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8 résultats trouvés pour prostitution

John Barth

Le Courtier en tabac

Tag prostitution sur Des Choses à lire Le_cou11

J'ai enfin lu ces 770 pages, mais en sors un peu déçu.
Dans l’Angleterre de la fin du XVIIe, Burlingame, le précepteur des jumeaux Ebenezer et Anna Cooke, fut très jeune marin au long cours et ambulant avec les bohémiens, puis fréquenta Henry More et Newton. Il donne une éducation hétéroclite à Ebenezer, qui est surtout indécis et indolent (et idéaliste et vaniteux), et se présente comme « vierge et poète ». Ebenezer, nommé lauréat par Lord Baltimore et amoureux de la putain Joan Toast, retourne au Maryland où il est né, à Malden, terre de son père pionnier. Il devait être accompagné par Burlingame, qui s’entremet dans les intrigues et rivalités de cette possession anglaise, à la recherche de ses origines dans cette contrée où il fut abandonné très jeune. C’est en fait Bertrand, le valet d’Ebenezer, qui accompagne ce dernier dans la traversée, se faisant passer pour lui dans une cascade de quiproquos et rebondissements. C’est fort rocambolesque, et l’écart est grand entre la réalité prosaïque et les aspirations d’Ebenezer, entre le vieux monde et la nouvelle terre, mais moins entre innocence et ignorance.
John Barth se réclame de la littérature du XVIIIe et tout particulièrement de Fielding dans cette « fantaisie », et celle-ci renvoie surtout à Butler (l’hudibrastique »).
La longueur du récit elle-même, ses « circuits » (détours), « écarts » (déviations, digressions, tels les commentaires) et ramifications embrouillées (tout particulièrement juridiques), la restitution détaillée de l’Histoire (notamment l’affrontement catholiques et protestants) et de l’époque jusque dans le langage et même la vêture (apparemment très bien rendus par le traducteur, Claro, quoiqu’il employât « ramenteva » pour « ramentut »), caractérisent les intérêts de cet « à la manière de », roman à tiroirs, picaresque, d'aventures et d'apprentissage XVIIIe, qui autrement s’avère assez vain. Outre ses fastidieuses circonlocutions de pensum, l’humour scabreux et scatologique m’a semblé sordide et complaisant, malgré la référence à Rabelais, qui ne me l’a jamais paru. Et le pastiche n’atteint pas au Nom de la rose d’Eco, entr'autres réactualisations de ces beau style et tour de pensée.
« Mais dans son cœur, la mort et toutes ses semblables anticipations étaient pour Ebenezer comme la vie, l’histoire et la géographie, lesquelles, de par son éducation et ses dispositions naturelles, il regardait toujours du point de vue du narrateur ; il en connaissait abstraitement la finalité ; il en goûtait indirectement l’horreur ; mais il ne pouvait jamais en éprouver les deux ensemble. Ces vies sont des histoires, admettait-il ; ces histoires ont une fin, reconnaissait-il – comment sinon en pourrait-on débuter une autre ? Mais que le conteur lui-même puisse vivre un conte propre et mourir… Inconcevable ! Inconcevable ! »

Je pense qu'il y a un rapprochement possible avec le Pynchon de Mason & Dixon, mais assez distant.

\Mots-clés : #aventure #colonisation #esclavage #historique #initiatique #prostitution #relationenfantparent #religion #voyage
par Tristram
le Jeu 3 Aoû - 13:17
 
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Sujet: John Barth
Réponses: 15
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Louis-Ferdinand Céline

Guignol's Band

Tag prostitution sur Des Choses à lire Guigno10

Après une introduction promouvant son style « télégraphique » et une évocation effroyable de la débâcle en ce début de Première Guerre mondiale, Ferdinand démobilisé est arrivé à Londres.
« Qui c'est qu'est mort au caniveau ? On cogne dedans, on bute, c'est mou !... Y a un ventre là ! grand ouvert et le pied, la jambe retournée, repliée à l'intérieur... C'est un acrobate de la Mort !... foudroyé là ! »

