Des Choses à lire
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Je te prie de trouver entre mes mots le meilleur de mon âme.

Georges Brassens, Lettre à Toussenot

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La date/heure actuelle est Jeu 2 Mai - 7:25

282 résultats trouvés pour autobiographie

Louis Calaferte

Septentrion

Tag autobiographie sur Des Choses à lire - Page 11 Sm_59510

Septentrion est un excellentissime récit, plein de vie avec un rythme que j'ai particulièrement aimé. En effet j'ai ressenti une écriture par saccade presque musicale tant le jeu des phrases courtes et des phrases longues est harmonieux. Les descriptions de situations ou de lieux sont riches mais pas exagérées et laissent la part belle aux pensées de l'auteur qui possède un cynisme assez jubilatoire.
Pour ce qui est du côté "hot" du roman je ne l'ai pas trouvé choquant mais comme je le disais quand on a lu Sade on est peu choqué par le reste. Ce qui est surprenant c'est que le rythme du récit varie selon la situation sexuelle décrite. Rapide et saccadé quand la situation s'enflamme ou lascif et lent quand la situation est plus érotique que sexuelle. C'est du moins l'impression que ca m'a laissé et c'est je pense pour cela que cela peut paraître choquant. un sentiment d'intimité s'empare de nous et l'on se pense concerné par la situation à cause du rythme imposé qui nous accompagne.
Le style est magnifique, clair mi-courant-mi familier par endroits, soutenu et presque poétique dans d'autres. Cela fait du bien une telle richesse de vocabulaire.

Un excellent livre qu'il serait dommage de louper.


mots-clés : #autobiographie #sexualité #social
par Hanta
le Jeu 17 Aoû - 15:04
 
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Sujet: Louis Calaferte
Réponses: 17
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Gérard Oberlé

Itinéraire spiritueux


Tag autobiographie sur Des Choses à lire - Page 11 Itinyr10

Itinéraire spiritueux, peu cousu autour du fil conducteur de son épicurisme du vin (mais aussi des martini dry, rhum, tequila, etc.), de l’enfance à l’écriture de ces souvenirs, en passant par ses rencontres et amitiés, célèbres ou guère ‒ ce qui permet de belles découvertes ‒ (Jim Harrison, Luis Buñuel, Jean-Claude Carrière, Jean-Pierre Coffe ; le poète Norge, James Crumley, Tom Robbins, Jean-Claude Pirotte, Sylvain Goudemare ; également des chiens ‒ qui picolent aussi pour certains…), anecdotes au gré de sa vie de libraire dans l’ancien et d’éditeur (avec une dilection particulière pour les méconnus), de gastrolâtre et d’ivrogne, de voyageur (Italie, Norvège, Turquie, Egypte, Syrie, Guyane, Nouvelle-Calédonie, Etats-Unis, etc.), où l’érudition littéraire (clins d’œil, citations) se tempère d’humour rabelaisien (mais curieusement l’auteur éponyme n’est pas directement évoqué) ou zutique, canaille, voire pataphysique (comme l’idée du « monument aux ivres morts ») et de nostalgie de l’époque d’avant l’actuelle « panboétie galopante ». Une constante cependant : la correspondance livre et vin, spiritueux et spirituel.
Sans grande prétention, mais délectable, pour une première lecture de cet auteur !

« Je ne fais que raconter le substrat capricieux de mes souvenirs. » (IV)

« Les grands ivrognes, ce qui boivent tout le temps et ne font pas grand-chose d’autre, ceux qui jamais ne dessoûlent complètement, sont peut-être les derniers hommes libres. » (V)

« Je ne connais rien de plus idiot, de plus éloigné de la curiosité que l’assuétude du touriste biftèque-beaujolais réclamant son pastis à Santiago de Cuba ou son whisky en Amazonie. A chaque climat sa pommade ! Le jour où je serai coincé dans une hamada où les natifs se rincent au jus de crotale, je trinquerai au jus de crotale » (XII)

« Avec le blues, mon âme se fait volontiers buveresse. » (XV)


mots-clés : #autobiographie #humour
par Tristram
le Sam 12 Aoû - 4:59
 
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Sujet: Gérard Oberlé
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Aslı Erdoğan

