Des Choses à lire
Visiteur occasionnel, épisodique ou régulier pourquoi ne pas pousser la porte et nous rejoindre ou seulement nous laisser un mot ?

Après tout une communauté en ligne est faite de vraies personnes, avec peut-être un peu plus de liberté dans les manières. Et plus on est de fous...


Je te prie de trouver entre mes mots le meilleur de mon âme.

Georges Brassens, Lettre à Toussenot

Des Choses à lire
Visiteur occasionnel, épisodique ou régulier pourquoi ne pas pousser la porte et nous rejoindre ou seulement nous laisser un mot ?

Après tout une communauté en ligne est faite de vraies personnes, avec peut-être un peu plus de liberté dans les manières. Et plus on est de fous...


Je te prie de trouver entre mes mots le meilleur de mon âme.

Georges Brassens, Lettre à Toussenot

-29%
Le deal à ne pas rater :
DYSON V8 Origin – Aspirateur balai sans fil
269.99 € 379.99 €
Voir le deal

Kazuo Ishiguro

Page 2 sur 3 Précédent  1, 2, 3  Suivant

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas

Kazuo Ishiguro - Page 2 Empty Re: Kazuo Ishiguro

Message par Tristram Jeu 12 Oct - 0:09

Il faut quand même reconnaître que si je n'avais pas ouvert ce fil, il n'aurait probablement pas eu le Nobel.
Les vestiges du jour, vu par Terestchenko

_________________
« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram
Tristram

Messages : 15925
Date d'inscription : 09/12/2016
Age : 68
Localisation : Guyane

  • Revenir en haut
  • Aller en bas

Kazuo Ishiguro - Page 2 Empty Re: Kazuo Ishiguro

Message par Bédoulène Jeu 12 Oct - 7:17

certainement Tristram Kazuo Ishiguro - Page 2 3933839410

_________________
“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia



[/i]
"Il n'y a pas de mauvais livres. Ce qui est mauvais c'est de les craindre." L'homme de Kiev Malamud
Bédoulène
Bédoulène

Messages : 21638
Date d'inscription : 02/12/2016
Age : 79
Localisation : En Provence

  • Revenir en haut
  • Aller en bas

Kazuo Ishiguro - Page 2 Empty Re: Kazuo Ishiguro

Message par églantine Jeu 12 Oct - 20:30

Rapatriement.

Les vestiges du jour

Kazuo Ishiguro - Page 2 18035010


Je fus absolument sous le charme de cette écriture: Ishiguro a su incarner son personnage tel un comédien de théâtre .....avec un sens du détail et de la précision faisant écho d'ailleurs à la personnalité du Majordome ! Et c'est dans cette sorte de redondance que jaillit l'éclat de cette oeuvre dans laquelle pourtant il ne se passe rien !
un fil directeur tout au long du livre : la notion de "dignité" sur laquelle ce parfait "butler" réfléchit rétrospectivement au cours d'un voyage, qui lui donne pour la première fois de sa carrière ,l'occasion unique de s'extirper de sa fonction, à laquelle il s'identifie entièrement ,et de peut-être, retrouver derrière ce masque professionnel qui semble devenu sa seule façon d'exister , sa personnalité intrinsèque .....
Dégagé de ses fonctions , avançant lentement par les routes bucoliques,les conditions seraient propices à ce changement : il n'en sera rien ....malgré quelques brèches que nous laisse deviner l'auteur ....

L'état de majordome ne laisse aucune place possible à l'affect , quel qu'il soit et ce qui surprend ,c'est que notre MR STEVENS, non seulement ne semble éprouver aucune souffrance dans ce carcan imposé par la profession ,mais au contraire, être en complète adéquation avec celui-ci !Devoir , dignité , excellence .....aucune place au" badinage"(terme largement employé dans le texte)! Et si tant est que ce "badinage" soit de temps en autre sollicité par son employeur , cela doit s'apprendre consciencieusement afin de savoir donner la meilleure répartie attendue par "Sa Seigneurie" !

Cet homme passera délibérément à côté de sa vie affective , choisissant d'être un majordome dans la volonté unique d'être dans l'excellence de ses fonctions selon les critères de l'époque sans quelques remises en question.....On pourrait se poser la question de l'égo dans tout cela .....absence ou surdimension ? vaste question .....On pourrait aussi penser qu'il a choisi une solution de facilité , évitant ainsi les souffrances inhérentes à une vie affective normale .....
Un roman qui suscite des milliers d'interrogations ....à lire et relire !
et le talent d'Ishiguro , c'est de savoir donner du sens au trivial , au banal en observant rigoureusement la pensée et les actes !
Bref j'ai adoré !!!!! bravo
églantine
églantine

Messages : 4431
Date d'inscription : 02/12/2016
Localisation : Savoie

  • Revenir en haut
  • Aller en bas

Kazuo Ishiguro - Page 2 Empty Re: Kazuo Ishiguro

Message par Tristram Ven 8 Déc - 13:31

Extraits de la conférence Nobel de Kazuo Ishiguro, intéressante du point de vue de la genèse de son œuvre, en grande partie cathartique en fonction de sa culture mixte : ici
À quoi bon écrire un roman qui ne procure rien de plus au lecteur que ce qu’il peut éprouver en allumant son poste de télévision ? Comment la fiction écrite pouvait-elle espérer de survivre face à la puissance du cinéma et de la télévision si elle n’offrait pas quelque chose d’unique, une œuvre que les autres formes de création n’étaient pas capables de réaliser ?
Vers cette époque, j’attrapai un virus et je dus m’aliter quelques jours. Lorsque je commençai à me sentir mieux, et que l’envie de dormir sans arrêt se dissipa, je découvris que le lourd objet dont la présence dans mes draps m’incommodait depuis quelque temps, était en réalité un exemplaire du premier volume d’À la recherche du temps perdu, de Marcel Proust. J’entamai donc sa lecture. Mon état encore fiévreux fut peut-être un facteur, mais la première partie, Combray, me captiva totalement. Je la lus et la relus encore. Mise à part la beauté pure de ces passages, je fus fasciné par la manière dont Proust enchaînait les épisodes. L’ordre des événements et des scènes ne respectait pas les exigences habituelles de la chronologie, ni celles d’une intrigue linéaire. Au lieu de cela, les associations de pensée décousues, ou les caprices de la mémoire, semblaient entraîner le récit d’un épisode à l’autre. Parfois je me surprenais à me demander : pourquoi ces deux moments sans lien apparent étaient-ils placés côte à côte dans l’esprit du narrateur ?
Je vis soudain comment composer mon second roman d’une façon plus libre, très intéressante ; cela créerait une richesse sur la page, et introduirait des mouvements internes impossibles à capter sur un écran. Si je pouvais évoluer d’un passage à l’autre en fonction des associations de pensée du narrateur et de la fluctuation des souvenirs, je réussirais à composer une œuvre à la façon d’un peintre abstrait qui choisit l’emplacement des formes et des couleurs sur une toile. Je pouvais juxtaposer une scène survenue deux jours auparavant à une séquence remontant à vingt ans, et demander au lecteur de méditer le rapport entre les deux. De cette manière, pensais-je, il me serait possible de laisser entrevoir les multiples strates du déni et de l’aveuglement qui brouillaient la perception que chacun de nous a de son moi et de son passé.

