Des Choses à lire
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Après tout une communauté en ligne est faite de vraies personnes, avec peut-être un peu plus de liberté dans les manières. Et plus on est de fous...


Je te prie de trouver entre mes mots le meilleur de mon âme.

Georges Brassens, Lettre à Toussenot

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La date/heure actuelle est Jeu 9 Mai 2024 - 20:59

89 résultats trouvés pour viequotidienne

Geneviève Brisac

Une année avec mon père

Tag viequotidienne sur Des Choses à lire - Page 5 41dtns10

Un récit , ou plutôt des impressions qui demeurent ,d'une année de vie, d'un automne à un autre , après la mort de sa mère dans un accident, laissant leur père ,quelqu'un de très indépendant ,seul .

En exergue:
Dans toute parole donnée, dans toute parole reçue, dans chaque geste et la moindre pensée, dans tout fragment même bref et aléatoire, de notre vie et celle d’autrui, il y a quelque chose de précaire et quelque chose d’inéluctable, quelque chose de caduc et quelque chose d’indestructible.
Marisa Madieri

Malgré les deux morts qui marquent chaque automne- le père est mort en novembre, 14 mois après son épouse- ce n'est pas du tout un livre tragique. Mais tourmenté plutôt par le souci de , pour la narratrice, rester à sa place , veiller sans prendre en charge, il ne le permettrait pas de toutes façons, et c'est très difficile.

"Je déteste mon nouveau rôle. La vie privée de mon père ne m’intéresse pas, ne me regarde pas. D’ailleurs, il ne veut pas que nous nous en mêlions. Je voudrais en être dispensée. Etre loin, à l’autre bout du monde. Je le suis davantage pourtant que je ne le crois.
Le docteur Chaïm se moque de moi.
Vous vous accordez tellement d’importance!
Quelle injustice encore.
Que savez-vous de ce que pense votre père? De sa vie? De ses désirs, de ses principes, de ses peurs?
Presque rien, mais trop encore.
Et je ferme les yeux en versant l’eau du thé pour ne pas voir la rouille, les paquets de pâtes périmés, le calcaire, le vieux pain.
Vous regardez quand même.
Je ne veux pas verser l’eau à côté du pot.
J’essaie de faire des visites plus légères, des visites qui ne seraient plus des visites, des je-passais-juste-par là qui ne trompent personne, ni moi, mais je ne veux pas être l’infirmière, je ne suis pas la garde-malade, éloignez de moi la fille répressive, jamais je n’ai voulu priver mon père de quoi que ce soit, elles tournent autour de moi, ces figures hostiles, ô Cordelia, prête moi ton sourire! J’essaie de ne pas prendre trop d’habitudes filiales.
Je relis Le Roi Lear, Le Père Goriot,et le si beau David Golder pour me vacciner contre l’intimité si décriée des filles et de leurs pères. Je lis Anna Freud, Camille Claudel, Jenny Marx, Virginia Woolf. Les Antigones aux pieds englués dans les traces trop fraîches des semelles de leurs pères.
Je relis le Journal de Virginia Woolf. 1928.
«  Anniversaire de Père. Il aurait eu quatre-vingt-seize ans. Oui, quatre-vingt-seize ans aujourd’hui,comme d’autres personnes que l’on a connues. Mais, Dieu merci, il ne les a pas eus. Sa vie aurait absorbé toute la mienne. Je n’aurais rien écrit. Pas un seul livre. »
Ce n’est pas votre vie, dit le docteur Chaïm, grandissez donc un peu.
"


C'est une année pendant laquelle chacun recherche de nouvelles marques ,et leurs rapports sont:"un mélange de pudeur, d'admiration de frustration et de tendresse. Il y a tout ce qui ne se dit pas, les loupés ou les espoirs décus que l'on se camoufle parce qu'il est trop tard."

Une année traversée de beaucoup de chagrin, qui s'exprime très peu ,même entre soeurs:
"Je ne peux savoir ce que pensent mes sœurs. Un mur de chagrin nous sépare comme nous sépareraient des chutes d’eau. ( Je pense à une image d’Hitchcock, l’héroïne est cachée sous les chutes, un abri, une grotte impensée. La peine ressemble à cela.)"

