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La date/heure actuelle est Sam 27 Avr - 18:58

170 résultats trouvés pour régimeautoritaire

Viivi Luik

Tag régimeautoritaire sur Des Choses à lire - Page 6 2-267-10

La beauté de l’histoire


Original: Ajaloo ilu (estonien, 1991)
Traduction: Antoine Chalvin (2001)

Présentation de l'éditeur a écrit:Eté 1968, Riga, une jeune fille venue d'Estonie est l'hôte d'une bien étrange famille.
Invitée par le fils à poser pour une sculpture, elle rencontre aussi la mère - dont la tresse d'écolière est conservée dans la salle de bains. Puis le père - passé à l'Ouest, mais qui refait d'imprévisibles apparitions. Et surtout l'exubérante "tante Olga".
Tandis qu'une passion se noue entre le sculpteur et son modèle, elle découvre bien des choses qui la surprennent, à commencer par le langage codé que les membres de la famille utilisent pour parler d'une mystérieuse affaire.
Autour du récit principal, descriptions, images et souvenirs évoquent dans une sorte de flou tourbillonnaire l'Europe grise et tourmentée du communisme à l'ère brejnévienne.
De temps à autre, des anges passent, qui contemplent du haut du ciel les actions des hommes.
Avec ce second roman, Viivi Luik nous livre un éblouissant poème symphonique sur la destinée historique de l'Europe orientale.



REMARQUES :
Apparemment on cerne vite le cadre du roman: l’ère de Brejnev dans l’Estonie, puis la Lettonie, alors pays baltes sous la houlette de l’Union soviétique. Mais au fond l’histoire et l’atmosphère valent bien pour les Pays s’étendant derrière le rideau de fer. Et ainsi on se retrouve parallèlement à l’invasion de Prague en Août 1968 ce qui donne une indication précise pour le moment historique :
Une jeune femme de Tallinn (Estonie) vient à Riga (Lettonie) pour poser pour son ami sculpteur « Lion », un juif russophone. D’un coup elle est confronté avec un passé et une attitude de conspiration, de dissimulation. Lentement le lecteur comprendra que le sculpteur et les siens sont dans une certaine opposition au régime.
Lion a décidé de quitter le pays, de partir, mais d’abord il doit régler le fait d’avoir été convoqué au service militaire. Il va aller à Moscou vers une connaissance (Léo) de sa tante Olga (qui lui avait offert un atelier et le soutient dans sa démarche d’artiste), pour « arranger cela ».
Notre jeune modèle reste seule en attendant, et on se demande avec elle si elle va rester neutre, à distance, apolitique (comme elle semble être) ou si elle va prendre une décision. Elle le dit d’elle-même que jusqu’à maintenant elle s’est fait bien une représentation livresque bien éloigné de la vie réelle des épreuves et des souffrances.
Elle va prendre une distance, mais on se demande si elle pourra vraiment vivre comme si « tout était normal ». Est-ce qu’on peut indéfiniment repousser le moment de choisir ?

Dans cette atmosphère les mots signifient souvent autre chose, on suspecte les écoutes dans les appartements, on invente un langage codé. C’est le jeu du cache-cache, où on ne sait pas quelle est la vraie identité. On pourrait même bien se demander si ces descriptions si fines, allusives ne montrent pas avec extrême justesse un jeu double et schizophrénique des personnes, où il faut dissimuler ses pensées les plus intimes pour ne pas se mettre en danger?! Comment peut-on s’aimer dans l’insouciance dans cette atmosphère ?
Dans le langage on reconnaît bien des images, qui démontrent que l’auteur vient de la poésie. On trouve bien un ange « observateur et scribe ». S’il y a un récit chronologique, il y a aussi des retours en arrière dans le passé et des « déjà vues » dans l’avenir qui nous dit très tôt qu’au moins elle, elle va rester dans le pays !


mots-clés : #regimeautoritaire
par tom léo
le Mar 16 Mai - 15:39
 
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Sujet: Viivi Luik
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Robert Seethaler

Tag régimeautoritaire sur Des Choses à lire - Page 6 Produc12


Dans la Vienne de la fin des années 30, sur fond de montée du nazisme et de l’antisémitisme, Franz, a quitté son village et le contexte de misère dans lequel il vivait sur injonction de sa mère, pour venir travailler à Vienne dans le tabac d’Otto Tresniek, une vieille connaissance de sa mère. Apprenti auprès de cet homme qui deviendra comme un mentor, il rencontre par l’entremise du tabac un vieux professeur, S.Freud, avec lequel il entretiendra une relation amicale, qui prend naissance et se poursuit en partie autour de l’entrée dans la vie amoureuse de Franz suite à sa rencontre avec Anezka.

J’ai été séduite en entrant dans ce roman sur l'art de l’auteur de faire ressentir les ambiances. Notamment celle du tabac, pour ne citer qu’elle, qui nous amène à « voir » les lieux dans notre imaginaire, s’en imprégner, même presque à en ressentir les odeurs. Et ceci perdure tout au long du livre. C’est une atmosphère qui est posée et qui nous ramène à cette époque, chaque lieu (ou presque), m’ayant un peu donné le sentiment d’y être, de le voir, de le ressentir.

Aux côtés de Franz, à travers son regard un peu naïf des débuts qui va évoluer vers une vision bien moins candide, au fil de ses interrogations et constats, nous découvrons la société de l’époque prise dans le « débousselement » de ses valeurs, et nous assistons à la montée en puissance d’Hitler et du nazisme, à l’installation progressive de l’antisémitisme. Des quelques éléments anodins distillés au début du livre comme éléments de paysage, l’auteur agrémente de plus en plus le décor de son histoire d’événements et éléments signes de la montée du nazisme, ce jusqu’aux événements dramatiques de la fin ou plus rien n’est réellement « discret ». Et  nous ouvrons avec Franz progressivement sur ce qu’il se passe, sur comment cela monte en puissance pour prendre, vers la fin du roman, beaucoup de place, voire toute la place. Ce seront d’abord quelques croix gammées aperçus au bras de passants, puis des cris lors de manifestations, etc… ce jusqu’aux arrestation musclées et à leurs conséquences mortelles. Cela montre aussi comment on se réveille souvent trop tard dans ces contextes qui font leur lit doucement.

Je ne dirai pas que ce livre a été très addictif pour moi, mais il s’est insinué tout en douceur, avec ce vague sentiment de bizarrerie d’abord, puis, avec Franz, ce sentiment que le monde devient fou, pour terminer avec de l’indignation, voire du dégoût, tout en même temps que de l’impuissance. Franz, lui, garde une certaine liberté de pensée qui le perdra, comme d’autres avant lui.

C’était une jolie découverte en tous les cas, et je remercie Tom Léo de cette idée de lecture qui m’allait sur les thèmes « comme un gant ». Une lecture qui ne sera certes pas parmi mes préférées, mais dont la traversée a été riche et très intéressante. Je me lancerai d’ailleurs peut être dans l’autre roman traduit en français de cet auteur.


mots-clés : #historique #regimeautoritaire
par chrysta
le Dim 9 Avr - 7:55
 
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Sujet: Robert Seethaler
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Nicolas Bokov

Tag régimeautoritaire sur Des Choses à lire - Page 6 51857a10

Déjeuner au bord de la Baltique



CONTENU :
C’est les souvenirs d’un ancien dissident soviétique des derniers jours avant son arrestation dans l’Union Soviètique des années 70. Il raconte son voyage vers la Lettonie, son ultime rencontre avec la bien-aimée et leurs projets d’avenir et y mèle aussi des souvenirs d’enfance etc.

