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Message par bix_229 Dim 9 Juin - 16:02

De Faulkner, j'ai pratiquement tout lu -sauf ce que ne veux pas lire- et en partie
relu.
Heureusement !
Je reviendrai peut etre aux nouvelles qui font partie de ce qu'il a écrit de mieux.
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Message par Aventin Dim 9 Juin - 16:46

bix_229 a écrit:De Faulkner, j'ai pratiquement tout lu -sauf ce que ne veux pas lire- et en partie
relu.
Heureusement !
Je reviendrai peut etre aux nouvelles qui font partie de ce qu'il a écrit de mieux.
Oui pour moi aussi ça commence à être réduit, le "reste à lire" et Faulkner.
Il y a tout de même de la relecture à prévoir, par exemple "Descends, Moïse !": je suis passé complètement au travers.

Sinon Faulkner est un maître de l'art de la nouvelle, tout à fait d'accord, mais pas seulement: j'envie ceux qui tourneront les pages de Tandis que j'agonise ou de Sanctuaire pour la première fois !
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Message par Bédoulène Dim 9 Juin - 17:56

déjà tourné ces pages Aventin, mais lu seulement les Palmiers sauvages dans ses nouvelles.

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Message par bix_229 Dim 9 Juin - 18:53

William Faulkner  - Page 4 51llv611

L'Invaincu

« Ringo et moi nous étions nés le même mois, nous avions été nourris tous deux au même sein et nous avions couché et mangé ensemble si longtemps que Ringo appelait grand-mère ‘Granny’ exactement comme moi, au point que peut-être il n’était plus un nègre, que peut-être je n’étais plus un enfant blanc, que nous deux nous n’étions même plus des êtres humains : tous deux au-dessus de la mêlée, invaincus telles deux phalènes, deux plumes chevauchant plus haut que l’ouragan »

J'ai toujours eu un faible pour ce roman. Parce que, contrairement à d'autres, il se lit facilement, mais aussi, bien qu'il se passe pendant la Guerre de Sécession, il met en scène deux enfants, un blanc, un noir qui vivent les mêmes aventures et ne sont pas tributaires de leur couleur de peau.
Le blanc, c'est Bayard Sartoris qu'on rencontre ailleurs dans la saga faulknerienne. De même que certains personnages de la trilogie des Snopes.

Structurellement, c'est plutôt un recueil de nouvelles qu'un roman. Ce que j'ai apprécié aussi c'est le côté autobiographique, avec des impressions poétiques superbes sur la faune, la flore et le passage des saisons. Sur les personnages de noirs aussi. On est loin de la dénonciation du racisme, mais il y a une empathie certaine que Faulkner ressentait pour ceux avec qui il vivait.

Conseillé à ceux qui entrent dans l'univers de Faulkner.
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Message par animal Dim 9 Juin - 20:57

Je n'ai pas trop le souvenir d'assemblage de nouvelles ou alors la structure de l'ensemble est très cohérente. Peut-être des ellipses de temps ? C'est en tout cas le premier que j'ai lu et je suis d'accord pour le plus facile à lire (mais consistant quand même) et rétrospectivement (il m'en reste beaucoup à découvrir) une bonne porte d'entrée oui. Et ça ne manque pas de souffle ! (et rien à voir avec une sortie de métro).

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Message par bix_229 Dim 9 Juin - 21:32

animal a écrit:Je n'ai pas trop le souvenir d'assemblage de nouvelles ou alors la structure de l'ensemble est très cohérente. Peut-être des ellipses de temps ? C'est en tout cas le premier que j'ai lu et je suis d'accord pour le plus facile à lire (mais consistant quand même) et rétrospectivement (il m'en reste beaucoup à découvrir) une bonne porte d'entrée oui. Et ça ne manque pas de souffle ! (et rien à voir avec une sortie de métro)J'ignore pourquoi Faulkner j'ignore pourquoi Faulkner a choisi cette forme
J'ignore pourquoi Faulkner a choisi cet assemblage, mais il est cohérent en effet et porte en substance  beaucoup de
matière proprement faulknérienne et qu'on retrouve ailleurs dans son oeuvre.
 Au portrait réussi  de l'ami ado de Bayard Sartoris, Ringo, j'ajouterai les femmes fortes parmi les noirs.
Une sorte de justice légitimement rendue.
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Message par Tristram Sam 10 Aoû - 14:33