Et de moments cocasses, dont du moins Geneviève Brisac, avec son humour, cherche à retranscrire la cocasserie.
Et aussi des moments joliment qualifiés d'apnées de l'optimisme..

Un ou deux règlements de compte, aussi faits avec finesse, mais quand même! Un extrait, j'aime assez la façon de raconter de Geneviève Brisac:

"J’ai invité les Butor, dit mon père. J’irai d’abord l’écouter à la Sorbonne, il reçoit une chose honorifique, il fait un discours, ils m’ont gentiment envoyé une invitation. Puis nous dînerons à la Closerie des Lilas. Voudrais-tu être des nôtres?

La soirée est belle et douce, je les trouve tous les trois en train de boire l’apéritif, Michel Butor a les joues roses, le ventre rond sous l’empiètement de sa cotte grise, une salopette du soir, il sourit aux anges, il évoque les hommages qui lui ont été rendus aujourd’hui. Elle en profite pour rappeler quelques réjouissances récentes, des colloques en l’honneur de ce même Butor, qui est son époux depuis plus de cinquante ans, peut être cinquante-cinq, cet heureux temps, ce temps si ancien, une exposition que nous ne devrions manquer sous aucun prétexte. Ils ont l’air heureux.
Vous ne pouvez pas imaginer le nombre d’universités qui réclament Michel partout dans le monde. Et nous adorons voyager.
Nous partons vers la Closerie des Lilas. Mon père a l'air épuisé, il est pâle. Il vacille sur sa canne...
L'Inde nous a éblouis, raconte Butor, une civilisation étonnante, des civilisations plutôt, des mythes passionnants, le Gange, les temples, les crémations, sans parler des singes qui nous volaient nos affaires ...
Si on commandait le dîner? propose mon père dont je crains qu'il ne défaille d'ennui.
Je crains aussi que les Butor ne sortent des photos, mais ils ont changé de sujet, et, en mangeant d'excellent appétit, ils évoquent les joies que leur donnent leurs enfants, les étés dans le Sud-Ouest avec leurs petits-enfants, les travaux dans la maison.
Ils resplendissent.
Ils ne posent aucune question.
Ils sont à leur affaire.
Mon père est maintenant jaune citron. Il paie le dîner, attrape sa veste, se prend les pieds dans les lanières de son sac, au revoir, au revoir, et nous marchons dans la nuit, clopin-clopant.
Quelles âmes desséchées, dis-je, quelle aura de vanité efficace, comme on dit la grâce efficace.
Ta mère avait raison, murmure mon père, la littérature durcit le coeur, les écrivains sont des monstres d'indifférence.C'est ce qu'elle disait toujours.
Il y a des boulangers d'une cruauté extrême, dis-je, et des fleuristes nazis.
Mon père trébuche une fois encore, l'alcool, la fatigue, le chagrin, nous sommes devant sa porte, je pianote pour l'ouvrir.
Michel Butor était son meilleur ami, et il n'a même pas prononcé son prénom, murmure-t-il.
Par pudeur, peut être, dis-je.
Mais j'ai des doutes.
"

Beaucoup aimé, vraiment.




mots-clés : #autobiographie #famille #mort #vieillesse #viequotidienne
par Marie
le Mer 30 Aoû 2017 - 14:22
 
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Sujet: Geneviève Brisac
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Walker Percy

Tag viequotidienne sur Des Choses à lire - Page 5 7f96d810

Le cinéphile

Aïe. Comment parler de ce livre qui frôle le journal intime tout en se révélant élusif ou évasif. Binx, comme les gens l'appellent, ça marche pour lui avec son bon petit boulot, une famille qui a des sous, ses routines et la ville de la Nouvelle Orléans qu'il habite de façon à conserver de la distance, de ne pas se retrouver contraint à vivre au cœur obligatoire des choses. Il est en quelque sorte très décidé et en quête (pour reprendre le vocabulaire même du livre) ou en attente d'un événement ou d'une compréhension particulière.

On comprend vite qu'il a fait la guerre (2ème ou Corée ?) et a été blessé. Et l'évidence est que dans la famille nombreux sont ceux à avoir fait la guerre. Le drame, la blessure à l'origine de sa possible rupture d'avec le monde se trouve aussi comme l'a dit tom leo chez sa cousine qui a perdu son futur mari dans un accident de voiture.

