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John Maxwell Coetzee

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Message par Tristram Dim 4 Déc - 17:26

Le troisième texte est intéressant, avec le questionnement de Coetzee sur l'identité, l'autre, le double, la servitude.

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Message par Bédoulène Dim 4 Déc - 18:22

merci Tristram, une 3ème partie donc à retenir

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Message par Tristram Sam 18 Mar - 11:57

L'Abattoir de verre

John Maxwell Coetzee - Page 3 L_abat10

Ce recueil de sept nouvelles écrites de 2003 à 2017 contient Le Chien (haineux), Histoire (d’un adultère décomplexé), Vanité (un ultime désir de séduire chez la mère de John et Helen), textes brefs.
Dans Une femme en train de vieillir, nous retrouvons Elizabeth Costello, toujours aussi inflexible et indépendante, qui rencontre son fils John et sa fille Helen à Nice. Elle a soixante-douze ans, et sa fille lui propose vainement d’emménager près d’elle.
« En fait, cette ambivalence ne devrait pas la déconcerter. Elle a construit sa vie sur l’ambivalence. Où en serait l’art de la fiction s’il n’y avait aucun double sens ? Que serait la vie même s’il n’y avait que des têtes et des queues, sans rien au milieu ? »
Elle raconte le début d’une de ses fictions en cours.
« L’histoire réelle se passe sur le balcon, où deux enfants d’âge mûr font face à une mère dont la capacité à les perturber et à les consterner n’est pas encore épuisée. »
La vieille femme et les chats : John rend visite à sa mère dans l’Espagne rurale ; elle prend soin des chats des environs et de Pablo, un simplet, mais est devenue presque invalide.
Mensonges : John écrit à sa femme Norma, lui expliquant qu’il n’ose aborder frontalement sa mère à propos de sa proche fin de vie.
L'abattoir de verre : toujours Elizabeth Costello :
« À ton avis, John, cela coûterait combien de construire un abattoir ? Pas grand, juste un petit modèle, histoire de montrer.
– Histoire de montrer quoi ?
– Histoire de montrer ce qui se passe dans un abattoir. Un carnage. Il m’est venu à l’esprit que les gens toléraient le massacre d’animaux parce qu’ils n’avaient jamais l’occasion d’en voir un. Ni d’en voir, ni d’en entendre, ni d’en sentir un. Il m’est venu à l’esprit que s’il y avait un abattoir au milieu de la ville, où chacun pourrait voir, entendre, sentir ce qui se passe à l’intérieur, les gens pourraient changer de pratique. Un abattoir de verre. Un abattoir avec des murs en verre. Qu’en penses-tu ? »

« Parce qu’il est asservi par son appétit, dit Heidegger, l’animal ne peut agir, à proprement parler, ni dans le monde ni sur le monde : il ne peut que se comporter, et se comporter, en outre, que dans le monde délimité par l’ampleur et l’amplitude de ses sens. L’animal ne peut pas appréhender l’autre en lui-même ; l’autre ne peut jamais se révéler tel qu’il est à l’animal. »
Mais où est la raison de Martin Heidegger lorsqu’il désire Hannah Arendt ? À propos des poussins mâles d’un jour qui vont être broyés vifs :
« C’est pour eux que j’écris. Leur vie fut tellement brève, si facile à oublier. Je suis l’unique être de l’univers qui se souvienne encore d’eux, si nous mettons Dieu à part. Après mon départ, il n’y aura que du vide. Comme s’ils n’avaient jamais existé. C’est pourquoi j’ai écrit sur eux, et pourquoi je voulais que tu lises les papiers. Pour que je te transmette, à toi, leur souvenir. C’est tout. »
J’ai eu l’impression qu’Elisabeth Costello, ce personnage "increvable", incarnait moins Coetzee que ne le fait John, son fils.
Moral Tales, le titre original, convenait mieux bien que moins accrocheur ; le vieillissement dans la dignité (et le rapport parent-enfant), puis le spécisme, constituent les thèmes principaux de ces contes fort actuels.

