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William Faulkner

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Message par Invité Mar 1 Aoû - 20:30

Août apporte-t-il sa lumière jusqu'à toi ?
Un bon souvenir de lecture, même si je suis bien incapable d'en parler aujourd'hui. Faut que je me lise un autre Faulkner dans les prochains mois !

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Message par ArenSor Mar 1 Aoû - 20:36

Pour moi, j'ai programmé des nouvelles. Maintenant entre ce que je programme et la réalité....
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Message par Bédoulène Mer 2 Aoû - 8:54

bonne continuation Mordicus !

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Message par Bédoulène Sam 12 Aoû - 21:31

bonne continuation Mordi !

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Message par Aventin Mar 5 Sep - 20:21

Quand nous en étions à évoquer les livres ayant trait à la guerre de 14-18, nous avions omis celui-ci:

Parabole

Roman, publié en 1954, 620 pages environ, titre original: A Fable.
mort - William Faulkner  - Page 2 A_fabl10
Un exemplaire de l'édition originale.

Long pavé, de lecture qu'on ne qualifiera pas d'aisée, écrit avec cette encre caractéristique de l'auteur et presque paradoxale, en effet elle cascade, agile et libre, telle un torrent, sans en avoir toutefois la limpidité, étant en même temps une encre épaisse et trouble telle un fond de bayou si boueux qu'il est de consistance aussi solide que liquide.

Mais quelle langue, quelle hauteur de vue, Faulkner nous régale d'un livre malaisé d'accès, qui a tombé et tombera sans doute de bien des mains par son exigence, pour le reste il est assez crucial, pour ma part c'est une lecture d'importance, en dépit de la crainte d'être passé à côté d'une partie sans doute non négligeable de ce riche ouvrage.  

Quelques dérangeantes curiosités formelles n'aident pas à la navigation dans ces pages, la plus pénalisante pour le lecteur (francophone ? je ne sais pas si elle est due à la traduction), est qu'on n'identifie pas toujours très clairement, en tous cas du premier coup, quel est le "il" dont on parle, et qui peut être l'un ou l'autre des protagonistes du chapitre.

Cette Parabole constitue sûrement une tentative très ambitieuse de la part de l'auteur, et plutôt risquée, casse-figure, si l'on considère qu'au moment de parution, Faulkner était à peu près au faîte de sa carrière et de sa notoriété.  
Au reste, il y travailla de décembre 1944 à novembre 1953, lui qui boucla pourtant certains de ses chefs-d'œuvre en six mois à peine.

Truffée de référents (plutôt que de références) bibliques, surtout néo-testamentaires, Parabole est l'histoire d'une tentation, le tentateur étant un maître du monde valant antéchrist, et le tenté, le rédempteur si l'on veut, un caporal engagé dans le conflit.

Faulkner emmêle les pistes quant aux passés des protagonistes, passe sous silence des pans entiers par suggestions, mais s'attache à des détails annexes. De longues tirades, monologues, émaillent le propos, même là où l'on attend plutôt des dialogues.

La démonstration parabolique, chacun peut bien entendu se risquer à l'interprétation ou au simple commentaire, est attendue, disons mieux supputée, depuis cent cinquante pages environ: peu sont ceux qui s'appuieront ces 620 pages dans l'attente du suspense final -tant mieux, qui sait si quelques lecteurs réduiraient le livre à cela, sinon ?  

Il est curieux de constater que les deux personnages principaux semblent désincarnés, tandis que décors, comme situations, comme personnages secondaires sont extrêmement tramés, fouillés.  

Bien sûr Faulkner n'oublie pas de parler de ce qu'il connaît, et là, il excelle comme jamais et fait ronronner d'aise tout amateur de littérature, ainsi l'aviation militaire de l'époque (il s'engagea dans l'aviation canadienne durant la Première Guerre mondiale, mais l'armistice de 1918 fut signé avant qu'il n'ait pu faire son premier vol), bien sûr "son" Sud de l'Amérique US du début XXème.

Mais aussi la France d'alors, qu'il sait camper avec altitude et justesse: se souvient-on qu'il vécut à Paris, et entreprit une tournée de certains d'entre les champs de bataille français (Rouen, Amiens, Compiègne, Dieppe), dans les années 1920 ?