REMARQUES :
Ici on  découvre ce mélange bokovien entre expériences et réflexions. C’est une promenade dans son propre passé qui nous fait partager la vie d’un dissident dans l’Union Soviétiques des années 70 juste avant son arrestation, entre espoir pour un avenir personnel dans une relation d’amour et puis l’intervention brutale de l’Etat apparemment tout-puissant. On y trouve ce style très allusif de l’auteur, où il faut deviner soi-même les ponts entre deux événements, les liaisons entre deux réflexions. Derrière le niveau de l’affaire politique apparaît un poète, un homme sensible qui dans ce monologue intérieur partage avec le lecteur ces impressions.

J’ai tellement aimé cette manière extrêmement délicate et mélancolique de présenter les choses, toute en finesse. On y trouve une gravité et un regard très « russe » ( ???), me semble-t-il. Quand on arrive à la dernière page, où quand on retourne après lecture à la première, on est saisi par le drame d’une personne parmi des millions et des millions. Un visage à découvrir !

Des livres écrits jusqu’à présent en France, celui-ci me semble le plus „romanesque“ et accessible pour tous, même s’il est aussi à forte connotation autobiographique et contient pas mal de non-dits, des mystères…


mots-clés : #regimeautoritaire
par tom léo
le Lun 20 Mar - 22:23
 
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Sujet: Nicolas Bokov
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Eric Faye

Tag régimeautoritaire sur Des Choses à lire - Page 6 41djgp11

Eclipses japonaises

Durant des décennies, la Corée du Nord a enlevé, dans le plus grand secret et de façon souvent aléatoire, des Coréens du sud, des Japonais, et même quelques européens de l'est. Elle a aussi détenu des Américains. Des gens qui, pour le reste du monde, étaient comme effacés : ignorés des gouvernements, ne vivant encore que dans la mémoire de leurs proches désemparés.
Certains ont vécu ainsi des décennies en Corée du Nord, avant que quelques cas célèbres ne mettent ce phénomène en lumière.

Ces "otages" d'un genre particulier devenaient parfois professeurs, chargés de former de parfaits espions dont les attitudes, les accents, les comportements en société seraient si ressemblants qu'ils tromperaient même les services secrets des pays visés. Les Américains servaient de caution, de possible monnaie d'échange, d'outil de propagande aussi, parfois. Pour les autres, on ne sait pas toujours.
Eric Faye s'attache au sort de plusieurs de ces hommes et femmes, et tente de nous faire partager leurs pensées les plus intimes, seul espace de résistance et de liberté à leur portée dans cette dictature paranoïaque. Soumis eux aussi à une surveillance continuelle et à des cours intensifs de doctrine, ils vivaient en vase clos une existence ubuesque mais paradoxalement privilégiée, qui n'excluait pas un certain confort, voire, pour quelques-uns qui avaient réussi à se créer une vie de famille, une drôle de forme de bonheur teintée d'amertume. (Et d'ailleurs, quel plus sûr moyen de les attacher à ce pays qu'un conjoint et des enfants ?)

Le sujet est passionnant. L'ennui, c'est que l'auteur s'est, selon moi, laissé submerger par l'aspect "documentaire" de son propos, au détriment du romanesque. Il peine vraiment à donner corps à ses personnages et le style n'aide pas le lecteur à s'immerger dans ces destins hors du commun. Tout est narré d'un ton égal, et au final assez plat. C'est comme si, étonnamment, l'effacement des personnalités et l'uniformisation voulus par le régime de Corée du Nord avaient si bien réussi qu'ils avaient aussi anesthésié l'écriture d'Eric Faye. J'aurais dû être submergée par toute cette souffrance, par les émotions multiples et complexes de ces vies volées, hors je suis restée extérieure au récit, ma lecture se teintant même parfois d'un certain ennui.
J'ai pourtant lu et entendu de nombreux avis enthousiastes sur ce livre, et je ne voudrais pas vous décourager. Mais pour moi, c'est un rendez-vous manqué.


mots-clés : #regimeautoritaire
par Armor
le Lun 20 Mar - 17:41
 
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Sujet: Eric Faye
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YI Munyol

Armor a écrit:Encore un auteur que je me promets de lire depuis longtemps…


... et ce sera pour ton plus grand bonheur, probablement!

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Notre héros défiguré


CONTENU:
Om Sokdae, porte-parole d’une classe, tyrannise ses condisciples avec une main de fer. Il fait de ses camarades des êtres à son service : il les bat, prend de l’argent, vend des services de protection et se laisse traiter comme un roi. Han, nouvel élève arrivant de Séoul, veut commencer à combattre la dictature de Sokdae, mais il sera coincé dans une isolation complète et doit se déclarer vaincu. Mais après sa capitulation il découvre des nouvelles facettes de ce règne corrompu et il commence à goûter les privilèges du pouvoir et la participation à celui-ci. Après l’évincement de Sokdae commence une longue période de changements qui aboutit dans le rétablissement d’un environnement « démocratique ».

MES IMPRESSIONS :
Il est bon de garder en mémoire le contexte historique coréen, c’est à dire aussi la présence de forces dictatoriales en Corée jusqu’à la fin des années 80, période dans laquelle cette nouvelle était écrite et puis publiée en Corée (en 1987). Cela donne à réfléchir si on apprend que cette pièce trouva immédiatement un succès immense dans le pays ! C’est probablement pas seulement à cause d’une simple histoire d’élève, mais parce qu’on se retrouva dans le contenu, dans les tensions, dans les questions soulevées.  

Lu dans ce contexte historique on voit plus clairement, à partir de la première page, que le père de Han atterrit en province à cause d’un faux-pas politique et qu’alors ce qui s’ensuit est déjà par cela pour Han la conséquence ou une suite accompagnant la situations politique. Vite on se rendra compte que dans cette nouvelle le rapport de la force, la violence et l’autorité jouera une grande importance.

S’agissant d’un retour en arrière – au début du livre on date l’action trente années dans le passé – il peut bien s’agir du temps à la fin des années 50, c’est à dire la période de la fin du régime autocratique du dictateur Rhee.

Yi Munyol décrit avec une précision admirable les différents stades, étapes dans la vie de Han avec l’autorité de Om Sokdae, le condisciple dictatoriale : De l’étonnement vers la révolte, puis des actions légales, la résistance, jusqu’au désespoir ; et même la complicité pour finir !!! Tout cela est tellement bien observé – chapeau ! Sur la couverture d’une édition est bien écrit que « Yi peint dans Notre héros défiguré une analyse du pouvoir et parle ainsi d’un sujet de portée universelle ». Comme nous avons affirmé dans un partage autour de la lecture commune de ce livre, il n’est pas si difficile de trouver malgré les particularités culturelles différentes (coréennes) des parallèles avec des dictatures pas si lointaines en Europe, mais aussi des situations et expériences personnelles aux lieux de travail, l’école etc.

S’il y a un processus vers une complicité avec une autorité violente, la sortie de ce système peut être aussi vue et vécue comme un cheminement. Mais la solution proposée, décrite dans ce livre fait réfléchir et chacun verra  et décidera, si cela devrait bien avoir une validité universelle.

Un livre remarquable qui parle d’une façon intemporelle de l’expérience du pouvoir et de la violence !


mots-clés : #regimeautoritaire
par tom léo
le Sam 11 Mar - 21:34
 
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Sujet: YI Munyol
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Pep Coll

Quatre cercueils : deux noirs et deux blancs.

Tag régimeautoritaire sur Des Choses à lire - Page 6 Images18


Quelques années après la fin de la guerre civile espagnole, dans un massif pyrénéen catalan, parsemé de hameaux et bourgades sévères, un crime horrible a été commis : l’assassinat sordide d'une famille de paysans, homme femme et enfants. Sans doute le père réussissait-il un peu trop bien, à la fois avide et travailleur. Sans doute aussi l'assassin était-il un homme frustre, non initié au bien et au mal, étreint par la jalousie. Toujours est-il que dans ce climat perverti par le fascisme, le crime, aisément élucidé,  est resté curieusement impuni et a hanté les habitants pendant des décennies.


