John Barth
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John Barth
Biographie :
John Barth est né à Cambridge dans le Maryland. Il étudia à la Juilliard School. En 1952, il y soutiendra une thèse intitulée La Tunique de Nessos (The Shirt of Nessus) qui eut la particularité dêtre rédigée sous la forme d'un court roman ("novella" ou une longue nouvelle), forme que Barth affectionnera par la suite.
Il a été professeur dans diverses universités américaines, jusqu'à sa retraite en 1995
Bibliographie :
The Floating Opera, 1957 : L’Opéra flottant, trad. d'Henri Robillot, 1968
The End of the Road, 1958 : Fin de parcours, trad. de Frédéric Pergola, 1990
The Sot-Weed Factor, 1960 : Le Courtier en tabac, trad. de Claro, 2002
Giles Goat-Boy, or, The Revised New Syllabus, 1966 : L'Enfant-bouc ou Version revue et corrigée du Nouveau Syllabus, trad. de Maurice Rambaud, 19702
Lost in the Funhouse: Fiction for Print, Tape, Live Voice, 1968 : Perdu dans le labyrinthe, trad. de Maurice Rambaud, 1972 (nouvelles)3
Chimera, 1972
LETTERS, 1979
Sabbatical: A Romance, 1982 : La Croisière du Pokey, trad. de Michel Doury, 1991
The Tidewater Tales, 1987
The Last Voyage of Somebody the Sailor, 1991
Once upon a Time: A Floating Opera, 1994
On with the Story, 1996
Coming Soon!!!: A Narrative (2001), 2001
The Book of Ten Nights and a Night: Eleven Stories, 2004
Where Three Roads Meet, 2005
The Development, 2008
The Friday Book, 1984
Further Fridays, 1995 (1995)
Dreep- Messages : 1539
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Age : 32
Re: John Barth
Le Courtier en Tabac
Écrire ― de nos jours ou presque, puisqu'il y a maintenant un peu plus de soixante ans qu'a été publié Le Courtier en tabac ― un roman dans un style XVIIe-XVIIIe siècle, est une gageure assez singulière. Le roman de John Barth m'a pour cela assez longtemps intrigué (longtemps avant que je me décide à l'ouvrir en tout cas). Tout de suite il y a la saveur : le choix des mots, la tournure des phrases (certains passages sont des merveilles de style) et j'applaudis et l'auteur, et le traducteur. Eu égard à ce que certains écrivains ont fait de la narration et du roman (Rabelais, Cervantès, Sterne...) marcher dans leur pas sans tomber dans une bien fade parodie me paraît très compliqué... mais je fantasmais. Avantage ou handicap, John Barth avait ce que les génies cités n'ont jamais eu, un regard rétrospectif, deux cent ans de recul sur Tristram Shandy par exemple, pour ne citer que l'une des œuvres les plus proche de notre cher vingtième siècle. Ce qui est assez inquiétant dans ce roman d'aventures (car Le Courtier en tabac en est un) c'est de ne pas savoir sur quel pied danser lorsqu'on se demande ce qui va advenir, car d'un roman du XVIIIe ou d'un roman du XXe siècle on n'attend pas forcément les mêmes tours ou dénouements. En fait Le Courtier en tabac est bien une parodie, une parodie sinon fade du moins assez gonflée. Ou un savant mélange plutôt drôle.
D'autres noms que Rabelais, Cervantès ou Sterne me sont venus à l'esprit, disons Smollet, Schnabel (aïe !) ou Lesage. C'est dire si Le Courtier en tabac contient moult rebondissements et récits enchevêtrés. Et pire que cela, on s'y perd, on se sent tout aussi malmené que le pauvre Ebenezer Cooke. Plus on avance, plus Le Courtier en tabac ressemble à un roman d'espionnage, où l'on tisse une trame complexe, faite de faux-semblant et de chausse-trappe jusqu'à plus soif. Il faut voir d'ailleurs sur quoi on tombe ; au soubassement discursif ou licencieux de l'histoire, se mêle un comique tantôt bouffe tantôt plus subtil. Il n'y a plus qu'à choisir qui servira de statue pour ce piédestal assez monstrueux : l'idéaliste Cook, ou l'artificier Burlingame, lequel est au moins aussi ingénieux (ou effrayant) que le père Vautrin de Balzac. On peut reprocher à cette aventure d'être un peu longue, mais lire Le Courtier en tabac n'en est pas moins une.