Monnaie de singe

William Faulkner  - Page 4 Monnai10

De retour de la Première Guerre mondiale en train avec Joe Gilligan et le cadet Lowe fort ivres, et la récente veuve Margaret Powers à la bouche rouge comme une blessure, Donald Mahon, aviateur blessé, commence à devenir aveugle et mourir.
Le jeune cadet Julian Lowe est un « aspirant » fort dépité que la guerre soit terminée avant qu’il devienne un aviateur, un « as » (avec les « ailes » comme insigne, et une blessure gratifiante) :
« Être lui, avoir des ailes, mais avoir aussi sa balafre ! »

« …] en s’appliquant à avoir plus de dix-neuf ans (pourquoi dix-neuf ans a-t-il honte de lui-même ?) »
Julian constitue un personnage assez lamentable, mais très bien observé ; tombé sous le charme de Margaret, il ne cessera pas de lui envoyer des lettres minables tout au long du roman.
Januarius Jones (présenté comme un bouc obèse aux yeux jaunes, cynique et pervers) rencontre le pasteur Mahon, père de Donald (qu’il croit mort), puis Cecily Saunders, sa délicate, blanche et arbustive fiancée (qui depuis fréquente le falot George Farr) ; arrivent Mrs Powers, enfin Joe avec Donald. Est présente Emmy, la servante (avec qui ce dernier a couché).
C’est une scène de théâtre, un bal sordide, tableau satirique qui pourrait se sous-titrer "prestige de l’uniforme auprès de la gent féminine en temps de guerre". On peut concevoir que Faulkner puisse avoir été considéré comme misogyne ; voici une réplique à sa décharge :
« ‒ Ce sont les hommes qui s’inquiètent de l’honorabilité de notre nom parce que ce sont eux qui nous les donnent. Mais nous avons, quant à nous, d’autres soucis en tête. Ce que vous appelez un nom honorable est comme un vêtement trop léger pour être confortable. »
Et une confession :
« ‒ Je crois que vous devenez misanthrope, Joe." […]
"Assurément, quand il s’agit de femmes. »
La détresse, l’espoir irraisonné du Révérend, père du condamné, est rendue avec une certaine cruauté :
« Le spécialiste d’Atlanta nous avait bien dit qu’il devait devenir aveugle. Mais les médecins ne savent pas tout. Qui sait ? Quand il aura repris des forces et sera tout à fait rétabli, peut-être recouvrera-t-il la vue.
‒ Oui, oui, fit le recteur prêt à s’accrocher à n’importe quoi. Qu’il se remette ! Et ensuite nous verrons. »
La foi et la religion sont d’ailleurs questionnées, ainsi au moyen de cette curieuse conception théologique du Révérend Mahon, suivie d'une réflexion sartrienne de Joe :
« "Les voies du hasard sont bien impénétrables, Joe.
‒ Je pensais, mon Révérend, que vous auriez dit les voies de Dieu.
‒ Dieu, c’est le hasard des circonstances, Joe. Dieu est en ce monde. Nous ne savons rien de l’autre. Cela viendra en son temps. "Le royaume de Dieu est dans le cœur de l’homme" ; c’est la Bible qui le dit.
‒ N’est-ce pas là une doctrine assez inattendue de la part d’un pasteur ?
‒ Rappelez-vous, Joe, je suis un vieil homme. J’ai passé l’âge des querelles et des rancunes. Nous faisons notre paradis et notre enfer dans cette vie. Qui sait ? peut-être après notre mort ne sommes-nous appelés à aller nulle part, à ne faire quoi que ce soit. Ce serait cela, le paradis.
‒ Ou ce sont les autres qui font pour nous le paradis ou l’enfer. »
Dès le début du second chapitre, Faulkner présente d'étrange façon l’église du Révérend Mahon :
« De l’ensemble gothique de l’église s’élançait le clocher comme une prière de bronze indestructible, perpétuant l’illusion d’une chute lente parmi les petits nuages impassibles. »
Et voici, vers la fin, l’évocation d’une pauvre église de Noirs :
« Enfin, dans un bouquet d’arbres au bord de la route, ils virent la misérable petite église avec sa contrefaçon de clocher penché. »
Tout le roman est parcouru par un certain humour, certes caustique, plutôt de la raillerie, voire du sarcasme. Mais peut-être cette dérision grinçante est-elle aussi shakespearienne, selon l’inspiration de ce drame d’amours et de mort.
Ce premier roman me paraît vraiment être une bonne porte, d’ailleurs évidente, pour entrer dans l’œuvre de Faulkner, et sa manière caractéristique d’injecter les bribes de pensées des personnages en soliloque brut, de dévoiler nombre d’observations psychologiques et sociales tout en préservant la part humaine d’insondabilité ‒ sans compter des pensées métaphysiques qui sentent peut-être encore un peu leur auteur débutant :
« Toutes les impressions d’une journée, qu’il y en ait dix ou cent mille, on cette faculté précieuse de tomber dans l’oubli, où tôt ou tard s’ensevelissent toutes les inventions humaines. Voilà qui préserve le monde d’un encombrement désastreux. »

