Des Choses à lire
Visiteur occasionnel, épisodique ou régulier pourquoi ne pas pousser la porte et nous rejoindre ou seulement nous laisser un mot ?

Après tout une communauté en ligne est faite de vraies personnes, avec peut-être un peu plus de liberté dans les manières. Et plus on est de fous...


Je te prie de trouver entre mes mots le meilleur de mon âme.

Georges Brassens, Lettre à Toussenot

Des Choses à lire
Visiteur occasionnel, épisodique ou régulier pourquoi ne pas pousser la porte et nous rejoindre ou seulement nous laisser un mot ?

Après tout une communauté en ligne est faite de vraies personnes, avec peut-être un peu plus de liberté dans les manières. Et plus on est de fous...


Je te prie de trouver entre mes mots le meilleur de mon âme.

Georges Brassens, Lettre à Toussenot

Le deal à ne pas rater :
Funko POP! Jumbo One Piece Kaido Dragon Form : où l’acheter ?
Voir le deal

La date/heure actuelle est Dim 28 Avr - 15:50

150 résultats trouvés pour deuxiemeguerre

W.G. Sebald

Austerlitz

Tag deuxiemeguerre sur Des Choses à lire - Page 8 Auster10

CONTENU:
Le conteur non-nommé rencontre dans la Belgique des années 60 Jacques Austerlitz. Il va le croiser dans les décennies à venir plusieurs fois et c’est bien lui qui devient le centre de l’histoire et nous revèle de plus en plus le fil de sa vie. Né en 1934, il a grandi dans une famille pasteur galloise qui ne soigne pas beaucoup la communication. C’est seulement au cours d’examens scolaires, après la mort de sa mère et la lente glissade de son père vers le démence qu’il découvre que son vrai nom n’est pas Dafydd Elias, mais bien Jacques Austerlitz. Mais il n’y a plus personne pour l’éclairer sur ses vraies origines et ainsi il reste pour les décennies à venir comme « sans racines et patrie ». Plus que cela, il est dans une certaine isolation, un état d’écart jusqu’à ce que lui, le professeur pour l’histoire d’architecture, a une expérience de « Déjà Vu » au début des années 90 dans une gare londonienne : d’un coup, il se rappelle comment il y est arrivé en 1938, ayant quatre ans, venant avec un transport d’enfant de Prague. Maintenant il se met à la recherche de ses parents et va à Prague où il trouvera vraiment à travers d’archives l’ancienne adresse et par là même la gouvernante très agée. Le voyage vers ses origines va le mener encore plus loin et le mettra en contact direct avec les horreurs du régime fasciste.

QUELQUES REMARQUES:
C’était mon premier Sebald et cela fut la découverte pour moi d’un genre tout à fait originale : un mélange entre roman, descriptions précises (comme des bâtiments, des gares etc.), des notes semblables à un diaire, mais aussi des photos noir et blancs, des esquisses qui soulignent le réalisme (apparent ou fictif) de ce qui est raconté. Il est évident que derrière un tel travail se cache une multitude de recherches. Si on connaît cette « Gründlichkeit », ce désir d’aller au fond et de se baser sur des recherches, on comprend bien pourquoi il n’a écrit que 4/5 romans !

Dans une grande partie de la vie d’Austerlitz, son énorme et incroyable savoir sur les aspects les plus divers de l’architecture est en parallèle avec un certain refus du souvenir. Significatif pour cette grande période dans sa vie sont alors des expressions – je cite – comme « Heimatlosigkeit » (être sans patrie/terre natale), « l‘isolement », « l’état de se sentir perdu, exilé, banni » etc. Comme question on pourrait très bien formulée pour Austerlitz la suivante : Comment de l’étranger arriver vers un chez soi, chez soi ? C’est seulement au cours du livre que la guerre et le bannissement se révèlent lentement comme ayant étés et étant omniprésents dans cette vie dès le début.
Dans cette question de l’identité, de la guerre et de la manière de vivre avec la mémoire se trouvent des sujets essentiels dans la vie de Sebald lui-même : à cause de sa rébellion contre l’Allemagne de l’après-guerre et sa façon de traiter son passé, il quitta l’Allemagne et s’installa en Angleterre.

Le souvenir, le travail de mémoire devient un devoir qu’Austerlitz confie dans un certain sens au conteur et, Sebald indirectement à nous, ses lecteurs.

Dès le début c’est la langue de Sebald qui frappe : précise, belle, fluide malgré des phrases quelques fois interminables (allant jusqu'à trois pages d'affilé!), innovatrice. Mais aussi fatiguante ou exigeante, souvent dans le discours indirect, rapporté, presque sans paragraphes jusqu’à la fin qui nous donneraient un temps de souffler.  Mais la maîtrise de Sebald, en allemand, se montre, que cela tient la route ! Que cette langue reste fluide. Ecrire sans s'interrompre: est-ce qu'une pause est alors nécessairement une rupture, un arrachement ? Peut-être l’auteur insiste par là sur cette quête d’identité sans relâche… ?

On y trouve par ailleurs quelques remarques très fines sur la langue et sa perte.

Je fus spécialement impressionné par la parenté, le parallélisme entre  les descriptions des paysages, des constructions (par exemple les gares, des remparts, la nouvelle Bibliothèque nationale à Paris…) ET PUIS, pour ainsi dire, le paysage et l’état intérieurs. Là, l’extérieur devient un miroir pour les données intérieures et les apparentes descriptions si anodines recevront un sens.