Une fois le livre refermé, je méditais cet extrait de son discours de réception du Nobel de littérature, qui me semblait particulièrement bien convenir à cet ouvrage-là, bien que Parabole ne soit à l'évidence pas le seul dans ce cas:  

[le jeune écrivain] doit réapprendre [les problèmes du cœur de l’homme en conflit avec lui-même…] Tant qu’il ne le fera pas, son labeur sera maudit. Il ne parlera pas d’amour mais de désirs, de défaites où jamais l’on ne perd rien qui vaille, de victoires sans espoir et, pis que tout, sans pitié ni compassion. Sa peine devant la mort n’aura rien d‘universel, ne laissera nulle cicatrice. Il ne parlera pas du cœur, mais des glandes. Tant qu’il n’aura pas réappris cela, il écrira comme s’il avait devant lui et observait la fin de l’homme. Pour moi, je refuse d’accepter la fin de l’homme.  

mort - William Faulkner  - Page 2 Faulkn10
Faulkner avec le jockey-vedette Eddie Arcaro, mai 1955, alors qu'il couvre le Kentucky Derby d'Oxford pour Sports Illustrated.
Il est question d'une édition très antérieure de cette course dans Parabole.


mots-clés : #guerre #premiereguerre
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Message par bix_229 Mar 5 Sep - 20:28

Je passe mon tour...
Je préfère lire ou relire.
La trilogie des Snopes, notamment, dont j' ai lu seulement le premier.
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Message par animal Mar 5 Sep - 20:47

Aventin a écrit:Quelques dérangeantes curiosités formelles n'aident pas à la navigation dans ces pages, la plus pénalisante pour le lecteur (francophone ? je ne sais pas si elle est due à la traduction), est qu'on n'identifie pas toujours très clairement, en tous cas du premier coup, quel est le "il" dont on parle, et qui peut être l'un ou l'autre des protagonistes du chapitre.
C'est une impression que j'ai eue en VO, pas sur celui là que je n'ai pas lu mais avec d'autres, et j'y verrais bien un de ses effets.

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Message par Tristram Mar 5 Sep - 20:50

animal a écrit:j'y verrais bien un de ses effets.
Je pense la même chose.
Beau commentaire, Aventin !

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Message par bix_229 Mar 5 Sep - 20:58

Taulkner n' a pas tout réussi. Ses premiers livres comme Moustiques,
Soldier' s pay, Pylone...
Ses vrais débuts, à partir de Tandis que j' agonise
N' oubliez jamais ses recueil de nouvelles, je me répète, mais elles sont
vraiment de grande qualité.
On peut considérer que L' Invaincu et Palmiers sauvages.
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Message par Bédoulène Dim 5 Nov - 8:45

Tandis que j’agonise
mort - William Faulkner  - Page 2 Cvt_ta10


L’histoire : Mrs Burden mère de famille de 5 enfants agonise. L’un de ses enfants menuisier confectionne son cercueil et elle en apprécie le choix des planches qu’il lui soumet à travers la fenêtre de la chambre.
La vie difficile de cette famille de paysans leur a forgé un caractère dur, orgueilleux, tenace.
Après le décès de la mère, le père et ses enfants partent pour un long chemin enterrer celle-ci à Jefferson selon son vœu et la promesse du père. Le voyage de plusieurs jours se déroule sur la charrette portant le cercueil et se révèle pénible. Les obstacles qui se dressent devant eux : rivières en crue, perte des mulets, incendie d’une grange, blessure d’un des fils, manque de finances, charognards, ne les arrêteront pourtant pas.

Une histoire d'un réalisme cru et le devoir d'une promesse.

extraits dont une illustration

mort - William Faulkner  - Page 2 F_110

"Je peux lui dire que ce n'est pas donné à tout le monde de pouvoir manger ses fautes"

mort - William Faulkner  - Page 2 F212

mort - William Faulkner  - Page 2 F312



commentaire rapatrié


mots-clés : #mort


Dernière édition par Bédoulène le Dim 5 Nov - 9:01, édité 2 fois

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Message par Bédoulène Dim 5 Nov - 8:54

"l'intrus"

mort - William Faulkner  - Page 2 Cvt_li11



Sujet : Un vieux Noir est accusé du meurtre d'un Blanc par balle, dans le dos. Tous les Blancs de la ville voulant le pendre et le brûler le shériff l'arrête et le met en prison. Un jeune Adolescent Blanc qui a une dette envers cet homme (dette de honte) va à sa demande, avec l'aide de son serviteur Noir adolescent lui aussi et d'une vieille Dame Blanche âgée, commettre un acte impensable. Acte qui conduira à sauver la vie de l'accusé.

