Olivier Rolin
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Olivier Rolin
Olivier Rolin, né le 17 mai 1947 à Boulogne-Billancourt, est un écrivain français.
Olivier Rolin passe son enfance au Sénégal, puis il étudie au lycée Louis-le-Grand et à l'École normale supérieure. Il est diplômé en philosophie et en lettres. Membre dirigeant de l'organisation maoïste Gauche prolétarienne, il est engagé dans la « branche militaire » de la Nouvelle résistance populaire (NRP). La Gauche prolétarienne refuse pourtant le passage à l'acte qu'aurait constitué une action violente. Le mouvement NRP, créé pour être le bras armé possible d'une lutte révolutionnaire, est resté pacifique jusqu'à l'auto-dissolution de la GP en 1973.
Par ailleurs, il collabore, en tant que pigiste, aux journaux Libération et Le Nouvel Observateur. Il a été le compagnon de la chanteuse Jane Birkin. Il est le frère de l'écrivain Jean Rolin, qui fut aussi membre de la Gauche prolétarienne.
Son œuvre est inspirée par Mai 68 et la Gauche prolétarienne, les aventures romanesques en Arabie, Rimbaud et Conrad ainsi que ses voyages.
Il a obtenu le prix Femina pour Port-Soudan en 1994, le Prix France Culture pour Tigre en papier en 2003 et le prix du Style pour Le météorologue en 2014.
Il a écrit à trois reprises dans la revue Le Meilleur des mondes (un article sur l'assassinat d'Ilan Halimi, un intitulé « La métis du roman » et un troisième sur la Kolyma). En 2015, à la suite des attentats du 13 novembre 2015 en France, il publie dans Le Monde des Livres une chronique pour répondre aux jihadistes. Il y affirme : « Le djihadisme est sans doute une maladie de l'islam, mais il entretient précisément avec cette religion le rapport incontestable qu'a une maladie au corps qu'elle dévore »
Bibliographie :
Romans
Phénomène futur
Bar des flots noirs, 1987
L'Invention du monde, 1993
Port-Soudan, 1994 (Prix Femina 1994): Page 1, 2
Méroé, 1998 : Page 1, 2
La Langue suivi de Mal placé, déplacé, 2000
Tigre en papier, 2002 (Prix France Culture 2003) : Page 1
Suite à l'hôtel Crystal, 2004 : Page 1, 4
Rooms, 2006
Un chasseur de lions, 2008 : Page 1, 3
Le météorologue, 2014 : Page 2, 4
À y regarder de près, avec Érik Desmazières, 2015
Veracruz, 2016 : Page 2, 4
Baïkal-Amour, 2017 : Page 3
Récits géographiques
Athènes : avec Olivier Rolin, 1986
En Russie, 1987 : Page 2
Sept villes, 1988
La Havana (avec Jean-François Fogel et Jean-Louis Vaudoyer), 1989
Mon galurin gris : petites géographies, 1997
Paysages originels, 1999
Bakou, derniers jours, 2010 : Page 2
Sibérie, 2011 : Page 2
Solovki, la bibliothèque perdue (Texte Olivier Rolin, Photographies Jean-Luc Bertini), 2014 : Page 1
Extérieur monde, 2019 : Page 3, 5
Vider les lieux, 2022 : Page 5
Essais
Objections contre une prise d'armes (sous le pseudonyme d'Antoine Liniers), dans François Furet, Antoine Liniers, Philippe Raynaud, Terrorisme et démocratie, 1986.
Bric et broc, 2011
MAJ de l'index le 21/09/2022
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Flore Vasseur
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Re: Olivier Rolin
Il y a 20 ans, Martin a fait les 400 coups avec une bande de copains. Ils se sont tous éparpillés dans la nature au fil des aléas de la vie, et ce soir, à l'occasion d'une soirée de retrouvailles de leur groupe, il fait la connaissance de Marie, une jeune fille de 24 ans, la fille orpheline de son « ami éternel » de l'époque, Treize. Elle veut connaître son père. Il prend un plaisir mélancolique, à la fois amer et tendre, à jeter un oeil sur sa jeunesse. La vie a passé, qu’est il devenu ?
Là déjà , c’est magique, ils déambulent dans Paris à la recherche de la DS de Martin, dénommée Remember, puis roulent sans fin, sans but, sur le périphérique parisien jusqu'à l'aube qui se lève. Les 2 visages se regardent et s'affrontent, reflètent la lumière des enseignes qui hantent l’obscurité, décor omniprésent de la nuit parisienne.
C'est ça, « à présent » : cheveux gris, l’air d’un bourgeois, et l’envie qui a passé ?
Martin raconte, parle, parle, parle. Et c’est l’histoire, moitié pensant, moitié parlant, de cet homme désabusé : sa mélancolie, ses remords, ces regrets . Ce que cela suppose de digressions, de souvenirs refoulés qui émergent, d'humour alternativement mélancolique et ravageur. Les souvenirs affluent, s’entremêlent, en ramènent d’autres à la surface.
Le texte du passé dans ma mémoire est complètement déformé, chiffonné.
Et cette introspection dans les arcanes du passé, qui hésite entre l'humilité et l'égocentrisme gigantesque (il s'agit bien d'un homme qui parle de lui-même pendant toute une nuit) prend une valeur toute particulière puisque, justement, dans ce passé, Martin avait épousé la Cause, vivait pour la Cause, et ses enthousiasmes juvéniles s'ancraient dans des convictions dont il saisit aujourd'hui le caractère totalement vain et rigide, s'exprimait par des actions violentes, souvent ratées, dont la vie lui a fait comprendre qu'elles loupaient en fait leur cible, qu'elles ramenaient des croyances généreuses(?) à de petits comportements narcissiques.Tu ne sais pas raconter les histoires, tu mélanges tout. C'est le contraire fillette, réponds-tu : l'imbroglio fait partie de l'histoire.
Je ne sais pas comment te faire comprendre ça, on n’était pas tellement des « moi », des «je», à l'époque. Ça tenait à notre jeunesse, mais surtout à l'époque. L'individu semblait négligeable, et même méprisable.
Olivier Rolin reconnaît ses erreurs, il n'en renie pas pour autant ses idées, il reste un homme à la marge, pris entre ses renoncements et une croyance viscérale que notre société a dérivé, qu'elle est invivable, même s'il faut bien y vivre. Un homme qui se croyait un tigre, et quia appris qu’il était aussi fragile et inconsistant qu’une feuille de papier.
Détaché de ses anciens héros, fidèle au spectre de ses amis morts ou éparpillés, il mène une existence dont on sait peu de choses, des noms, des lieux qui trahissent le vide laissé par les espoirs de jeunesse déçus, une existence écartelée avec une élégance désabusée entre fidélité et désespoir. Il jette un regard parfois admiratif, parfois honteux, parfois moqueur sur ces jeunes gens et leurs certitudes, leurs audaces, leur fragilité.
…nous étions à la fois très durs et très infantiles, prêts à tuer sans doute et à nous faire tuer sûrement, et en même temps tremblants devant le sexe, et terrifiés aussi par l'autorité d'un chef qui n'était jamais qu'un étudiant un peu plus savant que nous, un peu plus âgé aussi, de 2 ou 3 ans peut-être …
Vous ne saviez pas encore combien les hommes sont tous tramés de nuit, couturés d'effroi, la littérature aurait pu vous l'apprendre mais vous aviez rejeté la littérature, vous ne croyiez que dans la « vie », et la « vie », la « pratique », éclairées par la Théorie, par les analyses et les instructions de Gédéon, étaient d’une simplicité effrayante. Vous étiez intransigeants et terriblement ignorants -et il n'aurait pas fait bon vous le dire .
Cette lecture d’une profondeur touchante, où chaque phrase happe le lecteur, le ramène à sa propre histoire, à ses propres failles, à ses propres errances. Olivier Rolin, à travers Martin, est un fabuleux
conteur, un portraitiste saisissant . Il parle d'une époque révolue, devenue un peu ridicule, mais où un espoir existait peut-être encore.
(commentaire rapatrié)
mots-clés : #initiatique #politique
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Re: Olivier Rolin
Deux amis, deux jeunes hommes en colère. Deux doubles de l'auteur, devenus l'un écrivain, l'autre aventurier (« un vague côté Rimbaud mâtiné de Conrad. ») , comme il sied à de jeunes gens qui, revenus de leurs faux espoirs de jeunesse mènent une vie de quête « dans le royaume de l’incurable inquiétude ». Un quart de siècle plus tard, la mort de l’un, A., ramène celui qui a choisi l'Afrique dans un Paris qu’il a si longtemps fui, et qui est devenu une « énorme machine molle affairée à l'extinction de la pensée ». Hantant les lieux que son ami à fréquentés, écoutant des témoins de sa déliquescence, il reconstruit cette vie marquée, comme la sienne, par « l'inassouvissement et l’intranquillité ». Leurs parcours sont ceux de deux frères, qui se sont perdus, mais que la vie a pareillement écorchés, chacun sombrant dans son propre naufrage.
Je comprenais que ce qu'on détestait dans l'orgueil, c'était qu'il affirmât la singularité, voire l'élection, de celui qui le revendiquait, et n’éludât point les risques et les devoirs auxquels il engageait - au lieu que la vanité, sa forme contemporaine et dégénérée, n'obligeait à rien qu'à une surenchère de fanfaronnades.
Ce livre est d'une poésie tragique, d'une beauté déchirante. J’ai été emportée par la prose complexe et brillante d’Olivier Rolin, qui parle de ces hommes sans concessions, orphelins de leurs idées de jeunesse, perdus dans un monde qui les horrifie, écartelés par des amours - entre passion et désespoir - qui n'arrivent pas à les sauver.
Une histoire, une fois de plus, d'illusions perdues
Marchant au hasard des rues, observant vaguement les gens et surtout, le soir, désoeuvré, regardant machinalement ce qui était devenu le grand paysage à la fois universel et intime, la grande bâche chatoyante des images étendues partout et repliées dans chaque recoin, égalisant et masquant tout, je comprenais peu à peu, mais de façon indubitable, que tout cela était fini, qu’il n'était plus question d'histoire, ni de morale, ni même sérieusement, à vrai dire de politique : que ces vieilleries nous dataient plus sûrement que nos cheveux grisonnants.
.Il me semblait parfois que les hommes étaient comme de grandes statues creuses à l'intérieur obscur desquelles grondaient un bruit furieux, disloqué par la multiplication désordonnée des échos : et écrire eût été alors tenter d'orchestrer cette pure rumeur du chaos. Nous abritions, sous la majesté muette du ciel, ces retentissements de citernes, ces mugissements d'océan dans des grottes, de bêtes égorgées dans des caves. Cela avait à voir avec la démence et la mort, ou bien si l'on veut avec la raison et la vie considérées comme la lutte confuse et perdue d'avance que nous menions contre ces pouvoirs du néant, le retard qu'ils apportaient à venir nous faire taire. Écrire eut été composer de la musique entre le tohu-bohu et le silence éternel.
(commentaire rapatrié)
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Re: Olivier Rolin
avec des photos de Jean-Luc Bertini
Original : Französisch, 2014
INTRODUCTION :
Le livre se présente dans un format A-4, légèrement moins large, dans un mélange d'un texte relativement court d'Olivier Rolin et de de photographies de Jean-Luc Bertini. C'était en 2010 que l'écrivain avait été la première fois à Solovki, immédiatement sous le charme de ce lieu magique (comme moi quelques années plus tôt...) Depuis il a revisité cet archipel encore deux fois. Le lieu fait référence, dans la mémoire collective, à une histoire réligieuse très riche de par la présence d'un monastère très influent depuis le debut du XVème siècle, et puis par la transformation de l'île en Goulag dès le début des années 1920. Solovki comptait comme le premier Goulag de la sorte ! Au début de la vie du « lager » une vie culturelle même semblait possible. S'y developpa alors entre autre une bibliothèque par les livres apportés par les prisonniers : intellectuels, politiques selon Rolin, mais j'ajoute : aussi des prêtres et autres. Puis avec les années, le durcissement de la situation et la dissolution du Goulag, la bibliothèque « disparaissait », et on ne savait pas vers où. Travaillant sur le sujet de ladite bibliothèque disparue, Rolin revenait en Mars/Avril 2013 pour faire un documentaire pour ARTE. C'est là que naissaient aussi les photos de Jean-Luc Bertini. Leurs investigations les menaient des Solovki vers Kem, Medvejegorsk et Iertsovo.
REMARQUES :
« A quelque cinq cents kilomètres au nord-est de Saint-Pétersbourg, juste sous le cercle polaire, la mer Blanche est une mer presque fermée, un grand golfe de la mer de Barents. A l'ouest c'est la République de Carélie et la Finlande, au nord la péninsule de Kola avec le port de Mourmansk, à l'est la "ville de l'Archange", Arkhangelsk, au sud, près du port presque abandonné de Belomorsk, le débouché du canal Baltique-mer Blanche, autrefois nommé "Staline", dont le percement, de 1931 à 1933, coûta la vie à des dizaines de milliers de déportés. C'est sur les bords de la mer Blanche, à Severodvinsk, que la Russie construit ses sous-marins nucléaires. Terres de sombres forêts, de lacs glaciaires, terres de sang, bourgades délabrées sous la froide lumière du Nord : il faut aimer les paysages mélancoliques pour se balader, surtout en hiver, sur les rivages de la mer Blanche. »
(extrait du livre...)
Restent pour moir l'impression d'une distance vers ce qu'on décrit, un vrai élan, une energie ne sont pas communiqués malgré le sujet plus qu'intéressant. Comme si Rolin faisait ici encore un ajout au film, une exercise de devoir sans vraie particpation. Un peu endormi ?
Il faut être prêt que le sujet du livre (du texte au moins) est alors plutôt la recherche sur les traces de la bibliothèque, même s'il y manque l'élan. Mais il est étonnant, voir pour moi inconcevable que tout en racontant alors sur les Solovki on fait mention en quelques lignes de l'histoire si riche, la place si unique de la tradition monastique. Comment présenter les Solovki sans aucune photo vraie de la vue d'ensemble du Kremlin tellement impressionnant, image que chacun, aussi les prisonniers des sombres années, ont du connaître en arrivant sur l'île ? Comment parler de coté des prisonniers, seulement d'intellectuels et de prisonniers politiques si on sait combien de croyants y furent tués, massacrés, torturés aussi ? Par ces omissions ce livre perd pour moi un grand part de sa vérité, ou de sa percussion.
Parmi les photos il y en a des superbes, des trouvailles de visages, des vues des alentours dans la neige...(un vrai documentaire devrait aussi tenir compte des différentes saisons de l'année!) . Mais beaucoup ne me parlent pas, ne me disent rien. S'y ajoute le manque de titres, de notes explicatives : comme ces photos sont prises aussi sur le chemin des investigations, on ne sait pas où est-ce qu'on se trouve.
Donc, l'impression générale : une certaine vue reductrice et la conviction qu'on aurait pu faire plus. Une occasion ratée pour un sujet extraordinaire dans un lieu magique.
mots-clés : #nature #regimeautoritaire #religion
tom léo- Messages : 1353
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Re: Olivier Rolin
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Bédoulène- Messages : 21642
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Re: Olivier Rolin
Bédoulène a écrit:J'ai vu le documentaire sur Solovki à la TV, suivi de l'auteur dans ses rencontres
Je ne peux rien dire sur le documentaire... Certainement les images sont assez impressionnantes? Mais pour quelqu'un qui a été aux Solovki comme moi, qui a lu des choses sur l'île et l'histoire, le martyre pas seulement de prsionniers politiques, mais justement là: aussi d''innombrables moines, évêques, croyants - je ne peux pas prendre trop au sérieux un livre qui fait abstraction à cela. Et du monastère qui fut incendié, utilisé comme prison terrible. Je sens un terrible parti pris ici. Cela ne fait pas du bien, et m'a profondement choqué.
tom léo- Messages : 1353
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Localisation : Bourgogne
Re: Olivier Rolin
Dire qu'on a aimé un livre plus que tous les autres, c'est de la foutaise. Parce que, c'est pareil, il n'y a pas UN livre, mais une puissance orageuse des lettres qui vous plante de temps en temps son éclair dans la couenne, et c’est tel ou tel livre, mais tout ce qu'on peut dire après c’est que ça vous a collé une foutue décharge, qu’il y a là une force qui vous la coupe, qui vous dépasse infiniment. Et qui as cette propriété bizarre, comme l'amour, etc., de vous désintégrer mais aussi, contradictoirement, de vous concentrer, quelques très courts instants, en un point d’ intelligence et de sensibilité absolues que vous n'atteindriez jamais sans cela. That’s all.
Ce livre est une sublime histoire d’amour.
Le narrateur porte en lui Alfa, une jeune femme lumineuse qui partagea sa vie quelques mois il y a de cela des années. À l'instar du Marlowe de Au cœur des ténèbres, spectateur de sa propre déraison , il a fui son désespoir au Soudan, « un mélange de terreur et d’anarchie débonnaire ». Il discoure des heures durant d'amour, de mort et de littérature auprès de deux interlocuteurs aussi taciturnes l'un que l'autre, Harald l'échassier et Harold de planteur hollandais.
Cette éternelle mélancolie du « trop tard », vous comprenez ? L’humanité, il m'a toujours semblé que c'était ça, cet écart : ça pourrait presque marcher, et puis non, ça foire. Cette magnifique, cette énigmatique puissance de l'échec, voilà ce qui différencie les hommes, l'esprit, de tout le reste - les grands mouvements des roches, des bêtes, des masses d'eau ou d'air. C’est cette puissance négative, ce malheur si vous voulez, qui fait qu'il y a de l'art.
Il n'en demeure pas moins obsédé par le souvenir et le corps d’Alfa., ressassant obsessionnellement les éblouissants moments de bonheur et de sensualité passionnée dont il tente de retrouver la trace auprès de femmes qui passent, artisan de sa propre désillusion.. Là où il croit faire renaître en lui un semblant de vie, il s’enferme un peu plus dans la faille de la séparation.. Il tombe sous le charme d’ un archéologue mystérieux et tourmenté, s'enthousiasme pour des recherches dérisoires (ou indispensables ?) qui ont pour base le temps, l’échec et la culpabilité.
Lui qui a toujours été intéressé par l'écriture comme par une forteresse inexpugnable, qui croyait, comme ceux qui ne font que se promener sous ses murailles, que c'était une place assurée et prospère, il s'aperçoit qu'elle est le lieu où toute certitude se déchire, où le doute creuse un puits vertigineux.
C'est un texte magnifique et foisonnant, prodigieusement intelligent de bout en bout, je crois qu'il n'y a pas une page où je n'ai pas vibré. Les paysages dans leur magnificence, la fascination pour la dignité des Soudanais, les épaves de bateaux et d’occidentaux qui se délitent dans Khartoum, la guerre civile qui rôde, sont les remparts qu’il institue entre la réalité et lui, tentant de colmater ses brèches dans une immobilité pétrifiée, par une autodérision désabusée. Dans une prose poétique et farouche Olivier Rolin, érudit passionné nous donne au passage une leçon d'histoire et de géographie sur le Soudan, qui ne m'intéressait pas le moins du monde il y a 3 jours et m’est devenu une source d'émerveillement.
Le narrateur fuit son propre anéantissement en ce pays où d’anciennes civilisations mortes le hantent, .Au pays des chrétiens du Soudan , où il cherche en vain sa propre résurrection, les protagonistes historiques ont des allures de héros mythique, et un parallèle s’impose peu à peu entre le narrateur et Gordon, cet militaire anglais misanthrope avec qui il partage le goût de la défaite et de l’exil.Les deux Nils s'y rejoignent pour former le fleuve des rois et des dieux morts : le Bleu, venu en trombe des hauteurs rimbaldiennes et pastorales d'Abyssinie, et le Blanc, qui s'épanche lentement depuis les montagnes des grands lacs de l'équateur. On les nomme ainsi bien qu'ils aient l'un et l'autre (mais pas toujours en même temps) la même couleur virant du thé au lait à la violette en passant par le bronze, selon l'humeur du ciel et des crues.Le Soudan est, bien plus véridiquement et mystérieusement que l'Égypte, le pays du fleuve fabuleux.
J'ai toujours aimé les frontières, ces lignes abstraites où tout est possible, la connaissance et la guerre, qui est malgré tout une forme de connaissance.
Tout en obsessions, en correspondances qui se répondent et s’enrichissent mutuellement au fil de la lecture, Rolin raconte majestueusement sa fantasmagorie absurde. Et, famille oblige, il nous traine avec délectation de lieux dévastés en hôtel miteux (« l’hôtel des Solitaires »…), d’épaves échouées en chiens errants, pour conclure, ce qui n’est pas pour me déplaire :
Alors, au fond, tout cela m'est incroyablement égal.
Roman d'aventure intérieure pour le narrateur, à la recherche de l’ultime désillusion, roman d'aventure chatoyante pour les hommes qui ont fait l'histoire du Soudan, Méroé est une réflexion désespérée sur le sens du temps qui passe, l'oubli qui ne se fait pas, l’échec de la fuite et la perte.
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Flore Vasseur
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Re: Olivier Rolin
« Aujourd’hui il semble qu’il n’y ait plus que du présent, de l’instantané même, le présent est devenu un colossal fourmillement, une innervation prodigieuse, un big bang permanent, mais à cette époque-là le présent était beaucoup plus modeste, il était la modestie même, en fait. C’est le passé qui avait une présence formidable, et l’avenir aussi. »
« Vous ne saviez pas encore combien les hommes sont tramés de nuit, couturés d’effroi, la littérature aurait pu vous l’apprendre mais vous aviez rejeté la littérature, vous ne croyiez que dans la "vie" [… »
Olivier Rolin, « Tigre en papier », 1
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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
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Re: Olivier Rolin
« Il n'était pas vrai de dire que le monde n'existait pas. Il existait bel et bien – constamment créé par les mots. […]
Le monde, pour advenir, avait faim et soif de nouveaux mots. »
Olivier Rolin, « L'invention du monde », IV
« …] prévoir le monde n'est pas autre chose que prévoir les mots pour le dire. »
Olivier Rolin, « L'invention du monde », VIII
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Re: Olivier Rolin
Tristram a écrit:L'invention du monde : gageure de rapporter exhaustivement une journée du monde, le 21 mars 1989, à partir des quotidiens de ce jour de l'équinoxe de printemps _ soit le flux des informations planétaires sur 24 heures.« Il n'était pas vrai de dire que le monde n'existait pas. Il existait bel et bien – constamment créé par les mots. […]
Le monde, pour advenir, avait faim et soif de nouveaux mots. »
Olivier Rolin, « L'invention du monde », IV
« …] prévoir le monde n'est pas autre chose que prévoir les mots pour le dire. »
Olivier Rolin, « L'invention du monde », VIII
L'invention du monde m'avait posé quelques problèmes...
Je n'ai pas pu passer la page 50, j'ai été noyée par ce délire verbal, ce mélange d'intellectualisme et de sensualité, par un côté abstrait et expérimental, laissant passer sans doute moults références et connotations littéraires. Bien que m'étant désespérément accrochée aux bouées semées par son humour pince sans rire, j'ai sombré sous le flot de cette logorrhée subtilement assemblée. Je me dis cependant que ce livre est assez extraordinaire et pourrait séduire certains. Qui, je ne sais pas trop et je ne m'y risquerai pas. Mais ma foi, c'est une performance, un monument démesuré, un engagement en faveur d'une littérature courageuse. Un livre follement ambitieux d'où son côté monstrueux. Si je ne me suis pas sentie à la hauteur, d'autres pourraient tenter l'aventure, et en tirer, pourquoi pas, un vrai bonheur littéraire.
(commentaire récupéré)
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Re: Olivier Rolin
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Re: Olivier Rolin
Mathias Enard, dans L'alcool et la nostalgie a écrit:J'avais toujours sa phrase dans la tête, toujours,elle me disait « ton problème, c'est que tu écris pour boire, et pas l'inverse », peut-être avait-elle raison, je voulais un nom d'écrivain, un destin d'écrivain, une vie d'aventures, de plaisir et de liberté sans avoir réellement envie de me coltiner l'écriture, le travail, accroché un rêve d'enfant. Et un jour alors que je venais de parler à Jeanne depuis une cabine téléphonique, dans cette tristesse que seul novembre sait fabriquer, novembre et Paris, j'ai aperçu un livre du coin de l’œil dans le bac d’un bouquiniste du quai Voltaire ; il s'appelait tout simplement En Russie était signé Olivier Rolin. J'avais trois pièces dans ma poche, je l'ai acheté, en pensant que c'était un heureux présage, tomber sur ce livre juste après avoir parlé à Jeanne. J'ignorais tout de cet auteur dont le nom avait quelque chose de familier, simple et proche. Je suis rentré chez moi à pied, avec dans la tête la voix de Jeanne, sa belle voix, et à peine arrivé je me suis mise à lire, ce voyage était magnifique, la Russie de ce Rolin était captivante, pleine de beaux alcools et de nostalgie. À la fin du livre il y avait l’histoire d'un insecte vert appelé cétoine, dont je n'avais jamais entendu parler, qui est très fréquent dans les plaines russes, d'après l'auteur ; le voyage finissait sur ces mots : « Les pages des livres sont des pétales que ronge le scarabée vert. »
J'ai refermé doucement le petit volume, j'ai regardé mon stylo, mes carnets luxueux désespérément vides, mon verre, ma bouteille, mes étagères, l'appartement crasseux, la vaisselle s'accumulant dans l'évier ; j’ai pensé qu'il n'y avait pas beaucoup de choses qui soient réellement importantes dans la vie, ni les oeuvres que l'on écrit, ni les livres qu'on lit, ni la destinée, tout cela finissait avalé par une minuscule bestiole comme une fleur fragile, c'était triste, triste et joyeux à la fois (…)
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Flore Vasseur
topocl- Messages : 8546
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Re: Olivier Rolin
shanidar- Messages : 1592
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Re: Olivier Rolin
Topocl un rappel qu'il me faut connaître aussi l' autre Rolin !
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Bédoulène- Messages : 21642
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Re: Olivier Rolin
Au musée de Sao Paulo, Olivier Rolin, (ou est-ce simplement un narrateur) découvre cette œuvre peu connue de Manet qui représente le chasseur de lions Eugène Pertuiset.
Ce tableau n'est pas sans lui rappeler cette photo, contemplée 15 ans plus tôt dans le livre Petite histoire australe, où le même Pertuiset est décrit comme un aventurier ayant mené une expédition «funambulesque » en Terre de Feu en 1873.
Et il n’en faut pas plus, c'est parti : Olivier Rolin nous raconte le couple Manet-Pertuiset.
Pertuiset est un homme aux « inepties enflées », infatué, maladroit, dont nous découvrons les petites compromissions et les piteuses mais néanmoins palpitantes aventures, et pour lequel l'auteur n'est pas sans développer une certaine sympathie car :
Tu as beau t’en défendre, la figure qui te fascine n'est pas celle du militant mais celle, beaucoup plus romantique, de l'aventurier. Tu désires à la fois la fraternité et la solitude. Tu te sens tout aussi «dépaysé dans le monde ».
Manet de son côté "homme affable, élégant , dans un studio aux boiseries sombres, un peu solennel ». dont certains ne comprennent pas, « qu'on puisse être révolutionnaire et courtois, et bien mis. ». Et nous croisons au passage, ses femmes, notamment pour Berthe Morisot, et de nombreux tableaux, parmi lesquels:
Curieux contraste entre ces 2 hommes qui se fréquentèrent ponctuellement des années durant, alors que pour Manet,
« le monde est fait pour aboutir au parfait jeu de couleurs que sertit le cadre d'un tableau, pas pour y chercher l'aventure, il ne recèle pas de trésor caché, il n'y a pas d'or des Incas, ils n'y a pas d'autres or au monde que ce que retient du monde le tamis de la toile. ».
Olivier Rolin s'interroge sur cette amitié qui eut sans doute plus pour base l’ infinie curiosité de Manet qu’une affinité réelle. Et voyageur infatigable, Olivier Rolin se rend, à Paris, en Algérie, en Amérique du Sud, cherchant des traces sur les lieux où vécurent ses 2 protagonistes. Car bien sûr un roman d’Olivier Rolin, cela nous parle, aussi, d’Olivier Rolin.
Quant à l'enchaînement des titres de chapitres, qui parlent chacun d'animaux, c'est un régal humour à soi tout seul.
Je pense qu' en l'absence de toute rolinophilie pathologique comme la mienne, ce roman pourrait charmer plus d'un adepte de romans d'aventures ou amateur d'art.
On ne peut comparer l'art et l'action révolutionnaire. L'art ne promet rien, ne raconte pas des histoires sur l'Avenir. L’art invente un présent prodigieux, c'est tout. L'art ne fait pas de serments, n'a pas de militants, quelle blague… C'est une conjuration avec soi seul.
« le monde est fait pour aboutir au parfait jeu de couleurs que sertit le cadre d'un tableau, pas pour y chercher l'aventure, il ne recèle pas de trésor caché, il n'y a pas d'or des Incas, ils n'y a pas d'autres or au monde que ce que retient du monde le tamis de la toile. ».
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Flore Vasseur
topocl- Messages : 8546
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Re: Olivier Rolin
Cela commence assez curieusement sur le rabat de la couverture, où la petite note biographique habituelle de l'auteur laisse entendre qu'il est mort en 2009 à Bakou. Je rappelle que le livre que j’ai entre les mains remonte à 2004, donc c’est plausible. Seulement , il a été imprimé en 2004...Donc, surprise de la lectrice, qui se précipite sur Wikipédia et se rend compte que non seulement il n'est pas mort mais en plus il a continué à écrire… Bizarre.
Ensuite le livre commence par une soi-disant note de l'éditeur qui raconte que 6 mois après la mort d’ Olivier Rolin, les textes qu’on va lire ont été découverts dans une valise récupérée aux objets trouvés, et explique le travail d’édition qui a constitué au déchiffrage et la mise en condition de cette œuvre (inachevée ? en gestation ?) de ces notes. Là, ça devient plutôt sympa et on se dit que ça peut être bien.
Et puis le livre lui-même consiste en l’assemblage de 43 chapitres, chacun décrivant une chambre d'hôtel où Olivier Rolin a séjourné. On sait tout : dimensions de la pièce, taille, forme et position des fenêtres, couleur (souvent pisseuse) des murs, des coussins, du dessus-de lit, marque du téléviseur, tableaux sur les murs, nombre de verres mis à disposition de l'hôte…
Et cela s’enchevêtre à chaque fois avec un petit récit (tout petit) lié au séjour de Rolin dans la ville en question (rencontre avec une prostituée, activités proches de l'espionnage, et même, assassinat d'un type qui le suivait sur un pont dont il a cru que c'était un espion…)
Donc un humour certain en filigrane, et l'univers Rolin est bien là, le sens du détail, le vaste monde, les déambulations, les pays impossibles, les paumés de la vie… mais je dois le reconnaître c’est d’un ennui prodigieux. Je suis prête à beaucoup pour les auteurs que j'aime, mais, quand même il y a des limites.
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Re: Olivier Rolin
j'ai Port Soudan
Vera Cruz
tigre en papier
l'invention du monde
un chasseur de lion
tu me conseille de commencer par lequel ?
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“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia
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"Il n'y a pas de mauvais livres. Ce qui est mauvais c'est de les craindre." L'homme de Kiev Malamud
Bédoulène- Messages : 21642
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Re: Olivier Rolin
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Re: Olivier Rolin
Port -Soudan
C'est à Port-Soudan que j'appris la mort de A. .. Un fonctionnaire déguenillé , défiguré par la lèpre, porteur d'un gros revolver noir dont l'étui était noué à la ceinture par une lanière de fouet en buffle tressé, me remit la lettre vers la fin du jour. Son visage sans lèvres, aux oreilles en crête de coq , était un perpétuel ricanement. On eût dit son corps sculpté dans le bois sardonique d'une danse macabre. Comme presque tous ceux qui survivaient dans la ville, son office principal était d'ailleurs le racket et l'assassinat. Comment s'était-il procuré le pli, je l'ignore. Peut-être l'avait-il volé à la Mort elle-même.
C'est le tout début de ce texte déchirant. Ils étaient deux amis, et A. s'est suicidé. Ils étaient deux amis, et l'auteur végète,écrasé d'ennui, au fin fond de l'Afrique. Deux amis qui avaient cru à des autres possible, et que la réalité a rejoint comme elle rejoint tout le monde. Sauf que les concessions , l'acceptation , le « vivre avec » ne leur était pas permis. Les rêves et les idéaux trahis, certains ne s'en sont jamais remis.
En partant enquêter sur la mort de A., le narrateur sait bien que c'est sur une double disparition qu'il enquête, et que c'est finalement aussi sur lui , mais aussi sur leur jeunesse commune , sur leur double identité, qu'il va se pencher. Douloureusement .
Et, rentré à Port Soudan, il va écrire , pour lui, pour eux,à deux.Pour nous.Nous n'avions jamais très bien su , et ce fut apparemment notre faute, dans quel monde nous étions…
de l'espoir que nous avions eu d'aller vers le monde des dieux en engendrant dans la beauté, il ne subsistera que ce pauvre témoignage.
C'est un très beau texte, qui saisit dès les premières lignes par sa force désespérée et qui témoigne de la valeur du geste littéraire, faire revivre par les mots.
Je me souviens de A. , je lis et relis ce que Conrad écrit de Lord Jim, un des livres qui ne me quittent pas ici, qui m'accompagnent depuis des années, corné, jauni, annoté de réflexions que plus d'une fois, je dois le reconnaître, m'a inspiré l'ivresse , à la reliure cassée, aux pages maculées de moustiques écrasés et de chiures de cafards, tachées d'alcool, de sueur et, je le crains bien, de larmes, mais qui constitue un de mes derniers liens avec le monde où il existe, pour peu de temps encore, des livres: c'est à dire de la douleur transcrite en lettres sur du papier et non, comme ici, directement gravée dans la chair: " Tout ce que Stein lui-même trouvait à m'en dire, c'est que c'était un romanesque. Et moi, tout ce que je savais, c'est qu'il était l'un de nous.De quoi se mêlait-il ,en étant romanesque? Si je vous parle autant de mes sentiments instinctifs et de mes réflexions brumeuses, c'est qu'il ne me reste plus grand chose à dire de lui. Il existait pour moi et somme toute, c'est par moi seulement qu'il existe pour vous."
Marie- Messages : 653
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Re: Olivier Rolin
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Bédoulène- Messages : 21642
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