Écrire ― de nos jours ou presque, puisqu'il y a maintenant un peu plus de soixante ans qu'a été publié Le Courtier en tabac ― un roman dans un style XVIIe-XVIIIe siècle, est une gageure assez singulière. Le roman de John Barth m'a pour cela assez longtemps intrigué (longtemps avant que je me décide à l'ouvrir en tout cas). Tout de suite il y a la saveur : le choix des mots, la tournure des phrases (certains passages sont des merveilles de style) et j'applaudis et l'auteur, et le traducteur. Eu égard à ce que certains écrivains ont fait de la narration et du roman (Rabelais, Cervantès, Sterne...) marcher dans leur pas sans tomber dans une bien fade parodie me paraît très compliqué... mais je fantasmais. Avantage ou handicap, John Barth avait ce que les génies cités n'ont jamais eu, un regard rétrospectif, deux cent ans de recul sur Tristram Shandy par exemple, pour ne citer que l'une des œuvres les plus proche de notre cher vingtième siècle. Ce qui est assez inquiétant dans ce roman d'aventures (car Le Courtier en tabac en est un) c'est de ne pas savoir sur quel pied danser lorsqu'on se demande ce qui va advenir, car d'un roman du XVIIIe ou d'un roman du XXe siècle on n'attend pas forcément les mêmes tours ou dénouements. En fait Le Courtier en tabac est bien une parodie, une parodie sinon fade du moins assez gonflée. Ou un savant mélange plutôt drôle.
D'autres noms que Rabelais, Cervantès ou Sterne me sont venus à l'esprit, disons Smollet, Schnabel (aïe !) ou Lesage. C'est dire si Le Courtier en tabac contient moult rebondissements et récits enchevêtrés. Et pire que cela, on s'y perd, on se sent tout aussi malmené que le pauvre Ebenezer Cooke. Plus on avance, plus Le Courtier en tabac ressemble à un roman d'espionnage, où l'on tisse une trame complexe, faite de faux-semblant et de chausse-trappe jusqu'à plus soif. Il faut voir d'ailleurs sur quoi on tombe ; au soubassement discursif ou licencieux de l'histoire, se mêle un comique tantôt bouffe tantôt plus subtil. Il n'y a plus qu'à choisir qui servira de statue pour ce piédestal assez monstrueux : l'idéaliste Cook, ou l'artificier Burlingame, lequel est au moins aussi ingénieux (ou effrayant) que le père Vautrin de Balzac. On peut reprocher à cette aventure d'être un peu longue, mais lire Le Courtier en tabac n'en est pas moins une.
Dreep- Messages : 1539
Date d'inscription : 08/12/2016
Age : 32
Re: John Barth
Oui, livre titillant, mais dur à trouver (pour moi) !
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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram- Messages : 15925
Date d'inscription : 09/12/2016
Age : 68
Localisation : Guyane
Re: John Barth
Ah, je comprends... ma propre édition est tamponnée "Pilon" !
Dreep- Messages : 1539
Date d'inscription : 08/12/2016
Age : 32
Re: John Barth
J'ai lu dans le temps Chimère, un recueil de nouvelles, où l'auteur revisite mythes et personnages
mythiques, mais sous un éclairage modeste.
Avec un style cru et rabelaisien.
Pas d'autres souvenirs. Autant en emporte le temps...
mythiques, mais sous un éclairage modeste.
Avec un style cru et rabelaisien.
Pas d'autres souvenirs. Autant en emporte le temps...
bix_229- Messages : 15439
Date d'inscription : 06/12/2016
Localisation : Lauragais
Re: John Barth
Je me permets de te signaler un autre écrivain de la meme époque et que j'ai particulièrement
apprécié. Il s'agit de Stanley Elkin que Cambourakis a réédité en partie.
apprécié. Il s'agit de Stanley Elkin que Cambourakis a réédité en partie.
bix_229- Messages : 15439
Date d'inscription : 06/12/2016
Localisation : Lauragais
Re: John Barth
J'ai terminé ce pavé ; je ne ferais pas de commentaire celui de Dreep est celui que j'aurais voulu faire si ma connaissance littéraire l'eut permis.
Donc j'ai vraiment apprécié, cette aventure et sa richesse ; le langage m'a été agréable et surprenant.
Lisez ce livre, le caractère d'imprimerie dans cette édition (serpent à plume) est très lisible
Donc j'ai vraiment apprécié, cette aventure et sa richesse ; le langage m'a été agréable et surprenant.