Autre personnage important la tante qui régente la vie de la famille et guide les uns et les autres en entretenant l'élévation d'une vie 'typée Vieux Sud' dans laquelle langueur et tradition ne vont pas sans action.

Une forme de conformité qui n'est pas sans avoir son poids et qui se parallélise avec le cinéma présent par intermittence. Par intermittence seulement pour des ressemblances de personnes croisées avec des acteurs ou pour des situations ou des attitudes. J'ai vu dans cette cinéphilie la réponse partielle à l'attente, un rituel réconfortant délivrant des images qui éclairent sur la façon de de devoir se comporter. Même si ça n'était que pour des détails ce serait déjà important.

Il y aussi des passages plus étranges encore avec la virée en MG avec la secrétaire, le court séjour dans le bayou ou l'aller-retour à Chicago, en variation de la personnalité très sensorielle du livre.

Tout ça pour dire ou arriver aux questions spirituelles effectivement présentes. Je ne m'aventurerai pas aussi loin que la chute et la rédemption mais il y a bien un sentiment de libération dans le geste conscient et volontaire puisse-t-il aller dans le bon sens et surtout s'intéresser à l'essentiel plutôt qu'être intéressé.

Mais vous ne trouverez pas de paroles définitives ou de recettes, pas plus pour ça que pour la science d'ailleurs ou que pour les fractures de puzzles familiaux. Il faut accepter ces zones d'ombres et ses attentes irrésolues (de lecteur) de même que tous les manques de repères cinématographique (je me pose la question de passage qui seraient des échos de scènes de cinéma ?) et culturels de "mentalité" américaine.

Un roman riche et prenant, particulier, qui m'a surpris par la place laissée à l'environnement, à la ville, au ressenti de la vie dans le lieu.

Belle découverte grâce à tom léo (une de plus). Tag viequotidienne sur Des Choses à lire - Page 5 1252659054

mots-clés : #lieu #spiritualité #viequotidienne
par animal
le Dim 27 Aoû 2017 - 13:51
 
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Sujet: Walker Percy
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Alexandra Badea

Il est plutôt rare que je promeuve des écrivains contemporains, d'ailleurs j'ai tendance à considérer - par la force des choses - qu'un bon auteur est un auteur mort ! Tag viequotidienne sur Des Choses à lire - Page 5 1390083676
Le problème avec ceux qui ont encore l'outrecuidance de vivre, c'est qu'ils font partie prenante du grand bouillonnement vibrionnant du paysage littéraire. Pour un lecteur exigeant, il est difficile de s'y retrouver parmi toutes les parutions, sachant que tout semble merveilleux au vu de l'extérieur, et qu'une fois que j'ouvre ledit bouquin j'ai tout de go envie de le refermer : alors ... que faire ? Continuer à lire, à parcourir, se fier à son instinct. Et de temps en temps, il m'arrive de tomber (heureusement) sur un auteur qui me plaît.
Alexandra, réjouissez-vous, vous voilà parmi le cercle restreint des survivants ! (il n'y a pas que les éditeurs qui se montrent intransigeants).

Mais revenons-en à nos moutons. Ce que j'aime chez cette autrice, c'est qu'elle prend à bras-le-corps les thèmes actuels qui font mal : désenchantement, virtualité, déshumanisation du monde du travail ... Un peu à l'instar d'un Houellebecq, mais avec une écriture bien plus incisive (l'utilisation du "tu" fait son effet). C'est aussi le propre du dialogue théâtral. Je n'ai pas encore lu son roman, mais je vous recommande chaudement de découvrir ses pièces de théâtre, notamment Pulvérisés.

Tag viequotidienne sur Des Choses à lire - Page 5 Pulver10

Quatre métiers, quatre villes : Shanghai, Dakar, Lyon, Bucarest. La vie en entreprise aux quatre coins du monde. Une ouvrière chinoise raconte ce qu'elle subit chaque jour à l'usine : l'humiliation quotidienne. Au même moment, un superviseur de plateau sénégalais dénonce la cruauté dont peut faire preuve son chef d'entreprise pour « faire du chiffre ». Ailleurs, un responsable assurance-qualité voit se détériorer sa relation familiale sous la pression du travail. Et à Bucarest, une ingénieur d'études et développement témoigne de sa difficulté à s'intégrer, à réussir, à gravir les échelons. Le quotidien de ces individus est rude, tranchant, parfois cruel et honteux.


