Des Choses à lire
Visiteur occasionnel, épisodique ou régulier pourquoi ne pas pousser la porte et nous rejoindre ou seulement nous laisser un mot ?

Après tout une communauté en ligne est faite de vraies personnes, avec peut-être un peu plus de liberté dans les manières. Et plus on est de fous...


Je te prie de trouver entre mes mots le meilleur de mon âme.

Georges Brassens, Lettre à Toussenot

Des Choses à lire
Visiteur occasionnel, épisodique ou régulier pourquoi ne pas pousser la porte et nous rejoindre ou seulement nous laisser un mot ?

Après tout une communauté en ligne est faite de vraies personnes, avec peut-être un peu plus de liberté dans les manières. Et plus on est de fous...


Je te prie de trouver entre mes mots le meilleur de mon âme.

Georges Brassens, Lettre à Toussenot

Le Deal du moment :
Réassort du coffret Pokémon 151 ...
Voir le deal

La date/heure actuelle est Ven 10 Mai - 4:16

52 résultats trouvés pour CampsConcentration

Willy Holt

Tag campsconcentration sur Des Choses à lire - Page 3 Femmes10

Femmes en deuil sur un camion


Rien ne diffère des autres livres lus des survivants des camps (Semprun, Levi, Klugër, Kerstez) ;  de la barbarie, de l’indicible, la faim, le froid, l’épuisement, l’humiliation, la mort.

 Willy Holt  a connu  les camps,  d’Auschwitz à Buna, Buchenwald, Dora jusqu’à Bergen-Belsen, les marches forcées à chaque évacuation de camp quand les Alliés talonnaient les Allemands.

Il a acquis la nationalité française en 1923 au retour de sa mère dans son pays, la France, mais lorsqu’il est arrêté dans un train fin  décembre 43 avec un  manuel de guerilla urbaine (qu’il devait résumer pour le réseau de résistance auquel il appartenait), donc potentiellement « terroriste » lors du bain javellisé qu’il subira les allemands s'aperçoivent qu’il est circoncis, donc Juif,  raison pour laquelle il portera une étoile rouge et jaune à son arrivée à Auschwitz.

Lui qui ne connait absolument rien des Juifs sera donc considéré tel pendant sa détention. (le médecin qui l’avait fait naître avait proposer la circoncision à sa mère pour éviter plus tard une maladie)

Willy a suivi les conseils du chef du premier  block où il échoue, un Polonais qui connait la langue française :

1) Se laver tous les jours
2) ne jamais échanger de nourriture
3) Ne jamais donner aux allemands l’impression qu’il a peur d’eux, ni de l’un d’eux

Willy reconnait qu’il doit en grande partie sa survie pour avoir suivi ces conseils.

Mais aussi parce qu’il s’est servi  de son aptitude au dessin et à la peinture.

Dans ces camps posséder la maîtrise d’un métier  utilisable était un atout. En tant que peintre il s’est vu confier des travaux durs à l’extérieur mais un kapo l’ayant vu dessiner  l’envoya dans une section de peintres  en lettres ; c’est là qu’il fit son premier tableau et qu’ il eut pour « clients » les chefs de l’administration allemande, lesquels payaient en nature (cigarettes, pain) Willy offrait les cigarettes car il ne fumait pas. Cela parait anodin une cigarette mais ceux, ils étaient nombreux, qui étaient en manque pouvaient être poussés à des extrémités.

Dans chaque camp où il est passé il se procurait ses outils de survie : crayon et papier. Son travail de peintre lui permettait d’être à l’abri, ce dont il se satisfaisait car ayant aussi travaillé à l’extérieur il avait pu se rendre compte de l’extrême rigueur du climat et du poids du travail.

Pendant les derniers mois de détention les déportés entendent alternativement les bombardements et les pauses qui génèrent tout à tour espoir et désillusion. C’est au camp de Bergen-Belsen qu' ils  apprennent la défaite des allemands et les français sont  les premiers rapatriés.


J’ ai apprécié ce qu’écrit Holt dans sa préface

Le tatouage du numéro : cette marque « antivol »

« Ma seule culpabilité serait l’oubli »

« sur la chemise de mon dossier, marqué en grosses lettres capitales « TERRORISTE »
J’allais donc savoir « pourquoi », à Auschwitz, j’étais en train de vivre la conséquence d’actes auxquels je pouvais, dans ma détresse, parfois me raccrocher. Je m’étais battu, je me battais encore, contre quelque chose de concret, pour quelque chose de concret.
Autour de moi, des centaines de milliers d’autres, désespérés, enduraient le même supplice, sans en admettre aucun « pourquoi ». Il leur fallait subir, et mourir, sans avoir ce recours de vivre la suite de leurs actes, puisque la raison de leur calvaire, en toute conscience, n’existait pas. »



C’est une belle écriture, un homme qui relate honnêtement ses ressentis, qui essayait  simplement de survivre du mieux possible  sans nuire aux autres.
Il s’explique aussi sur sa position lorsqu’ il se retrouve dans le magasin (vêtements et objets soustraits aux déportés) et qu’il se sert (pour des camarades et lui-même) car le lecteur a une distance que ni lui ni les autres déportés  n’avaient  et,  peut être indigné.

Cela me fait penser aussi  que généralement le regard que les gens portaient sur les survivants à leur retour était ressenti  par eux comme une suspicion, il l’exprime très bien dans sa préface.

De nos jours où plusieurs pays d’Europe sont tentés par les idées extrêmes  ces lectures  rappellent un passé pas si lointain


Extraits :

« Je suis terriblement, violemment tenté de garder pour moi ma part de saucisson, que j’ai dans la main. Il me faut lutter contre moi-même pour enfin tenir parole. «

Pendaisons : « Celle d’un jeune Juif français de seize ans condamné pour vol de pain et de confiture, trouvant à la dernière minute le courage d’entonner la Marseillaise, faisant passer sur nous tous un frisson de révolte et déclenchant chez les SS une réaction de ricanements haineux. »

« Dans un allemand impeccable, sans le moindre tremblement de voix, le supplicié aura ces mots superbes, criés de toutes ses dernières forces : « Gardez l’espoir, je suis le dernier »

« Au sein de ce malheur constant, de cette misère avilissante, de cette détresse, Dieu existe-t-il ?
Bien sûr, Dieu existe. La preuve ? Je le prie et l’injurie alternativement tous les jours. »

