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Message par Tristram Sam 10 Mar - 18:00

Le dithyrambe, c'est un poème lyrique à la louange de Dionysos _ si tu est plus apollinienne, Églantine, va pour le péan !

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Message par églantine Sam 10 Mar - 19:24

Tiens ça marche bien le MOOC avec Friedrich Nietzsche on dirait , Sieur Tristam .
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Message par Tristram Sam 10 Mar - 20:21

Ciel, je suis découvert (mais le péan n'est pas dedans) !

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Message par Tristram Jeu 5 Avr - 15:03

L’ancêtre

Juan José Saer - Page 2 L_ancy10

Ce chef-d’œuvre nous parle de la rencontre entre deux mondes (l’"ancien" et le "nouveau"), confrontation suffisamment récente pour être quelque peu documentée. Cette entrevue nous interroge depuis l’époque jusqu’à aujourd’hui, où les autres "mondes" ont pratiquement disparu sous l’hégémonie du nôtre, phagocytés par la globalisation. Et tout le livre tourne autour de cette rencontre de l’Autre (avec la notion de l’"extérieur", de l’au-delà de « l’horizon circulaire », qui revient souvent dans le roman). La pratique de publications d’ethnologie permet de considérer que l’image donnée de la tribu amérindienne est plausible, cohérente avec ce type de fonctionnement social (Claude Lévi-Strauss aurait parlé de structure mythique ?) Ici, cette société gravite autour d’une sorte de carnaval ("enlever la viande") annuel, les Indiens succombant, entre un désir anticipateur et de dégoût subséquent, à la consommation d’étrangers massacrés en saison estivale. A chaque occurrence, dans une sorte de compensation, une des victimes est épargnée et honorée avant d’être renvoyée chez elle : c’est le cas du narrateur, un jeune mousse qui vécut ainsi dix ans chez ces Amérindiens (admirablement décrits en deux mots : « compacts et lustrés »). Ils l’appellent le Def-gui, et l’on apprendra que cette dénomination renvoie au « reflet des choses dans l’eau », soit une sorte de messager témoignant de leur permanent effort pour maintenir l’incertaine réalité du monde issu de l’indifférencié primordial, et un narrateur chargé de les garder en mémoire hors de « la pâte anonyme de l’indistinct » : c’est el entenado (titre original), le beau-fils, le fils adopté pour survivre (rien à voir avec le titre aberrant qui a été retenu en français).
« En-gui, par exemple, signifiait les hommes, les gens, nous, moi, manger, ici, regarder, dedans, un, éveiller et bien d’autres choses encore. »
Sont sous-jacents les concepts de régénération saisonnière par renversement des valeurs sociales et morales, du maintien de l’ordre coutumier par l’éternel retour de ces excès ponctuels, et d'adaptation étroite aux cycles naturels.
« Par tous les moyens, ils cherchaient à faire persister le monde incertain et changeant. »