Avec Borokrom le pianiste et poseur de bombes, dans les Docks (il raconte ses souvenirs au présent), ils sont aux prises avec le Sergent Matthew du Yard, corrompu qui les menace via Cascade le hareng, caïd à qui les autres proxénètes français qui partent à la guerre confient leurs gagneuses.
« Les petits macs ils me faisaient sourire... Ils avaient mangé du bobard !... ça leur tournait leurs petites têtes !... Je disais rien !... C'est l'expérience... Je savais moi !... Faut pas se vanter !... C'était des enfants dans un sens !... « affranchis » mon cul !... Ils apprendraient les galipettes là-bas aux Secteurs !... Tout ce qu'était pas dans les journaux !... Ça suffit pas de parler coin de bouche et javatave !... Ils verraient le reste !... […] Ils verraient les autres ! les bouillants, si ça leur passerait !... Ils avaient beau s'engueuler tous c'était bien de la gâterie tout de même le genre Leicester... Trop heureux voilà !... Quitter ça ?... C'est fou la jeunesse !... Aller chercher de la boucherie, des contre-assauts, des trucs de dingues, l'homme boudin ! manger la mitraille ?... pourrir sous la flotte... la tranchée gadoue... les gaz plein la tronche... À la vôtre Bidoches !... Je vous aime !... Possédés du pour !... Et taratata !... J'allais pas, merde ! les affranchir !... Faut jamais affranchir les caves ! Au clairon les hommes !... Ils m'auraient buté !... Aï !... Ça sert à rien les renseignements !... Ça veut du changement !... Bon voyage !... Ils seront morts avant que ça me reprenne !... »

Angèle, la femme légitime de Cascade, a poignardé Joconde à la fesse, et Ferdinand l’accompagne au London Hospital, aux bons soins du Dr Clodovitz. De bagarres en bordées d’insultes, ils se retrouvent à musiquer chez l’usurier Titus Van Claben dit l'Affreux (poussah asthmatique travesti en pacha), et c’est une magistrale transcription de jazz bastringue dans le capharnaüm des gages amoncelés : le « rigodon », terme plusieurs fois décliné par Céline avec divers sens. Puis c’est une défonce au haschisch avec Delphine la governess, summum d’hallucination. Ferdinand et Boro tuent Titus, Boro déclenche un incendie avec une bombe. Ferdinand la Douleur s’enfuie, se croyant recherché, et tue Mille-Pattes, un nain virtuose des cartes, puis se précipite au consulat français pour s’engager en clamant être un assassin, mais réformé y déclenche une nouvelle échauffourée. Il déclare notamment, outre de nombreuses invectives :
« Y a de la féerie dans l'atmosphère... »

Puis Ferdinand confie comment il a été recommandé à Farcy Cascade, Leicester Street, par son neveu Raoul, bientôt fusillé pour mutilation volontaire. Un prestidigitateur,
« HERVÉ SOSTHÈNE DE RODIENCOURT
Prospecteur Agréé des Mines,
Explorateur des Aires Occultes,
Ingénieur Initié. »

… l’embringue dans un voyage mystérieux au Tibet…
Cette non-fin abrupte s’explique par le report de la suite dans Guignol's Band II ou Le Pont de Londres.
Chronique de péripéties, dans sa forme éclatée de spontanéité reconstruite du langage parlé c’est la démonstration d'un grotesque souvent comique, mais à l’occasion poétique (« la povoîsie »), nostalgique, fantastique, atroce. Cette danse macabre, ce théâtre de marionnettes, ce délire verbal (maîtrisé par l’auteur) est animé d’un véritable souffle rabelaisien.

\Mots-clés : #exil #premiereguerre #prostitution
par Tristram
le Sam 13 Mai - 12:59
 
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Sujet: Louis-Ferdinand Céline
Réponses: 163
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Howard Fast