« Je suis venu tenter d’apporter du réconfort et c’est moi qui en reçois, par la grâce d’une voix toulousaine, merveilleuse, ensoleillée, et je ne suis pas au bout de mes surprises. »

« Le possesseur de cet accent méridional porte sur son pyjama l’étoile de David. Réflexe typiquement raciste, j’en rougis : sur le moment, cet amalgame judéo-occitan m’étonne. C’est idiot ! Pourquoi les familles juives installées en France, dès avant le Moyen-Age, en particulier justement dans le Midi, n’auraient-elles pas nos accents ? «

« Quatre femmes en grand deuil, quatre Allemandes, ignorant les armes braquées des gardes, nous distribuent, par-dessus les ridelles du camion, des pommes et du pain.
Les SS furieux hésitent. Ces femmes, ils le savent, n’ont plus rien à perdre. Elles tentent, par ce geste, d’absoudre, un peu, la faute de tout un peuple. Faute pour laquelle elles ont payé déjà le lourd tribut : leurs amours, maris et fils, probablement disparus dans la tuerie de la guerre.





mots-clés : #autobiographie #campsconcentration
par Bédoulène
le Dim 5 Fév - 20:28
 
Rechercher dans: Histoire et témoignages
Sujet: Willy Holt
Réponses: 1
Vues: 811

Harry Wu

Tag campsconcentration sur Des Choses à lire - Page 3 5151dc10

Vents amers

C’est un vrai livre-témoignage de Harry Wu Hongda sur ce qui est résumé en haut en quelques lignes…: sa naissance au sein d’une famille bien placée à Shanghai en 1937 qui ne lui laissait voir que par un filtre une réalité longtemps ignorée : la souffrance du peuple simple et pauvre, quelques rues plus loin, dans des quartiers jamais visités. L’arrivée au pouvoir de Mao et les changements dans la famille et la société sont racontés d’une manière sobre, et aussi en avouant les illusions, les rêves qui allaient de pair au début. L’auteur ne cache pas une première fascination. Puis, un moment donné, c’est une affaire « stupide » qui va le conduire en prison, au camp, les redoutés Laogai chinois qui n’avaient rien, mais vraiment rien à envier au Goulag soviétique, ni certains camps de sinistres mémoires. Il va passer 19 ans dans différents camps, frôlant la mort par épuisement et faim. Il ne nous épargne pas les cotés les plus durs de ce système concentrationnaire et devient par son engagement inlassable d’en parler un « Soljénitsyne » chinois. Il est absolument miraculeux que cet homme garde une certaine simplicité et ne se laisse pas remplir par une simple amertume. Un moment donné, au milieu de la nuit des camps, il a vécu une invitation au devoir de survivre pour rendre témoignage. C’est ce qu’il a fait !

Je fus très impressionné par ce livre. Pas que j’ignorais les horreurs des camps en Chine, mais de lire un tel récit nous met aux frontières humaines. Les expériences de l’humiliation par d’autres et par l’épuisement complet et les pressions de s’autocritiquer poussent aux limites pour redevenir « animal ». Il y avait très peu de lumière…, juste de temps en temps paraissent quelques prisonniers (pas des anges) ou même gardes qui se gardent des traces d’humanité. Et l’auteur, je le mets un peu dans la compagnie des gens comme Primo Levi…

Pour celui qui veut avoir un document clé sur la Chine, probablement un livre incontournable…


mots-clés : #autobiographie #campsconcentration #revolutionculturelle
par tom léo
le Jeu 26 Jan - 17:07
 
Rechercher dans: Histoire et témoignages
Sujet: Harry Wu
Réponses: 4
Vues: 930

Nicolas Werth

La route de la Kolyma

Tag campsconcentration sur Des Choses à lire - Page 3 97827010

   Aujourd'hui, les dernières traces des dizaines de camps qui occupaient cette vallée s'effacent inexorablement. On n'a pas eu besoin de détruire les camps pour en effacer les traces. Il a suffi de laisser les lieux à l'abandon pour que les traces disparaissent elle-même. Les barbelés, les miradors, les briques des cachots, le bois des baraquements ont disparu, arrachés, démantelés, emportés par les habitants qui se sont tout simplement servis. On a toujours manqué de tout ici… Aujourd'hui, le paysage la Kolyma a éliminé son passé.



Curieusement, bien qu'il soit le co-auteur de L'histoire du Goulag stalinien, en 7 volumes parus en 2004, Nicolas Werth n'avait jamais mis les pieds à la Kolyma. En 2011, il décide de combler cette lacune, de sentir la terre sous ses pieds, de voir les traces et les paysages de ses yeux, d'entendre les témoignages de ses oreilles.

   Face à ce paysage qui offre sa splendeur et dissimule son passé, je ressens un profond malaise : comment peut-on admirer le cadre d'un tel malheur, d'un tel anéantissement, d'une telle souffrance collective ?


Accompagné de sa fille Elsa, et de deux responsables de l'association Memorial à la recherche de tous les vestiges du Goulag susceptibles d'alimenter un musée virtuel du Goulag, il a sillonné les routes construites par les anciens zeks, en voiture, en camion, en minibus. Pendant 3 semaines, il a visité les les  villes désertées, les usines et mines abandonnées, les camps disparus et leurs charniers secrets . Et il a rencontré des habitants. Ceux qui n'ont jamais rien su ou voulu savoir, ceux qui ont vécu dans les camps, ceux qui y ont travaillé en tant que civils. Ceux aussi, qui, fourmis obstinées, s'attachent à en conserver le souvenir, créant des musées, recherchant des vestiges, plantant des croix ou des monuments, commémorant.

Ce livre est le récit de ces trois semaines, les faits, les échanges, les réflexions, les découvertes, illustré de quelques photos. Nicolas Werth transmettre ainsi de façon tout à fait informelle son savoir, et sa culture passionnée de tout ce qui touche au Goulag, sans oublier la littérature qui s'en est nourrie. A côté de cette description informative des évènements historiques, , il parle de l'évolution des connaissances et des points de vue sur le plus grand système concentrationnaire du XXème siècle. C''est une belle réflexion sur l'historien au travail et la mémoire en train de devenir histoire.

(commentaire récupéré)


mots-clés : #campsconcentration #voyage
par topocl
le Dim 8 Jan - 9:51
 
Rechercher dans: Histoire et témoignages
Sujet: Nicolas Werth
Réponses: 1
Vues: 709

Richard Flanagan

Je ne pensais pas forcément accrocher mais c'était bien passé !