« Il fallait maintenir entier et, dans la mesure du possible, identique à lui-même ce fragment rugueux qu’ils habitaient et qui semblait ne se matérialiser que grâce à leur présence. Tout changement devait avoir sa compensation, toute perte son substitut. L’ensemble devait demeurer, en forme et en quantité, plus ou moins le même à tout moment. C’est pour cela que, lorsque quelqu’un mourait, ils attendaient, anxieux, la naissance suivante ; un malheur devait être compensé par une satisfaction [… »
Le choc du contact avec les cannibales est surtout culturel. Et ne pas comprendre ou admettre une autre culture, aux valeurs échappant dans l’absolu aux nôtres, permet de la nier afin de l’éradiquer. Entre parenthèse, assimiler la "Nuit des noirs" du carnaval de Dunkerque à du racisme participe autant du malentendu et du "politiquement correct", voire de la récupération/ instrumentation.
« C’était comme s’ils dansaient sur un rythme qui les gouvernait, un rythme secret dont ils pressentaient l’existence, mais qui était inabordable, incertain, absent et présent, réel, mais indéterminé, comme la présence d’un dieu. »
Une part importante de la découverte de l’étrangeté doit au personnage du fleuve (ici vraisemblablement le Río de la Plata, et l’histoire serait inspirée de l’aventure du jeune mousse, Francisco del Puerto, enlevé par les indigènes en 1516 lorsqu’ils massacrèrent son capitaine Juan Díaz de Solís avec une partie de l’équipage « découvreur » de cette contrée), cette « mer d’eau douce », l’incarnation-même de l’envoûtante nature de l’Amérique du Sud (qui me donne grande envie de lire Le Fleuve sans rives, le « traité imaginaire » de Saer) :
« L’odeur de ces fleuves est sans égale en ce monde. C’est une odeur des origines, de formation humide et laborieuse, de croissance. Sortir de la mer monotone et pénétrer dans ces eaux fut comme descendre des limbes sur la terre. Il nous semblait presque voir la vie se refaire à partir des mousses en putréfaction, la boue végétale couverte des millions de créatures sans forme, minuscules et aveugles. Les moustiques noircissaient l’air aux alentours des marécages. L’absence humaine augmentait encore cette illusion de vie originelle. »

« Les hommes qui habitent dans ces parages ont la couleur de la boue des rivages, comme si eux aussi avaient été engendrés par le fleuve [… »
De retour en Europe, l’orphelin trouve enfin un père dans le religieux éclairé qui l’instruit,
« Par la suite, beaucoup plus tard, alors qu’il était mort depuis longtemps, je compris que s’il ne m’avait pas appris à lire et à écrire, le seul acte propre à justifier ma vie eût été hors de ma portée. […] tracer, au nom de ceux qui sont définitivement perdus, ces signes qui, incertains, cherchent leur durée. »
...puis devient comédien en créant son propre rôle, fort éloigné de toute véracité. A la vacuité existentielle des sauvages répond la sienne, avec l'image récurrente du puits :
« Toute vie est un puits de solitude qui va se creusant avec les années »
...puis, en pire, celle de ses congénères (à cause de leur hypocrisie) :
« La condition même des Indiens était sujette à discussion. Pour certains, ce n’étaient pas des hommes ; pour d’autres, c’étaient des hommes, mais pas des chrétiens ; et, pour beaucoup, ce n’étaient pas des hommes parce que ce n’étaient pas des chrétiens. »

« J’appris, grâce à ces enveloppes vides qui prétendent s’appeler hommes, le rire amer et un peu supérieur de qui possède, face aux manipulations de généralités, l’avantage de l’expérience. Plus que la cruauté des armées, plus que la rapine indécente du commerce et que les tours de passe-passe de la morale pour justifier toutes sortes de bassesses, ce fut le succès de notre comédie qui m’ouvrit les yeux sur l’essence véritable de mes semblables : la vigueur des applaudissements qui célébraient mes vers insensés prouvait la vacuité absolue de ces hommes, et l’impression que c’était une foule de vêtements bourrés de paille, ou des formes sans substance gonflées par l’air indifférent de la planète, ne laissait pas de m’assaillir à chaque représentation. Parfois, exprès, je changeais le sens de mes propres discours, les alambiquant et les transformant en phrases creuses et absurdes avec l’espoir que le public réagirait enfin et ferait s’effondrer l’imposture, mais ces manœuvres ne modifiaient en rien le comportement de la foule. »
Dans ses vieux jours, le narrateur médite sur le souvenir (citations disponibles sur simple demande), réfléchit au monde (mental) de ces Indiens totalement assujettis à l’obscure puissance instinctive de la visqueuse néantise primordiale, et c’est alors une fabuleuse approche anthropologique (j’ai pensé au Tlacuilo de Michel Rio). On croirait lire une étude scientifique basée sur l’observation des Guaranis (ou des « colastiné ») ; par exemple, les tueurs-rôtisseurs ne participent pas autrement aux agapes, et ce genre de tabou/ interdit rituel semble bien dans l’esprit de ce que rapportent les ethnologues :
« La simple présence des choses ne garantissait pas leur existence. Un arbre, par exemple, ne se suffisait pas toujours à lui-même pour prouver qu’il existait. Il lui manquait toujours un peu de réalité. Il était présent comme par miracle, par une sorte de tolérance méprisante que les Indiens voulaient bien lui accorder. »

« L’extérieur était leur principal problème. Ils n’arrivaient point, comme ils l’eussent voulu, à se voir du dehors. »

« Le mot qui désigne l’apparence désigne aussi l’extérieur, le mensonge, les éclipses, l’ennemi. »

« Ils semblaient, comme les animaux, contemporains de leurs actes, et on eût dit que ces actes, au moment même de leur réalisation, épuisaient leur sens. Pour eux, le présent ouvert et précis d’un jour vigoureux, sans commencement ni fin, semblait être la substance où, comme des poissons dans l’eau, ils se mouvaient. Ils donnaient l’impression, enviable, d’être en ce monde plus que toute autre chose. Leur manque de gaieté, leur air farouche étaient la preuve que, grâce à cet ajustement général, le bonheur et le plaisir leur étaient superflus. Je pensais que, reconnaissants de coïncider en leur être matériel et en leurs appétits avec ce côté disponible du monde, ils pouvaient se passer de la joie. Lentement, cependant, je finis par comprendre que c’était plutôt le contraire, que, pour eux, il fallait à tout moment réactualiser ce monde qui avait l’air si solide afin qu’il ne s’évanouît point comme un filet de fumée dans le crépuscule. »

« Cependant, en même temps qu’ils tombaient, ils entraînaient dans leur chute ceux qui les exterminaient. Comme ils étaient les seuls soutiens de l’extérieur, l’extérieur, réduit au silence, disparaissait avec eux dans l’inexistence à cause de la destruction de cela même qui le concevait. Ce que les soldats qui les massacraient n’arriveraient jamais à comprendre, c’est qu’eux aussi, en même temps que leurs victimes, abandonnaient ce monde. On peut dire que, depuis que les Indiens ont été anéantis, l’univers entier est parti à la dérive dans le néant. Si cet univers si peu sûr avait, pour exister, quelque raison, cette raison c’était justement les Indiens qui, au milieu de tant d’incertitudes, étaient ce qui semblait le plus certain. Les appeler sauvages est preuve d’ignorance ; on ne peut appeler sauvages des êtres qui assumaient une telle responsabilité. »
La responsabilité assumée par les Indiens pour soutenir la persistance du monde réel sorti de la boue originelle prend une dimension métaphysique ; il me semble que Saer a renoué ici avec la tradition humaniste d’un Montaigne.
« Qu’être, pour les Indiens, se dise paraître n’est pas après tout une distorsion excessive. »

« Mais savoir ne suffit pas. Le seul savoir juste est celui qui reconnaît que nous savons seulement ce qui condescend à se montrer. »

« Entre les Indiens et les soldats cela faisait beaucoup de corps, raides et indistincts, dérivant de plus en plus vite, comme une procession muette, jusqu’à ce que, comme le fleuve atteignait son embouchure, dans cette mer douce que dix ans auparavant le capitaine avait découverte, ils se dispersassent et se perdissent en direction de la haute mer, ouverte et hospitalière. Ce même jour, je sus que le navire allait la traverser, cette mer, comme un pont de jours immobiles, sous un soleil aveuglant, vers ce que les marins appelaient, non sans une certaine solennité obtuse, notre patrie. »

mots-clés : #historique #traditions #voyage

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Message par églantine Jeu 5 Avr - 15:08

Ouah super ! cheers
Faut que je le lise !
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Message par Tristram Jeu 5 Avr - 15:09

Oui, et moi tous les autres que je n'ai pas encore lus de Saer !...