Sylvia

Tag prostitution sur Des Choses à lire Sylvia10

Le détective Alan Macklin, célibataire, historien manqué et narrateur de l’histoire, est chargé d’enquêter sur le mystérieux passé de Sylvia West par son fiancé. Il suit une piste ténue au travers des États-Unis, manifestement séduit par cette femme qu’il n’a jamais rencontrée, tout en étant taraudé par l’indignité de son métier, et conscient de la corruption généralisée en grande partie due à l’argent.
« Ensuite, j’ai marché jusqu’à la 53e Rue et je suis resté deux heures au Musée d’Art Moderne. Je voulais à toutes forces me prouver que mon intelligence était un peu au-dessus de la moyenne ; et que ces années passées à accomplir des tâches abjectes et avilissantes, dans une profession sans intérêt et déshonorante, ne m’avaient pas entièrement sevré de la grande confrérie des civilisés – en admettant qu’elle existe. »

« Je gagnais ma vie tantôt comme une putain, tantôt comme un maquereau.
La seule chose qui me différenciait d’eux, c’est que la Société ne me désavouait pas et qu’à la Télévision je pouvais avoir de soi-disant aperçus de mon métier, grâce aux évolutions d’une demi-douzaine d’imbéciles et de crétins jacasseurs et grossiers, qui ont fait du "privé" l’un des éléments du folklore américain. »

« Rentré dans ma chambre, j’ai pris une cuite en solitaire. Il y avait exactement sept ans que je ne m’étais pas envoyé une bouteille à moi tout seul. Mais sept ans, c’est court, quand il s’agit d’éviter de se retrouver seul en face de soi-même. Il y a des gens qui y réussissent pendant toute leur vie : eux restent sobres. »

Ce roman vaut surtout pour son atmosphère de mélancolie, celle du personnage principal mais aussi d’autres, notamment féminins, comme la rencontre touchante avec Irma Olanski, la vieille fille bibliothécaire de Pittsburgh, ou celle de Shirley Digbee, une actrice :
« Elle se glissa derrière un petit paravent placé dans un coin.
– Je vais m’habiller tout comme au ciné, pendant que nous causerons, me dit-elle avec bonne humeur. Pour ne pas que vous soyez obligé de sortir. De toute façon, j’aime bien avoir un homme dans la pièce quand je m’habille. Je ne suis pas normale, pour ça. C’est une névrose. J’en ai au moins vingt, de ces névroses, trente peut-être, je peux pas dire. Tout ça, ça vient de ce que je suis aussi vachement grande. Le plus curieux, c’est que j’en suis enchantée, je raffole de ma taille. Je n’aimerais pas être autrement. Je suis sortie pendant quelque temps avec un psychanalyste – un petit, d’un mètre cinquante-cinq à peu près. Ça leur donne le grand frisson de sortir avec moi. Frisson, c’est encore trop faible. Je pourrais écrire un livre sur ces petits hommes. Mais celui-là, ce psychanalyste, il voulait toujours arriver à me persuader que j’avais horreur d’être grande. En fin de compte, je lui ai dit : « Écoute, flambard, pourquoi est-ce que tu me téléphones vingt fois par jour, si ton seul but est de me rabaisser à ton niveau ? Y en a suffisamment de ta taille qui se baladent dans la nature. Va donc t’en lever une de ton gabarit. » Mais croyez-moi, quand je dis que c’était son idée fixe, j’suis au-dessous de la vérité… Si nous nous connaissions mieux, je vous donnerais des détails. Mais celui-là, il ne parlait que de névroses. Je lui ai dit : "D’après toi, on ne fait jamais quelque chose tout bêtement parce qu’on en a envie. Tout est de la névrose…" »

D’origine pauvre, il s’avère vite que Sylvia a été prostituée. Elle a beaucoup lu, et publié de la poésie. Elle a toujours menti, et développé de la haine, au moins contre les hommes.
« – Croyez-vous que les frais d’édition aient été payés d’avance pour ce livre ?
– Autrement dit, en termes de métier, Mack, vous parlez d’une « édition à compte d’auteur » ? C’est peu reluisant. Un auteur qui ne trouve pas à se faire éditer sur la place publique s’adresse aux maisons qui acceptent qu’on leur paie les frais d’impression et de reliure, sans parler du bénéfice de l’éditeur. C’est une des plaies de notre profession, par ailleurs fort honorable. Mais un éditeur qui se respecte n’accepte pas ce genre de travail. »

« En vieillissant, nous devenons plus sages, monsieur Macklin, mais ce que nous prenons pour de la vertu, n’est-ce pas plutôt de l’épuisement et une certaine satiété ? »

