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Olivier Rolin

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Message par Tristram Mar 9 Aoû - 16:11

Vider les lieux

Olivier Rolin - Page 5 Vider_10

Olivier Rolin doit « vider les lieux » (pendant le confinement), déménager de l’appartement qu’il habite depuis trente-sept ans, à l’instigation de son ex-éditeur et d’un requin de l’immobilier. Il a emballé ses livres (on pense à Je remballe ma bibliothèque d’Alberto Manguel), et s’apprête à quitter la rue de l’Odéon, le voisinage des librairies disparues la Maison des Amis des Livres d’Adrienne Monnier et Shakespeare and Company de Sylvia Beach – occasion d’évoquer Ulysse de Joyce, puis…
« …] un gueuleton spectaculaire dans un restaurant de fruits de mer du bord de la Rivière des Perles. "Fruits de mer" n’est pas le mot : trop étriqué pour qualifier les invraisemblables étals de cet établissement entre zoo marin et restaurant. Crabes géants d’Alaska, langoustes de corail bleues aux pattes tigrées, langoustes australiennes rouge sang, crevettes-mantes de Thaïlande, grands abalones, turbots, crabes violets, verts, crabes tigrés, mérous léopards, mérous marbrés, tortues sous leur filet, crocodiles, serpents de mer, anguilles marbrées, murènes, anguilles de la rivière Beijiang, écrevisses aux longues pinces bleu nuit, oursins chevelus, poissons mandarins, boisseaux grouillants, noirs, de scarabées d’eau, et l’abominable, l’obscène geoduck clam, « panope » en français, espèce de palourde géante qui sort de ses valves une énorme langue ou trompe jaune noirâtre (cette saloperie, fort prisée en Orient, peut vivre paraît-il cent cinquante ans). On se balade autour des aquariums, bouche bée tels le professeur Aronnax, son valet Conseil et le harponneur Ned Land contemplant à travers le panneau vitré du Nautilus "l’enchanteresse vision" des créatures de la mer de Chine (pour mémoire : labres verts, mulles barberins, gobies éléotres, scombres japonais, azurors, spares rayés, spares fascés, spares zonéphores, aulostones, salamandres du Japon, murènes échidnées… "Etc.", ajoute Jules Verne, qui n’eût pas été en peine d’en déverser encore de pleines mannes). On choisit (pas le panope, en ce qui me concerne, ni le crocodile qui serait d’ailleurs plutôt un gavial, ni la tortue), on fourre la bête dans un sac et hop ! à la casserole, sous vos yeux. Sous les yeux impassibles, derrière de petites lunettes rondes cerclées de métal, façon officier japonais de la Seconde Guerre mondiale, de Chen Tong le munificent [l’éditeur qui l’invita].
On s’est un peu éloigné d’Ulysse, c’est comme ça. Les livres font voyager, divaguer, ils servent à ça, entre autres. Et puis, une petite énumération de temps en temps, ça ne fait pas de mal. L’écriture contemporaine, note Perec dans Penser/Classer, a presque oublié cet art de l’énumération que pratiquaient Rabelais et Jules Verne (et Homère et Zola), et c’est dommage. Joyce, qui se permet tout, ne recule devant rien, n’y répugne pas − témoin par exemple les listes désopilantes de "héros de l’antique Irlande" ou d’"Amis de l’Île d’Émeraude" dans le chapitre dit du Cyclope. »
Olivier Rolin a de belles lectures, et en parle bien :
« Ulysse, c’est un gigantesque carnaval flamand, à la Jérôme Bosch (ou à la James Ensor). »
Il recourt également à Leiris, Chateaubriand, Claude Simon, Tchékhov, Proust, Calvino, etc.
L’évacuation, ou la séparation de ses souvenirs est l’occasion de parler de la syllogomanie, cette « collectionnite aigüe ; tendance excessive à l’accumulation d’objets hétéroclites et inutiles » (Wiktionnaire), et la crise sanitaire est surtout perçue comme une limitation des déplacements et l’interdiction des voyages (notamment en train, comme il les affectionne).
Il remue donc les livres de sa bibliothèque (sur lesquels il a noté date et lieu de lecture, parfois plus) comme autant de souvenirs ; il digresse, commente son métier d’écrivain, évoque ses propres livres.
« Toujours un peu troublante est cette façon qu’ont des événements complètement étrangers à l’écriture d’un livre de venir soudain poser leur rayon sur telle partie à laquelle on n’aurait pas, dans d’autres circonstances, prêté attention. »

