Maylis de Kerangal
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Re: Maylis de Kerangal
Maylis de Kerangal et Joy Sorman
Elles se sont mises à deux pour écrire, l’une après l’autre, parties alternées.
Ca parle d’un type qui vient travailler sur un barrage dans une atmosphère absurde de désolation et de rendez-vous raté. Et cela alterne avec l’époque de l’évacuation du village englouti.
Cela a des relents de déjà-lu pour l’aspect village englouti, c’est un peu mince, un peu vain et inabouti au final. Même s’il y a un certain plaisir de l’instant grâce à la si belle et personnelle écriture de Maylis de Kerangal, cela reste un exercice de style.
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Flore Vasseur
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Re: Maylis de Kerangal
Quel plaisir de retrouver une vraie écrivaine contemporaine (plutôt qu’auteure, je crois qu’il ne faut pas avoir peur de reconnaître la vanité de l’écriture) ! J’apprécie ses longues phrases denses, chargées d’information (c’est très documenté, avec un vocabulaire étendu, notamment technique – surf, médecine). Au-delà d’un grand art de la description, le lyrisme est contenu : mais le cœur n’est pas qu’un muscle dans l’humain.
J’avais une certaine réticence concernant le titre (dû à Tchekhov dans Platonov), ramentevance d’un médecin (ou d'un enseignant, voire d’un prêtre) qui critiquait l’emploi du verbe "réparer" à propos des humains (qui ne sont pas des machines), mais il peut se comprendre maintenant qu’on remplace un organe comme une pièce de véhicule (voir la remarque de Marie en 2017) – pourtant la dimension humaine est mise en évidence dans ce roman, de même que les prouesses techniques de la médecine (et de la logistique) contemporaine.
L’égale précision des descriptions, de ce qui a lieu, eut lieu ou aurait pu être, donne la même valeur aux éléments fictifs qu'à ce qui est à considérer comme vrai, présent.
Ces quelques remarques viennent en complément des excellents commentaires précédents.« La recherche cristallise et Marthe avance son visage vers l’écran, ses yeux énormes et anamorphosés derrière les verres de ses lunettes. »
..] dénudant un buste splendide que composent différents cercles – seins, aréoles, mamelons, tétons, ventre, nombril, double amorce des globes fessiers –, que modèlent différents triangles pointés vers le sol – l’isocèle du sternum, le convexe du pubis et le concave des reins –, que creusent différentes lignes – la médiane dorsale qui souligne la division du corps en deux moitiés identiques, sillon qui rappelle en la femme la nervure de la feuille et l’axe de symétrie du papillon –, le tout ponctué d’un petit losange à l’endroit de la crête sternale – le bréchet sombre –, soit une recollection de formes parfaites dont il admire l’équilibre des proportions et l’agencement idéal [… »
\Mots-clés : #contemporain #medecine #mort
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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
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Re: Maylis de Kerangal
Une bande d’ados des quartiers pauvres de Marseille s’ébat sur une plate-forme artificielle en bordure de mer, délaissée du grand nombre. Les jeunes y pratiquent notamment un rite jubilatoire du plongeon depuis les rochers, avec prise de risque graduée.
Ce fil principal est entrecroisé avec celui de Sylvestre Opéra, policier directeur de la Sécurité du littoral depuis sept ans, qui les surveille, et est sommé de les réprimer.
Eddy le chef de groupe est confronté à une jeune fille extérieure à la bande, Suzanne, issue d’un milieu plus aisé, et mal acceptée par la bande. Ils vont se séduire réciproquement, tels Roméo et Juliette. Mario, le petit protégé d’Eddy, minot débrouillard qui tente de s’affirmer, aura aussi un rôle important dans l’escalade entre les insolents gamins épris de liberté et la municipalité avec ses forces de l’ordre.
Ce roman est aussi (et surtout) l’opportunité pour Kerangal de déployer une esthétique originale – son style.
Kerangal esquisse un compte-rendu socio-ethnologique des différents groupes marginaux qui interfèrent sur cette corniche, des rituels d’intégration adolescents aux transactions criminelles, laissant ouverte la question de la prépondérance de la sécurité ou de l’indépendance.« Alors, le sentiment de sa présence le porte vers le cosmos comme par politesse : il lève les yeux sur la lune montée énorme dans le ciel ambigu, et qui brille certains soirs d'une clarté singulière, très blanche, le contour détracé de vibrations infimes comme si le disque chauffait tout doux, poli à l'égrisée pour plus de joliesse, plus de tranchant, et l'intérieur en pelade – taches ombreuses, amas grenus, filaments ; d'un calme. »
Avertissement : le résumé de ce livre donné par Wikipédia est truffé d’erreurs, on peut croire qu’il a été pondu par un algorithme mal rôdé sur la base d’une quelconque traduction automatique. Je remarque de plus en plus fréquemment des articles de l’encyclopédie devenue de référence qui manquent de relecture, et c’est aussi dommage qu’inquiétant.
\Mots-clés : #social
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Re: Maylis de Kerangal
Ça, c’est fait.
J’ai réservé celui sur le pont et l’autre réparant les vivants, 2 thématiques très proches de moi en ce moment (à voir comment elles sont traitées et si on finit par se rencontrer….mais ça n’engage que moi).