Alors, c’était mon premier Sebald, mais je me suis promis d’explorer son univers le plus possible.

Un chef-d’oeuvre!


mots-clés : #deuxiemeguerre #psychologique
par tom léo
le Ven 9 Déc - 22:16
 
Rechercher dans: Écrivains européens de langue allemande
Sujet: W.G. Sebald
Réponses: 74
Vues: 8397

Stig Dagerman

Tag deuxiemeguerre sur Des Choses à lire - Page 8 511gtf10

J'avais été impressionné par ma lecture d'Automne allemand. ça faisait froid dans le dos. un chapitre : une ville ou un thème, et toujours comme un immense regret que le monde ne soit pas autrement (et ça dépasse l'automne allemand de 46). témoignage lucide et intéressant sur ce moment, ce qui change et ce qui ne change pas. je revois aussi les images du début de Little Dieter needs to fly avec des familles au milieu des ruines qui font cuire du papier peint...

c'est affligeant. tout ne témoigne pas d'une négaivité absolue (il trouve du beau chez les gens) mais on a tendance à se raccrocher à la beauté de l'attention et de l'intention de l'auteur. ça ronge le moral comme lecture. drôle d'impression par endroits que peut être la traduction a fait du bancal ?

extraits :

On entend des voix qui disent que tout allait mieux jadis mais on les isole de la situation dans laquelle se trouvent ceux qui les élèvent et on les écoute de la façon dont on écouterait une voix venant de l'éther. On appelle cela de l'objectivité parce que l'on a passé assez d'imagination pour se représenter cette situation, et même parce que, pour des raisons de bienséance morale, on se refuserait à faire usage d'une telle imagination sous prétexte qu'elle fait appel à une sympathie excessive. On analyse ; mais en fait c'est du chantage que d'analyser les idées politiques d'un affamé sans analyser en même temps sa faim.


La pluie tombe à verse et les garçons aux pieds nus courent sur le quai en tous sens, sans dire mot. La fumée des tuyaux de poêle qui sortent par les portes des wagons étale lentement son voile sur la gare abandonnée. Tout le désespoir de la Ruhr s'est amassé au-dessus de nos têtes en une sorte de nuage de froid et d'humidité, couleur de plomb, et celui qui n'a pas l'habitue a presque envie de crier. Quelqu'un descend de son wagon la chaise de la jeune fille hystérique et se met à lui faire décrire des cercles sur le quai. Des cercles qui n'en finissent pas, dans la pluie et la boue.


Je suis plus réservé quant à Notre besoin de consolation est impossible à rassasier. Le format de vente en "petit livre choc étiqueté suicide", enfin petit, micro livre. Esseulé le texte se retrouve écrasé par l'impératif, l'indiscutable de la mort de l'auteur. Et c'est dommage car il y a, ça remonte, de beaux passages qui font partie d'une réflexion sur la vanité de la forme ou sur l'inutilité de la beauté. Du moins sur son incapacité à sauver.

La prise en otage du lecteur par l'éditeur devient une forme de prise d'otage de l'auteur qui aurait, à mon sens, mérité que ce texte soit associé à d'autres.


mots-clés : #deuxiemeguerre
par animal
le Ven 9 Déc - 9:07
 
Rechercher dans: Écrivains de Scandinavie
Sujet: Stig Dagerman
Réponses: 20
Vues: 4098

Julie Otsuka

Quand l’empereur était un dieu

Tag deuxiemeguerre sur Des Choses à lire - Page 8 Images47

Attention, livre précieux
Il y a d’abord un sujet vital constitué par la déportation des populations d’origine japonaise, leur mise à l’index, les accusations de trahison qu’elles ont subies pendant tout le conflit américano-japonais qui découla de Pearl Harbor, et les conséquences individuelles que cela entraîna
Et puis, surtout Julie Otsula raconte cela mine de rien, on a  l’impression d’un récit purement factuel, avec une précision des faits, un rapport délicat des paroles, des observations, des rêves, qui fait monter en puissance une intense émotion, pleine de dignité et de délicatesse. Le père , la mère, le fils et la fille nous rapportent les faits chacun à tour de rôle, ou par un récit commun (les deux enfants dans un magnifique chapitre utilisent le nous pour décrire leur fraternité solitaire unie face à l’hostilité). Julie Otsuka ne nomme pas ses personnages. On comprend bien que c’est pour donner  de l’universalité à son récit, et, curieusement, alors que cela pourrait donner de la distance, cela donne une intensité dramatique à la fois douloureuse et lumineuse à son récit.

Petit exemple pour comprendre comment elle fait passer une émotion sans la nommer. Dans le camp, le petit garçon souffre quotidiennement de l'absence de son père. Jamais cela n’est dit explicitement, mais Juliette Otsuka rapporte cette anecdote de son passé :

Son père l’appelait « mon petit bonhomme ». Il l’appelait aussi « boule de gomme » ou « Bout de chou » ou encore « caramel ». « Tu es mon grand chef, mon numero uno », disait-il. Et chaque fois que le garçon se réveillait en hurlant après quelque sombre et horrible horrible cauchemar, son père entrait dans sa chambre, puis s'asseyait au bord de son lit et caressait ses cheveux noirs coupés courts. « Chut, mon sucre, murmurait-il, tout va bien. Je suis là.»


Tout est dit de la douceur et de la douleur intimement mêlée.