A travers cette histoire de meurtre l'auteur évoque bien au-delà du racisme, l'individu, la foule(la Face monstrueuse), la haine de celui qui est différent, la division Nord/Sud. Le droit à chacun de pouvoir vivre sa vie dans la sérénité.


Extraits

mort - William Faulkner  - Page 2 I110

mort - William Faulkner  - Page 2 I210
mort - William Faulkner  - Page 2 I310


(commentaire rapatrié, lecture ancienne)


mots-clés : #initiatique #racisme #segregation


Dernière édition par Bédoulène le Dim 5 Nov - 8:58, édité 1 fois

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Message par Tristram Dim 5 Nov - 8:57

Merci Bédoulène, j'avais été marqué par cette lecture. Mais il est un peu difficile de lire tes "petits" extraits...
C'est Darl qui dit :
« Il faut deux personnes pour faire un homme, mais il n'en faut qu'une pour mourir. C'est comme ça que le monde finira. »

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Message par Bédoulène Dim 5 Nov - 9:02

j'ai agrandi les extraits, merci Tristram pour l'ajout de cette juste phrase.

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Message par Tristram Mer 24 Jan - 21:26

Le hameau

mort - William Faulkner  - Page 2 Le_ham10

Premier tome de la trilogie des Snopes (suivi de Le domaine et La ville), c’est un terrible assortiment de personnages (de « characters », selon l’heureux vocable anglais, d’acception plus vaste), les incarnations de passions/ instincts mythiques et monstrueux dans la tragédie humaine, ici dans la misère rurale. Ratliff le colporteur perspicace (et dénominateur commun du livre), Flem le retors flegmatique et sans états d’âme, Ike l'idiot (récurrence faulknérienne), Eula, la « génisse » amorphe telle une sensuelle patate (il y a beaucoup d’animaux intervenant dans cet ouvrage, commensaux mais aussi intervenants ou supports métaphoriques ; par ailleurs, on est plus dans l’éthologie que dans la sociologie, et plus dans la mythologie gréco-romaine que biblique ou shakespearienne)… Et Houston (appelé "il" lors de toute la narration de son histoire personnelle, et on peut hypothétiquement y voir une allégorie partielle de l’existence de Faulkner lui-même, qui quitta le Mississipi pour y revenir, et n’eut pas de fils) : c’est l’opiniâtre victime du destin qu’il a défié. Ou encore Mink, l’assassin au summum du répugnant, avec la même obstination brute. Campés à la limite de la caricature, têtus et lamentables, ils demeurent là, pathétiques et incapables de changer.
Le livre est constitué de quatre parties, Flem, Eula, Le long été et Les paysans, elles-mêmes subdivisées en chapitres, voire en sous-chapitres. Chaque épisode portraiture plus particulièrement le devenir d’un personnage, mais l’ensemble forme un tout.

« …] un petit village perdu, sans nom, sans beauté, abandonné, et cependant qui recelait dans son sein, par hasard et par accident, un germe aveugle émis par la Divinité prodigue et qui ne le savait même pas, qui avait été conçu et s’était développé comme un bref été lumineux, concentrique [… »

« …] rêve et désir de tous les mâles sous le soleil, capables de faire le mal, depuis le jeune garçon qui ne rêve qu’aux ruines qu’il est encore incapable de provoquer, en passant par les malades et les estropiés suant dans leur lit, sans sommeil, impuissants, hélas, à faire le mal, jusqu’aux vieillards, maintenant privés de leurs glandes et avançant courbés, à pas lents [… »

« Il [Ike l’attardé mental] apprend vite maintenant, car il a appris le succès, à prendre ses précautions et à agir en secret, à voler et même à être prévoyant. Et il n’a plus à acquérir que le désir violent, l’avidité, la soif de sang et une conscience morale qui le tienne éveillé la nuit. »

« Il [Houston] n’était pas sauvage, mais seulement non dressé, pas tellement vif que possédé du violent désir, non pas de vivre, pas même de mouvement, mais de cette immobilité sans chaînes qu’on appelle la liberté. »