Tag autobiographie sur Des Choses à lire - Page 11 97823310

"Le silence même n'est plus à toi"

Asli Erdogan a connu les prisons de Turquie, elle a senti la chappe de plomb qui s'est abattue sur son pays qu'elle compare à l'Allemagne ou la Pologne de l'époque nazie.
Journaliste elle a couvert les évènements depuis 2010, les horreurs que le reste du monde se refuse à voir notamment l'ONU, par peur ? par connivence, par indifférence ? par bêtise ? . Journaliste, elle en a fait la relation dans un journal d'opposition, son livre "le silence même n'est plus à toi" reproduit certains de ses articles qui lui ont valu son incarcération dans la sinistre prison de Bakirköy à Istanbul, car exprimer son opinion est un crime en Turquie, comme au Vénézuela et à Cuba, des pays qui dessinent le visage de la dictature, un visage qui partout a les mêmes traits, un visage qui gène tout juste dans le reste du monde où il est plus "aisé" de fermer les yeux, de se boucher les oreilles par confort et commodité alors qu'il est encore temps de voir et d'écouter avant que la pensée unique s'installe et ferme les grilles, grilles de fer, qui enferment et détruisent à petit feu. Dépêchons nous de lire ce livre tant que nous avons un cerveau, un esprit critique d'autant que cette femme courageuse a une belle écriture, preuve qu'heureusement l'espoir n'a toujours pas été abattu.


mots-clés : #autobiographie  #regimeautoritaire
par Chamaco
le Lun 7 Aoû - 13:27
 
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Sujet: Aslı Erdoğan
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Jaroslav Hasek

Aventures dans l'Armée rouge

Tag autobiographie sur Des Choses à lire - Page 11 Gfdhfd10

Court récit autobiographique avec un mélange d'humour et d'ironie, Jaroslav Hasek nous raconte quelques expériences vécues au sein de l'Armée Rouge. Sans réelle date on devine que c'est quelques temps après 1918. On le retrouve dépêché pour devenir gouverneur de Bougoulma petite bourgade récemment conquise par les soviétiques. Il devra faire face à un général révolutionnaire, un générale de cavalerie, un tribunal révolutionnaire tous plus incohérents les uns que les autres.

Toujours cocasse, toujours piquant Hasek fait la part belle à démontrer les absurdités de situations qui nous paraissent déjà totalement illogiques.
C'est frais, cela se lit avec confort et agrément, et donne vraiment envie de relire les aventures de Chvéïk.  Toujours un plaisir de retrouver ce cher auteur tchèque.


mots-clés : #autobiographie
par Hanta
le Jeu 27 Juil - 10:47
 
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Josef Schovanec

Je suis à l'est!

Tag autobiographie sur Des Choses à lire - Page 11 Images18

En somme, être normal est bien triste. Je préfère la compagnie des fous.


Josef Scoovanec  nous présente l'autisme, son mode de vie, que d'aucuns nomment handicap, maladie voire folie.

Lorsque je suis seul dans ma chambre, je ne me sens pas autiste (...) Suis-je donc autiste tout le temps ? Quand je suis dehors ? Et si je ne sors plus de chez moi, serai-je encore autiste ?


Il commence par raconter son  cursus (l'apprentissage tardif de la parole, le harcèlement et l'exclusion à l'école, le lycée, Sciences po) faisant émerger les particularité qui ont émaillé sa relation à lui-même et à l'autre, ce handicap social, cette soi-disant psychorigidité. Il montre  l'incompréhension face à sa maladresse, sa bizarrerie,  avec ce cercle vicieux de  la constitution de l'identité par l'exclusion. Mais aussi la tolérance, l'intelligence relationnelle et l'ouverture bienveillante de certains, notamment de ses parents, que la dictature tchécoslovaque et l'exil avaient peut-être préparés à mieux gérer la différence . Et aussi les errances diagnostiques de médecins emprisonnés dans leur égo et leurs croyances,qui ont mené à de catastrophiques prises en charges thérapeutiques, inadaptées et délétères.