\Mots-clés : #mort #nouvelle #relationenfantparent #vieillesse

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Message par Tristram Lun 18 Nov - 10:32

Journal d'une année noire

John Maxwell Coetzee - Page 3 Journa15

1 : Opinions tranchées (12 septembre 2005 - 31 mai 2006)
Le texte est disposé sur la page en deux, puis trois récits séparés d’un trait, sans que leur continuité soit respectée. Belle trouvaille que cette structure musicale en partition à trois voix, mais qui rend laborieuse la lecture simultanée des trois fils.
J’ai donc lu les trois récits séparément, procédé discutable puisque les trois fils se répondent.
Le premier récit est constitué par les opinions de C, et c’est le plus épais.
Nous dépendons de l’État depuis des générations, et sommes impuissants devant la force que nous lui avons concédée de façon irréversible, à moins de devenir des hors-la-loi. Nous naissons sujets, n’avons identité que par l’État. (Avec référence à Thomas Hobbes, à Les Sept Samouraïs de Kurosawa, aux « gangs militaires [des gouvernements] d'Afrique »). La démocratie ne nous offre que le choix entre deux options, l’abstention et le vote « nul » (qui n'est pas pris en compte).
« Pourquoi est-il si difficile de dire quoi que ce soit sur la politique quand on se place hors du champ politique ? Pourquoi ne peut-il y avoir de discours politique qui ne soit pas en lui-même politique ? Selon Aristote, la réponse est que la politique est partie intrinsèque de la nature humaine, c’est-à-dire qu’elle fait partie de notre destin, comme la monarchie est le destin des abeilles. Il est vain de s’évertuer à tenir un discours systématique supra politique sur la politique. »

« Les règles de succession ne constituent pas une formule permettant d’identifier le meilleur gouvernant ; c’est une formule qui donne à tel ou tel une légitimité et permet ainsi d’éviter la guerre civile. »

« La démocratie ne permet pas de jeu politique en dehors du système démocratique. En ce sens la démocratie est un système totalitaire. »

« La nouvelle position adoptée par Machiavel est qu’enfreindre la loi morale se justifie s’il y a nécessité. »

« Les terroristes islamiques, en revanche, font fi de la survie, que ce soit au niveau de l’individu (la vie ici-bas n’est rien en comparaison de la vie après la mort) ou au niveau national (L’Islam dépasse les frontières de la nation ; Dieu ne permettra pas que l’Islam soit vaincu). Et de surcroît, ces terroristes ne font pas le calcul rationnel des profits et des pertes : porter un coup aux ennemis de Dieu suffit, le prix matériel ou humain du coup porté est sans importance. »

« Les gouvernements nationaux veillent à leurs propres intérêts en fixant les règles qui déterminent qui peut participer au jeu de la guerre, et qui en est exclu et, que je sache, ces règles ne sont jamais soumises à l’aval des citoyens. En fait, ces règles définissent la diplomatie, y compris l’usage de la force armée comme ultime recours de la diplomatie, comme une affaire qui se traite exclusivement entre gouvernements. Toute infraction à cette métarègle est pénalisée avec la plus grande sévérité. D’où Guantanamo, qui est plutôt un spectacle qu’un camp de prisonniers : un étalage horrifiant de ce qui peut arriver à des hommes qui jouent en ignorant délibérément les règles du jeu.
La nouvelle législation en Australie comprend une loi qui interdit de tenir des propos favorables au terrorisme. C’est une atteinte à la liberté d’expression qui ne se donne pour rien d’autre. »

« …] le terrorisme islamiste n’est pas une conspiration orchestrée à partir d’un centre [… »

« …] dans une économie mondialisée, nous devrons travailler plus dur pour rester en tête ou même, en fait, pour ne pas nous faire devancer. […]
La représentation de l’activité économique sous la forme d’une course ou d’une compétition est plutôt vague dans le détail, mais il semblerait que, s’il s’agit d’une course, il n’y ait pas de ligne d’arrivée, partant pas de terme naturel. Le seul but du coureur est de se placer en tête et de s’y maintenir. »

« La vérité sur les jungles est que parmi les nations (les espèces) d’une jungle typique, il n’y a plus de gagnants ni de perdants : les perdants ont disparu depuis bien longtemps. Une jungle est un écosystème où les espèces survivantes sont parvenues à vivre en symbiose. Une fois atteint, cet état de stabilité dynamique est ce qu’on appelle un écosystème. […]
Si nous avons des économies en concurrence, c’est parce que nous avons décidé que c’est ainsi que nous voulons que notre monde fonctionne. La compétition est une forme sublimée de la guerre. La guerre n’a rien d’inéluctable. »

« D'un point de vue philosophique, 1l ne me semble pas rétrograde de doter d'intelligence l’univers dans son ensemble, plutôt qu’un seul sous-ensemble de mammifères sur la planète Terre. Un univers intelligent évolue avec le temps vers un but, même si le but en question peut à jamais rester au-delà de ce que peut saisir l’intelligence humaine et en fait au-delà de l’idée que nous pourrions avoir de ce qui constitue un but.
Dans la mesure où on souhaiterait aller plus loin et faire une distinction entre une intelligence universelle et l’univers comme un tout — et je ne vois aucune raison d’aller jusque-là —, on pourrait donner à cette intelligence le nom commode, monosyllabique, de Dieu. Mais même si l’on voulait aller jusque-là, on resterait bien loin de postuler — et d’accepter — un Dieu qui exigerait qu’on croie en lui, un Dieu qui s’intéresserait à ce que nous pensons de sa divinité (de « lui »), ou un Dieu qui récompenserait les bonnes actions et punirait les scélérats. »

« La fable cabalistique, kantienne, de Borges [dans Funes ou la Mémoire] nous fait clairement comprendre que l’ordre que nous voyons dans l’univers ne réside peut-être pas du tout dans l’univers, mais dans des paradigmes de pensée que nous lui appliquons. Les mathématiques que nous avons inventées (selon certains) ou découvertes (selon d’autres), et. que nous croyons ou espérons être une clé de la structure de l’univers, pourraient aussi bien être un langage privé — particulier aux êtres humains qui ont des cerveaux humains — dans lequel nous gribouillons sur les murs de notre caverne. »

« Le glissement à droite des pays de l’Ouest me déconcerte. Les électeurs. ont sous les yeux, aux États-Unis, le spectacle de la situation où la droite va les mener si on lui en donne la moindre occasion, et ils votent à droite quand même.
Dans ses rêves les plus fous, le croquemitaine Oussama Ben Laden n’aurait pas espéré pareille réussite. Sans autres armes que des kalachnikovs et des charges de plastic, avec ses adeptes, il a terrorisé et démoralisé les nations occidentales, semant partout la panique totale. Pour les partisans d’une politique occidentale, musclée, autoritaire, de style militaire, Oussama a été un don des dieux. »

« L’éducation des enfants en Amérique préfère inculquer des modes d’expression machinaux, militaires. Inculquer, de calx/calcis, le talon. Inculquer : fouler aux pieds. »

« Inappropriate, ai-je noté, en est venu à remplacer bad ou wrong dans les énoncés de ceux qui veulent exprimer leur désapprobation, sans avoir l’air de porter un jugement moral (pour ceux-là, il convient de se garder de porter un jugement moral qui est en soi inappropriate, c’est-à-dire de mauvais aloi). Ainsi : "Elle a déclaré que l’inconnu l’avait touchée de façon inappropriate ‒ déplacée." »
Le second récit, plus circonstanciel, relate comme le narrateur, un écrivain vieillissant et malade, prend comme dactylo une jeune voisine d’origine philippine, Anya, choisie surtout pour sa croupe. Assez oisive et superficielle, elle l’appelle Señor C, et doit taper son projet, le recueil d’opinions sur l’époque actuelle.
Le troisième récit fait entendre Anya, sa version des faits. Elle vit avec Alan, un courtier peu scrupuleux élevé en orphelinat, qui a découvert que l’écrivain est Sud-Africain (l’action se passe en Australie) et riche ; il l’espionne via son ordinateur, et Anya le dissuade de l’escroquer.
« Le maquillage est peut-être du trompe-l’œil, maïs pas si tout le monde se maquille. Si tout le monde se maquille, le maquillage devient la nature réelle des choses. Et qu'est-ce que la vérité si ce n’est pas la nature réelle des choses ? »
2 : Second journal
Dans le premier récit, l’écrivain rêve de sa propre mort.
« Une idée à creuser : écrire un roman du point de vue d’un homme qui vient de mourir, qui sait qu’il a deux jours devant lui avant qu’il — c’est-à-dire son corps — ne cède et se mette à pourrir et à puer, qu’il ne peut rien espérer accomplir dans l’espace de ces deux jours, sauf vivre encore un petit peu, tandis que chacun de ses moments a la couleur du chagrin. Certains dans son monde ne le voient pas, tout simplement (il est un fantôme). Certains savent qu’il est là, mais il a pour eux l’air d’être superfétatoire, sa présence les agace, ils veulent qu’il s’en aille et qu’il les laisse vivre leur vie.
Parmi eux, une seule, une femme, a une attitude plus compliquée. Bien qu’elle se désole de le voir partir, bien qu’elle comprenne qu’il passe par une crise d’adieux, elle est néanmoins aussi d’avis qu’il vaudrait mieux pour lui et pour tout le monde qu’il accepte son sort et qu’il s’en aille. »
C’est par la suite à la fois un journal du vécu quotidien d’un sceptique aigri, avec ses ressenti(ment)s et sa détresse de vieillard en déclin, mais aussi une sorte de testament égrainé en miscellanées.
« Jadis, je pensais que ceux qui avaient passé ces lois, qui en fait supprimaient l’État de droit, étaient moralement des barbares. Aujourd’hui, je sais qu’ils n’étaient que des pionniers, en avance sur leur temps. »

« S’il fallait que je mette une étiquette sur la pensée politique qui est la mienne, je dirais que c’est du quiétisme anarcho-pessimiste, ou du pessimisme anarcho-quiétiste, ou de l’anarchisme quiétiste pessimiste : anarchisme, parce que l’expérience m’apprend qu’en politique tout le mal vient du pouvoir lui-même ; quiétisme, parce que j’ai des doutes, des soupçons, sur la volonté de changer le monde, quand cette volonté est entachée de soif du pouvoir ; pessimisme, parce que l’idée que l’on peut changer les choses, de manière fondamentale, me laisse sceptique. »
Le second récit (ou plutôt troisième récit, puis que le second commence plus tard), celui d’Anya de nouveau, relate une rencontre entre les trois protagonistes. Alan s’enivre, et déballe ses sentiments à C. Anya rompt avec Alan, et décide revenir assister C dans sa fin de vie.
Le troisième récit (le second en fait) est attribué à l’écrivain qui vient de publier ses « opinions adoucies », mais c’est surtout Anya qui s’y exprime, notamment par lettre : elle lui offre son amitié, à la fois pratique et humaine.
Curieux mélange de réflexions ressortant à l’essai et de méditations sur sa propre finitude, la musique de chambre d’un écrivain vieillissant.

\Mots-clés : #actualité #autofiction #essai #philosophique #politique #vieillesse

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Message par Bédoulène Lun 18 Nov - 14:44

eh bien pas évidente cette construction.

tu penses que c'est possible de lire page à page les récits différents ?

tu es parvenu tout de même à reconstituer l'entité, mais pas d'oubli ?

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Message par Tristram Lun 18 Nov - 15:25

J'ai essayé de lire les trois récits simultanément, comme présenté, mais ça m'a paru trop compliqué à suivre ; je me suis donc résolu à lire fil par fil...

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Message par Bédoulène Lun 18 Nov - 15:52

d'accord !

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