« J’en arrivais à me dire qu’il fallait être un gamin, un impulsif ou un névrosé pour avoir choisi d’aimer une femme qui aurait des raisons violentes et très sérieuses de me haïr. Il y a longtemps que je sais qu’entre une femme et un homme l’amour ne naît pas fortuitement. On ne tombe pas amoureux, comme dans les romans ; on y succombe délibérément et volontairement ; et, quand le choix se fixe sur l’impossible, c’est signe d’une disposition d’âme maladive. J’ai connu des femmes qui ne choisissaient pour objet de leur passion que des hommes mariés et, dans les deux sexes, des gens attirés seulement par les incompatibilités ou la difficulté. »

« Être pauvre avilit ; et tous les pieux mensonges qu’on raconte à ce sujet ne sont que futilités. »

Une belle histoire d’amour, sensiblement rendue (et à peine un polar).

\Mots-clés : #amour #polar #prostitution
par Tristram
le Lun 14 Nov - 9:41
 
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Sujet: Howard Fast
Réponses: 18
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Mario Vargas Llosa

Conversation à La Catedral

Tag prostitution sur Des Choses à lire Conver10



Titre original: Conversación en la Catedral, 1969, 610 pages environ.
Lu dans la seconde traduction, d'Albert Bensoussan et Anne-Marie Casès, Gallimard collection Du monde entier, 2015.


Au début un journaliste rentre chez lui, voit sa femme éplorée, on a subtilisé de force leur chien; le chroniqueur, Santiago Zavala, se rend à la fourrière canine afin de le récupérer (amener les chiens divagants à la fourrière rapporte quelques soles, et, quand ils ne divaguent pas...).

Là, après quelques saynètes et propos crus, Zavala tombe sur Ambrosio, ex-chauffeur de son père, et, sur proposition du premier et indication du dernier, ils vont se jeter quelques bières dans un boui-boui nommé La Catedral.
Les 600 pages sont la teneur de cette conversation, par séquences voire chapitres entiers très embrouillée, mâtinée de flashes-back, de réminiscences, d'évocations, de soliloques, de dialogues entremêlés, de bâtons rompus, bien que plus l'on avance, plus le propos soit formellement clarifié.

J'avais lâché cet embrouillamini indigeste et long il y a une quinzaine d'années, dans l'ancienne traduction.
Aujourd'hui c'est passé crème, le style narratif (parlé mais pas nécessairement ordonné) nécessite un peu d'accoutumance et le nombre des caractères ou personnages fait qu'on peut conseiller de le lire avec une relative célérité, du moins une linéarité.

In fine j'ai beaucoup apprécié cet apparent magma d'écriture faussement désinvolte, comme des micros qui captent toutes les bribes de conversations éparses, fissent-elles sens ou non, doublés de micros plus sophistiqués qui saisissent ce qui traverse les esprits, ce qui passe par les têtes:
N'est-ce pas plus proche de ce qui se passe dans la vie ?

Rendu on ne peut plus original donc, qui "classe" l'ouvrage dans un courant littéraire exploratoire. Techniquement, le rendu de ces interférences permanentes, de ces coqs-à-l'âne, couplé à la narration de style parlé permet beaucoup de choses: La légèreté sur un sujet et une époque qui réunissent pourtant tous les ingrédients pour que ce soit bien pesant, l'attention pseudo-détournée du lecteur, qui du coup en redemande à la lecture d'une saynète, sans trop savoir à quel moment du bouquin il va trouver la suite (ou ce qui précédait, via les flashes-back en nombre !).  

Le Pérou, époque dictature d'Odría, il y avait tout pour faire du livre un mélo, ce qu'il n'est pas. Vargas Llosa réalise un petit coup de maître en réussissant une fresque où rien ne semble manquer excepté la vie rurale. Mais nous avons des destins, certains humbles, d'autres de premier plan, la violence, la corruption, la répression, les "arrangements", les oligarques, les révoltés, l'intérieur des familles, les maîtres et les servants, la prostitution - de luxe ou de caniveau.
Et même une certaine chronologie de ces temps particulièrement troublés. Les mondes des casseurs, des petites frappes, des indics, du journalisme, de la nuit sont particulièrement gratinés, le tout servi dans un bouillonnement où mijotent les entrelacs des histoires.  

