Des Choses à lire
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Après tout une communauté en ligne est faite de vraies personnes, avec peut-être un peu plus de liberté dans les manières. Et plus on est de fous...


Je te prie de trouver entre mes mots le meilleur de mon âme.

Georges Brassens, Lettre à Toussenot

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La date/heure actuelle est Sam 27 Avr 2024 - 8:22

40 résultats trouvés pour documentaire

Miguel de Cervantes

Nouvelles exemplaires

Tag documentaire sur Des Choses à lire Nouvel10

La Petite Gitane
C’est la jeune et belle danseuse Précieuse, qui exige du jeune gentilhomme tombé amoureux d’elle qu’il suive les coutumes des siens (au nombre desquelles le larcin) pendant deux ans avant de la conquérir.
« Ô puissante force de celui qu’on appelle le dieu délicieux de l’amertume (titre que lui ont donné notre oisiveté et notre négligence), avec quelle rigueur tu nous asservis ! Comme tu nous traites sans égards ! André est gentilhomme et jeune, et de bon entendement, nourri presque toute sa vie à la cour, choyé par ses riches parents ; un jour a suffi pour ce changement : voilà qu’il a dupé ses domestiques et ses amis, détrompé les espérances que ses parents avaient mises en lui, laissé le chemin de Flandres où il devait exercer la valeur de sa personne et accroître l’honneur de sa lignée, pour s’aller prosterner aux pieds d’une fillette et se faire son valet, car pour belle qu’elle fût, enfin elle était gitane… Privilège de la beauté qui tire à soi et par les cheveux et à rebrousse-poil la volonté la plus franche ! »

Devenu le gitan André Caballero, don Juan ne parvient cependant pas à accepter de voler. Un « page-poète » qui avait donné ses romances à Précieuse réapparaît, et inquiète André jaloux. Celui-ci échappe à un danger mortel comme, fort conventionnellement et sans surprise, Précieuse se révèle bien née et retrouve ses parents pour lui être mariée.

L'Amant libéral
Richard, un chrétien captif des Turcs à Nicosie (de même que Cervantès l’a été à Alger), fut ravi par une galiote, et son amour Léonise par une autre. En partie grâce à son ami Mahamoud, mais surtout à cause de l’entretuerie de leurs ravisseurs qui les convoitent à leur propre usage, ils recouvreront la liberté et s’uniront. Là encore le happy end de rigueur n’est pas une surprise pour le lecteur.
À noter le rôle effacé de Cornelio, rival de Richard, un peu comme il en était du « page-poète » dans la nouvelle précédente.

Rinconete et Cortadillo
Rincon et Cortado sont deux jeunes picaros, des voyous poursuivant leurs aventures au sein d’une confrérie sévillane qui pratique l’argot (et le galimatias), organisée avec une méthode hiérarchique et protocolaire. Un regard teinté d’humour sur le milieu des mauvais garçons, déjà corporatif voilà quatre siècles : un témoignage historique, presque ethnographique, notamment sur la langue jargonnière.

L'Espagnole anglaise
Le gentilhomme Clotalde ramène en Angleterre la petite Isabelle, enlevée lors de la bataille de Cadix. Elle est élevée dans cette famille secrètement catholique avec le fils, Ricarède, qui en tombe amoureux. La reine Élisabeth l’envoie guerroyer pour mériter de l’épouser (et accroître ses propres richesses) ; il vainc les Turcs qui avaient arraisonné un riche vaisseau portugais, libère leurs captifs chrétiens, et ramène à Londres les parents d’Isabelle, qui étaient du nombre (ainsi que le butin). Surgit le comte Arnest, rival de Ricarède auprès d’Isabelle, et sa mère empoisonne celle-ci, qui survit fort enlaidie. Mais Clotalde et sa femme Catherine décident de lui substituer l’épouse originellement prévue pour leur fils. Isabelle et ses parents retournent en Espagne, où ils rétablissent leur crédit de marchands grâce à la générosité d’Élisabeth ; elle, qui a recouvré sa beauté, attend Ricarède, qui lui a promis de la rejoindre dans les deux ans.
« Bref, elle ne connut aucune des fêtes de Séville : elle était tout entière à son recueillement, à ses oraisons, à ses honnêtes rêveries. Elle attendait Ricarède. »

Celui-ci est donné pour tué par Arnest, mais il a survécu, captif des mores, et réapparaît comme Isabelle allait prendre le voile…
Ce texte, sur fond de guerre de Religion (tant les Anglais ne semblent point être considérés comme chrétiens), montre à l’évidence la nouvelle approche littéraire introduite par Cervantès, qui permettra par exemple les romans de Victor Hugo et d’Alexandre Dumas père (et fils) : des intrigues pleines d’aventures et de ressorts, du suspense au pathos, dans des mélodrames qui font rêver le lecteur.

Le Licencié de verre
Histoire plaisante de celui qui, empoisonné, survécu mais devint fou, se croyant de verre. Pérorant en public, il joue bouffonnement sur les mots.

La Force du sang
À Tolède, Rodolphe a enlevé Léocadie. Un enfant naît du viol, mais celui-ci permettra leur mariage, à la satisfaction générale…
« Sache, ma fille, qu’une once de déshonneur public blesse plus qu’une arrobe d’infamie secrète. Tu peux vivre en public honorée et avec Dieu : ne t’afflige point d’être en secret, avec toi-même, déshonorée. »

« L’intention de ses grands-parents était de le faire vertueux et savant, puisqu’ils ne pouvaient le faire riche : comme si la sagesse et la vertu n’étaient pas les richesses sur quoi n’ont nulle juridiction les voleurs ni cela qu’on appelle Destin. »

Le Jaloux d'Estrémadure
Un aventurier parcourt lui aussi l’Espagne, l’Italie et les Flandres, mais également le Pérou.
« Se voyant donc si dépourvu d’argent et autant que d’amis, il recourut au remède où finissent par recourir tous les garçons perdus, qui est de s’embarquer pour les Indes, refuge ordinaire des Espagnols désespérés, église des banqueroutiers, sauf-conduit des homicides, paravent de ces brelandiers que les habiles connaissent pour pipeurs, appeau des femmes libres, salut particulier d’un petit nombre et leurre commun du plus grand. »

Devenu riche et vieux, il épouse une jeune innocente qu’il croître jalousement à Séville. (Là encore, on découvre les coutumes du temps, comme l’esclavage.)
« …] il acheta aussi quatre esclaves blanches et les marqua au fer rouge sur le visage, et deux négresses fraîchement débarquées d’Afrique. »

Un jeune homme parvient à pénétrer chez lui, et la duègne rapproche les deux jeunes gens. Mais le mari découvre la vérité, pardonne et meurt.

L'Illustre Laveuse de vaisselle
« Carriazo pouvait avoir treize ans lorsque, mené par quelque inclination picaresque, sans qu’aucun mauvais traitement de ses parents l’y obligeât, rien que pour son plaisir et sa fantaisie, il s’arracha, comme disent les jeunes gens, à la maison paternelle et s’en fut par le vaste monde si content de la vie libre que, au milieu des incommodités et misères qu’elle entraîne après soi, il ne regrettait point la demeure de son père, et ne se sentait fatigué de marcher, offensé du froid, ni incommodé de la chaleur [… »

(Il semble qu’un picaro soit un coquin, un truand.) Carriazo engage le jeune Avendaño à la vie picaresque dans les madragues à thons (et fripons) ; en chemin, le cadet veut voir l’écureuse tant vantée d’une posada de Tolède, Constance, et s’en éprend. Plusieurs péripéties annexes se déroulent en épisodes aux accents lyriques et humoristiques, avec un aperçu des danses populaires (de la turba multa), tandis que Carriazo se fait porteur d’eau avec un âne. Il s’avère que Constance est la fille d’une noble et riche dame qui accoucha incognito à l’auberge, pélerine de passage se prétendant hydropique. C’est don Diègue, le père de Carriazo, qui l’abusa, et la donne en mariage à Avendaño.

Les Deux Jeunes Filles
Elles fuient, déguisées en hommes que dénonce la beauté de leur noble origine, et se rencontrent : Théodosie a été abandonnée par Marc-Antoine, et Léocadie aussi de son côté, mais celle-ci sans consommation charnelle. Elle a été dévalisée par les bandouliers, et se confie à Théodosie : les deux jeunes filles sont rivales dans leur jalousie. Don Rafael, le frère de Théodosie, à qui elle s’est confiée sans le reconnaître dans l’obscurité d’une chambre d’auberge, s’éprend de Léocadie tandis qu’ils poursuivent Marc-Antoine, et le retrouvent en plein combat entre les soldats des galères et les gens de Barcelone. Il est blessé, se déclare l’époux de Théodosie, et Léocadie épouse don Rafael, suspendant de justesse le combat des trois pères qui allaient s’entretuer. Histoire particulièrement abracadabrante !

Madame Cornélie
« Don Antonio de Isunza et don Juan de Gamboa, tous deux gentilshommes, du même âge, gens d’esprit et grands amis, déterminèrent, étant étudiants à Salamanque, de laisser là les études et de se rendre en Flandres où les appelaient le bouillonnement de leur jeune sang et le désir, comme l’on dit, de voir du pays. »

Cependant, suite à cet incipit, la paix en Flandres les incite à rentrer en Espagne, passant par l’Italie (la France n’est pratiquement jamais évoquée dans le recueil). Ils reprennent leurs études à Bologne, et tentent d’approcher « la dame Cornélie Bentibolli, de l’antique et généreuse famille des Bentibolli ».
« Sa renommée donnait à don Juan et à don Antonio de grands désirs de la voir, fût-ce à l’église. Mais les efforts qu’ils y firent demeurèrent vains, et l’impossibilité, couteau de l’espérance, fit décroître leur désir. »

L’un des Espagnols recueille un bébé, l’autre vient en aide à qui se révélera être le duc de Ferrare, aux prises avec les hommes du frère de Cornélie, et recueille une femme éplorée, celle-ci même qui vient d’accoucher, évidemment Cornélie. Tout sera bien qui finit bien, comme toujours, et ce malgré une « bourde » (plaisanterie, farce) assez incongrue.