Il explique en quoi, en parallèle des acquisitions classiques, le parcours de l'autiste impose tout un apprentissage, fait d'observation, de réflexion, de gaffes et leurs retours plus ou moins destructeurs, pour tâcher d’obtenir un minimum d'adéquation, c'est à dire  d'intégration. Car si pour lui "la règle, c'est la règle" et cela poussé jusqu'au stade le plus ultime, celle-ci n'est pas forcément celle des autres, le point de vue et l’interprétation sont autres.

Il parle de son appétence culturelle qu'il appelle, avec son humour toujours un peu distant,  toxicomanie, qu'on peut voir aussi comme le moteur qui l'a amené à vaincre ses angoisses, ses réticences , ses perplexités dans le seul but de la satisfaire.

Au-delà de l'anecdote quotidienne, il poursuit une réflexion sur la norme, la normalité et la normalisation.

A l'école, quand on veut blâmer un enfant, on lui dit : « Ne fais pas l'intéressant ! » Alors que l'objectif de toute vie artistique, professionnelle, voire de toute vie humaine, et précisément d'être intéressant.


Il repositionne inlassablement l'autiste et le non-autiste, interroge la notion de différence culturelle, d'étrangeté.

Les manques sont toujours très relatifs. Diderot, dans la Lettre sur les aveugles, qui au demeurant lui a valu la prison, compare l'absence de la vision de l'aveugle à la situation du moucheron, qui n'a pas de bras mais a des ailes. Objectivement, la plupart des gens ne ressentent pas le manque d'ailes pour voler, alors même que cela pourrait leur être fort utile.


A distance "l'approche  misérabiliste (montrer la souffrance de l'autiste)" et de "l' approche bling bling (montrer les aptitudes au calcul mental d'un certain nombre de gamins avec autisme)", Josef Schovanec propose "l'approche pragmatique", l'acceptation de la différence, l'ouverture à l'autre, la recherche de solutions adaptatives. Une approche qui, au delà des mouvements associatifs qu'il n'épargne pas,  donne la parole aux autistes, et aussi aux non-autistes, abusivement considérés comme "non concernés", chacun apportant à l'autre sa singularité pour l'enrichir,  dans le but de construire les conditions optimales d'une cohabitation heureuse et fructueuse.

Si la société promet bonheur, longue vie, santé, bon salaire, et que je n'ai rien de cela, et si l'autisme est défini par le trouble social, comment pourrais-je ne pas être au moins un peu autiste ?


Pour conclure
En somme, je crois que l'être humain est très complexe. Que l'on ne peut jamais le décrire par un seul critère. C'est pour cela que je ne peux me définir par l'autisme ; l'autisme est une de mes particularités, comme, par exemple, le fait que je mesure environ 1,95 mètre. La seule grille de l'autisme, à supposer qu'elle existe et soit unique, ne peut pas rendre compte de ma personnalité, comme elle ne rend compte de la personnalité de personne. Je me méfie des théories qui voudraient réduire les êtres humains à un mécanisme d'horlogerie. Je vois que l'être humain est beaucoup plus composite, en mouvement. Ne l'enfermons pas, ne nous enfermons pas dans une case. Il nous en manquerait une.


Josef Scovanec nous achemine vers une meilleure compréhension de l'autre, qu'il soit "avec autisme" ou non, et ce n'est pas la moindre qualité de son livre.


mots-clés : #autobiographie #essai
par topocl
le Ven 14 Juil - 15:44
 
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Sujet: Josef Schovanec
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Robert Brasillach

Une génération dans l’orage

Tag autobiographie sur Des Choses à lire - Page 11 Brasil11

Cet ouvrage comporte deux livres : « Notre avant-guerre » écrit en 1939-1940 et publié l’année suivante, « Journal d’un homme occupé » constitué de récits divers et d’extraits d’articles parus dans « Je suis partout », mis en ordre et publié après la mort de Brasillach par son beau-frère Maurice Bardèche.

Notre avant-guerre est une évocation du Paris des années 20 et 30 vu par Brasillach. Le récit commence avec l’entrée à Louis-le-Grand, l’exposition des arts décoratifs de 25, la découverte de la littérature, du cinéma muet, des théâtres. Il se poursuit par les premières expériences journalistiques et se termine par les voyages dans l’Espagne en guerre et en Allemagne lors du congrès de Nuremberg de 37.