(commentaire rapatrié)


mots-clés : #deuxiemeguerre #segregation
par topocl
le Mer 7 Déc - 15:23
 
Rechercher dans: Écrivains des États-Unis d'Amérique
Sujet: Julie Otsuka
Réponses: 4
Vues: 611

Alison Louise Kennedy

Day

Tag deuxiemeguerre sur Des Choses à lire - Page 8 97828710

Je vais avoir beaucoup de peine à parler de Day sans le dénaturer. Comment exprimer ce mélange de désespoir et de douceur, ce chaos intérieur dans lequel A L Kennedy nous plonge et nous perd, cet émerveillement douloureux qui nous saisit à chaque page ? Cela me paraît impossible . Tentez donc cette expérience de lecture, cette oxymore géante, car sur des sujets aussi banaux que la guerre, l ‘amitié  et  l'amour, c'est un roman unique, éperdu, inoubliable.

La guerre : c'est une chose si évidente et si juste,  parce que la force « ça ne peut être arrêté que par la force », que lorsqu'il est déclarée, le jeune Alfred Day, à peine sortie des bras aimants de sa mère, prie qu'elle dure assez longtemps pour qu'il soit en droit de s'engager et d’y participer. Une chose si nécessaire, que chacun se doit de rire et de jouer alors même qu'il ne pense qu'à l'urgence de l’action et à la mort. Et ce qui insinue peu à peu une faille dans ce devoir d’optimisme n'est pas tant sa propre mort que celle des compagnons d’arme, si injustement fauchés alors que l’on survit, et celle que l’on assène, villes bombardées,  destins saccagés.

La guerre, c'est aussi le souvenir de ces amitiés, ces hommes encore tout jeunes dont la vie comptait plus que la vôtre, et dont l'absence laisse un outrage ineffaçable au cœur. Et Joyce, cet amour impossible à la  douceur ineffable, d’un pureté tragique, d'une fragilité salvatrice.

Rien de bien neuf… Mais une richesse de pensée et d’émotion, à travers une écriture virtuose, singulière, à savourer phrase par phrase, qui vous empoigne, autant dans la détresse et la violence , que dans la tendresse de deux êtres très jeunes, pleins de doutes et de timidité, emportés par un destin qui les dépasse, et qu'une caresse suffit à bouleverser. Aucune mièvrerie, aucune concession. Day raconte son histoire, sa jeunesse et son amour saccagés par la guerre, les émotions qu'il a vécues au fur et à mesure et celles qu’ il  revit a posteriori (astucieusement mises en parallèle par l’usage des italiques, de la deuxième et de la troisième personne alternativement), à l'occasion d'un film tourné sur la seconde guerre mondiale où il a  décidé d'être figurant : il rencontre d'autres hommes meurtris par ce destin commun de l’humanité où il n’y  a plus de héros, plus de barbares mais de pauvres êtres déchirés par ce qu’ils ont vécu et il abandonne ses dernières illusions.

… le vide dense, immense, qui était en eux s’infiltra alors, laissant voir que chaque homme ici était seul, loin de chez lui et loin  de l’époque qui l’avait blessé, tenu et laissé vivre.



Et A. L. Kennedy se paie encore le luxe de l’humour, seul rempart dérisoire face aux ravages de l’Histoire.

Tant de douceur, tant de douleur, le cœur est pris

(commentaire rapatrié)


mots-clés : #deuxiemeguerre
par topocl
le Mar 6 Déc - 17:21
 
Rechercher dans: Écrivains européens de langues anglaise et gaéliques
Sujet: Alison Louise Kennedy
Réponses: 1
Vues: 607

Ivan Jablonka

Histoire des grands-parents que je n'ai pas eus - Une enquête

Tag deuxiemeguerre sur Des Choses à lire - Page 8 C1010

Tout est dans le détail.

Par son travail obsessionnel mais passionnant de fourmi déterminée, Jablonka accumule les faits, donne sens aux détails les plus insignifiants, pour recréer  l'histoire d'une décennie, à travers un homme et une femme qui l'ont traversé valeureusement et en ont été honteusement éliminés. Dans le fin maillage de ce tissu informatif persistent des failles, déchirante pour le petit-fils qu'il est, mais qui créent autant d'ouvertures pour l'historien qu'il est devenu, à écrire des biographies subjectives ancrées dans le réel.

Pendant plusieurs années, Ivan Jablonka, enfant gentiment laissé à l'écart du drame de ses grands-parents communistes polonais juifs émigrés à Paris, abominablement assassinés comme des millions d’autres au camp d’Auschwitz II Birkenau, devenu historien « pour réparer le monde », a compilé les indices, témoignages, récits, archives qui lui permettent ici de reconstituer au mieux l’histoire de Matès et Idesa, ses grands-parents.

Matès est né au shetl de Parczew de parents juifs religieux dans une fratrie de 5 enfants, qui, tous, rejettent le joug d'une religion qui les étouffe et embrassent la cause communiste, dans l'idée de construire un monde meilleur, quitte à perdre leur liberté et leur vie. Lui et son épouse Idesa, emprisonnés, persécutés, fuient la Pologne et arrivent en 1936 à Paris, sans argent, sans amis, sans papiers. L'accueil est basée sur la tracasserie administrative, le rejet et les menaces d'expulsion. Tout ceci n'est qu'un avant-goût qui va trouver son apogée dans l'antisémitisme avoué et glorifié qui mènera dès la victoire allemande vers les rafles et les camps d’ extermination.