Certains personnages évoqués sont réels, Odría, Bustamante par ex. (mais la parole ne leur ait jamais laissée directement), la toponymie aussi, et les évènements narrés coïncident avec exactitude à l'histoire péruvienne de ces années-là.  

Le personnage de Santiago Zavala a du Mario Vargas Llosa en lui, on dira qu'il colle avec sa bio (quant au personnage d'Amalia, il est remarquablement troussé, à mon humble avis).

Ce curieux kaléidoscope est sans aucun doute un vrai grand livre, à placer -à mon humble avis, toujours- parmi les ouvrages incontournables de la littérature latino-américaine de la seconde moitié du XXème siècle.


Un exemple de superposition de plusieurs situations, plusieurs dialogues (deux, en l'occurence); on note le simple "dit" pour informer le lecteur de l'auteur de la prise de parole.
Jamais ce "dit", comme un invariable, n'est remplacé par un des équivalents habituels lorsqu'on écrit des dialogues, du type annonça, interféra, trancha, cria, coupa, affirma, etc.

Chapitre VII, Partie 1 a écrit:
- Fondamentalement, deux choses, dit maître Ferro. Primo, préserver l'unité de l'équipe qui a pris le pouvoir. Deuxio, poursuivre le nettoyage d'une main de fer. Universités, syndicats, administration.
Ensuite élections, et au travail pour le pays.
- Ce que j'aurais aimé être dans la vie, petit ? dit Ambrosio. Riche, pour sûr.
- Alors tu pars pour Lima demain, dit Trifulcio. Et pour faire quoi ?
- Et vous c'est être heureux, petit ? dit Ambrosio. Évidemment que moi aussi, sauf que riche et heureux, c'est la même chose.
- C'est une question d'emprunts et de crédits, dit Don Fermín. Les États-Unis sont disposés à aider un gouvernement d'ordre, c'est pour cela qu'ils ont soutenu la révolution. Maintenant ils veulent des élections et il faut leur faire plaisir.  
- Pour chercher du travail là-bas, dit Ambrosio. Dans la capitale on gagne plus.
- Les gringos sont formalistes, il faut les comprendre, dit Emilio Arévalo. Ils sont ravis d'avoir le général et demandent seulement qu'on observe les formes démocratiques. Qu'Odría soit élu, ils nous ouvriront les bras et nous donneront tous les crédits nécessaires.
- Et tu fais chauffeur depuis longtemps ? dit Trifulcio.
- Mais avant tout il faut impulser le Front patriotique national, ou Mouvement restaurateur, ou comme on voudra l'appeler, dit maître Ferro. Pour se faire, le programme est fondamental et c'est pourquoi j'insiste tant.
- Deux ans comme professionnel, dit Ambrosio. J'ai commencé comme assistant, en conduisant de temps en temps. Après j'ai été camionneur et jusqu'à maintenant chauffeur de bus, par ici, dans les districts.
- Un programme nationaliste et patriotique, qui regroupe toutes les forces vivves, dit Emilio Arévalo. Industrie, commerce, employés, agriculteurs. S'inspirant d'idées simples mais efficaces.
- Alors comme ça t'es un gars sérieux, un travailleur, dit Trifulcio. Elle avait raison Tomasa de pas vouloir qu'on te voie avec moi. Tu crois que tu vas trouver du travail à Lima ?
- Il nous faut quelque chose qui rappelle l'excellente formule du maréchal Benavides, dit maître Ferro. Ordre, Paix et Travail. J'ai pensé à Santé, Éducation, Travail. Qu'en pensez-vous ?  
- Vous vous rappelez Túmula la laitière, la fille qu'elle avait ? dit Ambrosio. Elle s'est mariée avec le fils du Vautour. Vous vous rappelez le Vautour ? C'est moi qui avait aidé son fils à enlever la petite.
- Naturellement, la candidature du général doit être lancée en grandes pompes, dit Emilio Arévalo. Tous les secteurs doivent s'y rallier de façon spontanée.
- Le Vautour, le prêteur sur gages, celui qu'a été maire ? dit Trifulcio. Je me le rappelle, oui.
- Ils s'y rallieront, don Emilio, dit le colonel Espina. Le général est de jour en jour plus populaire. Il n'a fallu que quelques mois aux gens pour constater la tranquillité qu'il y a maintenant et le chaos qu'était le pays avec les apristes et les communistes lâchés dans l'arène.
- Le fils du vautour est au gouvernement, il est devenu important, dit Ambrosio. Peut-être bien qu'il m'aidera à trouver du travail à Lima.