« Je ne divague pas, ou pas plus que je ne le veux : si je m’égare, "c’est plutôt par licence que par mégarde", dit encore Montaigne, l’ami lointain et irremplaçable. Je ne me suis pas perdu. »
À propos de la Russie, où il enquête sur le goulag (pour Le Météorologue), et de ses remarques sur la désolation sordide d’un hôtel :
« Elles font partie d’un immense travail de domestication du peuple − d’apprentissage de la résignation − dont la terreur était la forme la plus violente, mais l’habitude du moche et de l’insuffisant une autre composante, plus insidieuse et omniprésente. »
Et toujours l'art de la digression (à proprement parler excursion et discours), discuté et mis en pratique :
« J’aime, et de plus en plus en vieillissant, me semble-t-il, par opposition aux livres qui poursuivent une idée fixe, les livres madréporiques, infiniment ramifiés et laissant le lecteur à chaque fois au bord d’un nouveau champ imaginaire, vite laissé (mais pas oublié) pour passer à un autre (à "sauts et à gambades" à la façon de Montaigne). Il n’est presque pas une page des Anneaux de Saturne qui ne me renvoie à d’autres horizons que ceux de l’East Anglia, d’autres livres encore que ceux qu’évoque l’auteur. Cette lecture en étoile est peut-être le symptôme d’une dissipation de l’esprit, d’une perte de sa faculté de concentration — ce n’est pas par coquetterie que je fais état de cette crainte, elle est très réelle, et probablement fondée. »
Donc une lecture de bon ton, cultivée, qui se situe entre Sebald et Kenneth White pour mes plus récentes dans le genre : je ne boude pas, d’autant qu’Olivier Rolin s’épanche en divagations digressives, ce qui m’a toujours plu – et que ses lectures recoupent les miennes !

\Mots-clés : #universdulivre

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Message par Bédoulène Mar 9 Aoû - 20:01

il faudra que je lise l'auteur (lu seulement 1 livre)

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“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia



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Message par Pinky Mar 9 Aoû - 20:59

Tristram, pour faire écho aux listes dans le chapitre Cyclope d'Ulysse que je viens de terminer (listes de saints, de lieux, de héros gaéliques et ici extraits de listes d'invités à un mariage très arboricole ) :

-
Nous aurons bientôt aussi peu d’arbres que le Portugal, que dit John Wyse, ou qu’Héligoland avec son arbre unique, si on ne fait rien pour reboiser le pays. Laryx, sapins, toutes les espèces de conifères disparaissent rapidement. Je lisais un rapport de Lord Castletown….
- Sauvez-les, dit le citoyen, le frêne géant de Galway et le roi des ormes, à Kildare, avec son tronc de quatre pieds de circonférence et son feuillage qui couvre un acre Sauvez-les arbres de notre Irlande pour les hommes de la future Irlande sur les divines collines d’Eire, O !
- L’Europe a les yeux sur vous.
Cet après-midi-là, l’élite de la société cosmopolite se pressait en masse au mariage du chevalier Jean Wyse de Neaulan, grand maître des Eaux et Forêts, avec Miss Epicéa Conifère de la Sapinière, Lady Sylvestre Delombre de l’Orme, Mme Barbara de la Verge du Bouleau, ….Melle Blanche Erable, Melle Maud Acajou, Melle Myra Myrte…La mariée, conduite par son père, le chevalier Mac Conifère de la Sapinière des Glandiers était absolument ravissante dans une création réalisée en soie mercerisée verte, avec un dessous gris crépusculaire, comme ceinture un large ruban vert émeraude, et terminant par une triple rangée de franges d’un vert plus soutenu, ensemble relevé par des glands de bronze disposés en bretelles et en motifs sur les hanches.

Un exemple de collages entre discussions de bistrots et extraits de texte parodique

Enfin, je n'ai toujours pas retrouvé Les Anneaux de Saturne de Sebald
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Message par Bédoulène Mer 10 Aoû - 15:34

merci Pinky pour l'extrait (sauvons les! ) Wink

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Message par Tristram Mer 21 Sep - 12:31

Extérieur monde


Olivier Rolin - Page 5 41ltw910

Topocl a déjà beaucoup dit dans son commentaire, me reste à parsemer quelques extraits.
Digressions incessantes, presque systématiques − recherche du ton d’écriture, hésitations à trouver son chemin, ou peut-être réticences à le continuer…
« …] (puisque nous en étions là avant ces digressions qui seront je le pressens la matière même du livre, comme la liberté anarchique, rayonnante des branches, des rameaux, des feuilles, est l’être des arbres, et j’aime concevoir un livre comme un arbre, cette comparaison me venant peut-être de Flaubert qui voulait "que les phrases s’agitent dans un livre comme les feuilles dans une forêt, toutes dissemblables en leur ressemblance") [… »

« Tout d’un coup, je m’ennuie. Je m’ennuie moi-même, alors vous qui me lisez ? »