« Il [Houston] fuyait non pas son passé, mais son avenir. Il lui fallut douze années pour apprendre qu’on ne peut échapper ni à l’un ni à l’autre. »

« …] (Géographie ! cette pauvreté d’invention, cette foi imbécile de l’homme dans la distance qui ne trouve rien de mieux que la géographie pour s’évader ; lui-même [Houston] parmi tous les êtres, pour qui ‒ il croyait qu’il le croyait ‒ la géographie n’avait jamais été quelque chose sur laquelle on pût marcher, mais le moyen dont les êtres libres d’aller et de venir avait besoin pour respirer.) »

J’ai retrouvé avec bonheur cet auteur démiurge, torturé par la fatalité humaine, et son style de même, dense et serré (par moments, les passages à la ligne disparaissent, le texte se comprime en long paragraphe comme sa plume s’emballe, coupant la respiration). Le hameau n’est pas une œuvre mineure, même si elle n’a pas l’unité de souffle de ses chefs-d’œuvre ; sans doute moins ambitieuse dans la forme que certaines autres, elle est aussi plus accessible (bien que le lecteur bute sur quelques obscurités, qui s’éclairent lorsqu’il progresse). On touche au truculent, à l'épique, et c'est souvent dramatique. Et autant prévenir : c’est parfaitement trash, superbement odieux et formidablement écrit !


mots-clés : #social

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Message par animal Mer 24 Jan - 22:31

ah le piège, Faulkner et les mots-clés... destin, fatalité, condition humaine ? violence ?

(ça fait envie ce commentaire).

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Message par Tristram Mer 24 Jan - 22:54

Oui, condition humaine ! Destin, voire fatalité, il me semble, mais il faudrait d'autres avis plus éclairés ! Violence, j'y ai pensé, mais elle n'est pas vraiment centrale, quoique loin d'être absente.

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Message par Bédoulène Mer 24 Jan - 23:08

il y a tellement de sentiments chez Faulkner !

en tout cas ce livre me tente beaucoup, c'est noté, merci Tristram !

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Message par Aventin Jeu 31 Mai - 21:49

Sartoris

mort - William Faulkner  - Page 2 Sartor10
Roman, 1929, 460 pages environ.

Derrière une écriture d'aspect nonchalant et méandreux, semblant s'attarder sur des bagatelles infimes, avec ses torpeurs, ses démarrages subits vers d'autres attentions, nous avons là un ouvrage riche, pas seulement parce qu'épais: sous le pavé, la page ?

Un monde s'écroulant, celui du Sud confédéré, le rapport aux noirs, qui ne sont pas tout à fait minorité alors en ces lieux, une sorte de fleur épanouie sur décombres que cet ouvrage.
On le blâmera en lisant premier degré, avec des yeux occidentaux de 2018 rivés sur le GPS du correct, mais comment peut-on [Faulkner] écrire ça ?
On s'en émouvra, tout à l'opposé, en prenant en compte, justement, le temps et le lieu.

Est-ce David, je ne me souviens plus, le peintre qui prétendait que l'on doit être capable de crayonner l'ouvrier chutant d'un échafaudage, entre le moment où la chute de celui-ci se déclenche et celui où il atteint le sol ?
Ce qui, ramené à l'art du romancier, paraît impossible: Et pourtant, cette chute-là du sud nord-américain, Faulkner la campe exactement juste avant l'écrasement final, saisie au vol.

Faulkner lui-même (vous trouverez cela dans la note wikipedia du roman), conseillait cet ouvrage-là en particulier comme porte d'entrée à ses écrits. Accouché dans la douleur et la difficulté, pourtant, ce roman, d'abord refusé, puis écourté, toiletté, tronqué, etc..., personne n'en voulait, du moins dans les maisons d'édition.

Les faulkneriens avertis décèleront aussi la première apparition (très discrète) de la famille Snopes.
Au reste une multitude de personnages peuple Sartoris, normal sur autant de pages, j'ai envie de relever surtout les caractères féminins principaux, exceptionnels quant au rendu: Narcissa et Miss Jenny.

Le sujet ? Les mâles Sartoris ont à peu près tous les mêmes prénoms (Bayard ou John), et meurent tous de mort violente, souvent avec le panache gratuit et prestigieux qui est l'apanage des têtes brûlées.  

Restent les derniers, Bayard grand-père et petit-fils...