\Mots-clés : #corruption #criminalite #famille #insurrection #medias #misere #politique #prostitution #regimeautoritaire #relationdecouple #temoignage #violence #xxesiecle
par Aventin
le Lun 1 Nov - 10:28
 
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Sujet: Mario Vargas Llosa
Réponses: 36
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Luca Di Fulvio

Le gang des rêves

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Titre original: La gang dei sogni. Paru en italien en 2008, roman, 920 pages environ.

Le roman débute à Aspromonte, Calabre, au début du XXème siècle.
Une petite fille (Cetta) grandit sous le regard de sa mère mais aussi celui, concupiscent, du patron de celle-ci, qui visiblement possède êtres, terres et choses et en dispose à son gré.
Cetta, devenue adolescente, se fait estropier par surprise par sa mère, afin de lui éviter les griffes du patron ou de l'entourage de celui-ci.
Ce sera sans succès et elle accouchera, "à presque quatorze ans", d'un garçon prénommé Natale, c'est-à-dire Noël.
Peu désireuse d'appartenir au patron comme l'une de ses terres, elle s'embarque à Naples pour l'Amérique avec son bébé. La traversée se passe en viols continus par le capitaine, contre un quignon de pain et un peu d'eau. Une fois débarqués à Ellis Island et sur recommandation du capitaine, la petite fille, flanquée de son bébé, va connaître des années durant la prostitution en maison close.
Son maquereau, Sal Tropea, sous des allures brutales est doté d'un cœur ainsi qu'on s'en aperçoit petit à petit au fil des pages, pour un premier élément un peu positif dans ce livre, ce qu'on n'osait plus espérer. Ce personnage de souteneur-gangster impuissant fait un petit peu songer à Sanctuaire, de Faulkner, est-ce là une référence que Di Fulvio est allé glaner ?
Une référence certaine est l'emprunt de Diamond Dogs, de David Bowie, revendiqué en-tête du reste, comme nom de gang (tiré de l'album et de l'excellent tube éponymes).

Natale Luminata devient Christmas Luminata, grandit dans le New-York du Lower East Side dans la pauvreté, la violence et hors système scolaire: il ne veut plus retourner à l'école depuis que des gamins lui ont tracé un P à la pointe du couteau sur la poitrine, qui lui laissera une cicatrice à vie, P signifiant Putain en rapport au métier exercé par sa mère.
Son bagout, une ou deux rencontres (Santo le copain docile et effacé, Pep le boucher à la chienne galeuse), et l'observation active de la rue, ses mœurs, ses codes et son spectacle lui tiennent lieu d'apprentissage de la vie.
Son destin commence à basculer le jour où il recueille, dans les immondices d'un terrain en chantier, une adolescente de son âge, presque moribonde, frappée, violée et amputée d'un doigt. Elle se trouve être Ruth Isaacson, petite-fille d'un millionnaire en vue...
mais je ne vais pas vous résumer les 700 pages restantes !

Comme je le disais sur le fil Nos lectures en Août 2019, Di Fulvio pratique un matraquage à la violence, au sordide et à l'abjection durant les premiers chapitres, sans doute pour aguicher le voyeur-lecteur, ça doit marcher sans doute (est-ce assez "grand public" ?), mais, franchement, à mon goût là il en fait trop: a-t-on besoin de ce pilonnage systématique alors qu'on vient à peine de quitter l'embarcadère pour une traversée de plus de 900 pages ?
Retors, il ajoute alors des retours chronologiques permanents afin de bien laisser la tête lourde  à l'heure de reposer le livre sur votre chevet, comme si le contenu ne suffisait pas (le lecteur n'auto-intitulera pas ce bouquin "Le gang des bonnes nuits et des beaux rêves").