Le Mariage trompeur
L’enseigne Campuzano rencontre le licencié Peralta et lui narre comme il relève d’une maladie vénérienne transmise par la femme qui l’a berné pour l’épouser, et surtout le dépouiller.
« Mais de quelle couleur et en quel état vous voilà ? »

Il paraît qu’en Syrie on se salue en demandant "quelle est ta couleur ?", et il y a peut-être un rapprochement à faire, d’autant que les influences arabes sont nombreuses en l’Espagne du XVIIe (comme le port du voile).
« Enfin, pour en revenir au fait de mon roman (on peut bien donner ce nom à l’histoire de mes aventures), j’appris que doña Stéphanie était partie avec ce cousin qui avait assisté à ses noces et qui, depuis belle lurette, était son doux ami. »

Le Colloque des chiens
Celui-ci est inséré à la suite du précédent récit, et prend place comme Campuzano, pris de fièvre à l'hôpital, surprend un dialogue entre Berganza et Scipion, deux chiens qui viennent de recevoir la capacité de parler, se racontent leur existence. Appartenant d’abord à un voleur d’abattoir, Berganza devint chien de berger, puis se choisit des maîtres à Séville.
« …] la plus belle fille du monde ne peut donner que ce qu’elle a. »

Première occurrence de cette expression ? De même, « reviens à tes moutons » et « l’oisiveté, racine et mère de tous les vices » ; d’ailleurs les deux chiens font référence à la littérature du temps, et leur conversation farcie de proverbes et aphorismes est moralisatrice en s’efforçant d’éviter de médire, sur le mode plaisant. Ils dénoncent la subornation des agents de l’autorité, et renseignent sur les coutumes de l’époque. Devenu chien savant, Berganza aura notamment affaire à une sorcière, dont il dénonce l’hypocrisie.
« Qui donc a fait cette vieille si discrète et si méchante ? D’où sait-elle la différence des maux par accident et des maux par coulpe ? Comment entend-elle et parle-t-elle tant de Dieu et œuvre-t-elle tant du diable ? Comment pèche-t-elle avec tant de malice et sans l’excuse de l’ignorance ? »

Puis il aura affaire à des gitans, un morisque (apparemment plus juif que more), un poète, des comédiens.

La Tante supposée
Claudia a trois fois vendu pour vierge la jeune Espérance, à chaque fois recousue « au fil de soie rouge ». Deux étudiants de Salamanque lui donnent la sérénade, et une fois encore la supercherie sera découverte à cause d’une duègne corrompue.

Lecture un peu fastidieuse, qui vaut pour la découverte des mœurs de l’époque, et surtout des origines du roman tel qu'il se développera en Occident.

\Mots-clés : #aventure #documentaire #nouvelle
par Tristram
le Jeu 11 Jan 2024 - 7:55
 
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Sujet: Miguel de Cervantes
Réponses: 4
Vues: 285

Kent Nerburn

Ni loup ni chien

Tag documentaire sur Des Choses à lire Ni_lou10

Grâce à ses précédents ouvrages sur les Indiens, Kent Nerburn est pressenti par Dan, un vieux Lakota, pour devenir son porte-parole.
« …] Indiens. Je n’avais jamais autant apprécié un peuple ni trouvé ailleurs un tel sens de l’humour et une telle modestie. En outre, j’avais ressenti chez eux une paix et une simplicité qui dépassaient les stéréotypes de sagesse et d’alcoolisme. Ils étaient tout simplement les personnes les plus terre à terre que j’avais rencontrées, dans le bon et le mauvais sens de la chose. Ils étaient différents des Blancs, des Noirs, différents de l’image qu’on m’en avait inculquée, différents de tout ce que j’avais croisé. Je me sentais heureux en leur compagnie, et honoré d’être à leur côté. »

Il le rejoint dans sa réserve des Grandes Plaines. Ils feront une « virée » en Buick avec Grover, l’ami de Dan, tandis qu’il enregistre les « petits discours » de ce dernier.
« Voilà ce qu’il y avait derrière cette idée d’Amérique comme nouveau pays de l’autre côté de l’océan : devenir propriétaire. […] Nous ne savions pas cela. Nous ne savions même pas ce que cela signifiait. Nous appartenions à la terre. Eux voulaient la posséder. »

« Un point important selon moi : votre religion ne venait pas de la terre, elle pouvait être transportée avec vous. Vous ne pouviez pas comprendre ce que ça signifiait pour nous que d’avoir notre religion ancrée dans la terre. Votre religion existait dans une coupelle et un morceau de pain, et elle pouvait être trimballée dans une boîte. Vos prêtres pouvaient sacraliser n’importe où. Vous ne pouviez pas comprendre que, pour nous, ce qui était sacré se trouvait là où nous vivions, parce que c’est là que les choses saintes s’étaient produites et que les esprits nous parlaient. »

« Pendant de nombreuses années, l’Amérique voulait simplement nous détruire. Aujourd’hui, tout d’un coup, on est le seul groupe que les gens essaient d’intégrer. Et pourquoi d’après toi ? […]
– Je pense, reprit-il, que c’est parce que les Blancs savent qu’on avait quelque chose de véritable, qu’on vivait de la manière dont le Créateur voulait que les humains vivent sur cette terre. Ils désirent ça. Ils savent que les Blancs font n’importe quoi. S’ils disent qu’ils sont en partie indiens, c’est pour faire partie de ce que nous avons. »

« Nos aînés nous ont appris que c’était la meilleure façon de faire avec les Blancs : sois silencieux jusqu’à ce qu’ils deviennent nerveux, et ils commenceront à parler. Ils continueront de parler, et si tu restes silencieux, ils en diront trop. Alors tu seras capable de voir dans leur cœur et de savoir ce qu’ils veulent vraiment. Et tu sauras quoi faire. »

« Si tu commences à parler, je ne t’interromps pas. Je t’écoute. Peut-être que j’arrête d’écouter si je n’aime pas ce que tu dis. Mais je ne t’interromps pas. Quand t’as fini, je prends ma décision sur ce que tu as dit, mais je ne t’expose pas mon désaccord, à moins que ça soit important. Autrement, je me tais et je m’en vais simplement. Tu m’as dit ce que j’avais besoin de savoir. Il n’y a rien de plus à ajouter. »

Des épaves de voiture jonchent la réserve :
« J’avais toujours été interloqué par l’acceptation des gens à vivre dans la saleté, quand un simple petit effort aurait suffi à rendre les choses propres. À la longue, j’en étais venu à accepter le vieux bobard sociologique qui racontait que cela reflétait un manque d’estime de soi et un certain accablement.
Mais, au fond de moi, je savais que c’était trop facile, une supposition trop médiocre. C’était cependant certainement préférable aux explications précédentes, selon lesquelles les gens qui vivaient comme cela étaient simplement paresseux ou apathiques. »

« Pour nous, chaque chose avait son utilité, puis retournait à la terre. On avait des bols et des coupelles en bois, ou des objets fabriqués en argile. On montait à cheval ou on marchait. On fabriquait des choses à partir de choses de la terre. Puis quand on n’en avait plus besoin, on les laissait y retourner.
Aujourd’hui, les choses ne retournent pas à la terre. Nos enfants jettent des canettes. On abandonne des vieilles voitures. Avant, ça aurait été des cuillères en os ou des tasses en corne, et les vieilles voitures auraient été des squelettes de chevaux ou de bisons. On aurait pu les brûler ou les laisser là, et elles seraient retournées à la terre. Maintenant, on ne peut plus.
On vit de la même manière, mais avec des choses différentes. On apprend vos manières, mais, tu vois, vous n’apprenez rien. Tout ce dont vous vous souciez vraiment, c’est de garder les choses propres. Vous ne vous souciez pas de ce qu’elles sont réellement, tant qu’elles sont propres. Quand vous voyez une canette au bord d’un chemin, vous trouvez ça pire qu’une énorme autoroute goudronnée qui est maintenue propre. Vous vous énervez davantage devant un sac-poubelle dans une forêt que devant un gros centre commercial tout impeccable et balayé. »

Une autre vision sociale :
« On n’évaluait pas les gens par la richesse ou la pauvreté. On ne savait pas faire cela. Quand les temps étaient bons, tout le monde était riche. Quand les temps étaient durs, tout le monde était pauvre. On évaluait les gens sur leur capacité à partager. »

Les wannabes, qui croient avoir une grand-mère cherokee, portent queue de cheval et bijoux indiens en turquoise et argent, sont particulièrement insupportables ; au cinéma :
« Peuvent plus mettre de sauvages, maintenant. Aujourd’hui, c’est l’Indien sage – tu sais, celui qui ne fait qu’un avec la terre et tout, et qui rend le Blanc meilleur en lui apprenant à vivre à l’indienne, pour qu’il ajoute des valeurs indiennes à sa blanchitude. »

« Nous savons que les Blancs ont une faim infinie. Ils veulent tout consommer et tout englober. Quand ils ne possèdent pas physiquement, ils veulent posséder spirituellement. C’est ce qui est en train de se passer avec les Indiens, aujourd’hui. Les Blancs veulent nous posséder spirituellement. Vous voulez nous avaler pour pouvoir dire que vous êtes nous. C’est quelque chose de nouveau. Avant, vous vouliez qu’on soit comme vous. Mais aujourd’hui, vous êtes malheureux avec vous-mêmes, donc vous voulez vous transformer en nous. Vous voulez nos cérémonies et nos façons de faire pour pouvoir dire que vous êtes spirituels. Vous essayez de devenir des Indiens blancs. »

La leçon tirée des traités non honorés :
« Écoute-moi. Nous, les Indiens, parlons peu au peuple blanc. Il en a toujours été ainsi. Il y a une raison. Les Blancs ne nous ont jamais écoutés quand nous avons pris la parole. Ils ont seulement entendu ce qu’ils voulaient entendre. Parfois ils prétendaient avoir entendu et faisaient des promesses. Puis ils les brisaient. Il n’y avait plus pour nous de raison de parler. Donc nous avons arrêté. Même aujourd’hui, nous disons à nos enfants : “Fais gaffe quand tu parles aux wasichus [hommes blancs en lakota]. Ils utiliseront tes mots contre toi.” »