Brasillach excelle dans un univers proustien, décrivant avec émotion et mélancolie un temps qui ne reviendra pas. L’extrait suivant en donne toute l’ambiance :

« Le soir de « Comme ci ou comme ça » ou le soir d’ « Hamlet », moins encore, d’une pièce oubliée, triste et énervée, qui peut dire ce qu’il est devenu dans notre symbolique personnelle ? C’était un soir de l’avant-guerre, un de ces soirs comme il n’y en aura plus, et on aura de la peine à savoir ce que de pareilles minutes pouvaient représenter pour nous, qui avions dix-sept ans, ce printemps parfumé, ces féeries envoûtantes, ces voix blanches et alternées. C’était un soir de l’avant-guerre, où l’on croyait encore à tant de choses, et à la jeunesse éternelle, et au goût de miel des tilleuls sur Paris. »


Le style de Brasillach peut être qualifié de « vieille France », ce qui n’est pas pour moi péjoratif, bien au contraire. Des phrases amples, admirablement construites, sans scories. La plume nous accompagne avec fluidité, sans aucune lassitude, dans un récit de 300 pages. Brasillach est sans conteste un bon écrivain, plaisant à lire.

Que peut-on en déduire de la personnalité de l’auteur ?  A Paris, à Louis-le-Grand et à l’ENS, Brasillach baigne dans un univers culturel marqué bien à droite, celui de l’Action française qui a beaucoup d’audience dans la 1ère moitié du 20e siècle. Ses compagnons se nomment Maurice Bardèche, qui deviendra son gendre, Thierry Maulnier, Georges Blond, et quelques autres,  il y a tout de même quelques exceptions comme Roger Vailland mais qui n’apparait que fugitivement. Brasillach va être amené à fréquenter Bainville, Gaxotte et celui qu’il considère comme le plus grand penseur politique de l’époque, Charles Maurras. Il est intéressant de voir les principes qui unissent tous ces personnages : anti bourgeoisie, culte de la jeunesse, de la nature, de la virilité, mépris sinon haine pour la démocratie. Tout cela s’enchaîne avec des gouvernements jugés corrompus et de compromis, qui amènent aux journées anti parlementaires de 1934, premier point de fracture. C’est à cette date par exemple que Rebatet renie l’Action française qu’il juge trop molle pour promouvoir un «fascisme à la française ». L’attitude de Brasillach semble plus nuancée, il gardera jusque 1940 (et peut-être au-delà) une grande admiration pour Maurras. La seconde rupture a lieu en 1936 avec le Front populaire, vécu comme une victoire du marxisme entraînant la pagaille, puis ce sera Munich et la guerre. Curieusement, Brasillach semble un peu en retrait de ces événements qu’il juge avec un certain détachement et une bonne dose d’ironie.

Le Journal d’un homme occupé
vaut surtout pour la description de la drôle de guerre et des manœuvres absurdes des régiments en mai et juin 1940. Brasillach narre également ses conditions de vie comme prisonnier dans un stalag.En revanche, les extraits de « Je suis partout » ont été choisis pour leur qualité littéraire et leur côté politique acceptable. Vous n’y trouverez pas la phrase terrible : « Il faut se séparer des Juifs en bloc et ne pas garder les petits. »

Comment un individu cultivé, fin, sensible, doté d’une solide culture humanisme, d’humour et d’auto dérision, a-t-il pu en arriver à proférer de pareilles horreurs ? Il y a là une folle course vers l’abîme qui part d’une volonté de régime fort, à la fois social et national, qui passe par les hommages au Maréchal, sauveur de la France, à la collaboration et la situation se raidissant, se range définitivement au côté d’une Allemagne garante d’une grande Europe, ultime rempart contre la menace bolchevique.

Un point m’a frappé tout de même dans ces récits : la notion d’un « génie français » qui parcourt toute l’histoire de France à travers un certain nombre de réalisations et de figures tutélaires qu’elles soient politiques, littéraires ou artistiques. Il y a là une construction intellectuelle et morale qui se sent menacée par certaines catégories de la population : les Juifs, les Bolcheviques, pire les Juifs bolcheviques ! Tout cela protégé par un régime parlementaire corrompu, expert en alliances de partis et en compromis.