Tag campsconcentration sur Des Choses à lire - Page 3 41xqpt10

La route étroite vers le Nord lointain

Les éléments de la recette "grand livre anglophone du moment" sont trop apparents, c'est un fait. L'alternance des personnages, les histoires de c... ouple plus quelques scènes choc ça plonge en terrain connu et implique aussi certaines répétitions dans la première partie du livre.

A côté de ça la recette éprouvée contribue théoriquement à la lisibilité, que dis-je à la tourne-page-ibilité de l'ouvrage, et ça marche dans l'ensemble.

Heureusement tout de même, il n'y a pas que la recette, il y a le dosage qui est certes un poil forcé sur le sinistre mais difficile de faire autrement compte tenu du sujet. Les camps de prisonniers japonais dans lesquels les captifs étaient aux travaux forcés dans des conditions effrayantes ça ne faisait pas rêver dans Le pont de la rivière Kwaï ou dans Furyo et ça ne fait toujours pas rêver ! Historiquement on apprendra ou pas des petites choses (moi c'est l'engagement hors d'Asie qui m'a surpris !) en plus du romanesque de base ça ne décrirait pas encore tout à fait le bouquin.

Portons donc notre attention sur la tonalité mélancolique amère avec un soupçon d'espérance qui caractérise beaucoup des personnages. Des personnages qui aussi établis qu'ils en aient l'air sont généralement au-dedans d'eux-mêmes beaucoup moins assurés et se laissent entraîner par le monde qui les entourent vers des ratages et perdre un temps au moins, ou plus, l'amour qui leur serait nécessaire. C'est cliché dit comme ça mais à force de retours et avec le renfort d'un jeu du temps ça vaut plus !

Et puis les retours et le jeu du temps on le retrouve avec la disparition de certains motifs qu'il s'agisse de la culture littéraire ou de certains personnages secondaires. Plusieurs fossés se creusent autour de la guerre, l'avant et l'après et entre les personnages qui se perdent plus loin dans ce moment perdu pendant lequel ils auraient pu ou du ramer dans l'autre sens, vers leurs semblables... L'autre point positif c'est de plonger dans cette problématique quelques représentants de l'autre camp : des officiers japonais qui se refont une vie et une identité morale, un coréen qui ne trouvera jamais sa place et surtout l'écriture de l'histoire, mensongère ou pratique qui ne peut convenir à ceux qui ont vécu des événements impartageables qui disparaissent à toute vitesse.

Sur ces sujets là aussi il accroche bien sans trop donner l'impression de surcharger la barque.

Ce n'est pas la lecture du millénaire mais une bonne surprise  moi qui avait des doutes sur la forme obligée de l'exercice et suite aux avis tièdes qui allaient dans ce sens. Efficace (au moins avec mon rythme de lecture modéré sur la première partie), plus ambitieux et intéressant qu'attendu et laissant quelques réflexions pas mal tournées qui sonnent raisonnable ou juste.

Plutôt bonne pioche donc en ce qui me concerne.

(message téléporté).


mots-clés : #campsconcentration #deuxiemeguerre #social
par animal
le Ven 30 Déc - 18:55
 
Rechercher dans: Écrivains d'Océanie (Australie, Nouvelle-Zélande, Polynésie)
Sujet: Richard Flanagan
Réponses: 8
Vues: 3906

Primo Levi

Tag campsconcentration sur Des Choses à lire - Page 3 616tc810

Si c’est un homme

J'en sors évidemment, comme tous les lecteurs je suppose, bouleversée et désolée car il apparaît que les décennies écoulées depuis la 2e Guerre mondiale n'ont pas prouvé que l'Homme, soit plus sage, que le message ait été compris.

Voici quelques extraits :

Lors de la pendaison d'un homme qui voulait organiser une mutinerie comme à Birkenau :

«...et peut-être les Allemands ne comprendront-ils pas que la mort solitaire, la mort d'un homme, qui lui est réservée, le vouera à la gloire et non à l'infamie.

Quand l'Allemand eut fini son discours que personne ne comprit, la voix rauque du début se fit entendre à nouveau : Habt ihr verstanden ? (est-ce que vous avez compris ?)

Qui répondit "Jawolhl" ? Tout le monde et personne : ce fut comme si notre résignation maudite prenait corps indépendamment de nous et se muait en une seule voix au-dessus de nos têtes. Mais tous nous entendîmes le cri de celui qui allait mourir, il pénétra la vieille gangue d'inertie et de soumission et atteignit au vif l'homme en chacun de nous.

«Kameraden, ich bin der Letzte !» (Camarades, je suis le dernier!)

Je voudrais pouvoir dire que de notre masse abjecte une voix se leva, un murmure, un signe d'assentiment. Mais il ne s'est rien passé. Nous sommes restés debout, courbés et gris, tête baissée, et nous ne nous sommes découverts que lorsque l'Allemand nous en a donné l'ordre. La trappe s'est ouverte, le corps a eu un frétillement horrible : la fanfare a recommencé à jouer, et nous, nous nous sommes remis en rang et nous avons défilé devant les derniers spasmes du mourant.»

«Le câble d'acier d'un treuil nous barre le passage ; Alex l'empoigne pour l'enjamber, mais Donnerwetter, le voilà qui jure en regardant sa main pleine de cambouis. Entre-temps je suis arrivé à sa hauteur : sans haine et sans sarcasme, Alex s'essuie la paume et le dos de la main sur mon épaule pour se nettoyer ; et il serait tout surpris, Alex, la brute innocente, si quelqu'un venait lui dire que c'est sur un tel acte qu'aujourd'hui je le juge, lui et Pannwitz, et tous ses nombreux semblables, grands et petits à Auschwitz e partout ailleurs.»

«Nous constatons que de nos jours, dans tous les pays victimes d'une occupation étrangère, il s'est aussitôt créé à l'intérieur des populations dominées une situation analogue de haine et de rivalités ; phénomène qui, comme bien d'autres faits humains, nous est apparu au Lager dans toute sa cruelle évidence.»

«Les proéminents juifs constituent un phénomène aussi triste que révélateur. Les souffrances présentes, passées et ataviques s'unissent en eux à la tradition et au culte de la xénophobie pour en faire des monstres asociaux et dénués de toute sensibilité.»