Lisez ce livre, le caractère d'imprimerie dans cette édition (serpent à plume) est très lisible
_________________
“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia
[/i]
"Il n'y a pas de mauvais livres. Ce qui est mauvais c'est de les craindre." L'homme de Kiev Malamud
Bédoulène- Messages : 21635
Date d'inscription : 02/12/2016
Age : 79
Localisation : En Provence
Re: John Barth
Merci du compliment Bédoulène, j'aurais bien voulu te lire moi aussi au sujet de ce livre
Je suis content d'avoir incité plusieurs personnes à le lire, je n'aurais pas cru.
Je suis content d'avoir incité plusieurs personnes à le lire, je n'aurais pas cru.
Dreep- Messages : 1539
Date d'inscription : 08/12/2016
Age : 32
Re: John Barth
Je me lance après ma lecture et celles de Dreep et de Bédoulène. Ce livre écrit dans le style du XVIIIe siècle (voire XVIIe) est en effet un véritable tour de force à la fois pour l’auteur et le traducteur et longtemps au fil de ma lecture, quasiment jusqu’à la page 500 sur 770, je me suis dit que c’était avant tout un tour de force, une sorte d’exploit littéraire. J’ai eu du mal à apprécier les allusions aux femmes qui sont le plus souvent des proies à séduire, surtout si elles sont vierges. On peut parler de langage cru, je dirais vraiment dépréciatifs. On culbute souvent et ça commençait à me lasser sérieusement.
Joan, la catin, prend la parole à la fin de l’ouvrage
Alors pastiche ou parodie ou satire de ces romans d’apprentissage du XVIIIe siècle ? Je n’ai pas une connaissance aussi fine que celle de Dreep de cette littérature, même si j’ai lu, il y a plus ou moins longtemps, Tristram Shandy, Le Neveu de Rameau ou Tom Jones. Pastiche certainement pour le style et les thématiques mais pour le reste, que nous dit l’auteur ? En quoi, est-ce un roman du XXe siècle ? Les événements relatés évoquent l’histoire anglaise, celle de l’arrivée de Guillaume d’Orange pour lutter contre une attirance des Stuarts pour la monarchie française de Louis XIV et leur transfert en Amérique, protestants contre papistes ou inversement. Le Maryland, patrie de l’auteur, nous permet de rencontrer Indiens et esclaves marrons, un décalage entre Maryland rêvé et Maryland corrompu. Je retiendrais la question centrale de l’innocence et de ses conséquences en cascade mais aussi celle de l’impuissance, de la gémellité et d’une tentation pour l’entre soi quasi incestueux. Masques multiples de Bulingame et d’autres, intrigues enchevêtrées, j’ai parfois eu du mal à m’y retrouver et je ne suis pas certaine d’y être toujours parvenue ; j’ai fini par m’y accrocher au point d’attendre avec impatience le dénouement. Personnages hauts en couleur, Eben Cooke l’innocent et son précepteur le rusé, le métis, mais aussi héros secondaires attachants et « innocents » comme la prostituée Joan et son maquereau McEvoy qui finit en amoureux transi de la jeune Henrietta.
J’ai lu que Barth annonçait en quelque sorte Pynchon, je n’y aurais pas pensé, c’est à creuser….
Joan, la catin, prend la parole à la fin de l’ouvrage
Recette savoureuse, amusante, dérisoire, je n’en parlerai pas car ce serait dévoiler une partie de l’histoire.«Regardez-moi ! s’écria amèrement la fille. Regardez les fruits de la luxure ! Culbutée à douze ans, vérolée à vingt, et mourante à vingt et un ! Ruinée, gâtée, violée et trahie ! Le sort des femmes est assez triste comme cela ; croyez-vous que je vais vous livrer cette recette criminelle pour l’empirer ? »
Alors pastiche ou parodie ou satire de ces romans d’apprentissage du XVIIIe siècle ? Je n’ai pas une connaissance aussi fine que celle de Dreep de cette littérature, même si j’ai lu, il y a plus ou moins longtemps, Tristram Shandy, Le Neveu de Rameau ou Tom Jones. Pastiche certainement pour le style et les thématiques mais pour le reste, que nous dit l’auteur ? En quoi, est-ce un roman du XXe siècle ? Les événements relatés évoquent l’histoire anglaise, celle de l’arrivée de Guillaume d’Orange pour lutter contre une attirance des Stuarts pour la monarchie française de Louis XIV et leur transfert en Amérique, protestants contre papistes ou inversement. Le Maryland, patrie de l’auteur, nous permet de rencontrer Indiens et esclaves marrons, un décalage entre Maryland rêvé et Maryland corrompu. Je retiendrais la question centrale de l’innocence et de ses conséquences en cascade mais aussi celle de l’impuissance, de la gémellité et d’une tentation pour l’entre soi quasi incestueux. Masques multiples de Bulingame et d’autres, intrigues enchevêtrées, j’ai parfois eu du mal à m’y retrouver et je ne suis pas certaine d’y être toujours parvenue ; j’ai fini par m’y accrocher au point d’attendre avec impatience le dénouement. Personnages hauts en couleur, Eben Cooke l’innocent et son précepteur le rusé, le métis, mais aussi héros secondaires attachants et « innocents » comme la prostituée Joan et son maquereau McEvoy qui finit en amoureux transi de la jeune Henrietta.