Dites-m'en des nouvelles, et surtout si vous en êtes ressortis indemnes ! Elle a de quoi nous questionner, et mettre le doigt là où ça piquotte !

mots-clés : {#}contemporain{/#} {#}social{/#} {#}théâtre{/#} {#}viequotidienne{/#}
par Invité
le Lun 21 Aoû 2017 - 15:29
 
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Sujet: Alexandra Badea
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Colm Toibin

Tag viequotidienne sur Des Choses à lire - Page 5 Cvt_no10

Nora Webster

J'ai beaucoup d'estime pour l'oeuvre de Colm Toibin, et ce dernier roman poursuit la recherche d'une simplicité et d'une retenue dans l'évocation des méandres d'une vie. Nora Webster, après avoir fait face à la mort de son mari, doit retrouver un équilibre et reconstruire un quotidien dans l'Irlande de la fin des années 1960. La confrontation du regard des autres, dans les circonstances du deuil et d'un vide à combler, précipite une révolte silencieuse et l'affirmation d'une autonomie, d'une solitude lui permet peu à peu de se dégager d'un poids trop lourd à porter.

Nora accepte des concessions momentanées et souhaite, parfois maladroitement, consolider des liens affectifs et familiaux alors que le conflit nord-irlandais apparait comme une toile de fond étrangement inquiétante. Son épanouissement, notamment à travers la musique, est cependant le reflet d'une indépendance, d'une prise de distance par rapport à des contraintes matérielles qu'elle veut désormais ignorer. Entre un passé évanoui et un futur incertain, Nora parvient progressivement à apprécier la valeur du présent, avec ses difficultés, ses doutes et sa part de renoncement.


mots-clés : #mort #viequotidienne
par Avadoro
le Sam 6 Mai 2017 - 22:25
 
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Sujet: Colm Toibin
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Jane Smiley

Jane Smiley
Née en 1949


Tag viequotidienne sur Des Choses à lire - Page 5 Janesm10

Jane Smiley est femmes de lettres américaine. Elle a été professeur à l'Université de l'Iowa. Elle est lauréate du Prix Pulitzer 1992 pour le roman L' Exploitation inspiré du Roi Lear de Shakespeare. Ce roman est adapté au cinéma en 1998 sous le titre A Thousand Acres (Secrets), réalisé par Jocelyn Moorhouse avec Michelle Pfeiffer et Jessica Lange. Elle vit actuellement à Carmel en Californie.

Source : Babelio

Oeuvres traduites en français

1981 : Jusqu'au lendemain (At Paradise Gate)
1984 : Un appartement à New York (Duplicate Keys)
1988 : La Nuit des Groenlandais (The Greenlanders)
1991 : L'Exploitation (A Thousand Acres)
1995 : Moo (Moo)
1998 : Les Aventures de Liddie Newton (The All-True Travels and Adventures of Lidie Newton)
2000 : Le Paradis des chevaux (Horse Heaven)
2003 : En toute bonne foi (Good Faith)
2007 : Dix jours dans les collines de Hollywood (Ten Days in the Hills)
2010 : Une vie à part (Private Life)





Tag viequotidienne sur Des Choses à lire - Page 5 41zdsr10

Nos premiers jours Editions Rivages traduit en 2016.

Voici donc le premier livre d'une trilogie... une saga familiale. J'attends avec impatience les suivants... Je pense avoir déjà lu au moins un ou deux des romans de cette auteure, mais à vrai dire, je n'en ai aucun souvenir, dommage Tag viequotidienne sur Des Choses à lire - Page 5 2441072346 Ceci dit, c'est vraiment pas mal au final même si commençant ma lecture je me suis dit : bof....en fait, on s'immerge peu à peu dans la vie de cette famille d'agriculteurs qui se déroule de 1920 à 1953.

Walter et Rosanna Langdon ont réalisé leur rêve, posséder une ferme bien à eux dans l'Iowa. Ils ont six enfants, font pousser du maïs, traversent des épreuves, un rythme lent, quotidien, la vie pas simple d'un cultivateur, au rythme des saisons, les variations des cours suivant les années, l'avènement de nombreux changements, les tracteurs, etc. Les enfants grandissent, leur évolution au fil du temps, leur personnalité particulière, tout ceci est très bien décrit.

