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Umberto Eco

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Message par Tatie Mer 26 Mai - 16:02

Le sujet pourrait bien me plaire. Si ce n'est pas trop lourd.
Je n'ai pas fini Le Cimetière de Prague.
Trop embrouillé pour moi.
Ce n'est pas bien de rester sur une telle impression.
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Message par Bédoulène Mer 26 Mai - 16:10

oh! dommage pour le cimetière de Prague, j'avais apprécié (un bémol toutefois sur certaine hystérie)

merci Tristram pour ton ressenti, je me doute de la difficulté de commenter plus précisément l'ouvrage !

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Message par Tristram Mer 26 Mai - 16:55

Maintenant, ce n'est pas un ouvrage pour spécialistes ; il est tout de même préférable d'avoir des notions de latin, et de garder un dictionnaire à portée de main...

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Message par ArenSor Mer 26 Mai - 17:32

religion - Umberto Eco - Page 2 Cimeti10


Un aspect qui me paraît important dans ce roman est celui de l’intertextualité, c’est bien la particularité que je trouve la plus intéressante dans les romans d’Eco. La première phrase donne le ton : « Le passant qui en ce matin gris du mois de mars 1897 aurait traversé… »
Le début des paragraphes suivants ne fait que confirmer :
« S’il s’était ensuite engagé…. »
« Et si comme il arrivait rarement… »
« Et si, enfin, le visiteur, en vertu de quelque laissez-passer… »
Ce sont des procédés littéraires d’introduction dans le récit que l’on retrouve fréquemment chez Balzac et nombre d’écrivains du 19e siècle.
Par ailleurs, Umberto Eco nous livre rapidement ses modèles : Alexandre Dumas, en particulier «Joseph Balsamo » et surtout Eugène Sue avec « Le Juif errant » et  « Les Mystères de Paris ».
Nous voilà donc prévenus, nous  sommes en présence d’un livre d’aventures, aux multiples rebondissements, aux intrigues particulièrement retorses, complots et assassinats en tous genres, se déroulant dans des lieux souvent peu fréquentables, bas-fonds des grandes villes, cours des miracles dans lesquelles règne une faune inquiétante et sordide et où filent au long des égouts les cadavres de divers protagonistes… Ambiance noire empruntée au roman gothique anglais du 18e siècle. La formule du roman feuilleton nécessitait de relancer perpétuellement l’intérêt du lecteur bourgeois d’alors, avide d’exotisme et de frissons.
N’est-ce pas ce que fait Simon Simonini, le sinistre héros de cette histoire : raffiner à l’infini sur cette fameuse rencontre de rabbins dans le cimetière de Prague, ceci afin d’alimenter les livres et pamphlets antisémites qui lui sont payés rubis sur l’ongle ? Inventer des histoires délirantes de femme voyante ayant fréquenté les loges maçonniques, la tenue de messes noires… Qu’importe la vraisemblance ! Plus la supercherie sera grosse plus elle a chance de fonctionner. L’important n’est aucunement la vérité mais de dire ce que les gens ont envie qu’on leur dise ! (Je ne parlerai pas des « réseaux sociaux » actuels qui fonctionnent pas mal sur ce principe), autrement dit, écrire ce que les lecteurs ont envie de lire…
Il faut dire que la seconde moitié du 19e siècle où s’affrontent des forces parfois organisées en sociétés plus ou moins secrètes, francs-maçons, Juifs, Jésuites, constitue un terreau particulièrement fertile pour les divagations les plus extrêmes.

«.. Il était agréablement surpris parce que, disait-il, il était en train d’écrire un roman sur les affaires italiennes de 1860. Presque terminé, il s’intitulerait « Biarritz », et il aurait de nombreux volumes mais tous les évènements ne se passaient pas en Italie, on se déplaçait en Sibérie, à Varsovie, à Biarritz justement, et ainsi de suite. Il en parlait volontiers et non sans quelque complaisance, se targuant d’être sur le point de mettre la touche finale à la Chapelle Sixtine du roman historique. Je ne saisissais pas le lien entre les différents évènements dont il s’occupait, mais il semblait que le noyau de l’histoire était la menace permanente des trois forces maléfiques qui dominaient insidieusement le monde, c'est-à-dire les francs-maçons, les catholiques, en particulier les jésuites et les Juifs qui s’infiltraient même dans les deux premiers pour saper dans ses fondations la pureté de la race protestante teutonne ».