J’ai lu que Barth annonçait en quelque sorte Pynchon, je n’y aurais pas pensé, c’est à creuser….
Pinky- Messages : 525
Date d'inscription : 28/11/2021
Re: John Barth
Je ne vois qu'un rapport très superficiel entre Pynchon et John Barth personnellement
Merci de ton commentaire
Merci de ton commentaire
Dreep- Messages : 1539
Date d'inscription : 08/12/2016
Age : 32
Re: John Barth
Moi aussi Dreep, je ne vois pas trop de rapport entre Pynchon et Barth sinon le côté "baroque" voire obscur des intrigues. Je voudrais tout de même en savoir plus sur cette histoire de rapprochement.
En tous cas, je ne regrette pas le voyage de lecture du Courtier. que j'ai lu par une série de hasard et puis j'ai trouvé ton commentaire qui m'a un peu intimidé...
En tous cas, je ne regrette pas le voyage de lecture du Courtier. que j'ai lu par une série de hasard et puis j'ai trouvé ton commentaire qui m'a un peu intimidé...
Pinky- Messages : 525
Date d'inscription : 28/11/2021
Re: John Barth
En tout cas, vous donnez l'envie de lire ce livre !
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Tristram- Messages : 15925
Date d'inscription : 09/12/2016
Age : 68
Localisation : Guyane
Re: John Barth
Pinky a écrit:Moi aussi Dreep, je ne vois pas trop de rapport entre Pynchon et Barth sinon le côté "baroque" voire obscur des intrigues. Je voudrais tout de même en savoir plus sur cette histoire de rapprochement.
Peut-être avec un croisement avec Philip K. Dick à la limite, ainsi que 4000 références à la pop culture.
Dreep- Messages : 1539
Date d'inscription : 08/12/2016
Age : 32
Re: John Barth
merci pinky pour ton commentaire (le sort des femmes bien qu'amélioré et affirmé est toujours à sécuriser me semble)
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Bédoulène- Messages : 21635
Date d'inscription : 02/12/2016
Age : 79
Localisation : En Provence
Re: John Barth
Le Courtier en tabac
J'ai enfin lu ces 770 pages, mais en sors un peu déçu.
Dans l’Angleterre de la fin du XVIIe, Burlingame, le précepteur des jumeaux Ebenezer et Anna Cooke, fut très jeune marin au long cours et ambulant avec les bohémiens, puis fréquenta Henry More et Newton. Il donne une éducation hétéroclite à Ebenezer, qui est surtout indécis et indolent (et idéaliste et vaniteux), et se présente comme « vierge et poète ». Ebenezer, nommé lauréat par Lord Baltimore et amoureux de la putain Joan Toast, retourne au Maryland où il est né, à Malden, terre de son père pionnier. Il devait être accompagné par Burlingame, qui s’entremet dans les intrigues et rivalités de cette possession anglaise, à la recherche de ses origines dans cette contrée où il fut abandonné très jeune. C’est en fait Bertrand, le valet d’Ebenezer, qui accompagne ce dernier dans la traversée, se faisant passer pour lui dans une cascade de quiproquos et rebondissements. C’est fort rocambolesque, et l’écart est grand entre la réalité prosaïque et les aspirations d’Ebenezer, entre le vieux monde et la nouvelle terre, mais moins entre innocence et ignorance.
John Barth se réclame de la littérature du XVIIIe et tout particulièrement de Fielding dans cette « fantaisie », et celle-ci renvoie surtout à Butler (l’hudibrastique »).