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Message par bix_229 Jeu 5 Avr - 17:41

Moi je l' ai lu.
Mais je n' ai pas été convaincu.
A l' époque.
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Message par Barcarole Jeu 5 Avr - 17:48

Il est temps que je le mette au-dessus de la pile cet Ancêtre !
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Message par Tristram Lun 6 Jan - 12:03

Le Fleuve sans rives

Juan José Saer - Page 2 Le_fle12


El río sin orillas: tratado imaginario (1991)
"Essai" qui présente le Río de la Plata (et son prolongement chimérique, l’Argentine) de manière géographique, historique, ethnologique, toponymique, littéraire, sociologique, politique :
« Disons qu’ayant été chargé de fabriquer un objet significatif, j'ouvre le tiroir, je le renverse sur la table et me mets à chercher, puis à examiner les souvenirs les plus évocateurs, afin de les organiser ensuite selon un ordre approprié qui ne soit ni celui du reportage, ni celui du traité, ni celui de l'autobiographie, mais celui qui me paraît le plus conforme à mon sentiment et à mes goûts artistiques : un hybride sans genre défini mais dont la tradition ne cesse de se perpétuer, me semble-t-il, dans la littérature argentine, du moins telle que je la vois. […]
Disons par conséquent qu’il n’y a pas dans ce livre un seul fait relevant d’une volonté de fiction. »
La pampa fut d’abord un lieu de passage, un désert premièrement habité par les chevaux (à partir du peu abandonné par les Espagnols), les vaches puis les chiens, ensuite les Indiens qu’ils attirent, puis les gauchos (« créés par le cheval », et arrivés deux siècles après ce dernier), avant le patriarcat des propriétaires fonciers, puis la vague d’immigration européenne, enfin les dictatures, les militaires initiés aux techniques nazies, l’emprise états-unienne.
À la fascination nationale pour l’Europe et sa pensée semble répondre le symptomatique exil de tant de penseurs argentins.
Saer donne des informations éclairantes sur les auteurs argentins (Borges, etc.), mais aussi Caillois et Gombrowicz, retenus à Buenos-Aires par la Seconde Guerre mondiale.
Ce livre évoque les éléments de L’ancêtre (1983), et le fleuve sans rives apparaît aussi dans L’enquête (1994) ; en fait, il constitue un trousseau de clefs pour élucider ces romans (ainsi, Saer dit que si des Indiens ont dévoré des Espagnols, c’est parce qu’ils les auraient pris pour du gibier, n’y reconnaissant pas des humains).
« Il est bien connu que le mythe engendre la répétition, la répétition la coutume, la coutume le rite, le rite le dogme, et le dogme, enfin, l’hérésie. »
Un passage lumineux de nos jours, auquel j’adhère totalement :
« Peut-être le Rio de la Plata (comme d’autres régions de la planète ayant connu également de forts courants d’immigration) a-t-il reçu en partage un privilège très différent de ceux de sa classe patriarcale : celui de préfigurer, en une sorte de mirage paradigmatique, les grands déplacements du XXe, les grandes migrations dont la dimension dorénavant planétaire a bouleversé le monde traditionnel des cinq continents. Cette impossibilité de s’identifier à une tradition unique, ce déchirement entre un passé trop lointain et un présent insaisissable, cette impression d’être perdu au milieu d’une foule sans racines, contraint d’adopter des règles de conduite individuelle et sociale dont personne ne serait capable de justifier la légitimité, ce flou, si révélateur de notre époque, touchant à la nature même de notre être, tout cela est apparu, plus tôt probablement qu’en toute autre partie du monde, dans les environs immédiats de notre fleuve sans rives. Au lieu de vouloir à tout prix être quelque chose ‒ appartenir à un pays, à une tradition, se connaître comme une classe, un nom, une situation sociale ‒, peut-être n’existe-t-il pas aujourd’hui d’autre orgueil légitime que celui de se reconnaître comme rien, moins que rien, fruit mystérieux de la contingence, produit des combinaisons complexes qui mettent tous les vivants sur un même pied d’égalité, celui d’une présence aléatoire et fugitive. Le premier pas de la découverte de notre véritable identité consiste justement à admettre qu’à la lumière de la réflexion, et, pourquoi pas, de la compassion, aucune affirmation d’identité n’est possible. […]
Confrontés les premiers aux signes avant-coureurs de l’obscure irréalité qui allait se généraliser, ils [les habitants du Rio de la Plata] cherchaient obstinément une réponse, sans soupçonner que l’imprévisible réponse était dans la nécessité où ils avaient été de se poser la question. »
Les réflexions de l’écrivain concernent également la création littéraire :
« Créer un objet capable d’embrasser ce que spécialistes et profanes ont en commun : ainsi peut se résumer la fonction de la littérature. […] plus nous [les] mettons en valeur [les détails], plus nous tâchons d’éclairer l’image que nous voulons donner, et plus nous procurons de plaisir à notre destinataire, qui du seul fait de les évoquer, les reconnaît comme siens. Le but de l’art n’est pas de représenter l’Autre, mais le Même. Le terrain le plus favorable à l’Autre, c’est, bien qu’à première vue cela paraisse contradictoire, l’accidentel et le stéréotype : l’accidentel, parce qu’il n’exprime que les contingences extérieures, la résolution purement technique des actions humaines, et le stéréotype, parce qu’il est la cristallisation stylisée, dorénavant indépendante de l’imaginaire, de ces accidents. »
Cette lecture constitue un régal (une excellente conversation érudite et de bon ton, où j’aurais eu celui de me taire), et dans la première partie on pense inévitablement au Danube de Rumiz et Magris…

Mots-clés : #amérindiens #essai #immigration #lieu #voyage

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Message par Bédoulène Lun 6 Jan - 14:05

"Ce livre évoque les éléments de L’ancêtre (1983), et le fleuve sans rives apparaît aussi dans L’enquête (1994) ; en fait, il constitue un trousseau de clefs pour élucider ces romans (ainsi, Saer dit que si des Indiens ont dévoré des Espagnols, c’est parce qu’ils les auraient pris pour du gibier, n’y reconnaissant pas des humains)."

donc il eu été profitable de le lire avant les autres livres ?

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Message par Tristram Lun 6 Jan - 15:02

Oui et non : je privilégie toujours la chronologie (dates d'écriture, pas de publication), mais là il faudrait les lire à brève échéance les uns des autres, de façon à se souvenir assez de chacun pour percevoir les renvois d'une oeuvre à l'autre. En fait, il faudrait revenir aux autres livres quand on termine la lecture de l'un d'eux. Mais bien sûr cette approche est idéale, et pratiquement impossible à suivre. Dans ce cas précis, il est peut-être effectivement plus pertinent de lire cette version plus rationalisée des pensées de Saer avant ses fictions.

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Message par Bédoulène Mar 7 Jan - 8:54

merci Tristram ! j'y penserai

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Message par Tristram Mar 2 Juin - 17:11

Glose

Juan José Saer - Page 2 Glose10
(Le dessin de la couverture chez Tripode par l'artiste argentin Nicolas Arispe m'a paru fort congru.)

En trois fois sept cents mètres, deux jeunes gens cheminent dans la rue, dialoguent en prétexte à introspection de ces deux personnages, flux de conscience aux souvenirs, images et associations inhérents, portant notamment sur un cheval qui trébuche et trois moustiques.
Quoi de tel que le résumé que le narrateur-auteur propose en début de la seconde séquence ?
« Nous en étions au moment où Leto et le Mathématicien, un beau matin, celui, avait-on dit, du vingt-trois octobre mille neuf cent soixante et un, peu après dix heures, s’étaient rencontrés dans la rue principale, s’étaient mis à marcher ensemble vers le sud, et le Mathématicien, à qui Bouton, sur le pont supérieur du bac pour Paraná, le samedi précédent, avait raconté la soirée d’anniversaire de Jorge Washington Noriega dans la maison de Basso, à Colastiné, vers la fin du mois d’août, s’était mis à son tour à la raconter à Leto, et au moment aussi où, après avoir parcouru quelques centaines de mètres ensemble, ils avaient traversé la rue d’un pas identique et régulier et, tous deux en même temps, avaient plié la jambe gauche en l’élevant au-dessus du trottoir, avec l’intention, inconsciente plutôt que calculée, de poser, n’est-ce pas ? la plante du pied sur le proche trottoir. Et donc ils y posent le pied. Point c’est tout. »
Le premier personnage raconte donc au second une soirée que ni l’un ni l’autre n’a vécu. Une relation de rencontre, Tomatis le journaliste, leur donne une version différente de l’évènement auquel lui a assisté, tandis que suite à un bond subit de 18 ans dans le futur, le Mathématicien rencontre un autre témoin, qui se souvient de lui à cette même fête…
Qu’est-ce que la réalité, sur laquelle glosent les deux protagonistes, supputant d’explicatives hypothèses sur ses apparences ?
« Maintenant, depuis qu’ils se sont mis à parcourir ensemble la rue droite sur le trottoir à l’ombre, un nouveau lien, impalpable également, les apparente : les souvenirs faux d’un endroit qu’ils n’ont jamais vu, d’événements auxquels ils n’ont jamais assisté et de personnes qu’ils n’ont jamais rencontrées, d’une journée de fin d’hiver qui n’est pas inscrite dans leur expérience, mais qui émerge, intense, dans la mémoire [… »

« Mais entendons-nous bien : comme il est supposé que nous sommes d’accord sur le fait que tout cela – et nous n’avons cessé de le dire depuis le début – est dit à peu près, que ce qui semble clair et précis est de l’ordre de la conjecture, presque de l’invention, que, la plupart du temps, l’évidence s’allume et s’éteint vite un peu au-delà, ou en deçà si l’on préfère, de ce qu’on appelle les mots, comme il est supposé que depuis le début nous sommes d’accord sur toutes choses, disons-le une dernière fois, bien que ce soit toujours la même, et que ce soit bien clair : tout ceci n’est qu’à peu près et si l’on veut, et après tout, qu’est-ce que ça peut faire ! »
Ipséité :
« Mais ce sont là ses images privées qui appartiennent à l’intransmissible de ses représentations, ces images apparemment arbitraires et sans aucun sens, qui, cependant, d’être mises, s’il se pouvait, en diagramme, prouveraient sa spécificité plus encore que ses empreintes digitales ou les traits de son visage. »
Le milieu est celui de la jeunesse cultivée, mais il sera impossible d’oublier que nous sommes en Argentine, Amérique Latine, terre si fertile en autoritarismes divers :
« Malgré leurs idées libérales, ses parents s’accommodent des dirigeants et des possédants, lesquels, à leur tour, par respect du nom patricien et surtout des vastes domaines autour de Tostado, tolèrent en eux l’humanisme libéral comme chez d’autres de leur caste l’épilepsie ou la pédérastie. »
En longues phrases précises et un peu goguenardes, l’auteur omniscient, qui se présente facétieusement comme « votre serviteur », manipule perfidement le lecteur jusqu’aux ultimes pages où enfin celui-ci sera (peut-être) dédommagé de ses efforts.
Il m’a semblé retrouver un côté Nouveau Roman dans l’observation clinique des faits et pensées, leur description minutieuse dans la géométrie citadine où alternent ombre et lumière ; les échanges dialectiques, les considérations métaphysiques m’ont fait penser à Marelle, de Cortázar.
« Un petit radiateur électrique placé à l’entrée de la chambre, dans le couloir, répandra, presque au ras du sol, une clarté rougeâtre dont la braise de la cigarette, s’avivant à chaque bouffée, semblera être, pour ainsi dire, l’écho lumineux ou la métastase. »

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Message par Bédoulène Mar 2 Juin - 20:15

j'avais aussi prévu cette lecture .........................un jour !

merci pour ton commentaire

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Message par animal Mar 2 Juin - 21:45

ça marcherait pour un panda ? ça a l'air bien !

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Message par Tristram Mar 2 Juin - 21:53

Héhé ; j'ai pensé à toi en écrivant mon commentaire... Je ne sais pas si ça peut te plaire, mais si tu le lis j'aimerais avoir ton opinion !

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Message par animal Mar 2 Juin - 22:07

huhu. avec un pense bête pour la période post-cartons...

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Message par topocl Mer 3 Juin - 7:43

Cartons? Cartons, Donc ça y est???

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Message par animal Mer 3 Juin - 20:11

ça approcherait !

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Message par Pinky Mer 31 Juil - 0:04

Les Nuages

Juan José Saer - Page 2 Les-nu10

Pigeon affronte seul à Paris la canicule de juillet. Il reçoit de Soldi, ami de Tomatis, argentin comme lui, un "disket", transcription d'une archive que lui a donné une vielle dame. Celui-ci voudrait savoir s'il s'agit d'un récit de fiction ou d'un témoignage. Il publie donc le document en question.
Au début du XIXe siècle, en Argentine, le docteur Weiss fonde une maison de santé pour soigner les malades mentaux en y appliquant des méthodes plus douces pour les soigner. Il envoie Réal son disciple chercher plusieurs malades à Santa Fe pour les amener à Buenos Aires. Le récit nous conte la traversée quasi picaresque de contrées parfois désertiques avec des malades atteints de différentes pathologies : Une religieuse nymphomane (un classique du genre) que les prostituées attaquèrent pour concurrence déloyale pendant le voyage, Prudencio Parra, jeune homme qui ne desserre pas un de ses poings et finit par se blesser, Troncoso dandy féru d’équitation et grandiloquent, et deux frères dont l’un répète sans cesse matin, midi, soir sur tous les tons et par ses intonations finit par se faire comprendre.

Troncoso le dandy
« De par sa manière de se comporter qui trahissait les symptômes évidents de la manie, il ne pouvait s’agir que de ce Monsieur Troncoso que sa famille, une des plus riches de Cordoba, envoyait pour être interné aux Trois Acacias. Chez ce genre de malades, c’est précisément une conduite habituelle que d’adopter un air de supériorité en face de leurs médecins, et cette tactique : venir à ma rencontre sans se faire connaître de manière explicite pour mettre à l’épreuve ma perspicacité ou même, si possible, démontrer ma totale ineptie, est une manière assez courante de se présenter. Dans ses manières, il y avait aussi une tentative, assez habile par ailleurs, de dissimuler sa folie comme ces personnes qui ont bu et qui, pour que cela ne se voie pas du dehors, tentent de prendre les poses qu’elles croient naturelles, sans se rendre compte que ce sont justement ces tentatives qui dénoncent leur ivresse. »,

« C’était un cavalier prodigieux qui agissait comme s’il avait oublié qu’il était à cheval, mais sans commettre la moindre faute et l’animal qu’il montait semblait lui aussi adopter une attitude d’indifférence envers son cavalier, et tout ce qu’ils faisaient simultanément, pas, trot, galop, course, arrêt subit, reculade ou entrepas, semblait résulter non d’un ordre imperceptible donné par l’homme à l’animal mais de la concordance spontanée, presque magique, qui harmonisait dans le monde extérieur, par une coïncidence durable, les mouvements de hasard de deux volontés concentrées sur elles-mêmes et ignorantes l’une de l’autre. »

Les frères Verde
« Mais ce qui rendait difficile un échange verbal avec lui (le plus jeune frère) était son habitude de faire avec sa bouche toutes sortes de bruits, cris, grognements, éternuements, hoquets, toux, bégaiement, ventosités buccales, ou, dans les moments de grande excitation, imprécations adressées on ne savait trop à qui, et même vociférations et hurlements. [….] Il y avait quelque chose de très triste chez ces deux frères séparés du monde par la même paroi infranchissable de la folie ; si elle était héréditaire, leur démence ne pouvait provenir que de la souche paternelle puisque des mères différentes les avaient miss au monde. Ce dont peut-être ils avaient hérité n’était pas la folie mais une commune fragilité devant l’âpreté blessante des choses, ou peut-être, bien qu’ils fussent différents l’un de l’autre, les allers et retours fugitifs du hasard leur avaient-ils fait traverser de par une inimaginable coïncidence, le même corridor secret où, sans acharnement mais sans compassion, guette la démence.
»

Prudencio Parra et Cicéron où comment pour le docteur Weiss « toutes les actions d’un fou pour minimes et absurdes qu’elles paraissent, sont significatives »
Durant le cours de philosophie nous avions étudié les Académiques de Cicéron et comme l’époque des examens approchait, nous marchions, un ami et moi, dans la rue principale d’Alcala, mémorisant cette page où Cicéron décrivait la manière utilisée par Zénon le stoïcien pour expliquer à ses disciples les quatre étapes de la connaissance : les doigts étendus signifiaient la représentation (visium) ; quand il les tenait un peu repliés c’était l’assentiment (assensus), grâce auquel la représentation se fait évidente dans notre esprit ; ensuite avec son poing fermé, Zénon voulait démontrer comment à travers l’assentiment on parvient à la compréhension (comprehensio) des représentations. Et enfin il portait sa main gauche vers son poing, l’y enserrait et le pressait avec force et, montrant ce mouvement à ses disciples, il leur disait que cela était la science (scientia). Cette découverte me fit sauter du lit, m’habiller de manière sommaire et me précipiter jusqu’au chariot du jeune Prudencio… le jeune Parra, durant sa période de lectures avides et désordonnées, avait peut-être trouvé dans ce paragraphe de Cicéron, l’adoptant de manière immédiate, l’explication de ce monde inextricable dans le désordre duquel un beau jour et sans qu’il sût pourquoi, son âme fragile, étrangère et terrorisée, s’était réveillée. »

Les nuages
« Comme Osuna annonçait pour le trente la tempête de Santa Rosa, nous guettions tous, anxieux mais sceptiques, pour voir si venaient à notre rencontre depuis le sud-est vers quoi nous nous dirigions les nuages salvateurs, moins chargés d’eau que d’espoir. […] Enfin, un après-midi, les nuages commencèrent d’arriver. Comme s’il était encore trop tôt, les premiers étaient grands et très blancs avec des ondulations festonnant leur contour, et quand ils passaient trop bas, leur ombre portée assombrissait leur face inférieure, visible depuis la terre. Nous avions l’espoir de les voir noircir et, venant de l’horizon en une interminable masse gris ardoise, couvrir en peu de temps le ciel entier et se répandre en pluie. »

Réflexions a posteriori de Saer sur Les nuages qu’il rapproche de L’Enquête
« Dans Les nuages, j’ai essayé de suggérer la teneur de ces expériences d’enfance, dont les images, jusqu’à aujourd’hui et toujours plus fréquemment, obstinées, viennent me rendre visite. Cette plaine à travers laquelle déambulent les personnages du roman est plutôt un paysage intérieur »
.

Un voyage que j'ai apprécié autant pour les réflexions sur la folie ou le langage que par ses descriptions des paysages traversés. Je ne connaissais pas l'auteur  je l'ai découvert en librairie.
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