_________________
« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram
Tristram

Messages : 15925
Date d'inscription : 09/12/2016
Age : 68
Localisation : Guyane

  • Revenir en haut
  • Aller en bas

Kazuo Ishiguro - Page 2 Empty Re: Kazuo Ishiguro

Message par Tristram Lun 22 Mar - 13:05

Les Vestiges du jour

Kazuo Ishiguro - Page 2 18035010

Une fois n’est pas coutume, j’ai le film en mémoire – et un peu trop ?! Le souvenir de la prestation des acteurs de ce scenario fort original nuit à celle d’Ishiguro ; bien évidement, il faudrait lire le livre avant de voir sa transposition à l'écran.
Stevens, (grand) majordome d’une maison « distinguée », fait preuve d’un dévouement total, d’une rigueur pratiquement sans défaut dans son appartenance à un univers social désuet, dépassé – de dignité dans sa subordination à laquelle il se conforme le plus exactement possible, incarnant jusqu’à l’abnégation son idéal professionnel. De même que celui d’un aristocrate, c’est un rôle à vie (cf. le père, lui-même majordome, devenu sénile et toujours en service).
« Un majordome d’une certaine qualité doit, aux yeux du monde, habiter son rôle, pleinement, absolument ; on ne peut le voir s’en dépouiller à un moment donné pour le revêtir à nouveau l’instant d’après, comme si ce n’était qu’un costume d’opérette. Il existe une situation et une seule où un majordome qui se préoccupe de sa dignité peut se sentir libre de se décharger de son rôle : lorsqu’il est entièrement seul. »
Stevens garde la réserve toujours à l’esprit (il vante la retenue du paysage anglais, qu’il considère comme supérieur alors qu’il n’en connaît pas d’autre), et se caractérise par une stoïque maîtrise de soi.
Cette fierté pleine de morgue transposée dans la servitude féale inclut donc la nation (l’Angleterre actuelle n’est d’ailleurs pas encore totalement affranchie du servage) :
« On dit parfois que les majordomes, les "butlers", n’existent qu’en Angleterre. Dans les autres pays, quel que soit le titre utilisé, il n’y a que des domestiques. »
Cette profession le place parfois bien près du déroulement de l’Histoire (lors des tractations pour alléger les sanctions du traité de Versailles dans le premier après-guerre) :
« Certains d’entre eux estimaient, comme Sa Seigneurie elle-même, que l’on avait manqué de fair-play à Versailles et qu’il était immoral de continuer à punir une nation pour une guerre qui était maintenant révolue. »
L’attachement à la valeur morale de l’employeur, plus qu’à sa noblesse de sang comme auparavant, conduit même à s’efforcer d'être utile à l’humanité au travers d’un personnage important, en servant près « du moyeu de cette roue qu’est le monde ».
« "Cet employeur incarne tout ce que je trouve noble et admirable. Dorénavant, je me consacrerai à son service." Cela, c’est de la loyauté jurée intelligemment. Où est l’absence de "dignité" dans cette attitude ? On accepte simplement une vérité inéluctable : que les gens comme vous et moi ne seront jamais à même de comprendre les grandes affaires du monde d’aujourd’hui, et que le meilleur choix est toujours de faire confiance à un employeur que nous jugeons sage et honorable, et de mettre notre énergie à son service, en nous efforçant de nous acquitter le mieux possible de cette tâche. »
Cette ambition est plutôt déçue avec le maître de Stevens, Lord Darlington, manipulé par Hitler dans l’entre-deux-guerres (mais à la mémoire duquel il restera loyal).
« Herr Hitler n’a sans doute pas eu dans ce pays de pion plus utile que Sa Seigneurie pour faire passer sa propagande. »
Son comportement est particulièrement distant et emprunté avec Miss Kenton, l’intendante.
Le comble de la rigidité mentale est atteint avec ses efforts pour s’exercer au badinage que semble lui suggérer son nouvel employeur, un homme d’affaires américain (entraînement reporté non sans humour par Ishiguro, comme l’absurde mais rituel entretien de l’argenterie).
« Il me vient à l’idée, de surcroît, que l’employeur qui s’attend à ce qu’un professionnel soit capable de badiner n’exige pas vraiment de lui une tâche exorbitante. Bien entendu, j’ai déjà consacré beaucoup de temps à améliorer ma pratique du badinage, mais il est possible que je n’aie jamais envisagé cette activité avec tout l’ardeur souhaitable. »
Sa raideur psychique ne lui permet pas de s’émanciper de l’élitisme :
« La démocratie convenait à une ère révolue. Le monde est devenu bien trop compliqué pour le suffrage universel et toutes ces histoires. Pour un parlement où les députés se perdent en débats interminables sans avancer d’un pas. Tout ça, c’était peut-être très bien il y a quelques années, mais dans le monde d’aujourd’hui ? »
Le style guindé rend parfaitement les déférentes circonlocutions de Stevens, même lorsqu’il pense (essentiellement à son service).
L’autoportrait du majordome par Ishiguro est magistral, et il pousse à des réflexions sur de possibles perspectives allégoriques sur la vie en société, le conformisme, etc.
Au soir de sa vie de majordome, c’est un bilan peu satisfaisant de son existence qui justifie le titre : gâchis de sa vie affective, d’abord avec son père, et déceptif don absolu à « Sa Seigneurie ».

\Mots-clés : #portrait #psychologique #social #traditions #xxesiecle

_________________
« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram
Tristram

Messages : 15925
Date d'inscription : 09/12/2016
Age : 68
Localisation : Guyane

  • Revenir en haut
  • Aller en bas

Kazuo Ishiguro - Page 2 Empty Re: Kazuo Ishiguro

Message par Avadoro Lun 22 Mar - 22:37

Je te rejoins sur la difficulté à appréhender le livre après le film, alors que des scènes et interprétations restent en mémoire.
Mais le style d'Ishiguro, dans sa délicatesse et sa précision, donne vie à ce morceau rare d'introspection entre retenue et de don soi, alors que les regrets apparaissent au milieu des silences.
Et l'imbrication de la grande histoire dans cet édifice intime crée un écho d'une troublante justesse.
Avadoro
Avadoro

Messages : 1405
Date d'inscription : 07/12/2016
Age : 39

  • Revenir en haut
  • Aller en bas

Kazuo Ishiguro - Page 2 Empty Re: Kazuo Ishiguro

Message par Tristram Lun 22 Mar - 22:58

Oui, un texte d'une grande richesse (forcément incommensurable à celle du film), surtout compte-tenu du sujet, assez anecdotique de prime abord.
Ainsi, j'ai à peine évoqué l'important duo avec Miss Kenton, en grande partie parce que je n'ai pas pu me faire une opinion claire : se sont-ils désirés, voire aimés, jusqu'à quel point au-delà du respect de la professionnalité de l'autre et de la bonne entente ? D'ailleurs les sautes d'humeur dans cette concorde relative sont évidemment révélatrices, devant plus à la défiance de soi qu'envers l'autre, mais encore ?

_________________
« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram
Tristram

Messages : 15925
Date d'inscription : 09/12/2016
Age : 68
Localisation : Guyane

  • Revenir en haut
  • Aller en bas

Kazuo Ishiguro - Page 2 Empty Re: Kazuo Ishiguro

Message par Tristram Dim 5 Déc - 12:28

Lumière pâle sur les collines

Kazuo Ishiguro - Page 2 Lumizo10

Etsuko, Japonaise émigrée en Angleterre avec son second mari, un Anglais, reçoit sa fille cadette Niki, née de son second mariage. Keiko, la fille qu'Etsuko a eue de Jiro, son premier mari japonais, s’est pendue. Et elle repense à Nagasaki, en pleine reconstruction quelques années après le bombardement atomique, alors qu’elle attendait son premier enfant. Elle avait sympathisé avec une voisine, Sachiko, mère de Mariko, enfant traumatisée par la rencontre d’une femme qui tua son bébé avant de se suicider pendant la guerre, et qui déteste l’amant de sa mère, un Américain, Frank.
« J’ai peut-être fait une sottise en me mariant à ce moment-là. Après tout, on voyait bien que la guerre allait éclater. Mais voilà, Etsuko : personne ne savait ce que c’était qu’une guerre, à cette époque. »
Les temps ont changé depuis la guerre, le respect des parents se perd et la femme s’émancipe au Japon : alors que son mari lui interdisait d’étudier, elle peut maintenant voter selon son propre choix.
« Comme vous dites, Etsuko, nous devons nous tourner vers l’avenir. […]
La guerre a beau nous avoir infligé de dures pertes, nous avons encore bien des choses à espérer. »
Une fillette est retrouvée pendue dans le quartier. Un vieux bout de corde s’est entortillé au pied d’Etsuko qui cherche Mariko dans la nuit.
Dans le même temps, Etsuko reçoit son beau-père, Ogata-San, avec qui elle plaisante courtoisement ; lui, professeur retraité, va rencontrer Shigeo Matsuda, ami d’enfance de son fils et devenu enseignant, qui a fait paraître un article sur les erreurs de l’enseignement d’avant-guerre le mettant en cause.
« − Nous avons peut-être perdu la guerre, coupa Ogata-San, mais ce n’est pas une raison pour singer les mœurs de l’ennemi. Nous avons perdu la guerre parce que nous manquions d’armes et de tanks, et non parce que notre peuple était lâche, ou notre civilisation inconsistante. Vous ne vous doutez pas, Shigeo, de la peine que se sont donnée des hommes comme moi ou comme le Dr Endo, que vous insultez également dans votre article. Nous étions animés par l’amour de notre patrie, et nous nous sommes efforcés de préserver et de transmettre les valeurs les plus justes. »
Ils visitent « la statue blanche et massive dédiée à la mémoire des victimes de la bombe atomique »…
« La statue évoquait un dieu grec musclé, assis les bras ouverts. De la main droite, il montrait le ciel d’où était tombée la bombe ; de l’autre bras, tendu vers la gauche, le personnage était censé repousser les forces du mal. Ses yeux fermés exprimaient le recueillement et la prière.
J’ai toujours trouvé que la statue avait un aspect plutôt pesant, et je n’ai jamais pu l’associer à ce qui s’était passé le jour où la bombe était tombée, ni à la période terrible qui avait suivi. Vu de loin, le personnage avait quelque chose de comique : on aurait dit un policier occupé à régler la circulation. »
… puis Mme Fujiwara, une veuve de bonne famille réduite à tenir une échoppe de nouilles.

Cette époque et l’actuelle semblent progressivement se mêler dans une réitération du passé, notamment autour du leitmotiv de la pendaison d’une enfant (le suicide figurant le désespoir au sens premier du terme), avec une certaine confusion entre Etsuko et Sachiko, Mariko et Niki.
Traumatisme, nostalgie, tout est suggéré, jamais nommé dans ce roman plein de retenue, a priori dépourvu de profondeur ; une atmosphère de désolation mélancolique empreint cette évocation troublante d'une époque violemment marquée par la guerre.

\Mots-clés : #deuxiemeguerre

_________________
« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram
Tristram

Messages : 15925
Date d'inscription : 09/12/2016
Age : 68
Localisation : Guyane

  • Revenir en haut
  • Aller en bas

Kazuo Ishiguro - Page 2 Empty Re: Kazuo Ishiguro

Message par Bédoulène Dim 5 Déc - 15:28

j'hésite toujours à retrouver cet auteur car je n'ai pas apprécié (j'ai dit plus haut) ma première lecture.

_________________
“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia



[/i]
"Il n'y a pas de mauvais livres. Ce qui est mauvais c'est de les craindre." L'homme de Kiev Malamud
Bédoulène
Bédoulène

Messages : 21638
Date d'inscription : 02/12/2016
Age : 79
Localisation : En Provence

  • Revenir en haut
  • Aller en bas

Kazuo Ishiguro - Page 2 Empty Re: Kazuo Ishiguro

Message par Tristram Dim 5 Déc - 15:38

C'est assez subliminal, avec des demi-teintes ténues, en tout cas assez pour passer comme superficiel...

_________________
« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram
Tristram

Messages : 15925
Date d'inscription : 09/12/2016
Age : 68
Localisation : Guyane

  • Revenir en haut
  • Aller en bas

Kazuo Ishiguro - Page 2 Empty Re: Kazuo Ishiguro

Message par Bédoulène Dim 5 Déc - 16:19

merci

_________________
“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia



[/i]
"Il n'y a pas de mauvais livres. Ce qui est mauvais c'est de les craindre." L'homme de Kiev Malamud
Bédoulène
Bédoulène

Messages : 21638
Date d'inscription : 02/12/2016
Age : 79
Localisation : En Provence

  • Revenir en haut
  • Aller en bas

Kazuo Ishiguro - Page 2 Empty Re: Kazuo Ishiguro

Message par Pinky Sam 5 Mar - 14:07

L'inconsolé

Kazuo Ishiguro - Page 2 L-inco10

Un pianiste célèbre, Ryder, arrive dans une ville d'Europe centrale pour y donner un récital. Il est vite la proie des demandes et attentes des habitants qui, chacun à leur manière, lui confient leurs attentes, leurs regrets, leurs désillusions et surtout le chargent de différentes missions qui, dans un premier temps, l'empêche de se reposer puis le détournent de ses projets, ce qui rend le récit proche du mauvais rêve. Bien d'autres éléments ont un caractère onirique : Ryder retrouve parmi les habitants des personnes qu'il a connues autrefois. La fille de Gustav le porteur s'avère la mère de son fils Boris, la contrôleuse du tram est une amie d'enfance, un inconnu rencontré dans une rue est un ancien camarade de lycée....La circulation  entre les différents lieux est erratique entre perte de repères et condensation entre deux lieux éloignés l'un de l'autre. Ainsi la galerie où se tient une inauguration qui semblait se trouver loin du centre-ville -la route avait été longue à travers la campagne, se révèle contigüe à l’hôtel. On est porté par des rebondissements successifs, un sentiment d'urgence et d'empêchements qui rappelle les rêves d'angoisse.
Les rencontres et demandes pressantes successives sont l'occasion de récits personnels intimes. Le directeur de l'hôtel cherche depuis des années à  contenter son épouse. Leur fils Stephan cherche à ne pas les décevoir. Gustav le porteur et sa fille Sophie, qui est en fait l'épouse de Ryder, ont conclu un pacte de non dialogue dont ils ne parviennent pas à sortir et qui fait de Boris, le petit garçon, leur interprète. Brodsky, musicien délaissé par la ville, noie dans l'alcool ses douleurs et cherche, en vain, à reconquérir son épouse, Mademoiselle Collins.
Et puis il y a les coteries, un entre-soi mortifère des habitants qui veulent un musicien, un artiste à aduler pour donner du lustre à leur ville, quitte à le broyer.
Mais qui est l'Inconsolé ? Sans doute Ryder qui attend que ses parents viennent l'écouter jouer. J'avais gardé de ma première lecture le souvenir de l'enchainement quasi cauchemardesque qui mène tout le livre. A la seconde lecture, ce sont toutes ces difficultés à profiter de la vie, ses peines d'enfant, cette obsession de la mémoire qui me frappe. Rien d'appuyé ni de démonstratif mais par la succession de récits, d'attentes déçues ou dérisoires, rares sont les moments où enfin, une consolation apaise ceux qui pensent qu'ils n'ont pas déçu leurs proches, parents ou époux. Le récit n'est pas dépourvu d'humour teinté de tendresse à propos de Brodsky et de son chien Bruno.


« le Prix Nobel 2017 est sans doute le plus stupéfiant romancier expérimental de notre temps, mais cela peut passer inaperçu, tant son style imperturbable paraît aux antipodes de ce que l’on entend usuellement par ce mot. Il n’expérimente pas une forme : il fabrique des états de conscience, immerge son lecteur dans un flux mental inattendu, comme redécoupé à même l’esprit humain, et c’est lui, le lecteur, qui est au bout du compte l’objet de l’expérience. »
Car il est à la fois embarqué et distant, présent en miroir et en surplomb auprès de narrateurs le plus souvent à demi conscients, ou aveugles, incapables de distinguer le réel et leur désir d’illusion, du majordome des Vestiges du jour (Presses de la Renaissance, 1990), à Ryder, le protagoniste de ce chef-d’œuvre trop méconnu qu’est L’Inconsolé (Calmann-Lévy, 1997)". Le Monde, 8 septembre 2021.

La mémoire omniprésente chez Ryder mais aussi chez ceux qu'il rencontre
"La pluie continuait à tomber sans relâche tandis que nous progressions dans les rues enténébrées. Le jeune homme garda longuement le silence et je me demandai s'il m'en voulait. Mais j'aperçus tout à coup son profil dans la lumière changeante et je compris qu'il ressassait un incident survenu bien des années auparavant. C'était un épisode auquel il avait réfléchi à maintes reprises - en particulier la nuit lorsqu'il ne trouvait pas le sommeil ou seul au volant de sa voiture -..."

Ryder est entré dans un cinéma qui projette 2001 Odyssée de l'Espace
"Je me retournai vers l'écran, mais au bout de quelques secondes certains fragments de souvenirs commencèrent à affluer en moi dans l'obscurité de la salle, et de nouveau mon attention s'éloigna du film."

Avoir une célébrité locale pour faire briller la ville
"Ce fut alors que la comtesse révéla ce qu'elle avait en tête. La solution déclara-t-elle se trouvait peut-être parmi nous depuis le début. Elle entreprit de s'expliquer dans le détail et tout d'abord, naturellement nous n'en crûmes pas nos oreilles. M.Brodsky ? L'homme de la bibliothèque et des déambulations d'ivrogne ? Parlait-elle sérieusement de ce M..Brodsky ?"

Le directeur de l'hôtel M.Hoffman assaille  Ryder de demandes toujours plus pressantes, empêchant celui-ci de se reposer. Ryder est alors en robe de chambre
"
Euh...monsieur Hoffman, il semble que j'ai fait une petite erreur de jugement en ce qui concerne la tenue adéquate en de telles circonstances. Peut-être voudrez-vous bien me laisser quelques minutes pour regagner ma chambre et me changer ?
- Oh....(Hoffman me jeta un coup d'œil  rapide). Vous êtes parfait, monsieur Ryder. Ne vous inquiétez donc pas. Et maintenant...(il regarda sa montre d'un air anxieux). Je vous propose que nous y allions. Oui, c'est tout à fait l'heure qui convient. S'il vous plait"
« Monsieur Hoffman, encore un petit détail. Je me demandais (j’indiquai la robe de chambre), je me disais que je pourrais peut-être revêtir un costume plus classique. Je me demandais s’il serait éventuellement possible d’emprunter des vêtements. Rien d’extraordinaire… »
Hoffman jeta à ma tenue un coup d’œil distrait , puis détourna le regard presque aussitôt en disant négligemment : « Ne vous en faites pas, monsieur Ryder. Ici, nous ne sommes pas du tout guindés. »

Hoffman est un obsessionnel forcené; il fait changer Ryder de chambre alors que celui-ci s'y sent  bien :
Au fil des ans, j'ai accordé la plus vive attention à un grand nombre de chambres différentes. Il y a même eu des périodes où je suis devenu - ha, ha ! - d'aucuns diraient obsédé, oui, parfaitement, obsédé par une chambre donnée, je passe des jours et des jours à y penser, et je m'applique ensuite à la faire rénover d'une façon aussi conforme que possible à ma vision"

Bruno, le chien de Brodsky, son seul compagnon, est mort : la ville est en émoi.
"
Ce chien, c'était tout pour lui.  Il ne s'en relèvera jamais. Nous devons regarder les choses en face : nous voilà de retour à la case départ.
- il faut décommander la soirée de jeudi.  Décommander tout de suite. Ce sera, ce ne peut qu'être un désastre. Si nous laissons les choses suivre leur cours, les habitants de cette ville ne nous ferons pas de cadeau."

Stephan, le fils de Hoffman, doit jouer avant Ryder. Il ne sait quel morceau choisir :
"Comme je le disais à Melle Collins, j'ai d'abord cru que j'avais mal entendu mais il l'a aussitôt répété : "ta mère déteste ce morceau. Oui, tu sais bien, depuis peu, elle s'est mise à détester de tout son cœur les œuvres tardives de la Roche.
........
Et quand je lui ai demandé ce qu'il voulait dire, il m'a expliqué que maman n'avait qu'une envie, il y avait quelque temps qu'elle avait informé papa de ce souhait, et, bien entendu, maman supposait que papa allait tout arranger.
Mais, papa, lui, comprenez-vous, se mettait à ma place. Il est très sensible à ce genre de choses. Il savait qu'un musicien - même un amateur comme moi- préfère forcément faire son propre choix dans des circonstances aussi importantes."

Bruno, le chien de Brodsky : la suite
«
C’est indubitable , déclara-t-elle. C’était le meilleur chien de sa génération. Indubitablement. »
………………..
« Une statue en bronze. Je propose que nous érigions un monument à Bruno en bronze, afin que son souvenir se perpétue. Quelque chose d’important, de digne. Dans la Walserstrasse, par exemple, Monsieur von Winterstein (il se tourna vers l’homme au visage sévère), décidons ici même, dès ce soir, d’ériger un monument à Bruno ! »
…………….
-Cela dépasse les bornes !  interrompit une voix masculine venue de l’autre bout de la pièce. Quelle idée absurde ! Une statue pour un chien ? Si cet animal mérite une statue en bronze, dans ce cas notre tortue, Petra, en mérite une cinq fois plus grosse. Elle qui a connu une fin si cruelle. Penser que ce chien a attaqué Mme Rahn il y a seulement quelques mois…. »
…………
Mais regardons les choses en face : ce chien était un danger public aussi bien pour ses congénères que pour les êtres humains. D’ailleurs, si Brodsky avait pensé à le peigner de temps en temps et à soigner l’infection de la peau dont il souffrait visiblement depuis des années… »
……………….
«  C’est la vérité. Cet animal était répugnant. »
………………
« Enfin, qu’est-ce qui se passe ? Vous croyez que ce chien avait une telle importance pour moi ? Il est mort et c’est tout. Je veux une femme. Trop de solitude quelquefois. Je veux une femme.

D’un lieu à l’autre sans transition. Ryder était censé être à des kilomètres du centre-ville
Pendant un instant, ses paroles continuèrent à m’intriguer. Puis, en portant le regard au-delà des groupes d’invités, les uns debout, les autres assis, au-delà des serveurs et des tables, jusqu’à la zone d’obscurité dans laquelle se perdait la vaste salle, il m’apparut soudain que nous nous trouvions dans le jardin d’hiver de l’hôtel. Je ne l’avais pas reconnu parce que auparavant j’y avais pénétré par l’autre côté et je l’avais observé sous un angle différent.

"Je me demande si vous pourriez me montrer comment on rejoint l'autre côté". Je venais en effet à l'instant de me rappeler que ce café et celui où j'avais laissé Boris faisaient en réalité partie du même bâtiment, car il s'agissait d'un de ces établissements qui comportent des salles différentes, ne donnant pas sur la même rue et accueillant des clientèles différentes
.

Ryder passe devant un immeuble
"Toutefois à mesure que je l'observais, cette partie du fond me parut elle-même fortement chargée de souvenirs, et au bout d'un moment je me rendis compte qu'elle ressemblait trait pour trait au fond du salon de la maison où nous avions vécu plusieurs mois, mes parents et moi, à Manchester. Cette bâtisse étroite, intégrée à une rangée de maisons urbaines identiques, était humide et avait sérieusement besoin d'être rénovée....

Ryder, Sophie et Boris se rendent à une réception dans un lieu inconnu et très éloigné de la ville
"
J'étais sur le point de me diriger vers la maison lorsque mon attention fut distraite par quelque chose que j'aperçus du coin de l'oeil. Je me tournai et vis qu'une vieille voiture hors d'usage avait été abandonnée dans l'herbe, près de l'endroit où je me tenais.
.....
Malgré tout, et avant même de l'examiner plus attentivement, je sus que je regardais les restes de l'ancienne voiture familiale, que mon père avait conduite pendant des années.
.........
Je la revoyais garée dans l'allée de notre petite maison du Worcestershire, astiquée, étincellant de tous ses chromes ; et moi, je la contemplais pendant de longues minutes, ressentant à sa vue, une immense fierté. 304-305.
Qu'est-ce que tu fais ?dit derrière moi la voix de Sophie. Nous devrions rentrer"
Je me rendis compte qu'elle me parlait, mais j'étais tellement occupé par la découverte de notre vieille voiture que je marmonnai une réponse quelconque sans vraiment y réfléchir. Puis je l'entendis dire :
"Q u'est-ce qui te prend ? On croirait que tu es amoureux de cette vieille ferraille"

Ryder écoute les propos des invités à l'exposition qui critiquent un artiste et les interpelle :
"Est-il étonnant, est-il le moins du monde étonnant que dans cette petite ville, la vôtre, vous ayez aurant de problèmes, vous souffriez de cette crise, selon le terme qu'emploient certains d'entre vous ? Que vous soyez si nombreux à être malheureux et aigris ?

Ryder se demande quel morceau jouer
De fait, je commençais à remettre en cause ma décision de jouer Amiante et Fibre. Plus, j'y pensais, plus il me revenait le vague souvenir d'une certaine réaction de ma mère, qui avait précisément exprimé son irritation devant ce morceau.
.....
Il restait cependant un petit quelque chose - l'ombre d'un souvenir sans plus - qui m'empêchait de me sentir parfaitement content de cette décision"

Hoffman confie à Ryder que, pour être à la hauteur du milieu cultivé et artiste de son épouse, il  lui a fait croire qu'il composait de la musique.
"Non, je ne savais rien de tout cela en ce temps-là. J'espérais encore qu'avec le temps je deviendrais le genre d'homme pour qui elle me prenait.
......
Enfin, elle m'avait percé à jour. Quel soulagement ! Je me sentais vraiment libéré. J'ai même poussé un "Ah" satisfait, en souriant.Elle a dû trouver ça bizarre.
.........
Mais, voyez-vous, je croyais encore à l'époque qu'à force de travail, même si elle savait, qu'en y travaillant assez dur j'arriverais à la conquérir. Quel imbécile j'étais !

Hoffman a enfin trouvé pour Ryder un endroit où il pourrait répéter son concert. Il s'agit d'une cabane en plein champ où se trouve un piano tout à fait acceptable. Le pianiste entend peu à peu un bruit régulier  à l'extérieur
"
Une idée me traversa subitement l'esprit : l'auteur de ce bruit n'était autre que Brodsky qui creusait la tombe de son chien.
.......
Il ne se retourna pas lorsque je m'approchai de lui, mais dit doucement, sans quitter la tombe des yeux : " Monsieur Ryder, je vous remercie.C'était très beau. Je vous suis reconnaissant, très reconnaissant."
...........
Ce n'était qu'un vieil animal. Mais je voulais de la belle musique. Je vous suis très reconnaissant.
.....
Partons maintenant. Adieu Bruno, adieu. Tu étais un bon ami, mais tu n'étais qu'un chien. Laissons-le. C'est bien que vous ayez joué pour lui. La plus belle des musiques. Mais je ne peux pas pleurer maintenant. Elle va arriver bientôt. Je ne serai plus long maintenant. Je vous en prie, marchons".
Je regardai de nouveau la vallée qui s'étendait au-dessous de nous et remarquai tout à coup qu'elle était entièrement couverte de pierres tombales. Je compris alors que nous nous dirigions précisément vers le cimetière où Brodky avait convenu de retrouver Melle Collins"


Ryder, perdu dans la ville et recherchant la salle de concert aperçoit enfin son dôme éclairé mais un mur se dresse devant lui, l'empêchant d'y accéder
"
Sans doute, cela doit être assez incommode, dit la femme, comme si cette idée je lui était jamais venue. Quand je vous ai vu le regarder comme ça, je me suis dit que vous deviez être un touriste. Le mur, c'est une véritable attraction touristique, comme vous pouvez le voir.
...........
- La salle de concert, Monsieur ? Ma foi, c'est assez loin, si vous voulez y aller à pied. Bien sûr, nous en sommes tout proches maintenant (elle leva les yeux vers le dôme), mais matériellement, ça ne veut pas dire grand chose, à cause du mur.
....
En fait, permettez-moi de vous de dire que ce mur est parfaitement typique de cette ville. Partout des obstacles grotesques.

Ryder assiste au café hongrois à la réunion des porteurs des hôtels dont Gustav, père de Sophie et grand-père de Boris, est le vétéran. Ceux-ci dansent au son de violons tsiganes
"Les conseils de Gustav me parurent alors d'une sagesse profonde. En effet, à quoi bon tous ces tracas ? il était indispensable de se laisser aller complètement et de se faire plaisir.