La longueur du récit elle-même, ses « circuits » (détours), « écarts » (déviations, digressions, tels les commentaires) et ramifications embrouillées (tout particulièrement juridiques), la restitution détaillée de l’Histoire (notamment l’affrontement catholiques et protestants) et de l’époque jusque dans le langage et même la vêture (apparemment très bien rendus par le traducteur, Claro, quoiqu’il employât « ramenteva » pour « ramentut »), caractérisent les intérêts de cet « à la manière de », roman à tiroirs, picaresque, d'aventures et d'apprentissage XVIIIe, qui autrement s’avère assez vain. Outre ses fastidieuses circonlocutions de pensum, l’humour scabreux et scatologique m’a semblé sordide et complaisant, malgré la référence à Rabelais, qui ne me l’a jamais paru. Et le pastiche n’atteint pas au Nom de la rose d’Eco, entr'autres réactualisations de ces beau style et tour de pensée.
\Mots-clés : #aventure #colonisation #esclavage #historique #initiatique #prostitution #relationenfantparent #religion #voyage
J'ai enfin lu ces 770 pages, mais en sors un peu déçu.
Dans l’Angleterre de la fin du XVIIe, Burlingame, le précepteur des jumeaux Ebenezer et Anna Cooke, fut très jeune marin au long cours et ambulant avec les bohémiens, puis fréquenta Henry More et Newton. Il donne une éducation hétéroclite à Ebenezer, qui est surtout indécis et indolent (et idéaliste et vaniteux), et se présente comme « vierge et poète ». Ebenezer, nommé lauréat par Lord Baltimore et amoureux de la putain Joan Toast, retourne au Maryland où il est né, à Malden, terre de son père pionnier. Il devait être accompagné par Burlingame, qui s’entremet dans les intrigues et rivalités de cette possession anglaise, à la recherche de ses origines dans cette contrée où il fut abandonné très jeune. C’est en fait Bertrand, le valet d’Ebenezer, qui accompagne ce dernier dans la traversée, se faisant passer pour lui dans une cascade de quiproquos et rebondissements. C’est fort rocambolesque, et l’écart est grand entre la réalité prosaïque et les aspirations d’Ebenezer, entre le vieux monde et la nouvelle terre, mais moins entre innocence et ignorance.
John Barth se réclame de la littérature du XVIIIe et tout particulièrement de Fielding dans cette « fantaisie », et celle-ci renvoie surtout à Butler (l’hudibrastique »).
La longueur du récit elle-même, ses « circuits » (détours), « écarts » (déviations, digressions, tels les commentaires) et ramifications embrouillées (tout particulièrement juridiques), la restitution détaillée de l’Histoire (notamment l’affrontement catholiques et protestants) et de l’époque jusque dans le langage et même la vêture (apparemment très bien rendus par le traducteur, Claro, quoiqu’il employât « ramenteva » pour « ramentut »), caractérisent les intérêts de cet « à la manière de », roman à tiroirs, picaresque, d'aventures et d'apprentissage XVIIIe, qui autrement s’avère assez vain. Outre ses fastidieuses circonlocutions de pensum, l’humour scabreux et scatologique m’a semblé sordide et complaisant, malgré la référence à Rabelais, qui ne me l’a jamais paru. Et le pastiche n’atteint pas au Nom de la rose d’Eco, entr'autres réactualisations de ces beau style et tour de pensée.
Je pense qu'il y a un rapprochement possible avec le Pynchon de Mason & Dixon, mais assez distant.« Mais dans son cœur, la mort et toutes ses semblables anticipations étaient pour Ebenezer comme la vie, l’histoire et la géographie, lesquelles, de par son éducation et ses dispositions naturelles, il regardait toujours du point de vue du narrateur ; il en connaissait abstraitement la finalité ; il en goûtait indirectement l’horreur ; mais il ne pouvait jamais en éprouver les deux ensemble. Ces vies sont des histoires, admettait-il ; ces histoires ont une fin, reconnaissait-il – comment sinon en pourrait-on débuter une autre ? Mais que le conteur lui-même puisse vivre un conte propre et mourir… Inconcevable ! Inconcevable ! »
\Mots-clés : #aventure #colonisation #esclavage #historique #initiatique #prostitution #relationenfantparent #religion #voyage
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Tristram- Messages : 15925
Date d'inscription : 09/12/2016
Age : 68
Localisation : Guyane
Re: John Barth
merci Tristram !
c'est vrai que parfois je me suis dit, trop c'est trop, mais en se rapportant à l'époque cela modère le propos.
c'est vrai que parfois je me suis dit, trop c'est trop, mais en se rapportant à l'époque cela modère le propos.
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― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia
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Bédoulène- Messages : 21635
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Localisation : En Provence
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