Ivan Jablonka ne laisse rien au hasard. Il compulse les récits des survivants et de leurs descendants, les lieux d'archives, les ouvrages historiques ou littéraires pour réunir une documentation qui traque la moindre trace objective ou émotionnelle que ses grands-parents ont pu laisser, et qui permettrait d'écrire leur histoire, de connaître leur vie. Il confronte cette multiplicité de pistes, de traces, à celles laissées par d'innombrables autres juifs polonais qu'ils ont croisés le temps d'une minute ou de plusieurs mois, à celles de frères et sœurs exilés à Bakou ou en Argentine, à celles d'autres, connus ou anonymes, qui pour une raison ou une autre, eurent un destin similaire.

Il réunit une impressionnante somme de documentation qu’il nous restitue avec une précision quasi obsessionnelle et dont le maillage serré laisse subsister bien sûr des zones d'ombre et d'interrogations. Dans ces trous du récit, Jablonka insinue des hypothèses, mais toujours étayées sur des faits, non pas des délires fictionnels mais des options possibles qu’il prend soin de toujours signaler - on sait toujours parfaitement si on est dans un élément irréfutable ou des péripéties possibles, voire probables. Et ce maillage même, n’est que l'image de celui, machiavéliquement constitué par l'autorité policière ou politique pour mieux traquer et condamner les deux émigrés. L'auteur, par cette accumulation de détails, par son attachement à la moindre précision véridique, qu’un non historien aurait considérée comme non signifiante, reste le plus souvent dans une objectivité non compassionnelle, mais d'autant plus efficace, et c'est sur ce fond quasi professionnel que certaines pages, jamais pathétiques, prennent une ampleur d'une beauté bouleversante, une émotion d'autant plus marquante qu’elle est totalement maîtrisée..

Après Les disparus de Mendelssohn  et Une histoire familiale de la peur d’Agata Tuszynska, voici un nouveau récit familial où l'histoire de la recherche,  le caractère tout à fait fascinant des personnages (ces grands-parents qui, ayant voulu créer un monde meilleur, finirent leur vie dans un enfer que nul n'aurait su imaginer), la tragédie aussi intime qu'universelle qu'ils connaissent, s'entrecroisent pour amener Ivan Jablonka, homme courageux quoique découragé, à construire un récit de bout en bout passionnant, offert à ses 2 filles qu’il conduit à l'école maternelle dans le quartier-même où Matès et Idesa se cachèrent plusieurs mois avec leurs 2 enfants. Au-delà de leurs destins individuels, il brosse un portrait tragique du XXe siècle et du sort que celui-ci réserva à des hommes et des femmes à qui l'idéologie arracha leurs amours, leurs enfants et leur vie.

Histoire intime, histoire collective s'entremêlent étroitement, et la quête du détail, le souci d'objectivité rigoureuse ne sont que le terreau qui fertilise ce travail de mémoire dont émerge une émotion d'autant plus forte qu’elle est maîtrisée.



(commentaire rapatrié)


mots-clés : #biographie #communautejuive #deuxiemeguerre #documentaire #famille
par topocl
le Mar 6 Déc - 16:51
 
Rechercher dans: Écrivains européens francophones
Sujet: Ivan Jablonka
Réponses: 25
Vues: 3134

Louis de Bernière

La mandoline du capitaine Corelli

Tag deuxiemeguerre sur Des Choses à lire - Page 8 Images54

La guerre a été pour moi une expérience qui a formé toute ma pensée, c'est le choc le plus profond que j’aie jamais subi, le drame le plus grave et le plus intime de ma vie. Elle a détruit mon patriotisme, changé mon idéal, elle m'a fait contester la notion même de devoir, elle m’a  horrifié et a fait de moi un homme triste.



Encore un roman qui unit fabuleusement l'Histoire et la petite histoire, et, sous l'égide d’Homère, nous fait traverser l'histoire de la Grèce de 1939 à la fin du  siècle, à travers les heures heureuses et malheureuses des habitants de Cephalonia, île qui fut radieuse, dans un souffle romanesque qui vous emporte de la page un à la page 680 sans aucune envie de jamais poser le livre.

Une bonne partie du roman porte sur la guerre, où l’Italie attaque la Grèce et n’ aurait dû en faire qu'une bouchée sans l’ arrogance et la mégalomanie du Duce, et l’impréparation de la campagne qu'il organisa., Mais Hitler veille , et s'ensuit une période d'occupation italo-allemande. Louis de Bernières entre dans l'intimité des Grecs, des Italiens, des Allemands, les soldats comme les civils, multiplie les points de vue, croise les destins pour nous offrir une histoire où le romanesque est toujours savamment dosé, emprunte au meilleur du roman populaire. Les personnages sont magnifiques avec un mélange de sagesse et de folie qui n'est pas étranger à la tendresse et la sympathie qu'on leur porte. Ils sont mené vers un destin voulu par les grands de ce monde, et essayent, à travers l’ horreur de la guerre de tirer à eux de petits moments de bonheur, vivre leur amour, préserver une part de liberté sans atteindre à leur dignité.

À mi-chemin entre A l’Ouest rien de nouveau, Roméo et Juliette, Le silence de la mer, c’est un roman extrêmement généreux et foisonnant, sombre à ses heures mais souvent très joyeux où l’humour reste  toujours en filigrane.

L'émotion commençait à le secouer un peu trop et il essaya de se contrôler. « Nous devenons sentimentaux. De vieux fous sentimentaux. »


Louis de Bernières a un style d'une grande fluidité, qui accélère et devient vif au moment opportun, tout en douceur et en émotions quand il le faut. Il n'est qu'à voir comme il porte en quelques pages l'enthousiasme aventureux et fraternel de jeunes gens partant à la guerre, jusqu'à leur désespoir complet devant l'absurdité absolue de l'atrocité des combats, en passant par le doute, l'amertume, la révolte,
ou les  pages où il nous présente le fameux capitaine Corelli, (que nous avons attendu courageusement 260 pages) où tout est dit en une seule scène de son charme, de son côté pitre comme de ses interrogations existentielles, et de sa mandoline car, une fois de plus, la musique constitue un étrange messager pacificateur.

Fortement sentimental sans être niais, ce roman historique est particulièrement réussi, on alterne le tragique et le drôle, l'émotion et le sourire,. C'est un livre beau et triste (j'ai bien failli pleurer dans mon casque) mais aussi joyeux, facétieux et captivant, le genre de livre à déconseiller aux faibles qui remettent à demain les obligations plus fastidieuses que la lecture : « Topocl, qu’as tu fait de tes deux jours de vacances ? » « Euh… j’ai lu ...!!!»



(commentaire rapatrié)


mots-clés : #deuxiemeguerre #historique
par topocl
le Lun 5 Déc - 20:31
 
Rechercher dans: Écrivains européens de langues anglaise et gaéliques
Sujet: Louis de Bernière
Réponses: 2
Vues: 628

Arthur Koestler

Arthur Koestler
(1905-1983)


Tag deuxiemeguerre sur Des Choses à lire - Page 8 Arthur10

Arthur Koestler, né Artúr Kösztler ([ˈɒɾtuːɾ], [ˈkøstlɛɾ]) le 5 septembre 1905 à Budapest et mort le 1er mars 1983 à Londres, est un romancier, journaliste et essayiste hongrois, naturalisé britannique. Il est né dans une famille hongroise juive ashkénaze et de langue allemande. Il est le fils d'un industriel et inventeur prospère dont le grand succès commercial avait été le « savon de santé », dans lequel les graisses animales, difficiles à trouver durant la Première Guerre mondiale étaient remplacées par des substances minérales faiblement radioactives. On pensait en effet à cette époque que la radioactivité avait des vertus curatives.

Arthur Koestler étudie l'ingénierie à l'école polytechnique de Vienne, et la littérature et la philosophie à l'université. Parallèlement à ses études, il fouille la psychanalyse, lisant Freud aussi bien que les écoles dissidentes, Jung, Adler, Stekel. Il a fait partie de l'une des associations d'étudiants juifs, Unitas, et s'y familiarise avec le judaïsme. Il fait la connaissance de Vladimir Jabotinsky et adhère à la cause sioniste révisionniste qui veut créer en Palestine un État juif moderne et démocratique.

En 1926, il abandonne ses études et part en Palestine comme simple khaluts (pionnier ou ouvrier agricole dans une kvutsa, communauté plus petite que le kibboutz). Son expérience ne dure pas longtemps. Il part pour Haïfa où, avec Abram Wienshall, il crée Zafon (hebdomadaire en hébreu), ainsi que Sehutenu [Notre droit], qui est la ligue des droits civiques, fournissant une assistance judiciaire aux juifs. Il entre au Parti communiste allemand en 1931 et en sort en 1938, en raison des procès de Moscou. Il fait plusieurs séjours en Union soviétique durant cette période.

Couvrant la guerre d'Espagne pour un journal anglais, il est emprisonné et condamné à mort par les franquistes, mais est échangé quelque temps plus tard contre un prisonnier espagnol par le gouvernement britannique. Durant la « drôle de guerre », Arthur Koestler couvre la situation en France, mais est ensuite interné au camp du Vernet par les autorités françaises. Il s'engage dans la Légion étrangère, change d'identité, quitte les rangs de la Légion sans autorisation et rejoint Londres. Ayant demandé à rejoindre l'armée britannique, il est affecté en mars 1942 à la conception d'émissions et de films de propagande au ministère de l'Information. Dans ce cadre, il rencontre Jan Karski et lit à la BBC en mai 1943 le texte rédigé par Karski pour la radio : «L'extermination de masse des Juifs – Rapport d'un témoin oculaire». L'auteur a relaté dans plusieurs ouvrages cette période de sa vie.

Après la guerre, Koestler, qui a conquis une notoriété internationale, sert la propagande anticommuniste menée par les services de renseignements britanniques. Il est l’un des plus importants conseillers de l’Information Research Department lors de sa mise en place en 1948 et milite au sein du Congrès pour la liberté de la culture. Arthur Koestler est fait officier de l'ordre de l'Empire britannique (OBE) en 1972. Atteint de la maladie de Parkinson et de leucémie, il met fin à ses jours par absorption de médicaments en 1983, conjointement avec sa troisième épouse Cynthia. Il défendait depuis longtemps l'euthanasie volontaire et était devenu en 1981 vice-président d'Exit.

source : wikipédia

Oeuvres traduites en français :

Romans :
1932 : Au chat qui louche
1934 : Les Tribulations du camarade Lepiaf
1939 : Spartacus
1943 : Croisade sans croix
1945 : Le Zéro et l'Infini :  Page 1
1946 : La Tour d'Ezra :  Page 1
1951 : Les hommes ont soif
1972 : Les Call girls

Théâtre :
1945 : Le Bar du crépuscule, une bouffonnerie mélancolique en quatre actes

Essais :
1945 : Le Yogi et Le Commissaire
1955 : Réflexions sur la peine capitale (en collaboration avec Albert Camus)
1959 : Les Somnambules, essai sur l'histoire des conceptions de l'univers
1964 : Le Cri d'Archimède : l'art de la découverte et la découverte de l'art
1967 : Le Cheval dans la locomotive
1971 : L'Étreinte du crapaud
1972 : Les racines du hasard
1976 :  La Treizième Tribu : L'Empire khazar et son héritage :  Page 1
1978 : Janus (suite de La locomotive)
La Pulsion vers l'autodestruction
Analyse d'un miracle

Ouvrages autobiographiques :
1937 : Un Testament espagnol
1941 : La Lie de la terre :  Page 1
1950 : Le Dieu des ténèbres (ouvrage collectif)
1952 : La Corde raide :  Page 1
1954 : Hiéroglyphes :  Page 1
1983 : L'Étranger du square (en collaboration avec Cynthia Koestler)

màj le 4/11/2017


________________________________________________________________________________________________________________________________________________________


Tag deuxiemeguerre sur Des Choses à lire - Page 8 51wb9g10

La lie de la terre  (ce livre a fait l'objet d'une LC)

Le récit de Koestler est un véritable documentaire sur l’histoire ; celle de la France  pendant la période de la seconde guerre mondiale et plus précisément de 1939 à 1941 date à laquelle il parviendra à rejoindre l’Angleterre. Mais c’est surtout l’histoire d’Hommes qui comme lui ont dû  fuir leur pays, en proie au fascisme, parce qu'ils étaient Juifs ou communistes et rejoint la France«dernier rempart européen de la liberté».Mais ces Hommes persécutés ont été  « Poursuivi comme le dit K. de Berlin à Paris et rattrapé en France par «la lente procession funèbre avec ses drapeaux où paresse l'araignée noire». Quelle image terrible ! et offerts par le gouvernement français à la Gestapo comme tant d'autres moins connus.

Durant une brève période sans turbulence d’avant la déclaration de guerre,  Koestler goûte aux douceurs  du  sud de la France avec sa compagne.  Dès qu’ils rejoignent Paris, ils apprennent que la chasse aux Etrangers a commencé ; après avoir été arrêté et trimbalé de commissariat en camp  de regroupement Koestler est  interné au Camp du Vernet dans les Pyrénnées. Son récit sur les conditions de survie dans ce camp est dramatique ; comment l’Administration française a-t-elle pu agir ainsi ? le lecteur en est bouleversé, et le citoyen français honteux. Nous le suivrons après avoir été relâché, mais  obligé de se cacher, de fuir vers la zone libre  à travers les vicissitudes en cette période d’ »apocalypse », jusqu’à Marseille où il réussira à s’embarquer vers l’Angleterre.

Koestler nous livre ses sentiments envers le Parti communiste français,  et la Russie
«Le plus exaspérant chez nos communistes était la difficulté pour  nous de les détester. Ils n'avaient aucun des vices traditionnels que nous méprisions ; ils ne volaient pas, et ne cafardaient pas, ils n'étaient ni corrompus ni égoïstes, ils éclataient de vertus. Leur seul défaut était que l'intoxication systématique par la dialectique stalinienne les avaient rendus daltoniens en ce qui concernait leur logique et leur éthique. C'était leur seul défaut, mais un défaut désastreux.»

«Cependant, ceci ne s'applique qu'aux simples soldats prolétaires du parti communiste. Il y avait dans la baraque trente-trois quelques chefs du parti communiste allemand pour qui le contraire était vrai. Il était difficile de ne pas les détester.»

«Nos sentiments envers la Russie étaient ceux d'un homme qui a divorcé d'avec une femme très aimée ; il la hait et, pourtant, c'est encore une sorte de consolation pour lui de savoir qu'elle est là, sur la même planète, jeune et vivante." Mais, maintenant, elle était morte. Aucune mort n'est aussi triste et aussi définitive que la mort d'une illusion.»

la gauche européenne,
«Une des raisons de la banqueroute de la gauche européenne fut son impossibilité à réaliser combien les distinctions de classes sont profondément enracinées dans la mentalité des individus. Ils pensaient qu'ils pouvaient traiter comme un simple préjugé ce qui, en réalité, était devenu un réflexe condition né du genre humain.»

le gouvernement français,
«La guerre avait enfin ouvert à la bureaucratie un débouché à sa traditionnelle xénophobie, mais dans notre cas, un nouveau motif s'y ajoutait. La bureaucratie était pro-Bonnet et pro-Munich et bien qu'elle ne fût pas consciemment pro-Hitler, elle avait pratiquement et tout bien considéré une Weltanschauung fasciste. Elle haïssait tous les réfugiés fauteurs de guerre, qui, d'après elle, avaient entraîné la paisible France dans cette guerre.»

Les français, qui dans leurs propos sont fascistes ou en devenir !

Koestler écrit en parlant de l'Angleterre comme de la France

«Non, il ne voulaient pas de nous, même pas comme chair à canon. Notre seule contribution à cette guerre, qui était notre guerre beaucoup plus que la leur, était rester derrière les barbelés. Ils nous avaient volé notre guerre. Ils nous l'avaient volée et l'avaient perdue ; maintenant les Français allaient s'en laver les mains avec le savon fasciste tandis que nous serions écrasés et enterrés sous les décombres.»

Une réflexion ironique et amère :
«Les antifascistes étaient évidemment très gênants dans une guerre contre le fascisme. Nous étions les indésirables et j'en avais assez d'offrir des services dont personne ne voulait.»

Je retiens aussi la dernière phrase de l'appendice :

«Mais peut-être les historiens futurs déterreront-ils leur histoire pour conter l'épopée des Brigades Internationales et de mon vieux camp de concentration ; et peut-être changeront-ils l'étiquette qu'on leur a collée et les appelleront-ils ce qu'ils furent réellement : Le sel de la terre».

Mais je crains que ce souhait ne se soit pas avéré quand je vois la montée des partis nationalistes en Europe.

(message rapatrié)


mots-clés : #autobiographie #deuxiemeguerre
par Bédoulène
le Sam 3 Déc - 17:56
 
Rechercher dans: Écrivains d'Europe centrale et orientale
Sujet: Arthur Koestler
Réponses: 18
Vues: 2198

Vercors

La puissance du jour

Tag deuxiemeguerre sur Des Choses à lire - Page 8 51vfy710

Un peu compliqué à commenter, ce livre.
D'abord, l'impression nettement prédominante de cette beauté pure que j'ai trouvée dans les autres textes de Vercors.
La guerre est finie, chacun a repris (ou pas), ses activités ordinaires. L'esprit d'aventure et d’amitié du réseau manque sans doute beaucoup, la conscience s'est mise au travail, chacun ressasse et tente de digérer à sa façon les bouleversements que la vie a semés en lui. C'est l'occasion de débats sans concessions, de belles confrontations, qui me rappellent d'autres lectures comme Le sang des autres de Simone de Beauvoir ou Les justes de Camus. Autant dire, du très bon.
Chacun sa vérité et chacun sa douleur, autour de thèmes comme la légitimité, la culpabilité, le pardon. Tout cela très résumé car c'est beaucoup plus complexe et nuancé que ça. Ou pour dire autrement : quel monde voulons-nous, et que sommes-nous prêts à faire, ou à accepter, pour l'atteindre ?
Il y a là une intensité dramatique faite d’épure qui accroche sérieusement le lecteur. Questions sans réponse, bien évidemment, et c'est peut-être le reproche que je ferais à Vercors, qui, choisissant l’ optimisme, offre une solution presque trop facile et  emmène si vite Pierre, héros un peu « trop beau » du tréfonds du désespoir à la limpidité lumineuse d'un nouveau départ.
Et…je dois avouer que je n'ai pas trop compris le rôle de la chirurgie du cerveau dans tout cela.


(commentaire rapatrié)

mots-clés : #campsconcentration #deuxiemeguerre #historique
par topocl
le Sam 3 Déc - 11:25
 
Rechercher dans: Écrivains européens francophones
Sujet: Vercors
Réponses: 20
Vues: 2123

Vercors

Tag deuxiemeguerre sur Des Choses à lire - Page 8 97822512

Le silence de la mer m'a enchantée.
j'avais besoin de nourriture, et de fluidité de lecture, après une période un peu statue-de-sel. 
J'ai opté pour la première voie, nourriture.
Et ai trouvé la seconde.

Parce qu'en fait je crois que le contenu discursif est assez bateau, finalement. La nourriture vient en écho, par la mise en scène, plutôt qu'intra diégétiquement. (Evidemment je ne suis pas au coeur de la drôle de guerre, moi.)

Le style très invisible (comprendre prose assez simple , précise et classique mais sans raideur, disons) m'a permis d'être happée sans aucune difficulté.
Ce rapt qu'on aime sans doute tous ici, au coeur d'un antre écrit. AHH quel bonheur. Abstraction de l'immédiat etc

Donc , me voilà embarquée sans aucun mal dans ce que j'ai compris être un livre de propagande (ou contre-propagande, ce qui est la même chose sur la forme) 
dont on sent les ficelles (dans ce cas fort simples, épurées à l'essence de ce qui est en jeu)
mais dont la dramaturgie est extraite à son maximum et avec élégance, ma foi.

J'ai beaucoup apprécié ce huis-clos jouant de la réitération factuelle, de la description des gestes et des émotions trahies.
Je m'intéresse beaucoup au langage des corps, aussi ce roman du Silence était très satisfaisant de ce point de vue.



J'ai été tres intéressée par la manière dont Vercors jongle avec tous ses objectifs d'écriture, 
Shanidar tu soulignais le contexte douillet, terrien, , le choix de mettre en scene une famille non conventionnelle (pas d'epoux ni de rapport parental), le choix d'un officier francophile et parleur, tout est bien choisi et avec efficacité, simplement mené à bien. 

Je ne pense pas que Vercors ait écrit pour être diffusé auprès de la population la plus large, mais plutôt pour ceux déjà acquis à sa cause, le profil des protagonistes n'est pas assez archétypale, 
enfin cette dernière remarque pour mieux dire l'intérêt que j'ai nourris à alimenter ma réflexion sur ce qu'est mettre-en forme-une lutte, faire acte de propagande. Sauf que là on ne peut je crois vraiment utiliser ce terme à cause de ce prisme à mon avis réduit d'influence et de diffusion. ça devait par contre aider à tenir sa barre, le récit fait en effet appel aux meilleures postures possibles face à une situation complexe.
A cet égard il est tout de même particulier d'éluder toute référence au commun des mortels. Pour mieux porter l'idée de l'Humain.
Je suppose à ce stade que Vercors est un grand pessimiste.

On va voir avec le reste.

Bon j'ai hâte de lire la suite.



Le silence ne parait jamais être barbare, l'auteur souligne l'accord tacite vite obtenu, de chacun, à évoluer dans un cadre de "monstration" hyper strict. Il y a en revanche mise en scène de ce qu'i implique, jusqu'au moindre méandre émotionnel.L'auteur n'a de cesse de mettre en scène les remises en cause de l'oncle à ce propos. Et sses observations empathiques. Bédoulène a été également sensible à cet aspect, il me semble.

Un seul bémol : les ficelles. Le soldat super idéaliste, super cérébral mais bleuet, la jeune fille hyper droite, l'oncle hyper humaniste. 
Au moins cela permet-il un manichéisme élégant, qui moins que moral devient éthique. Et c'est déjà heureux qu'il en soit ainsi.


mots-clés : #deuxiemeguerre #nouvelle
par Nadine
le Sam 3 Déc - 10:35
 
Rechercher dans: Écrivains européens francophones
Sujet: Vercors
Réponses: 20
Vues: 2123

Paul Gadenne

Tag deuxiemeguerre sur Des Choses à lire - Page 8 312npc10



La  plage de Scheveningen.

C'est l'automne . Pas n'importe lequel , celui de 44 . Guillaume Arnoult refait ses premiers pas dans  le monde civil et tente de retrouver des repères affectifs dans ce Paris désolé où les gens sont bien tous les mêmes mais différents aussi : le temps a fait son travail , la guerre a abimé aussi .
Mais c'est à deux êtres plus précisement qu'il pense en renouant contact avec le cercle d'amis : Irène , son amour qui rompit leur relation un jour sans lui donner d'explication et Hersent son ami de jeunesse .

Au  cours d'une longue nuit qu'ils passeront dans une chambre d'Hôtel face à  une plage qui leur rappellera celle qui symbolise leur amour , cette "plage de Scheveningen" d'un tableau de  Ruysdael....qu'ils s'étaient promis de trouver dans les heures les plus folles de leur amour de jeunesse ,
Au cours de cette longue nuit qui parait sans fin ressemblant à un rêve dans une longue discussion qui semble n'aboutir qu'à des impasses ,
Le passé resurgira sans que le présent puisse éclairer les pages obscures de celui-ci .




Une pesanteur enveloppe la nuit , l'humanité toute entière semble être au rendez vous . Si Irène se glisse à travers les mots pour conserver son mystère intact laissant au lecteur et à Guillaume une grande place pour imaginer , faire et défaire des situations placées sur l'unique de la probabilité , c'est aussi pour mieux ancrer une autre histoire qui se tisse en filigrane : celle d'Hersent , l'ami qui a vendu son âme au diable , le traitre qui fait la une des journaux .

Et à travers un long monologue intérieur , Guillaume essaiera de concilier Hersent d'avant , l'ami tumultueux et déjà portant en lui le germe du mal  , comme nous tous , mais peut-être de façon plus exalté avec le coupable banni de la société et qui finira sur l'échafaud : les souvenirs se réveillent ...pêle-mêle. Alimentant le besoin de trouver des réponses à l'inacceptable , en vain . Chercher où se situe la frontière entre le germe du mal et le passage à l'acte , irréversible et où le salut n'existe plus . Nous sommes tous des Cains en puissance , et en ce sens le jugement du  frère ne doit pas exister . Comment rendre justice ....


"Nous étions des hommes, et nous découvrions qu’être des hommes, c’était répondre au même nom que nos bourreaux»

Voilà qui me rappelle la pensée de Kertesz .

Au delà de la trame romanesque qui se réduit d'ailleurs à peau de chagrin puisque de mouvements s' il en est , il n'en existe qu'un ici : celui de la pensée avec d'incessants allers et retours entre le présent et le passé , des digressions métaphysiques où il faudra trouver le véritable sens à cette oeuvre .

Il n'échappera pas au lecteur qu'il s'agit d'un discours chrétien : l'évocation des mythes bibliques jalonnent l'ensemble du texte et lui apporte une dimension supérieure .
Une nuit oppressante , pour Guillaume , pour le lecteur : On cherche à sortir de ces tenèbres pour rejoindre Irène ( la paix en grec ) vers la lumière .
La rencontre ne se fera pas .
Mais avant de partir , Irène laissera le laisser-passer à Guillaume pour qu'il retrouve ....La paix . Ailleurs ,et sous d'autres traits . Une fin lumineuse et ouverte .
Ce roman est totalement inspiré de la biographie de Paul Gadenne , l'écriture a certainement du avoir un rôle cathartique .

Paul Gadenne est un immense écrivain , injustement oublié avec une puissance quasi Dostoievskienne et d'un talent d'écriture exceptionnel .
La plage de Schevenigen pourrait faire un excellent support d'études philosophiques , rien n'est laissé au hasard , chaque virgule , changement de rythme possède un sens . Tous les personnages comportent une dimension symbolique .

Une seule lecture ne suffira pas pour venir à bout de cette oeuvre plus complexe qu'elle n'y parait .
Un bijou ?
Non , un chef-d'oeuvre .


mots-clés : #deuxiemeguerre
par églantine
le Ven 2 Déc - 17:58
 
Rechercher dans: Écrivains européens francophones
Sujet: Paul Gadenne
Réponses: 22
Vues: 1874

Revenir en haut

Page 8 sur 8 Précédent  1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8

Sauter vers: