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Message par animal Lun 25 Jan - 19:50

La Presqu'île et Un Balcon en forêt c'est dans ce que j'ai lu de mieux écrit en français directement, et tout court. Julien Gracq - Page 4 1798711736

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Message par bix_229 Lun 25 Jan - 20:13

animal a écrit:La Presqu'île et Un Balcon en forêt c'est dans ce que j'ai lu de mieux écrit en français directement, et tout court. Julien Gracq - Page 4 1798711736
Un peu, mon neveu, mais on peut en ajouter plusieurs autres.  Julien Gracq - Page 4 1304972969
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Message par Nadine Jeu 28 Jan - 20:55

animal a écrit:Un extrait du Château d'Argol ?

extrait (j'ai essayé de tailler court, ce qui n'est pas chose facile... faut quand même essayer de faire profiter du rythme particulier) :

Peu de jours après ces événements significatifs, Albert suivait d'un pas nonchalant le bord de la rivière d'Argol. Ces gorges dangereuses, ces rochers escarpés, voilés par les rideaux épais des bois, attiraient son âme tourmentée. La rivière paraissait ici rouler ses flots au fond d'un abîme naturel aux bords rapides, auxquels s'accrochaient les puissantes frondaisons d'une glorieuse forêt. Les détours continuels et capricieux du cours de la rivière donnaient à ces lieux un caractère d'isolement singulier. Autour d'Albert, les hautes murailles de la forêt sourcilleuse semblaient dévorer une partie considérable du ciel, et venir effleurer juste le bord du disque ardent du soleil pourtant élevé déjà sur l'horizon. Ces ramures animées de mouvements majestueux et uniformes étaient agitées par le vent venu de la mer toute proche, et qui apportait avec lui le grondement des vagues et le tumulte aérien des libres étendues. Mais, au-dessous de cette symphonie grandiose, au ras des eaux tout était silence et douceur à l'abri du rempart impénétrable des arbres, entre lesquels s'élevaient de la rivière des colonnes d'une transparente et immobile fraîcheur. Tantôt la rivière, atteinte par les rayons obliques du soleil dans le plein épanouissement d'une de ses courbes, éclatait à l’œil en larges plages lumineuses et scintillantes, et tantôt elle se resserrait en un étroit couloir entre de hautes murailles végétales, au sein desquelles elle paraissait s'échapper avec la fluidité d'une huile noire et verte, et s'adapter à la couleur sombre de ces parois profondes avec la malignité d'un piège naturel, frappant les sens d'une silencieuse horreur comme un serpent glissant dans les herbes. Il semblait que ce guet-apens de la nature fût sans recours possible pour l'âme aiguillonnée par le mystère et la curiosité, par le silence de ces lieux où ne pouvait s'entendre aucun chant d'oiseau, et où les symptômes trop évidents de l'appesantissement habituel de la nuit n'étaient démentis que par la présence à tous égards insolite du disque blanc, vide et aveuglant du soleil glissant son œil dans les fraîches entrailles de la terre - le lieu d'un crime insondable, où l'absence cependant indiscutable de toute pièce à conviction dût enchaîner finalement la vue à la profondeur alors entièrement significative de ces eaux noires et transparentes, au sein desquelles l’œil d'Albert, hanté par un pressentiment sinistre, chercha alors un anneau d'or aux pierreries fabuleuses, ou un poignard encore englué de ces filaments rouges et indélébiles qui rendent à jamais si improbable la dilution complète du sang humain dans l'eau. La présence bizarre du soleil sur cet horizon surélevé, (...)

C'est marrant j'allais le recopier ! Merci.

Je suis en effet dans ce volume. Je découvre : lui je ne l'avais pas déjà lu.
Je suis toujours autant sciée par le style.
Je suis frappée par la filiation d'avec Huysmans, je ne sais pas si c'est revendiqué ou un lien discutable que je fais là.On dirait un ferment commun. Avec une émotivité plus revendiquée, en tous cas revendiquée comme non décadente, par Gracq.