Le regard de Dan est particulièrement aigu en ce qui concerne la société occidentale.
« Le monde blanc met tout le pouvoir au sommet, Nerburn. Lorsqu’une personne arrive au sommet, elle a le pouvoir de prendre ta liberté. Au début, quand les Blancs sont arrivés ici, c’était pour fuir ces personnes au sommet. Mais ils ont continué de raisonner de cette façon et très vite, il y a eu de nouvelles personnes au sommet dans ce nouveau pays. Parce que c’est comme ça qu’on vous a appris à penser.
Dans vos églises, il y a quelqu’un au sommet. Dans vos écoles aussi. Dans votre gouvernement. Dans vos métiers. Il y a toujours quelqu’un au sommet, et cette personne a le droit de dire si tu es bon ou mauvais.
Elle te possède.
Pas étonnant que les Américains se soucient autant de la liberté. Vous en avez quasiment aucune. Si vous la protégez pas, quelqu’un vous la prendra. Vous devez la surveiller à chaque seconde, comme un chien garde un os. »

« Quand vous êtes arrivés parmi nous, vous ne pouviez pas comprendre notre façon d’être. Vous vouliez trouver la personne au sommet. Vous vouliez trouver les barrières qui nous entouraient – jusqu’où notre terre allait, jusqu’où notre gouvernement allait. Votre monde était fait de cages et vous pensiez que le nôtre aussi. Quand bien même vous détestiez vos cages, vous croyiez en elles. Elles définissaient votre monde et vous aviez besoin d’elles pour définir le nôtre.
Nos anciens ont remarqué ça dès le début. Ils disaient que l’homme blanc vivait dans un monde de cages et que si nous ne nous méfiions pas, ils nous feraient aussi vivre dans un monde de cages.
Donc nous avons commencé à y prêter attention. Tout chez vous ressemblait à des cages. Vos habits se portaient comme des cages. Vos maisons ressemblaient à des cages. Vous mettiez des clôtures autour de vos jardins pour qu’ils ressemblent à des cages. Tout était une cage. Vous avez transformé la terre en cages. En petits carrés.
Puis, une fois que vous avez eu toutes ces cages, vous avez fait un gouvernement pour les protéger. Et ce gouvernement n’était que cages. Uniquement des lois sur ce qu’on ne pouvait pas faire. La seule liberté que vous aviez se trouvait dans votre cage. Puis vous vous êtes demandé pourquoi vous n’étiez pas heureux et pourquoi vous ne vous sentiez pas libres. Vous aviez créé toutes ces cages, puis vous vous êtes demandé pourquoi vous ne vous sentiez pas libres.
Nous les Indiens n’avons jamais pensé de cette façon. Tout le monde était libre. Nous ne faisions pas de cages, de lois, ni de pays. Nous croyions en l’honneur. Pour nous, l’homme blanc ressemblait à un homme aveugle en train de marcher, qui ne comprenait qu’il était sur le mauvais chemin que quand il butait contre les barreaux d’une des cages. Notre guide à nous était à l’intérieur, pas à l’extérieur. C’était l’honneur. Il était plus important pour nous de savoir ce qui était bien que de savoir ce qui était mauvais.
Nous regardions les animaux et voyions ce qui était bien. Nous voyions comment le cerf trompait les animaux les plus puissants et comment l’ours rendait ses enfants forts en les élevant sans pitié. Nous voyions comment le bison se tenait et observait jusqu’à ce qu’il comprenne. Nous voyions comment chaque animal était sage et nous essayions d’apprendre cette sagesse. Nous les regardions pour comprendre comment ils cohabitaient et comment ils élevaient leurs petits. Puis nous faisions comme eux. Nous ne cherchions pas ce qui était mauvais. Non, nous tendions toujours vers ce qui était bien. »

Dan livre ses convictions sur les meneurs « à l’indienne », comment Jésus fut imposé aux Indiens, puis comme l’espoir du messie leur fut refusé ; il développe les différences d’appréciation de l’histoire entre eux et les Blancs…
« Avant, je pensais que vous agissiez comme ça parce que vous étiez avides. Plus maintenant. Maintenant, je pense que ça fait juste partie de qui vous êtes et de ce que vous faites, tout comme écouter la terre fait partie de qui nous sommes et de ce que nous faisons. »

Les femmes, au travers de Dannie, petite-fille de Dan :
« C’est ce que je veux dire quand je dis que c’est notre tour à nous, les femmes indiennes. On a toujours été au centre. La famille indienne était comme un cercle, et la femme était au centre. […] On n’a pas besoin de se libérer. On a besoin de libérer nos hommes. »

Les métis :
« Tout ce qui comptait pour nous, c’était la façon dont ils étaient élevés et les personnes qu’ils devenaient. Vous, vous examiniez la couleur de leur peau et la couleur de leurs cheveux, et essayiez de calculer le pourcentage de blancheur qu’ils avaient à l’intérieur d’eux. Vous les appeliez des métis. Vous ne les laissiez être ni blancs ni indiens. »

Puis ils arrivent à Wounded Knee, là où, comme dans nombre d’autres lieux, enfants et vieillards furent massacrés – tout un peuple.
Outre des faits connus des familiers de lectures sur les Amérindiens, ce livre-témoignage développe une pensée originale (il s’agit de réflexions de Dan, plus que de révélations), qui permet aussi d’approfondir l’appréhension de la conception du monde chez les « Américains natifs ». Et c’est encore (et surtout ?) un récit profondément sensible, plein de colère et de douleur, également d’humour malicieux – humain.
J'ai beaucoup cité, mais il y a bien d'autres choses à retenir de ce livre qui sort de l'ordinaire sur le sujet.

\Mots-clés : #amérindiens #colonisation #culpabilité #discrimination #documentaire #identite #initiatique #racisme #segregation #spiritualité #temoignage #traditions
par Tristram
le Lun 28 Aoû 2023 - 9:39
 
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Sujet: Kent Nerburn
Réponses: 2
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Alain Corbin

Le Village des « cannibales »

Tag documentaire sur Des Choses à lire Villag10

« Le 16 août 1870, à Hautefaye, petit village de Dordogne, un jeune noble est supplicié durant deux heures, puis brûlé vif ( ?) sur le foirail, en présence d’une foule de trois à huit cents personnes qui l’accuse d’avoir crié « Vive la République ! » Le soir, les forcenés se dispersent et se vantent d’avoir « rôti » un « Prussien ». Certains regrettent de ne pas avoir infligé le même sort au curé de la paroisse. »


Le lieu où se déroule ce dramatique évènement se situe aux confins de la Dordogne, de la Charente et de la Haute-Vienne, le Nontronnais, une région assez reculée à l’époque, peuplée en majorité de paysans et d’artisans et dominée par une bourgeoisie rurale qui s’accapare la richesse du sol. Celle-ci attise les rancœurs de la paysannerie envers la noblesse et le clergé ; une vieille histoire qui remonte à la Révolution et qui ressurgit périodiquement, en 1830, en 1848. En effet, nobles et curés sont soupçonnés de vouloir rétablir l’Ancien Régime, les dîmes, les droits féodaux… Plus étonnant, cette société paysanne est très antirépublicaine ; en cause les impôts et surtout les indemnités que se sont octroyés les députés en 1848. Et puis, il y a la crainte des troubles, le souvenir de la « grande peur de 1789 ». L’ordre, c’est Napoléon III qui le leur promet. De fait, la paysannerie s’enrichit beaucoup sous son règne, elle manifeste alors un indéfectible attachement à l’empereur.
Voilà pour le contexte. Le lieu du drame est également important : le foirail est un endroit un peu à l’écart du village, où se réunissent périodiquement vendeurs et acheteurs de bétail, venus de toute la région. On y discute, on y échange bêtes, argent, nouvelles. Egalement, on y fréquente les auberges où on y boit. C’est l’endroit ou se font, enflent, se propagent les rumeurs les plus diverses.
Dernier point contextuel : la date de l’évènement. Le pays est en guerre contre la Prusse depuis juillet. Déjà, s’annoncent de lourdes défaites et l’inquiétude monte. Les bruits circulent de trahisons, d’espions, de traitres prêts à vendre la nation à l’assaillant.

« … la circulation de la rumeur crée des liens puissants entre les membres d’une communauté qui ne sait plus comment répondre à son angoisse et qui doit impérativement discerner et désigner les responsables de son malheur, afin d’interpréter logiquement une situation confuse. »


Dans ce contexte de désarroi pour les paysans, l’équation est vite trouvée :


« Alain de Monéys = un noble + un républicain = un « Prussien »

.

« La scène du drame est dessinée, le décor planté, le prologue achevé. La victime s’avance. Il est quatorze heures, le 16 août 1870, à Hautefaye, la foire bat son plein. »


Le récit du supplice infligé au pauvre de Monéys est pénible à lire. Le malheureux est frappé de coups comme un animal (la comparaison est importante dans le contexte paysan !), fuyant, rattrapé à chaque fois, battu à mort, trainé sur le sol, puis finalement brûlé sur le champ de foire. Toutefois, la description précise qu’en donne Alain corbin est nécessaire à l’historien pour caractériser l’acte et le comparer à d’autres événements du même type.
Alain Corbin s’appuie notamment sur les travaux de René Girard pour définir un rituel de la violence au cours des siècles. Le sentiment d’exécration envers la victime s’accompagne d’une purification du corps social. Les exemples les plus manifestes se situent au 16e siècle lors des guerres de religion où une trilogie ordonne le massacre : dégrader et traîner le cadavre, le lapider, le brûler. La mise à mort implique une souffrance qui doit durer, elle est un spectacle devant lequel et dans lequel communie la foule.

« Dans le massacre, se déploie une libération joyeuse des pulsions dionysiaques. La profanation de la victime, l’outrage, l’injure, la plaisanterie qui la stigmatisent, l’héroïsation proclamée des acteurs, la participation festive de la foule, la ritualisation même dégradée, le distinguent radicalement de l’assassinat, crime odieux, perpétré dans l’ombre, à l’insu de tous. »


Ce type de rituel va se renouveler régulièrement, malgré la montée d’une sensibilité à la souffrance et à la vie humaine. Ainsi, en 1757, l’atrocité du supplice de Damiens, qui dure des heures, soulève de nombreuses protestations. Toutefois, Alain Corbin situe le véritable changement en 1792, après les massacres de septembre. Les débordements de la foule sont alors canalisés par l’institution du Tribunal révolutionnaire qui remplace une justice populaire et par l’usage de la guillotine, instrument de mise à mort rapide, et jugée indolore. Néanmoins, la notion de spectacle persiste.
Comme le souligne Alain corbin, la particularité du meurtre commis à la Hautefaye est son caractère archaïque qui le rattache à des pratiques ancestrales, mais qui en 1870 apparaissent monstrueuses au reste de la population. S’il s’était produit une cinquantaine d’années plus tôt, l’évènement n’aurait probablement pas retenu l’attention.

« Les massacreurs périgourdins ont voulu, ils ont cru expulser le monstre, purifier la communauté, tout à la fois d’un noble, allié des curés, d’un républicain et d’un Prussien. Ce faisant, ils sont apparus comme l’incarnation des « cannibales », ces monstres les plus abominables, que l’on s’efforçait d’exorciser depuis l’aube de la Révolution. […] Ce qui, en 1792 encore, pouvait être considéré comme l’expression admissible, voire noble, d’une opinion ne peut plus, en août 1870, qu’inspirer de l’horreur, quelle que soit l’appartenance des observateurs. Une mutation de la sensibilité collective sépare les deux dates. »


En conclusion, l’auteur souligne la nature politique de ce massacre de Hautefaye :

« Avant d’être désavoués par la société dans laquelle ils étaient immergés, ces paysans n’avaient pas su dire, autrement qu’en suppliciant l’ennemi, la spécificité de leurs représentations du politique, l’intensité de leur angoisse et la profondeur de leur attachement au souverain. De ce balbutiement, de cette pauvre esquisse d’une révolution identitaire oubliée, seule reste à nu la cruauté, dans le ressac des sentiments. »


Une leçon d’Histoire magistrale !

Mots-clés : #criminalite #documentaire #faitdivers #justice
par ArenSor
le Mar 5 Avr 2022 - 16:17
 
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Sujet: Alain Corbin
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Le One-shot des paresseux

animal a écrit:Tag documentaire sur Des Choses à lire 61qifo10

Endurance, L'incroyable voyage de Shackleton de Alfred Lansing

Pas le livre qui brille par ses qualités littéraires, ce n'est pas non plus le but. Pas non plus le livre qui brille par la qualité de l'édition (Points) : trop bien le lexique orienté bateau mais un lexique banquise aurait été plus approprié (et LA note en base de page pour l'épaulard, ça en deviendrait drôle). Mais dans ce récit composé à partir de journaux et de notes d'interview des principaux intéressés il y a suffisamment de quoi vous faire tourner les pages.

"Le 18 janvier 1915, l'Endurance ayant a son bord une expédition se proposant de traverser a pied le continent antarctique est prise par la banquise sans avoir pu toucher terre."

La fin de l'histoire plus d'un an et demi après. 28 hommes qui auront vécu coupés du monde pendant ce temps-là. Sans s’entre-tuer, sans perdre complètement espoir, dans des conditions physiques extrêmes de froid, d'humidité et de fin ou d'inconfort. Leur bateau aura été écrasé par la glace, ils auront fait un bout de chemin en traîneau, un bout sur la mer avant d'arriver sur l'île de l’Éléphant  et que quelques-un traversent en chaloupe (si on est généreux on arrondit à 8x2m) des coins qui aujourd'hui encore ne doivent pas être toujours recommandables.

Tag documentaire sur Des Choses à lire Ima-ex10
Direction le Passage de Drake

De l'autre côté traversée de paysage "local" ça grimpe et redescend beaucoup...

C'est ahurissant la résilience de ces hommes. Entre les tempêtes il y a l'attente, âmes sensibles s'abstenir.

One-shot parce que l'auteur beeen... mais lire autre chose sur le sujet dont le récit des événements par Shackleton ça oui !


Mots-clés : #aventure #documentaire #journal #lieu #nature #voyage


Auto-citation sous prétexte d'actualité : https://www.huffingtonpost.fr/entry/lendurance-retrouve-en-antarctique-100-ans-apres-avoir-sombre_fr_6228657de4b07e948aecab97

Surtout une occasion de rappeler cette lecture qui mériterait mieux qu'un one-shot ?
par animal
le Mer 9 Mar 2022 - 17:33
 
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Sujet: Le One-shot des paresseux
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Le One-shot des paresseux

Nicolas Bourcier, Les Amazoniens, en sursis

Tag documentaire sur Des Choses à lire Les_am10

D’abord une petite déception, les témoignages et reportages datent du début du siècle, au moins au début.
Des interviews documentent le sort des Indiens (mais aussi des caboclos et quilombolas), abandonnés par l’État, qui poursuit une politique d’exploitation productiviste de la forêt (quel que soit le régime politique), aux exactions des garimpeiros et de leurs pistoleros, des trafiquants, des fazendeiros et autre agrobusiness qui suivent. La pression des Blancs tend à les sédentariser pour les réduire (gouvernement, congrégations religieuses) : c’est aussi l’histoire de nomades malvenus dans notre société. En plus de la pression économique, il y a également les maladies contagieuses, la pollution au mercure, l’exclusion et la discrimination, la bureaucratie, l’exode et l’acculturation, etc. Mais, dorénavant, la population indienne augmente, ainsi que la réaffirmation de l’identité ethnique traditionnelle.
« Les besoins en matière de santé et d’éducation restent considérables. »

Malgré la reconnaissance des droits des Indiens par la constitution, le gouvernement de Lula a déçu les espoirs, et afin de favoriser le développement les forces politiques se coordonnent pour saper toute cohésion des réclamations sociales et foncières.
« Juridiquement, l’Amazonie a connu la reconnaissance des droits des indigènes en 1988, la reconnaissance de la démarcation des terres trois ans plus tard et une succession de grignotages de ces droits par la suite… »

Face à l’extinction des derniers Indiens isolés, les sertanistes (qui protègent leurs terres), ont fait passer le paradigme de l’intégration (ou de l’éradication) à la suppression quasi intégrale des contacts. L’un d’eux, Sydney Possuelo :
« Darcy Ribeiro, qui contribua à la classification légale de l’Indien, comptait trois types : l’Indien isolé, l’Indien en contact mais de façon intermittente (comme les Yanomami et tous ces groupes vivant entre deux mondes), et l’Indien intégré. De ces trois groupes, je n’en vois que deux : l’isolé et l’intermittent. L’intégré n’existe pas. Il n’y a pas d’ethnie qui vive harmonieusement avec la société brésilienne. L’Indien respecté et intégré dans notre société est une invention. »

« Pour résumer, si on ne fait rien, les fronts pionniers tuent les Indiens isolés ; si on entre en contact, voilà qu’ils disparaissent sous l’effet des maladies. La seule option possible est donc de savoir où ils se trouvent et de délimiter leur territoire. C’est ensuite qu’il faut mettre en place des équipes autour de ce territoire pour en bloquer les accès. Pourquoi ne pouvons-nous pas délimiter une zone où vivent des personnes depuis des temps immémoriaux et empêcher qu’elle ne soit envahie ? »

Qu’on soit intéressé de près ou de loin par le sujet, une lecture qui interpelle.

\Mots-clés : #amérindiens #colonisation #contemporain #discrimination #documentaire #ecologie #genocide #identite #minoriteethnique #nature #racisme #ruralité #temoignage #traditions #xxesiecle
par Tristram
le Mer 22 Déc 2021 - 8:14
 
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Sujet: Le One-shot des paresseux
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Florence Aubenas

Tag documentaire sur Des Choses à lire 31jpvz10

L’inconnu de la poste.

Une postière est assassinée par 28 coups de couteau dans une bourgade où chacun connaît chacune.
Thomassin, un acteur à la dérive, marginal et drogué, est arrivé depuis peu et devient vite le suspect numéro 1. Quatre ou cinq ans après, les études d’ADN permettent d’identifier le vrai coupable. Mais les dégâts sont faits et bien faits chez Thomassin, qui d’ailleurs disparaît  avec ses mystères, sans laisser de piste ou d’adresse.

Une fois de plus un fait divers, une histoire à la Chabrol...

J’ai l’impression que le livre a été couvert d’éloges. C’est sans doute en partie lié au nom de Florence Aubenas, et au fait que sa description de la vie de cette petite ville provincial doit paraître exotique au plus haut point à bien des parisiens. Mais il aurait fallu un peu plus de  mise en perspective, de réflexion et d’analyse, alors que Florence Aubenas se contente de nous offrir un récit très documenté, plutôt bien écrit mais un peu vain.


\Mots-clés : #documentaire #justice #social
par topocl
le Sam 17 Juil 2021 - 13:30
 
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Sujet: Florence Aubenas
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Joseph Kessel

Avec les Alcooliques Anonymes

Tag documentaire sur Des Choses à lire Avec_l10


C’est le récit d’un grand reportage, et à ce titre il éclaire le journalisme lui-même, avec sa visée sensationnaliste, peu éloignée d’une certaine littérature :
« Une belle histoire ou a good story, pour un journaliste, n’a rien à voir avec la morale ou l’esthétique. Cela signifie indifféremment un crime de monstre, un exploit merveilleux, une convulsion de haine, un paroxysme d’amour. Une belle histoire, c’est Landru, c’est Mermoz, c’est Mata-Hari, c’est la catastrophe du Titanic, c’est la découverte de la pénicilline − bref, toute aventure humaine, à la seule condition qu’elle soit nourrie d’action intense et imprévue, chargée de drame, de mystère, d’allégresse ou de génie. »

Cette enquête date de 1960, et je ne suis pas certain que la définition de l’alcoolisme exclue toujours les « gens qui boivent régulièrement et s’enivrent à l’occasion », et soit encore distinguée de l’addiction aux autres stupéfiants ; il est intéressant de constater comme l’approche de ce fléau a changé, les changements dans le regard n’étant d’ailleurs peut-être pas toujours des progrès véridiques.
Cette étude approfondie nous vaut le témoignage d’une descente effrayante dans la Bowery, et ce qu’elle tend à prouver serait l’efficacité de la méthode des A.A. : le renoncement à la boisson facilité, et même conditionné, par l’aide portée à ses semblables tombés dans le même cas pathologique.
« Étrange apostolat, où un homme à peine sorti du ruisseau, du bouge, de l’hôpital et tout marqué encore par les ravages de l’intoxication à laquelle il renonçait, retournait à l’hôpital, au bouge ou au ruisseau pour en sauver un de ses semblables et affermir par là ses propres chances de salut. »

« Vous connaissez notre refrain : en aidant les autres, on s’aide surtout soi-même. »

(On remarque des références religieuses qui peuvent interroger, de même que le dévouement prosélyte lui-même.)
Face au paradoxe des alcooliques fortunés et/ou issus de milieux favorisés, les A.A. estiment qu’il s’agit d’une maladie pour laquelle existe une prédisposition :
« On ne devient pas alcoolique. On naît alcoolique. »

Même après des années d’abstinence, une rechute est toujours possible, ce qui explique je pense la sorte d’humilité des « parrains » des « commençants », qui se présentent toujours comme des alcooliques.
Un dossier qui retrace l’historique des A.A., avec de nombreux exemples de déchéances abyssales, et une volonté de prévenir (qui rappelle une œuvre morale). Le style m'est paru d'un lyrisme un peu lourd _ journalistique.

\Mots-clés : #addiction #documentaire #social
par Tristram
le Jeu 13 Mai 2021 - 8:11
 
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Sujet: Joseph Kessel
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Le One-shot des paresseux

Tag documentaire sur Des Choses à lire 61qifo10

Endurance, L'incroyable voyage de Shackleton de Alfred Lansing

Pas le livre qui brille par ses qualités littéraires, ce n'est pas non plus le but. Pas non plus le livre qui brille par la qualité de l'édition (Points) : trop bien le lexique orienté bateau mais un lexique banquise aurait été plus approprié (et LA note en base de page pour l'épaulard, ça en deviendrait drôle). Mais dans ce récit composé à partir de journaux et de notes d'interview des principaux intéressés il y a suffisamment de quoi vous faire tourner les pages.

"Le 18 janvier 1915, l'Endurance ayant a son bord une expédition se proposant de traverser a pied le continent antarctique est prise par la banquise sans avoir pu toucher terre."

La fin de l'histoire plus d'un an et demi après. 28 hommes qui auront vécu coupés du monde pendant ce temps-là. Sans s’entre-tuer, sans perdre complètement espoir, dans des conditions physiques extrêmes de froid, d'humidité et de fin ou d'inconfort. Leur bateau aura été écrasé par la glace, ils auront fait un bout de chemin en traîneau, un bout sur la mer avant d'arriver sur l'île de l’Éléphant  et que quelques-un traversent en chaloupe (si on est généreux on arrondit à 8x2m) des coins qui aujourd'hui encore ne doivent pas être toujours recommandables.

Tag documentaire sur Des Choses à lire Ima-ex10
Direction le Passage de Drake

De l'autre côté traversée de paysage "local" ça grimpe et redescend beaucoup...

C'est ahurissant la résilience de ces hommes. Entre les tempêtes il y a l'attente, âmes sensibles s'abstenir.

One-shot parce que l'auteur beeen... mais lire autre chose sur le sujet dont le récit des événements par Shackleton ça oui !


Mots-clés : #aventure #documentaire #journal #lieu #nature #voyage
par animal
le Sam 2 Jan 2021 - 16:07
 
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Sujet: Le One-shot des paresseux
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Valentin Pajetnov

Tag documentaire sur Des Choses à lire 311x5010

L’ours est mon maître

Beau livre autobiographique pour un parcours étonnant. L'histoire d'un gamin né juste avant la guerre, très tôt fasciné par la nature, le fleuve, la forêt, il n'hésite pas à faire l'école buissonnière et à faire faux bond quelques jours à sa famille pour s'essayer à la vie sauvage. Régulièrement même. La pêche, les oiseaux, la chasse... il semble toujours un peu dans cet univers qui lui tend les bras. Même le service militaire puis le travail n'arriveront pas à le faire décrocher. Elle est pourtant rude cette vie qu'il nous décrit, pas sans accident, parfois sanglante mais c'est la vie qui le fait vivre. Trappeur un temps il reprendra des études pour à terme réintroduire des ours dans une réserve.

Le fleuve, la taïga, la forêt, la neige, la glace ou encore les moissons, le patrimoine vivant qu'il décrit est puissant, son expérience est intense on dirait qu'il vient de vivre toutes ces aventures, ces apprentissages. De belles et nombreuses pages pour le lecture qui a là de quoi frémir et s'émerveiller. La nature dans toute sa démesure, ses simplicités et ses impératifs. Une nature nourricière du corps et de l'âme, révérée mais pas forcément idéalisée. Si le titre russe fait (ou devait) faire écho à Thoreau, ce qu'a écrit ce constructeurs aguerri d'isbas dans des coins perdus est bien différent. Il découvre, se questionne et vit sa place d'homme dans la nature. Il a beaucoup chassé et tué aussi des bêtes sauvages, les a pistées à chercher à comprendre leurs comportements (plusieurs restitutions comme si on y était). Pourtant pas d'antagonisme durable même dans les situations difficiles. Tout comme avec ses semblables d'ailleurs avec lesquels il est plus prompt à rappeler les bons côtés que les travers.

C'est passionnant ce témoignage d'homme des bois "moderne" pour ce que ça dit de la nature, de la Russie, de notre monde. C'est passionnant et il est un conteur habile qui a aussi rêvé dans les livres. Une très belle découverte qui habitait mes étagères depuis quelques années...  

Et puis l'ours en plus, un roi de la forêt à la fois craint et déchu, comme pour les autres animaux approchés d'ailleurs la vision qu'il arrive à en faire passer est à la fois en miroir de l'homme donc accessible et très caractérisée.

Super bouquin et gros coup de cœur.


Mots-clés : #autobiographie #documentaire #ecologie #enfance #nature
par animal
le Sam 18 Avr 2020 - 15:35
 
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Sujet: Valentin Pajetnov
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George Plimpton

Tag documentaire sur Des Choses à lire Shadow10

Shadow box

Belles tranches d'expérience et d'un regard curieux et distancié, voire distancé, sur son monde. La boxe qui sert ici de fil conducteur réunit des boxeurs, jusque là c'est normal, mais aussi la littérature avec une forte présence d'Hemingway, normal aussi, et d'autres comme Norman Mailer par exemple dans les noms qui me reviennent de suite. A peine plus loin, avec la boxe toujours on rencontre le champion Mohamed Ali encore jeune. La rencontre du personnage, de son image et derrière celle des combats et images de son époque jusqu'au combat à Kinshasa contre George Foreman. Du people toujours avec d'autres journalistes (Hunter S. Thompson ?) mais un combat plus long, celui d'un vrai retour après la parenthèse imposée par le refus de partir au Vietnam.

Beaucoup beaucoup de choses donc et de rencontres diverses abordées avec empathie. Avec pas mal de détours George Plimpton raconte un peu tout ça et lui même dans un livre sympathique, agréable à lire, à suivre, qui a le bon goût de préférer ménager de la place à une discrète grandeur aux conclusions hâtives sur l'air de son temps.

Intéressant, farfelu juste ce qu'il faut et complémentaire au KO à la 8e reprise de Bill Cardoso.

Un chouette livré tombé au bon moment pour reprendre son souffle et se rappeler que le physique ça compte autant que le papier des fois !

Et puis risquer quelques rounds contre des boxeurs professionnels faut des tripes... Tag documentaire sur Des Choses à lire 1252659054

Mots-clés : #documentaire #sports #xxesiecle
par animal
le Mer 12 Fév 2020 - 17:28
 
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Sujet: George Plimpton
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Howard Fast

Tag documentaire sur Des Choses à lire Memoir10

Mémoires d'un rouge

Encore un commentaire qui ne rendra pas justice à la somme de choses qu'on trouve dans le livre. Surtout qu'il a du métier ce Howard Fast dont je ne connaissais pas le nom, les environ 550 pages de ses mémoires passent avec une facilité déconcertante.

On démarre fort avec un jeune homme qui rêve de s'engager contre le nazisme et qui se retrouve presque à regret à travailler comme un damné à la préparation des bulletins d'information qui seront diffusés dans toutes l'Europe occupée.

On découvre ensuite derrière ce patriotisme un parcours assez dur : très jeune il a dû travailler, se battre aussi et à côté de ça il a réussi malgré tout à lire, et à écrire. L'obsession après avoir juste ce qu'il faut pour se loger et se nourrir avec ses frères et leur père.

De rencontre en rencontre il se démène et accepte l'importance de sa tâche, stimulé aussi par sa place au cœur du système et de l'information. Néanmoins il veut partir, se confronter à la réalité de la guerre. Ce qui ne se fera pas comme il l'espérait. Ses penchants "à gauche" ou pro-russes alors que le conflit va toucher à sa fin dérangent et son départ se fera pour l'Afrique du Nord avant l'Inde.

Patriotisme toujours, et pacifisme encore plus fort face aux absurdités et injustices de la guerre. Nous voilà partis dans un vrai voyage qui vient nourrir l'homme et ses convictions. Il y a des pages très fortes là-dedans aussi.

De retour aux Etats-Unis les années difficiles pour les communistes et sympathisants sont là. D'auteur à succès il devient persona non grata. Procès, refus des éditeurs... Condamnation et montage de sa propre maison d'édition. Prison, campagnes politiques, meetings, récoltes de fonds pour les plus démunis, combat contre le racisme des années difficiles mais riches encore. La mise en place du maccarthysme et de mascarades judiciaires aux frais du contribuable sont décrites dans l'ombre non pas des écoutes et tracas incessants causés par un FBI envahissant mais plutôt dans la tension entre le parti communiste et ses lignes directrices et le sentiment d'injustice car au fond il reste et est volontairement ce qu'on pourrait un "bon américain" avec des idéaux indéboulonnables de liberté.

Des pages assez incroyables encore. Il faut aussi parler de la menace d'une troisième guerre mondiale avec la menace atomique mais aussi de l'antisémitisme et des rumeurs d'une URSS de moins en moins idyllique. Ne pas oublier les tentatives de lynchages ?

C'est dense, très dense, très riche et avance vers l'inévitable ras le bol d'un parti qui s'est peut-être d'abord plombé lui-même à force de rigidité et de dogmatisme aveugle. Désillusion ? Ptet ben que oui, ptet ben que non.

Après tout pour Howard Fast ce qu'on lit c'est sa volonté mais soutenue par les rencontres, sa femme, ses enfants et les amis d'un jour ou de toujours, ce sont aussi ses chroniques au Daily Worker et surtout surtout l'indépendance et la liberté de penser, de s'exprimer et d'aider.

Et il y a les images et idéologies qui sont mises en lumière dans le livre avec leurs reflets d'aujourd'hui...

Mots-clés : #autobiographie #documentaire #guerre #justice #politique #racisme #social #solidarite #universdulivre
par animal
le Jeu 26 Sep 2019 - 9:08
 
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Sujet: Howard Fast
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Suketu Mehta

Tag documentaire sur Des Choses à lire 51-yqz10

Bombay Maximum City

Bombay Maximum City est un monstre : près de 800 pages en grand format, plus de 5 cm d’épaisseur, et un contenu protéiforme et démesuré, aussi affolant qu’attachant, déroutant en diable…  Un ouvrage gargantuesque, à l’image de cette ville tentaculaire de Bombay (désormais Mumbai), plus de 20 millions d’habitants au compteur et des milliers de nouveaux arrivants absorbés chaque jour sans coup férir.
Bombay est la ville de tous les possibles : un Eldorado, un mirage, une chimère… Pour elle, pour les espoirs qu’elle porte, les provinciaux n’hésitent pas à tout quitter pour s’entasser à 7 dans quelques mètres carrés insalubres. A Bombay, millionnaires et miséreux vivent dans une étonnante proximité, les gangs règnent en maîtres, la politique se mêle de tout – ou rien, c’est selon. A Bombay nul ne peut vivre s’il n’accepte qu’en toute chose, il faut accepter de petits arrangements, avec autrui comme avec sa propre conscience… Bombay est aussi sage que délurée, honnête que corrompue, tolérante qu’incendiaire… Bombay a mille vies et mille formes, si étroitement entrelacées qu’il est presqu’impossible de les démêler.

Suketu Mehta, de retour dans la ville de son enfance après des années passées aux Etats-Unis, a arpenté la cité pour tenter de se la réapproprier. Il nous livre un ouvrage hybride et très personnel, mélange de récit autobiographique et d’enquête journalistique. La particularité de l’auteur est d’avoir longuement côtoyé ceux dont il a choisi de parler, finalement pas si nombreux, et d’avoir exploré des facettes sombres ou méconnues de la ville. On croise ainsi d’attachantes danseuses de bar, des tueurs à gage à la solde des gangs qui contrôlent la ville, des stars de Bollywood, un chevalier blanc de la lutte anti-terroriste (tortionnaire à ses heures perdues), et même une famille de diamantaires jaïns qui renonce à tout attachement et tout bien terrestre pour embrasser une vie monastique d’un ascétisme presque terrifiant...

Dans ce foisonnement d’informations, le passage qui m’a durablement marquée reste la (longue) première partie, consacrée aux émeutes inter-religieuses qui ont ensanglanté la ville en 1993. On ne ressort pas indemne de la lecture des témoignages de ceux qui, des années après avoir massacré passants, voisins, et même amis, prétendaient n’en éprouver aucun remord, tandis que l’instigateur des émeutes, le tout puissant Bal Thackeray (chef du parti nationaliste hindou Shiv Sena), continuait d’attiser la haine dans un constant mélange de  « fake news » et d’arrogance. Avec le tout Bombay à sa porte pour solliciter ses faveurs...

Bombay Maximum City, ce sont 800 pages de démesure et d’humanité cachée, retrouvée ou bafouée. Un texte dont on ressort tout pantelant, des interrogations plein la tête. On ne va pas se mentir : il y a des longueurs. Pas mal de longueurs, même. J’en avais bien conscience en les lisant et pourtant je m’en fichais comme d’une guigne, tant l'auteur a le don de vous prendre par la main et de ne plus vous lâcher. (Bon allez OK, j'ai un chouilla rechigné sur la fin. Mais chut.)
Quinze ans après la parution du livre, j’aimerais penser que la situation a bien changé, et pourtant j’en doute, tant les problèmes de Bombay semblent être voués à un éternel recommencement…. Un livre édifiant.


Mots-clés : #autobiographie #criminalite #documentaire #lieu #religion #violence
par Armor
le Mar 30 Juil 2019 - 13:37
 
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Sujet: Suketu Mehta
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Cyril Dion

Demain
Un nouveau monde en marche

(il a dû rager un peu de se faire piquer son « monde  en marche, Cyril Dion)

Tag documentaire sur Des Choses à lire 518bak10

Mais nous avons oublié un détail : est-ce que l'être humain a besoin de la nature ? Oui. Est-ce que la nature a besoin de l'être humain ? Non.
Pierre Rabhi.


En 2012, Cyril Dion « découvre », par une étude de Nature , que nous allons tous dans le mur.

"Que faire ? Mais pourquoi personne ne fait rien ? , se dit-il, c’est incroyable !"

Bien conscient qu’il ne faut pas compter sur les multinationales, ni sur les gouvernements que celles-ci tiennent pieds et poings liés, il décide, avec Mélanie Laurent,  de partir à la rencontre d’initiatives individuelles ou collectives, souvent implantées dans le local, qui non seulement créent une ambiance de pépinière, mais aussi prouvent que cela est possible, efficace, et aussi rentable. Et réussissent. Et diffusent leurs pratiques.

Et il les raconte,  persuadé que ce qui fait bouger les hommes, ce sont les récits. Il y met une sympathique naïveté feinte, qui permet de revenir aux fondamentaux dans  une volonté pédagogique, un enthousiasme déterminé qui permettent d’échapper à un côté trop catalogue, fait ressentir une réelle proximité au lecteur, traité d’égal à égal, totalement impliqué, pris en considération tant dans les carences de ses connaissances que dans ses motivations personnelles.

Thierry Salomon : « le mot "transition" est intéressant. Ce n'est pas un modèle, c'est une démarche. On part d'un certain nombre de petites expérimentations locales, qui arrivent à se bâtir dans les interstices de ce que permet l'institution, qui se reproduisent lorsqu'elles fonctionnent et, si elles ont fait leurs preuves, on crée une norme pour aller dans ce sens. Ce mouvement est intéressant car il part du bas, puis le haut raccroche les wagons pour généraliser. »


Cyril Dion mêle avec fluidité les données objectives, informations scientifiques, interviews d’experts et d’acteurs de terrain, observations personnelles. Il y met aussi une réelle  empathie, qui est l’une de ses forces, je crois, pour un réel ouvrage d’investigation populaire. Il s’introduit dans le récit, aussi humble que le lecteur,  réfléchissant à l’hôtel d’étape, cédant un temps au pessimisme pour mieux rebondir, se culpabilisant des km parcourus pour la cause en avion.
Cela donne, à côté de la rigueur de l’exercice,  une grande proximité à ce nouveau récitpour l’homme moderne qu’il nous propose, qui décide d’un optimisme (il dit bien quelque part qu'il a volontairement décidé de ne pas s'étendre sur les difficultés et les échecs).

Il finit en apothéose par la description de « son » monde idéal pour demain, écologique, citoyen, partagé, récit très utopique, il doit bien le savoir, mais  porteur d’espoirs et  ferment d’actions positives.

Spoiler:


Alors, nous, qu’est-ce que nous faisons aujourd’hui plus qu’hier pour entrer dans Demain ?

Mots-clés : #contemporain #documentaire #ecologie #economie #education #nature #politique #urbanité
par topocl
le Jeu 16 Mai 2019 - 6:50
 
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Sujet: Cyril Dion
Réponses: 24
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Daniel Defoe

Journal de l’année de la peste

Tag documentaire sur Des Choses à lire Defoe10

« Affreuse peste à Londres fut
En l’an soixante et cinq
Cent mille personnes elle emporta
Quant à moi, pourtant, toujours je suis là »

Le livre n’est pas vraiment un roman, bien qu’il comporte des épisodes dont la forme de narration appartient à ce genre, ni vraiment un récit ou un témoignage. Il est un peu de tout cela à la fois – peut-être comme Robinson Crusoë que je n’ai jamais lu ?  Crying or Very sad
Il se présente comme un vrai-faux journal. Faux puisque l’auteur n’avait que cinq ans à l’époque de la grande peste qui ravagea Londres en 1665. Cependant, Defoe a pu recueillir des témoignages de première main, consulter nombre de documents disparus aujourd’hui ; n’oublions pas que la capitale sera touchée l’année suivant par un terrible incendie qui la dévasta complètement. Habile romancier, Defoe multiplie les petits détails concrets qui laissent supposer au lecteur qu’il a assisté réellement à certaines scènes décrites. Parfois, il revendique l’exactitude d’un fait parce qu’il l’a observé, d’autres fois, il avoue n’en savoir rien car il s’est basé sur des témoignages.
Le journal est donc supposé rédigé par un bourgeois, sellier de son état, mais l’auteur à un moment déclare qu’il s’agit du journal de son oncle ! Defoe adopte donc le mode d’écriture de ce type de personnage, insistant parfois lourdement sur certains faits, répétant à plusieurs reprises la même chose. A ce sujet, évitez de lire des traductions trop anciennes qui ont lissé le texte, lui enlevant ainsi une grande partie de son charme.
Defoe sait ménager le suspens : début de l’épidémie qui ne semble pas bien méchante et toucher seulement quelques quartiers, multiplication des décès et affolement de la population jusqu’à l’apocalypse de l’automne, enfin, la décrue du nombre des morts au cours de l’hiver.
Lorsque Defoe écrit son « journal », publié en 1722, il a en tête un événement et un but précis : l’épidémie de peste qui a dévasté Marseille et la Provence en 1722. Que ferait-on si la peste revenait à Londres ?
Le livre se présente donc également et surtout comme une enquête précise et, il faut le souligner, très intelligente, sur les mécanismes de l’épidémie et les moyens de s’en prémunir.
Ainsi Defoe s’interroge sur :
1- les statistiques des morts et fait remarquer qu’au départ le nombre de décès s’accroit mais que les cas sont attribués à différentes causes, fièvres, coliques etc. on ne reconnait pas la maladie, puis on la cache pour ne pas effrayer la population avec le mot « peste ».
2- les différentes formes de la maladie sans pouvoir toutefois distinguer clairement peste bubonique et peste pneumonique. Il comprend néanmoins que la maladie présente plusieurs aspects dont certains sont plus dangereux que les autres.
3- les mesures prophylactiques à adopter. Defoe fait un sort aux astrologues et fabricants de remèdes miracle, premières victimes de leurs prédictions et de leurs remèdes. Il comprend que le mal se propage par contact, sans bien sûr soupçonner le rôle des rats et des puces ; mais tous les chiens et chats ont été zigouillés dès le début de l’épidémie.
4- Defoe s’interroge longuement sur le bien-fondé d’une mesure qui a soulevé de nombreuses critiques à l’époque : le fait de consigner les familles chez elles en cas d’infestation. De fait, la mesure était particulièrement cruelle puisqu’elle condamnait pratiquement toute la famille à mourir de la peste. Surtout, souligne Defoe, elle a été inefficace car beaucoup d’habitants ont pu s’enfuir. D’autre par, des membres de la famille avant déclaration de la maladie ont pu diffuser le virus alors qu’ils se croyaient sains
5- la meilleure défense pour Defoe est la fuite à l’extérieur, mais rapidement des barrages ont été établis pour éviter que les Londoniens propagent la peste dans les campagnes. Il préconise aussi de s’enfermer chez soi avec des vivres et de limiter les contacts avec l’extérieur.
6- Defoe souligne le courage et l’efficacité des édiles qui ont réussi à approvisionner en nourriture la population et qui a combattu comme elle l’a pu l’épidémie.
7- Defoe parle de la détresse économique de la ville : artisans et ouvriers n’ayant plus de travail tombent dans la misère ; les navires anglais ne peuvent plus accoster dans les grands ports d’Europe.
Toutes ces considérations n’alourdissent pas un récit enlevé qui alterne moments terrifiants : les charrettes des morts déversant la nuit leur contenu dans les fosses communes au milieu des feux censés purifier l’air de la pestilence, des épisodes comiques comme le joueur de cornemuse ivre qui se réveille dans la charrette des morts ou romanesques avec les aventures d’un groupe fuyant la ville et que suit un temps l’auteur.
Hautement recommandable ! Very Happy

Mots-clés : #documentaire #historique #journal #mort #pathologie
par ArenSor
le Dim 12 Mai 2019 - 15:05
 
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Sujet: Daniel Defoe
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Daniel Defoe

Ah ben c'est qu'on se bidonne par ici ! pirat

J'en profite :

Tag documentaire sur Des Choses à lire Blackb10

Barbe Noire

Les Chemins de fortune, Histoire générale des plus fameux pyrates I

  Une anthologie de la piraterie ? Passé la très solide préface (de Michel Le Bris)qui a elle seule, s'intéressant à l'histoire du texte, avant et après publication, comme à l'auteur, tient déjà du roman d'aventure ou du presque fantastique et nous mets en état de lire la suite... On n'est mis tout de suite dans le bain. L'auteur doit se défendre de toute apologie et clamer le sérieux de ses sources avant d'attaquer par le menu les histoires des plus fameux pirates qui ont écumé les océans de Madagascar à Terre-Neuve en passant par les Caraïbes et l'Afrique Occidentale au début du XVIIIème siècle. Et une rapide synthèse des "parentés" entre équipages.

  De l'exotisme au menu donc. Et une série de récits portés sur l'énumération tous aussi édifiants et répétitifs les uns que les autres. Répétitif ça l'est et pourtant on ne se lasse pas vraiment, et on ne peut pas dire qu'un puissant souffle romanesque habite les pages, puisque le texte se veut documentaire. Certes quelques dialogues et quelques formes indirectes qui font travailler l'imaginaire...

  Mais pourquoi reste-t-on accroché à ce point ? Le schéma de base est le suivant : un équipage se mutine ou s'enfuit, il attaque d'autres bateaux et s'empare des marchandises de valeurs, voire du bateau lui-même et plus ou moins de gré ou plus ou moins de force une partie de l'équipage rejoint les pirates. Petite pause pour retaper les bateaux et les hommes et c'est reparti, jusqu'à constituer de petites flottilles de pirates qui n'hésitent pas à remonter les fleuves ou à attaquer des forts et des villes ! Plus ou moins cruels et filous les équipages se séparent, s'entretuent ou finissent par se faire coincer par des navires de guerre.

  Le bouquin aime bien raconter les procès faits aux pirates et leur absence de repentir ou le réveil d'une foi fervente à l'aube de la pendaison. Il est vrai qu'il y aurait de quoi faire des pages colorées avec ça entre les scènes de débauches ou de détresse les plus extrêmes, c'est que les erreurs de navigation et le manque d'eau douce ou de vivres ne sont pas rares.

  Le compte n'y serait pas encore. En effet notre auteur est assez retors, il suscite chez nous la fascination et un semblant de sympathie pour ces brutes de toutes nationalités et origines sociales. Ils nuisent au libre commerce des Anglais surtout, mais aussi des autres Espagnols, Portugais, Français mais pas seulement. Le commerce pas toujours légal des êtres humains se porte bien, les arrangements légaux divers aussi, les amnisties sont parfois bien pratiques... et le marin exploité n'est pas toujours le plus coquin et généralement pas le mieux nourri ou le mieux traité. Les volontaires pour tenter de changer de vie sont donc assez nombreux. Quelle vie alors ? Une égalité un peu rustique et parfois violente mais ou chacun aurait voix au chapitre. Des fois ça va mieux que d'autres et certains pirates semblent plus humains. On trouve aussi la tentation une fois fortune faite de se poser à terre pour profiter et vivre "normalement". (On observe aussi en filigrane et bien soulignée par la préface la question de la foi et de la liberté de culte qui a poussé à aller vivre à l'autre bout du monde une part non négligeable de "réformateurs" (je ne sais pas si le terme est juste et mes lacunes en histoire font le reste). ça tient aussi de l'étude de société alternative, de tentatives de sociétés alternatives.

 Le compte rendu est chronologique et il est amusant de suivre la progression du propos, plus lâche, la condamnation apparait moins lourde alors que les crimes sont de plus en plus barbares... et que les récits se rapprochent toujours plus de l'Europe et de l'Angleterre !

Cette somme attribuée au Capitaine Charles Johnson, ou pseudonyme pour Daniel Defoe est réputé être la principale source d'histoire (historique) et d'imaginaire pour ces pirates, mélangeant joyeusement les deux. Ce qui rend la chose encore plus particulière bien que l'effort documentaire sérieux semble avéré.

  Bizarre comme lecture, déroutant, étonnant, une sorte d'à côté du romanesque et d'à côté de l'historique, ou un docu-fiction avant l'heure et savamment tordu ?


Mots-clés : #criminalite #documentaire #historique
par animal
le Lun 8 Avr 2019 - 16:54
 
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Sujet: Daniel Defoe
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Joseph Ponthus

Du coup, me relisant pleine du sentiment d'être mesquine et facile juge, je me rends compte que c'est une littérature aussi très intéressante pour plonger dans la question de la légitimité. C'est, que j'aime ou pas le type qui raconte, une poignante illustration de ce que j'ai pu  vivre dans ma génération et dans ma vie : une variation très personnelle sur le sentiment de déclassement, de désir de s'intégrer, de cul entre deux chaises, du rôle de l'amour des mots et du dire dans la vie,  face au manque d'idéal intime, ou face à une identité fantôche, dumoins dérisoire, à extraire de la glaise à tout prix.
Touchant.

(A tous les coups quand j'aime pas ya des complexes dans l'air je vous dis;;Wink


Mots-clés : #autobiographie #documentaire #identite #mondedutravail #social #viequotidienne
par Nadine
le Dim 24 Mar 2019 - 12:37
 
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Sujet: Joseph Ponthus
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Joseph Ponthus

A la ligne

Tag documentaire sur Des Choses à lire 41-lgl10


"Dédicace
Ce livre
Qui est à Krystel et lui doit tout
Est fraternellement dédié
Aux prolétaires de tous les pays
Aux illettrés et aux sans dents
Avec lesquels j’ai tant
Appris ri souffert et travaillé
A Charles Trenet
Sans les chansons duquel je n’aurais pas tenu
A M.D.G
Et
A ma Mère"

Tout d’abord l’écriture, de la prose sous forme de poésie, pas de ponctuation tout « A la ligne » ; et j’ai trouvé que cela était une scansion  anarchique et originale.

C’est une incursion dans le milieu ouvrier, celui des usines, du travail à la chaine, le très dur travail physique auquel s’ajoutent les odeurs à s’habituer dans ce cas (usine de produits marins et abattoir) Le narrateur travaille en qualité d’intérimaire donc un travail aléatoire. Bien qu’il ait fait des études (hypôkhagne) il ne trouve pas de travail dans son métier et comme il faut gagner  « ses sous » pour vivre, il accepte toutes les missions  confiées par l’agence d’intérim.

Ces feuillets d’usine qu’il écrit le soir en rentrant chez lui c’est du temps de repos en moins alors qu’il sait que le lendemain matin il va en pâtir, mais c’est essentiel pour lui l’écriture.

A l’usine il y a les autres ouvriers ceux qui sont là depuis des années, qui seront encore là demain, ils souffrent comme lui, à tous les niveaux de la chaine, l’abattoir est un lieu fermé, pas une seule fenêtre pour égarer le regard alors pour tenir quand c’est trop dur il chante, des chansons de Charles Trenet, quand c’est possible ou dans sa tête, il invite les mots d’auteurs quand les faits s’y prêtent.
Il y a le secours à la pause du café et de la cigarette !

La pause :
« Trente minutes
C’est tout dire
La pointeuse est évidemment avant ou après le vestiaire
Suivant que l’on quitte ou prenne son poste
C’est-à-dire
Au moins quatre minutes de perdues
En se changeant au plus vite
Le temps d’aller à la salle commune chercher un café
Les couloirs les escaliers qui ne semblent jamais en finir
Le temps perdu
Cher Marcel je l’ai trouvé celui que tu recherchais
Viens à l’usine je te montrerai vite fait
Le temps perdu
Tu n’auras plus besoin d’en tartiner autant »


Parfois l’angoisse quand une longue mission est annulée pour problème mécanique ce qui veut dire pas d’argent !

« Le week-end n’a plus le même goût
Pas celui du repos avant la bataille
Pas de tonnes de bulots à travailler lundi pour deux mois
Assurés
Pas sûr de bosser la semaine prochaine »


A l’école il recevait son bulletin, à l’usine il a  un carnet où toute ton activité est portée et qui n’avoue pas sa fonction véritable, presser un peu plus le petit citron ouvrier.
« Si j’avais su
Vingt ans plus tôt
Sur les bancs de l’élite
Prétendue
Que le père Godot m’aiderait à en rire de tout ça
Vingt ans plus tard
De l’intérim
Des poissons panés
Du bulletin non-dit »


L’écriture lui étant essentielle il écrit ces « feuilles d’usine, il écrit à sa femme quand il part au travail et qu’elle rentrera plus tard, à sa mère (deux émouvantes lettres) il écrit sur son chien, il écrit…………

« Un texte
C’est deux heures
Deux heures volées au repos au repas à la douche et à la balade
Du chien
J’ai écrit et volé deux heures à mon quotidien et à mon
Ménage
Des heures à l’usine
Des textes et des heures
Comme autant de baisers volés
Comme autant de bonheur
Et tous ces textes que je n’ai pas écrits »


A sa femme :
[…]
Il y a qu’il faut le mettre ce point final
A la ligne
Il y a ce cadeau d’anniversaire que je finis de t’écrire
Il y a qu’il n’y aura jamais
Même si je trouve un vrai travail
Si tant est que l’usine en soit un faux
Ce dont je doute
Il y a qu’il n’y aura jamais
De
Point final
A la ligne »


Une pause dans le travail d’usine, il retrouve pour quelques semaines un  emploi  comme,  « personne ressource » auprès d’un centre de vacances pour handicapés,  plus adapté à son métier.

Période de fêtes, la cadence s’affole !

« On a gagné une guerre contre le bulot et nous-mêmes un
Vendredi 23 décembre 2016
Les deux jours de Noël seront les plus précieux du monde
Et les plus rapides
A peine le temps du repas de famille dominical
Qu’il faut rentrer après le café
Demain l’embauche est si tôt »
« A la prochaine
L’usine
A la prochaine
Les sous
Les sous à aller gagner racler pelleter avec les bras le dos les reins les dents serrées les yeux cernés et éclatés les mains désormais caleuses et  rêches la tête la tête qui doit tenir la volonté bordel
A la prochaine »


Je demande au chef combien de temps durera la mission
Il me répond
« Tant que tu seras  gentil »
Malgré les doigts coupés
Les jambes de bois
Le pied que j’ai failli perdre
L’abattoir vend du rêve
Et Kopa joue au ballon en rentrant de la mine
Et j’essaie d’écrire comme Kopa jouait au ballon
Allez Raymond
Je bois un coup à la santé de tes doigts coupés
De la main de Cendrars
De la tête d’Apollinaire
De mon pied sauvé par une coque de métal
Au bar des amputés des travailleurs des mineurs et des
Bouchers »


« Pas une sieste pas une nuit sans ces mauvais rêves de carcasses
De bêtes mortes
Qui me tombent sur la gueule
Qui m’agressent
Atrocement
Qui prennent le visage de mes proches ou de mes peurs les
Plus profondes »


A son chien Pok Pok :

« Si tu savais en rentrant chaque jour
Comme ça me coûte d’aller te promener
Mais en rentrant à chaque fois
La joie et même plus que la joie de te savoir derrière la porte
Vivant
A frétiller de la queue et du popotin
A faire cette fête des retrouvailles »


autres :

« Une soirée et une nuit belles
Comme la liberté volée
Ca n’a pas de prix »

« J’ai vu les horaires les planques et les moyens de sortir les trucs
Deux langoustes donc
Juste faites en rentrant hier avec un riz basmati tiède et de la mayo maison
C’est pas mal la langouste
Je ne vole rien
C’est rien que de la réappropriation ouvrière
Tout le monde le fait »


« A l’usine on chante
Putain qu’on chante
[….]
Et ça aide à tenir le coup
Penser à autre chose
Aux paroles oubliées
Et à se mettre en joie
Quand je ne sais que chanter
J’en reviens aux fondamentaux
L’internationale «

« Je sais que la première occurrence du mot crevette est chez Rabelais
Cela me plaît et se raccord aux relents gastriques de l’usine »
« Ca suffit à mon bonheur de la matinée
Me dire que j’avais dépoté des chimères »


Ce qui m’a intéressé c’est bien le rapport de l’homme et du travail, le poids de la souffrance physique dans ces lieux se compte en tonnes. Ces hommes sont surexploités ; des ouvriers se mettent en grève, il les rejoindrait bien s’il n’était pas intérimaire et ne risquait de perdre le boulot, comme il rejoindrait bien les copains de la ZAD Notre-Dame des Landes.  

Je n’aurais jamais pensé pouvoir lire un récit sur les abattoirs mais là (nonobstant le fait que je ne mange plus de viande depuis plus de 20 ans mais pas d’hypocrisie j’ai été carnivore avant) et que les détails ne sont pas ragoûtants,  j’ai lu ces « feuillets d’usine » comme un hommage aux ouvriers d’ usine.

C’ est vraiment un plaisir de découvrir le premier livre de cet auteur, un témoignage vibrant sur le travail en usine, à la chaine, et la particularité du travail intérimaire, statut précaire et donc angoissant  par le manque d’ assurance sur le lendemain.

Le rapport entre les hommes est aussi  intéressant , leur soutien malgré le peu de partage étant donné la vitesse à laquelle défile le travail à assumer, suffit d’une clope , d’un coup d’épaule, d’un regard.

C’était une lecture émouvante , utile  et que je vous engage à faire.


Mots-clés : #autobiographie #documentaire #identite #mondedutravail #social #viequotidienne #identité[/color]
par Bédoulène
le Sam 23 Fév 2019 - 20:51
 
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Sujet: Joseph Ponthus
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Etienne Davodeau

Rural!

Tag documentaire sur Des Choses à lire Proxy_66

Etienne Davodeau s'est immergé pendant un an dans l'entreprise de jeunes agriculteurs qui s'investissent dans la bio... et subissent les nuisances de la construction d'une autoroute à proximité de leurs terres.
Leur combat, leurs espoirs, leurs désillusions, plein d'humour et d'enseignement, un livre sympathique, à la Davodeau, quoi!




mots-clés : #bd #documentaire #ecologie #mondedutravail #ruralité
par topocl
le Lun 15 Oct 2018 - 15:22
 
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Sujet: Etienne Davodeau
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Léon Bonneff

Tag documentaire sur Des Choses à lire Bonnef11

Aubervilliers

Ah les petits éditeurs aux petits livres qui présentent bien... Alors on se laisse tenter, avec un titre comme ça et un œil rapide jeté à l'intérieur. La ou les préfaces (dont celle de Henri Poulaille) en disent plus long sur l'auteur et son frère. De la campagne vers Paris et ce choix d'écrire passant de la poésie à l'engagement. Ce destin, double avec ces deux vies volées par la guerre, est déjà par lui-même ce qu'on peut appeler une tranche d'histoire. Le travail et le témoignage que représente un livre comme Aubervilliers nous fait aller plus loin.

Plus brut que Zola, plus cru qu'Upton Sinclair, en laissant peut-être les faits imposer les conclusions plutôt que de les livrer précuites, Léon Bonneff nous emmène à travers Aubervilliers au début du siècle précédent. Dans sa fresque il ne semble oublier ni mépriser personne. Des vies dures, laborieuses que l'on découvre au fil des pages mais aussi des familles, des amitiés et le temps qui, simplement, passe.

La débrouillardise, la solidarité, la chaleur humaine, celle trouver par le jeune Breton auprès de la famille du Roussi, tout ça n'a pas l'air enjolivé, pas surestimé non plus. Autant de galère que de pittoresque probablement mais beaucoup de fragilité, et de force par là-même, par ces diffuses qualités humaines.

Le livre est beaucoup moins elliptique, il est même choquant. Les conditions de vie, la précarité, les conditions de travail de cette banlieue de laquelle se nourrit la grande ville. On ne sait plus vraiment où donner de la tête et l’enchaînement des scénettes documentaires est grisant mais l'objet est clair. Le progrès social, moral, est appelé avec la plus grande sincérité. Ce qui est troublant d'ailleurs c'est que l'on sent la portée historique du geste documentaire.

A la fois écœurante (industrie de la viande mais pas seulement, loin de là !) et vertigineuse expérience qui peut laisser plié en deux comme par quelques coups de poings à l'estomac, c'est quelque chose. A tel point que je suis surpris que ça puisse être si oublié. En tout cas je n'en avais jamais entendu parler...


mots-clés : #documentaire #historique #mondedutravail #social #viequotidienne
par animal
le Dim 30 Sep 2018 - 9:37
 
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Joseph Kessel

Hong-Kong et Macao

Tag documentaire sur Des Choses à lire Hong-k10

Récit d'un séjour effectué en 1955 par Kessel dans ces ultimes vestiges occidentaux subsistant dans l'Empire du milieu. La période était particulièrement intéressante : d'un côté, la vaste Chine depuis peu sous l'emprise de Mao ; de l'autre, ces territoires anglais (Hong-Kong) et portugais (Macao) où règnent la démesure et un libéralisme effréné. Là également sont venus se réfugier les notables de la Chine et les débris de l'armée de Tchang-Kaï-Chek.
Le récit vaut surtout par ce côté daté. L'auteur narre différentes anecdotes qui montrent les extrêmes contrastes qui règnent dans ces lieux à cette époque. Nous suivons ainsi l'ascension sociale du fondateur du fameux "Baume du tigre", le destin d'une femme chinoise qui sélectionne ses amants occidentaux pour avoir de "beaux bébés" et pouvoir les vendre. Kessel nous entraîne également dans les faubourgs sordides de Kowloon où se tapissent quelques tripots et fumeries clandestines d'opium.
Le dernier chapitre consacré aux enfants mendiants d'Asie est très touchant :

Je mis quelques pièces dans cette main qui se referma inconsciemment, innocemment, comme une fleur blessée.
Je pensais alors à ce que Dostoïevski faisait dire à l'un de ses personnages damnés :
- Tant qu'il y aura au monde un enfant, un seul enfant malheureux, je ne pourrai pas croire à Dieu...
Et, regardant la petite fille de Macao, j'ajoutai intérieurement :
- Encore moins aux hommes.


J'ai eu un peu de difficultés avec le style que j'ai trouvé parfois d'un lyrisme un peu appuyé. Je préfère pour ma part le ton plus sec et journalistique d'Albert Londres, mais c'est une question de goût. Je continuerai avec Kessel.  Smile


mots-clés : #documentaire #voyage
par ArenSor
le Dim 29 Juil 2018 - 14:33
 
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Sujet: Joseph Kessel
Réponses: 47
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