« Un écrivain ne voit vraiment que lorsqu’il a trouvé les mots pour dire ce qu’il voit. »

« Je digresse, c’est ainsi que j’avance. »
Éminemment digressif donc, parfaitement non-architecturé, dans le même ton en fait que Vider les lieux (publié ultérieurement mais annoncé dans ce livre), c’est un véritable work in progress, souvenirs et réflexions (ou « ruminations ») au fil de la plume (ou plutôt de la relecture de ses carnets) qui ne sait pas où elle va. Olivier Rolin brasse donc des ressouvenances, et parfois une évocation est suspendue par tant de parenthèses ou d’échappées sur d’autres ressouvenirs qu’elle revient comme dans un lent tourbillon en marge de l’écoulement général, telle la visite de l’ancienne demeure familiale de Nabokov à Saint-Pétersbourg, où d’ailleurs il ne nous emmènera pas, ou encore un vieux pont chinois.
« Juste après le vieux pont de Hangzhou, donc, il y a un café au bord de l’eau, sous les saules. »
Il y a aussi nombre de références à des livres qui ont compté, sa « petite bibliothèque portative » (Baudelaire, Proust, Lowry, Chateaubriand, etc.), et un beau passage sur des bibliothèques existant dans des endroits inattendus. Également sur le jardin du Luxembourg, des bonheurs de baignades et dans ses rapports à l’eau en général, l’écriture de Port-Soudan (ville qu’il n’a pas encore visitée et qu’il imagine infernale) dans la « Villa Médicine » où il est soigné pour une dépression consécutive à la fin d’une histoire d’amour.
« À Port-Soudan, je découvrais ce que j’avais imaginé, j’errais dans un paysage que j’avais inventé sans aucune prétention au réalisme, ni même au plausible, mais parfois, bizarrement, "ça marchait". »
Beaucoup de femmes, évidemment, souvent jeunes et minces, « cheveux noirs coupés au bol », de type asiatique – et souvent à peine entr’aperçues : « chronique d’occasions perdues ») …
« (les livres sont comme de grands cimetières, c’est encore Proust qui dit ça, mais sur les tombes, contrairement à lui, je peux lire les noms, que le temps n’a pas effacés. Une des – modestes – réussites de ma vie, c’est que les femmes qui l’ont traversée ne l’ont pas définitivement quittée). »
Un kaléidoscope de vues du monde qu’il a parcouru et qui l’a façonné, images poétiques à la Cendrars (plusieurs fois cité), énumérations hétéroclites comme dans L'Invention du monde, nostalgique « géographie personnelle » de lieux divers, avec quand même une forte récurrence du Soudan et de la Russie : toujours les voyages, qui rencontrent souvent l’Histoire.
« Bientôt on filera à onze mille mètres d’altitude, mobilis in mobile, on sera avalé par la cloche d’ombre de la nuit, on regardera dériver les grandes méduses pâles que font les villes en bas. »
(Mobilis in mobile, "Mobile dans l’élément mobile", est la devise du Nautilus, dans 20.000 lieues sous les mers de Jules Verne.)
La vieillesse venue, et le passé, le sien et celui de la jeunesse idéaliste.
« Vous trimballiez dans deux camions des choses pour Solidarnósć, ce mouvement qui fut le seul dans l’histoire du vingtième siècle à réaliser cette utopie communiste (qui fut celle de ta jeunesse), l’union des intellectuels et des ouvriers. »

« Cela fait des années que ça a commencé, ce lent effacement du monde, et la disparition des proches qui au début me semblait une effraction scandaleuse du néant dans la vie a pris désormais, tout en restant aussi choquante, la forme de l’inéluctable et presque de l’habituel. Il me semble que je dois en parler, même si je me suis promis d’exclure autant que possible l’intime de ce récit, ou de ne l’évoquer que lorsque c’est le monde extérieur qui le suscite, car cette attrition du territoire de l’amitié est une des raisons du mouvement qui m’emporte loin, sur les routes du plus vaste monde : je m’éloigne d’un lieu peu à peu, opiniâtrement déserté. »
Certes assez vain, et d’autant plus agaçant que je me reconnais nombre de traits communs, toutes proportions gardées, avec l’auteur…

\Mots-clés : #amour #ecriture #vieillesse

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Message par topocl Mer 21 Sep - 15:59

Tristram a écrit:
Certes assez vain, et d’autant plus agaçant que je me reconnais nombre de traits communs, toutes proportions gardées, avec l’auteur…

\Mots-clés : #amour #ecriture #vieillesse
Quand je vois les mots-clés que tu as choisi, oui, je vois en quoi tu te reconnais!

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Message par Tristram Mer 21 Sep - 19:11

(Je ne fais que rajouter les mots-clés qui n'ont pas encore été cités et qui me paraissent pertinents...)

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