Oui, j'ai bien aimé, on s'attache aux personnages, quelques touches de politique, l'engagement des Etats-Unis pendant la dernière guerre
à travers la vision du fils aîné de Walter et Rosanna, Frank, qui s'engage, assez intéressant. J'espère ne pas devoir attendre trop longtemps pour la suite Wink


mots-clés : #famille #ruralité #viequotidienne
par simla
le Sam 31 Déc 2016 - 8:18
 
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Sujet: Jane Smiley
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Luigi Meneghello


Tag viequotidienne sur Des Choses à lire - Page 5 Menegh11

LIBERA NOS A MALO

Presque cinquante ans après sa publication en Italie, Libera nos a malo, le "livre-monde" que Luigi Meneghello dédia à l'univers rural de son enfance, est enfin traduit en français.

Dans ce roman atypique et fascinant, l'écrivain italien - disparu en 2007 et considéré comme une figure majeure de la littérature contemporaine du pays - fait revivre le monde disparu de Malo, le petit village en Vénétie où il grandit entre les années 1920 et les années 1940.

Pour cet exercice de mémoire porté par les libres associations et les digressions, Meneghello adopte un regard critique qui lui permet de se pencher avec sévérité et ironie (comme le montre le jeu de mots du titre, entre la conclusion du "Notre Père" en latin et le nom du village), mais aussi avec une certaine tendresse, sur cet univers paysan dominé par la pauvreté, l'ignorance et la croyance religieuse, mais animé par de véritables liens de solidarité et par un esprit de communauté très marqué.


Peu à peu, il tire de l'oubli tout ce qui a laissé une trace dans sa mémoire : les paysages et les rites du travail, l'univers familial et celui de l'école, la rhétorique fasciste et les liturgies de l'Eglise, les jeux et les amours, sans oublier une riche galerie de personnages hauts en couleur, à commencer par ses amis, mais aussi le curé du village ou la maîtresse qui lui a appris la lecture.

Bien que présenté comme un simple roman, Libera nos a malo est une oeuvre beaucoup plus complexe. L'auteur y croise récit autobiographique, enquête anthropologique et réflexion sur le langage. La question de la langue est en effet au coeur du livre car, pour l'auteur, le dialecte est la langue naturelle, celle de l'enfance et de la liberté, alors que l'italien est le moyen de communication de l'école et des institutions, une langue peu maîtrisable, vécue comme une imposition et pleine de mystères. "L'effet des mots écrits, les mots de la langue italienne, sur nous qui parlions le dialecte était des plus étranges", souligne l'écrivain, en rappelant que les mots italiens résonnaient dans le dialecte comme des formules magiques aux résonances secrètes.

Cette tension permanente entre italien et dialecte traverse tout le livre, grâce à une écriture riche et élaborée qui n'hésite pas à exploiter une reconstitution presque philologique des formes dialectales. Il s'agit d'un choix courageux, car, au début des années 1960, l'italien venait à peine de s'imposer sur l'ensemble du territoire national et, à la différence d'aujourd'hui, rares étaient les écrivains (avec notamment les exceptions de Gadda et de Pasolini) qui osaient introduire en littérature la force du dialecte.

Grâce à cette langue très inventive et personnelle (d'ailleurs, très bien restituée par la traduction française), Meneghello a su recréer magistralement un monde, dont - au moment d'écrire - il était désormais définitivement éloigné. Une distance qui lui a permis d'ôter toute nostalgie à cette magnifique archéologie d'un pays perdu.
LIBERA NOS A MALO de Luigi Meneghello. Traduit de l'italien par Christophe Mileschi. Editions de l'Eclat, "Paraboles", 364 p.


Le Monde des livres

J'espère qu' Animal nous parlera de ce livre qu'il a lu. B


mots-clés : #humour #regimeautoritaire #viequotidienne
par bix_229
le Mer 21 Déc 2016 - 17:48
 
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Sujet: Luigi Meneghello
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Charles Chadwick

Tout va très bien

Tag viequotidienne sur Des Choses à lire - Page 5 Captur75

Bon, je prends des précautions car, sur Internet tous les avis que j'ai pu trouver tournent autour de l'ennui, la monotonie, l’inintérêt, et la plupart des lecteurs se sont arrêtés avant la page 150… À vrai dire, pour moi, pas une minute d’ennui. Au contraire, un plaisir qui est allé croissant tout au fil  de la lecture.

Il ne faut pas se rendre ici avec l'idée d'avoir un livre avec une action, un début et une fin, un but, quelque chose à démontrer. C'est, sur 30 ou 40 ans,  la vie ordinaire d'un homme ordinaire. Au début, plutôt plus ordinaire que la moyenne, même, plein de maladresse, de couardise, voire de veulerie. Et pleinement conscient de cela qu'il maquille désespérément derrière un humour British… qui, à part le lecteur, ne fait souvent rire que lui . Et encore, pas toujours.
Les plaisanteries et la nonchalance devinrent un trucage.

Et puis la vie passe doucement avec ses petites péripéties banales, et dans sa perpétuelle solitude, confronté au voisins, aux enfants à son ex-femme, Tom Riplle apprend à vivre,  et  il devient peu à peu plutôt sympathique. Il se porte peu d'estime mais juste ce qu'il faut pour continuer son chemin dérisoire, et sait se satisfaire de ce qu'il peut avoir .Il réfléchit, sans en faire un plat,  au sens de la vie, son absurdité, sa vanité, et en tire un mode de vie à la fois digne et amusé.

Si j'avais été moins ordinaire, les expériences m ‘ auraient été plus profitables, j'aurais tiré bien plus de leçons de la vie, accompli beaucoup plus de choses. Mais alors, j'aurais eu moins de choses à raconter, ou plutôt j'en aurais moins éprouvé le besoin, mon utilité dans le monde parlant alors éloquemment d'elle-même. J'aurais alors peut- être jugé indigne de m'étendre à n'en plus finir sur moi-même. Occupé à de bonnes œuvres dans le monde, je n'en aurais pas eu non plus le temps. En tout cas c'est comme ça que je comprends les choses. Peut-être que j'ai des idées de grandeur. Voilà qui n'a assurément rien d'extraordinaire.

Et oui, Tom Ripple écrit tout. Avec un oeil à la fois tendre, subtil et décalé.

J’ai l'impression d'y avoir surtout noté des futilités, comme quelqu'un qui assiste à une bataille héroïque et n'en voit que le décor, les bouffées de fumée et la couleur des uniformes.

...et ne cherche pas à  se masquer la vérité. Nous avons droit, dans une espèce de dérision tendre, à tous les petits défauts des gens, les concessions minables, les égoïsmes parfaits… Et tout cela, ce n'est que le brillant portrait, avec juste un petit décalage de vous, de moi, de nos conjoints, nos enfants, de nos voisins. De nos vies qui sont si peu pathétiques, si peu vibrantes et auxquelles nous tenons tant, qui nous sont si chères.  Et cela sonne comme une petite musique à la fois drôle et mélancolique, à l'écart des envolées et des effets de manche, et, au fil des pages, on se laisse prendre, mener doucement sans suspense aucun, dans un cocon plutôt confortable et subtil, vraiment unique, donc susceptible de laisser une trace.

Ce livre est comme la vie : au début on a l'impression que ça va être très long. Il ne se passe pas grand-chose mais c'est bien. C’est doux et  drôle et tragique parfois. On rit beaucoup. Et discrètement (car Ripple est avare en épanchements), on essuie une larme. A la fin, on se retourne en arrière avec une douce nostalgie : il s’est passé tant de choses. On recommencerait bien.                                                                                                                                                          
Ce soir-là, je dis effectivement une sorte de prière à son intention (…) N'ayant pas de Dieu à qui l’adresser, il m'a fallu m'en remettre au Destin. «Permettez qu'elle soit heureuse, qu'ils aillent tous bien ». Ça se résumait en gros à ça. L'inconvénient avec le Destin, c'est que lorsqu'on s'adresse à lui, on entend un petit rire à l'arrière-plan. Ce qui est tout de même mieux que l'espèce de silence éternel et opiniâtre que Dieu semble adopter.




(commentaire rapatrié)


mots-clés : #contemporain #viequotidienne
par topocl
le Mar 6 Déc 2016 - 13:13
 
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Sujet: Charles Chadwick
Réponses: 8
Vues: 594

Oser Warszawski

L'UNIFORME 3ème livre de la trilogie

Quelle profondeur dans cette cinquantaine de pages !

L'uniforme : celui abandonné dans la rue se mouvant au gré de l'air ? Celui témoin d'un passé, sorti du placard ? Celui qui porte médailles ? Ou celui ensanglanté dans lequel se meurt le soldat ?

Ce vêtement c'est l'honneur, la gloire de la patrie.

L'auteur nous décrit la vie quotidienne d'une famille de Berlin pendant la guerre, une famille convaincue de la justesse de cette guerre parce que l'Allemagne peut et doit dominer les autres pays, c'est son destin ! Le chef de famille fait preuve d'une abnégation totale envers la Patrie et son chef suprême : le Kaiser ! Il s'est démuni de ses avoirs pour l'emprunt de guerre et ses trois fils sont sur le front. Que peut-¬il faire de plus ?.............................s'engager lui aussi.

Dans Berlin affamée les familles amputées survivent au rythme du rationnement, la détresse est commune mais supportée avec cette fierté,  cette rigueur que porte en lui le peuple Allemand.

La guerre continue sa moisson d'hommes, à Berlin certains commencent à s'interroger sur son dénouement d'autant que l'empereur d'un pays voisin est destitué mais pour cette famille là, le Kaiser est une icône. Alors quand il abdique et s'enfuit c'est l'effondrement physique et mental du chef de famille déjà éprouvé par les deuils et son passage au front. Ce personnage a le regret d'un temps disparu et ne reconnait pas sa patrie où s'invitent des étrangers.

L'auteur décrit l'horreur de la guerre sur le front et surtout pour les civils à Berlin, par la profondeur des sentiments, l'oralité n'est dans ce récit qu'accessoire.  Il me semble aussi y reconnaître le regard du photographe et du peintre qu'il est.

Le parcours de Warszawski est analysé en fin de livre par la traductrice Rachel Ertel ; c'est intéressant car elle relate les mouvements culturels, le modernisme notamment dans les grandes villes européennes et aussi aux USA.

Extraits :

"Après le passage des troupes, un uniforme était resté sur le pavé de la ville. Aux fils de ses broderies scintillait encore la rosée des cavaliers de la nuit. Piétiné, tout fripé, il se redressa. D'une grande goulée d'air il regonfla sa poitrine plate qui durcit, s'enfla comme une montagne et fit saillie. Les manches et les jambes du pantalon, semblables à des troncs creux, commencèrent alors à se mouvoir en mesure. Il se mit à marcher, et la nuit alentour s'émerveilla de ce vide en mouvement.


"Comme la plupart d'entre eux, un grand chien noir avait gonflé ses babines et son ventre, se préparant à faire entendre sa voix des grands jours quand les bribes éparses du chant des autres s'égrenaient dans les airs comme les vibrations d'une batterie. Personne, hélas, parmi ceux qui l'entouraient, n'avait remarqué le savoir-faire de ce chien-là, dont le corps avait soudain extraordinairement raccourci, gagnant en largeur ce qu'il avait perdu en longueur. Son museau s'étant coincé dans les jupes d'une dame entre deux âges, et cette position n'étant guère plaisante, d'autant plus que la lumière s'y faisait rare et l'atmosphère confinée, il tendait la gueule vers le haut, comme un tuyau. Il s' imaginait qu'ainsi il pourrait mieux rugir et son petit maître serait content de lui. Le chien n'arriva même pas au bout de sa première note. Une douleur terrible l'envahit et lui coupa le souffle. Il laissa glisser sa gueule ouverte le long de la jambe molle de sa voisine, pousser par l'obscur désir d' exhaler son souffle ultime à l'air libre. Il n'y parvint pas davantage : ses pattes vacillèrent, elles refusèrent de porter plus longtemps son grand corps noir."

"La désolation s'était emparée des grands chevaux d'artillerie et elle pesait sur leur dos. Leur tête pendait de ce côté comme une langue inutile, et à ceux qui les conduisaient ils posaient une question muette : "tout cela va-t-il durer encore longtemps ?" Et comme ils ne recevaient aucune réponse, les croupes couvertes de plaies enflaient, gonflaient - ces croupes qui depuis les semailles sanglantes portaient les fardeaux rouges de minuit, un présent pour la ville... Et voilà que leurs cavaliers eux aussi inclinaient la tête, obliquement."

"Du porche des maisons surgissaient en grand nombre des hommes âgés vêtus d'uniforme d'emprunt qui ne leur allaient certes pas comme à des jeunes gens. Dans les rues, depuis longtemps silencieuses, on entendait le bruit des serrures et des portes qui se fermaient, comme un lointain craquement d'os."

"Lorsqu'un enterrement passait dans la rue, les gens regardaient avec envie ceux qui s'en revenaient, munis d'un petit sac de rations supplémentaires."

"Elle tâta les jambes de Frida, et elle ne se contentait plus de hocher la tête : elle l'agitait en tout sans, contemplant, extasiée, ces deux colonnes de chair qui se métamorphosaient à vue d'oeil en une merveilleuse carte de ravitaillement et, Ô magie, Ô splendeur, en un grenier à pain,  à céréales, à charbon...!"

"En un rien de temps il sombra dans la confusion, commença à jeter par terre et à piétiner les rouleaux de gaze et de charpie. Il se démenait, secouait la table pour en faire descendre son fils, lequel avait déjà rendu une jambe au ciel et se traînait, avec son moignon sanglant, quelque part dans les tréfonds de la démence."


(message rapatrié)
mots-clés : #famille #premiereguerre #viequotidienne
par Bédoulène
le Sam 3 Déc 2016 - 17:11
 
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Sujet: Oser Warszawski
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Marie-Hélène Lafon

L ‘annonce

Tag viequotidienne sur Des Choses à lire - Page 5 Images27

Un roman a la fois doux et prenant, qui distille une étrange émotion.
MH Lafon nous parle des humbles, des exclus, des abandonnés de la société. De ceux dont le destin est tout tracé par une naissance, une histoire familiale : Annette du Nord, des filatures et des maris ivrognes ; Paul du Cantal, agriculteur, voué au célibat, tout simplement parce qu’il n’y a pas de femmes, pas de temps. Des doux, sans révolte, acceptant humblement leur sort. Pourtant un beau jour, sans héroïsme, sans déchirement , cela suffit, cet horizon bouché, et il tentent quelque chose. Pas grand chose : écrire une annonce, la lire. Et justement parce qu’ils sont doux, savent limiter leurs exigences, ça marche. Ces « petits » prennent sans faire d'histoires leur destin en main, avec une volonté et une détermination qui leur permettent d'accepter certaines compromissions et, par là, de dépasser la fatalité et d'accéder à quelque chose qui n'est peut-être pas le bonheur, mais qui s'apparente à la sérénité
Sacrée victoire : ils ont su se donner une chance ;

Portait d’antihéros, dans un monde peu décrit par la littérature, le monde rural et ses pesanteurs, ce livre est une réussite de tous les instants ; Jamais supérieur, jamais superficiel, toujours touchant. Et puis il y a le style de MH Lafon, un style tout à fait unique, dans le sens que personne ne peut écrie comme elle. Elle a construit sa propre façon d’utiliser le langage ajoutant de petites touches entrecoupées,, affinant les descriptions, les sensations, par des mots accolés qui tournent autour du sens qu’elle veut donner. C'est assez extraordinaire, cette façon de préciser et nuancer.

Un coup de cœur d’autant plus significatif que j’abordais ce livre avec une certaine méfiance : cette idée de petite annonce me paraissaient plutôt casse-gueule, cette histoire de couple pas forcément bien assorti en milieu rural m'avait fait penser à Le mec de la tombe d'à côté, qui m'avait prodigieusement irritée. Mais on est à des kilomètres, carrément dans une autre sphère de la littérature : une écriture, pas de racolage, pas de caricature, pas de regard condescendant et amusé ; au contraire, une profonde empathie, un respect profond des personnages.



(commentaire rapatrié)


mots-clés : #famille #viequotidienne
par topocl
le Sam 3 Déc 2016 - 14:52
 
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Sujet: Marie-Hélène Lafon
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