(commentaire rapatrié)



mots-clés : #autobiographie #campsconcentration
par Bédoulène
le Dim 18 Déc - 16:44
 
Rechercher dans: Écrivains Italiens et Grecs
Sujet: Primo Levi
Réponses: 14
Vues: 1886

Boris Chiriaev

La veilleuse des Solovki

Tag campsconcentration sur Des Choses à lire - Page 3 Image109

   « Etant enfant, je me suis retrouvé un jour dans un abattoir. J'y ai vu, dans un coin, un tas de viscères provenant d'animaux que l'on venait d'abattre. Entre les poumons rosâtres et les boyaux blanchâtres se détachaient en sombre les petites masses des cœurs d'où s'échappait un épais sang noir... Les cœurs palpitaient encore ; on les voyait se contracter et se dilater dans un rythme irrégulier. La force d'inertie de la vie en allée les possédait encore et les forçait à battre. Les uns se mouraient, les autres s'activaient encore, mais à vide, car arrachés à l'organisme qu'ils servaient, jetés sur le sol maculé et inondé de sang.
   Telles m'apparurent les Solovkis des années 1923-927, comme un tas d'entrailles arrachées, mais encore palpitantes et sanguinolentes. Ils n'avaient ni avenir ni présent, ces rebuts jetés sur la grande décharge russe, ils n'avaient qu'un passé. Et ce passé puissant faisait encore frémir leurs cœurs vidés de leur sang.
   Ils étaient déjà morts, mais leur cœur battait encore… »



Boris Chiriaev a été déporté aux îles Solovki de 1923 à 1930. C'était l'époque initiale où on y trouvait surtout des aristocrates, des intellectuels, des  religieux,où l'empreinte du monastère valeureux et rayonnant qui avait habité ces îles depuis des siècles était encore marquée, et où N A Frenkel n'avait pas encore soumis le travail forcé à ses vues stakhanovistes.
La veilleuse des Solovki a été écrit sur 25 ans, et forcément, au fil du temps, Chiriaev et son livre ont évolué. Il n'a pas écrit le livre vengeur qu'il projetait initialement, il a fait le choix non des soviétiques, mais de « l'âme russe ».


  « A travers les ténèbres vers la lumière ; à travers la mort vers la vie »



Les Solovki sont en effet à cette époque un amalgame intime de la tradition  russe historique, avec ce que cela importe de jouissance, de fidélité au tsar, de religiosité et de l'austérité de l'esprit révolutionnaire le plus extrême. Mais tout n'est pas encore tout à fait noir et blanc, des échappées sont encore possibles.

   « Ainsi s'entremêlaient et s'entrelaçaient bizarrement les délicats fils de soie du passé et la toile rêche des temps nouveaux ».



La veilleuse des Solovki, c'est cette veilleuse qu'a maintenue allumée jusqu'à sa mort un moine ascète retiré dans les forêts voisines, c'est aussi la flamme de l'enthousiasme, de la culture et de la dignité, entretenue par les hommes, malgré le travail exténuant, la peur, les coups et la mort qui rôdait. Cette flamme a revêtu de nombreux aspects, par l'entretien de la culture russe (théâtre, journaux et publications diverses, bibliothèque, musée du monastère astucieusement camouflé sous l' appellation « musée anti-religieux », recherche scientifique...), de la religion, et de divers petits actes d'honneur et de rébellion plus ou moins cachée, dont la célébration secrète de Noël, autour d'un sapin interdit, par six détenus de six religions différentes, est un des points culminants.


   « La veilleuse de la conscience morale réveillée, ranimée, la Veilleuse  incandescente de l'Esprit »



L'idée de Chiriaev n'est  pas de cacher l'épouvantable quotidien, qui trouve bien le moyen d'apparaître dans toute son horreur au fil de son récit. Mais ce qu'il veut, c'est transmettre depuis son exil italien  un message d'espoir, traquer  l'humain au cœur de ces détenus avilis. Son récit s'appuie sur de nombreux portraits d'hommes et de femmes qui ont tous su trouver quelque chose à opposer à la barbarie et à l'injustice. Ce n'est pas un roman, mais cela se lit comme un roman entre la truculence du conte populaire et le souffle de la tradition littéraire russe. L'écriture est à la fois attentive et habitée, y convergent la tolérance, l' absence de jugement, la malice par moments, et aussi une grande humilité, puisque de Chiraiev lui-même, on entendra très peu parler.

(commentaire rapatrié)



mots-clés : #autobiographie #campsconcentration #insularite
par topocl
le Sam 17 Déc - 9:34
 
Rechercher dans: Histoire et témoignages
Sujet: Boris Chiriaev
Réponses: 1
Vues: 746

Ruth Klüger

Ruth Klüger
(Née en 1931)


Tag campsconcentration sur Des Choses à lire - Page 3 Ruth_k10

Ruth Klüger, née le 31 octobre 1931 à Vienne, est une écrivain et universitaire américaine.

Ruth Klüger est née à Vienne le 31 octobre 1931, dans une famille juive « émancipée, mais non assimilée », ainsi qu'elle la décrit elle-même. Son père, Viktor Klüger, issue d'une famille pauvre exerce comme gynécologue et pédiatre. Sa mère, née Alma Hirschel, d'origine bourgeoise a eu un fils, Jiri (Georg en Allemand) d'un précédent mariage avec un tchèque. Les premiers souvenirs de Ruth sur le monde extérieur sont liés à l'antisémitisme. En 1942, âgée de 11 ans, elle a été déportée avec sa mère à Theresienstadt, puis en 1944 à Auschwitz. Elle échappe à la mort promise en général aux moins de quinze ans car tous les membres de son convoi sont parqués dans le camp B2B, un des nombreux sous-camps de Birkenau appelé « camp familial de Theresienstadt ». Elle est ensuite transférée dans le camp de travail de Christianstadt en Basse-Silésie, camp de travail annexe de Gross-Rosen. En février 1945, pendant l'évacuation du camp, Ruth Klüger et sa mère parviennent à s'enfuir. Elles se réfugient en Bavière, puis émigrent en 1947 aux États-Unis, où Ruth Klüger poursuit ses études à New York puis à Berkeley.

En 1980 elle devient professeur à l'université de Princeton et a enseigné par la suite dans plusieurs universités américaines. Elle a été également pendant plusieurs années professeur invité à l'université de Göttingen en Allemagne. Elle est une spécialiste reconnue de la littérature allemande. Un jour, à Göttingen, elle est renversée par un cycliste dans la Judenstrasse (rue des Juifs). Le traumatisme de la chute réveille ceux de sa jeunesse : « Je crois qu’il me poursuit [verfolgt], veut me renverser, vif désespoir, une lumière dans la nuit, son phare, métallique, comme un projecteur sur du fil barbelé, je veux me défendre, le repousser, les deux bras tendus, l’impact, l’Allemagne, un moment semblable à un combat à mains nues, cette lutte que je perds, du métal, l’Allemagne encore, qu’est-ce que je fais ici, pourquoi suis-je venue, suis-je seulement jamais partie ? » (p. 272)
Cela déclenche en elle un retour vers le passé qui aboutit à la rédaction de son témoignage en 1992 Weiter leben (Continuer à vivre), traduit en français en 1997 sous le titre Refus de témoigner, autobiographie et livre de réflexions sur la déportation, dont le thème principal est le refus de voir son identité réduite à la catégorie d'ancienne déportée, ainsi que la critique des stéréotypes engendrés par la mémoire de la déportation.

Ruth Klüger a reçu de nombreux prix littéraires, dont, en France, le prix Mémoire de la Shoah (1998) et en Autriche, le prix Theodor Kramer (de) (2011)..


(wikipedia)

Traductions en français

Refus de témoigner. Une jeunesse
Perdu en chemin

___________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________

Tag campsconcentration sur Des Choses à lire - Page 3 516d1p10

Refus de témoigner

lecture bouleversante comme toutes celles sur le même sujet, là une parole de femme

Ce qui m’ a le plus intéressé c’est que ces paroles sont celles de la fillette, puis de la femme, l’auteure prend la place que sa famille, la société, l’histoire veulent lui soustraire, parce que sous tous les cieux il semble acquis que la place de la femme doit être celle de l’acceptation, parce que secondaire. Alors sa réponse est la fuite, physique, matérielle, mentale.

La fuite mais pas l’oubli, se servir de sa mémoire pour revivre, pour contrer tous ceux qui après guerre regardent les survivants comme des coupables, (sous-entendu si les Juifs étaient dans des camps, c’est qu’il y avait bien raison) non dit-elle je ne suis coupable de rien, et encore moins de vivre. Il a fallu des décennies pour que l’holocauste porte un nom, qu’il soit reconnu crime contre l’humanité.

Les va et vient entre le passé et le présent, entre les USA et l’Allemagne montrent bien que l’auteure est toujours en recherche, sur elle-même et les autres, mais lucide, elle sait qu’elle n’est souvent pas crue, comprise.
Rebelle, sévère, la femme reflète la fillette ; les relations avec sa mère sont toujours aussi difficiles, contradictoires et là aussi la fuite s’impose.

Rhut est fidèle à ses idées, à sa non religion, à ses amies que ce soit Ditha (l’amie, la sœur des camps) ou ses amies connues aux USA.

Après avoir lu ce témoignage et parce que j’ ai vu « la Shoah de Lanzmann », la liste de Schlinder et beaucoup de reportages j’étais un peu déstabilisée par son analyse sur ce voyeurisme, même si elle n’a pas employé de mot (il me semble). Mais je me souviens qu’elle s’est à plusieurs reprises adressée à ses lecteurs et plus spécialement à ses lectrices quand elle les pensait plus concernées.

Seuls le respect pour l’auteure peut être une conclusion de cette lecture et la mémoire de ce qui fut



mots-clés : #autobiographie #campsconcentration
par Bédoulène
le Sam 10 Déc - 16:24
 
Rechercher dans: Histoire et témoignages
Sujet: Ruth Klüger
Réponses: 5
Vues: 964

Valentine Goby

Kinderzimmer.

Tag campsconcentration sur Des Choses à lire - Page 3 97823311

Elle dit mi-avril 1944, nous partons pour l'Allemagne.


Mila a 20 ans, elle arrive à Ravensbrück parce qu'à Paris, elle transmettait des messages.

- En fait, Ravensbrück , vous n'en saviez rien, ce jour-là ? Vous n'en saviez pas plus sur Ravensbrück alors, que nous maintenant ?
Et après un silence la femme répond : oui, peut-être. Suzanne Langlois n'en revient pas, d'une telle proximité entre une fille de terminale et la jeune femme qu'elle était au seuil du camp, à peine plus âgée. L'ignorance, ce serait l'endroit où se tenir ensemble, la fille et elle ; le lieu commun, à 60 ans de distance.


Et 60 ans après, Suzanne explique que l'arrivée à  Ravensbrück, c'était assimilable à une naissance, un changement involontaire de monde, elle est catapultée contre son gré dans un univers dont elle ne sait rien si ce n'est qu'il est hostile, et doit tout en apprendre, très vite : les faits, les mots, les humains, les codes.

Elle n'arrive pas seule, elle a un enfant dans son ventre, et là aussi c'est un avenir dont elle ne sait rien, si c'est «atroce» ou« inespéré».

Et puis, quand elle commence à  comprendre, à  appréhender l'incompréhensible, il faut décider de tenir. Et tenir.
Il faut continuer la résistance autant que faire se peut.
Et il faut retenir pour transmettre.

Voilà. C'est un roman qui parle de Ravensbrück, d'une femme qui y vit, qui y met au monde un enfant, et qui en revient. Et moi, je ne sais pas comment parler d'un tel roman. Plus je lis sur les camps, plus je suis estomaquée, moins je sais parler de ce que je lis. Je n'ose pas dire que c'est magnifique. Je n'ose pas dire que c'est superbement écrit.

On y apprend sur l'enfer des camps, car oui, il y a encore à en apprendre. On y touche au plus intime de l'humanité d'une jeune femme. C'est un livre d'une beauté indispensable, étrange et effroyable, tout en humanité contenue,  où Valentine Goby parle d'un monde atroce et dévasté sur lequel on croit n'avoir plus rien à lire…

Eh bien c'est faux, on peut encore lire Kinderzimmer.



PS : La couverture, c'est du grand n'importe quoi.



(commentaire rapatrié)


mots-clés : #campsconcentration
par topocl
le Mar 6 Déc - 15:30
 
Rechercher dans: Écrivains européens francophones
Sujet: Valentine Goby
Réponses: 24
Vues: 1465

Anton Tchekhov

Anton Tchekhov
(1860-1904)


Tag campsconcentration sur Des Choses à lire - Page 3 Tcheko10

Anton Pavlovitch Tchekhov ou Tchékhov1 (en russe : Антон Павлович Чехов2), né le 29 janvier (17 janvier) 1860 à Taganrog (Russie) et mort le 15 juillet 1904 à Badenweiler (Allemagne), est un écrivain russe, principalement nouvelliste et dramaturge.

Tout en exerçant sa profession de médecin, il publie entre 1880 et 1903 plus de 600 œuvres littéraires ; certaines pièces souvent mises en scène à l'heure actuelle — La Mouette, La Cerisaie, Oncle Vania — font de lui l’un des auteurs les plus connus de la littérature russe, notamment pour sa façon de décrire la vie dans la province russe à la fin du xixe siècle.

Ami d’Ivan Bounine, de Maxime Gorki, de Fédor Chaliapine, d'Alexeï Souvorine, il est l’oncle de Mikhaïl Tchekhov.



Bibliographie :

Théâtre :
1878 : Platonov ; drame en quatre actes
1884 : Sur la grand-route ; étude dramatique en un acte
1886, 1902 : Les Méfaits du tabac ; scène-monologue en un acte
1886 : Le Chant du cygne ; étude dramatique en un acte
1887 : Ivanov ; drame en quatre actes
1888 : L'Ours ; farce en un acte
1888-1889 : Une demande en mariage ; farce en un acte
1889 : Tatiana Repina ; drame en un acte
1889 : Le Sauvage ou L'Homme des bois ou Le Génie des forêts ou Le Sylvain ; comédie en quatre actes
1889-1890 : Le Tragédien malgré lui ; farce en un acte
1889-1890 : La Noce ; farce en un acte
1891 : Le Jubilé ; farce en un acte
1895-1896 : La Mouette ; comédie en quatre actes : Page 1
1897 : Oncle Vania ; scènes de la vie de campagne en quatre actes
1901 : Les Trois Sœurs ; drame en quatre actes
1904 : La Cerisaie ; comédie en quatre actes : Page 1

Recueils :
Les Contes du Melpomène (1884)
Récits bariolés (1886)
Dans le crépuscule ou autre traduction Dans les ténèbres (1887)
Innocentes Paroles (1887)
Nouvelles et Récits (1894)

Romans :
1884-1885 : Drame de Chasse ; roman policier publié en feuilleton
Autres genres
1890 : Notes de Sibérie ; notes
1893 : L'Île de Sakhaline ; carnets de voyage : Page 1

màj le 18/06/2018




Tag campsconcentration sur Des Choses à lire - Page 3 51uxqo10

"l'Île de Sakhaline"

je n'ai pas fait le voyage que j'escomptais mais néanmoins ce récit est très intéressant car Tchekov promène sur l'île ses regards attentifs. Celui de l'écrivain, du citoyen mais aussi du médecin. Il ne sait ce qui l'a poussé à partir sur cette île qui porte le désespoir, celui des bagnards mais aussi l'espoir en la colonisation de ce territoire au climat féroce.

Certains passages, nombreux, ont un peu freiné ma lecture, car Tchekov s'attelant à un recensement c'est 10 000 fiches de personnes remplies, des centaines d'isbas et constructions publiques visitées, des verstes à pieds, le décompte de sajènes et déciatines, le nombre de couples et d'enfants légitimes, illégitimes, de célibataires, les différentes colonies dans les 3 arrondissements de l'île, les maladies, les évasions  etc....rien n'échappe à sa plume.

But de ce recensement ? simplement porter à la connaissance du peuple Russe comment vivent les bagnards, les relégués, les colons, les fonctionnaires de l'administration ?
Tchekov ayant adressé à l'administrateur de l' île un exemplaire de son livre, il lui en a simplement été accusé réception.

Personnellement je regrette qu'il n'y ait pas de dialogues relatés entre l' auteur et les diverses communautés vivant sur Sakhaline : les bagnards, les colons,  les quelques indigènes Ghiliaks, et surtout que l'administration n'ait pas permis à Tchekov de rencontrer les détenus politiques. Mais certainement que ces dialogues se seraient révélés trop pauvres :

à propos des soldats : "mais il est grossier, arriéré, incapable et, faute de temps, ne parvient pas à se pénétrer des devoirs du soldat et du sens de l'honneur, de sorte qu'il n'échappe pas toujours à des erreurs  qui font de lui un ennemi de l'ordre identique à ceux qu'il garde ou qu'il poursuit."

à propos des femmes adultes : "l'instruction ne l'a pas touchée, elle vous sidère par son ignorance grossière, je crois que nulle part ailleurs, je n'ai vu de femmes aussi niaises et d'esprit aussi lent qu'ici, dans cette population criminelle et réduite en esclavage."


Si l'auteur fait des critiques, elles sont bien argumentées et suivies  de propositions qui m'apparaissent de bon sens. Tout est incohérence dans la gestion de l'île, à tous les niveaux ; et si certains administrateurs dans leurs notes de services reconnaissent les erreurs, ils continuent à les reproduire car il n'est pas évident d'appliquer les règlements : le règlement de déportation et le règlement militaire, l'incurie règne  (incompétence, vols,  jeux, boisson...)

Si les moyens en personnel sont satisfaits (puisés principalement dans la communauté des bagnards - tout spécialement pour la mine de charbon) les moyens matériels parviennent du continent de façon aléatoire ; les sols ne produisent qu'insuffisamment ce qui est un comble pour une colonie qui se veut "agricole". Les paysans sont soit des personnes libres, soit des relégués qui ayant fini leur peine ont  droit au statut de paysan.

Quel avenir pour les bagnards ? après quelques années devenir relégués, puis plus tard obtenir un statut de paysan et au bout la possibilité de rejoindre le continent (les peines à vie n'existent plus au jour de la visite de Tchekov, la perpétuité se limite à 20 ans)

Libres ou forcés, tous souhaitent partir de Sakhaline.


Tchekov a consulté sur l'île tous les documents qui lui étaient accessibles dont il fait part au lecteur dans de nombreuses notes pertinentes. Certains faits marquants de l'histoire de l'île sont relatés à travers les précédents explorateurs que l'auteur cite, ainsi que dans les rapports avec le Japon.


extraits :

La prison s'est totalement désistée des forçates en faveur de la colonie. Lorsqu'on les emmène à Sakhaline, on ne songe ni à leur châtiment ni à leur amendement, mais à leur aptitude à engendrer des enfants et à tenir une ferme. Elles sont attribuées aux colons sous figure d'ouvrières.

"A gauche, à travers la brume, on aperçoit les caps de Sakhaline, à droite, ce sont d'autre caps... alentour, nulle âme qui vive, pas un oiseau, pas une mouche, et je ne comprends plus pour qui les vagues mugissent, qui les écoute dans la nuit, ce qu'elles veulent, et enfin pour qui elles mugiront quand je serai parti. Ce qui s'empare de moi sur ce rivage, ce ne sont pas des idées, mais bien une médiation. Je suis saisi d'angoisse, mais en même temps, je voudrais demeurer ici sans fin, à contempler le mouvement monotone des vagues et à écouter leur bruit menaçant.

"La flore de la vallée de la Takoê est incomparablement plus riche que celle du Nord, mais le paysage du Nord est plus vivant et m'a plus souvent rappelé celui de Russie. il est vrai que la nature y est triste et sévère, mais sévère à la manière russe ; ici elle sourit ou s'attriste à la mode aïno, sans doute, et évoque dans une âme russe une humeur mal définie."

"Je suis redescendu chercher du tabac, et là, j'ai vraiment vu un "fléau" effarant, qu'on ne saurait trouver qu'à Sakhaline, je présume. Les murs et le plafond étaient recouverts d'une sorte de crêpe de deuil qui ondulait comme poussé par la brise : quelques points isolés qui allaient et venaient en hâte et sans ordre, permettaient de deviner de quoi était faite cette masse pullulante et moirée.On entendait des bruissements, des chuchotements à moitié étouffés, à croire que cafards et punaises tenaient quelque hâtif conciliabule avant de se mettre en chemin."


A part Iégor, il n' a pas vraiment de dialogues, juste quelques paroles échangées, mais on sent combien ce séjour le touche, il lui est difficile d'assister à la séance du fouet (il sort), de voir dans quelle misère, quelle saleté vivent non seulement les bagnards, mais les paysans, les colons.
Il ne pensait pas en effet écrire un livre, il avait d'ailleurs averti son ami et éditeur.

"message rapatrié"


mots-clés : #campsconcentration #insularite
par Bédoulène
le Lun 5 Déc - 23:21
 
Rechercher dans: Écrivains Russes
Sujet: Anton Tchekhov
Réponses: 25
Vues: 2658

Imre Kertész


Imre Kertész
(1929-2016)


Tag campsconcentration sur Des Choses à lire - Page 3 Kertys10

Imre Kertész, né le 9 novembre 1929 à Budapest et mort le 31 mars 2016 dans la même ville, est un écrivain hongrois, survivant des camps de concentration et lauréat du prix Nobel de littérature en 2002. Né dans une famille juive modeste, d'un père marchand de bois et d'une mère petite employée, Imre Kertész est déporté, à l'âge de 15 ans, à Auschwitz en 1944, puis transféré à Buchenwald. Cette expérience douloureuse nourrit toute son œuvre, intimement liée à l'exorcisation de ce traumatisme. L'édification d'une patrie littéraire constitue le refuge d'un être qui constate l'absurdité du monde car on lui a un jour «refusé le statut d'être humain». Ses ouvrages ouvrent une réflexion sur les conséquences dévastatrices du totalitarisme et la solitude de l'individu, condamné à la soumission et la souffrance silencieuse.

Revenu à Budapest en Hongrie, en 1945, il se retrouve seul, son père est mort et sa belle-mère s'est remariée. Il adhère au Parti communiste, dont il voit vite la dimension oppressive sur les consciences. En 1948, il commence à travailler comme journaliste. Mais le journal dans lequel il travaille devient l'organe officiel du Parti communiste en 1951, et Kertész est licencié. Il travaille alors quelque temps dans une usine, puis au service de presse du Ministère de l'Industrie. Congédié à nouveau en 1953, il se consacre dès lors à l'écriture et à la traduction. La découverte de L'Étranger d'Albert Camus lui révèle, à 25 ans, sa vocation. La philosophie de l'absurde devient un modèle fondateur pour son œuvre. À partir de la fin des années 1950 et tout au long des années 1960, il écrit des comédies musicales pour gagner sa vie. Il traduit de nombreux auteurs de langue allemande comme Friedrich Nietzsche, Hugo von Hofmannsthal, Arthur Schnitzler, Sigmund Freud, Joseph Roth, Ludwig Wittgenstein et Elias Canetti qui ont une influence sur sa création littéraire.

Dans les années 1960, il commence à écrire Être sans destin, récit d'inspiration autobiographique qu'il conçoit comme un « roman de formation à l'envers ». Ce roman sobre, distancié et parfois ironique sur la vie d'un jeune déporté hongrois, constitue le premier opus d'une trilogie sur la survie en camp de concentration. Il évoque notamment le point de vue de la victime dans l'histoire et son conditionnement occasionnel, voire banal, à l'entreprise de déshumanisation menée par l'Allemagne nazie. Cette acceptation passive et ordinaire de l'univers concentrationnaire peut être distinguée du témoignage de Primo Levi dans Si c'est un homme. L'ouvrage ne peut paraître qu'en 1975, pour un accueil assez modeste. Une critique littéraire, Eva Haldimann, remarque cependant le récit et une critique paraît le 19 mars 1977, ce qui va contribuer à le faire connaître en Europe de l'Ouest. Imre Kertesz découvre par hasard la critique dans un journal abandonné dans une piscine de Budapest. Il s'ensuit une correspondance entre la critique littéraire et l'auteur entre 1977 et 2002 qui sera publiée, en 2009, sous le titre : Briefe an Eva Haldimann. C'est seulement après la réédition, en 1985, d'Être sans destin qu'il connaît le succès dans son pays.

Tenu à l'écart par le régime communiste, Imre Kertész n'est reconnu comme un grand écrivain qu'à la fin des années 1980. Il obtient en 2002 le prix Nobel de littérature, «pour une œuvre qui dresse l'expérience fragile de l'individu contre l'arbitraire barbare de l'histoire». En 2003, il est élu membre de l'Académie des arts de Berlin et reçoit en 2004 la croix de grand officier de l'Ordre du Mérite de la République fédérale d'Allemagne. En 2011, il publie Sauvegarde, autoportrait d'un homme à l'hiver de sa vie, affrontant la maladie de Parkinson et le cancer de son épouse. Kertész y circonscrit réflexions littéraires, notes, souvenirs et anecdotes sur son parcours, notamment sa fuite vers l'Allemagne et l'antisémitisme dont il a à nouveau fait l'objet en Hongrie après son retour des camps.


(source :wikipedia)

Bibliographie : (ouvrages traduits en français)

Être sans destin : Page 1
Le Chercheur de traces
Roman policier
Le Refus : Page 1
Kaddish pour l'enfant qui ne naîtra pas : Page 1
Le Drapeau anglais
Journal de galère
Procès verbal
L'Holocauste comme culture
Un autre, chronique d'une métamorphose
Liquidation : Page 1
Dossier K,
Sauvegarde. Journal 2001-2003
L’Ultime Auberge

màj le 4/11/2017



Etre sans destin

Tag campsconcentration sur Des Choses à lire - Page 3 Etre_s10

J'ai trouvé ce récit atypique par rapport à mes lectures sur les camps. J'ai été troublée par les sentiments de cet adolescent vis à vis des Allemands ce que certainement peu de déportés ressentiraient. La méconnaissance dans laquelle sont les Juifs lors de leur «voyage» est par moment insoutenable, on s'insurge contre cette acceptation (le narrateur emploie souvent le terme de «race» quand il parle des Juifs et de lui-même, comme s'il reconnaissait être «à part»).

Après le temps de l'observation, la connaissance des fours, de leur utilisation, il se trouve obligé d'être un «bon détenu», de faire un travail honnête, son éducation s'exprime même dans ces conditions extrêmes. Alors même qu'il est ciblé par le chef des travaux, il lui reconnaît une attitude régulière. La seule justification au comportement de l'adolescent c'est l'obstination qui tient tous ces hommes en vie.

Et cette obstination s'applique à la nécessité de «manger», n'importe quoi mais manger, cela devient une fixation puisqu'il supportera plusieurs jours la présence d'un mort dans son lit afin de subtiliser sa ration.

C'est le train qui l'a amené dans ces camps et c'est pourtant par ce moyen de transport que le narrateur imagine son destin, un train qui l'emmène vers l'avenir, il y fait souvent allusion, mais quand la douleur domine tout, épuisé il descend sur le quai, il est prêt à abandonner. Mais c'est cette douleur qui le protègera du pire puisqu'elle le conduira à «l'hôpital» du camp de Buckenwald où il sera soigné de ses blessures. Sa faim inextinguible est devenue un problème psychique.

Au retour chez lui, il sait qu'il est impossible de recommencer une «nouvelle vie» comme l'y incite les quelques personnes qui le reconnaissent, mais qu'il doit continuer quoi qu'il arrive, avec son passif, cette vie, sa vie et le crédit qu'elle peut offrir ; continuer à s'obstiner.

Je pense que jamais dans mes lectures, la déchéance de ces hommes, à travers celle du narrateur n'a été décrite avec tant d'acuité.
Évidemment les mots me manquent pour décrire tous les sentiments qui affluent au cours de la lecture mais c'est rendre hommage à cet écrivain que de ne pas oublier ses mots à lui.

Je continuerai donc avec Le refus (2ème titre de la trilogie, puis Kaddish pour un enfant qui ne naîtra pas). Le narrateur s'oblige à agir honnêtement avec les Allemands car c'est son éducation qui l'y engage (par exemple il n'ouvre pas son vêtement car le vent pourrait le rabattre et masquer l'étoile jaune, quand le chef des travaux le brime il trouve que c'est juste, son étonnement aux propos de l'une des soeurs voisines qui s'insurge contre leur stigmatisation etc.)

«message rapatrié»


mots-clés : #campsconcentration
par Bédoulène
le Lun 5 Déc - 23:07
 
Rechercher dans: Écrivains d'Europe centrale et orientale
Sujet: Imre Kertész
Réponses: 17
Vues: 1392

Vercors

La puissance du jour

Tag campsconcentration sur Des Choses à lire - Page 3 51vfy710

Un peu compliqué à commenter, ce livre.
D'abord, l'impression nettement prédominante de cette beauté pure que j'ai trouvée dans les autres textes de Vercors.
La guerre est finie, chacun a repris (ou pas), ses activités ordinaires. L'esprit d'aventure et d’amitié du réseau manque sans doute beaucoup, la conscience s'est mise au travail, chacun ressasse et tente de digérer à sa façon les bouleversements que la vie a semés en lui. C'est l'occasion de débats sans concessions, de belles confrontations, qui me rappellent d'autres lectures comme Le sang des autres de Simone de Beauvoir ou Les justes de Camus. Autant dire, du très bon.
Chacun sa vérité et chacun sa douleur, autour de thèmes comme la légitimité, la culpabilité, le pardon. Tout cela très résumé car c'est beaucoup plus complexe et nuancé que ça. Ou pour dire autrement : quel monde voulons-nous, et que sommes-nous prêts à faire, ou à accepter, pour l'atteindre ?
Il y a là une intensité dramatique faite d’épure qui accroche sérieusement le lecteur. Questions sans réponse, bien évidemment, et c'est peut-être le reproche que je ferais à Vercors, qui, choisissant l’ optimisme, offre une solution presque trop facile et  emmène si vite Pierre, héros un peu « trop beau » du tréfonds du désespoir à la limpidité lumineuse d'un nouveau départ.
Et…je dois avouer que je n'ai pas trop compris le rôle de la chirurgie du cerveau dans tout cela.


(commentaire rapatrié)

mots-clés : #campsconcentration #deuxiemeguerre #historique
par topocl
le Sam 3 Déc - 11:25
 
Rechercher dans: Écrivains européens francophones
Sujet: Vercors
Réponses: 20
Vues: 2141

Daniel Arsand

Je suis en vie et tu ne m'entends pas .

Tag campsconcentration sur Des Choses à lire - Page 3 Index110



Klaus a passé quatre mois à Buchenwald, lieu non-nommable. Il y était le dernier parmi les derniers, rebut au sein du rebut, incarcéré pour son homosexualité.
C'est l’histoire de son retour dans un monde devenu hermétique suite à l'épreuve, où il fait face, "pédé", "tante", à la persistance de la haine. mais aussi à l'amitié, à l'amour et à l'espoir.
C'est un texte terrifiant d'humanité désespérée, un rapport violent, haché, haletant, du chaos intérieur d'un homme démantelé.


(commentaire rapatrié)

mots-clés : #campsconcentration #identitesexuelle #segregation #discrimination
par topocl
le Ven 2 Déc - 18:05
 
Rechercher dans: Écrivains européens francophones
Sujet: Daniel Arsand
Réponses: 6
Vues: 1018

Revenir en haut

Page 3 sur 3 Précédent  1, 2, 3

Sauter vers: