Des Choses à lire
Visiteur occasionnel, épisodique ou régulier pourquoi ne pas pousser la porte et nous rejoindre ou seulement nous laisser un mot ?

Après tout une communauté en ligne est faite de vraies personnes, avec peut-être un peu plus de liberté dans les manières. Et plus on est de fous...


Je te prie de trouver entre mes mots le meilleur de mon âme.

Georges Brassens, Lettre à Toussenot

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La date/heure actuelle est Mar 19 Mar - 10:42

147 résultats trouvés pour aventure

Nicolas Leskov

Le Voyageur enchanté

Tag aventure sur Des Choses à lire Le_voy12

(Il s’agit d’une traduction antérieure de Le Vagabond ensorcelé dont nous parlait Bix en début de fil.)
Ivan-Sévérianitch Flaguine raconte « son existence accidentée », de petit serf postillon qui tua malencontreusement un moine, jusqu’à en devenir un lui-même. C’est l’occasion d’une peinture de la Russie du XIXe, où la place du cheval est manifestement prépondérante, au cours d’une suite chronologique de péripéties. Ivan dit souvent s’être ennuyé, mais ses aventures pittoresques ramentoivent celles de don Quichotte. La relation de ses souvenirs n’est pas dénuée d’humour, ni de grotesque, et aussi d'un certain exotisme. Ainsi des Tatares des steppes s’affrontant en duel au fouet, ou lui introduisant des crins de cheval dans les pieds pour l’empêcher de marcher et s’enfuir.
Expert hippique, il a le don de jauger un cheval (mais ce colosse grinçant des dents les assomme quasiment pour les mater) et dévoile les ruses des maquignons (notamment des Tsiganes ; ses rapports avec eux rappellent les Nouvelles exemplaires de Cervantès).
Il y a quelques pointes de critique de la société (les fonctionnaires corrompus par exemple).
« Je remarquai alors qu’ils faisaient le signe de la croix et buvaient de l’eau-de-vie. "Plus de doute, me dis-je, ce sont des Russes !" »

À ce propos, un ivrogne :
« — ne méprise jamais personne, car nul ne peut savoir pourquoi quelqu’un est tourmenté par telle ou telle passion. Nous, les possédés, nous souffrons, mais les autres, par contre, l’ont plus douce. Et toi-même, si quelque passion te rend malheureux, ne t’en dépouille pas par un acte pur et simple de ta volonté, de peur qu’un autre individu ne la ramasse et n’en devienne à son tour victime, mais cherche quelqu’un qui consente à te débarrasser de cette faiblesse. »

Ivan dilapide l’argent de son barine pour une jeune et belle Tzigane, Grouchka (Grouchenka ; à rapprocher du personnage de Les Frères Karamazov, paru peu après ?) ; mais c'est "son" prince qui se ruine pour elle, qui l’aime et qui s'en lasse rapidement.
« — Il m’a aimée, commença-t-elle d’une voix sourde, — il m’a aimée, le monstre ; aussi longtemps que mon cœur est resté insensible à son amour, il n’a rien épargné pour me plaire, mais quand je me suis attachée à lui, il m’a abandonnée. »

Ivan la tue par une sorte de charité chrétienne comme elle voulait se suicider, et se fait moine, luttant contre les tentations diaboliques.
Contes étonnants qui peuvent faire penser à Gogol, à Boulgakov.
« — Quel tambour tu es, mon ami ! observa-t-il ; — on t’a battu, battu sans pouvoir venir à bout de toi. »


\Mots-clés : #aventure
par Tristram
le Mar 6 Fév - 10:58
 
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Sujet: Nicolas Leskov
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Jorn Riel

Un curé d'enfer et autres racontars

Tag aventure sur Des Choses à lire Un_cur10

Où on retrouve la même équipe dispersée au Groenland, pour de nouvelles aventures, certes loufoques, mais qui évoquent aussi un monde à la fois dur et attirant.
« Le vertigo polaire pousse lentement, et se construit selon le même schéma dans tous les cas connus. Les problèmes enflent et grossissent et étouffent à la fin leur victime au point qu’elle craque dans la grande crise libératrice du vertigo. Le vertigo en lui-même comporte un nombre abondant de variantes. Certains sont frappés d’une sorte de maladie du sommeil, où l’assoupissement permanent tient lieu de mécanisme protecteur contre les problèmes insolubles. Ceci est une forme assez bénigne que l’on peut observer chez des nourrissons qui ne sont pas à l’aise dans la vie. D’autres deviennent fous au sens le plus littéral du mot. Courent comme des insensés, hurlent comme des renards à la lune, cassent n’importe quoi, tirent sur tout ce qui bouge ; dans le même temps – ceci est commun pour tous – ils jurent, pleurent, rient et chantent des chansons cochonnes. Cette variante-là n’est pas préoccupante, il suffit de la laisser s’épuiser. La crise passe au bout de quelques jours, et celui qui en est la proie tombe dans un état d’épuisement d’où il se réveille avec une légère amnésie, clair et purifié.
Il y a aussi le cas bien connu des marcheurs solitaires. Des candidats au vertigo qui se mettent à marcher vers le sud à la chasse au bonheur, ou des gens qui s’installent dans une yole et commencent à ramer vers l’Islande. Ceux-là sont pénibles parce qu’il faut les suivre et les surveiller. À cette liste on peut ajouter une irrépressible envie de bisous-de-nègre, des exterminations intempestives de lièvres à trois pattes ainsi que de tenaces fantasmes féminins. »

« Parce que ni l’esprit missionnaire ni la Mission intérieure n’étaient plus ce qu’ils avaient été avant l’avènement de ce siècle. Des vents adoucissants avaient, avec le nouveau siècle, soufflé sur le mouvement de réveil religieux, et ce qui auparavant avait été si empreint d’un zèle répressif de toute joie était en train de se doter d’un visage plus positif et tolérant. Pour la direction supérieure, des fanatiques comme Pollesøn étaient donc devenus de vraies patates brûlantes. D’un côté, on ne pouvait pas sous-estimer ses mérites au Groenland, d’un autre côté, il ne fallait en aucun cas compromettre l’image en cours d’édification. »


\Mots-clés : #aventure #humour #nouvelle
par Tristram
le Dim 21 Jan - 11:10
 
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Sujet: Jorn Riel
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Miguel de Cervantes

Nouvelles exemplaires

Tag aventure sur Des Choses à lire Nouvel10

La Petite Gitane
C’est la jeune et belle danseuse Précieuse, qui exige du jeune gentilhomme tombé amoureux d’elle qu’il suive les coutumes des siens (au nombre desquelles le larcin) pendant deux ans avant de la conquérir.
« Ô puissante force de celui qu’on appelle le dieu délicieux de l’amertume (titre que lui ont donné notre oisiveté et notre négligence), avec quelle rigueur tu nous asservis ! Comme tu nous traites sans égards ! André est gentilhomme et jeune, et de bon entendement, nourri presque toute sa vie à la cour, choyé par ses riches parents ; un jour a suffi pour ce changement : voilà qu’il a dupé ses domestiques et ses amis, détrompé les espérances que ses parents avaient mises en lui, laissé le chemin de Flandres où il devait exercer la valeur de sa personne et accroître l’honneur de sa lignée, pour s’aller prosterner aux pieds d’une fillette et se faire son valet, car pour belle qu’elle fût, enfin elle était gitane… Privilège de la beauté qui tire à soi et par les cheveux et à rebrousse-poil la volonté la plus franche ! »

Devenu le gitan André Caballero, don Juan ne parvient cependant pas à accepter de voler. Un « page-poète » qui avait donné ses romances à Précieuse réapparaît, et inquiète André jaloux. Celui-ci échappe à un danger mortel comme, fort conventionnellement et sans surprise, Précieuse se révèle bien née et retrouve ses parents pour lui être mariée.

L'Amant libéral
Richard, un chrétien captif des Turcs à Nicosie (de même que Cervantès l’a été à Alger), fut ravi par une galiote, et son amour Léonise par une autre. En partie grâce à son ami Mahamoud, mais surtout à cause de l’entretuerie de leurs ravisseurs qui les convoitent à leur propre usage, ils recouvreront la liberté et s’uniront. Là encore le happy end de rigueur n’est pas une surprise pour le lecteur.
À noter le rôle effacé de Cornelio, rival de Richard, un peu comme il en était du « page-poète » dans la nouvelle précédente.

Rinconete et Cortadillo
Rincon et Cortado sont deux jeunes picaros, des voyous poursuivant leurs aventures au sein d’une confrérie sévillane qui pratique l’argot (et le galimatias), organisée avec une méthode hiérarchique et protocolaire. Un regard teinté d’humour sur le milieu des mauvais garçons, déjà corporatif voilà quatre siècles : un témoignage historique, presque ethnographique, notamment sur la langue jargonnière.

L'Espagnole anglaise
Le gentilhomme Clotalde ramène en Angleterre la petite Isabelle, enlevée lors de la bataille de Cadix. Elle est élevée dans cette famille secrètement catholique avec le fils, Ricarède, qui en tombe amoureux. La reine Élisabeth l’envoie guerroyer pour mériter de l’épouser (et accroître ses propres richesses) ; il vainc les Turcs qui avaient arraisonné un riche vaisseau portugais, libère leurs captifs chrétiens, et ramène à Londres les parents d’Isabelle, qui étaient du nombre (ainsi que le butin). Surgit le comte Arnest, rival de Ricarède auprès d’Isabelle, et sa mère empoisonne celle-ci, qui survit fort enlaidie. Mais Clotalde et sa femme Catherine décident de lui substituer l’épouse originellement prévue pour leur fils. Isabelle et ses parents retournent en Espagne, où ils rétablissent leur crédit de marchands grâce à la générosité d’Élisabeth ; elle, qui a recouvré sa beauté, attend Ricarède, qui lui a promis de la rejoindre dans les deux ans.
« Bref, elle ne connut aucune des fêtes de Séville : elle était tout entière à son recueillement, à ses oraisons, à ses honnêtes rêveries. Elle attendait Ricarède. »

Celui-ci est donné pour tué par Arnest, mais il a survécu, captif des mores, et réapparaît comme Isabelle allait prendre le voile…
Ce texte, sur fond de guerre de Religion (tant les Anglais ne semblent point être considérés comme chrétiens), montre à l’évidence la nouvelle approche littéraire introduite par Cervantès, qui permettra par exemple les romans de Victor Hugo et d’Alexandre Dumas père (et fils) : des intrigues pleines d’aventures et de ressorts, du suspense au pathos, dans des mélodrames qui font rêver le lecteur.

Le Licencié de verre
Histoire plaisante de celui qui, empoisonné, survécu mais devint fou, se croyant de verre. Pérorant en public, il joue bouffonnement sur les mots.

La Force du sang
À Tolède, Rodolphe a enlevé Léocadie. Un enfant naît du viol, mais celui-ci permettra leur mariage, à la satisfaction générale…
« Sache, ma fille, qu’une once de déshonneur public blesse plus qu’une arrobe d’infamie secrète. Tu peux vivre en public honorée et avec Dieu : ne t’afflige point d’être en secret, avec toi-même, déshonorée. »

« L’intention de ses grands-parents était de le faire vertueux et savant, puisqu’ils ne pouvaient le faire riche : comme si la sagesse et la vertu n’étaient pas les richesses sur quoi n’ont nulle juridiction les voleurs ni cela qu’on appelle Destin. »

Le Jaloux d'Estrémadure
Un aventurier parcourt lui aussi l’Espagne, l’Italie et les Flandres, mais également le Pérou.
« Se voyant donc si dépourvu d’argent et autant que d’amis, il recourut au remède où finissent par recourir tous les garçons perdus, qui est de s’embarquer pour les Indes, refuge ordinaire des Espagnols désespérés, église des banqueroutiers, sauf-conduit des homicides, paravent de ces brelandiers que les habiles connaissent pour pipeurs, appeau des femmes libres, salut particulier d’un petit nombre et leurre commun du plus grand. »

Devenu riche et vieux, il épouse une jeune innocente qu’il croître jalousement à Séville. (Là encore, on découvre les coutumes du temps, comme l’esclavage.)
« …] il acheta aussi quatre esclaves blanches et les marqua au fer rouge sur le visage, et deux négresses fraîchement débarquées d’Afrique. »

Un jeune homme parvient à pénétrer chez lui, et la duègne rapproche les deux jeunes gens. Mais le mari découvre la vérité, pardonne et meurt.

L'Illustre Laveuse de vaisselle
« Carriazo pouvait avoir treize ans lorsque, mené par quelque inclination picaresque, sans qu’aucun mauvais traitement de ses parents l’y obligeât, rien que pour son plaisir et sa fantaisie, il s’arracha, comme disent les jeunes gens, à la maison paternelle et s’en fut par le vaste monde si content de la vie libre que, au milieu des incommodités et misères qu’elle entraîne après soi, il ne regrettait point la demeure de son père, et ne se sentait fatigué de marcher, offensé du froid, ni incommodé de la chaleur [… »

(Il semble qu’un picaro soit un coquin, un truand.) Carriazo engage le jeune Avendaño à la vie picaresque dans les madragues à thons (et fripons) ; en chemin, le cadet veut voir l’écureuse tant vantée d’une posada de Tolède, Constance, et s’en éprend. Plusieurs péripéties annexes se déroulent en épisodes aux accents lyriques et humoristiques, avec un aperçu des danses populaires (de la turba multa), tandis que Carriazo se fait porteur d’eau avec un âne. Il s’avère que Constance est la fille d’une noble et riche dame qui accoucha incognito à l’auberge, pélerine de passage se prétendant hydropique. C’est don Diègue, le père de Carriazo, qui l’abusa, et la donne en mariage à Avendaño.

Les Deux Jeunes Filles
Elles fuient, déguisées en hommes que dénonce la beauté de leur noble origine, et se rencontrent : Théodosie a été abandonnée par Marc-Antoine, et Léocadie aussi de son côté, mais celle-ci sans consommation charnelle. Elle a été dévalisée par les bandouliers, et se confie à Théodosie : les deux jeunes filles sont rivales dans leur jalousie. Don Rafael, le frère de Théodosie, à qui elle s’est confiée sans le reconnaître dans l’obscurité d’une chambre d’auberge, s’éprend de Léocadie tandis qu’ils poursuivent Marc-Antoine, et le retrouvent en plein combat entre les soldats des galères et les gens de Barcelone. Il est blessé, se déclare l’époux de Théodosie, et Léocadie épouse don Rafael, suspendant de justesse le combat des trois pères qui allaient s’entretuer. Histoire particulièrement abracadabrante !

Madame Cornélie
« Don Antonio de Isunza et don Juan de Gamboa, tous deux gentilshommes, du même âge, gens d’esprit et grands amis, déterminèrent, étant étudiants à Salamanque, de laisser là les études et de se rendre en Flandres où les appelaient le bouillonnement de leur jeune sang et le désir, comme l’on dit, de voir du pays. »

Cependant, suite à cet incipit, la paix en Flandres les incite à rentrer en Espagne, passant par l’Italie (la France n’est pratiquement jamais évoquée dans le recueil). Ils reprennent leurs études à Bologne, et tentent d’approcher « la dame Cornélie Bentibolli, de l’antique et généreuse famille des Bentibolli ».
« Sa renommée donnait à don Juan et à don Antonio de grands désirs de la voir, fût-ce à l’église. Mais les efforts qu’ils y firent demeurèrent vains, et l’impossibilité, couteau de l’espérance, fit décroître leur désir. »

L’un des Espagnols recueille un bébé, l’autre vient en aide à qui se révélera être le duc de Ferrare, aux prises avec les hommes du frère de Cornélie, et recueille une femme éplorée, celle-ci même qui vient d’accoucher, évidemment Cornélie. Tout sera bien qui finit bien, comme toujours, et ce malgré une « bourde » (plaisanterie, farce) assez incongrue.

Le Mariage trompeur
L’enseigne Campuzano rencontre le licencié Peralta et lui narre comme il relève d’une maladie vénérienne transmise par la femme qui l’a berné pour l’épouser, et surtout le dépouiller.
« Mais de quelle couleur et en quel état vous voilà ? »

Il paraît qu’en Syrie on se salue en demandant "quelle est ta couleur ?", et il y a peut-être un rapprochement à faire, d’autant que les influences arabes sont nombreuses en l’Espagne du XVIIe (comme le port du voile).
« Enfin, pour en revenir au fait de mon roman (on peut bien donner ce nom à l’histoire de mes aventures), j’appris que doña Stéphanie était partie avec ce cousin qui avait assisté à ses noces et qui, depuis belle lurette, était son doux ami. »

Le Colloque des chiens
Celui-ci est inséré à la suite du précédent récit, et prend place comme Campuzano, pris de fièvre à l'hôpital, surprend un dialogue entre Berganza et Scipion, deux chiens qui viennent de recevoir la capacité de parler, se racontent leur existence. Appartenant d’abord à un voleur d’abattoir, Berganza devint chien de berger, puis se choisit des maîtres à Séville.
« …] la plus belle fille du monde ne peut donner que ce qu’elle a. »

Première occurrence de cette expression ? De même, « reviens à tes moutons » et « l’oisiveté, racine et mère de tous les vices » ; d’ailleurs les deux chiens font référence à la littérature du temps, et leur conversation farcie de proverbes et aphorismes est moralisatrice en s’efforçant d’éviter de médire, sur le mode plaisant. Ils dénoncent la subornation des agents de l’autorité, et renseignent sur les coutumes de l’époque. Devenu chien savant, Berganza aura notamment affaire à une sorcière, dont il dénonce l’hypocrisie.
« Qui donc a fait cette vieille si discrète et si méchante ? D’où sait-elle la différence des maux par accident et des maux par coulpe ? Comment entend-elle et parle-t-elle tant de Dieu et œuvre-t-elle tant du diable ? Comment pèche-t-elle avec tant de malice et sans l’excuse de l’ignorance ? »

Puis il aura affaire à des gitans, un morisque (apparemment plus juif que more), un poète, des comédiens.

La Tante supposée
Claudia a trois fois vendu pour vierge la jeune Espérance, à chaque fois recousue « au fil de soie rouge ». Deux étudiants de Salamanque lui donnent la sérénade, et une fois encore la supercherie sera découverte à cause d’une duègne corrompue.

Lecture un peu fastidieuse, qui vaut pour la découverte des mœurs de l’époque, et surtout des origines du roman tel qu'il se développera en Occident.

\Mots-clés : #aventure #documentaire #nouvelle
par Tristram
le Jeu 11 Jan - 11:55
 
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Sylvain Prudhomme

Par les routes

Tag aventure sur Des Choses à lire Par_le10

Sacha, le narrateur, dans la quarantaine, a quitté Paris pour s’installer à V. afin de commencer une nouvelle existence, d’écriture solitaire. Mais très vite il retrouve « l’autostoppeur », ami perdu de vue depuis près de vingt ans.
« J’ai pensé à l’autostoppeur. À cette fable qui m’était un jour revenue, juste avant que je lui demande de sortir de ma vie : le pot de fer qui ne veut pas de mal au pot de terre, qui lui veut même sincèrement du bien, et qui pourtant, d’un faux mouvement, le réduit en miettes. Le pot de terre qui un jour, d’avoir trop frayé avec le pot de fer, se brise.
Il y a deux options face au destin : s’épuiser à lutter contre. Ou lui céder. L’accepter joyeusement, gravement, comme on plonge d’une falaise. Pour le meilleur et pour le pire. »

Cet autostoppeur compulsif part souvent à l’aventure, quoique marié à Marie avec un fils, Agustin ; il se limite à la France, recherche surtout la rencontre de hasard, fait des polaroids de ses « autostoppés ».
« Moi j’ai besoin de partir. C’est nécessaire à mon équilibre. Si je reste trop longtemps sans partir j’étouffe. »

« C’était comme s’il avait toujours besoin que sa trajectoire en frôle d’autres. Comme si son appétit, sa curiosité, sa faim lui rendaient viscéralement impossible de renoncer à la multitude des rencontres possibles. Peut-être avait-il, plus qu’un autre, conscience de la foule de vivants lancés en même temps que lui dans la folie de l’existence. Peut-être percevait-il avec plus d’acuité leur présence autour de lui, pareillement occupés à vivre, à aimer, à mourir. »

C’est un ancien colocataire à la fac, avec qui il partait « sur les routes deux mois par an l’été ». Marie, traductrice, s’habitue à ses absences ; bien sûr, elle s’éprend de Sacha et réciproquement (c’est inévitablement comme ça dans toutes les histoires, rapprochements qui se rencontrent aussi dans l’existence, au gré des circonstances).
Puis l’autostoppeur, s’écarte des autoroutes, et visite des hameaux, dont il envoie des cartes postales. Marie le retrouve par hasard dans le Nord, mais le laisse seul. Sacha, elle et Agustin vivent ensemble, recevant des nouvelles de leur « envoyé spécial », qui ne rompt l’attachement que progressivement. L’autostoppeur revient, le temps d’emmener Sasha pour un voyage (en stop) au petit village d’Orion, puis disparaît. Enfin, ils reçoivent une invitation à un week-end de camping à la campagne près d’un hameau appelé Camarade, où sont conviés tous les « automobilistes » de l’autostoppeur, et où ce dernier n’apparaîtra pas.
Histoire qui m’a paru un peu longue, mélancolique, et qui évoque originalement le voyage et les départs, et les rencontres de hasard.
(@Topocl : encore touché (pour les souvenirs de stop), mais pas encore coulé !)

\Mots-clés : #amitié #amour #aventure #voyage
par Tristram
le Ven 29 Déc - 15:43
 
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David Grann

La Cité perdue de Z – Une expédition légendaire au cœur de l’Amazonie

Tag aventure sur Des Choses à lire La_cit10

Le colonel Percy Harrison Fawcett est disparu en 1925 lors d’une expédition amazonienne, parti à la recherche d’une cité perdue. Il avait déjà, en 1906-1907, établi une cartographie de la frontière entre le Brésil et la Bolivie pour la Société royale de géographie. Intrépide et apparemment invincible, il multiplie les explorations du proverbial « enfer vert » – finalement l’image ne me paraît pas totalement erronée, surtout vécue dans les conditions de l’époque. Quoique empêtré dans ses convictions victoriennes élitistes et racistes, il ne se borne pas à suivre les principaux cours d’eau mais s’enfonce à pied en forêt, et approche ainsi des tribus indiennes inconnues, dont il reconnaît la culture et le savoir-faire (en bref des civilisés) dans une approche qui annonce l’anthropologie moderne.
Mais c’est le mythique El Dorado des conquistadors qui obsède surtout Fawcett, qu’il appelle la cité perdue de Z.
En 1911, Hiram Bingham découvre les ruines incas de Machu Picchu. En 1913/1914, l’ex-président Théodore Roosevelt et Cândido Rondon, orphelin d’origine indienne devenu le colonel brésilien qui fondera le Service de protection des Indiens, explorent la rivière du Doute.
Pour son ultime expédition, Fawcett a été approché par le colonel T. E. Lawrence, mais préfère emmener son fils Jack et l’ami de ce dernier, Raleigh ; il manque de fonds, est devenu adepte du spiritisme et craint d’être devancé, cependant ils parviennent à partir dans le Mato Grosso. Fawcett emporte une idole de pierre, cadeau de Henry Rider Haggard (auteur de Les Mines du roi Salomon et She)…
David Grann, journaliste néophyte en la matière, raconte comment il suit ses traces en 2004 pour enquêter sur le terrain (comme tant d’autres, dont des dizaines ne revinrent jamais) ; il expose comme les dernières recherches archéologiques rendent compte d’une société qui a su se développer dans ce milieu avant d’être éradiquée par les maladies importées.
Brian, le fils cadet de Fawcett, présente les carnets de route et journaux intimes de son père dans Le continent perdu. Sir Arthur Conan Doyle, ami de Fawcett, fait de son histoire le cadre de son roman Le Monde perdu. J’ai eu une pensée pour Les Maufrais (père et fils). Autant de livres qui alimentèrent mon imaginaire depuis l’adolescence...

\Mots-clés : #amérindiens #aventure #biographie #contemythe #historique #lieu #nature #portrait #voyage
par Tristram
le Mar 5 Déc - 11:36
 
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Sujet: David Grann
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Franz Hellens

Mélusine ou la robe de saphir

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Le narrateur accompagne Mélusine en Afrique (en fait il la suit, car elle est toujours devant), et la première péripétie de leur pérégrination est la découverte d’une cathédrale dans le désert, qu’ils tentent vainement d’escalader.
« Elle porte une robe bleue, d'une seule pièce, taillée dans le saphir et dont la forme simple flotte et s'allonge avec des plis ciselés. Sa tête brune oscille sur un cou souple, ses bras sont deux clartés de marbre qui ondulent et, comme toujours, elle est heureuse de marcher, car elle est la lumière et le mouvement. »

Beaucoup de renvois ou au moins de rapprochements s’effectuant dans la sphère artistique ; ainsi, évocation d’un tableau de Modigliani ?
« À terre, dans un tub à bord roulé, une femme prenait son bain. Son corps jaune et luisant était composé de pièces cimentées. Sur les épaules rondes et trapues la tête était figurée par un simple ovale incliné, dont l'équilibre, doublé par celui de l'image réfléchie dans le bassin, semblait tenir à cet appareil de forces symétriques. Au nid de l'aisselle du bras qu'elle tenait replié, le sein était marqué par un cône souligné d'un trait noir ; l'autre bras, relevé, soutenait le casque d'une pesante chevelure où la main semblait prise. Comme la baigneuse posait un genou dans l'eau, le ventre bombait entre le torse et la cuisse son hémisphère, où l'œil creux du nombril semblait rêver.
Surprise par notre entrée, comme Suzanne au bain, elle ne bougeait pas. Pourtant elle ne paraissait nullement embarrassée ; bien qu'ils fussent absents du visage, je me figurais ses grands yeux en amandes qui nous regardaient sans cligner, son nez taillé en triangle et ses lèvres d'une finesse aristocratique idéale. S'il s'était dressé soudain, le corps apparemment inerte se serait grandi jusqu'au plafond et ses rondeurs puissantes comme par miracle se seraient assouplies dans la plus parfaite harmonie. »

Une curieuse scène de mécanique, où des humains imitent des machines, leurs « maîtres » :
« Plus on avançait vers le fond de la salle et plus la vitesse des machines s'accélérait. Les bielles tournaient avec une feinte maladresse dont la reproduction exacte accusait bientôt une étonnante sûreté. Des cylindres métalliques, des cubes, des sphères et des losanges s'élevaient, avançaient, s'arrêtaient tout d'un coup, retombaient morcelés, s'enchevêtraient sans se troubler, formant un dessin mille fois rompu et renoué, d'une harmonie indestructible, sans cesse renouvelée. Chaque machine figurait en même temps le nombre et l'unité. Leurs formes nettement découpées offraient des rondeurs et des aspérités qui s'emboîtaient dans une rumeur de chocs et de murmures. »

Entr’autres influences (telle celle d’Hoffmann et ses chats), il m’a semblé reconnaître une image de Poe :
« Mais je n'apercevais que les plis des murs inconsistants. »

Le monde moderne est présent avec la technique (assez futuriste pour l’époque), et le narrateur (plutôt gauche, et jaloux des personnages qu’ils rencontrent – Nilrem, Locharlochi, Torpied-Mada, qui sont peut-être de connivence, ou le même ingénieur qui subtilisa la robe de Mélusine pour en faire le saphir au chaton de sa bague) se montre plus terre-à-terre et rationnel que Mélusine, mouvement et lumière, vertige et caprice, qui le lui reproche (et se détache progressivement de lui).
« Le bourdonnement de la ville, comme d'une scie mécanique se déroulant sous nos fenêtres, parvenait jusqu'à nous. Une abeille qui entrait le couvrit un moment tout entier. »

Le narrateur projette un Comité de la cathédrale afin de l’étudier, mais Mélusine le dissout ; de même, sa tentative de recouvrer le saphir avec l’aide du détective Œil-de-Dieu échoue grotesquement.
« Mon rêve est comme une pelote de velours où viennent se planter les impressions de la route. »

Le bain de Mélusine, qui semble y trouver sa nature de sirène :
« La salle s'enfermait dans une intimité étroite. Un paradis en cube, isolé du monde, cadenassé de volupté. Le nu y régnait comme un marbre portant des fruits mûrs. Je regardai les seins mouillés de Mélusine, ses épaules émergeant des cheveux répandus, les courbes tendres de ses bras. À hauteur de ceinture, la surface de l'eau partageait son corps blanc. On l'eût dit tranché par une fine lame de verre séparant deux fractions divergentes ; car, si le haut du corps s'affirmait en masses définies et sûres, les jambes et le ventre au contraire avaient l'air de s'évanouir, entraînées par l'eau vague.
Au plafond, les gouttes durcies ressemblaient à des clous de cristal. Le torse de Mélusine pivotait sur sa base instable, on pouvait toucher la chair, mais les cuisses et le ventre demeuraient la part du liquide. Seules s'animaient les mains librement et commandaient à l'eau. »

Onirique et surréaliste (j’ai songé à la Nadja de Breton), cette fantasmagorie où surgissent nombre de spectacles (cirque, fête foraine, etc.) m’a ramentu Raymond Roussel, qui l’a peut-être inspirée. Cela m’a aussi évoqué Jacques Abeille, et bien d’autres auteurs de la veine de l’enchantement merveilleux, même si son rendu fabuleux renouvelle la légende de façon originale.

\Mots-clés : #aventure #fantastique #reve
par Tristram
le Sam 11 Nov - 12:03
 
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Sujet: Franz Hellens
Réponses: 5
Vues: 193

Cecil Scott Forester

Aspirant de marine

Tag aventure sur Des Choses à lire Aspira10

Premier volume du cycle Horatio Hornblower selon la chronologie du héros, et non la date de publication.
Horatio, âgé de dix-sept ans, embarque un temps sur le Justinian (juste le temps de montrer son courage de timide qui est bon en mathématiques et a le mal de mer), puis sur l’Indefatigable, une frégate qui donne la chasse aux navires français dans le golfe de Gascogne. L’action se situe peu après la Révolution française : l’Angleterre est en guerre avec la France. Assez vite aussi, il quitte la frégate pour prendre le commandement de l’équipage de prise de la Marie-Galante, brick français qui coule peu après. Ayant quitté le bord sur le canot, ils sont pris par le Pique, un corsaire français, auquel Horatio met le feu comme apparaît l’Indefatigable, qu’il regagne. Il participe activement à la prise du Papillon, corvette mouillée dans l’estuaire de la Gironde. Ils passent à l’abordage d’un autre navire français, tandis qu’Horatio sert un pierrier sur la hune du mat d’artimon, qui est fauché par des boulets. À bord de la Sophia, au départ de Plymouth, il est interprète dans le convoi d’une armée française royaliste partant en expédition en Bretagne, dont la tentative échoue. Dans une escarmouche avec des galères espagnoles (l’Espagne s’est ralliée aux Républicains français), Horatio en capture une en l’assaillant avec le canot qu’il commande. Puis il parvient à échouer un brûlot espagnol qui menaçait la rade de Gibraltar. Ensuite, il ramène d’Oran surprise par la peste une cargaison d’orge et de cheptel sur le brick-transport la Caroline, afin de ravitailler la flotte rationnée à cause du blocus européen – non sans capturer un lougre, garde-côte espagnol. Il ramène à Gibraltar le Rêve, un sloop capturé, dont il doit assurer le commandement pour le ramener en Angleterre – avec la duchesse de Wharfedale ; celle-ci est en fait une actrice, mais lui est fait prisonnier des Espagnols – et promu lieutenant pendant sa captivité (il a dix-huit ans) ; plus fort, il sauve des marins espagnols, ce qui lui vaudra sa libération. Ces dernières péripéties constituent le point d’orgue de ce palpitant roman d’aventures.
Succession rapide d’épisodes d’action, qui n’empêche pas un aperçu de la vie sur les bâtiments de ligne au XVIIIe siècle (avec le vocabulaire de la marine à voile). Le personnage d’Horatio est attachant, jeune homme s’efforçant sans cesse de se maîtriser et d’apprendre en respectant ses propres valeurs de courage et de rigueur.
« Il était de ce type d’homme qui eût continué à observer et à s’instruire sur son lit de mort. »


\Mots-clés : #aventure #guerre #historique #merlacriviere
par Tristram
le Mar 3 Oct - 12:28
 
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Sujet: Cecil Scott Forester
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João Guimarães Rosa

Diadorim

Tag aventure sur Des Choses à lire Captur85

Le titre original est Grande Sertão : veredas. Le sertão désigne les vastes régions semi-arides de l’intérieur du Brésil, où une population clairsemée vit surtout de l’élevage ; les chapadas, plateaux désertiques, sont parsemées de veredas, verdoyantes dépressions où l’eau se concentre, et donc la vie.
Riobaldo, surnommé Tatarana, ancien jagunço devenu fazendeiro (propriétaire d’une fazenda, ou vaste ferme), évoque devant le narrateur sa vie passée dans le sertão (les jagunços sont les hommes de main des fazendeiros, vivant en bandes armées et se livrant au brigandage, aussi considérés comme des preux).
« Vous le savez : le sertão c’est là où est le plus fort, à force d’astuces, fait la loi. Dieu lui-même, quand il s’amènera, qu’il s’amène armé. Et une balle est un tout petit bout de métal. »

« J’ai ramé une vie libre. Le sertão : ces vides qu’il est. »

« Le sertão est bon. Tout ici se perd ; tout ici se retrouve… disait le sieur Ornelas. Le sertão c’est la confusion dans un grand calme démesuré. »

Le sertão est hostile, mais a ses beautés, et les descriptions qui en sont données constituent un intérêt supplémentaire. À ce propos, l’emblématique buruti, c’est le palmier-bâche qui vit les pieds dans l’eau, le bem-te-vi, c’est le quiquivi, oiseau également fréquent en Guyane.
Riobaldo, comme beaucoup, ne connaît pas son père (en fait, à la mort de sa mère, il est recueilli par son parrain, qui serait son géniteur).
« L’homme voyage, il fait halte, repart : il change d’endroit, de femme – ce qui perdure c’est un enfant. »

Riobaldo parle de ses pensées qui l’obsèdent à propos du démon (qui a d’innombrables noms, dont « celui-qui-n’existe-pas ») : peut-on faire pacte avec lui ? Il parle aussi de Diadorim, son ami et amour, et des femmes qu’il aime. Il digresse, reprend le fil de son monologue : il évoque leur lieutenant, Medeiro Vaz, qui brûla sa fazenda, éparpilla les pierres de la tombe de sa mère pour aller mener une guerre de justice dans les hautes-terres, et leurs ennemis, les deux Judas félons (Hermὀgenes, protégé des enfers, et Ricardo) qui ont tué Joca Ramiro (père de Diadorim), et les soldats qui les combattent, et Zé Bebelo, stratège enjoué qui rêve de batailles et d’être député, puis remplace Medeiro Vaz à sa mort (et de qui Riobaldo fut percepteur, avant d’être dans le camp adverse, ce qui le tourmente). Car ce dernier narre dorénavant son existence depuis son enfance : comment il rencontra Reinaldo et fut séduit (ses amours sont plus généralement féminines, notamment la belle Otacilia, ou encore Norinha), Reinaldo qui lui confie s’appeler Diadorim.
À propos de la sensualité féminine, un passage qui rappelle Jorge Amado dans ses bonnes pages :
« L’une d’elles – Maria-des-Lumières – était brune : haute d’un huitième de cannelier. La chevelure énorme, noire, épaisse comme la fourrure d’un animal – elle lui cachait presque toute la figure, à cette petite mauresque. Mais la bouche était le bouton éclos, et elle s’offrait rouge charnue. Elle souriait les lèvres retroussées et avait le menton fin et délicat. Et les yeux eau-et-miel, avec des langueurs vertes, à me faire croire que j’étais à Goïas… Elle avait beaucoup de savoir-faire. Elle s’occupa aussitôt de moi. Ce n’était pas qu’une petite péronnelle.
L’autre, Hortense, une très gentille oiselle de taille moyenne, c’était Gelée-Blanche ce surnom parce qu’elle avait le corps si blanc ravissant, que c’était comme étreindre la froide blancheur de l’aube… Elle était elle-même jusqu’au parfum de ses aisselles. Et la ligne des reins, courbes ondulantes d’un ruisseau de montagne, confondait. De sorte que sa longueur exacte, vous n’arriviez jamais à la mesurer. Entre elles deux à la fois, je découvris que mon corps aussi avait ses tendretés et ses duretés. J’étais là, pour ce que je sais, comme le crocodile. »

Ce qui vaut surtout, c’est le monologue noté par son auditeur :
« Nous vivons en répétant, et bon, en une minime minute le répété dérape, et nous voilà déjà projetés sur une autre branche. »

Son récit décousu se commente lui-même, et sans doute l’auteur s’exprime-t-il lui-même par moments :
« Je sais que je raconte mal, je survole. Sans rectifier. Mais ce n’est pas pour donner le change, n’allez pas croire. […] Raconter à la suite, en enfilade, ce n’est vraiment que pour les choses de peu d’importance. De chaque vécu que j’ai réellement passé, de joie forte ou de peine, je vois aujourd’hui que j’étais chaque fois comme s’il s’agissait de personnes différentes. Se succédant incontrôlées. Tel je pense, tel je raconte. […] Et ce que je raconte n’est pas une vie d’homme du sertão, aurait-il été jagunço, mais la matière qui déborde. »

Riobaldo n’a jamais connu la peur, mais…
« Je sentis un goût de fiel sur le bout de ma langue. La peur. La peur qui vous coince. Qui me rattrapa au tournant. Un bananier prend le vent par tous les bords. L’homme ? C’est une chose qui tremble. Mon cheval me menait sans échéance. Les mulets et les ânes de la caravane, Dieu sait si je les enviais… Il y a plusieurs inventions de peur, je sais, et vous le savez. La pire de toutes est celle-ci : qui d’abord vous étourdit, et ensuite vous vide. Une peur qui commence d’emblée par une grande fatigue. Là où naissent nos énergies, je sentis qu’une de mes sueurs se glaçait. La peur de ce qui peut toujours arriver et qui n’est pas encore là. Vous me comprenez : le dos du monde. […] Je n’y arrivais pas, je ne pensais pas distinctement. La peur ne permettait pas. J’avais la cervelle embrumée, la tête me tournait. Je bus jusqu’à la lie le passage de la peur : je traversais un grand vide. »

« La peur manifeste provoque la colère qui châtie ; c’est bien tout ce à quoi elle sert. »

Le ton est celui du langage populaire, volontiers proverbial, traversé de fulgurances condensées voire lapidaires, très inventives et souvent poétiques, à l’encontre d’une rédaction rationnelle et claire. Allers-retours dans le temps de la remémoration (étonnamment riche, précise et détaillée), à l’instar des chevauchées et contre-marches de la troupe.
« Veuillez m’excuser, je sais que je parle trop, des à-côtés. Je dérape. C’est le fait de la vieillesse. Mais aussi, qu’est-ce qui vaut et qu’est-ce qui ne vaut pas ? Tout. Voyez plutôt : savez-vous pourquoi le remords ne me lâche pas ? Je crois que ce qui ne le permet pas c’est la bonne mémoire que j’ai. »

« Ah, mais je parle faux. Vous le sentez ? Si je démens ? Je démens. Raconter est très, très laborieux. Non à cause des années, passées depuis beau temps. Mais à cause de l’habileté qu’ont certaines choses passées – à faire le balancier, à ne pas rester en place. Ce que j’ai dit était-il exact ? Ça l’était. Mais ce qui était exact a-t-il été dit ? Aujourd’hui je crois que non. Ce sont tant d’heures passées avec les gens, tant de choses arrivées en tant de temps, tout se découpant par le menu. »

« Non, nenni. Je n’avais aucun regret. Ce que j’aurais voulu, c’était redevenir enfant, mais là, dans l’instant, si j’avais pu. J’en avais déjà plus qu’assez de leurs égarements à tous. C’est qu’à cette époque je trouvais déjà que la vie des gens va à vau-l’eau, comme un récit sans queue ni tête, par manque de joie et de jugement. La vie devrait être comme dans une salle de théâtre, et que chacun joue son rôle avec un bel entrain du début à la fin, qu’il s’en acquitte. C’était ce que je trouve, c’est ce que je trouvais. »

« Nous sommes des hommes d’armes, pour le risque de chaque jour et toutes les menues choses de l’air. »

« Mais les chemins sont ce qui gît partout sur la terre, et toujours les uns contre les autres ; il me revient que les formes les plus fausses du démon se reproduisent. Plus vous allez m’entendre, plus vous allez me comprendre. »

« On ne se met pas en colère contre le boa. Le boa étranglavale, mais il n’a pas de venin. Et il accomplissait son destin, tout réduire à un contenu. »

« La vie en invente ! On commence les choses, à l’obscur de savoir pourquoi, et dès lors le pouvoir de les continuer, on le perd – parce que la vie est le boulot de tous, triturée, assaisonnée par tous. »

« Tout cela pour vous, mon cher monsieur, ne tient pas debout, n’éclaire rien. Je suis là, à tout répéter par le menu, à vivre ce qui me manquait. Des choses minuscules, je sais. La lune est morte ? Mais je suis fait de ce que j’ai éprouvé et reperdu. De l’oublié. Je vais errant. Et se succédèrent nombre de petits faits. »

« Je sais : qui aime est toujours très esclave, mais ne se soumet jamais vraiment. »

« Qui le sait vraiment ce qu’est une personne ? Compte tenu avant tout : qu’un jugement est toujours défectueux, parce que ce qu’on juge c’est le passé. Eh, bé. Mais pour l’écriture de la vie, juger on ne peut s’en dispenser ; il le faut ? C’est ce que font seuls certains poissons, qui nagent en remontant le courant, depuis l’embouchure vers les sources. La loi est la loi ? Mensonge ! Qui juge, est déjà mort. Vivre est très dangereux, vraiment. »

La dernière phrase revient comme un leitmotiv dans le récit de Riobaldo :
« Vivre est très dangereux, je vous l’ai déjà dit. »

Apprécié en tant que bon tireur, Riobaldo parcourt donc le sertão qu’il aime, malgré les vicissitudes de cette existence itinérante, chevauchant de peines en batailles. Il médite sans cesse, sur la vie, l’amour, et par un curieux défi, dans sa haine d’Hermὀgenes qui aurait signé un pacte avec « l’Autre », décide d’en faire un lui aussi, bien qu’il ne croie ni à cette puissance maléfique, ni même à l’âme. Le démon ne se présente pas à la « croisée des chemins de Veredas-Mortes ».
« Alors, je ne sais ou non si j’ai vendu ? Je vous le dis : ma peur c’est ça. Tous la vendent, non ? Je vous le dis : de diable il n’y en a pas, le diable n’existe pas, et l’âme je la lui ai vendue… Ma peur, c’est ça. À qui l’ai-je vendue ? C’est ça, monsieur, ma peur : l’âme, on la vend, c’est tout, sans qu’il y ait acheteur… »

Cependant Riobaldo change. Lui, pour qui il n’était pas question de commander, devient le chef, Crotale-Blanc. Il reprend avec succès la traversée du Plan de Suçuarão, où avait échoué Medeiro Vaz, pour prendre à revers la fazenda d’Hermὀgenes.
Il y a encore les « pacants », rustres paysans croupissant dans la misère, victimes d’épidémies et des fazendeiros obnubilés par le profit, ou Siruiz, le jagunço poète, dont Riobaldo donne le nom à son cheval, ou encore le compère Quelémém, de bon conseil, évidemment Diadorim qu'il aime, et nombre d'autres personnages.
Ce livre-monde aux différentes strates-facettes (allégorie de la condition humaine, roman d’amour, épopée donquichottesque, geste initiatique – alchimique et/ou mythologique –, combat occulte du bien et du mal, cheminement du souvenir, témoignage ethnographique, récit de campagnes guerrières, etc.) est incessamment parcouru d’un souffle génial qui ramentoit Faust, mais aussi Ulysse (les deux).
Il est encore dans la ligne du fameux Hautes Terres (Os Sertões) d’Euclides da Cunha, par la démesure de la contrée comme de ceux qui y errent. L’esprit épique m’a aussi ramentu Borges et son exaltation des brigands de la pampa.
Sans chapitres, ce récit est un fleuve formidable dont le cours parfois s’accélère dans les péripéties de l’action, parfois s’alentit dans les interrogations du conteur : flot de parole, fil de pensée, flux de conscience. Et il vaut beaucoup pour la narration de Riobaldo ou, autrement dit, pour le style (c’est la façon de dire) rosien.
Le texte m’a paru excellemment rendu par la traductrice (autant qu’on puisse en juger sans avoir recours à l’original) ; cependant, il semble être difficilement réductible à une traduction, compte tenu de la langue créée par Rosa, inspirée du parler local et fort inventive.

\Mots-clés : #amour #aventure #contemythe #criminalite #ecriture #guerre #historique #initiatique #lieu #mort #nature #philosophique #portrait #ruralité #spiritualité #voyage
par Tristram
le Ven 22 Sep - 13:06
 
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Jules Verne

Aventure de trois Russes et de trois Anglais

Tag aventure sur Des Choses à lire Aventu12

Janvier 1854, Mokoum et William Emery, un chasseur bushman et un astronome attaché à l’observatoire du Cap, accompagnent la mission du colonel Everest et de Mathieu Strux en Afrique australe, comprenant trois savants anglais et autant de russes venus d’Europe afin d’y mesurer un arc de méridien, afin que cette commission internationale participe à la détermination du mètre, mesure universelle. William sympathise avec le jeune Michel Zorn, le distrait Nicolas Palander est un mathématicien toujours plongé dans ses calculs, et sir John Murray s’intéresse surtout à la chasse. C’est d’abord le portage de leur chaloupe à vapeur, le Queen and Tzar, au-dessus des chutes de Morgheda sur le fleuve Orange, puis le départ dans le désert de Kalahari (en fait le veld, plaine de savane herbeuse ou arbustive) afin d’y commencer les triangulations de géodésie. Ils suivent peu ou prou l’expédition de Livingstone vers le Zambèze.
Comme toujours avec Verne, c’est didactique (tant en géométrie que sur l’époque de « la science militante »), et aventureux (affrontement de crocodiles, de lions, etc.).
Le foreloper est le guide indigène, celui qui ouvre la marche de la caravane, sans doute du néerlandais « coureur en avant ».
Confrontés à une forêt qui exacerbe la rivalité des deux chefs d’expédition, Mathieu Strux et le Colonel Everest, Mokoum aura l’idée de l’incendier.
Puis ils apprennent que la guerre de 1854 a éclaté, qui oppose notamment Anglais et Russes : cela détermine la séparation de l’expédition en deux parties.
Recette d’époque (et locale) pour « buffles des prairies, ces Bokolokolos des Bétjuanas, qui mesurent quatre mètres du museau à la queue, et deux mètres du sabot à l’épaule. » :
« Les indigènes préparèrent cette viande de manière à la conserver presque indéfiniment, à la mode pemmicane, qui est si utilement employée par les Indiens du nord. Les Européens suivirent avec intérêt cette opération culinaire, à laquelle ils montrèrent d’abord quelque répugnance. La viande de buffle, après avoir été découpée en tranches minces et séchées au soleil, fut serrée dans une peau tannée, puis frappée à coups de fléaux qui la réduisirent en fragments presque impalpables. Ce n’était plus alors qu’une poudre de viande, de la chair pulvérisée. Cette poussière, enfermée dans des sacs de peau et très-tassée, fut ensuite humectée de la graisse bouillante qui avait été recueillie sur l’animal lui-même. À cette graisse, un peu suiffeuse, il faut l’avouer, les cuisiniers africains ajoutèrent de la moelle fine, et quelques baies d’arbustes dont le principe saccharin devait, il semble, jurer avec les éléments azotés de la viande. Puis, cet ensemble fut mélangé, trituré, battu de manière à fournir par le refroidissement un tourteau dont la dureté égalait celle de la pierre. »

Effets de la foudre :
« William Emery fut renversé, comme mort. Les deux matelots, éblouis un instant, se précipitèrent vers lui. Très-heureusement, le jeune astronome avait été épargné par la foudre. Par un de ces effets presque inexplicables, que présentent certains cas de foudroiement, le fluide avait pour ainsi dire glissé autour de lui, en l’enveloppant d’une nappe électrique ; mais son passage était dûment attesté par la fusion qu’il avait opérée des pointes de fer d’un compas que William Emery tenait à la main.
Le jeune homme, relevé par ses matelots, revint promptement à lui. Mais il n’avait été ni la seule ni la plus éprouvée victime de ce coup de tonnerre. Auprès du poteau dressé sur le monticule, deux indigènes gisaient sans vie, à vingt pas l’un de l’autre. L’un, dont le système vital avait été complètement désorganisé par l’action mécanique de la foudre, gardait sous ses vêtements intacts un corps noir comme du charbon. L’autre, frappé au crâne par le météore atmosphérique, avait été tué raide.
Ainsi donc, ces trois hommes, – les deux indigènes et William Emery, – venaient de subir simultanément le choc d’un seul éclair à triple dard. Phénomène rare, mais quelquefois observé, de cette trisection d’un éclair, dont l’écartement angulaire est souvent considérable. »

Puis c’est un nuage de sauterelles, le manque d’eau et de fourrage dans le désert, et les Russes retrouvés aux prises avec des pillards makololos. Les Européens, retranchés au sommet du mont Scorzef, au bord du lac Ngami, parviennent à achever leurs minutieuses observations. Des chacmas, ou babouins cynocéphales, dérobent les précieux registres à Palander, mais ils sont recouvrés, et les résultats de leurs mesures sont confirmés. Ils atteignent les chutes Victoria et descendent sans encombre le Zambèze, après dix-huit mois d’épreuves.
Ce roman remue tout un imaginaire qui va de L’odyssée de l’African Queen de Forester à Mason & Dixon de Pynchon : une lecture de jeunesse, même sur le tard !

\Mots-clés : #aventure #science #voyage #xixesiecle
par Tristram
le Lun 7 Aoû - 17:02
 
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John Barth

Le Courtier en tabac

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J'ai enfin lu ces 770 pages, mais en sors un peu déçu.
Dans l’Angleterre de la fin du XVIIe, Burlingame, le précepteur des jumeaux Ebenezer et Anna Cooke, fut très jeune marin au long cours et ambulant avec les bohémiens, puis fréquenta Henry More et Newton. Il donne une éducation hétéroclite à Ebenezer, qui est surtout indécis et indolent (et idéaliste et vaniteux), et se présente comme « vierge et poète ». Ebenezer, nommé lauréat par Lord Baltimore et amoureux de la putain Joan Toast, retourne au Maryland où il est né, à Malden, terre de son père pionnier. Il devait être accompagné par Burlingame, qui s’entremet dans les intrigues et rivalités de cette possession anglaise, à la recherche de ses origines dans cette contrée où il fut abandonné très jeune. C’est en fait Bertrand, le valet d’Ebenezer, qui accompagne ce dernier dans la traversée, se faisant passer pour lui dans une cascade de quiproquos et rebondissements. C’est fort rocambolesque, et l’écart est grand entre la réalité prosaïque et les aspirations d’Ebenezer, entre le vieux monde et la nouvelle terre, mais moins entre innocence et ignorance.
John Barth se réclame de la littérature du XVIIIe et tout particulièrement de Fielding dans cette « fantaisie », et celle-ci renvoie surtout à Butler (l’hudibrastique »).
La longueur du récit elle-même, ses « circuits » (détours), « écarts » (déviations, digressions, tels les commentaires) et ramifications embrouillées (tout particulièrement juridiques), la restitution détaillée de l’Histoire (notamment l’affrontement catholiques et protestants) et de l’époque jusque dans le langage et même la vêture (apparemment très bien rendus par le traducteur, Claro, quoiqu’il employât « ramenteva » pour « ramentut »), caractérisent les intérêts de cet « à la manière de », roman à tiroirs, picaresque, d'aventures et d'apprentissage XVIIIe, qui autrement s’avère assez vain. Outre ses fastidieuses circonlocutions de pensum, l’humour scabreux et scatologique m’a semblé sordide et complaisant, malgré la référence à Rabelais, qui ne me l’a jamais paru. Et le pastiche n’atteint pas au Nom de la rose d’Eco, entr'autres réactualisations de ces beau style et tour de pensée.
« Mais dans son cœur, la mort et toutes ses semblables anticipations étaient pour Ebenezer comme la vie, l’histoire et la géographie, lesquelles, de par son éducation et ses dispositions naturelles, il regardait toujours du point de vue du narrateur ; il en connaissait abstraitement la finalité ; il en goûtait indirectement l’horreur ; mais il ne pouvait jamais en éprouver les deux ensemble. Ces vies sont des histoires, admettait-il ; ces histoires ont une fin, reconnaissait-il – comment sinon en pourrait-on débuter une autre ? Mais que le conteur lui-même puisse vivre un conte propre et mourir… Inconcevable ! Inconcevable ! »

Je pense qu'il y a un rapprochement possible avec le Pynchon de Mason & Dixon, mais assez distant.

\Mots-clés : #aventure #colonisation #esclavage #historique #initiatique #prostitution #relationenfantparent #religion #voyage
par Tristram
le Jeu 3 Aoû - 13:17
 
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Sujet: John Barth
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Cecil Scott Forester

L’odyssée de l’African Queen

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En pleine Afrique Centrale Allemande, pendant la Première Guerre mondiale, le Révérent Samuel Sayer meurt dans sa mission vidée de ses âmes par von Hanneken, qui organise la résistance de son armée. Sa jeune sœur, Rose, fuit avec le Cockney Allnut, mécanicien de la vieille chaloupe à vapeur African Queen sur la rivière Ulanga. Celle-ci se jette via des rapides infranchissables dans le Lac tenu par la canonnière Königin Luise, qui protège ainsi la région contre toute intervention venue du Congo belge. Fervente Britannique, Rosa décide de combattre les Allemands en attaquant ce bateau, le leur transportant une cargaison d’explosifs, et pour cela exerce son pouvoir tout neuf sur Allnut, peu enclin à se battre, et affronter les rapides.
« Rose était réellement vivante pour la première fois de son existence. Son esprit n’en avait pas conscience, bien que son corps le lui répétât quand elle prenait la peine de l’écouter. »

« Un homme doué de plus de volonté qu’Allnut, ou de plus d’intelligence, aurait pu sortit vainqueur de ce duel avec Rose. »

Rosa s’émancipe de l’influence de son frère, de son éducation. Elle tient la barre, et Allnut s’affaire pour servir la chaudière ; chargée de vivres et utilisant comme carburant le bois récolté en chemin, l’embarcation, comme le couple à bord, se trouve pratiquement autonome. Ils passent sans encombre le poste de Shona, et s’engouffrent dans les rapides. Dans cette expérience de vie intense, ils deviennent amants. Suite à des avaries, ils doivent redresser l’arbre de couche et remplacer une pale de l’hélice. Ils parviennent à la Bora, nom de l’Ulanga après la rupture du Rift, devenu une zone plane où ils progressent difficultueusement à travers roseaux et papyrus, puis nénuphars. La description de la rivière qui change, avec ses dangers, a retenu mon attention, tandis que le sens de l’eau s’affûte chez Rose.
« Ils continuèrent à longer la bordure de roseaux. Et Rose, dont l’œil s’était exercé pendant de longs jours à observer la surface liquide, y perçu un changement d’aspect. Bien que celle-ci fût toujours aussi noire, elle n’était plus tout à fait la même. C’était une eau morte, comme solide, aux reflets de laque. De longues ondulations la parcouraient, indiquant quelques remous infiniment lents dans ses profondeurs. Sa surface était encombrée de beaucoup plus de détritus que d’habitude. En fait, tout semblait indiquer, contre toutes les lois de la nature, qu’ils avaient atteint une ultime impasse de la rivière. »

Ils sont bloqués un temps dans une sorte de lagune stagnante derrière le delta, avant d’atteindre le dédale d’une mangrove marécageuse, où ils souffrent de la malaria. Puis ils débouchent enfin sur le lac où ils escomptent torpiller le navire de l’ennemi qu’ils abhorrent.
J’ai bien sûr eu en mémoire le célèbre film de John Huston avec Katharine Hepburn et Humphrey Bogart, qui suit assez fidèlement les péripéties du roman (à part la fin).

\Mots-clés : #aventure #merlacriviere #voyage
par Tristram
le Sam 29 Juil - 12:55
 
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Sujet: Cecil Scott Forester
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Amos Tutuola

L'ivrogne dans la brousse

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Le malafoutier (récolteur de vin de palme, qui incise le haut du palmier pour recueillir la sève) de Père-Des-Dieux-Qui-Peut-Tout-Faire-En-Ce-Monde, le narrateur, est mort dans une chute, et son employeur part à sa recherche, car il a besoin de ses services. Il voyage dans la brousse, de villes en villages, et nous raconte les péripéties de ses pérégrinations. Dans ce conte, il capture la Mort au filet, trouve femme en la sauvant du « gentleman complet » (un crâne qui emprunte des membres pour aller au marché dans un beau corps), etc., dans un monde rempli d’esprits et de métamorphoses, chez les « êtres étranges ».
« Ces êtres mystérieux ne font rien comme les autres, par exemple, comme nous l’avons vu, si quelqu’un d’entre eux veut grimper à un arbre, il commence d’abord par grimper à l’échelle avant de la poser contre cet arbre ; mieux, il y a un terrain plat à côté de leur ville, mais ils ont construit leurs maisons sur les pentes d’une colline abrupte, alors toutes les maisons penchent de côté comme si elles allaient tomber, et leurs enfants dégringolent tout le temps des maisons, mais les parents ne s’en soucient pas autrement ; aucun d’entre eux ne se lave jamais, mais ils lavent leurs animaux domestiques ; eux-mêmes, ils s’habillent de feuilles, mais ils ont des vêtements somptueux pour leurs animaux domestiques, et ils leur coupent les ongles, mais leurs ongles à eux, ils les coupent une fois tous les cent ans, et même nous en voyons beaucoup qui couchent sur le toit de leurs maisons, et ils disent qu’ils ne peuvent utiliser les maisons qu’ils ont construites de leurs mains autrement qu’en dormant dessus. »

L’humour est omniprésent (lui et sa femme font « personnellement connaissance de Rire »), et le héros féticheur père des dieux est souvent dans de mauvaises postures pleines d’autodérision. Ce comique bon-enfant contribue à l’aspect à la fois onirique et familier du récit (la traduction de Raymond Queneau y est peut-être aussi pour quelque chose).
« Ainsi nous pouvons aller à travers cette forêt aussi loin que nous le pouvons. »

« Après ça, je me mets à lui ouvrir l’estomac avec mon couteau, puis nous sortons de son estomac avec nos bagages, etc. Et voilà comment nous avons été délivrés de l’Affamé, mais je ne pourrais le décrire complètement ici, parce qu’il était quatre heures du matin et, à cette heure-là, on n’y voit pas très clair. Bref, nous le quittons sains et saufs et nous en remercions Dieu. »

C’est aussi une sorte de chronique traditionnelle du passé (légendaire),
« Il y avait toutes sortes de créatures étonnantes dans le vieux temps. »

… une épopée qui rappellerait l’Odyssée et les travaux d’Hercule, mais aussi Rabelais (notamment le Quart Livre), tout un imaginaire collectif (peut-être à rattacher à l’analogisme selon Descola, et/ou à notre Moyen Âge), sans que je connaisse la part d’inspiration de notre culture dans ce livre.
« Tout nous avait bien plu dans cette Île-Spectre et nous nous y trouvions très bien, mais il nous restait encore bien des travaux à accomplir. »

L’aspect enseignement allégorique de la fable n’est pas absent (les amis qui se détournent quand il n’a plus rien à offrir), ni celui du mythe initiatique et sacrificiel (cf. l’histoire des « Rouges »). Sans vouloir évoquer des allusions ésotériques, il est certain que nombre de références yoruba doivent nous échapper (qu’en est-il ainsi de « marcher à reculons », qui est récurrent ?).
« Trois êtres bienveillants nous délivrent de nos ennuis. Ce sont : tambour, chant et danse »

J’ai eu le grand plaisir de retrouver la verve populaire truculente caractéristique de l’Afrique centrale et occidentale, trop absente de ses romans.
« D’abord, avant d’entrer dans l’arbre blanc, nous « vendons notre mort » à quelqu’un qui se trouvait à la porte, pour le prix de 7 925 francs, et nous « louons notre peur » à quelqu’un qui se trouvait aussi à la porte avec un intérêt de 3 500 F par mois, comme ça nous n’avions plus à nous soucier de la mort et nous n’avions plus désormais peur de rien. »

On retrouve les éléments typiques de ces sociétés : palabres, gris-gris, famine. Autre particularité distinctive, la familiarité avec la mort, qui n’est pas une fin :
« Alors il nous demande si, en arrivant là, nous étions encore vivants ou morts. Nous lui répondons que nous étions toujours vivants et que nous n’étions pas des morts. »

« Moi-même, je savais bien que les morts ne peuvent vivre avec les vivants, j’avais observé leurs façons et elles ne correspondaient pas du tout aux nôtres. »

Cela m’a ramentu Juan Rulfo, et il me semble qu’il y a une vision proche du réalisme magique chez Tutuola.
Les tribulations du couple en route vers « la mystérieuse Ville-des-Morts » où se trouve le malafoutier donnent lieu à des séjours prolongés dans certains lieux, et encore plus de rencontres étonnantes, comme « le Valet-Invisible ou Donnant-Donnant », « chef de tous les êtres de la Brousse ».
La légèreté de ton est marquante, comme avec ce fardeau qui se révèlera être ce qu’il paraît :
« En le mettant sur ma tête, je trouve que c’était exactement comme le cadavre d’un homme, il était très lourd, mais je pouvais le porter facilement. »

Voilà qui donne grande envie d’en connaître plus sur cette culture que je n’ai pu qu’effleurer.
« Et ainsi toutes nos épreuves, tous nos ennuis et de nombreuses années de voyage n’avaient rapporté qu’un œuf, c’est-à-dire aboutissaient à un œuf. »


\Mots-clés : #aventure #contemythe #fantastique #humour #mort #voyage
par Tristram
le Lun 22 Mai - 12:19
 
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Sujet: Amos Tutuola
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Jon Krakauer

Into the Wild (Voyage au bout de la solitude)

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Ce récit, au départ un article de Krakauer, relate la tentative du jeune Christopher McCandless de vivre seul dans l’Alaska sauvage (Sean Penn en a tiré un film dont j’ai gardé le souvenir à cause du bus abandonné dans lequel on retrouvera son corps).
« Au cours de l’été 1990, tout de suite après l’obtention de son diplôme de fin d’études, avec mention, à l’université Emory, son entourage le perdit de vue. Il changea de nom, fit don de ses 24 000 dollars d’économies à une œuvre humanitaire, abandonna sa voiture et presque tout ce qu’il possédait et brûla les billets de banque qu’il avait dans son portefeuille. Puis il vécut une nouvelle vie, logeant chez des marginaux dépenaillés et parcourant l’Amérique du Nord à la recherche de l’expérience pure, transcendante. Sa famille ignorait complètement ce qu’il était devenu, jusqu’à ce qu’on retrouve ses restes en Alaska. »

Inspiré par Léon Tolstoï, Ralph Waldo Emerson, Henry David Thoreau (« la Désobéissance civile »), Boris Pasternak, Mark Twain et surtout Jack London, Chris quitte les siens et, épris de liberté, prend la route. Il se surnomme lui-même Alexander Supertramp et écrit son journal à la troisième personne du singulier ; il mène la vie errante des vagabonds à travers les États-Unis (y compris une descente du Colorado en canoë jusqu’au Mexique) pendant deux ans, subsistant de petits boulots et de plantes sauvages, faisant de belles rencontres.
Krakauer expose son enquête débutée dès que le corps de Chris est découvert, ses rencontres avec des amis de McCandless, les antécédents similaires en Alaska, comme Everett Ruess (apparemment déjà présenté par Wallace Stegner). Nombre d’autres écrivains de la wilderness sont évoqués, comme John Muir, Edward Abbey. Mais ce qu’on peut savoir de Chris forme un portrait qui me paraît confus. Il me semble qu’on peut retenir qu’il était intrépide (ou téméraire), soucieux de se prouver son autonomie, attiré par l’aventure, et aussi idéaliste antisocial, « romantique », en quête de vérité.
Puis Krakauer raconte en comparaison son cas personnel, et son ascension du Devils Thumb (le Pouce du Diable), en Alaska.
« Et puis brusquement, il n’y eut plus d’endroit où grimper. »

En avril 1992, Chris part seul sur la piste Stampede, avec pour tout bagage cinq kilos de riz, une carabine 22 Long Rifle et quelques livres. Après deux mois de vie dans la taïga aux abords de l’autobus, seul vestige d’un projet abandonné de route minière, il veut revenir, mais la rivière qu’il a passé à gué est devenue infranchissable.
« Il tenta de vivre entièrement sur le pays, et il le fit sans se soucier d’apprendre auparavant à maîtriser tout le répertoire des techniques indispensables. »

Krakauer relate comme il découvrit l’autobus avec tout ce qu’y a laissé Chris, cite le journal où sont énumérés les gibiers et baies consommés par celui qui va mourir de faim (et possiblement d’un empoisonnement par un alcaloïde végétal).
Dans cette revue des "appels de la forêt" contemporains, j’ai été frappé par l’importance marquante de la beauté de la nature (simultanément avec la soif de liberté, d'aventure et de vérité).

\Mots-clés : #aventure #biographie #jeunesse #nature #solitude #temoignage #voyage
par Tristram
le Mer 10 Mai - 13:03
 
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Sujet: Jon Krakauer
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Larry McMurtry

La Marche du mort (Lonesome Dove : les origines)

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Dans le chaparral texan à la Frontière (avec le Mexique, c'est-à-dire le Rio Grande), campe non loin de la rivière calcaire Pecos, et du sentier de guerre comanche, une compagnie de rangers dont Gus McCrae et Woodrow Call, deux jeunes engagés depuis peu, Matilda Roberts, la Great Western, putain et forte femme, Bigfoot Wallace l’éclaireur qui connaît les Indiens des Plaines et Shadrach le vieux montagnard, le major Chevallie (autoproclamé, mais tireur d’élite), Bob Bascom, Long Bill Coleman le pessimiste, son compañero Johnny Carthage (borgne et boiteux), Ezekiel Moody qui se lave encore moins que les autres, Josh Corn, Blackie Slidell, Rip Green et Black Sam le cuistot, auxquels se sont joints Kirker et Glanton, des chasseurs de scalps.
Dans la première partie, ils affrontent Buffalo Hump le Comanche, et perdent deux hommes, Corn et Moody, semblant surtout préoccupés de parvenir à se suicider avant d’être capturés et torturés par l’ennemi.
Dans la seconde partie, on retrouve les mêmes (sauf Chevallie, mort de fièvre ; Gus a le temps de tomber amoureux de Clara, la fille d’un magasin général d’Austin) engagés par le colonel Caleb Cobb (ex-pirate) et son capitaine Billy Falconer dans une expédition contre la ville de Santa Fe au Nouveau-Mexique (annexion, surtout de l’or et de l’argent). Il y a aussi un général :
« Si le général Lloyd est pas encore arrivé, c’est qu’il s’est saoulé et qu’il s’est perdu. Il était ivre mort, tout le temps où j’ai été à son service, et il se perdait dès qu’il sortait de sa tente pour aller pisser. Il aurait pas trouvé le Mexique, même si vous l’aviez tourné en direction du sud et que vous lui aviez accordé un an. Et pour couronner le tout, il sait pas monter à cheval. »

Un groupe de guerriers comanches, neuf hommes dont Buffalo Hump (et Kicking Wolf, le voleur de chevaux), sévit dans les parages.
« Bigfoot saisit la crosse du fusil cassé et tassa fermement la terre sur la tombe des deux convoyeurs.
– Si quelqu’un connaît un passage de la Bible, qu’il le récite, dit Bigfoot. Faut qu’on déguerpisse. Je préférerais éviter de faire la course avec les Comanches aujourd’hui. Mon cheval est fourbu.
– Y a un verset sur les verts pâturages, là, se rappela Long Bill. Avec le Seigneur qu’est un berger.
– Alors, récite-le, dit Bigfoot.
Il attrapa les rênes de son cheval, impatient de monter en selle.
Long Bill garda le silence.
– Eh ben, y a une histoire de verts pâturages. C’est tout ce dont je me souviens. Ça fait un moment que je me suis pas intéressé à la Bible.
– Quelqu’un saurait le réciter ? demanda Bigfoot.
– Il me dirige près des eaux paisibles, dit Matilda. Je crois que c’est ça dont Bill veut parler.
– Bon, au moins, on les enterre dans un vert pâturage, commenta Bigfoot. Et il le sera encore plus s’il continue à pleuvoir.
– Je me demande pourquoi on persiste à réciter des passages de la Bible quand on enterre les gens, dit Call à Gus alors qu’ils trottaient en direction d’Austin. Ils sont morts. Ils les entendent pas, les discours sacrés. »

Intéressante scène du pourparler entre les Comanches d’une part, et de l’autre Call (promu caporal pour avoir abattu un ennemi, qui s’avère être le fils de Buffalo Hump), Gus, Bes-Das le Pawnee et Bigfoot. Cobb exécute Falconer (très sommairement). Les aventures s’enchaînent, affrontements et confrontations avec les Comanches, les Mexicains, les bisons, un grizzli, le llano (en flammes, comme chez Rulfo), faim, soif, etc. Des deux cent hommes au départ restent quarante-trois, et ils sont capturés par l’armée mexicaine. Les Apaches de Gomez sont les sauvages de la région.
La troisième partie, c’est la traversée de la Jornada del Muerto, la Marche du Mort, trois cents kilomètres dans le désert. À leur arrivée à Santa Fe, ils ne sont plus que dix hommes, dont la moitié est exécutée par les Mexicains.
Dans la quatrième partie, les rescapés escortent lady Carey, personnage impressionnant. C’est la lune comanche, le sentier de guerre ou période pendant laquelle ces Indiens fondent sur le Nouveau Mexique pour piller chevaux et enfants destinés à l’esclavage.
« Dans l’immensité du désert, chaque réduction de leur groupe illustrait leur insignifiance face aux distances colossales qu’ils traversaient. »

Action, drame et humour. Western qui repose agréablement les neurones (il n’est pas évident que j’aurais apprécié la même histoire au cinéma – mais c’est une autre histoire).
Je me suis aussi souvent posé la question de la vérité historique (et ethnologique) dans ce roman.

\Mots-clés : #amérindiens #aventure
par Tristram
le Mar 31 Jan - 11:52
 
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Patrice Franceschi

Qui a bu l'eau du Nil, Aventure africaine

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1978, Franceschi a vingt-trois ans, et relie la source du Nil au Burundi à la Méditerranée en huit mois, à pied, en bateau, à dos de chameau. C’est ce dernier mode de locomotion qui constituera la grande découverte de l’auteur, avec le désert (et l’accueil des caravaniers), 1 200 kilomètres entre Khartoum et Bimban (au nord d’Assouan), dont notamment « Batn el-Haggar », le « Ventre de la Pierre » ; c’est aussi la partie la plus intéressante du livre.
« Et puis, je découvre son absolue propreté. Elle est sa marque, comme l’exubérance est celle de la jungle. Et de cette propreté à la pureté originelle il n’y a qu’un pas que l’on franchit inconsciemment entre les dunes… Dès lors, le silence vient ajouter son étrangeté au trouble naissant. Et ce silence gigantesque qui enveloppe la propreté, cette absence des bruits du monde, ce monde de bruits diffus apporté par la caravane, se mêle au mirage de la pureté minérale pour pousser l’homme dans le gouffre horizontal du désert.
Alors, trompé par son infini, on pense toucher à l’absolu. »

Dans un avant-propos de 2013, Franceschi nous fait remarquer que ce « voyage d’aventure » ne serait plus possible aujourd’hui, à cause des violences qui caractérisent aujourd’hui les régions traversées.
Aventures extraordinaires, malheureusement rapportées dans une expression conventionnelle.

\Mots-clés : #autobiographie #aventure #nature #voyage
par Tristram
le Sam 21 Jan - 14:44
 
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James Fenimore Cooper

Le Dernier des Mohicans

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Dans son Introduction de la nouvelle édition du Dernier des Mohicans, Cooper énonce aussi laconiquement que légitimement ce que nous avons perdu avec la disparition des cultures amérindiennes d’Amérique du Nord :
« Peu de caractères d’hommes présentent plus de diversité, ou, si nous osons nous exprimer ainsi, de plus grandes antithèses que ceux des premiers habitants du nord de l’Amérique. »

Dans sa Préface de la première édition, il présente son roman historique comme un « récit », une « relation ».

En juillet 1757, dans l'actuel État de New York à la frontière des États-Unis et du Canada, le marquis de Montcalm et son armée s’approchent du fort William Henry, tenu par le colonel britannique Munro sur le lac Horican (George de nos jours). Cora et Alice, ses filles, partent pour le rejoindre du fort Edward tenu par le Général Webb, accompagnées par le major Duncan Heyward, le guide huron Magua (Renard Subtil), et La Gamme, maître en psalmodie. Ils rencontrent Œil-de-Faucon (« le chasseur », Bumppo ou la Longue Carabine à cause de son « tueur de daims » ; c’est Leatherstocking ou Bas-de-Cuir, au centre du cycle des cinq romans de Cooper auquel appartient celui-ci), coureur des bois (chasseur) et « batteur d’estrade » (éclaireur) des Anglais, Chingachgook ou Grand Serpent, sagamore (sachem) des Mohicans et son fils Uncas, ou Cerf Agile (c’est « le dernier des Mohicans »). Ils campent sur une petite île avec deux cavernes dans les chutes du Glen sur l’Hudson, et y sont assaillis par les Hurons. Après des affrontements épiques, à court de poudre, Œil-de-Faucon et les deux Indiens s’enfuient à la nage pour chercher du secours, tandis que les autres sont capturés. Ayant été humilié par Munro, Magua propose à Cora de l’épouser. Au moment où les captifs vont être exécutés, Œil-de-Faucon et les deux Mohicans les délivrent. Après d’autres péripéties, ils rejoignent le fort William Henry assiégé par les Français en nombre nettement supérieur. Sur ordre de Webb, commandant de la région qui n’enverra pas ses renforts, la garnison se rend et quitte le fort. Des Hurons, alliés de Montcalm, massacrent l’arrière-garde ; de nouveau, Alice, Cora et David sont enlevés par Magua, et Œil-de-Faucon, Chingachgook et Uncas se lancent à leurs trousses avec Munro et Heyward, d’abord en canoë sur le lac Horican puis sur terre, où les trois premiers font de nouveau preuve de leurs talents de pisteurs, qui lisent les traces comme les Blancs un livre. En approchant du Canada, ils retrouvent David, laissé en semi-liberté car pris pour un fou. Alice a été placée dans une tribu de Hurons et Cora chez les Delawares, traditionnels ennemis, mais alliés enrôlés dans la lutte contre les Anglais. Duncan se rend chez lez Hurons (déguisé), où Uncas est amené prisonnier. Œil-de-Faucon (travesti en ours) délivre Alice avec son aide, puis Uncas. Magua, orateur adroit et politique astucieux, intrigue toujours, chez les Hurons, puis chez les Delawares, où il ne parvient cependant qu’à arracher Cora au grand conseil présidé par le patriarche, Tamenund. Uncas, dont l’ascendance est reconnue, entraîne les Delawares contre les Hurons : avec la plupart de ces derniers, Cora, Uncas puis Magua trouvent la mort.

La distinction raciale est souvent évoquée, que ce soit la pureté d’un sang « sans mélange » qu’Œil-de-Faucon revendique fréquemment, ou la couleur de la peau (le teint tanné de ce dernier se distinguerait de celui des Indiens) : si on montre de la sympathie pour les Peaux-Rouges, c’est "malgré" leur couleur, au moins autant que leur aspect farouche ou leurs mœurs de sauvages, non-civilisés.
« Il y a de la raison dans un Indien, quoique la nature lui ait donné une peau rouge, dit le Blanc en secouant la tête en homme qui sentait la justesse de cette observation. »

Si la rigueur historique manque, cette fiction vaut pour l’attention portée aux peuples amérindiens en voie de disparition, « ces peuples à la fois si impétueux et si impassibles », et bien sûr pour l’action aux multiples rebondissements de ces aventures dans la nature "sauvage", si captivantes, du moins pour les jeunes lecteurs. Mais c’est mal écrit-traduit, d’un romantisme ronflant, et rempli d’invraisemblances. Style :
« Cependant l’air d’assurance et d’intrépidité du major, aidé peut-être par la nature du danger, leur donna du courage, et les mit en état, du moins à ce qu’elles crurent, de supporter les épreuves inattendues auxquelles il était possible qu’elles fussent bientôt soumises. »


\Mots-clés : #amérindiens #aventure #historique #nature
par Tristram
le Sam 3 Déc - 11:03
 
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Sujet: James Fenimore Cooper
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Gaea Schoeters

Le Trophée

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John Hunter White est en safari sur les traces d’un vieux rhinocéros noir, guidé par Van Heeren.
« Qu’on le veuille ou non, la chasse au trophée est la seule forme viable de conservation de la nature, et la seule méthode qui permette de préserver l’avenir des espèces menacées. Avec le chèque à six chiffres qu’il a payé pour pouvoir abattre ce seul mâle, il finance non seulement un programme de reproduction pour ga­­rantir la survie de l’espèce, mais il donne aussi au reste du troupeau une chance équitable de survie. Il n’y a que les “protecteurs de la nature” à ne pas l’entendre de cette oreille. »

Hunter ne s’intéresse pas personnellement aux trophées, c’est son épouse qui en est amatrice.
« Pourtant, ils ont l’habitude de longues périodes de séparation, leur vie est ainsi faite. On pourrait même dire que le succès de leur relation tient à cette distance, au fait qu’ils dosent soigneusement le temps qu’ils passent ensemble. Parce que tout, même l’amour, est soumis à la première loi de l’économie : la rareté exacerbe la demande. »

C’est un riche investisseur.
« Plus la civilisation étend son emprise sur le monde, plus la nature sauvage prend de la valeur. »

« Hunter aime son travail pour la même raison qu’il aime la chasse. Ce qui l’attire, ce n’est pas le profit, mais le frisson du risque : dans le monde civilisé à l’extrême d’aujourd’hui, le marché boursier est l’un des derniers secteurs, à l’exception du crime organisé, où l’audace se voit encore réellement récompensée. »

« Pourtant, il ne perçoit pas la mort de la proie comme son triomphe, mais plutôt comme un effet secondaire de sa victoire, aussi malheureux qu’inévitable. »

Des braconniers massacrent "son" rhinocéros.
« L’armée abat chaque année plus de braconniers pour protéger votre gibier que les braconniers ne tuent de rhinocéros. Ordre du gouvernement. Pour protéger l’économie. Cette chasse à l’homme est un sous-produit de la chasse au trophée. »

« Ce que je veux dire, c’est que votre moralité occidentale est un produit de luxe réservé à ceux qui peuvent se le permettre. Le reste du monde doit se contenter de pragmatisme. »

Van Heeren propose un autre trophée à Hunter : un Bushman, dans une chasse à l’homme sur le même principe de financement de la préservation du groupe… Les Bushmen, peuple décimé et persécuté par le gouvernement qui a pris ses terres ancestrales, sont des chasseurs nomades, d’excellents pisteurs à la mémoire entraînée, ayant une pratique fort fine de leur écosystème ; ils font partie de la nature.
Hunter tue un dangereux buffle solitaire à leur demande.
« Pourtant, il ne ressent pas l’euphorie qui succède normalement à un tir aussi concluant. Ce qui le traverse est plutôt de l’ordre du soulagement. Il ne désirait pas cet animal, donc sa mort ne lui procure aucune satisfaction. Le tuer était nécessaire, la mise à mort une formalité fastidieuse à laquelle il lui a fallu se prêter. Qu’un acte identique puisse produire une émotion totalement différente, simplement parce qu’il n’a été précédé d’aucun souhait, le surprend. Il a rarement ressenti aussi peu d’émotion après avoir tué un animal. »

Il assiste à une chasse du koudou à l’épuisement : un coureur poursuit l’antilope par temps très chaud, jusqu’à faire « bouillir » son sang.
« C’est la chasse dans sa forme la plus ancienne et la plus pure : l’homme, armé de sa seule volonté, se soumet l’animal. »

Les Bushmen chassent pour se nourrir, et respectent le gibier.
« "Le jour de notre mort, une brise légère effacera nos traces dans le sable. Lorsque le vent sera tombé, qui dira à l’éternité que nous avons marché ici, au début des temps ?" C’est un chant funèbre, qu’on entonne pour les humains comme pour les animaux, car dans la mort nous sommes tous égaux. Lorsqu’un animal meurt, ses traces s’effacent à la surface du sable, tout comme nos pas vont bientôt disparaître afin de laisser la place à ceux qui viennent après nous. Karoha a poursuivi le koudou sur le sable, il s’est enfui sur le sable, et il lui rend hommage avec le sable. Ce n’est qu’ainsi que son esprit pourra retourner dans le sable d’où il est sorti. »

« Il y a longtemps, à l’époque de la première création, les hommes et les animaux étaient égaux. Lorsque Dieu a créé le monde pour la deuxième fois, il a donné le feu à l’homme. Depuis lors, nous avons été choisis pour chasser. C’est Dieu qui décide qui est le chasseur, et qui est la proie. Mais sans l’un, l’autre ne peut exister, et ils sont donc parfaitement égaux, l’un à l’autre. »

Le contrat est scellé :
« !Nqate va courir, Hunter White va le chasser, et Dawid va le guider. […]
Car leurs destins sont liés. Hunter White est venu le jour où !Nqate est devenu un homme. Il l’a vu tuer son élan. Dawid conduira Hunter White à !Nqate, comme Hunter White conduira Dawid en Amérique. C’est la volonté des dieux, et c’est aussi la volonté du village tout entier. »

Une conception de l’humanité loin de la nôtre :
« Nous sommes en Afrique, mon cher. N’oubliez jamais cela. La vie humaine n’a pas la même valeur ici. Non pas parce qu’ils aiment moins leurs enfants, mais parce que la vie est plus dure sous les tropiques : la moitié de leurs enfants meurent avant l’âge de quinze ans, un enfant sur cinq meurt avant l’âge d’un an. Si l’on n’adopte pas une attitude pragmatique à ce sujet, on devient fou. Les bébés qui naissent en période de grande sécheresse, et qui ont donc peu de chances de survivre à leur première année, sont tués, quand les femmes n’avortent pas spontanément. Cela leur évite un chagrin plus grand encore. S’ils n’ont pas d’espoir de survivre, il vaut mieux qu’ils meurent avant qu’on ne s’attache trop à eux. »

Considérations sur la nature « impitoyable » …
« La mort infligée par violence n’a aucun rapport avec la cruauté, tout comme la cruauté de la nature n’enlève rien à sa beauté. »

… Avec l’étonnant choucas qui expose ses proies dans un arbre :
« On dirait une salle des trophées. »

Puis c’est la (longue) traque dramatique, avec un excès d’héroïsme en grand écart avec la vraisemblance. Autant j’avais apprécié la première partie bien documentée, une approche consciencieuse du problème de la chasse qui va de l’éthique à l’économique, et la découverte d’une société immergée dans son environnement avec lequel elle interagit de façon adaptée, la partie finale m’a paru glisser dans une trop grande démesure (ou alors mal exposée).
À déplorer malheureusement une certaine maladresse d’écriture (plutôt due à la traduction ?) dans ce roman passionnant.
« Ils avancent lentement, s’arrêtant brièvement chaque fois pour s’assurer que la bête ne les a pas remarqués. »

Outre John A. Hunter, célèbre chasseur professionnel et guide de chasse au Kenya auquel son personnage principal doit son prénom, Gaea Schoeters s’inspire d’Hemingway et du Conrad d’Au cœur des ténèbres.

\Mots-clés : #aventure #nature #thriller
par Tristram
le Jeu 24 Nov - 11:48
 
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Sujet: Gaea Schoeters
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Abdulrazak Gurnah

Paradis

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Yusuf, douze ans, est rehani, c'est-à-dire mis en gage par son père pour payer ses dettes au seyyid ("seigneur", titre honorifique des notables musulmans) Aziz, un important marchand (et trafiquant). Le jeune Mswahili de l’hinterland tanzanien est emmené par son « Oncle » sur la côte, où il travaille avec Khalil, son aîné dans la même situation ; il est attiré par le jardin clos de son maître.
Emmené dans une expédition commerciale chez les « sauvages », Yusuf, qui est beau et a dorénavant seize ans, échappe à Mohammed Abdalla, le mnyapara wa safari, guide « sodomite », en étant laissé chez le marchand Hamid, qui l’emmène dans la montagne (apparemment chez les Masaïs). L’année suivante, Yusuf est de l’expédition qui traverse le lac Tanganyika jusqu’aux Manyema (des Bantous du Congo), une sorte d’enfer aux « portes de flammes », et l’éprouvant voyage (initiatique) tourne au désastre ; il se révèle courageux, quoique hanté par des cauchemars.
De retour, il rencontre la Maîtresse, marquée par une tache sur le visage dont elle croit Yusuf, « béni », capable de l’en débarrasser ; elle est mentalement dérangée, et entreprenante ; il tombe amoureux de sa jeune servante, Amina, la sœur de Khalil (en fait une enfant raptée recueillie par son père et la seconde épouse d’Aziz, une rehani elle aussi). Il suivra finalement les askaris allemands comme la guerre éclate contre l’Angleterre.

L’esclavage existe depuis les premières incursions arabes, et même avant ; il est subi partout. Mzi Hamdani, le vieux jardinier taciturne plongé dans ses prières, est un esclave libéré par la Maîtresse lorsque la loi interdit l’esclavage, mais qui resta à son service ; il considère que personne n’a le pouvoir de prendre la liberté de quelqu’un d’autre, et donc de la lui rendre.
Le colonialisme européen constitue une toile de fond omniprésente, et croissante.
« Nous sommes des animaux pour eux, et il nous faudra longtemps pour les faire changer d’avis. Vous savez pourquoi ils sont si forts ? Parce que, depuis des siècles, ils exploitent le monde entier. »

« Nous allons tout perdre, et aussi notre manière de vivre. Les jeunes seront les grands perdants : il viendra un jour où les Européens les feront cracher sur tout ce que nous savons, et les obligeront à réciter leurs lois et leur histoire du monde comme si c’était la Parole sacrée. Quand, un jour, ils écriront sur nous, que diront-ils ? Que nous avions des esclaves… »

Ce qui m’a frappé, c’est le melting pot, Indiens, Arabes, Européens, sans compter les gens du cru, et les différentes ethnies de l’intérieur ; de même le pot-pourri des croyances. Syncrétisme ou opportunisme, l’islam est mêlé dans les affaires et les salamalecs, les rapports à l’alcool et l’herbe, derrière les plaisanteries scabreuses et les cruautés ; par contre, Hussein « l’ermite de Zanzibar » et même Aziz (personnage difficile à cerner) apparaissent comme des musulmans sincères, humains – et sagaces. La Bible semble constituer un socle commun (sur un fond de superstitions antérieures toujours vives) ; l’islam est abrahamique, et même un Sikh (pourquoi la majuscule ?) évoque (un) Noé. Gog et Magog reviennent souvent (désignant apparemment les païens, infidèles et autres chiens poilus), et Yusuf renvoie au Joseph tant hébraïque que coranique, vendu en esclavage. L’évocation du jardin d’Éden se présente fréquemment.
Le style est simple et rend la lecture fort aisée ; par ailleurs les péripéties de l’existence de Yusuf sont passionnantes.
N’étant pas familier de l’Afrique de l’Est et en l’absence de notes explicatives j’ai eu des difficultés à me retrouver entre les termes non traduits et l’histoire-géographie (présence coloniale omanaise, allemande, anglaise) ; c’est dommage, d’autant que les renseignements sont peu accessibles en ligne tant sur le livre que sur la région ; ainsi, l’aigle allemande, mais encore ? :
« À la gare, Yusuf vit qu’en plus du drapeau jaune orné du redoutable oiseau noir, il y en avait un autre où figurait une croix noire bordée d’argent. »

Abandon, exil, servitude, toute une misère humaine, intriquée en situations sociales inextricables, selon les lois du commerce.

\Mots-clés : #aventure #colonisation #discrimination #esclavage #exil #famille #initiatique #misere #religion #segregation #voyage
par Tristram
le Ven 18 Nov - 13:40
 
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Sujet: Abdulrazak Gurnah
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Hubert Haddad

L'Univers

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Ce roman-dictionnaire est agencé en une suite d’entrées :
« ALPHABET ¶ Mon avenir dépend de l’agencement de vingt-six lettres. Ce dictionnaire mélancolique ne sera peut-être qu’un lexique du néant, un petit glossaire des gouffres, mais j’aurai tenté les retrouvailles d’un monde perdu de la seule façon concevable pour moi qui n’ai plus ni centre ni parties. Ce que j’appréhende : un mélange obtus de concepts et d’images. Se repérer là-dedans. Un mot me renverra à un autre ; les choses se lieront objectivement, selon l’ordre alphabétique qui me permettra, malgré les lésions ou l’égarement, de revenir à ce savoir. Ce cahier sera donc une sorte de conquête du dedans par le dehors. J’arracherai de cette confusion une figure peu à peu, les contours d’une figure ; et j’accoucherai enfin de moi-même. Oui, je serai mon propre Pygmalion. »

On découvre progressivement un narrateur, marin venu d’un archipel du Pacifique qui essaie de « mettre de la cohérence dans ses souvenirs », dans une « réalité multiple, éclatée », foisonnante de mythologie et de symbolique, d’astrophysique et de cosmogonie ; la quête de son identité, « tentative désespérée d’autobiographie », prend la forme de notes reprises lors de chacune de ses périodes de « cohérence mnésique d’un quart d’heure à vingt minutes ». Cette clause préliminaire d’une mémoire intermittente par phases de durée si réduite met à rude épreuve la crédulité consentie du lecteur, car il serait difficile de parcourir un tel texte dans ce laps de temps… mais admettons le processus du recueil de réminiscences associé aux termes listés dans un répertoire d’articles.
« La plus profonde blessure est celle qui touche à la mémoire. »

À noter aussi que la mise en ordre de ces fractions de temps et d’espace ne respecte évidemment pas l’ordre chronologique, puisqu’il s’agit de retrouver le fil des causalités : la lecture fera donc des allers-retours aléatoires dans le temps – a priori...
Dans ce « travail » émergent tour à tour et dans le désordre l’Altmühl et le château ruiné de Banhiul en Bavière, Esther, qui se révèle être sa mère, israélite d’origine polonaise échappée aux camps de concentration grâce à un officier allemand, le baron von Dunguen, qui la confie à son cousin Balthus, un vieux prêtre (beau personnage que celui qui l’initie à l’astronomie avant de devenir aveugle, respectant sa religion en doutant peut-être de la sienne après l’Holocauste, au sortir de l’hypnose collective) et Lockie Dor sa belle gouvernante sourde. Réapparaissent fréquemment d’autres lieux et personnes, comme la tour de l’îlot d’Aigremore, ancien phare aménagé en observatoire météorologique, sa liaison avec la contorsionniste Anémone Duprez (« la femme-caméléon »), ses condisciples Haseinklein (« L’ange au bec-de-lièvre », « fils de héros nazi » métaphysicien, qui massacre Virginie Coulpe), et De Harciny lors d’études à Nuremberg et Bruxelles (ainsi que le mélomane Flotille, « l’exobiologiste aux bretelles d’or »), son service sur l’aviso allemand désarmé Nichtberg (avec son aspirant, Ulghanf, adepte de « suggestologie »), le vieux cargo mixte Roll-Tanger et la goélette Aglaé – aussi une prostituée aimée, qui lui donne la photo de l’archipel ; ce dernier, avec l’Abora son menaçant volcan, les requins bleus du lagon, « les Blancs de l’île-mère et les indigènes des îles boisées », son compagnon Lami le radioastronome et son chien Hubble, « un nègre-pie » sculpteur d’arbres dans sa forêt totémique, le contrebandier Jacob, petit-fils bossu d’un bagnard chevauchant Maître Aliboran l’âne, Angor, pirate capitaine de l’Argus, Mahalia la sauvageonne qu’il a recueilli et devenue son amante, Requiem, Asiate borgne devin et conseiller du gouverneur, l’arbitraire paranoïaque Rubi O.Sessé, un despote caricatural – on n’en est qu’au cinquième du livre, et toujours s’étoffera et se précisera l’univers du narrateur.
« Le bossu était en somme un camelot des mers, vague regrattier des songes, plus pourvoyeur que messager, Mercure aux ailerons ossifiés sur l’épaule. »

Autres récurrences significatives, l’oubli, le somnambulisme, la recherche d’un contact extraterrestre, l’Allemagne vaincue près la Seconde Guerre mondiale, des statues (notamment tombées du ciel), la vodka verte, la relation entre expansion/inflation/dispersion et gravitation/attraction/accrétion dans le cosmos, assujétissements et liberté, dualité et unité, la Vénus d’Arcturus (une mystérieuse constellation intime), le professeur Rubio Zwitter, qui traite son « amnaphasmie », syndrome rare d’"amnésie fantôme", « hypermnésie spasmodique », « de type écliptique ».
La structure fragmentaire ne permet qu’une lecture discontinue, mais une certaine continuité est souvent perceptible d’une bribe à l’autre, traçant un récit narratif qui reconstitue peu à peu la mémoire éparpillée du sujet, à la recherche de son identité et du nom de celle qu’il aime.
Le séquençage en courts paragraphes à la fois déroute le lecteur et facilite sa lecture.
Cahier de notes éparses qui sont parfois des épisodes d’aventure vécues (quelquefois reprises plus loin), de brefs contes, des esquisses narratives laissées ouvertes, des notations scientifiques (principalement de mécaniques céleste et quantique), des anecdotes historiques, des réflexions philosophico-métaphysiques, des hypothèses métaphoriques qui interrogent la réalité, elles émaillent le développement de l’histoire, elle-même confondue à sa conception, à la fois genèse cosmique et littéraire, création totalisante de l’univers et du livre.
« Le philtre de Tristan et Yseult dure-t-il par-delà la vie ? Une idée absurde me vient : écrire un livre pour ramener au monde l’être perdu, pour le ramener réellement. Un livre, en somme, pour inventer la réalité. Tout en lui devrait avoir l’étoffe inimitable des sensations. À vrai dire, il serait cette étoffe même à force d’intensité et de style. »

« Quelqu’un m’a soutenu une théorie affolante, équations à l’appui, qui tendrait à prouver que l’observation est créatrice de son objet, que l’atome n’existait pas avant qu’on l’imaginât. Et donc que l’univers ne serait que la mesure approximative des facultés humaines les plus abouties. Il se disait persuadé qu’on trouvera inévitablement ce qui est recherché avec assez de pugnacité intellectuelle. La particule inversant d’une nanoseconde la flèche du temps, par exemple. »

(Dans l’article ATOME ¶, cette « théorie » semble inspirée du principe d’incertitude de Heisenberg.)
« ATTENTE ¶ Il n’y a pas d’autre nom à notre perception du temps ; c’est la durée qui prend conscience d’elle-même. »

« AUTOSCOPIE ¶ Les psychiatres parlent d’hallucination spéculaire. En grec, scopias n’est que l’action d’observer, de s’auto-observer. Il est normal qu’on finisse par se dédoubler, par se considérer soi-même du point de vue du spectateur sur la scène simplifiée du regard. […] C’est notre condition que de tout dédoubler ; la culture, le langage humain, ne sont que l’exercice varié du double. »

« COPIE ¶ Comment s’expliquer la simultanéité non causale à distance dans la physique quantique ? Et dans la vie amoureuse ? Nous vivons peut-être dans la duplication en tout lieu, entourés d’une procession inépuisable de doubles. Dans ma solitude existe ici et là une copie intempestive de moi-même qui poursuivrait ma chimère, l’entretien d’un amour absolu que j’ignore ou qui échappe aujourd’hui à ma conscience, à ma vigilance trahie. »

« DEUX ¶ L’unité perdue, adverbe qui veut dire deux. Perdre serait se dédoubler. »

(La notion d’alter ego parcoure tout le livre ; le narrateur aurait-il eu un frère jumeau ? Lami serait-il lui-même ?)
« Le temps ne serait que la pensée des distances, la vitesse de la lumière. »

« Mon idée, peut-être indéfendable aujourd’hui, avance la simultanéité foudroyante de tous les moments et de tous les lieux d’une vie en regard d’un point tangentiel absolu situé à l’origine comme à la fin de toutes choses. Cette disparité, ce côté hoquetant et hasardeux des événements et des états de conscience dans le ressac de la mémoire, ne prouvent que notre infirmité de créature. »

« ÉVÉNEMENT ¶ Tout arrive, tout se produit, tout est événement, l’univers lui-même dans sa totalité. Mais tout, sur un autre plan, est aussi répétition. La femme que j’embrasse pour la première fois, même si je la perds aussitôt, m’enchaîne éternellement à elle. »

« HABITUDE ¶ La plupart des gens vivent cette aliénation quasi hypnotique des habitudes, à la fin système végétatif coextensif à la vie même, pathologie de la mémoire qui se sclérose en manies inconscientes. L’étymologie parle de manière d’être, d’habitus. Hormis mon goût pour la vodka, aujourd’hui brimé, je n’ai cessé de rompre avec l’automate, de rejeter l’espèce de mithridatisation de la nouveauté et du désir qui endort chacun dans la fadeur, sous les mauvais plis du quotidien. »

« HUMEUR ¶ On s’est tous dit un jour que l’univers n’était peut-être qu’une goutte de salive aux babines d’un chat, une dernière goutte de sang tombant de la tempe d’un suicidé, l’infinitésimale sécrétion d’une glande endocrine à l’origine des seins naissants d’une femelle sapajou, le tourbillon de plasma dans le conduit de l’urètre à la seconde précédant l’éjaculat d’un puceron. La géométrie n’est qu’une migraine d’insecte dans son espace mécanique. »

« HYPNOSE ¶ L’inhibition partielle du cortex qui conduit à l’hypnose – quand l’esprit se fixe sur un seul point, dans la méditation instrumentale par exemple, ou par les manœuvres d’un inhibiteur bien ou mal intentionné –, nous admettons sans mal qu’elle participe de la psychologie ordinaire. Quiconque veut persuader use de techniques d’hypnose, jeux des mains et du regard, focalisations de l’attention, usage sédatif de la répétition. Tous les hommes politiques, a fortiori les dictateurs, associent les artifices de la démagogie à la séduction hypnotique. Nous avons tous été plus ou moins victimes d’un lavage de cerveau organisé à travers les trois phases de toute éducation : un long isolement psychologique conduisant à la perte de personnalité, l’interrogatoire intensif provoquant la confusion et l’angoisse en même temps qu’un état de suggestibilité aigu, puis enfin la conversion aux valeurs de l’ennemi par le moyen d’une confession tous azimuts qui pousse le sujet à se soumettre corps et âme à ses tourmenteurs pour obtenir le pardon et accéder à la rédemption communautaire. En Allemagne, préparé par l’hygiénisme scout, l’esprit de revanche et le naturisme wagnérien, c’est tout un peuple qui aura subi la double contrainte de l’hypnose et du contrôle de la pensée. À la fin de la guerre, des millions d’Allemands en état de choc, abandonnés à leur inhibition, auront régressé dans l’angélisme ou la névrose obsessionnelle. »

« On sait que les champs électromagnétique et gravitationnel ne sont que deux états transitoires de l’univers, lesquels permettent la perception humaine. Si l’atome (la matière donc) n’existe qu’au moment où il change, tout le réel se profile sur les instants de changement, le monde sensible n’est qu’un froissement de l’éphémère sur fond de néant. »

« PHÉNIX ¶ L’univers parvenu à un seuil d’expansion tel que la désintégration de la matière devient désintégration de l’espace-temps : le champ euclidien existe-t-il encore sans ces repères gravitationnels que sont le point et le centre ? Mais l’univers crée sa forme. L’annihilation de la masse équivaut à la disparition hors l’espace-temps. Disparu hors de lui-même, tout recommence. Tout recommence à l’instant de désintégration car l’absence d’espace recrée à tout instant le point zéro. Pourquoi, alors qu’on admet le concept magique d’inflation, voudrait-on que le Big Bang, pour se répéter, ait besoin de récupérer l’univers comme masse ? Toute matière naît d’un déséquilibre quantique et non d’une quantité au sens classique. L’éternel retour ne se négocie avec aucun dieu, ni aucune causalité. Tout renaîtra, tout ne cesse de renaître. Et l’instant n’est autre que les mille recommencements surimposés de l’univers à cet instant de ma conscience : une statue éternelle et instantanée à laquelle une infinité d’autres succéderont dans toutes les poses imaginables. »

« TECHNIQUE ¶ L’intelligence automatisée de la technique, vraie pensée d’esclave, a depuis longtemps perdu l’innocence de l’instrument. Un moyen n’est jamais gratuit puisqu’il résulte d’une intention. Il m’a toujours semblé que la science aurait pu emprunter d’autres directions, dissemblables, si notre morphologie, nos sens et nos désirs eussent été autres, qu’elle obéit à des tropismes inconscients afin de rejoindre et de magnifier, en comblant la distance entre rêve et réalité, l’imaginaire humain spécifique. Il m’arrive de penser que la téléphonie sans fil est venue dédouaner un phénomène occulte comme la télépathie par une sorte de fatalité. La technique nous sauve in extremis de l’irrationnel. À la fin, on pourrait créer Dieu, le bricoler plutôt, aboutir aux preuves objectives de son existence. Au fur et à mesure de sa progression, la technique invente le monde. Elle devient l’invention du monde (qu’elle remplacera sans doute un jour dans l’exil virtuel définitif). L’au-delà du quark et la valeur du spin, moment angulaire interne de la particule, voire de l’incertain graviton, surgissent comme par miracle à la croisée de la théorie et de la sophistication de l’instrument. Avec une conviction entière et des moyens adéquats, l’homme pourrait créer l’objet de son désir. Le rêve n’est qu’une étape. »

« THÉORIE ¶ Complice avec l’étymologie, voici un spectacle qu’on se donne. Plus les sciences exactes perdent pied, plus la théorie prospère. On pourrait même imaginer un nouveau genre qui concernerait scientifiques, philosophes, romanciers et schizophrènes : la théorie-fiction. »

« TRIBUNAL ¶ Je n’eus pas droit à un vrai jugement. Le Coroner après son enquête me livra à une sorte de greffier d’assises d’une corpulence éléphantesque qui semblait avoir dévoré jurés et magistrats avec tous les dossiers d’instruction. Deux gardes civils me poussèrent jusqu’à la prison. Aux pires heures de l’Inquisition, même les rats et les insectes avaient droit à un procès avec écritures, avocats et comparution de témoins. Pour convaincre les animaux nuisibles de collusion avec Satan, les tribunaux civils ou sacerdotaux multipliaient les audiences. Le juge Barthélemy de Chasseneuz, en Bourgogne, rédigea l’ordre d’accusation contre les hurebers, sauterelles venues de l’Inde qui dévastaient les vignes, et leur intima l’ordre de comparaître. Le vin étant un don de Dieu, les sauterelles péchaient contre lui. Et preuve que la loi primait l’arbitraire, une contestation de l’application du droit canon par le tribunal séculier entraîna des échanges d’arguties pendant des semaines. Un verdict de bannissement à l’encontre des sauterelles sera pour finir lu dans les vignobles par les juges en grande tenue. On connaît aussi maints procès de chenilles, sangsues, escargots, porcs, hannetons, lapins de garenne avec assignation officielle et protection de corps pendant le difficile trajet des campagnes à la ville où se tiennent les tribunaux. À Mayence, la défense parvint à faire relaxer les mouches comme mineures au moment des faits incriminés. On leur accorda un droit de séjour limité. Au Brésil, les fourmis d’un couvent franciscain furent accusées de vol caractérisé et jugées selon l’esprit de saint François : nos sœurs les fourmis furent convaincues de quitter le couvent. »

« Pour moi l’univers est fermé comme une bétonnière qui tournerait à vide. »

« Sigmund Freud avait tout motif de remplacer impitoyablement le mot amour par celui de transfert et de considérer la pensée comme un substitut hallucinatoire du désir. »

« VAGUE ¶ Dans quelle trappe suis-je tombé ? Rien ne m’occupe aujourd’hui que le mouvement des vagues. Cet ondoiement léger porte un liseré d’écume sur la grève. J’y vois comme une écriture renouvelée, ligne après ligne, d’un gris tremblé le long des côtes. »

À la moitié du livre, la belle Azralone répond trente-huit ans plus tard à son souhait d’enfant (un appel intersidéral à partir d’un poste à galène), foudroyante prise de contact avec Arcturus à trente-huit ans années-lumière ; au cours de ses observations astrales, il découvre la planète Katléïa, et prend place le personnage d’Adolf Manthauneim l’idiot du village fasciné par le nazisme, homme à tout faire et prodige de calcul mental. Au trois-quarts du livre, le narrateur est emprisonné à la maison d’arrêt d’Orlon (sur l’île Savante, où le bagne initial devint léproserie avant d’être la prison de l’archipel), accusé par le Coroner du meurtre de Lami dans la nuit de la Sainte-Ambroisie ; il va être pendu par le bourreau, M. Pantoire.
Ce texte est certes long – mais qui pourrait certifier que telle partie éventuellement "retranchable" n’y a pas sa place ? Et l’énigme n’en est que plus intrigante… J’ai tenté sans succès de faire un rapprochement (parmi beaucoup d’autres possibilités) entre le monde stellaire et le microcosme de l’archipel… un absorbant casse-tête !
Une pertinente mise en abyme : le narrateur enfant qui recompose le grand miroir brisé peu après la mort de sa mère…
« Tout devint puzzle bousculé pour moi, images d’images, mondes débâtis. Et c’est mon esprit qui s’étale aujourd’hui en morceaux. Saurai-je jamais en rapprocher l’unité et la forme ? »

J’ai particulièrement apprécié l’exploitation imaginative des récentes découvertes scientifiques, sources d’émerveillements dont il est trop rarement tiré parti en littérature ; c’est particulièrement vrai de la physique quantique, si difficile à se figurer.
Dictionnaire (ou encyclopédie) d’une vie, mémoire recomposée, constituée comme un puzzle par Haddad, qui ne perd jamais le fil conducteur dans les digressions qui n’en sont guère, jouant de registres allant du poétique à l’épique en passant par l’érotique, c’est une véritable « vision totale du monde » (Weltanschauung).
D’une lecture passionnante, ce fabuleux roman m’a ramentu (par moments et pour des motifs différents) certaines structures issues de l’OULIPO, Là où les tigres sont chez eux de Blas de Roblès ou même L'Encyclopédie du savoir relatif et absolu de Bernard Werber, aussi Marelle de Cortázar, Locus Solus de Raymond Roussel ainsi que les œuvres de Novalis et de Tournier, également les errances et naufrages d’Ulysse.
J’ai déjà lu Haddad dans Perdus dans un profond sommeil, lorsqu’en son temps je me suis intéressé au courant de la Nouvelle Fiction, découvrant ainsi Frédérick Tristan avec Les Égarés, La Cendre et la Foudre, Le fils de Babel, Le singe égal du ciel, Un monde comme ça, L’Énigme du Vatican), le sinologue Jean Levi avec Le coup du Hibou (sur les aspects du pouvoir), Georges-Olivier Châteaureynaud (Newton go home! et Au fond du paradis) et François Coupry (Le Rire du pharaon) ; il y a de nombreuses pépites dans ce courant (méconnu ?) qui fait la part belle à l’imaginaire en interrogeant son rapport au réel : il me faut l’exploiter davantage !

\Mots-clés : #aventure #contemythe #fantastique #identite
par Tristram
le Sam 12 Nov - 12:33
 
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Sujet: Hubert Haddad
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Mark Twain

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A la dure

J'aurais mis le temps pour revenir partager quelques mots sur ce livre, et si je vais faire court ce sera néanmoins de bon coeur.

Pour faire injsutement synthétique qu'ai je trouvé dans ce livre :

- une lecture divertissante, pleine d'humour
- un mélange de récit de voyage et d'aventure
- un stupéfiant panorama d'images des mythes américains

De la ruée vers l'or à Hawaii, San Francisco, de galeries de personnages en péripéties improbables, c'est baignés de bonne humeur que l'on voyage au fil de ce journal. Et les images fortes que l'on parcourt sont d'étonnants échos à nos visions de films si ce n'est d'actualités et d'étrangetés d'outre atlantique.

Le ton y est pour beaucoup mais la matière vaut le détour. Super lecture avec des moments incroyables !

Mots-clés : #aventure #humour #lieu #voyage #xixesiecle
par animal
le Dim 9 Oct - 13:04
 
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Sujet: Mark Twain
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