Kamel Daoud
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Kamel Daoud
Kamel Daoud (arabe : كمال داود), né le 17 juin 1970 à Mesra (wilaya de Mostaganem), en Algérie, est un écrivain et journaliste algérien d'expression française.
Kamel Daoud est le fils d'un gendarme, seul enfant de sa famille à avoir fait des étude3. Après des études de mathématiques, il étudie la littérature à l'Université. Il est divorcé et a deux enfants. S'il écrit en français et non en arabe, c'est, dit-il, parce que « la langue arabe est piégée par le sacré, par les idéologies dominantes. On a fétichisé, politisé, idéologisé cette langue. »
En 1994, il entre au Quotidien d'Oran, journal francophone. Il y publie sa première chronique trois ans plus tard, titrée Raina raikoum (« Notre opinion, votre opinion »)'. Il est pendant huit ans le rédacteur en chef du journal. Il est aussi éditorialiste au journal électronique Algérie-focus. Ses articles sont également publiés dans Slate Afrique.
Le 12 février 2011, dans le cadre d'une manifestation, il est brièvement arrêté.
wikipedia
Ouvrages
Raïna raïkoum, Dar El Gharb, Oran, 2002 (recueil de chroniques publiées dans le Quotidien d'Oran)
La Fable du Nain, Dar El Gharb, 2003 (récit)
Ô Pharaon, Dar El Gharb, 2005
L'Arabe et le vaste pays de ô... (nouvelles), 2008
Minotaure 504 (nouvelles), 2011 Publié initialement en Algérie en 2008 sous le titre La Préface du Nègre
Meursault, contre-enquête , 2013 : Page 1
Zabor ou les psaumes 2017 : Page 1
màj le 08/11/2023
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Etre dans le vent, c'est l'histoire d'une feuille morte.
Flore Vasseur
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Re: Kamel Daoud
Meursault, contre-enquête
Quand finit L'Etranger, de Camus, l'histoire de Meursault s'arrête . Un trait est tiré sur cette existence étriquée, que le hasard du meurtre a cru pouvoir magnifier, et qui a conservé jusqu'au bout sa solitude et sa haine ordinaire. En reste un livre qui restera une référence de sobriété, d' intelligence et d'élégance, a ému des générations entières, est parmi les plus vendus au monde.
Alors, Haroun raconte...
Car sur le carreau est resté Moussa, l'Arabe jamais nommé, descendu par un revolver flamboyant sur une plage assommée de soleil. Soixante dix ans après, dans l'Algérie déchirée et muselée d'aujourd'hui, liée par des despotes religieux, c'est son frère Haroun qui raconte, cet homme au destin brisé, cette famille démantelée, cette image d'un pays ou l'Arabe et réiifié par le roumi. Si Meursault n'a plus la parole, Haroun, sa mère et l'Algérie, eux, ont une réponse, ont une révolte d'une humanité tourmentée et évidente de violence.
Et, l'heure de la réponse passée, devant le présent d'un pays anéanti, Haroun ne croit plus à rien, lui non plus.
Je ne suis pas une fan de L'Etranger, donc je ne prenais pas le risque de voir honteusement esquinter l'une de mes lectures fétiches. Il me semble d'ailleurs que les inconditionnels de ce livre peuvent attaquer cette lecture sans angoisse, et même en tirer un furieux plaisir. C'est un livre magnifique en soi, plein d'une humanité déchirée, malmenée par l'histoire. il peut se lire pour lui-même,ou en réponse/hommage/mise en valeur assez époustouflante du livre de Camus (et de son œuvre en général).. Il me semble que plus on connaît l'ensemble de l’œuvre de cet auteur, plus on pourra tirer de cette lecture, comprendre de références et d'allusions.
Texte court, d'une densité lumineuse, magnifique, envoûtant, d'une prose riche et sobre à la fois qui emprunte à l' économie de Camus sans la piller, l’honore d'un brio humble, Meursault, contre-enquête, éclaire L'Etranger, l'enrichit, complète son message, le situe dans un temps et dans un lieu auxquels l'avenir, encore inconnu avec 1942, a donné un éclairage nouveau et terrifiant.
Daoud mène très habilement cette histoire, dans un parallèle évident mais jamais lourd, entre Meursault et son « jumeau » Haroun, dont les histoires se répondent, en pleins et en déliés, à travers les années, pour donner à voir que l'absurde n'a pas dit son dernier mot.
(commentaire rapatrié)
Quand finit L'Etranger, de Camus, l'histoire de Meursault s'arrête . Un trait est tiré sur cette existence étriquée, que le hasard du meurtre a cru pouvoir magnifier, et qui a conservé jusqu'au bout sa solitude et sa haine ordinaire. En reste un livre qui restera une référence de sobriété, d' intelligence et d'élégance, a ému des générations entières, est parmi les plus vendus au monde.
« Un homme qui boit rêve toujours d'un homme qui écoute. »
Alors, Haroun raconte...
Car sur le carreau est resté Moussa, l'Arabe jamais nommé, descendu par un revolver flamboyant sur une plage assommée de soleil. Soixante dix ans après, dans l'Algérie déchirée et muselée d'aujourd'hui, liée par des despotes religieux, c'est son frère Haroun qui raconte, cet homme au destin brisé, cette famille démantelée, cette image d'un pays ou l'Arabe et réiifié par le roumi. Si Meursault n'a plus la parole, Haroun, sa mère et l'Algérie, eux, ont une réponse, ont une révolte d'une humanité tourmentée et évidente de violence.
« Sept ans de guerre de Libération avaient transformé la plage de ton Meursault en un champ de bataille. »
Et, l'heure de la réponse passée, devant le présent d'un pays anéanti, Haroun ne croit plus à rien, lui non plus.
« La religion pour moi est un transport collectif que je ne prends pas. J'aime aller vers ce Dieu, à pied s'il le faut, mais pas en voyage organisé. Je déteste les vendredis depuis l'Indépendance, je crois. Est-ce que je suis croyant ? J'ai réglé la question du ciel par une évidence : parmi tous ceux qui bavardent sur ma condition - cohorte d'anges, de dieux, de diables ou de livres –, j'ai su, très jeune, que j'étais le seul à connaître la douleur, l'obligation de la mort, du travail et de la maladie. Je suis le seul à payer des factures d'électricité et à être mangé par les vers à la fin. Donc, ouste ! Du coup, je déteste les religions et la soumission. A-t-on idée de courir après un père qui n'a jamais posé son pied sur terre et qui n'a jamais eu à connaître la faim ou l'effort de gagner sa vie ? »
Je ne suis pas une fan de L'Etranger, donc je ne prenais pas le risque de voir honteusement esquinter l'une de mes lectures fétiches. Il me semble d'ailleurs que les inconditionnels de ce livre peuvent attaquer cette lecture sans angoisse, et même en tirer un furieux plaisir. C'est un livre magnifique en soi, plein d'une humanité déchirée, malmenée par l'histoire. il peut se lire pour lui-même,ou en réponse/hommage/mise en valeur assez époustouflante du livre de Camus (et de son œuvre en général).. Il me semble que plus on connaît l'ensemble de l’œuvre de cet auteur, plus on pourra tirer de cette lecture, comprendre de références et d'allusions.
« Je philosophe ? Oui, oui. Ton héros l'a bien compris, le meurtre est la seule bonne question que doit se poser un philosophe. Tout le reste bavardage. »
Texte court, d'une densité lumineuse, magnifique, envoûtant, d'une prose riche et sobre à la fois qui emprunte à l' économie de Camus sans la piller, l’honore d'un brio humble, Meursault, contre-enquête, éclaire L'Etranger, l'enrichit, complète son message, le situe dans un temps et dans un lieu auxquels l'avenir, encore inconnu avec 1942, a donné un éclairage nouveau et terrifiant.
Daoud mène très habilement cette histoire, dans un parallèle évident mais jamais lourd, entre Meursault et son « jumeau » Haroun, dont les histoires se répondent, en pleins et en déliés, à travers les années, pour donner à voir que l'absurde n'a pas dit son dernier mot.
Les sentiments vieillissent lentement, moins vite que la peau. Quand on a cent ans, on éprouve peut-être rien de plus que la peur qui, à six ans, nous saisissait lorsque, le soir, notre mère venait éteindre la lumière.
Il y a toujours à un autre, mon vieux. En amour, en amitié, et même dans un train, un autre, assis en face de vous et qui vous fixe ou vous tourne le dos et creuse les perspectives de votre solitude.
(commentaire rapatrié)
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Flore Vasseur
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Re: Kamel Daoud
REMARQUES :
On l’aura compris qu’il s’agit comme point de référence de « L’étranger » d’Albert Camus. Dans ce premier roman Kamel Daoud surprend le lecteur par une élaboration d’un autre point de vue sur les événements, racontés dans le roman par Meursault. Le « récit » de l’Etranger lui a construit un espèce de monument et a cisélé une philosophie d’une certaine indifférence. Mais on y retrouve aucune mention du nom de la victime... On se réfère à lui en parlant de « l’Arabe ». Refus de nom, refus d’identité – ainsi le frère de la victime, Haroun, qui monologue une soixantaine d’années après les faits dans un bar d’Oran, ayant comme auditeur un universitaire enthousiaste du livre de Meursault.
Dans cette présentation fictive de son histoire, et celle de son frère tué, Haroun parle en espace de quinze soirées et rencontres, et donne ainsi chair et vie à une autre vision sur ce qui s’est passé et les personnes impliquées : en gros son frère, sa mère, et lui-même. Non, ils ne sont pas juste des figurants de glorification de Meursault, mais ils ont vécus leurs propres histoires de souffrances, de rêves, de défaites.
Donc, l’Arabe tué du roman de Camus, du récit du narrateur Meursault, c’est Moussa, Moïse ! Est-ce qu’il était éventuellement destiné – commme son illustre patron des récits bibliques (et valables aussi pour l’Islam) – comme un « sauveur, un redempteur ? Ainsi au moins le vit, le rêve son frère plus jeune, Haroun, quand il regardait dans sa petite enfance vers son frère ainé. Cela semble pompeux, mais est-ce qu’il n’y a pas – comme l’ont exprimé d’autres en d’autres mots – dans chaque être humain le germe d’un autre avenir possible? Et l’enfant Haroun a besoin de la légende, d’une histoire. A la suite de la mort de son frère il est devant une situation, un héritage difficile, voir impossible, insupportable : pour la mère souffrante, ne voyant que son fils mort, Haroun devient un ersatz de celui-ci, une tâche et une place qu’il ne pourra - et ne voudra - assumer.
Je ne viens pas poursuivre à décrire les conséquences (néfastes) de ce meurtre, et de ce moment sur la plage d’Alger, mais le suivant est clair et net : toute la vie en est touchée. Il sera, dit en passant, aussi intéressant que ce n’est pas juste le deuil éternel qui résultera, mais aussi, né de la jalousie, de l’impossibilité d’endosser une autre identité etc, la haine des siens, voir de sa propre mère, de son propre frère... (bonne observation!!!)
Haroun, qui accuse Meursault tellement, lui devient par un jeu de réactions et de mimétisme, de plus en plus semblable : dans sa relation envers sa propre mère, envers la mort, les femmes, l’indifférence envers Dieu.
Cette forme d’absolutisation des conséquences de cette mort nie par ailleurs – une critique possible – une forme de résilience et crée une atmosphère de plainte, voir d’accusation perpetuelle. Est-ce que c’est le signe de grandeur ? Ou de petitesse ? Où sont les forces de résistance intérieures, l’espace d’une vraie liberté ? Aussi libre qu’il veut être, Haroun est cloué à un « destin » subi. Et il deviendra un miroir de l’homme tant haï.
Ainsi le roman devient, comme on avait dit ici et là, un hommâge en forme de contre-point qui contient beaucoup d’aspects intéressants. Il n’est nullement une négation de l’oeuvre de Camus.
Dernièrement Daoud était cible d’une fatwa exprimée par un extrêmiste : une Algérie de l’Islam devrait, ainsi les mots, condamnait à mort un homme comme Daoud qui, par ses écrits, attaquerait la foi. Ainsi le prix est haut. Et s’inscrit aussi, sans que nous le voyons toute de suite, dans un questionnements jusqu’à où on pourra, devra, pourra-t-on s’exprimer.
mots-clés : #creationartistique
tom léo- Messages : 1353
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Re: Kamel Daoud
Zabor ou les psaumes.
C'est très beau quand ça démarre:
Ecrire est la seule ruse efficace contre la mort. Les gens ont essayé la prière, les médicaments, la magie, les versets en boucle ou l'immobilité, mais je pense être le seul à avoir trouvé la solution: écrire.
Cela enchaine sur une espèce de conte façon Mille et unes nuits où le narrateur écrit son histoire personnelle et familiale, pour lutter contre la mort de son père, boucher détestable, mais homme néanmoins.
Il s'engage dans un texte érudit, où la réflexion l'emporte sur la narration, et qui regorge sans doute de sous-textes qui m'ont échappé. J'ai cependant trouvé sa façon d'abord poétique, mystérieuse, élaborée. Imperceptiblement, tout cela est devenu redondant, pontifiant, bourratif...
Certes j'ai échappé à la mort, mais il ne m'a pas sauvée du sommeil qui m'a gagnée, et gagnée encore.
Regrettant la précision sèche quoique ample de Meursault contre-enquête, à la page 160, je l'ai laissé poursuivre seul son chemin, peu fière d'abandonner cet enfant déjà abandonné...
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Flore Vasseur
topocl- Messages : 8545
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Re: Kamel Daoud
dommage, j'avais pourtant l'impression à ton début de commentaire que tu avais fait un bon choix !
mais cela me vaut un contentement et un sourire à ta conclusion !
mais cela me vaut un contentement et un sourire à ta conclusion !
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“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia
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"Il n'y a pas de mauvais livres. Ce qui est mauvais c'est de les craindre." L'homme de Kiev Malamud
Bédoulène- Messages : 21622
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Re: Kamel Daoud
Meursault, contre-enquête
Le narrateur, Haroun, est le frère cadet de « l’Arabe » tué par Meursault dans L’Étranger de Camus, paru en 1942, dont il révèle enfin le prénom : Moussa. Bien qu’il n’ait guère connu cet aîné fort et révolté, Haroun retrace son histoire dans un monologue adressé à un « universitaire » en exil à Paris, qui enquête sur la genèse de ce roman.
Il s’est approprié la langue française, qui lui permet de lire et de s’exprimer.
Cette coléreuse réappropriation de L’Étranger est plutôt son prolongement dans la recherche d’une identité nationale post-coloniale, aussi une reprise, une réitération d’un destin désenchanté, encore un hommage à L’Homme révolté : Haroun dans l’ombre de Moussa… et de Meursault.
\Mots-clés : #absurde #colonisation #conditionfeminine #discrimination #guerredalgérie #historique #politique #racisme #relationenfantparent #religion #traditions
Le narrateur, Haroun, est le frère cadet de « l’Arabe » tué par Meursault dans L’Étranger de Camus, paru en 1942, dont il révèle enfin le prénom : Moussa. Bien qu’il n’ait guère connu cet aîné fort et révolté, Haroun retrace son histoire dans un monologue adressé à un « universitaire » en exil à Paris, qui enquête sur la genèse de ce roman.
Haroun, devenu un vieil homme, est critique avec son pays, comme sa religion ; cynique, il n’aime finalement personne, surtout pas lui-même.« Dès que sa mère est morte, cet homme, le meurtrier, n’a plus de pays et tombe dans l’oisiveté et l’absurde. »
« Je me suis toujours dit que le malentendu provenait de là : un crime philosophique attribué à ce qui, en fait, ne fut jamais rien d’autre qu’un règlement de comptes ayant dégénéré. »
Il avait sept ans à l’époque (avant l’Indépendance), et après la « prière pour l’absent » (le corps de Moussa ne fut jamais retrouvé), il vécut seul avec sa mère, M’ma, qui est « encore vivante » (incipit).« Je voulais juste te dire qu’à l’époque, nous, les Arabes, donnions l’impression d’attendre, pas de tourner en rond comme aujourd’hui. »
Haroun boit du vin, et n’est pas croyant :« Elle mentait non par volonté de tromper, mais pour corriger le réel et atténuer l’absurde qui frappait son monde et le mien. La disparition de Moussa l’a détruite, mais, paradoxalement, cela l’a initiée à un plaisir malsain, celui d’un deuil sans fin. »
« …] le procès a préféré juger un homme qui ne pleure pas la mort de sa mère plutôt qu’un homme qui a tué un Arabe. »
À vingt-sept ans, Haroun a abattu un Français, lors de l’Indépendance, en 1962, sous l’influence de sa mère avide de vengeance : « des rides la plièrent en mille pages » :« Est-ce que je suis croyant ? J’ai réglé la question du ciel par une évidence : parmi tous ceux qui bavardent sur ma condition – cohortes d’anges, de dieux, de diables ou de livres –, j’ai su, très jeune, que j’étais le seul à connaître la douleur, l’obligation de la mort, du travail et de la maladie. Je suis le seul à payer des factures d’électricité et à être mangé par les vers à la fin. Donc, ouste ! Du coup, je déteste les religions et la soumission. A-t-on idée de courir après un père qui n’a jamais posé son pied sur terre et qui n’a jamais eu à connaître la faim ou l’effort de gagner sa vie ? »
« Le vendredi ? Ce n’est pas un jour où Dieu s’est reposé, c’est un jour où il a décidé de fuir et de ne plus jamais revenir. Je le sais à ce son creux qui persiste après la prière des hommes, à leurs visages collés contre la vitre de la supplication. Et à leur teint de gens qui répondent à la peur de l’absurde par le zèle. Quant à moi, je n’aime pas ce qui s’élève vers le ciel, mais seulement ce qui partage la gravité. J’ose te le dire, j’ai en horreur les religions. Toutes ! Car elles faussent le poids du monde. J’ai parfois envie de crever le mur qui me sépare de mon voisin, de le prendre par le cou et de lui hurler d’arrêter sa récitation de pleurnichard, d’assumer le monde, d’ouvrir les yeux sur sa propre force et sa dignité et d’arrêter de courir derrière un père qui a fugué vers les cieux et qui ne reviendra jamais. »
Haroun est surtout inquiété pour ne pas être parti dans le maquis en tant que djounoud : tuer un Français après la fin de la guerre crée un malentendu…« Sans doute avons-nous pensé en même temps à Moussa. C’était l’occasion d’en finir avec lui, de l’enterrer dignement.
Comme si, depuis sa mort, notre vie n’avait été qu’une comédie, ou un sursis à peine sérieux, et que nous avions seulement joué à attendre que ce roumi revienne de lui-même, sur les lieux du crime, lieux que nous emportions où que nous allions. »
« Un certain goût pour la paresse s’installe chez le meurtrier impuni. Mais quelque chose d’irréparable aussi : le crime compromet pour toujours l’amour et la possibilité d’aimer. J’ai tué et, depuis, la vie n’est plus sacrée à mes yeux. Dès lors, le corps de chaque femme que j’ai rencontrée perdait très vite sa sensualité, sa possibilité de m’offrir l’illusion de l’absolu. À chaque élan du désir, je savais que le vivant ne reposait sur rien de dur. Je pouvais le supprimer avec une telle facilité que je ne pouvais l’adorer – ç’aurait été me leurrer. J’avais refroidi tous les corps de l’humanité en en tuant un seul. »
Il s’est approprié la langue française, qui lui permet de lire et de s’exprimer.
Meriem, une jeune enseignante à la recherche de la famille de la victime du livre de Camus, lui fait lire ce dernier ; il tombera amoureux d’elle, mais leur histoire ne dure pas.« La langue française est ainsi devenue l’instrument d’une enquête pointilleuse et maniaque. »
Chaque chapitre, correspondant à un entretien au bar (donc pas le vendredi) est clôturé par un bref passage, séparé par un astérisque, évoquant « le fantôme du bar », un sourd-muet qui semble le surveiller.« Elle appartient à un genre de femmes qui, aujourd’hui, a disparu dans ce pays : libre, conquérante, insoumise et vivant son corps comme un don, non comme un péché ou une honte. »
Cette coléreuse réappropriation de L’Étranger est plutôt son prolongement dans la recherche d’une identité nationale post-coloniale, aussi une reprise, une réitération d’un destin désenchanté, encore un hommage à L’Homme révolté : Haroun dans l’ombre de Moussa… et de Meursault.
\Mots-clés : #absurde #colonisation #conditionfeminine #discrimination #guerredalgérie #historique #politique #racisme #relationenfantparent #religion #traditions
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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram- Messages : 15922
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Re: Kamel Daoud
merci Tristram ! (où me trouver du temps ?)
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Bédoulène- Messages : 21622
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