Ce fatras ésotérique prêterait volontiers à rire, si nous ne connaissions la suite. La fin du roman s’achève sur la rédaction des « Protocoles des sages de Sion » dont on sait l’oreille attentive que leur prêta Alfred Rosenberg et autres théoriciens du nazisme. Pour ne laisser subsister aucun doute, Umberto Eco évoque la Solution Finale :

« - Et alors il faudra un jour tenter l’unique solution raisonnable, la solution finale : l’extermination de tous les Juifs. Les enfants aussi ? Les enfants aussi. Oui, je sais, cela peut paraître une idée à la Hérode, mais quand on a affaire à de la  mauvaise semence il ne suffit pas de couper la plante, il faut la déraciner. Si tu ne veux pas de moustiques, tue les larves. »

Mais revenons à notre récit où nous croiserons des personnages singuliers, tel ce jeune médecin viennois, le dénommé Sigmund Froïde, cocaïnomane, venu assister aux séances de Charcot à la Salpêtrière. Comme toujours, beaucoup d’humour et de second degré chez cet écrivain, même si certaines parties du livre sont un peu confuses et traînent en longueur.
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Message par Tristram Mer 26 Mai - 18:42

Hélas je crains d'avoir tiré un glaçon pour ti'punch de cet iceberg...
J'imagine (et j'espère) qu'il existe des sites où l'on collationne les références reconnues dans les livres d'Eco ; y compris autoréférences, comme ce joli pas d'écrevisse :
« Ainsi ai-je décidé de tenir ce journal, encore qu’à reculons, me racontant mon passé au fur et à mesure que je parviens à le faire revenir dans ma tête, même les choses les plus insignifiantes, jusqu’à ce que l’élément (comment disait-on ?) traumatisant trouve une issue. Tout seul. Et tout seul je veux guérir, sans me mettre entre les mains des médecins des folles. »
Umberto Eco, « Le Cimetière de Prague », 3, « Chez Magny »

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Message par Tatie Mer 26 Mai - 20:19

Merci ArenSor. Si j'avais eu ton commentaire, j'aurais peut-être mieux capté certaines choses !
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Message par Tristram Lun 20 Sep - 13:34

De Superman au surhomme

religion - Umberto Eco - Page 2 De_sup10

Essais des années soixante à quatre-vingt-dix, traitant essentiellement du roman populaire ou historique et du feuilleton (paternaliste, populiste) bref de la « narrativité de masse », « culture de grande consommation », « l’industrie de l’évasion » qui « console » le lecteur, versus le roman problématique, « qui propose des fins ambiguës », et remet en question la notion acquise de Bien et de Mal :
« Il faut démonter les mécanismes. »
L’étude notamment d’Eugène Sue et Alexandre Dumas, des surhommes (nietzschéens) de Vatekh à Tarzan et des superhéros des comics ainsi que le James Bond d’Ian Fleming, mène à des rapprochements passionnants entre littérature et idéologie.
« L’apaisement – qui, dans le roman commercial, résulte de la consolation par réitération de l’attendu – se présente, sous une forme idéologique, comme la réforme destinée à changer certaines choses afin que tout reste immuable : ce qui revient à nommer l’ordre, né de l’unité dans la répétition, de la stabilité des sens acquis. Idéologie et structure narrative se rejoignent en une union parfaite. »

« Le Comte de Monte-Cristo est sans doute l’un des romans les plus passionnants qui aient jamais été écrits, et c’est aussi l’un des romans les plus mal écrits de tous les temps et de toutes les littératures. »
Eco analyse Six Problèmes pour Isidro Parodi, le polar de Borges et Bioy Casares.
« Assumer que les livres se parlent entre eux sans que les auteurs (utilisés par les livres pour parler – une poule est l’artifice qu’un œuf utilise pour produire un autre œuf) se connaissent nécessairement, cela constitue, je crois, un excellent procédé borgésien. »
Il dégage « une excellente clé de lecture de l’œuvre de Borges » : dans ses récits l’enquête est du même registre de fiction que les faits rapportés, qui sont mis en scène et racontés par un autre esprit.
« On n’est jamais face au hasard, ou au fatum, on se trouve toujours à l’intérieur d’une trame (cosmique ou situationnelle) pensée par un quelconque autre esprit selon cette logique fantastique qu’est la logique de la Bibliothèque. »
Je pense que c’est cette cohérence fictionnelle qui induit chez le lecteur la satisfaction de découvrir un monde qui a un sens (comme il voudrait que le nôtre en ait un).
« …] ce qui caractérise le roman policier, fût-il d’investigation ou d’action, ce n’est pas tant la variation des faits que le retour d’un schéma habituel dans lequel le lecteur reconnaîtra quelque chose de déjà vu auquel il s’est attaché. »
Dans une conclusion de 1993 qui garde de sa pertinence :
« L’idiot du village des programmes télé actuels […] peut être aussi un intellectuel qui a compris que, au lieu de se fatiguer à écrire un chef-d’œuvre, il était possible d’avoir du succès en baissant son pantalon à la télé et en montrant son postérieur, en lançant des insanités lors d’un débat culturel, ou carrément en agressant à coups de gifles son interlocuteur. »

\Mots-clés : #essai #universdulivre

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Message par Bédoulène Lun 20 Sep - 16:24

merci Tristram ! tes lectures m'invitent, mais as-tu du temps en solde ? Smile

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Message par Tristram Lun 20 Sep - 17:35

Hélas, au prix fort, pour tout le monde...

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Message par Tristram Mar 16 Nov - 12:40

Pastiches et Postiches

religion - Umberto Eco - Page 2 Pastic10

Recueil de textes divers.
Dans Nous sommes au regret de ne pouvoir publier votre ouvrage…, des rapports de lecture à l’éditeur déconseillent le choix éditorial de quelques chefs-d’œuvre de la littérature mondiale ; pas assez ou trop de sexe, « gros travail d’editing » à prévoir, invendable, etc. : c’est désopilant !
Trois notes de lecture : sur les billets de banque, Histoire d’O « (projet de note de lecture pour "Marie-Claire") et L’Amant de lady Chatterley.
Nonita est un hilarant pastiche de Lolita, ou les confessions d’Umberto Umberto, jeune éphèbe épris de séniles « parquettes » ! La parodie met en abyme les démarquages d’autres auteurs que Nabokov, comme son modèle renvoyait à des références littéraires.
Fragments, ce sont ceux découverts après une catastrophe nucléaire là où se trouvait l’Italie, bribes de chansons populaires qui attestent d’une civilisation fantasmée dans d’érudites et hasardeuses extrapolations !
Les deux textes suivants sont dans le genre des Mythologiques de Barthes :
Platon au Crazy Horse :
« Si, psychologiquement, le rapport du strip-tease est sadomasochiste, ce sadomasochisme, sociologiquement, est essentiel au rite d’enseignement qui s’accomplit : le striptease démontre inconsciemment au spectateur, qui accepte et recherche la frustration, que les moyens de production ne sont pas en sa possession. »
Phénoménologie de Mike Bongiorno (le Guy Lux italien) :
« L’idéal du consommateur de mass media est un surhomme qu’il ne prétendra jamais devenir, mais qu’il se plaît à incarner en imagination, comme on endosse pour quelques minutes devant un miroir le vêtement de quelqu’un d’autre, sans même songer à le posséder un jour. »
Esquisse d’un nouveau chat : dans le genre de Robbe-Grillet et du Nouveau roman.
L'autre empyrée : témoignage sur l’immobilisme du Dieu de l’Ancien Testament face aux progrès scientifiques :
« Lucifer, on essaye maintenant de le faire passer pour un communiste, mais je veux être pendu s’il était même social-démocrate. Un intellectuel avec des idées réformistes, voilà ce qu’il était ; de ceux qu’on liquide ensuite, dans les vraies révolutions. »
La Chose : le professeur Ka a fabriqué le premier biface, et le général utilise la technologie pour massacrer.
De l’impossibilité d’établir une carte de l’empire à l’échelle de 1/1 : en référence à Borges.
Trois chouettes sur la commode : parodie de philologie d’un poème.
Industrie et répression sexuelle dans une société de la plaine du Pô : savoureuse étude du « village de Milan » par des anthropologues de Mélanésie et des îles de l’Amirauté ! Avec étrange interprétation du Risorgimento (le réveil national italien).
« Le fait de condamner les occidentaux comme peuples primitifs uniquement parce qu’ils s’adonnent au culte de la machine et sont encore loin d’un contact vivant avec la nature constitue un bel exemple de cet arsenal d’idées fausses qui a servi à nos ancêtres pour juger les hommes incolores et en particulier les Européens. »

« Et il n’est pas dit – on me l’accordera – que cueillir des noix de coco en grimpant pieds nus sur un palmier constitue un comportement supérieur à celui du primitif qui voyage en jet en mangeant des chips enfermées dans un sachet en plastique. »

« L’Église, d’après ce qui ressort des témoignages recueillis sur place, est une puissance laïque et temporelle, aspirant à la domination terrestre, à l’acquisition de terrains à bâtir, au contrôle du pouvoir politique, alors que l’Industrie est une puissance spirituelle visant à la domination des âmes, à la diffusion d’une conscience mystique et d’un mode de vie ascétique. »
Où allons-nous finir ? : Héraclite et « l’homme-masse », point de vue critique fort documenté sur la démocratie et sa soif d’information instantanée sous la coupe de « l’industrie culturelle » dans la culture attique, d’une magnifique mauvaise foi…
« Quant à Médée, la culture de masse nous offre là son morceau de bravoure, nous parlant des névroses privées d’une hystérique sanguinaire, à grand renfort d’analyses freudiennes, et nous fournissant un parfait exemple de ce que peut être un Tennessee Williams du pauvre. »
La découverte de l’Amérique : fabuleux reportage télévisé en direct de la découverte de l’Amérique sur le modèle du premier pas sur la lune, avec commentaires de Vinci et autres autorités de l’époque…
« Léonard – Très bien, excusez-moi. Voilà : la caravelle utilise le système de propulsion dit "wind and veil" et flotte en vertu du principe d’Archimède qui veut que tout corps plongé dans un liquide subit une poussée verticale, dirigée de bas en haut, égale au poids du fluide déplacé. La voile, élément essentiel de la propulsion, est répartie sur trois mâts : le grand mât, le mât d’artimon et le mât de misaine. Le beaupré a une fonction particulière : le foc et le clinfoc y sont fixés, alors que le perroquet et la brigantine interviennent dans l’orientation.
Telmon – La thalassonavette arrive-t-elle dans l’état où elle est partie, ou bien y a-t-il des éléments qui se détachent en cours de route ?
Léonard – Je vais vous dire : il y a un processus d’appauvrissement de la thalassonavette qu’on appelle couramment "kill and drawn". C’est-à-dire que lorsqu’un matelot se conduit de façon incorrecte avec l’amiral, il reçoit un coup sur la tête et on le jette à la mer. C’est le moment du "mutiny show-down". En ce qui concerne la Santa Maria, il y a eu trois cas de" kill and drawn", qui ont permis à l’amiral Colomb de reprendre le contrôle de la thalassonavette… En pareilles circonstances, l’amiral doit être très attentif et intervenir au bon moment…
Telmon – Autrement, il perd le contrôle du bâtiment. Je comprends. Et dites-moi, quelle est la fonction technique du mousse ?
Léonard – Très importante. On dit que c’est une fonction de "feeding back". Pour le public, nous pourrions traduire par "soupape de sécurité". C’est un problème technique dont je me suis longtemps préoccupé et, si vous voulez, je vais vous montrer quelques-uns de mes dessins d’anatomie…
Telmon – Merci, professeur Vinci, mais il me semble que le moment est venu d’établir la liaison avec le studio de Salamanque. À toi Bongiorno ! »