Le livre, "inspiré d'une histoire vraie" joue astucieusement, tout en le revendiquant, entre réalité et romanesque. Pep Coll est venu visiter les lieux, a lu toute une bibliographie et écrémé les archives, rencontré des survivants de l'époque. Mais il a aussi inventé des dialogues, ajouté des personnages, et bouché les trous restés inexpliqués. Il nous raconte les faits , entretissés avec  sa version imaginée, à travers 19 chapitres, chacun consacré à un personnage ayant tourné autour de l'affaire : victime, assassin, passant, témoin, autorité civile, judiciaire ou militaire.

C'est l'occasion de dresser un portrait de ces régions farouches et de leure habitants, d'y scruter les traces laissées par la guerre et l'empreinte de la dictature. C'est aussi le moment d'établir un parallèle entre ce crime morbide resté impuni et l'étrange amnésie dans laquelle s’est reconstruite l'Espagne après le franquisme.


mots-clés : #regimeautoritaire
par topocl
le Ven 10 Mar - 17:28
 
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Sebastian Haffner

Les discussions récentes sur les témoignages de rescapés des camps de la mort me fait penser que ce livre pourrait intéresser nombre d'entre vous.
Ma lecture est ancienne, mais de nombreuses images marquantes me restent encore en mémoire. Un témoignage précieux.

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Histoire d'un Allemand - Souvenirs (1914-1933)

Sebastian Haffner était étudiant en droit. Il a assisté, aux premières loges, à la montée en puissance du nazisme. Ecoeuré, horrifié, il a quitté le pays en 1938. Ce livre lui fut commandé la même année par un éditeur anglais ; mais la guerre éclata, et le manuscrit ne fut jamais publié. Il ne fut redécouvert qu'après la mort de l'auteur, et publié en 2000 en Allemagne, non sans avoir été dûment authentifié. En effet, certaines personnes contestaient qu'il ait pu avoir une vision aussi claire des horreurs qu'allait engendrer la folie nazie. Ce qui est certain, c'est que cet ouvrage met terriblement à mal l'explication si souvent entendue : "On ne savait pas…"

Pour qui s'intéresse à cette période, ce livre offre un éclairage nouveau et passionnant. La forme du récit oscille entre le témoignage et l'essai ; l'auteur nous parle de cette époque à travers le prisme de sa propre expérience d'Allemand "ordinaire", mais il va aussi plus loin, tentant d'analyser l'incidence du contexte historique sur les réactions du peuple allemand. Tout d'abord, il essaie de comprendre les raisons de l'inertie d'une grand majorité d'Allemands face à la montée du nazisme. Selon lui, les soubresauts de la politique nationale, l'instabilité des différents gouvernements au pouvoir depuis la guerre de 14-18, ou encore l'inflation galopante, ont peu à peu réuni les conditions qui ont amené Hitler au pouvoir alors qu'il n'avait pas gagné les élections de 1933…
Totalement désabusé, comme anesthésié, le peuple n'a pas réagi à ce coup de force, pas plus qu'il n'a réagi ensuite aux lois et aux exactions commises par les nazis. (assassinats, tortures, intimidations… le tout à la vue de tous, contrairement à ce qui a pu être dit…)

Sebastian Haffner nous livre ensuite un récit très riche, qui nous plonge littéralement dans la vie d'un Berlinois dans les années 30… Il décrit avec justesse le contexte politique incertain, l'arrivée d'Hitler au pouvoir, la montée de la peur, l'embrigadement... Stupéfiant passage que celui où l'auteur, alors étudiant en droit, se trouve obligé de passer 3 semaines dans un camp militaire à claironner des chants nazis, étape obligée s'il veut espérer obtenir son diplôme de juge…
Le lecteur va de surprises en surprises. L'un des passages qui m'a le plus stupéfiée est celui où l'on apprend que les discours prônant l'extermination des juifs étaient diffusés dans les rues de Berlin par haut-parleur... Même si la méthode exacte d'extermination était inconnue, il ne faisait aucun doute que leur fin était programmée…
De même, l'on apprend horrifié qu'un jour, alors qu'il était tendrement enlacé avec sa petite amie, un groupe d'enfants accompagnés de leurs professeurs les a tout naturellement salué d'un claironnant "Mort aux juifs ! Le plus cruellement ironique étant que la petite amie était bel et bien juive, ce qui n'était pas encore visible, le port de l'étoile jaune n'ayant pas encore été instauré…

Ce récit m'a profondément marquée. C'est un livre nécessaire, profond, qui soulève des questions passionnantes et avance des explications des plus intéressantes. Bien des justifications entendues après guerre volent en éclat à la simple lecture de cet ouvrage. Et l'on ne peut que louer la lucidité et la clairvoyance de l'auteur, mais aussi son honnêteté. Jamais il ne se fait passer pour un homme héroïque. Simplement pour un citoyen responsable, qui a refusé les compromissions indispensables alors pour exercer le métier auquel il était promis…
J'ajouterai enfin que le style, superbe, est à la fois très littéraire et facile à lire. Je ne saurais trop le recommander à tout lecteur intéressé par cette période. Je pourrais vous en parler encore longtemps, mais je préfère laisser la parole à l'auteur avec quelques extraits.


Deux extraits du prologue, écrit je le rappelle en 1939 :

"En usant des pires menaces, cet état exige de l'individu qu'il renonce à ses amis, abandonne ses amies, abjure ses convictions, adopte des opinions imposées et une façon de saluer dont il n'a pas l'habitude, cesse de boire et de manger ce qu'il aime, emploie ses loisirs à des activités qu'il exècre, risque sa vie pour des aventures qui le rebutent, renie son passé et sa personnalité, et tout cela sans cesser de manifester un enthousiasme reconnaissant."

" Ces duels dans lesquels un individu cherche à défendre son individualité et son honneur individuel contre les agressions d'un Etat tout-puissant, voilà six ans qu'on en livre en Allemagne, par milliers, par centaine de milliers, chacun dans un isolement absolu, tous à huis clos. Certains duellistes, plus doués que moi pour l'héroïsme ou le martyre, sont allés plus loin : jusqu'au camp de concentration, jusqu'à la torture, jusqu'à avoir le droit de figurer un jour sur un monument commémoratif. D'autres ont succombé bien plus tôt : aujourd'hui, ils récriminent sous cape dans la réserve de la SA ou sont chef d'îlots dans la NSV."



Page 214 :

" Les nazis ne font désormais plus mystère de leur propos de dresser les Allemands à pourchasser les juifs dans le monde entier. L'intéressant, c'est ce propos lui-même, qui est une nouveauté dans l'histoire universelle : la tentative de neutraliser, à l'intérieur de l'espèce humaine, la solidarité fondamentale des espèces animales qui leur permet seule de survivre dans le combat pour l'existence ; la tentative de diriger les instincts prédateurs de l'homme, qui ne s'adressent normalement qu'aux animaux, vers des objets internes à sa propre espèce, et de dresser tout un peuple, telle une meute de chiens, à traquer l'homme comme un gibier."


(ancien commentaire largement remanié)


mots-clés : #autobiographie #deuxiemeguerre #regimeautoritaire
par Armor
le Ven 10 Mar - 14:53
 
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Sujet: Sebastian Haffner
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Alice Zeniter

Sombre dimanche

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Est-ce que la vie pouvait être que ça ? cette succession d'espoirs et de dépressions, l'un faisant toujours oublier l'autre, malgré les années et le peu de sagesse qu'on pouvait en tirer ? Est-ce que c'était possible qu'il n'y ait pas plus ?


C'est, paraît-il, totalement hongrois.
Alors la Hongrie est un bateau qui prend désespérément l'eau depuis un siècle, et si on ne le quitte pas, on ne peut que se noyer avec lui. Les personnages sont englués dans un immobilisme atone et mélancolique, pris dans le carcan des non-dits familiaux, étouffés par le climat politique, par l'enchaînement d'une histoire malsaine qui leur a confisqué leur identité.