Sans doute moins profond, moins ambitieux dans la démonstration qu'un Parabole (voir plus haut sur cette page), Sartoris est exceptionnel pourtant, quels éclairs, quelles fulgurances...longtemps je vais garder en mémoire la partie finale, la pré-désertion pourrait-on dire, chez les amis rednecks de Bayard le jeune, et bien sûr plus d'un personnage, plus d'un tableau (ah, les jardins, les maisons, les intérieurs, etc...).
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Message par Bédoulène Mar 10 Juil - 23:36

Sartoris
mort - William Faulkner  - Page 2 51yr2k10

Une imposante  et magnifique maison blanche édifiée par John Sartoris avant la guerre de Sécession,  sur une grande propriété, où vivent désormais, l’un des fils dit le vieux Bayard, miss Jenny  la tante du jeune Bayard petit-fils du vieux Bayard. L’ombre de l’ancêtre plane toujours sur la famille entretenue par le vieux serviteur Simon et le vieil ami Will.

Vivent également sur la propriété les serviteurs noirs, comme souvent les serviteurs de maison le sont de génération en génération. C’est le cas pour le vieux Simon, sa femme, ses enfants. Malgré qu’ils soient bien traités par la famille Sartoris l’on ressent le racisme qui existait dans cette région du Sud des Etats unis d’Amérique .
D’ailleurs le fils de Simon de retour de guerre ayant reçu un autre traitement revient avec l’idée qu’il est l’égal des blancs et qu’il peut donc faire ce qu’il entend, il sera vite remis à sa place.

« Mais quel est donc l’imbécile qui a imaginé de flanquer à des nègres le même uniforme qu’à des blancs ? M. Vardaman voyait plus juste, il avait bien prévenu à cette époque ces crétins de Washington que ça ne donnerait rien de bon. »
« Voyons, mon p’tit, répondit le Dr Peabody, il n’est pas question de laisser Will fourrer de sa drogue sur la verrue de Bayard. C’est très bien pour les nègres et les bestiaux, mais Bayard n’en a pas besoin. »


Bayard revient de la première guerre mondiale alors que son frère John, aviateur comme lui, y a perdu la vie.  Il est vrai qu’aucun des Sartoris depuis l’ancêtre John n’est mort de mort naturelle.

Bayard est affecté par la perte de son frère et sa réaction, comme tous les Sartoris, est de violence, contre lui-même,  contre la vie,  et de fanfaronnade. Il  hypothèque sans cesse sa vie à la faucheuse.
Il dirige aussi sa colère contre son frère John :

« - Sacré cochon de Boche ! dit-il. Aussi bien, il n’a jamais été fichu de voler. Je passais mon temps à l’empêcher de grimper là-haut sur cette sacrée pétoire, - et il s’emporta furieusement contre son frère mort. »
« Je passais mon temps à essayer de l’empêcher de grimper là-haut avec ce Camel. Mais il m’a fichu un gnon. En plein dans le nez. »


Même l’amour de sa jeune femme ne put le sauver : « Et ils restaient étendus aux bras l’un de l’autre, dans l’ombre où s’abolissait un instant son incurable désespérance et la solitude de ce destin dont il ne pouvait s’évader. (cette désespérance m’a ramenée à  celle du Héros de Givre et sang de Powys).

« Bayard étendu sur un lit inconnu, et dont les nerfs engourdis par l’alcool rayonnaient comme des fils de glace à travers ce corps qu’il devait traîner à tout jamais avec lui par un monde sans joie et sans intérêt.
- Merde ! s’écria-t-il, couché sur le dos, regardant par la fenêtre dehors où il n’y avait rien à voir, attendant le sommeil sans savoir s’il viendrait ou non, sans se soucier particulièrement que ce fût l’un ou l’autre. Ne rien savoir, et l’interminable durée de la vie normale d’un homme. Soixante-dix années à traîner par le monde ce corps obstiné, et à duper ses instantes exigences. Trois fois vingt et dix, disait la Bible. A peine plus d’un tiers de fait. Merde ! »


Miss Jenny, dirige la maison et les hommes d’une main de maître, lucide, forte mais tendre aussi, elle ne se fait aucune illusion sur le sort des Sartoris. Depuis le retour de Bayard, elle s’inquiète pour le vieux Bayard qui parcourt avec son petit-fils les routes dans sa voiture à « toute vitesse" :