« Parodi – Putain con, Amiral, mais elles sont toutes nues !
Stagno – Qu’est-ce qu’il a dit, Orlando ?
Orlando – On n’a pas bien entendu, mais ce n’étaient pas les mots convenus. Quelqu’un me suggère ici qu’il doit s’agir d’un phénomène d’interception des communications. Il paraît que ça arrive souvent dans le Nouveau Monde. Mais voilà, l’amiral Colomb va parler !
Colomb – C’est un petit pas pour un marin, mais c’est un grand pas pour Sa Majesté Catholique… Bordel, mais qu’est-ce qu’ils ont au cou ?… Putain, c’est de l’or, ça ! De l’or !
Orlando – Le spectacle qui nous est transmis par la caméra est véritablement grandiose ! Les marins se mettent à courir vers les indigènes en faisant de grands bonds, des bonds immenses, les premiers bonds de l’homme dans le Nouveau Monde… Ils prennent au cou des indigènes les échantillons du minerai du Nouveau Monde et les fourrent dans de grands sacs en plastique… À présent, les indigènes aussi font de grands bonds en cherchant à fuir ; l’absence de pesanteur les ferait s’envoler si les marins ne les retenaient pas à terre avec de lourdes chaînes… Maintenant les indigènes sont tous bien sagement alignés en colonne, tandis que les matelots se dirigent vers les navires avec les lourds sacs chargés du minerai local. Ce sont des sacs vraiment pesants, et il a fallu beaucoup d’efforts tant pour les remplir que pour les transporter…
Stagno – C’est le fardeau de l’homme blanc ! Un spectacle que nous n’oublierons jamais. Aujourd’hui commence une nouvelle ère de la civilisation ! »
Do your movie yourself : variations autour du scénario-type de quelques cinéastes (Visconti est particulièrement gratiné).
Lettre à mon fils : curieux paradoxe qui défend le droit des parents à choisir un fusil, par rapport à d’autres jouets, pour leurs enfants.
« Vous pouvez les identifier dès maintenant. Les gros spéculateurs de l’immobilier, les spécialistes de l’expulsion en plein hiver, qui ont façonné leur personnalité sur l’infâme Monopoly, s’habituant à l’idée du commerce d’immeubles et de la cession désinvolte de paquets d’actions. Les pères Grandet d’aujourd’hui qui ont sucé le lait de l’accumulation et du gain en bourse avec les billets de tombola. Les planificateurs de l’extermination formés par le Meccano ; les morts vivants de la bureaucratie qui ont préparé leur mort spirituelle avec les albums de timbres-poste. »

« Stefano, mon fils, je t’offrirai des fusils. Parce qu’un fusil n’est pas un jeu. C’est le point de départ d’un jeu. À partir de là, tu devras inventer une situation, un ensemble de rapports, une dialectique d’événements. Tu devras faire "poum" avec la bouche, et tu découvriras que le jeu vaut par ce que tu mets dedans, et non par ce que tu y trouves de tout fait. Tu imagineras que tu détruis des ennemis, et tu satisferas une impulsion ancestrale que même la meilleure des civilisations ne réussira jamais à te masquer, à moins de faire de toi un névrosé bon pour les tests d’aptitude professionnelle de Rorschach. Mais tu comprendras que détruire les ennemis est une convention ludique, un jeu parmi d’autres, et tu apprendras ainsi que c’est une pratique étrangère à la réalité, dont tu connais bien les limites en jouant. Tu te libéreras de tes rages, de tout ce que tu réprimes en toi, et tu seras prêt à accueillir d’autres messages, qui n’ont pour objet ni mort ni destruction ; il sera important, au contraire, que mort et destruction t’apparaissent à jamais comme des produits de l’imagination, ainsi que le loup du petit chaperon rouge, que chacun de nous a haï sans que soit née de là une haine irraisonnée pour les chiens-loups. »

Belle dénonciation des jargons lettrés, et collection de loufoques contresens des doctes ! Ça rappelle par endroits l’OULIPO, et Queneau.
Bourré d’esprit et fort drôle ! Dommage de ne pouvoir saisir toutes les allusions, notamment celles en rapport avec la culture italienne.

\Mots-clés : #humour

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Message par Bédoulène Mar 16 Nov - 21:17

religion - Umberto Eco - Page 2 Le_nom10

Le nom de la Rose

Le narrateur de cette histoire est un vieux moine Bénédictin, Adso de Melk qui, alors novice, accompagnait le moine Franciscain, ancien inquisiteur, Guillaume de Baskerville. Lequel était mandé pour deux missions, participer et obtenir que la rencontre entre les représentants du Pape Jean et la légation des Minorités aboutissent à un accord avant une rencontre avec le Pape.

La présence de Bernard Gui, inquisiteur complique la tâche de Guillaume et les arguments qu’il expose méthodiquement,  ne convainquent pas la légation papale et  s’ils soutiennent et confortent  l’idée de « la pauvreté de Jésus » à laquelle s’oppose le Pape Jean,  ne rassurent pas ses amis.

Echange entre les deux légations :  
« Saint de mes sandales, canonisé par Jean pour irriter les franciscains ! Votre pape ne peut pas faire de saints, car c’est un hérétique ! Mieux, c’est un hérésiarque ! »
« — Attention à ce que tu dis, porc, fils de la prostituée de Babylone et d’autres roulures encore ! »
«  Est-ce ma faute si Louis lit mes écrits ? Il ne peut certes pas lire les tiens, illettré que tu es !
— Moi un illettré ? Il était lettré votre François, qui parlait avec les oies ?
« — Tu as blasphémé !
— C’est toi qui blasphèmes, fraticelle au balai rôti !
— Moi je n’ai jamais rôti le balai, et tu le sais bien ! ! !
— Bien sûr que si, avec tes fraticelles, quand tu t’enfilais dans le lit de Claire de Montfaucon !
— Que Dieu te foudroie ! J’étais inquisiteur en ce temps-là, et Claire avait déjà expiré en odeur de sainteté ! »

« si les franciscains voulaient rester pauvres, le pape ne pouvait ni ne devait s’opposer à un désir aussi vertueux.
Puisque personne n’avait soutenu, et n’aurait pu soutenir, que Jésus avait demandé pour lui et pour les siens une quelconque juridiction terrestre, ce détachement de Jésus des choses temporelles lui paraissait un indice suffisant pour inviter à penser, sans pécher, que Jésus avait aussi chéri la pauvreté »


Les évènements dramatiques qui se déroulent en ce temps à l’Abbaye gérée par l’Abbé Abbon font que ce dernier demande à Guillaume de découvrir ce qu’il en est du meurtre d’un des moines, sa deuxième mission. D’autres  meurtres suivront, selon les 7 trompettes de l’Apocalypse,  dont Guillaume, avec l’aide de son secrétaire novice Adso de Melk, découvrira l’origine, la raison, le but.

C’est dans la bibliothèque, interdite d’accès, sauf au bibliothécaire et à l’Abbé, que Guillaume feuillettera le livre interdit objet de convoitise et instrument de mort.

« Pourquoi celui-ci  ( éloge du rire)t’inspirait-il tant d’épouvante ?
— Parce qu’il était du Philosophe. Chacun des livres de cet homme a détruit une partie de la science que la chrétienté avait accumulée tout au long des siècles. Les Pères nous avaient transmis ce qu’il fallait savoir sur la puissance du Verbe, et il a suffi que Boèce commentât le Philosophe pour que le mystère divin du Verbe se transformât en la parodie humaine des catégories et du syllogisme. Le livre de la Genèse dit ce qu’il faut savoir sur la composition du cosmos, et il a suffi qu’on redécouvrît les livres de physique du Philosophe, pour que l’univers fût repensé en termes de matière sourde et visqueuse, et pour que l’Arabe Averroès fût à deux doigts de convaincre tout le monde de l’éternité du monde ».


Le savoir est bâillonné dans l’abbaye alors que la bibliothèque devrait s’ouvrir à l’accès de tous.

«  Le bien, pour un livre, c’est d’être lu. Un livre est fait de signes qui parlent d’autres signes, lesquels à leur tour parlent des choses. Sans un œil qui le lit, un livre est porteur de signes qui ne produisent pas de concepts, et donc il est muet. Cette bibliothèque est née peut-être pour sauver les livres qu’elle contient, mais maintenant elle vit pour les enterrer. »

Guillaume à Adso émerveillé devant les trésors de la crypte

« Et toi, ne t’extasie pas trop sur ces châsses. Des fragments de la croix, j’en ai vu quantité d’autres, dans d’autres églises. S’ils étaient tous authentiques, Notre Seigneur n’eût pas été supplicié sur deux planches croisées, mais sur une forêt entière.
— Maître ! dis-je scandalisé.
— Il en va ainsi, Adso. Et il y a des trésors encore plus riches. Jadis, dans la cathédrale de Cologne je vis le crâne de Jean-Baptiste à l’âge de douze ans.
— Vraiment ? » m’exclamai-je tout admiratif. Puis, un doute me saisit : « Mais Jean-Baptiste fut tué à un âge plus avancé !
— L’autre crâne doit se trouver dans un autre trésor », dit Guillaume le plus sérieusement du monde. Je ne comprenais jamais quand il se mettait à plaisanter. »

L’importance du langage : « Parfois les magistratures citadines encouragent les hérétiques parce qu’ils traduisent l’Évangile en langue vulgaire : le vulgaire est désormais la langue des villes, le latin la langue de Rome et des monastères. Ou encore, ils appuient les vaudois parce qu’ils affirment que tous, hommes et femmes, petits et grands, peuvent enseigner et prêcher ; et l’ouvrier qui est disciple, dix jours plus tard cherche son pair pour devenir son maître... »

Adso est parfois désarmé devant les évidences de son maître Guillaume :

« Mais alors, osai-je commenter, vous êtes encore loin de la solution...
— J’en suis très près, dit Guillaume, mais je ne sais pas de laquelle.
— Donc, vous n’avez pas qu’une seule réponse à vos questions ?
— Adso, si tel était le cas, j’enseignerais la théologie à Paris.
— A Paris, ils l’ont toujours, la vraie réponse ?
— Jamais, dit Guillaume, mais ils sont très sûrs de leurs erreurs.
— Et vous, dis-je avec une infantile impertinence, vous ne commettez jamais d’erreurs ?
— Souvent, répondit-il. Mais au lieu d’en concevoir une seule, j’en imagine beaucoup, ainsi je ne deviens l’esclave d’aucune. »


Les livres :
« Or je m’apercevais qu’il n’est pas rare que les livres parlent de livres, autrement dit qu’ils parlent entre eux. A la lumière de cette réflexion, la bibliothèque m’apparut encore plus inquiétante. Elle était donc le lieu d’un long et séculaire murmure, d’un dialogue imperceptible entre parchemin et parchemin, une chose vivante, un réceptacle de puissances qu’un esprit humain ne pouvait dominer, trésor de secrets émanés de tant d’esprits, et survivant après la mort de ceux qui les avaient produits, ou s’en étaient fait les messagers. »

******************

Une excellente lecture qui m’a demandé beaucoup d’attention étant donné les phrases en latin et d’autres termes qui m’étaient inconnus en rapport avec la théologie.

Quel plaisir de suivre le raisonnement de Guillaume et les balbutiements intéressants du novice Adso .

L’auteur a exécuté là un véritable travail d’»horlogerie » ; quelle remarquable justesse, précision.

En lisant l’Apostille, on se rend compte de la somme de recherches effectuées et de ses nombreuses et variées connaissances pour argumenter les propos des personnages, les usages en ce temps, l’architecture…. J'ajoute son humour !

J’ai apprécié que l’auteur confie au lecteur le cheminement de son travail, ses choix.

Les livres sont le fil rouge de cette intrigue policière et comme Guillaume le dit :

«  Le bien, pour un livre, c’est d’être lu. «

Donc, j’engage ceux qui n’ont pas encore fait cette lecture à la faire.

et merci à Tristram qui m'a recommandé cette lecture

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Message par Tristram Mar 16 Nov - 21:37

Je me demandais justement où tu en étais dans cette lecture ! Soulagé que cela t'a plu, même si ce n'est pas étonnant vu les mérites du livre. Oui, l'apostille est précieuse à lire. Et on a noté de mêmes extraits !

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Message par Dreep Mer 17 Nov - 12:12

@ Bédoulène : Si tu ne l'as pas encore lu, je te recommande Mon nom est rouge de Pamuk, auquel j'ai trouvé beaucoup de similitudes avec Le Nom de la rose.
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Message par Bédoulène Mer 17 Nov - 18:28

merci du conseil Dreep !

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Message par Tristram Ven 26 Nov - 12:22

De Bibliotheca

religion - Umberto Eco - Page 2 De_bib10

Conférence prononcée le 10 mars 1981 pour célébrer le 25e anniversaire de l’installation de la Bibliothèque communale de Milan dans le Palais Sormani.
À partir du fameux texte de Borges, Eco se propose de définir une « mauvaise bibliothèque » (on pense évidemment à celle de Le Nom de la rose).
« P) Les horaires doivent coïncider exactement avec les horaires de travail, décidés par accord préalable avec les syndicats : fermeture absolue le samedi, le dimanche, le soir et à l’heure des repas. Le pire ennemi de la bibliothèque est l’étudiant qui travaille ; son meilleur ami est l’érudit local, celui qui a une bibliothèque personnelle, qui n’a donc pas besoin de venir à la bibliothèque et qui, à sa mort, lègue tous ses livres. »
Mais le grand praticien va au-delà de l’humour :
« La notion de bibliothèque est fondée sur un malentendu, à savoir qu’on irait à la bibliothèque pour chercher un livre dont on connaît le titre. C’est vrai que cela arrive souvent mais la fonction essentielle de la bibliothèque, de la mienne et de celle des amis à qui je rends visite, c’est de découvrir des livres dont on ne soupçonnait pas l’existence et dont on découvre qu’ils sont pour nous de la plus grande importance. Bien sûr on peut faire cette découverte en feuilletant le catalogue mais il n’y a rien de plus révélateur et de plus passionnant que d’explorer des rayons où se trouvent par exemple rassemblés tous les livres sur un sujet donné, chose que le catalogue auteurs ne donnera pas, et de trouver à côté du livre qu’on était allé chercher un autre livre qu’on ne cherchait pas et qui se révèle être fondamental. La fonction idéale d’une bibliothèque est donc un peu semblable à celle du bouquiniste chez qui on fait des trouvailles et seul le libre accès aux rayons le permet. »
Je ne peux pas m’empêcher de penser que cet idéal bibliothécaire s’apparente évidemment au feuilletage sur la Toile…

\Mots-clés : #essai #universdulivre

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Message par Tatie Ven 26 Nov - 12:38

Il disait quoi, Borges, d'une "mauvaise" bibliothèque ?

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Message par Tristram Ven 26 Nov - 12:54

La Bibliothèque de Babel n'est pas une mauvaise bibliothèque en soi ; Eco part de ce texte emblématique pour définir une "mauvaise bibliothèque", dans l'esprit de celle du Nom de la rose, qui est tout sauf accessible, et même un labyrinthe destiné à cacher et interdire des livres.

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Message par Nadine Mer 15 Déc - 12:45

@Bédoulène, quel plaisir de lire ton compte-rendu du Nom de la rose ! j'aimerais le relire, le nom de la rose, je n'ai pas encore fini "L'île du jour d'avant", , tes trames me redonnent courage (il en faut car le fourmillement érudit est exigeant ) , je suis très heureuse que cela t'ai plu aussi. Tristam ton retour est aussi intéressant, Arensor, itou. Cet auteur est vraiment à fréquenter.

(Le nom de la Rose est pour moi un souvenir particulier : j'avais vu et adoré le film, lorsque j'étais en 4eme au lycée, je crois. A peu près. Mon père disposant du roman, j'avais entamé sa lecture. Sur ce nous est passé commande d'une fiche de lecture. Par mon professeur de français. J'avais beaucoup de mal à tenir une lecture fluide du roman, très dense, j'ai supplié mon père de m'aider à bâtir la fiche de lecture. Nous avons signé ensemble celle-ci, une seconde briganderie scolaire. Je n'avais pas fini le livre..., mais l'enthousiasme de lecteur de mon pere n'avait su résister à l'exercice.
La premiere briganderie avait été une rédaction , la même année, d'une page. il s'agissait d'écrire un fragment policier. je connaissais le goût de mon père pour Simenon, cette fois la supercherie s'était contentée de se borner à une interview précise auprès de mon père sur les termes à employer pour faire vrai simenon , le nom du QG, le nom des subalternes de Maigret, une phrase typique de l'inspecteur..
Dans les deux cas j'ai eu une bonne note et l'estime de mon professeur : sans honte, si heureuse d'avoir noué des passerelles à la passion paternelle. Nous en ricanons encore, de plaisir partagé, lui et moi. Même si je reconnais que ce sel là venait de ma perméabilité à l'enthousiasme paternel et non à mes capacités balbutiantes à l'analyse et au recul nécessaire à la rédaction. C'était du moins déjà être tirée vers le haut)


Dernière édition par Nadine le Ven 17 Déc - 13:48, édité 1 fois
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Message par Bédoulène Mer 15 Déc - 13:11

contente de te relire Nadine ! et merci pour ton appréciation sur mon commentaire.

et merci pour partager avec nous tes moments de passages avec ton Père !

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Message par Tristram Ven 17 Déc - 12:31

Cinq questions de morale

religion - Umberto Eco - Page 2 Cinq_q10

- Penser la guerre (un texte à propos du Koweït, d’avril 1991, et un autre à propos du Kosovo, d’avril 1999).
« C'est un devoir intellectuel de proclamer l'impossibilité de la guerre. Même s'il n'y avait pas de solution alternative. Tout au plus, de rappeler que notre siècle a connu une excellente alternative à la guerre, c'est-à-dire la guerre "froide". Occasion d'horreurs, d'injustices, d'intolérances, de conflits locaux, de terreur diffuse, l'histoire devra finir par admettre que ce fut là une solution très humaine et proportionnellement bénigne, qui a même connu des vainqueurs et des vaincus. Mais il ne relève pas de la fonction intellectuelle de déclarer des guerres froides.
Ce que certains ont vu comme le silence des intellectuels sur la guerre a peut-être été la peur d'en parler à chaud dans les médias, pour la simple raison que ces derniers font partie de la guerre et de ses instruments, et qu'il est donc dangereux de les tenir pour un territoire neutre. De plus, les médias ont des temps différents de ceux de la réflexion. La fonction intellectuelle s'exerce toujours en avance (sur ce qui pourrait advenir) ou en retard (sur ce qui est advenu) ; rarement sur ce qui est en train d'advenir, pour des raisons de rythme, parce que les événements sont de plus en plus rapides et plus pressants que la réflexion sur les événements. C'est pourquoi le baron de Calvino s'était perché sur les arbres : non pour échapper au devoir intellectuel de comprendre son temps et d'y participer, mais pour le comprendre et y participer mieux encore. »
- Le fascisme éternel. Eco dégage les archétypes du fascisme, de « l’Ur-fascisme » (le préfixe Ur exprime l’ancienneté originelle, primitive) : c’est un syncrétisme qui tolère les contradictions, un irrationalisme ; il promeut le culte de l'action pour l'action, la suspicion envers le monde intellectuel, et rejette toute critique ;
« Pour l'Ur-fascisme, le désaccord est trahison. »
Il est bien sûr raciste, nationaliste ;
« L'Ur-fascisme naît de la frustration individuelle ou sociale. Aussi, l'une des caractéristiques typiques des fascismes historiques est-elle l'appel aux classes moyennes frustrées, défavorisées par une crise économique ou une humiliation politique, épouvantée par la pression de groupes sociaux inférieurs. »
Il a l'obsession du complot, promeut l'élitisme populaire.
« Chaque fois qu'un politicien émet des doutes quant à la légitimité du parlement parce qu'il ne représente plus la Voix du Peuple, on flaire l'odeur de l'Ur-fascisme. »

« Le héros Ur-fasciste est impatient de mourir. Entre nous soit dit, dans son impatience, il lui arrive plus souvent de faire mourir les autres. »
- Sur la presse (rapport présenté en janvier 1995 au Sénat italien, en présence de représentants de la presse).
« La fonction du quatrième pouvoir consiste à contrôler et à critiquer les trois autres pouvoirs traditionnels (ainsi que celui de l'économie, des partis et des syndicats), mais cela est possible, dans un pays libre, parce que sa critique n'a aucune fonction répressive : les mass media ne peuvent influencer la vie politique d'un pays qu'en créant de l'opinion. Mais les pouvoirs traditionnels ne peuvent contrôler et critiquer les médias, si ce n'est à travers les médias ; sinon, leur intervention devient sanction, soit exécutive, soit législative, soit judiciaire – ce qui n'arrive que si les médias se mettent hors la loi ou présentent des situations de déséquilibre politique et institutionnel. Cela dit, comme les médias – la presse, en l'occurrence – ne peuvent échapper aux critiques, c'est une condition de bonne santé d'un pays démocratique que sa presse sache se remettre elle-même en question. »
Eco évoque notamment les quotidiens qui « s'hebdomadairisent de plus en plus, contraints d'inventer de l'information, de transformer en information ce qui n'en est pas. »
Il expose ensuite les rapports presse-télévision et presse-monde politique :
« En Italie, le monde politique fixe l'agenda des priorités journalistiques en affirmant quelque chose à la télé (ou même en annonçant qu'il l'affirmera), et la presse, le lendemain, ne parle pas de ce qui s'est passé dans le pays mais de ce qui en a été dit ou de ce qui aurait pu en être dit à la télévision. Et encore, s'il ne s'agissait que de cela, car désormais la petite phrase assassine d'un homme politique à la télévision tient lieu de communiqué de presse formel. »
Un travers de plus en plus répandu :
« Quand elle ne parle pas de télévision, la presse parle d'elle-même ; elle a appris cela de la télévision, qui parle essentiellement de télévision. Au lieu de susciter une indignation inquiète, cette situation anormale fait le jeu des hommes politiques, satisfaits de voir que chacune de leurs déclarations à un seul média est reprise en écho par la caisse de résonance de tous les autres médias réunis. Ainsi, les médias, de fenêtre sur le monde, se sont transformés en miroir, les téléspectateurs et les lecteurs regardent un monde politique qui s'admire lui-même, comme la reine de Blanche-Neige. »
Étonnante anticipation du net et des réseaux sociaux en tant qu'amplificateurs du biais de confirmation que les bulles engendrent :
« Le danger du journal home made, c'est qu'il ne parle que de ce qui intéresse l'usager, le tenant ainsi écarté d'un flux d'informations, de jugements ou de cris d'alarme qui pourraient le solliciter ; il lui ôterait la possibilité de recevoir, en feuilletant le reste du journal, une nouvelle inattendue, non désirée. Nous aurions une élite d'usagers très informés, sachant où et quand chercher les informations, et une masse de sous-prolétaires de l'information, satisfaits d'apprendre la naissance d'un veau à deux têtes dans la région, mais ignorants du reste du monde. »
- Quand l'autre entre en scène (extrait de Croire en quoi ? ).
- Les migrations, la tolérance et l'intolérable. La partie la plus intéressante du recueil : Eco fait d’abord un distinguo entre immigration et migration :
« On n'a "immigration" que lorsque les immigrés (admis sur décisions politiques) acceptent en grande partie les coutumes du pays où ils immigrent, on a "migration" lorsque les migrants (que personne ne peut arrêter aux frontières) transforment radicalement la culture du territoire où ils migrent. »
Il explicite les notions de fondamentalisme et d’intégrisme, de politically correct et de racisme, notamment pseudo-scientifique, puis d’intolérance « pour le différent ou l'inconnu », une pulsion élémentaire, d’abord « sauvage », contre laquelle l’éducation est nécessaire, ensuite « doctrinale » (la trahison des clercs), alors devenue irrépressible. À propos du nazisme et de l’Holocauste, il dégage ce qui change par rapport aux antécédents :
« Le nouvel intolérable n'est pas seulement le génocide, mais sa théorisation. »
L'exposé est limpide, et conforte la conviction que j’ai toujours eue que reprocher son racisme inné à quelqu’un est aussi vain que de l’incriminer parce qu’il est congénitalement malade.

\Mots-clés : #essai #guerre #politique #racisme

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