Heureusement Di Fulvio rentre à temps dans une espèce de linéarité chronologique, et l'ouvrage se suit, au fil des pages comme si c'était au gré d'un courant non tumultueux. Homme de théâtre, Di Fulvio fait de chaque chapitre une entrée en scène: on suit le ou les personnages avant de passer à une autre scène, un autre lieu souvent, au chapitre suivant.

Reste à décerner beaucoup de points positifs, comme le style, alerte, vif, Luca Di Fulvio s'avère être une plume rompue au tournemain du savoir-camper, tout en restant percutante, sans encombrer.
De plus l'ensemble du roman est bien découpé/calibré, et c'est remarquable sur la très longue distance de cet ouvrage (exercice très casse-figure, tout le monde n'est pas Tolstoï !), et le final, parti de loin, amené sur 150 pages environ, assez travaillé et pas nécessairement prévisible, m'a ravi, m'arrache quelques applaudissements spontanés (encore la patte de l'homme de théâtre, peut-être ?).






Mots-clés : #conditionfeminine #criminalite #enfance #esclavage #immigration #prostitution #segregation #violence #xxesiecle
par Aventin
le Sam 10 Aoû - 6:05
 
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Sujet: Luca Di Fulvio
Réponses: 5
Vues: 1160

Anonyme - Le Vendeur d'huile qui conquiert Reine de beauté

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Le Vendeur d'huile qui conquiert Reine de beauté. - Picquier

Voici un court chef d'oeuvre qui connut un succès immédiat suivi d'une longue descendance et diverses imitations et falsifications.
L'auteur est inconnu même si des noms ont été avancés.
L'histoire est simple. Celle d'un petit commerçant qui séduit par sa seule bonté d'âme et sa grande naïveté la plus prisée des courtisanes. Un thème décliné sur tous les modes dans tous les genres populaires et jusqu'aux opéras de Pékin.
Mais ce qui confère un succès durable au livre, c'est le grand talent de l'écrivain, grand amateur de la langue parlée qu'il maitrise parfaitement avec clarté et et vivacité.
Sa sympathie, on le voit va au petit peuple plutôt qu'aux grandes famille dont il dénonce les turpitudes et la violence. Comme Nagai Kafu, il connaît bien le monde des prostituées, ses habitudes et ses clients, leur langage. Et les mères maquerelles qui profitent de l'infortune des gamines pour les souler et profiter de leur innocence pour les vendre.

On apprend ainsi que l'héroïne du récit est une victime de la guerre, elle a perdu ses parents, et sa beauté extrême constitue un matériau de choix pour la prostitution, livrée qu'elle est par un homme à qui elle faisait confiance.
Le préfacier nous fait savoir que le livre est remarquable documenté sur l'époque Ming. Et que, de plus, il renouvelle le genre amoureux en mettant en scène des protagonistes que tout sépare. A commencer par leur situation sociale.
Mieux, il donnera à la jeune prostituée l'occasion de refuser la condition misérable d'un mariage "convenable" mais dégradant avec un homme riche.
C'est elle qui choisit de racheter -littéralement- sa condition à la maquerelle et de choisir celui qui a su la conquérir. Et le talent du romancier est de nous montrer l'évolution des sentiments de la jeune femme, mais aussi de sa transformation dans un monde clos et régi par des lois immuables.


Mots-clés : #amour #prostitution #social
par bix_229
le Dim 9 Juin - 16:59
 
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Sujet: Anonyme - Le Vendeur d'huile qui conquiert Reine de beauté
Réponses: 0
Vues: 630

Kiyoko MURATA

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Fille de joie

2 novembre
Aoi Ichi

Il fait froid ces jours-ci
Mes amies les fourmis sont parties
Alors je m'adresse à la maîtresse
Le soir du dépucelage
La terre s'est dérobée sous mes pieds
Je croyais que ce que ma mère et mes sœurs faisaient
A la lumière de la lune était agréable
La terre s'est dérobée sous mes pieds
Comment je vais faire moi pour travailler demain


1903. Comme tant de fillettes pauvres, Ichi est vendue par ses parents à une maison close, condamnée à vivre dans le « quartier des plaisirs » pour rembourser avec son corps la dette contractée en son nom. Acquise par une maison prestigieuse, Ichi fait son apprentissage auprès d'une oïran, prostituée célèbre entretenue par quelques richissimes protecteurs. Mais le luxe dont s'entoure l'oïran ne peut adoucir la rudesse des leçons auxquelles est soumise la jeune recrue, sommée, par la force s'il le faut, d'acquérir les techniques d'une bonne courtisane...