On en reparle ;-)
Cliniou- Messages : 916
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Re: Maylis de Kerangal
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Bédoulène- Messages : 21658
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Re: Maylis de Kerangal
La narratrice, au « métier de "voix" » (notamment doubleuse) et proche de la cinquantaine, reçoit l’appel d’un lieutenant de police du Havre, où elle a passé sa jeunesse sans y être retournée depuis vingt ans. Le corps d’un inconnu vraisemblablement assassiné a été découvert sur la plage de galets, à proximité de la digue nord, avec dans sa poche un ticket de cinéma portant son numéro de téléphone. Elle retourne dans sa ville natale, voit des photos du cadavre, et mène une sorte d’enquête en revenant sur les lieux où serait allée la victime.
Le Havre pratiquement rasé pendant la Seconde Guerre est mis en parallèle avec les villes récemment détruites en Ukraine, et Automne allemand de Dagerman. D’autres préoccupations actuelles sont évoquées (trafic de drogue, etc.)« Comme la plupart des gens, je préfère les balades en circuit qui débouclent un périple à celles qui rallient un point fixe puis exigent de faire demi-tour et de rebrousser chemin. La promenade de la digue appartient évidemment à la seconde catégorie mais offre un bon kilomètre pour se désembrouiller le cerveau, se laisser aller à la réflexion selon le principe du thinking by walking que pratiquent les flâneurs obliques, ceux qui conjuguent la tension musculaire, l’enchaînement des appuis et le rythme des jambes à la spéculation, indexent la grammaire du corps sur celle de la pensée, et pour qui marcher consiste précisément à faire trotter ce que l’on a dans la tête. Sur la digue, l’aller enclencherait la décongestion de l’esprit – on brasse la question, on l’oxygène, on la déplie à mesure que le phare s’élève dans la perspective, haut de quinze mètres et couronné d’une lanterne rouge, de plus en plus tangible, évident, de plus en plus détaillé aussi –, tandis que le retour, inversant le point de vue, prendrait la réalité à rebours pour faire apparaître sinon une réponse, du moins une autre formulation : l’art de revenir sur ses pas. »
Elle voyage dans son passé, songe à Craven, son premier amour, parti sans plus jamais donner signe de vie ; ne pourrait-ce être l’inconnu ?
Pour un amateur de listes, quel régal que celle du contenu d’un sac de femme !« J’attrape le passé à Rouen, un samedi de mars, entre deux grains. J’ai huit ans, bientôt neuf. Je suis coiffée à la Stone, la frange en escalier, vêtue d’un pantalon de velours côtelé bordeaux et d’un anorak rouge, chaussée d’une paire de Clarks neuves imperméabilisées le matin même avec soin – s’il ne pleut pas encore, c’est qu’il va pleuvoir, et qu’il pleuvra. »
Outre le vocabulaire précis, les blocs de longs paragraphes ancrant le récit caractérisent l’écriture soignée de Maylis de Kerangal, mais son dernier roman m’a malheureusement peu apporté.« …] un pass navigo et de vieux tickets de métro, un sachet de thé déchiré, quelques centimes, plusieurs facturettes de carte visa, trois billets de vingt euros, un carnet de timbres entamé, le scénario annoté de Lady Forger, une boîte de Doliprane 1000, un carnet rouge ligné à couverture souple empli de notes éparses, un ticket de pressing de 2017, des glands, des stylos, un crayon de khôl, une carte postale de Maïa avec pour seul texte Bons baisers de Marseille, le papier cristal de la friandise qui accompagnait l’addition au restaurant hier avec Herminée, le livret de la messe de funérailles de mon père, des épluchures de mandarine, un illuminateur de teint, un paquet de Lucky, un petit étui de cuir où je conserve une liasse de photomatons de Blaise et de Maïa – leurs petites gueules saisies au fil du temps –, un plan du métro de Londres, le fascicule de l’imprimerie de Blaise, des clés, quelques cartes de visite en vrac, Automne allemand, mon passeport tout fatigué, la bouteille aux indices prélevés sur la plage, mon ticket de tram, ma carte visa, ma carte de sécu, et ce petit carton plié en deux, taché de vin et de café, où mon nom est écrit à la plume, les pleins et les déliés, les apex et les fûts, les jambages et les hampes – surtout garde-le m’avait dit Blaise après en avoir admiré la calligraphie. »
\Mots-clés : #intimiste #lieu #polar
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Bédoulène- Messages : 21658
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Re: Maylis de Kerangal
La narratrice est convoquée au Havre par la police pour identifier un corps retrouvé sur la plage. S’est-elle reconvertie dans le polar, Maylis de Kerangal ?
Certes non, car on suit la narratrice dans sa déambulation sur une journée. Connait-elle cet homme, ou ne le connaît-elle pas ? Le sait-elle elle-même ? Il réveille en tout cas tous les souvenirs de cette femme, qui est née et a aimé au Havre avant de rejoindre la vie parisienne où elle a construit sa vie.
Toujours attentive aux détails, aux ambiances, aux humeurs, aux métiers, toujours aussi extraordinaire à situer un personnage dans sa singularité, Maylis de Kerangal vagabonde, avec son style intense qui ressemble à des vagues : bel hommage à une ville ouverte sur la mer, pour qui ne craint ni le sur-place, ni les digressions, ni les divagations.
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