Elle était née à la fin du conflit, tout comme Pàl, et elle avait compris très tôt que ne pas avoir vécu la guerre constituait une frontière inamovible entre sa génération et celle de ses parents, celle du grand-père. Ils n’habiteraient jamais le même monde, ils n'auraient jamais les mêmes yeux.


C'est joliment raconté et plutôt bien construit : on suit le parcours d’Imre , garçon en retrait, jeune homme désenchanté, homme désespéré, et quelques allers-retours temporels racontent les épisodes douloureux et enfouis qui ont marqué les membres de sa famille. Il y a une poésie désenchantée, qui mène les personnages tels des marionnettes désincarnées, de désillusions en désillusions, de désespérance en tristesse.

Leur relation était pleine de la gêne et de la maladresse des corps qui ne sont pas habitués à marcher côte à côte.


Prise dans une mélancolie languide, Alice Zeliter ne cède ni au misérabilisme ni au pathétique, elle sait instaurer une distance. C'est sans doute pourquoi je ne peux pas dire que ce roman m’ait réellement enthousiasmée.

(commentaire récupéré)



mots-clés : #famille #regimeautoritaire
par topocl
le Sam 4 Mar - 9:01
 
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Sujet: Alice Zeniter
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QIU Xiaolong

J'ai lu Les courants fourbes du lac tai

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Après sa lecture je me souviens avoir regardé mon livre l'air dubitatif .Où est le Qiu Xiaolong et le vénérable inspecteur Chen dont j'ai tant entendu parler?
J'ai pallié le manque de noirceur et d'intrigue associés au polar par un goût amer de déception.Les personnages ne sont pas creusés mais à défaut sonnent creux.
L'intrigue ( ou ce qui devrait être une intrigue ) est soporifique à souhait.
La noirceur , oui , il' y en a ! les eaux du lac...
Petite note positive qui a sauvé ce livre de la noyade , la poésie chinoise distribuée au gré des pages.
Conclusion: Je ne l'ai pas conseillé.
Cependant, après multiples avis recueillis qui vont dans ton sens sur ses polars antérieurs , je vais retourner à la rencontre de L'inspecteur Chen en espérant que "les courants fourbes du lac tai" ne soit qu'une erreur de parcours...


mots-clés : #polar #corruption #regimeautoritaire
par Ouliposuccion
le Ven 24 Fév - 17:42
 
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Sujet: QIU Xiaolong
Réponses: 25
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Négar Djavadi

Désorientale

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Négar Djavadi nous parle d'une famille iranienne très proche de la sienne sur trois générations, et à travers elle de la dissidence, et de l'histoire de l'Iran. Mais aussi de son homosexualité et de sa  grossesse par procréation assistée. C'était sans doute beaucoup pour un premier roman, qui cependant ne manque pas de brio.

Au début, elle réussit un quasi sans faute, à la fois virtuose et attachante sur tout le versant iranien.  Dans des allers et retours perpétuels, seulement guidés par les caprices de sa mémoire, elle raconte le poids (mais aussi les bienfaits) de la tradition et du mode de vie iranien, où la famille est à la fois un carcan et un refuge, quoique dévorant et castrateur. Elle raconte, à travers ses yeux de petite fille qui comprend beaucoup mais pas  tout,  comment ses parents s'y sont singularisés, par leur opposition résolue et courageuse aux régimes successifs, comment ils ont dû ensuite s'exiler en France pour sauver leur peau.
C'est l'occasion de parler de  différence au sein d'une société qui courbe parfois l'échine, et n'a guère le choix, d'ailleurs,  puis dans l'exil. Ces pages par leur foisonnement, nous perdent par moment (et c'est sans doute voulu), mais qu'importe c'est une immersion généreuse : il y a là une attention aux émotions, une proximité avec ses personnages et une luxuriance assez irrésistibles.

Les choses se gâtent après le retour en France, car oui, la vie devient pus sûre, croit-on, morne, et la lecture aussi, malheureusement. Certes il y a encore quelques pages sur l'exil, d'autant plus douloureux que le retour est impossible, et une belle envolée au moment de la description de l'EVENEMENT, qu'elle nous a fait miroiter  depuis le début, on finissait par se demander si elle allait arriver à nous en parler. On assiste à la marginalisation rebelle de notre héroïne mais celle-ci devient vite lassante, assez banale, et survolée.  Le fil rouge de l'insémination artificielle (un peu rocambolesque) parait longtemps assez factice, et s'il s'éclaire sur la fin, il est tellement chargé de symbole que c'en est un peu lourd. Négar Djavadi ne sait pas résister aux symboles : les naissances et les morts sont liées, la mère perd la mémoire (bien sûr) mais dans son délire a le mot de la fin qui est celui de toutes les réconciliations.

Les deux premiers tiers du livre sont donc totalement séduisants; ils ne sont pas du tout redondants par rapport à d'autres récits sur l'Iran : du fait même qu'il se situent du côté de la dissidence active, et celle-là observée par la fillette, et aussi parce que c'est une espèce de conte aux tiroirs astucieusement imbriqués. Ils  laissent la place à quelque chose de plus poussif et convenu. C'est dommage, mais malgré tout, c'est le tourbillon initial qui l'emporte et m'a laissé sa bonne impression.



mots-clés : #identitesexuelle #immigration #regimeautoritaire
par topocl
le Ven 24 Fév - 17:38
 
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Sujet: Négar Djavadi
Réponses: 8
Vues: 773

QIU Xiaolong

Cité de la poussière rouge

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Shanghai, cité de la Poussière Rouge. Dans cet ensemble de maisons traditionnelles, les habitants aiment se réunir dans l'une des allées pour leur "conversation du soir".
De la prise de pouvoir du Parti communiste en 1949 jusqu'à la période actuelle du "socialisme à la chinoise ", en passant par la Révolution culturelle, chacun tisse son récit.
Travail, précarité, ambition et amour se déclinent selon la grammaire socialiste, car rien n'échappe à l'idéologie.
Avec ces nouvelles, Qiu Xiaolong pose un regard pénétrant et lucide sur la Chine contemporaine. Certaines d'entre elles ont été publiées dans Le Monde durant l'été 2008.


La cité de la poussière rouge , quartier central de Shanghai fait l'objet dans ce livre d'une exploration au cœur du communisme socialisme sous forme de récits relatant le quotidien des Chinois durant les dernières cinquante années en passant par la révolution culturelle.
Qiu Xiaolong , au même titre que son acolyte Ma Jian dresse un constat sur la précarité , le système des travailleurs et la propagande traditionnelle que l'on connaît confinant toute âme dans les rouages de l'idéologie sous peine que celle-ci soit broyée par un système répressif et arbitraire.
Pour ceux qui sont quelques peu étrangers à cette partie de l'histoire de Chine , c'est une bonne base qui permet de s'insinuer dans l'ordinaire des couches sociales désillusionnées et d'entendre en off la voix des habitants ainsi que de saisir au gré des anecdotes les moments de vie de ceux qu'on entendait pas.
La Chine de Mao Zedong et la montée des gardes rouges n'auront pas eu raison de ces voix qui s'élèvent de cette poussière rouge , des hommes de lettres qui aujourd'hui , nous restituent avec cynisme le parcours touchant de toute cette population ballottée.
Si les ruelles de cette cité étaient la chambre des murmures , c'est armé d'une mémoire collective qu'ils sont devenus cris lors des révolutions afin d'illustrer les rêves de liberté.
Un livre qui me paraît essentiel par le simple fait d'écouter la version du petit peuple , même si j'avoue que Ma Jian garde mes faveurs dans ce registre , il en reste que Qiu Xiaolong fait également partie de ceux qui sont passés sous le rouleau compresseur ayant été interdit d'école lorsque son père fut la cible des révolutionnaires lors de la révolution culturelle , ce qui en fait un interprète majeur

Il était devenu Petit Garde rouge, puis membre des Jeunesses communistes et finalement technicien aux Télécommunications de Shangai, entreprise d’État rentable - il avait un "bol de riz en fer".
L'expression était issue de la tradition de manger le riz dans un bol. Les gens n'ayant pas toujours les moyens de se nourrir, quand quelqu'un perdait son emploi, on disait souvent qu'il avait perdu son bol de riz, ou qu'il l'avait cassé

.


Alors que les quatre générations du roman avaient vécu dans une grande maison, la famille de Liang, elle, partageait une seule pièce à tout faire de quatorze mètres carrés dans une maison shikumen de la cité de la Poussière Rouge. Les quatre générations devaient utiliser des rideaux pour isoler le lit de son grand-père, le lit de ses parents, la couchette de son frère aîné accompagné de sa femme et de son nouveau-né, le lit de camp pliant de Liang lui-même, et une table qui servait à manger, à étudier, à boire le thé, à coudre et à repasser selon l'heure et l'occasion


"[...] une histoire est censée avoir une fin, heureuse ou malheureuse. Rien de tel dans la vie. Vous pensez pouvoir mettre un terme à votre récit un soir, comme sur une dernière page, mais dans quelques années surviendra un événement ou un virage inattendu dans l'histoire réelle. Une suite ou une histoire différente. Une comédie devient une tragédie, ou inversement. Nous le savons. Parfois nous jouons aussi un rôle, aussi involontaire et insignifiant soit-il, dans la vie des personnages, qui nous affecte à son tour."




mots-clés : #nouvelle #regimeautoritaire #revolutionculturelle
par Ouliposuccion
le Ven 24 Fév - 17:18
 
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Sujet: QIU Xiaolong
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Karel Schoeman

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La saison des adieux ( Afskeid en Vertrek)
Traduit de l'afrikaans par Pierre Marie Finkelstein

Karel Schoeman est un écrivain fidèle au vieux parler de source batave, l'afrikaans.Même si c'est un intellectuel polyglotte, il a traduit Schiller, Schnitzler et Tchekhov.

Les années 70, au Cap. Il pleut, il ne fait que pleuvoir, et la ville glisse lentement dans les ténèbres.. Ces ténèbres, on ne sait pas tellement bien ce que c'est ,en fait, car les personnages du livre ne veulent surtout pas le voir. Ils appartiennent à la communauté blanche, recroquevillée sur elle-même, désarçonnée par les changements autour d'elle, et dont la plupart des membres n'a plus qu'une envie, partir.

Et dans cette communauté, un petit groupe d'intellectuels cherche encore à faire semblant , dans de tristes réunions mondaines où presque tous -même un journaliste...- vivent dans un déni complet de la tragédie de leur pays. Presque tous car un écrivain, poète,un des seuls à exercer sa lucidité, va apprendre le détachement , la solitude et le renoncement.

Ceux qui avaient frappé autrui furent frappés à leur tour, ceux qui avaient fait tomber autrui trébuchaient et tombaient à leur tour; soudain nous comprîmes que ce sang sur nos mains était le nôtre et plus celui des autres. Les gens gisaient à terre dans la position qu'ils avaient en tombant et nous, qui errions parmi les cadavres en hésitant afin de ramasser les vêtements épars ,nous rendions compte avec surprise que cette veste était la nôtre, que ces chaussures étaient à notre pointure: pour la première fois, ces visages que nous voyions, tombés face contre terre, le nez dans la poussière, nous étaient familiers; désormais,ces visages étaient les nôtres. De quel droit pensions nous que nous serions les seuls à être épargnés?
Nous apprîmes l'humiliation et nous apprîmes aussi à être humbles, à courber l'échine, à chercher parmi les cadavres , à nous traîner au-delà des barbelés des postes de contrôle,à attendre dans des files interminables dans les halls de gare et sur les quais; enfin, du moins le croyons- nous. Laissez-nous espérer que nous avons appris à réfléchir, à comprendre, que nous avons appris la pitié et la compréhension, sans quoi nous n'aurions rien appris, et tout aurait été vain.



Ce n'est pas la violence de Coetzee,mais la puissance du texte est la même, c'est extrêmement mélancolique et triste, magnifiquement écrit ( avec là aussi une mention pour le traducteur!)


mots-clés : #regimeautoritaire #solitude #violence
par Marie
le Mar 21 Fév - 1:22
 
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Sujet: Karel Schoeman
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Arthur Koestler

Tag régimeautoritaire sur Des Choses à lire - Page 6 Ooozer10



Le zero et l’infini


comme pour mes précédentes lectures j'ai beaucoup apprécié.

Tout d'abord je trouve que le fait que Koestler ne nomme ni le pays, ni le Parti, ni le n°1 force le trait dramatique (certains écrivains invente des noms).

(en réponse à topocl me semble) Bien sur que ce qui se passe dans la cellule est connu aujourd'hui moins à l'époque de sa sortie non ? (depuis sa sortie en France en 45 d'autres livres relatant les mêmes faits ou tout simplement la vie dans les prisons ont été édités)

pour ce qui concerne le deuxième interrogatoire l'extrait mis en exergue ma parait  d'un choix édifiant :

"Lorsque l'église est dispensée des commandements de la morale. L'unité comme but sanctifie tous les moyens, l'astuce, la traîtrise, la violence, la simonie, l'emprisonnement, et la mort. Car tout ordre existe pour les fins de la communauté, et l'individu doit être sacrifié au bien général.   Diestrich Von Nieheim évêque de Verden


suffit de remplacer l'église par le PARTI !

Les extraits du journal de Roubachov permettent de voir l'évolution de sa pensée et aussi qu'il espérait après qu'Ivanov l'ait rejoint dans sa cellule, une sortie grâce à la reconnaissance de ses fautes. Il souhaite faire une étude sur "la maturité politique des masses". L'immaturité des masses serait l'un des facteurs d'échec de la révolution.

Le discours d'Ivanov est sans ambiguité mais il commet l'erreur de s'être entretenu avec Roubachov dans sa cellule, il est rapidement  exécuté.

"La plus forte tentation pour des hommes comme nous, c'est de renoncer à la violence, de se repentir, de se mettre en paix avec soi-même. La plupart des grands révolutionnaires ont succombé à cette tentation, de Spartacus à Danton et à Dostoïevsky ; ils représentent la forme classique de la trahison d'une Idée."

Roubachov a pris conscience bien trop tard des exactions commises sur le Peuple, mais son analyse qui répond au discours  Ivanov est explicite :

"Le pouvoir arbitraire du gouvernement est illimité, et reste sans exemple dans l'Histoire ; les libertés de la presse , d’opinion et de mouvement  ont totalement disparu, comme si  Déclaration des Droits de l’Homme n’avait jamais existé. Nous avons édifié le plus gigantesque appareil policier, dans lequel les mouchards sont devenus une institution nationale, et nous l’avons doté du système le plus raffiné et le plus scientifique de tortures mentales et physiques. Nous menons à coups de fouet les masses gémissantes vers un bonheur futur et théorique que nous sommes les seuls à entrevoir. »

Koestler fait par les paroles de Roubachov une dénonciation de la dérive d'une révolution qui se voulait améliorer la vie du peuple et qui n'a fait que le crucifier.


Les interrogatoires avec Gletkin sont des temps forts, le mécanisme de la machine à broyer est en marche. Roubachov connait la mécanique pour en avoir usé aussi, comme il le dit "Je paie". La mort ne sera pas à crédit !

Roubachov se posait une question sur la douleur avec ou sans raison ; à chaque fois que le taraude les souvenirs de ses méfaits (sa lâcheté envers Arlova, le suicide de Loewy etc....) la rage de dents se déclenche, comme une réponse.

ce sont les petits détails qui parfois font ressortir  l'absurdité et la criminalité des raisonnements du N°1 comme le fait de choisir de petits sous-marins  plutôt gros" et d'être puni pour le mauvais choix.


Quant au "sentiment océanique" qu'ici se résume pour Roubachov en la réapropriation du "JE", c'est un thème cher à Koestler (cf le passage intitulé "au bord de la fenêtre" dans les Hiéroglyphes)


"Nous n'admettions l'existence d'aucun secteur privé, pas même dans le cerveau d'un individu. Nous vivions dans l'obligation de pousser l'analyse logique jusqu'à ces dernières extrémités. Notre pensée était chargée de si haute tension que le moindre contact provoquait un court-circuit mortel. Nous étions donc prédestinés à nous détruire les uns les autres.
J'étais un de ces esprits. J'ai pensé et agi comme je le devais ; j'ai détrauit des êtres que j'aimais, et j'ai donné le pouvoir à d'autres qui me déplaisaient. L'Histoire m'a placé là où j'étais ; j'ai épuisé le crédit qu'elle m'avait accordé ; si j'avais raison, je n'ai pas à m'en repentir ; si j'avais tort, je paierai."



je pense que je me suis attachée à l'écriture de Koestler, peut-être que je ne suis pas assez objective.

(en réponse à Shanidar me semble) Comme tu le dis toujours la lucidité de Koestler. Sa technique pour démontrer et démonter le pouvoir dictatorial, oui vraiment c'est sur il est d'une rigueur scientifique.


(récupéré)
mots-clés : #regimeautoritaire
par Bédoulène
le Sam 18 Fév - 17:38
 
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Sujet: Arthur Koestler
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Stefan Zweig

Le monde d'hier

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Nous sommes en 1941. Stephan Zweig, désespéré de l'homme et du monde, dévasté par un nouvel exil, joue une fois de plus son rôle d'écrivain : témoin et penseur se retournant sur son histoire et l'histoire de ce siècle . Ce livre se partage entre l' autobiographie à orientation littéraro-intellectuelle, et un témoignage historique. On sent dès le début que c'est un cri désespéré.

La première moitié du livre est consacrée au tournant XIXème-XXème siècle , cet avant guerre insouciant.  De Vienne, à la fois libérale et puritaine, Zweig, jeune homme précocement brillant et descendant d'un bourgeoisie plus qu'aisée, voyage sans limites à travers l'Europe et le monde, tisse des amitiés artistiques dans toutes les capitales... jusqu'à l'assassinat de Louis- Ferdinand et au déclenchement de la 1ere guerre mondiale, où, citoyen européen qui commence à être reconnu en tant qu'auteur, il se retrouve l'un des seuls à prôner un pacifisme résolu, attaché à sa « liberté intérieure».

C'est un récit à la fois fort instructif, élégant et très maîtrisé , les différences de mentalités entre les capitales sont finement analysées, Zweig décrit de belles figures d'amis artistes. Par contre absence totale de femmes,  on est là pour parler de choses sérieuses...
J'ai également  été gênée par une vision du monde tout à fait biaisée par sa situation privilégiée, ignorant tout du sort des moins favorisés (les ouvriers étaient bienheureux en ces temps où l'on avait réduit leur temps de travail, explique-t'il) et l’impression que tous les citoyens partagent, et son bonheur, et ses points de vue. Comme s'il régnait une fraternité universelle, comme si la notion de nationalisme n'avait émergé que le jour de la déclaration de guerre, pour mieux exploser dans les décennies suivantes. Cette « naïveté » explique sans doute sa  surprise à découvrir les excès de la haine et les enthousiasmes belliqueux.

Dans l'après-guerre, les blessures du traité de Versailles qu'on croit enterrées, la misère et la famine jugulées, l'inflation maîtrisée, s'installe un temps que Zweig veut croire serein.
Il y connaît un succès planétaire, fréquente les grands de ce monde en matière de pensée et d'art, sa collection d’autographe trouve un essor éblouissant, dans le temps-même où le festival de Salzbourg s'épanouit. Quelques confrontations avec les chemises noires mussoliniennes, lui mettent la puce à l'oreille, mais son ingénuité est toujours là, ce sont des temps heureux. Là encore il semble curieusement croire que cette plénitude est commune à tous.

Ce n'est que peu à peu qu'émergent Hitler et ses sbires, « dressés à l'attaque, à la violence et à la terreur », sans trop attirer l'attention. Puis, brutalement, les interdictions aux Juifs, les brimades, et pour Zweig, le choix de l'exil d'où il sera confronté aux tentatives de conciliation qui n'empêcheront pas la déclaration de guerre. C'est la fin des choix, la perte d'une nationalité, l'effroyable statut d'apatride, puis d'étranger ennemi. Là encore une certaine ingénuité, l'idée qu'en Amérique du Sud, loin de l'Europe explosée, un monde meilleur de tolérance est possible.

Témoignage et réflexion sur un monde en mutation qui perd une certaine innocence et qui court à sa perte, on ne doit pas attendre de Le monde d'hier une objectivité historique ; c'est le regard désespéré d'un homme des plus choyés,  naufragé au sein d'un monde en perdition. On découvre cet homme et sa vision de l'histoire des quarante premières années du XXème siècle. Car Stefan Zweig a choisi de s'épargner de voir la suite.

(commentaire récupéré)


mots-clés : #autobiographie #historique #regimeautoritaire
par topocl
le Mer 15 Fév - 11:31
 
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Sujet: Stefan Zweig
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Tchulpân

Tchulpân

Tag régimeautoritaire sur Des Choses à lire - Page 6 Tylyc112

Tchulpân, de son vrai nom ‘Abd al-Hamid Sulayman, est né à Andidjan, capitale de la province orientale éponyme de l’actuel Ouzbékistan, à une date incertaine comprise entre 1883 et 1898 (celle de 1897 est la plus retenue en vue de sa double instruction islamique et russe). En 1908, le jeune ‘Abd al-Hamid envoie son premier poème au quotidien Shuhrat (« La Renommée »), de Samarcande. Au printemps 1914, il fait partie du cercle des chroniqueurs du mouvement moderniste musulman, appelé localement « djadidisme ». Début 1916 survient au Turkestan, contre la conscription dans l’armée du Tsar, le soulèvement dit « des saisonniers », qui laissera une cicatrice profonde dans l’œuvre de Tchulpân. Celui-ci accueille la révolution de février 1917 comme la promesse d’une rupture avec l’ordre colonial en Asie Centrale. Mais les bolcheviks répriment dans le sang l’Autonomie du Turkestan proclamée en novembre 1917. Son œuvre littéraire et journalistique demeurera dominée par le thème de la lutte contre la domination russe. Après la création, en 1924, de la République socialiste soviétique (RSS) d’Ouzbékistan, Tchulpân s’éloigne à Moscou où il rencontre Maïakovski et Essenine. À leur contact, son œuvre poétique se teinte d’une ironie de plus en plus sombre. Populaire en Asie Centrale, Tchulpan se retrouve dans la ligne de mire des censeurs.



Son roman Nuit paraît en 1936, croisé, un homme et une femme n’ayant pas de langue en commun et fuyant à la veille du déclenchement de la « terreur rouge ». Il offre d’intéressantes variations de ton (parfois truculent) et de style (témoin la trouvaille romanesque qui fait dialoguer, en un journal vers Moscou). Vaste tableau du Turkestan pendant le soulèvement de 1916, il apparaît comme un roman anticolonial et antistalinien. S’il est bien accueilli par le public (l’unique tirage est vite épuisé), il vaut en revanche à son auteur une réaction violente de la critique bolchevique orthodoxe, qui l’accuse de « nationalisme bourgeois ». Arrêté le 8 avril 1937 avec d’autres auteurs apparentés au djaddisme, Tchulpân est envoyé en camp de relégation, où il est condamné, le 5 octobre 1938, à la peine capitale pour « activités contre-révolutionnaires », et exécuté.
La volonté d’éradication du « tchulpanisme » pousse les autorités politiques de Tachkent à faire arrêter les traducteurs et commentateurs de l’écrivain en russe et en tatar, tandis que plusieurs de ses avocats dans le milieu littéraire ouzbek sont durablement exclus des instances officielles de la République. Ce n’est qu’à la veille de l’indépendance de l’Ouzbékistan, en septembre 1991, que paraîtront les premières rééditions d’œuvres de l’écrivain proscrit et que sera reconnue sa place, centrale, dans l’histoire littéraire de cette région du monde.



Son œuvre, abondante, est éparse. La partie connue à ce jour est constituée pour l’essentiel des nombreux poèmes édités en recueil du vivant de leur auteur. Une proportion importante de l’œuvre en prose de Tchulpân reste encore à exhumer, à commencer par une seconde partie, Jour, probablement inachevée et restée manuscrite, de Nuit : confisquée en 1937, elle n’est pas réapparue depuis. Il ne faut pas exclure, en outre, qu’un certain nombre d’œuvres en prose de forme brève nous demeurent inconnues, car disséminées sous divers pseudonymes dans la presse musulmane du Turkestan et de Russie d’Europe entre 1914 et 1937. Or, ces œuvres occupent une place significative dans la biographie intellectuelle de leur auteur, dans la mesure où les reportages de voyage et les nombreuses nouvelles de Tchulpân ont pavé la voie de son grand roman mémorial, Nuit et Jour.


Ouvrage traduit en français :

Nuit




Nuit

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traduit de l’Ouzbek par Stéphane A.Dudoignon , chercheur au CNRS
Edition Bleu Autour ; 434 pages.

Par le truchement d’une fiction à rebondissements, bâtie sur une intrigue de harem, Tchulpân dresse un tableau cinématographique du Turkestan en proie à la colonisation russe à la veille de la soviétisation
.

1916. Sous fond d’animosité et de félonie dans le harem du mingbochi (administrateur d’un canton) se trame le destin d’une jeune fille, Zébie, acculée à devenir la quatrième femme de celui-ci. A Tachkent, le mouvement du Djadidisme fait écho.
Non loin de là, le Padishah blanc (tsar de Russie) lutte contre l’ennemi extérieur : l’Allemagne, et l’ennemi intérieur, « les révolutionnaires » : les bolcheviks.
L’Empire du Turkestan russe tremble.
Mais quelle différence pour le peuple du Turkestan entre Djadidisme et Bolcheviks ?
Tchulpân revient souvent dans son livre sur l’illettrisme, l’inculture de son peuple. Il le compare à « Un peuple de moutons » « des vaches à lait qui se font traire par les russes. »
La perte de l’empire a pour cause première l’ignorance.
C’est en effet dans le personnage central de Mir Yacoub , homme de profit , respectable notoire que Tchulpân soulève les questionnements de ce peuple entre foi , modernisme voulant une réforme islamique afin de s’ouvrir au monde occidental mais le soviétisme changera la perception du monde de l’Islam sur l’occident et amène la thématique anticoloniale , anti russe.
L’histoire de « Nuit » se passe en grande partie à Andijan, vallée de Ferghana, deuxième plus grande ville d’Ouzbekistan dans laquelle la tension endémique est toujours d’actualité, elle est un foyer de résistance, du tsar au colonialisme, du soviétisme à l’état Ouzbek actuel né de L’URSS. A ce jour, Ferghana la rebelle renferme toujours de par son isolement culturel des vagues d’islamisation radicales.
Une immersion dans la culture d’Asie Centrale, une partie de son histoire, sa domination, celle d’un peuple qui n’aura jamais goûté aux prémices d’une liberté.
Les scènes de vie et les traditions propres à l’Ouzbékistan sont relatées au travers de la traduction avisée de Stéphane A Dudoignon qui ne faillit pas, elle est d’une grande justesse.

Un livre que je conseille à toute personne intéressée par l’histoire de l’Asie Centrale, bien trop méconnue encore à ce jour.

Un hommage à Tchulpân et à toute la classe intellectuelle disparue au Goulag, à toute la classe intellectuelle présente d’Ouzbékistan, opprimée et toujours sous le joug de la dictature.


mots-clés : #regimeautoritaire
par Ouliposuccion
le Lun 6 Fév - 19:40
 
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Sujet: Tchulpân
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Tchinguiz AITMATOV

Les rêves de la louve

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Livre sociétaire sur la Russie des années 86, alors que celle-ci est en pleine restructuration durant  la  perestroïka  de Gorbatchev (dont l’auteur a été le conseiller). Aitmatov  soulève  les tabous d’une nation qui jusqu’alors démontre au monde entier l’absence  « du mal » et se félicite de l‘ordre établi. Pour autant, les dessous du soviétisme, tabous dissimulés au regard de tous  nous sont relatés dans ce roman empli d’esprit. C’est bien un peuple désorienté  et ébranlé par les problèmes de  drogue, de la délinquance, de la corruption et de la censure.Une analyse, une réflexion  sur  l’héritage culturel, la place de la religion et la perversité doctrinaire du Parti.
Abdias , voué à être un homme d’église mais  excommunié par celle-ci en vue de ses idées réformatrices , prône  la nécessité d’une pensée nouvelle , progressiste et moderne à l’instar d’un monde de plus en plus novateur , s’enrôle dans le  commerce de la drogue afin d’écrire un article et d’ouvrir les yeux du public  , de marquer le début d’une campagne morale destinée à sauver les âmes des jeunes égarés sur ce fléau grandissant et dissimulé.il dénonce ce que le Parti censure. Son article ne sera jamais publié portant trop atteinte  au prestige du pays.
Puissance et soumission, pouvoir et parité, c’est tout un chapitre que consacre Aitmatov à l’échange entre Jésus et Ponce-Pilate juste avant la crucifixion.  L’auteur dénonce en prenant Rome comme exemple, La propagande soviétique, les grandes puissances de ce monde, « la religion d’armement » se soustrayant  à la religion aujourd’hui trop obsolète et qui serait la cause de notre perdition, de l’assujettissement d’une société dominatrice et écrasante dont la pernicieuse doctrine est « tout est permis »
Et puis... il y a Boston , ce berger du Kirghizstan ,travailleur et volontaire , cherchant à devenir propriétaire de ces terres qu’il travaille mais qui appartiennent au peuple , à l’état , au Parti , que ses acolytes du sovkhoze abattraient bien en vue de sa réussite , proférant l’idée qu’un koulak (paysans riches et premières  victimes de la collectivisation en 1929/1934) devrait être envoyé en Sibérie si seulement ces temps fastes existaient encore..
Et puis encore… la louve Akbara, qui au gré des pages  démontre son non droit d’existence, celle dont plus aucun territoire ne peut lui permettre de vivre librement.
Le règne est celui d’un tout autre loup, arrogant, vaniteux, qui divise pour mieux régner, instaurant la loi du plus fort et détruisant le plus faible…l’Homme.
Pourtant, serait-ce une faiblesse d’avoir les rêves de la louve ?
Tchinguiz Aitmatov nous délivre, avec cette oeuvre, un message universel, une  philosophie très humaniste.


mots-clés : #regimeautoritaire
par Ouliposuccion
le Jeu 2 Fév - 7:51
 
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Sujet: Tchinguiz AITMATOV
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Marjane Satrapi

Persepolis

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La petite Marjane avait 10 ans lors de la révolution iranienne, 11 ans au début de la guerre Iran-Irak, 14 ans quand ses parents l'ont envoyée en Autriche poursuivre ses études, 18 ans quand elle est revenue chez elle, dévastée par la solitude et  l'exil, 21 ans quand elle s'est mariée, 24 ans quand elle a définitivement quitté l'Iran pour faire l'Ecole des Arts décoratifs à Strasbourg.

C'est donc un récit autobiographique en noir et blanc des plus intéressants, réaliste, tendre, plein d'humour. Je l'ai sans doute moins apprécié que je ne l'aurais fait si je n'avais pas lu très récemment En censurant un roman d'amour iranien, de Shahriar Mandanipour, car on retrouve, très proches, les mêmes  informations sur l'oppression des islamistes, et les capacités de résistance souterraine dans ce milieu instruit et occidentalisé. De même Le jeu des hirondelles, qui raconte l'histoire de l'enfance gâchée de Zeïna Abirached pendant la guerre au Liban, jette une certaine ombre sur ce récit par un esprit encore plus frondeur, plus poétique et un graphisme plus original et ludique.

Il n'en demeure pas moins qu'on voit grandir la petite Marjane, vieillir son entourage, qu'un trait discret, voire un point suffisent à exprimer la psychologie des personnages. Les illusions s'effacent peu à peu, mais il est plaisant de voir cette capacité  continuer à penser par soi-même et à résister en frôlant (et jouant avec) les limites,  et à se garder son petit coin de bonheur, à se serrer les coudes, s'aimer et rester soi.

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(commentaire récupéré)


mots-clés : #bd #autobiographie #regimeautoritaire
par topocl
le Jeu 26 Jan - 13:50
 
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Sujet: Marjane Satrapi
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Sergueï Lebedev

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L'année de la comète

Ce livre n'est pas totalement de la littérature, n'est pas seulement une narration, il est bien plus que cela, à la fois étude historique et sociologique, mais aussi recherche intellectuelle des plus motivantes, il raconte l'histoire d'un petit garçon russe, moscovite, âgé de dix ans dans les années 1980, élevé par deux grands-mères veuves (la guerre est passée par là) et par des parents scientifiques. Il est donc un pur produit soviétique. Il est à la fois privé d'individualité et en quête d'un destin, persuadé que derrière les choses se cachent une vérité tue, une Pravda secrète, l'enfant observe ce et ceux qui l'entourent avec les yeux acérés du guetteur. Assuré d'être l'Elu, puisque seul descendant rescapé des temps barbares, il est aussi privé du droit à la propriété et cherche à saisir ce qu'on lui cache et en particulier à découvrir ce qu'il y a derrière le silence qui entoure ses grands-pères.

C'est à l'aide d'une langue remarquable, d'un questionnement intellectuel rare que Lebedev nous permet de découvrir les pensées intimes, les rêves, les angoisses de son narrateur. Ce petit bonhomme qui sent des choses, devine des déchirures, cherche à comprendre les silences des adultes et qui par là-même se découvre unique, indivisible au sein du collectif et riche, riche d'une histoire personnelle qui tend à raconter celle plus globale de l'Union Soviétique et de son apocalypse. Car c'est sur les ruines de la Grande Guerre patriotique que se construit le destin du garçon, c'est sur les ruines de l'Empire soviétique que le roman s'achève.

L'année de la comète n'est pas une œuvre virtuose, il n'est pas toujours passionnant, parfois la narration semble s'enliser ou plus ou moins tourner en rond, les journées d'un petit garçon ne sont pas toutes palpitantes ou troublées, certains évènements (entourant par exemple la recherche d'un certain Mister) peuvent paraître insolites, superfétatoires, il n'empêche, le livre est par sa liberté même d'un charme fou et d'une présence habitée. En cherchant à traduire les signes qui l'entoure, l'enfant puis l'adolescent raconte sa construction-destruction, suivant ainsi pas à pas celle du pays immense et désordonné dans son ordonnance que fut l'URSS.

Enrichissant.


mots-clés : #initiatique #regimeautoritaire
par shanidar
le Mer 25 Jan - 14:29
 
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Sujet: Sergueï Lebedev
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MA Jian

Beijing Coma

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Le héros, Dai Wei, blessé par un coup de revolver à la tête infligé par un policier en civil lors de l’écrasement par l’armée de la révolte du « Printemps de Pékin », va vivre dix ans dans un coma qui lui permet seulement d’entendre son entourage. Pour tenter d’en sortir, il se raccroche à ses souvenirs et aux souffrances de ses parents.


ma Jian décrit  l’effroyable occupation  de la place Tianamnen en 1989 lors de la répression du mouvement étudiant, mais aussi  toutes les horreurs qu’a pu subir le peuple chinois  entre sévices corporelles et psychologiques.  Beijing Coma soit l’ignominie du communisme chinois et  de ses millions de morts. C’est avec effroi que l’on parcourt les pages, qu’on y lit les infâmes tortures , qu’on y voit des âmes martyrisées et l’on se demande alors  pourquoi personne dans un pays comme le nôtre, celui qui prône les droits de l’homme, n’a  jamais réellement évoqué l’ignoble totalitarisme, du moins jamais à cette échelle.
C’est le cœur au bord des lèvres, écœurée de l’inhumanité que l’on découvre la face cachée de ce régime.
Le meilleur réquisitoire traitant de ce sujet.
Un chef d’œuvre bouleversant à la mémoire de ces millions d’oubliés.


mots-clés : #revolutionculturelle #regimeautoritaire
par Ouliposuccion
le Lun 23 Jan - 20:05
 
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Sujet: MA Jian
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MA Jian

Nouilles chinoises


Tag régimeautoritaire sur Des Choses à lire - Page 6 Tylych19

Beijing, 1990. Tous les dimanches, l’écrivain professionnel et le donneur de sang dînent ensemble. L’écrivain est un idéaliste, qui surmonte sa déception en prenant un air d’indifférence quand il est confronté à la réalité et à ses propres échecs. Le donneur de sang est un homme de profit, qui croit que les gens devraient utiliser tous les moyens possibles pour prendre au monde ce dont ils ont besoin. Si leurs conversations ne mènent jamais nulle part, l’écrivain confie pourtant à son ami la nouvelle tâche que lui a attribuée le secrétaire du Parti du syndicat des écrivains local : l’écriture d’un court roman sur le thème « Mettons-nous à l’École du Camarade Lei Feng », en mémoire à un héroïque soldat de l’ALP qui a voué sa vie à servir la cause de la Révolution et du peuple. S’il fait une bonne histoire sur un nouveau Lei Feng, les organes du Parti lui enverront un formulaire de demande pour entrer dans le très convoité « Grand Dictionnaire des Écrivains Chinois ». L’écrivain aspire à l’immortalité, mais où va-t-il trouver un Lei Feng contemporain ? Chez l’entrepreneur qui dirige le crématorium ? L’écrivain public ? L’actrice qui a décidé de se suicider en public ? Une fille nue ? Seuls lui viennent les personnages d’un roman en gestation…

Après avoir lu différents auteurs ayant écrit sur la révolution culturelle chinoise, Ma Jian est pour moi le plus compétent pour nous amener dans une chine à deux facettes, celle du peuple et celle dépeinte par l'état.
« Nouilles chinoises » ou les nouvelles contées par un écrivain  qui se doit d'écrire sur le nouveau représentant travailleur de la nation.
Il  ne souhaite pourtant pas s‘intéresser  à un personnage qui somme toute, ne serait pas représentatif de la société, aussi attache-t-il bien plus d’importance aux cas  qu'il contemple de sa fenêtre ou  personnages croisés dont il narre les péripéties et qui seraient donc bien plus significatifs.
Lorsqu’un  écrivain idéaliste  qui ne gagne pratiquement pas sa vie mais souhaite évoquer les travers de  sa nation, et que son ami donneur de sang, impartial, faisant fortune avec son sang à la solde du Parti s’entretiennent autour de leur pays, ça donne une Chine grotesque, burlesque mais tellement réaliste...
On en retient toujours la plume magistrale, onirique et cynique de Ma Jian qui encore une fois, décrit avec brio  l’impensable.


mots-clés : #nouvelle #regimeautoritaire
par Ouliposuccion
le Lun 23 Jan - 20:01
 
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