On envoie Ichi à l'école. Ses patrons attendent d'elle qu'elle puisse écrire des missives raffinées à ses meilleurs clients, le moment venu. L'institutrice, Mlle Tetsuko, essaie surtout d'éveiller l'esprit de ses élèves, tout en leur inculquant des notions de comptabilité afin qu'elles ne se fassent pas gruger par des tenanciers peu scrupuleux.
Pour Ichi, fraîchement débarquée de son île natale, l'école est une révélation, l'écriture un exutoire. A son journal, elle confie ses peines, sa révolte, et son rêve de retrouver un jour son île. Un espoir a priori bien illusoire, car il faut des années pour rembourser sa dette, quand encore on y parvient...
Un édit, publié en 1872, était pourtant censé mettre fin à ce système, quoique l'argument employé soit ahurissant :
L'édit établit que les prostituées qui ont perdu leurs droits humains sont assimilables au bétail. De la même manière que personne n'irait demander à un animal de rembourser une dette, on ne saurait demander à une prostituée de rembourser la sienne. C'est un raisonnement cruel, mais qui nous rendrait service s'il était appliqué. Cela n'a jamais été le cas.


Mais en ce tout début de Xxème siècle, le Japon connaît un frémissement inédit. Les journaux se font l'écho de la toute première grève ouvrière ; les femmes réclament le droit de vote, et l'armée du salut, qui milite activement pour la libération des prostituées, connaît un essort fulgurant.
Kiyoko Murata tente de restituer l'atmosphère qui règne alors dans les quartiers de plaisir, l'éveil d'un début de « conscience politique », et la fin programmée d'un monde. En attendant, pour les jeunes recrues, l'apprentissage est toujours aussi douloureux... La jeune Ichi symbolise le cruel écroulement des illusions de cette jeunesse sacrifiée. L'auteur, malgré la crudité inévitable de certains passages, a su éviter l'écueil de la vulgarité et des détails scabreux pour se concentrer sur les sentiments de la jeune fille. Les mots maladroits qu'elle couche sur le papier parsèment le livre, comme autant de cris du coeur d'une humanité bafouée, mais toujours combative et généreuse.



mots-clés : #conditionfeminine #prostitution
par Armor
le Jeu 28 Juin - 19:09
 
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Sujet: Kiyoko MURATA
Réponses: 6
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Iceberg Slim

Pimp : Mémoires d'un maquereau

Tag prostitution sur Des Choses à lire Fghhfg10

J'ai adoré ce roman autobiographique. Je l'ai aimé pour trois raisons principales :
- le langage est cru mais jamais salace, et il est incroyablement varié ce qui nous fait contourner les stéréotypes du rappeur-racailleux qui parle avec ses mots et tant pis si l'on ne comprend rien. Et ce langage, ce style permet de s'imprégner du paysage dans lequel l'auteur nous propulse.
- l'histoire qui est passionnante, loin des clichés, ce n'est pas une glorification ni une rédemption, c'est le constat d'une évolution heureuse et malheureuse par d'autres moments et cette distance, cette absence de jugement fait du bien.
- la richesse des personnalités qui constituent l"histoire : mi-charismatiques, mi pathétiques, ils sont complexes et cela permet des péripéties plus subtiles qu'il n'y parait.

J'ai vraiment aimé ce livre et je le conseille.


Mots-clés : #autobiographie #conditionfeminine #criminalite #prostitution #segregation #social #violence
par Hanta
le Ven 18 Aoû - 10:38
 
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Sujet: Iceberg Slim
Réponses: 4
Vues: 1190

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