Avant la soirée où il  doit  diriger l'orchestre, Brodsky a eu un accident de voiture, un chirurgien présent estime qu'il faut  l'amputer sur  place et utilise une scie trouvée dans un coffre de voiture.
Tout le monde s'étonne que Brodsky s'inquiète plus de sa tenue que de sa douleur :
"Mais cet abruti, ce carabin m'a scié ma jambe de bois, qu'y puis-je ? il va falloir....(il mima des ciseaux taillant l'étoffe juste au-dessus du genou) faire quelque chose, rendre ça aussi  élégant que possible. Ce dégénéré, non seulement il bousille ma jambe de bois, mais il m'écorche  le moignon. Des années que cette blessure n'a pas saigné comme ça. L'andouille ! avec sa face de Carême, il se prend pour  un ponte et il le saucissonne ma jambe de bois !
[/quote]
Pinky
Pinky

Messages : 525
Date d'inscription : 28/11/2021

  • Revenir en haut
  • Aller en bas

Kazuo Ishiguro - Page 2 Empty Re: Kazuo Ishiguro

Message par Tristram Sam 5 Mar - 21:08

Ça me donne de plus en plus envie de le lire : bientôt !

_________________
« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram
Tristram

Messages : 15925
Date d'inscription : 09/12/2016
Age : 68
Localisation : Guyane

  • Revenir en haut
  • Aller en bas

Kazuo Ishiguro - Page 2 Empty Re: Kazuo Ishiguro

Message par Tristram Sam 21 Mai - 19:44

L'inconsolé

Kazuo Ishiguro - Page 2 L_inco11

En s’installant à l’hôtel dans la petite ville où il vient d’arriver, après une conversation avec le vieux porteur, Gustav, le célèbre pianiste Ryder reconnaît sa chambre (quoique transformée) comme celle où il vécut deux ans étant enfant. D’autres membres du personnel (qui ramentoit Les Vestiges du jour), notamment Hoffman, le directeur, font allusion à un programme de son « emploi du temps chargé » dont il n’a pas souvenir, lui font de verbeuses confidences et l’engagent à des interventions saugrenues, faisant montre d’une déférence volubile qui confine à l’obséquiosité. La distinction est difficile entre réel plausible et irréel. Il fait la connaissance de Sophie, la fille du portier, qui lui parle familièrement, et se souvient d’abord vaguement d’avoir déjà échangé avec elle. Ils partent dans une longue marche nocturne avec son fils Boris, qu’il considère bientôt comme le sien, et rencontre sans surprise un ancien condisciple de l’école en Angleterre. Reviennent dans les échanges un mystérieux Brodsky et le joueur de football Numéro Neuf. Ryder assiste de façon omnisciente à l’entrevue de Stephan, le fils d’Hoffman, avec Mlle Collins, l’ex-femme de Brodsky, puis à un souvenir dont se rappelle le premier. L’impression d’ensemble est celle du rêve (le vrai, pas le littéraire, de représentation conventionnelle), voire d’amnésie en cours de rétablissement, avec de vagues retours à la conscience de faits oubliés. Mentions de mutismes, d’incommunications, de malentendus, ces évocations de situations que Ryder est supposé connaître semblent d’un enjeu considérable pour la ville. Ryder, en dépit de sa bonne opinion de lui-même, s’égare dans des péripéties où il se laisse entraîner, généralement sans savoir où il va, faillant à ses rendez-vous et promesses de prompt retour dans une distorsion croissante de l’espace et du temps, lieux et moments se rejoignant lors de soudains glissements. Lui qui se plaint de sa fatigue et des réveils intempestifs, improvise une improbable allocution en robe de chambre dans une soirée habillée. M’a paru significatif l’épisode où il suit des journalistes qui discutent devant lui de leur procédé de le flatter servilement pour le manipuler, et le mènent pour une séance photo devant le monument Sattler (qui s’avèrera équivoque, sans plus d’éclaircissements). Les évènements s’enlisent dans de longues conversations affables et vaines, souvent répétitives, extrêmement courtoises mais parfois conflictuelles. L’entrevue avec Christoff, le prédécesseur dorénavant discrédité de Brodsky (un ancien chef d’orchestre tombé au rang d’épave alcoolique avant de devenir la vedette de l’élite locale) est l’occasion d’un absurde charabia musicologique.
« Personne ici ne comprend la musique comme il faut. »
Ryder va donc jouer (devant ses parents) dans une grande soirée qui focalise tout le récit, doit aussi être l’occasion d’une interprétation de Stephan, pianiste amateur, et surtout celle du retour sur scène de Brodsky. Le dérèglement de la réalité atteint un comble grotesque lorsqu’un chirurgien opère d’urgence ce dernier, lui sciant sa jambe de bois, non sans écorcher le moignon… Et Brodsky entre en scène avec une planche à repasser en guise de béquille…
« En fait, il inspectait la petite foule rassemblée devant lui de la manière, supposai-je, dont il aurait observé un orchestre quelques secondes avant de se mettre à diriger. Quelque chose chez lui donnait l’impression qu’il jouissait d’une étrange autorité sur les émotions qui venaient de déferler en désordre devant lui ; qu’il pouvait les susciter et les faire retomber comme il le souhaitait. »
Le style est châtié, et l’exposé de cette histoire étrange, indéniablement imprégnée d’une atmosphère kafkaïenne, intrigue dans la mesure où on se demande ce qui peut être significatif dans les éléments profus de ce qui semble un songe relaté avec minutie. L’œuvre restera ouverte, peut-être coma d’une personne qui ressasserait son existence. Cette lecture à la fois fastidieuse et captivante m’a ramentu celle de Robbe-Grillet (voire l’Ulysse de Joyce).

_________________
« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram
Tristram

Messages : 15925
Date d'inscription : 09/12/2016
Age : 68
Localisation : Guyane

  • Revenir en haut
  • Aller en bas

Kazuo Ishiguro - Page 2 Empty Re: Kazuo Ishiguro

Message par Pinky Dim 22 Mai - 18:30

Tristram, J'ai l'impression que ça ne t'a pas trop plu ?
Je n'avais pas pensé à Ulysse mais pourquoi pas ? A relire avec des notes car ça m'a paru plus obscur que l'Inconsolé où les thématiques se retrouvent assez bien, en tous cas pour moi.  Pour Robe-Grillet, je n'en ai pas assez lu mais Ishiguro me semble plus sensible que ce dernier, disons que Robbe-Grillet ne me plait pas trop...
Pinky
Pinky

Messages : 525
Date d'inscription : 28/11/2021

  • Revenir en haut
  • Aller en bas

Kazuo Ishiguro - Page 2 Empty Re: Kazuo Ishiguro

Message par Tristram Dim 22 Mai - 18:56

C'est pas que ça m'a pas plu, mais comme pour Joyce, Robbe-Grillet et certains autres du même acabit, on est quand même content quand on arrive à la fin (sans aucun hasard, ce sont souvent des livres... assez longs)... On en a dit que c'était expérimental, ce qui d'abord m'a un peu agacé, mais finalement c'est ça, tant pout l'écrivain que le lecteur me semble-t-il.
Au fait, ton avis sur le titre, j'ai oublié de donner le mien !?

_________________
« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram
Tristram

Messages : 15925
Date d'inscription : 09/12/2016
Age : 68
Localisation : Guyane

  • Revenir en haut
  • Aller en bas

Kazuo Ishiguro - Page 2 Empty Re: Kazuo Ishiguro

Message par Pinky Dim 22 Mai - 19:21

Je ne pense pas que le côté expérimental est vraiment l'essentiel (en tous cas pour moi, je ne suis pas assez littéraire) sinon cette impression de rêve à la limite du cauchemar que je trouve très bien rendue. L'inconsolé, je pense que c'est le narrateur en parallèle avec le fils des hôteliers. Déception des parents qui attendent tellement de leurs enfants qu'ils les rendent impuissants devant l'existence. Une difficulté aussi à communiquer avec son ex femme (enfin supposée). J'ai beaucoup aimé la dernière scène dans le tram : une sorte de libération après ces tentatives de "bien faire", de "réussir" pour ne pas décevoir.
As-tu eu l'article du Monde sur Ishiguro ?
Pinky
Pinky

Messages : 525
Date d'inscription : 28/11/2021

  • Revenir en haut
  • Aller en bas

Kazuo Ishiguro - Page 2 Empty Re: Kazuo Ishiguro

Message par Tristram Dim 22 Mai - 20:43

Rêve plutôt que cauchemar, ressassement du sommeil léger, hypnopompique, voire hypnagogique.
Oui, Stephan, le fils auxquels les parents refusent de croire, mais j'ai surtout pensé au petit Boris, qui voudrait que le narrateur et sa mère vivent de nouveau avec lui et ne se quittent plus (sans parler de son Numéro Neuf perdu, etc.).
Pas lu l'article du Monde sur Ishiguro (suis pas abonné), mais j'ai cherché une critique littéraire, et rien trouvé.

_________________
« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram
Tristram

Messages : 15925
Date d'inscription : 09/12/2016
Age : 68
Localisation : Guyane

  • Revenir en haut
  • Aller en bas

Kazuo Ishiguro - Page 2 Empty Re: Kazuo Ishiguro

Message par Pinky Dim 22 Mai - 20:52

Oui très touchant le petit Boris et son Numéro neuf perdu...Ok pour les types de sommeil.
J'espère que nous aurons d'autres lecteurs pour en discuter. Il faudrait aussi que je lise les derniers livres parus...
Pinky
Pinky

Messages : 525
Date d'inscription : 28/11/2021

  • Revenir en haut
  • Aller en bas

Kazuo Ishiguro - Page 2 Empty Re: Kazuo Ishiguro

Message par Pinky Mer 21 Juin - 15:08

Auprès de moi toujours

Kazuo Ishiguro - Page 2 Aupres10

Le récit commence dans une institution où sont regroupés des enfants et des adolescents coupés du monde avec des gardiens qui les instruisent et les encadrent. Régulièrement, Madame vient chercher leurs dessins, leurs œuvres sans qu’on comprenne pourquoi. La narratrice Kathy est une de ces enfants. C’est à travers son regard que l’on voit vivre, échanger, se confronter les pensionnaires de l’établissement. Cette partie ainsi que la suivante alors qu’ils sont dans le Cottage, un peu plus libres et grands adolescents fait penser à La Maison dans laquelle de Maryam Petrosyan, un univers clos.
« Ça peut paraître bête, mais vous devez vous souvenir que pour nous, à ce stade de nos vies, tout lieu situé au-delà de Hailsham était comme un pays imaginaire : nous n’avions que les notions les plus vagues du monde du dehors et de ce qui était ou non possible. »

L’analyse, en particulier du trio Kathy, Tommy, Ruth est très subtile de l’enfance à la découverte de la sexualité.
« Pourtant quand j’y pense, demeure l’impression que cette image  de nous le premier jour, blottis ensemble devant la ferme, n’est pas si incongrue après tout. Car peut-être d’une certaine façon, nous ne l’avions pas oubliée autant que nous aurions pu le croire. Car, en profondeur, une partie de nous est restée inchangée : effrayée par le monde autour de nous et – même si nous nous méprisions pour cela -incapable d’accepter tout à fait la séparation.
»

On découvre dans la dernière partie ce que sont ces jeunes, le rôle qu’on leur a attribué pour le reste de la société. Cette fois, la réflexion nous emmène du côté Des fleurs pour Algernon de Daniel Keyes.
« Après la guerre, au début des années cinquante, quand les grandes percées de la science  se sont succédé  si rapidement, on n’avait pas le temps de faire le point, de poser des questions sensées. Tout à coup, il y avait toutes ces possibilités qui s’offraient à nous , toutes ces manières de guérir tant de maladies auparavant  incurables. C’était ce que le monde remarquait avant tout, voulait le plus. »
La nostalgie qui se dégage des derniers chapitres : cette idée qu’on a peut-être raté des occasions font un peu écho à Vestiges du Jour du même auteur et cela m’a rappelé aussi Henry James.
Pinky
Pinky

Messages : 525
Date d'inscription : 28/11/2021

  • Revenir en haut
  • Aller en bas

Kazuo Ishiguro - Page 2 Empty Re: Kazuo Ishiguro

Message par Contenu sponsorisé


Contenu sponsorisé


  • Revenir en haut
  • Aller en bas

Page 2 sur 3 Précédent  1, 2, 3  Suivant

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut

 Des Choses à lire :: Lectures par auteurs :: Écrivains européens de langues anglaise et gaéliques


 
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum