulène
le Dim 15 Jan - 15:56
 
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Sujet: Geneviève Dreyfus-Armand et Emile Témime
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Nivaria Tejera

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Le ravin

C’est la guerre ! Les Franquistes investissent la ville de La  Laguna aux îles Canaries. Qu’est-ce pour cette fillette d’une dizaine d’années ? le bruit, les soldats qui violent sa maison, qui ennuient son chien, qui bousculent le Grand-père, cet admirable vieil homme, l’émoi de sa mère et de sa tante, et pour elle l’incompréhension dans la peur ; mais surtout la disparition de son Père !
Ce sera la nouvelle de l’incarcération de Santorio(le père journaliste Républicain), puis son internement dans un camp, lieux où la fillette lui rendra visite avec la famille, et la présence du « ravin » qui la hante,  là où l’on jette les corps des prisonniers, des Républicains « des rouges ».
Pour la fillette c’est un bouleversement du quotidien, abandon de la maison pour se réfugier dans celle du grand-père, les tickets d’alimentation pour survivre et les vilenies des autres enfants devant le dénuement visible qui la marque. Plus rien n’est comme avant, la fillette a grandi en quelques mois de plusieurs années .
Sa mère, accablée par la perte de tout, l’absence prolongée de Santorio et la  mort du petit frère, Chicho, n’assume et n’assure plus rien,  elle charge  la fillette de  trop de poids, ce qui est terrible pour un enfant.
Après la prison, le camp de concentration, un télégramme laconique annonce un exil de quarante ans sur l’île de Fer pour Santorio. C’est la fin, il ne pourra revenir, mais la fillette  se réfugie à nouveau auprès de son grand-père, avec lui elle peut laisser ses pensées, ses sentiments s’envoler.

Tout d’abord j’ai été surprise par le ton de l’écriture, cette enfant qui parlait soit avec des mots d’adulte ou au contraire avec une niaiserie pas de son âge. Je n’avais certainement pas la bonne manière d’appréhender cet étrange style. (ce n’était pas aussi le bon moment pour moi, trop occupée et donc moins sensible).

Ensuite j’ai été emportée, cette fillette qui portait trop de poids sur ses épaules m’a bouleversée. J’ai compris que ses « élucubrations » étaient pour elle une révolte et une aide à supporter le malheur.

Je l’ai accompagnée, j’ai compris aussi que les passages ambigus sur ses rapports et pensées avec son père révélaient une proche puberté et  l’éveil de sa sexualité.  

Je m’en veux un peu de n’avoir pas trouvé rapidement la porte pour entrer dans  ce récit surprenant.

et pour moi l' admirable figure du grand-père.

Ce sera une lecture qui laissera son empreinte.

Extraits :

« Quand j’étais plus petite il n’y avait pas de défilé patriotiques. La Patrie existait, mais elle était silencieuse et il n’était pas nécessaire de crier les noms des héros ; chacun connaissait son devoir et veillait sur elle. Mais ensuite il y a eu la guerre qui a fait surgir des soldats, et quand ils ont invoqué la Patrie ils se sont rendu compte qu’elle était cachée et ils ne l’ont pas trouvée, ce qui les a obligés à faire des « Mouvements » comme on fait exploser des mines. « Et le bruit des mines est terrible maintenant ; il les rend fous et  ils marchent à l’aveuglette ; d’un seul coup ils ont plongé la Patrie dans les ténèbres et nous sommes tous fichus, tous fichus », dit grand-père. Et il ajoute entre ses dents, d’une voix rauque et ferme : « Bandits, Bandits ! »
Grand-père devrait être général. »

« Un tintement dur, qui par moments faiblissait, sonnait les adieux d’un mort : puis la corde reprenait sa tranquillité. « Il n’y a plus de place où déposer tout ce fumier », disait le sonneur. Et il ajoutait : « le comble, c’est qu’il faut encore envoyer au-dessus de cette pourriture toute une harmonie céleste pour qu’elle dorme bien et ne nous tracasse pas la nuit. » Puis, tandis qu ’il continuait de tirer la corde à la manière d’un trapéziste, il conseillait à son ami de le laisser, parce qu’il en était à son troisième mort et qu’il y en avait encore huit en tout. « A croire qu’il y en a qui meurent plusieurs fois, les salauds !» ajoutait-il. »

« Je voudrais dormir mais je sais que c’est impossible. Depuis que Papa n’est plus là, maman m’oblige à coucher dans le grand lit où je les entendais autrefois, elle et papa. Avec moi dedans le lit ne s’agitera plus comme avant, ce qui provoquait ma rage, quand je vivais dans la pièce voisine. Parfois, lorsque maman dort, elle me couvre de sa jambe, ce qui me semble étrange. Elle voudrait, bien sur, que je sois papa. Ce que je voudrais qu’elle soit, moi aussi. »

« Mais quand il s’arrête devant moi et refuse de me laisser passer, j’ai beau avoir l’air de ne rien remarquer, je vois bien le mouvement de ses mains ; j’en ai la nausée et je voudrais pouvoir lui cracher au visage. Lorsque j’arrive à la maison, je tâte le bas de mon corps pour savoir ce qu’il a pu sentir. Un courant soudain me traverse, toute, mais comme je dois guetter en même temps par la fente de la porte pour voir si personne ne vient je me raidis de peur et le courant cesse. Cette sensation est plus intense encore quand je reviens de voir papa. Je pense qu’il nous a abandonnés pour toujours. »


(message récupéré)


mots-clés : #guerredespagne
par Bédoulène
le Dim 15 Jan - 15:14
 
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Antonio Muñoz Molina

Dans la grande nuit des temps

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De Munoz Molina, j'avais beaucoup aimé Sépharade et Fenêtres de Manhattan : ses phrases à rallonges, son rythme enchanteur, ses descriptions à la fois scrupuleuses et nostalgiques, ses retours en arrière, généraient une ambiance à la fois grouillante et intime, unique.

On retrouve tous ces éléments dans Dans la grande nuit des temps, énorme roman de 750 pages écrites serrées. J'en suis à la page 250, et comme depuis 50 page je me demande en soupirant si je ne vais pas arrêter, je vais en rester là, bien qu'à regret, car certains passages sont fort beaux. Mais ouvrir un livre et ne plus savoir si ce passage a déjà été lu ou  non , cela a un petit côté « écrire pour écrire » qui me lasse et me décourage

Ces 250 pages décrivent Ignazio Abel, qui monte dans un train et fuit l’ Espagne de 1936. Architecte de renom qui a réussi grâce à son opiniâtreté, mais aussi aux relations de la riche famille de sa femme, bientôt quinquagénaire, il avait cru devoir admettre le semi-échec de sa vie sentimentale auprès d'une épouse pour laquelle il n'éprouve plus qu'une tendresse fade et distante, au point d'en avoir oublié ses premiers émois. Il va être sorti de cet engourdissement tranquille par Judith, une jeune Américaine qui lui révèle que ses sens, son affectivité et son intellect méritent mieux. À la page 250 où je m'arrête donc, on en est encore là, aux premiers jours de cette nouvelle liaison, avec un sacré parfum de déjà avoir lu cette histoire mille et mille fois.

On aurait pu croire que le style si particulier de Munoz Molina aurait sauvé l'histoire, mais on se trouve finalement dans la même apathie sans affecte que le héros, dans la même lassitude découragée, pas vraiment offensée, mais totalement démotivée. L'idée annoncée par le 4e de couverture que « l'intime rencontre l'Histoire » était aussi une piste tentante, mais pour le moment, « l’Histoire » se limite à cette date de 1936, et une idée très vague de persécution puis de fuite d'Ignazio.

Munoz Molina serait-il meilleur dans des essais  descriptifs brefs que dans un roman-fleuve ambitieux ? Sans doute n’aimé-je pas  assez le style pour m'attacher à ce récit d'une minutie qui rejoint pour moi l'indigeste : aussi je ne voudrais décourager personne tant j'ai l'impression que pour certains tout au contraire le style de Molina pourrait être un cocon moelleux ou se lover, se complaire et ressentir d'étranges émotions envoûtantes.

(commentaire récupéré)


mots-clés : #exil #famille #guerredespagne
par topocl
le Sam 7 Jan - 9:59
 
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