Joseph Conrad
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Re: Joseph Conrad
Un mot sur le titre:
Tether signifie l'attache, une interprétation possible est la dernière, l'ultime amarre larguée, littéralement en termes de marine comme, bien sûr, dans tous les sens.
Aventin- Messages : 1985
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Re: Joseph Conrad
Le narrateur rapporte ce qu’un médecin lui a raconté, l’histoire de la femme de Yanko, un émigrant d’Europe centrale parti en Amérique et naufragé sur les côtes du Kent (la distanciation par enchâssement des témoignages est savamment construite par Conrad).
Cette nouvelle est nourrie de l’expérience de l’auteur, lui-même transplanté de Pologne en Angleterre. Et ce récit (écrit en 1901) d’un réfugié fuyant la misère, de plus escroqué par les passeurs, résonne singulièrement aujourd’hui…
Yanko, incarnation de l’inconnu et de l’étrange(r) dans ce qui est pour lui aussi le comble de l’étrangeté, ne sera accueilli que par Amy, une jeune femme sans grande beauté, intelligence ou éducation. Il restera détesté, pris pour un dérangé, aux manières différentes.« Il est en effet pénible pour un homme de se retrouver un étranger, abandonné, sans défense, incompréhensible, et d’une origine mystérieuse, dans quelque coin obscur de la terre. »
« Il est vrai, disait-il, qu’il les avait abordés comme un mendiant ; mais dans son pays, même si l’on ne donnait rien, on parlait gentiment aux mendiants. Dans son pays, on n’apprenait pas aux enfants à jeter des pierres sur ceux qui imploraient la pitié. »
La dissemblance est renforcée de l’incommunicabilité, puisque Yanko ne parle pas la même langue…« Puis le vagabond se leva sans dire un mot devant lui, masse de boue et de crasse de la tête aux pieds. Smith, seul au milieu de ses meules avec cette apparition, dans le crépuscule d’orage où retentissaient les aboiements furieux du chien, sentit en lui la peur devant cette inexplicable étrangeté. »
Je me demande si Yanko n’est pas un des Yahoos de Swift, ces humains dégénérés et répugnants, désignation devenue synonyme de rustre déplaisant en anglais…
Mots-clés : #discrimination #exil #immigration #nouvelle
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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram- Messages : 15922
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Re: Joseph Conrad
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“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
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Bédoulène- Messages : 21622
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Re: Joseph Conrad
- Spoiler:
- Rubrique nos loupés: j'avais relu Amy Foster aussi cette année, sans trouver matière à commenter.
Aventin- Messages : 1985
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Re: Joseph Conrad
Quasimodo- Messages : 5461
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Re: Joseph Conrad
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Tristram- Messages : 15922
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Re: Joseph Conrad
Tu peux meme lire Conrad et James en parallèle. On avait essayé Aren et moi de démontrer ce qui les rapprochait.Quasimodo a écrit:Merci Tristram, tu me rappelles que j'ai très envie de lire Conrad, et depuis trop longtemps.
bix_229- Messages : 15439
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Re: Joseph Conrad
Verloc est agent secret provocateur pour le compte d’une ambassade à Londres (celle de Russie, pas nommée) dans le milieu des révolutionnaires propagandistes, conspirateurs, anarchistes et autres poseurs de bombes du début du XXe.
C’est prétexte à un imbroglio psychologique qui culmine dans la belle scène tragique du chapitre XI.« À la destruction de ce qui est. »
En fait le roman porte surtout sur la misère et l’inégalité sociale. L’inspecteur de police Heat :
La police :« Il fallait protéger tous ces gens-là ; la protection est le premier besoin des privilégiés. Il fallait les protéger ; et aussi leurs chevaux, leurs voitures, leurs maisons, leurs serviteurs ; et il fallait protéger la source de leurs richesses au cœur de la cité et au cœur du pays ; il fallait protéger tout l’ordre social favorable à leur hygiénique oisiveté, contre l’inepte envie de ceux qui peinent à des tâches malsaines. »
« Vous n’avez pas idée comme ces hauts personnages détestent les menus désappointements. »
Je signale la très réussie scène swiftienne (chapitre VIII) du départ à l’asile de la mère pleine d’abnégation de Winnie et du sensible et « singulier » Stevie, dans un sordide coche au « vieux cheval – coursier d’apocalyptique misère ‒ »…« Elle est là pour que ceux qui n’ont rien ne prennent pas ce qui appartient à ceux qui possèdent quelque chose. »
J’ai récemment abandonné la lecture de l’illisible L’Aventure, que Conrad a malencontreusement écrit à quatre mains, mais cette fois le talent ne fait pas de doute ‒ quoique la partie finale me soit paru faible…« Cette dernière épithète [« abominable »] contenait toute son indignation et toute son horreur à l’égard d’un genre de misère obligé de s’alimenter des angoisses de l’autre, – à l’égard du pauvre cocher, battant le pauvre cheval au nom, pour ainsi dire, des pauvres mioches qu’il avait chez lui. »
Mots-clés : #espionnage #politique
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Tristram- Messages : 15922
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Re: Joseph Conrad
bix_229 a écrit:Tu peux meme lire Conrad et James en parallèle. On avait essayé Aren et moi de démontrer ce qui les rapprochait.Quasimodo a écrit:Merci Tristram, tu me rappelles que j'ai très envie de lire Conrad, et depuis trop longtemps.
Pas sûr que tes souvenirs soient bons Bix car je n'ai jamais lu Conrad : honte: . Je sais c'est une tache indélébile en plus d'être une grave lacune... En revanche James, oui, j'en ai lu pas mal et c'est un auteur que j'apprécie énormément. Il faudrait d'ailleurs que j'y retourne... A signaler à ce propos la parution en folio en février de "La Princesse Casamassima", roman indisponible en français depuis longtemps... Je le lirai pour rester (plus ou moins) dans l'ordre chronologique et essayer de mieux cerner l'évolution de l'écrivain au cours de sa carrière.
Je pense que lors de nos échanges sur James, tu avais fait un parallèle avec Conrad
ArenSor- Messages : 3428
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Re: Joseph Conrad
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Tristram- Messages : 15922
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Re: Joseph Conrad
Aventin- Messages : 1985
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Re: Joseph Conrad
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Tristram- Messages : 15922
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Re: Joseph Conrad
Hé non !Tristram a écrit:Quasimodo, ArenSor, même pas lu Au cœur des ténèbres ??
Quasimodo- Messages : 5461
Date d'inscription : 02/12/2016
Age : 29
Re: Joseph Conrad
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Tristram- Messages : 15922
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Re: Joseph Conrad
Ne le bousculez pas.
bix_229- Messages : 15439
Date d'inscription : 06/12/2016
Localisation : Lauragais
Re: Joseph Conrad
Peut se lire ici en version originale ici.
Je disais il y a quelque jours:
Cette fois-ci j'ai mieux appréhendé ce roman, lu avec une lenteur extrême, et, sans doute histoire de ralentir encore, en sondant profond dans la biographie de Conrad, du coup la présentation de l'auteur du message initial, en provenance d'Encyclopædia Universalis, me hérisse - mais c'est une autre histoire !fil nos lectures de mai a écrit:
Disons qu'à ce jour La folie Almayer (son tout premier roman) reste, de toute son œuvre, celui que j'ai le moins apprécié (souvenir d'un truc hétéroclite, décousu, verbeux, mal bâti): on verra bien, la lecture précédente est lointaine...
Ne nous égarons pas dans d'autres méandres que ceux de la rivière Berau, identifiée seulement en 1952 de façon certaine par les biographes - Conrard a entretenu le mystère de son vivant: elle s'appelle Pantaï dans le roman, permettant de localiser le village du roman, Sambir, il s'agit de Gunung Tabur: la preuve se trouvait dans le cimetière abandonné et que la jungle s'était réapproprié, une dalle portant les noms de deux des onze enfants et de l'épouse de Charles Olmeyer, qu'avait rencontré Conrad et dont il s'était inspiré pour le personnage principal, Kaspar Almeyer.
Conrad a baladé ce roman, l'échafaudant, sur un bon paquet de mers et trois océans, sur trois continents et on perd le compte du nombre de ports, avant de se décider à le poster à un éditeur, sous le pseudonyme de Kamoudi (gouvernail, en Malais), puis finissant par demander de le lui retourner, après un délai assez long sans aucune réponse: encore longtemps après, alors que Conrad avait perdu tout espoir, arrive un courrier d'avis favorable assorti d'une proposition d'émoluments (plus que très maigres, 20 £ !).
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Drame touffu, et de touffeur.
Roman compliqué d'intrigues imbriquées, de caractères singuliers brossés avec vivacité, et cette patte littéraire naissante, comme s'il elle était de l'intérieur (poussant à la thèse d'une sorte de Kipling Malais, d'un insider comme on devrait ne pas dire, Conrad choisit un pseudo ad hoc), dans ce drame exotique, lointain géographiquement mais aussi dans le temps -à présent-.
Conrad, comme on le voit dans ses romans africains, mais aussi dans Nostromo et Lord Jim, a beaucoup d'avance sur la réflexion occidentale en matière de colonialisme, mais aussi de jugement sur la ségrégation raciale:
Voir Le Nègre du Narcisse aussi, l'extranéité et Conrad, voilà qui pourrait faire un beau sujet universitaire.
Le côté rébarbatif vient peut-être de ces temps de caniculaires langueurs moites que Conrad utilise pour rendre encore plus l'atmosphère générale, mais aussi la torpeur d'Almayer, sa faiblesse, son inadaptation létale. Il y a aussi sûrement un parallèle à faire entre l'amour filial (et la projection personnelle) du capitaine Whalley d'Au bout du rouleau et celui d'Almayer pour sa fille Nina.
Conrad, débutant romancier, s'il pêche un peu dans le bâti, nous servant par instants un roboratif poudingue, nous assène -et c'est ce qu'au bout du compte je retiendrai- de magnifiques descriptions, outre qu'il campe déjà à merveille ses personnages.
Parti avec beaucoup de circonspection dans cette relecture, j'en ressors comblé.
Sur le fleuve est le village. Dans ce village, qui se donne des airs d'indépendance sous drapeau néerlandais, un Rajah, et son conseiller, borgne, le visage cinglé de petite vérole.
Il y a des commerçants, grossistes ou demi-grossistes, un Chinois qui a jeté le gant et s'adonne à la pipe d'opium, des arabes, qui tiennent le commerce, et Almayer, le Blanc, réduit à quelques misérables bribes.
Almayer, qui travaillait pour le compte d'Hudig, gros négociant de Malaisie, avait été recruté par Rajah Laut, le Maître de la Mer, le capitaine Tom Lingard (qui a vraiment existé, était une légende de ces mers-là, Conrad, qui l'a rencontré, a gardé le nom et changé le prénom, qui était William).
Lingard avait fait épouser à Almayer sa fille adoptive, jeune fille d'un bateau de pirates à qui il a laissé la vie en massacrant navire et occupants. Bien que Mme Almayer déteste et invective son mari Kaspar, ils ont une fille, Nina.
Elle fut envoyée, par les soins de Rajah Laut, à Singapour chez l'austère Mme Vink, Vink étant un adjoint d'Hudig, afin de recevoir une éducation occidentale, et finit par s'en faire chasser bien des années plus tard -à cause des effets de sa beauté sur les courtisans potentiels des filles Vink- pour retourner au Kampong (ou compound) d'Almayer à Sambir.
Cette jeune et jolie fille est à peu près tout ce qui reste à Almayer, dont les affaires périclitent.
Il ne vit pas dans mais à côté de sa demeure, bâtie pour les splendeurs futures, le retour en gloire d'un commerce qui soit florissant pour Almayer, maison plutôt neuve et déjà délabrée (la demeure est qualifiée, ironiquement, de "Folie Almayer" par les visiteurs orang-blanda -néerlandais- de passage, d'où le titre).
Il rêve de l'installer, riche, en Europe, cette Europe que lui-même n'a jamais connue et de faire de Nina, en Europe, une jeune femme oisive, nantie, haut-du-pavé et en vue.
Tout l'espoir d'Almayer repose sur un gros coup, on pense que Lingard a les moyens de monter une grosse expédition commerciale pour aller chercher de l'or dans la jungle, pour cela il a besoin de pas mal d'argent, il s'en va, à Singapour, puis en Europe et puis...ne donne plus de ses nouvelles.
Concrètement, à Sambir, Almayer ne doit la vie sauve qu'au fait qu'il n'est pas gênant en affaires et que l'on pense qu'il connaît quelques secrets de Lingard.
La déchéance d'Almayer se cristallise sur sa fille, c'est son seul espoir, la seule perspective qui le maintienne en vie.
Survient un jeune, célibataire, riche et beau, fils et héritier du Rajah de Bali, Dain Maroola, qui devient l'ami d'Almayer, mais pour courtiser sa fille.
Mme Almayer, sur fond d'espionnage des gens qui comptent dans le village et de l'amour transi d'une esclave, tente de pousser sa fille dans les bras de Dain, Almayer n'y voit que du feu.
Mais Dain finit par être fort recherché par les autorités néerlandaises, suite à l'attaque d'un navire - Almayer est mouillé dans le coup, il avait vendu la poudre, commerce prohibé...
Mots-clés : #colonisation #esclavage #insularite #minoriteethnique #trahison #violence #xixesiecle
Aventin- Messages : 1985
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Re: Joseph Conrad
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Tristram- Messages : 15922
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Re: Joseph Conrad
Il était pourtant bien loin d'être sûr de continuer à écrire après son premier roman - c'est Edward Garnett, le lecteur de l'éditeur qui proposa trois cacahuètes (acceptées !) pour La folie Almayer, qui le poussa avec doigté.Tristram a écrit:Souvenir de ce livre comme d'un galop d'essai pour les suivants, notamment Au cœur des ténèbres.
Conrad explique tout ça dans la note de l'auteur d'Un paria des îles - An Outcast of the Islands -.
Un paria.. que je suis en train de ré-ouvrir, histoire de m'en tenir à la suite Malaise projetée.
Normalement, il faudrait enchaîner par Lord Jim, déjà lu relu pas mal de fois (et adoré bien sûr, vraiment on cherche les superlatifs pour ce roman, mais je ne vais pas ajouter une énième lecture, la dernière n'est pas si lointaine), et par Rescousse - Rescue - qu'en revanche je n'ai jamais lu, il faut juste que je le dégotte, ce n'est pas un titre de Conrad très en vue.
Sinon L'agent secret - The Secret Agent - me tente énormément.
Aventin- Messages : 1985
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Re: Joseph Conrad
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Tristram- Messages : 15922
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Re: Joseph Conrad
Avadoro- Messages : 1405
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