« Le Sexe et la Mort, porte d’entrée et porte de sortie du monde. Comme ils sont en nous inséparables ! Durant notre jeunesse ils nous enlèvent au-dessus de la chair ; quand nous sommes devenus vieux, ils nous ramènent à la chair, l’un nous engraissant, l’autre nous décharnant, au bénéfice des vers. Quand les instincts sexuels sont-ils plus aisément satisfaits qu’en temps de guerre, de famine, d’inondation, d’incendie ? »

« La liberté naît de la décision : elle n’attend pas l’action. […] Le mieux est de se contenter d’être libre sans en avoir conscience. Avoir conscience d’être ceci ou cela implique une comparaison, un rapport avec son contraire. Vivez donc votre rêve, mais ne le réalisez pas. Sinon ce sera la satiété. Ou le désespoir. Lequel est pire, je me le demande ? »

Bonus : tout au long de cette belle lecture, j’ai été accompagné par l’illustration de couverture, Gamme jaune de Kupka, représentant ton sur ton ce qui paraît être un lecteur malade s’étant assoupi :

William Faulkner  - Page 4 La_gam10

J’ai été frappé par le plombé des paupières baissées, sombre complémentaire bleue comme un regard.
Il existe une IIe étude de cette œuvre, plus figurative, voire expressionniste :

William Faulkner  - Page 4 La_gam11

Mots-clés : #mort #premiereguerre

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Message par ArenSor Sam 10 Aoû - 15:55

Kupka se serait inspiré du portrait de Baudelaire photographié par Nadar.
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Message par Tristram Sam 10 Aoû - 15:56

Je me disais aussi !

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Message par Aventin Mar 24 Déc - 0:38

Moustiques

William Faulkner  - Page 4 Mousti10


Titre original: Mosquitoes. Roman, paru en 1927, 300 pages environ.

C'est le second roman de Faulkner, dont le nom est cité -évoqué, en fait- comme celui d'un personnage un peu timbré dans une peripétie secondaire de l'ouvrage.

Drôle de roman, découpé en quatre journées, elles-mêmes comptées en heures, encadrées par un prologue et un épilogue. Il s'agit d'une croisière, un peu piteuse à vrai dire, sur un lac à bord d'un yacht de luxe, organisée par Patricia Maurier, veuve, se targuant du titre d'amie des arts - et de mécène à sa façon.

L'épilogue ouvre sur la visite d'Ernest Talliaferro, lui aussi ami des arts et mécène de cœur, à Gordon, espèce de sauvage grand, musculeux, sec et abrupt, dans l'atelier de sculpture de ce dernier. Après une péripétie comique autour d'une bouteille de lait et de Talliaferro (qui s'appelle en fait Tarver mais a, en affaires comme pour sa vie privée, opté pour le pseudonyme de Talliaferro, comme un artiste), ce dernier introduit Patricia Maurier et sa nièce, l'outrecuidante Patricia "Pat" Robyn, chez le sculpteur.
Le but est de solliciter Gordon afin qu'il participe à une croisière à bord du Nausicaa, le yacht de luxe de Madame Maurier...

L'assortiment un peu bancal, un peu générateur de malaises.
Ces passagers-là ? On essaie de croiser les catégories (hommes-femmes, jeunes-vieux, artistes-non artistes, pique-assiettes intéressés-passagers désintéressés, etc...) ce qui produit des huis-clos en cascade, intrinsèques souvent à la littérature propre aux navigations:
Par exemple les hommes qui picolent en cabine tandis que la maîtresse des lieux tente en vain de rassembler tout le monde sur le pont.

Quelques réflexions sur le rôle social et sociétal de l'artiste, ainsi que sa place dans l'humanité, menées à bâtons rompus et sous formes d'interventions discursives d'untel ou d'untel, peuvent s'avérer juteuses ou originales parfois. D'ailleurs, elles peuvent être l'apanage d'artistes plus avant dans leur carrière, or là Faulkner n'en est qu'à son deuxième roman. Il y a beaucoup à dire, mais ce serait dévoiler; un Faulkner pas si mineur qu'il ne pourrait en avoir l'air.

Je ne sais si les réflexions sur les femmes, parfois terribles de misogynie, sont des convictions du Faulkner d'alors, ou bien s'il faut les contenir dans le cadre des caractères (des personnages) qui les profèrent, penchant plutôt pour cette seconde hypothèse, en ce sens que je n'en ai pas réellement trouvé trace qui corrobore dans les autres romans de Faulkner qu'il m'a été donné de lire (même si on peut déterrer un cas ou deux de ci - de là, mais enfin, à ce compte-là...).

Et les moustiques, dans tout ça ?
Ils symbolisent, à mon sens, l'élément externe de l'ordre du désagrément inévitable et agressif, qui malmène et l'emporte toujours: un pendant, en somme, au bateau envasé, ceci par l'erreur des humains, et pour lequel il est une solution tout aussi conduite par les humains, le remorquage.

William Faulkner  - Page 4 Nn_rmo10

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Message par Tristram Mar 24 Déc - 1:15

Voici un extrait de la préface de Raymond Queneau à Moustiques, où il signale un caméo de l'auteur, intervention avec une tirade shakespearienne, comme de juste...
« Dans ce roman préromanesque, il éprouve encore le besoin de s’exprimer directement. Mieux même, tout comme Charlie Chaplin apparaît incidemment dans A woman of Paris sous les aspects d’un portefaix, Faulkner fait coucou au détour d’une conversation (« talk, talk, talk; the utter and hearth-breaking stupidity of Words » ) sous les espèces d’un « drôle de petit homme [… »

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Message par Aventin Mar 24 Déc - 2:14

Oui, la préface de Queneau est à déguster; on regrette de ne pas tomber plus souvent sur des préfaciers de cette originalité !

J'en profite pour caser un petit extrait de Moustiques, provenant de l'étrange Épilogue, avec un texte extérieur mêlé au texte de Faulkner, c'est un petit joyau ciselé:  
Épilogue a écrit:
Fairchild continuait à divaguer. Gordon prit un tournant et franchit une porte. Elle s'ouvrit, projetant un faisceau de lumière sur le pavé, puis, elle se referma, emportant la lumière. Le Sémite serra le bras de Fairchild et s'arrêta. Autour de lui, la ville se pâmait en une volupté faite d'obscurité et de chaleur, en un sommeil qui n'était pas du sommeil et l'obscurité et la chaleur lapaient son petit corps épais au rythme du pouls éternel du monde. Au-dessus de lui, au-dessus de l'étroit cañon de la rue, d'énormes étoiles chaudes brûlaient le cœur des choses.
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Message par Armor Mar 24 Déc - 14:44

Ca fait longtemps que je me dis qu'il faudrait que je lise Faulkner. Spontanément celui-ci me tenterait bien.

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Message par Bédoulène Mar 24 Déc - 17:05

merci Tristram, j'ai dans l'idée de revenir à Faulkner !

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Message par Aventin Mer 25 Déc - 17:46

Armor a écrit:Ca fait longtemps que je me dis qu'il faudrait que je lise Faulkner. Spontanément celui-ci me tenterait bien.
Il est un peu curieusement emberlificoté, et réclame une attention soutenue: pas sûr que ce soit idéal comme porte d'entrée (ça peut décourager, qui sait ?) mais pourquoi pas ?  

Bédoulène a écrit:merci Tristram, j'ai dans l'idée de revenir à Faulkner !
De rien Bédou (je crains que ce ne soit à moi que tu ne souhaitais t'adresserWilliam Faulkner  - Page 4 1038959943)
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Message par Bédoulène Mer 25 Déc - 21:01

oups! oui c'est Aventin qui a commenté Moustiques mais je les voyais plus dans ta région ! Smile

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Message par Aventin Mer 19 Mai - 22:05

Requiem pour une nonne

William Faulkner  - Page 4 Faulkn10

Titre original: Requiem for a Nun, a paru en 1951, genre: théâtre enchâssé dans un roman (??).

Où l'on retrouve, huit années après Sanctuaire, les caractères de Temple Drake, Gavin Stevens l'avocat, Gowan Stevens son neveu, ex-lâche de bonne famille devenu, depuis, le mari de Temple.
Alors bien sûr, Sanctuaire est un tel chef d'œuvre qu'on ne peut que se réjouir a priori de retrouver ces personnages, mais, il y a un mais.

Si la distance dans le temps entre les deux fictions est de huit ans en ce qui concerne les protagonistes et l'action, elle est de vingt ans entre les dates d'écriture.
Ce qui nous amène après le Nobel de littérature de 1949, et concomitamment à la réception du second National Book Award jamais décerné: entretemps Faulkner est devenu une étoile [en provenance du Dixie Flag], un incontournable de la littérature mondiale.

L'ensemble laisse un drôle de goût.
Brouillon, décousu, bavard tendant vers la logorrhée, laissant le lecteur sonné de ces infinissables ensembles massifs.
Je crois (et j'aimerai échanger sur le sujet !), par hypothèse, que Faulkner s'est permis.
À présent installé, l'âge légèrement mûrissant, ayant prouvé, détenant la notoriété, n'a-t-il pas eu envie de se permettre ?
De lâcher du narratif épais comme une lave et brodant sur un thème, avec le côté brouillon, distendu du premier jet -celui, d'ordinaire, de la garniture de corbeille à papiers- intact, restitué dans toute sa force. 
Et de donner une profondeur bien dans l'air du temps de ces années 1950: une dimension existentialiste (au reste, c'est Albert Camus qui montera la pièce pour le théâtre, ça ne doit pas être un hasard, si ?).

La longue préparation (dite Acte premier, intitulé: Le Tribunal, sous-titré: Un nom pour la ville) nous donne son lot de causerie narrative interminable, à la sudiste US, tenant en haleine en dépit d'un style plutôt décousu, composite: exposé à tiroirs, paragraphes non aérés, bribes de retours et de redites, bouts dialogués, phrases d'une demi-page voire d'une page, etc...  

Mais l'ensemble reste imprégnant, et l'on finit par mordre à l'hameçon.
Merci.
La scène 2 nous fait entrer de plain-pied dans la partie théâtre proprement dite, bien plus vive et concise.
Le même procédé de nappage préalable avec de denses descriptions inénarrables avant la partie théâtre est repris à l'acte Deux, puis à l'acte Trois.

L'idée directrice (pour aller vite) est que Temple Drake, devenue depuis Mrs Stevens, qui fut mise au bordel par Popeye l'impuissant gangster psychopathe de Sanctuaire (enfin, je ne vais pas vous raconter Sanctuaire !) est devenue la haute-bourgeoise comme-il-sied à son mari, Gowan Stevens, lequel est responsable de l'infamie perpétrée sur Temple et donne l'impression de racheter en quelque sorte sa faute en épousant Temple.
Le couple a deux enfants en bas âge.

Le frère de l'homme de main que Popeye choisissait pour honorer Temple à sa place et en sa présence (celui-là est décédé) a retrouvé un paquet de lettres et menace de chantage Temple, notamment en ce qui concerne la paternité de l'aîné du couple, dont le père aurait toutes les chances de ne pas être Gowan.

Temple, de son côté, a recruté en nounou et personnel de maison une jeune noire, Nancy, sortie du bordel et du ruisseau, qui est aussi sa confidente et, quelque part, sa consœur dans la confrérie de l'infamie, des maisons closes et de la fréquentation des truands.

Nancy, alors que Temple est quasi-prête à suivre le maître-chanteur et à tout plaquer, fortune et situation, afin de retourner à une vie marginale, aventureuse, violente, illégale et risquée, assassine l'un des deux enfants du couple, afin de sauver la situation, se sacrifiant du coup.
L'Acte premier scène 2 s'ouvre, justement, sur son jugement au tribunal, elle est défendue (bien sûr !) par Gavin Stevens, oncle de Gowan et protagoniste de Sanctuaire...

Extrait, comprenant une des plus fameuses citations de Faulkner:
The past is never dead. It's not even past.

Stevens

L'immunité est une chose qui n'existe pa.

Gowan

Contre le passé...ma folie...mon alcoolisme. Ma lâcheté, si vous préférez.

Stevens

Le passé n'existe pas non plus.

Gowan

Là encore il y a matière à rire. Mais pas si fort, n'est-ce pas ? Ça pourrait troubler les dames - déranger Miss Drake - Miss Temple Drake - Bien sûr, pourquoi pas la lâcheté ? L'excès d'entraînement plutôt, ça sonne mieux: Gowan Stevens, entraîné à l'Université de Virginie, à boire comme un gentleman, emmène une étudiante d'un petit collège, une jeune fille vierge, peut-être - sait-on jamais ? - en automobile à un match de base-ball dans un autre petit collège à la campagne. Il se saoule comme dix gentlemen, se trompe de route, continue à boire comme quarante gentlemen, fout sa voiture dans le fossé, dépasse à présent les quatre-vingts gentlemen, tombe ivre-mort, et la jeune fille, la jeune fille vierge, est enlevée et emmenée dans un bordel de Memphis...
(il murmure des mots incompréhensibles)
 

Stevens

Quoi ?

Gowan

Mais parfaitement, de la lâcheté. Appelez ça de la lâcheté. Qu'importe l'euphonie entre de vieux époux ?

Stevens

En tous cas, tu ne pourras pas dire ça du mariage qui a suivi. Qu'est-ce que...

Gowan

Mais si. Ce mariage était dans la plus pure des vieilles traditions virginiennes. Les cent soixante gentlemen, sans l'ombre d'un doute.

Stevens

L'intention était pure, et d'après tous les codes. Prisonnière dans un bordel; je n'ai pas très bien entendu...

Gowan (rapidement: en avançant la main)

Où est votre verre ? Jetez-moi cette cochonnerie - ici.

Stevens (son verre à la main)

Celui-ci me suffit. Qu'est-ce que tu as voulu dire quand tu as parlé de prisonnière dans un bordel ?

Gowan (rudement)

Tout simplement cela. Vous avez entendu.

Stevens

Tu as dit: "et y a trouvé le plus grand plaisir" (Ils se dévisagent) C'est donc cela que tu n'as jamais pu lui pardonner ? - non qu'elle ait été l'instrument créateur de ce moment de ta vie que tu ne peux jamais évoquer, ni oublier, ni expliquer, ni condamner, auquel tu ne peux même pas t'empêcher de penser, mais le fait que non seulement elle n'en a pas souffert mais qu'elle y a trouvé du plaisir - ce mois, ces quelques semaines qui rappellent l'épisode du vieux film où la femme blanche est gardée prisonnière dans la caverne du prince arabe - le fait que tuas été contraint de perdre non seulement ton indépendance de célibataire, mais ton amour-propre d'homme attaché à la chasteté de sa femme, et ton enfant par surcroît, comme prix de quelque chose que ta femme n'avait même pas perdu, ne regrettait même pas, dont elle ignorait même l'absence. C'est donc pour cela que cette pauvre négresse perdue, condamnée, folle, doit mourir ?





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Message par Bédoulène Jeu 20 Mai - 7:55

merci Aventin ; la lecture de cette "suite" est-elle indispensable à Sanctuaire ?

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Message par Aventin Jeu 20 Mai - 17:34

Bédoulène a écrit:merci Aventin ; la lecture de cette "suite"  est-elle indispensable à Sanctuaire ?
Et bien la réponse va être un "non" spontané:
Sanctuaire est un authentique chef d'œuvre, il se suffit à lui-même.

En revanche lire Requiem pour une nonne sans avoir Sanctuaire bien en tête me paraît hasardeux !
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Message par Bédoulène Jeu 20 Mai - 17:56

j'ai déjà lu Sanctuaire Aventin ! Smile

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