Pour l'instant cet écrit de jeunesse a tous les défauts de la jeunesse, j'entends par là que je le reçois avec infiniment moins d'ouverture que La forme d'une ville ou Un balcon en forêt,

à mon sens l'auteur transmet des émotions "baroques" qui ne sont tout bonnement plus de mon âge.

je suis, pourtant, le subtil champ auquel il nous introduit, j'ai eue des amours amicales absolues et mon âme alors n'avait pas la moitié de son talent pour en sublimer la saveur toxique et hébétée. Il est intéressant de s'en rappeler, à le lire. Je reviendrai sur ce commentaire j'en suis sûre, une fois lu tout l'ouvrage. Je vous dis : je reste sciée par le style.
Je fais ce commentaire en gazette de "route", et je baille un peu, devant la peau blanche, le sommeil perdu, et les fatales attractions de l'opus, mais me souviens en parallèle d'une foule de propensions semblables de mes 13/20 ans à courir après ma queue en cercle. Alors bon chapeau, et chapeau surtout d'avoir mûri si bien.Par la suite. En lâchant le maniérisme et en gardant tout le sentiment sensuel (sans plus prendre en otage cette pauvre fille qui passe pour une lymphatique non, parfois ?)
Ce ne sera probablement pas mon préféré
mais en creux se dessine mieux l'auteur, et le voyage m'émeut beaucoup. C'est bien pour ça que je casse un peu. Je tombe amoureuse.

Je vais regarder ce truc, aussi, pour le plaisir :
docu
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Message par Tristram Sam 30 Jan - 1:00

J'ai regardé le truc, Nadine ; je ne savais pas que Gracq avait tant parlé. J'ai trouvé intéressant, et toi ?

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Message par Nadine Ven 5 Fév - 21:32

Itou. Et même réflexion "oh bah il n'est pas si sauvage.."
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Message par Dreep Mer 11 Aoû - 15:03

Un balcon en forêt

Julien Gracq - Page 4 Bm_59510

Entre la frontière belge et la Meuse, en 39-40, les troupes sont dans l'expectative, on attend, on espère que la guerre aura lieu ailleurs. Ce genre de situation est familière au lecteur de Julien Gracq, après avoir lu Le Rivage des Syrtes en tout cas ; roman dans lequel l'espace et le temps du récit sont bien plus vagues, plus légendaires. Un balcon en forêt serait donc un roman sur "la drôle de guerre" ? Il s'agit surtout de de recréer un lieu dans le regard gris de Grange, lieutenant cantonné avec sa troupe dans une maison fortifiée. Les odeurs, les contours, les formes ainsi qu'une palette complète de couleurs sont attentivement observés au cours du récit, mais le gris est la couleur dominante. Un gris âcre, aqueux, s'égouttant dans des nuages gorgés de pluie et de tempêtes ; une couleur d'ennui mais une couleur privilégiée, ou même voisine du bonheur puisque pour le moins l'ennui est une paix fugitive, voire un terreau propice à l'amour avec Mona. Si Un balcon en forêt débute avec un argument historique, le récit qu'il donne est nimbé d'une ambiance fantastique, comme si le théâtre de cette "drôle de guerre" était entièrement plongé dans l'eau. Grâce à un sens de la métaphore qui semble très naturel, ce décor irréel se fond admirablement dans cet arrière-plan où les descriptions sont ciselées, prégnantes et surtout absolument délicieuses.


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Message par Bédoulène Mer 11 Aoû - 17:56

merci Dreep, après une première lecture mitigée (la presqu'île) je tenterai celui-ci, plusieurs Chosiens me l'ayant conseillé et ton commentaire m'y incite !

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Message par animal Mer 11 Aoû - 18:48

celui là il faut essayer oui. Julien Gracq - Page 4 1304972969

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Message par bix_229 Mer 11 Aoû - 19:19

Bédoulène a écrit:merci Dreep, après une première lecture mitigée (la presqu'île) je tenterai celui-ci, plusieurs Chosiens me l'ayant conseillé et ton commentaire m'y incite  !
As-tu lu Le Rivage des Syrtes ? Ce serait le meilleur début en tant qu'oeuvre romanesque.
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Message par animal Mer 11 Aoû - 19:25

je pense qu'on peut lire dans le désordre. Un balcon en forêt c'est dans ce que j'ai lu de "mieux écrit" (ce sentiment étrange) en français, mais vraiment tout en haut du panier avec pas grand monde autour.

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Message par bix_229 Mer 11 Aoû - 19:53

animal a écrit:je pense qu'on peut lire dans le désordre. Un balcon en forêt c'est dans ce que j'ai lu de "mieux écrit" (ce sentiment étrange) en français, mais vraiment tout en haut du panier avec pas grand monde autour.
Tout autant, ses essais aussi : Lettrines, Les Eaux étroites, En lisant en écrivant, Carnets du grand chemin.
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Message par Tristram Dim 10 Oct - 19:57

Lettrines

Julien Gracq - Page 4 Lettri10

Recueil de notes de (re)lecture (Hugo, Balzac, Poe, Stendhal, Breton, Valéry, Claudel, Chateaubriand, Goethe, Dostoïevsky, Jünger et Céline notamment), de réflexions (sur l’histoire, sur les paysages – tout particulièrement Loire, Bretagne et Sologne − et de villes comme Venise, sur l’écriture, le roman et la critique littéraire, sans oublier le théâtre, et Wagner), de souvenirs (de la guerre, mais aussi de l’enfance). Certains de ses rêves sont rapportés par Gracq, à rapprocher de son goût très vif pour le surréalisme. Et toujours son style (c’est toujours phrasé), ses métaphores (ce que je savais moins, c’est l’importance de l’odeur chez Gracq).
« Les beaux muscles de l’eau, gainés d’un laminage de bulles, d’une nacrure d’aponévrose, comme les veines de la pâte à berlingots. »
Aussi un grand sens de l’aphorisme.
« Psychanalyse littéraire – critique thématique – métaphores obsédantes, etc. Que dire à ces gens, qui, croyant posséder une clef, n’ont de cesse qu’ils aient disposé votre œuvre en forme de serrure ? »
Variations sur cohérence et liaisons dans le roman :
« Dans un grand roman, contrairement au monde imparfaitement cohérent du réel, rien ne reste en marge – la juxtaposition n’a de place nulle part, la connexion s’installe partout [… »

« On se préoccupe toujours trop dans le roman de la cohérence, des transitions. La fonction de l’esprit est entre autres d’enfanter à l’infini des passages plausibles d’une forme à une autre. C’est un liant inépuisable. Le cinéma au reste nous a depuis longtemps appris que l’œil ne fait pas autre chose pour les images. L’esprit fabrique du cohérent à perte de vue. C’est d’ailleurs la foi en cette vertu de l’esprit qui fonde chez Reverdy la fameuse formule : "Plus les termes mis en contact sont éloignés dans la réalité, plus l’image est belle." »

« J’appelle cohésion nucléaire cette force d’attraction centrale logée, et bien cachée, dans les grandes œuvres, qui leur permet non seulement de tenir étroitement soudés et incrustés à elle tous les personnages qui les habitent, aussi solidement que nous sommes collés à la surface de notre planète – mais encore d’attirer dans leur orbite des astres errants de moindre calibre, et parfois à de grandes distances [… »

« L’étrange manque de liant, qui est la lacune la plus apparente (et parfois l’attrait, pour le goût blasé) de la prose de Flaubert : entre les blocs anguleux de ses paragraphes, l’ongle trouve le vide : il n’y a pas de ciment interstitiel, rien n’est rejointoyé. »
Toujours un bonheur de lecture !

\Mots-clés : #essai

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Message par animal Dim 10 Oct - 21:08

Merci pour les citations !

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Message par Tristram Mer 26 Jan - 14:06

Lettrines 2

Julien Gracq - Page 4 Lettri11

D’abord diverses pochades géographiques, et aussi historiques, de lieux de France essentiellement (beaucoup Nantes, mais aussi bien d’autres) ; aperçus assez brefs, sauf exceptionnellement, comme du paysage des Landes. On retrouve des vues, envasées, embrumées, du Rivage des Syrtes.
« Ce qui fait la beauté dramatique du Raz, c’est le mouvement vivant de son échine centrale, écaillée, fendue, lamellée, qui n’occupe pas le milieu du cap, mais sinue violemment en mèche de fouet, hargneuse et reptilienne, se portant tantôt vers les aplombs de droite, tantôt vers les aplombs de gauche. Le plongement final, encore éveillé, laboure le raz de Sein comme le versoir d’un soc de charrue. Le minéral vit et se révulse dans cette plongée qui se cabre encore : c’est le royaume de la roche éclatée ; la terre à l’instant de s’abîmer dans l’eau hostile redresse et hérisse partout ses écailles à rebrousse-poil. »
Longue et belle évocation de la marche, d’abord lorsqu’il parcourt la Basse Normandie au temps de l’occupation allemande, et pendant la « rêverie de guerre » de l’armée française entre Lorraine et Flandre.
Suivent des « Éphémérides », qui commencent avec mai 68, la mort du général de Gaulle, et le premier débarquement de l’homme sur la lune.
Références littéraires et notes de lecture, dont principalement Baudelaire, Proust, Rimbaud, Chateaubriand, Mauriac, Stendhal, Hugo, Verne, mais aussi Jammes. Gracq ne ménage pas non plus l’expression de ses mésestimes. Avis également concernant les peinture, musique, architecture, sculpture. Des souvenirs, notamment d’enfance (bord de Loire, Angers, Nantes), puis de voyages aux États-Unis, péninsule ibérique, Royaume-Uni et Scandinavie.
Peu de choses cependant concernant l’écriture, mais intéressantes.
« Le mot, pour un écrivain, est avant tout tangence avec d’autres mots qu’il éveille à demi de proche en proche : l’écriture, dès qu’elle est utilisée poétiquement, est une forme d’expression à halo. »

« Tout livre digne de ce nom, s’il fonctionne réellement, fonctionne en enceinte fermée, et sa vertu éminente est de récupérer et de se réincorporer – modifiées – toutes les énergies qu’il libère, de recevoir en retour, réfléchies, toutes les ondes qu’il émet. C’est là sa différence avec la vie, incomparablement plus riche et plus variée, mais où la règle est le rayonnement et la dispersion stérile dans l’illimité. Espace clos du livre : restreint, c’est la clé de sa faiblesse. Mais aussi étanche : c’est le secret de son efficacité. Le préfixe auto est le mot-clé, toujours, dès qu’on cherche à serrer de plus près la "magie" romanesque : auto-régulation, auto-fécondation, auto-réanimation. Il faut qu’à tout instant l’énergie émise par chaque particule soit réverbérée sur toute la masse. »
Gracq offre encore et toujours un grand plaisir de lecture !

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Message par Bédoulène Mer 26 Jan - 14:41

merci Tristram, toujours au même point mais je lirai "un balcon en forêt" re re renoté

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Message par Tristram Mar 1 Fév - 15:24

En lisant en écrivant

Julien Gracq - Page 4 En_lis10

Les sous-titres, c'est-à-dire les thèmes abordés, et quelques glanures parmi ces bribes si phrasées :

Littérature et peinture
« Il ne serait pas sans conséquence de se demander pourquoi, dans ce procès depuis si longtemps ouvert entre la parole et l’image, les grandes religions monothéistes, Israël comme l’Islam, ont jeté les Images au feu et n’ont gardé que le Livre. La parole est éveil, appel au dépassement ; la figure figement, fascination. Le livre ouvre un lointain à la vie, que l’image envoûte et immobilise. »

« Les personnages, en effet, dans un roman tout comme dans la vie, vont et viennent, parlent, agissent, tandis que le monde garde son rôle apparent et passif de support et de décor. Pourtant quelque chose les rapproche puissamment, qui ne tient aucune place dans la vie réelle : hommes et choses, toute distinction de substance abolie, sont devenus les uns et les autres à égalité matière romanesque – à la fois agis et agissants, actifs et passifs, et traversés en une chaîne ininterrompue par les pulsions, les tractions, les torsions de cette mécanique singulière qui anime les romans, qui amalgame sans gêne dans ses combinaisons cinétiques la matière vivante et pensante à la matière inerte, et qui transforme indifféremment sujets et objets – au scandale compréhensible de tout esprit philosophique – en simples matériaux conducteurs d’un fluide. »

« C’est que la séduction de la femme ne s’exerce, sur l’artiste comme sur le calicot, que selon les canons de la beauté-du-jour, mais que le peintre, quand il peint sa maîtresse, n’est plus amoureux que de sa toile, et de ses exigences – tandis que la main à plume, elle, parce qu’elle évoque et ne peut jamais montrer, fait aisément de l’or avec du plomb sans avoir vraiment à transmuer. »
Stendhal – Balzac – Flaubert – Zola
« La psychologie dans la fiction est création pure, doublée d’un pouvoir de suggestion active. »

« …] la littérature, comme la démocratie, ne respire que par la non-unanimité dans le suffrage. »
Paysage et roman
« Qu’est-ce qui nous parle dans un paysage ?
[…]
Tout grand paysage est une invitation à le posséder par la marche ; le genre d’enthousiasme qu’il communique est une ivresse du parcours. »
Proust considéré comme terminus

Roman

« Tout ce qu’on introduit dans un roman devient signe : impossible d’y faire pénétrer un élément qui peu ou prou ne le change, pas plus que dans une équation un chiffre, un signe algébrique ou un exposant superflu. »

« L’envoûtement que je subissais en l’écoutant [le Salomé de Wilde et Strauss] m’aidait à comprendre ce qui se cachait d’exigence vraie derrière la règle si absurde parce que maladroitement formulée des trois unités : l’exigence de l’absolue clôture de l’espace dramatique, le refus de toute fissure, de toute crevasse par où puisse pénétrer l’air extérieur, comme de tout temps de repos qui laisse place au recul pris. »
L’écriture
« Tout comme est peintre seulement quelqu’un qu’inspire le jeu des lignes et des couleurs (et non l’envie de représenter un arbre, une scène de genre, ou un rêve) est littérateur seulement celui que le maniement de la langue inspire peu ou prou. »
Lecture

Lectures

« Je suis toujours curieux de lire les réactions qui nous ont été conservées toutes fraîches des contemporains d’une œuvre capitale, tutoyant irrévérencieusement des ouvrages dont ils ne savent pas encore qu’ils feront un jour ployer le genou. »

« …] en littérature, comme en politique, les moyens subvertissent immanquablement les fins. »
Littérature et histoire

Allemagne

Littérature et cinéma

Surréalisme

Langue

Œuvre et souvenir

Demeures de poètes

Siècles littéraires

« Certes, il n’y a pas de raison de croire au "progrès" en matière d’art. Si d’ailleurs on remonte de quelques siècles dans le temps, il apparaît que l’homme n’y a jamais cru que peu sérieusement et très passagèrement (en revanche, pendant de longues périodes, et de toute son âme, il a cru à la réalité et presque à la fatalité de sa régression). »
Peut-être un peu trop péremptoire, et abscons parfois, mais ça reste une lecture très riche, d’une langue superbe (même si je ne suis pas d’accord avec tout ce qui est dit, et que je n’ai pas tout compris).

Ne me reste qu’à mettre la main sur En Vivant, en écrivant, d’Annie Dillard, titre apparemment démarqué de celui de Gracq, et parlant également, je crois, de vie et de littérature…

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Message par Bédoulène Mar 1 Fév - 18:10

je n'ai pas dit mon dernier mot !

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Message par Armor Jeu 24 Mar - 21:40

Philippe Le Guillou a consacré un livre à l'une de ses visites à Julien Gracq. Pour lire le commentaire de Pinky, c'est par ici : clic

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Message par Nadine Sam 26 Mar - 20:01

Oui c'était intéressant, d'ailleurs, merci à vous deux les filles
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Message par Dreep Dim 28 Aoû - 17:32

Au château d'Argol

Julien Gracq - Page 4 81v3fOZZtEL
Bien que la prose de Julien Gracq soit constellée de différentes couleurs, des teintes plutôt vives, c'est toujours le gris qui domine et enveloppe le récit dans une atmosphère lourde et profonde. La précision avec laquelle Gracq décrit les lieux et les éléments donne une sorte de crédibilité à leurs transformations. La forêt en algues, les nuages en écharpes, les vagues en lames de couteau, celles-ci en neige : rien d'immobile là-dedans, tout au contraire. Le gris surplombe le château où habitent trois personnages moins actifs en comparaison. Pourtant, trois "incidents" rapides et sans bruits se produisent ici, comme trois coups portés à cette amitié qui recelait des sentiments d'une nature plus âpre, ou plus intense. Les longues phrases, sinueuses et excessivement complexes de Gracq, truffée d'adverbes et de termes parfois un peu vagues contrairement à son habitude, exigent du lecteur une certaine concentration. Celle-ci est récompensée par la révélation d'ambiances carrément gothiques. Moins par la vérité des sentiments ou de certaines scènes ; par rapport aux personnages de ses futurs romans (Un Balcon en forêt ou Le Rivage des Syrtes), ceux de son premier roman, Au château d'Argol, semblent un petit peu invisibles.
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