« Si tu perds tes  après-midi à courir avec lui, ce n’est pas seulement parce que tu crois que ça l’empêchera de faire la culbute avec sa voiture, si tu y vas c’est  parce que tu veux être dedans, toi aussi, quand ça arrivera. Alors crois-tu que tu te soucies plus que lui de ta famille ? »

Le cœur du vieux Bayard est en mauvais état et comme le médecin en averti miss Jenny elle lui répond :
« Avez-vous jamais vu un Sartoris mourir de sa mort naturelle comme n’importe quel autre ? demanda miss Jenny. Vous savez bien que ce cœur-là  n’emportera pas Bayard avant son heure. »

C’est lors d’une sortie en voiture avec son petit-fils que l’heure arriva.

La mort de son grand-père bouleversa Bayard et il ne trouva de remède à sa désespérance que dans la fuite, l’alcool, sans toutefois  jamais perdre sa dignité, sa fanfaronnade ;  la faucheuse réclama le paiement de l’hypothèque.

C’est le même jour que naissait un nouveau Sartoris, son fils.

Narcissa la femme de Bayard prénomma l’enfant de son patronyme : Benbow

Choix qui fit réagir miss Jenny :
« Et vous croyez que cela fera quelque chose ? demanda miss Jenny. Vous figurez-vous que pour changer un seul d’entre-eux il suffit de changer de nom ?

L’avenir seul le dira.

Extraits :
« Miss Jenny déclarait qu’elle avait encore trop à faire pour son salut sans le compromettre en se rendant à l’église à cinquante milles à l’heure, qu’elle avait à son actif autant de péchés que pouvait en comporter son train de vie coutumier, surtout depuis qu’elle avait à charge, par-dessus le marché, de ménager coûte que coûte une entrée au ciel à l’âme du vieux Bayard qui, chaque après-midi, sillonnait à toute vitesse les routes de la contrée en compagnie du jeune Bayard, au risque de se casser le cou. Quant à l’âme du jeune Bayard, miss Jenny était tranquille : il n’en avait pas. »

Un beau passage hommage au mulet : « Quelque Homère des champs de coton devrait chanter un jour la Saga du Mulet, et dire la place qu’il occupe dans les Etats du Sud.

« Narcissa retourna sur sa chaise et  Simon reparut, cette fois processionnellement suivi d’Isom, et, pendant les quelques minutes qui s’écoulèrent, ce fut entre la cuisine et la salle à manger une série d’allées et venues pour apporter un dindon rôti, un jambon fumé, un plat de cailles, un autre d’écureuils, un opossum cuit au four sur un lit de patates douces, une salade de concombres et de betteraves, des patates douces et des pomme de terre d’Irlande, du riz et de la bouillie de maïs, des biscuits secs, de longues et minces flûtes de pain de maïs, des confitures de fraises et de poires, de la gelée de coings et de pommes, de la compote de myrtilles et des pêches conservées.
Alors Simon apporta des tartes de trois espèces, un petit plum-pudding à vous donner le coup de grâce, une merveille de gâteau au whisky, aux noix et aux fruits, traître et fatal comme le péché, dont le parfum vous ravissait au septième ciel, et, pour finir, avec un air mystérieux et pénétré d’importance, une bouteille de porto. »


« Les nègres trinquèrent avec lui, cordialement, bien qu’un peu intimidés. Deux catégories d’êtres inconciliables par le sang, l’atavisme, le milieu, rapprochés un instant et confondus dans le même rêve ; l’humanité oubliant pour un jour ses appétits, sa lâcheté, sa convoitise. »

************

Encore une fois emportée par l’écriture de Faulkner, les sentiments d’une justesse de ton, le réalisme, l’attitude des personnes de couleur, celle des  blancs ; l’ âme et le tempérament des gens du Sud.
Un passage révélateur sur les relations du vieux maître et du vieux serviteur Simon quand celui-ci a « dépensé » l’argent  que sa communauté lui avait confié.

Cette grande famille, ces hommes Sartoris, leur destinée, leur mort dramatique : une part d'héritage ?


mots-clés : #famille #mort #racisme

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Message par Tristram Mer 11 Juil - 1:20

Merci pour cette vaste recension ! C'est vrai que Sartoris fait une belle pièce d'humanité (qui s'écroule, comme dit Aventin)...
Et quel sens de la famille, chez ces sudistes !

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