Alors pourquoi lire Brasillach aujourd’hui ? D’abord pour le plaisir du style, ce qui n’est pas rien ; ensuite pour une évocation sensible de certains milieux culturels de l’entre deux-guerres, de cette génération quelque peu sacrifiée ; enfin pour tenter de comprendre, encore et toujours ; même si c’est impossible ; en tout cas, « Une génération dans l’orage » offre quelques clefs.

Pour conclusion, on a souvent cité le général de Gaulle qui a refusé la grâce à Brasillach et qui a écrit : « Dans les Lettres, comme en tout, le talent est un titre de responsabilité ». Je suis assez en accord avec cette opinion.


mots-clés : #autobiographie #deuxiemeguerre #journal
par ArenSor
le Lun 10 Juil - 19:21
 
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Sujet: Robert Brasillach
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Wladyslaw Szpilman

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Le pianiste

Résumé :
Septembre 1939: Varsovie est écrasée sous les bombes allemandes. Avant d'être réduite au silence, la radio nationale réalise sa dernière émission.
Les accords du "Nocturne en ut dièse mineur" de Chopin s'élèvent. L'interprète s'appelle Wladyslaw Szpilman. Il est juif. Pour lui, c'est une longue nuit qui commence ...
Quand, gelé et affamé, errant de cachette en cachette, il est à un pouce de la mort, apparaît le plus improbable des sauveteurs : un officier allemand, un Juste nommé Wilm Hosenfeld. Hanté par l'atrocité des crimes de son peuple, il protégera et sauvera le pianiste.

Après avoir été directeur de la radio nationale polonaise, Wladyslaw Szpilman a eu une carrière internationale de compositeur et de pianiste. Il est mort à Varsovie en juillet 2000. Il aura fallu plus de cinquante ans pour que l'on redécouvre enfin ce texte étrangement distancié, à la fois sobre et émouvant.


L’auteur fait dans ce livre un témoignage poignant de sa vie sous l’occupation de Varsovie entre 1939 et 1945, témoignage qu’il écrit dans les suites immédiates de la fin de guerre, encore sous le choc de ces années, ce qui donne un ton assez distancié du récit qu’il nous livre, encore sous le choc de ce qu’il vient de traverser pendant 6 années.

Pianiste à Varsovie lorsque grondent les prémisses de la seconde guerre, Wladislaw Spilzman, d’abord dans le ghetto puis dans des planques, nous emmène dans un voyage terrible au fil de la progressive montée de l’idéologie nazie et des violences perpétrées envers les juifs dans le ghetto de Varsovie, mais aussi dans la prise de conscience progressive de ce qui se passe. D’abord niée et non vraiment entendable, la réalité de l’horreur, de l’innommable, de la tuerie sans raisons, de la violence pour la violence, etc, se font jour. Au début chacun n’imagine pas vers quoi cette occupation va tendre, et à quelle aberration l’humanité va être confrontée. Dans la famille de l’auteur il existe une forme d’espoir de fin de guerre  rapide et l’idée qu’il ne peut y avoir autant de mal sans raison ;  il y a aussi une tentative de conserver une forme de « normalité » rassurante par le maintien des habitudes, des rites familiaux, des retrouvailles autour du repas.

Puis, peu à peu, le climat se dégrade, les espoirs s’amoindrissent, les violences augmentent, les déportations surviennent, et les gens du ghetto prennent plus conscience de ce qu’il se passe et de ce qui arrive à ceux que l’on emmène, des rumeurs courent à ce sujet, on le sait mais on le tait… souvent. Cela en choisissant d’espérer jusqu’au bout plutôt que de choisir d’en finir. Dans ce « monde » qui ne tourne plus avec ses habituelles coordonnées, où l’humain est peu à peu nié et où ceux qui en sont la cible en prennent peu à peu conscience, les horreurs impensables deviennent la réalité quotidienne. L’idée que les allemands seront vite écrasés s’efface, et il y a une prise de conscience de l’inélucatibilité de ce qu’il se passe. L’auteur nous assène cette violence du quotidien, sonore et visuelle, faite de bruits de bombe, de cris, de coups de feu, d’exécutions sommaires sans distinctions aucunes, de corps qui pourrissent dans les rues…

Puis, avec lui, nous allons sortir du ghetto, de la foule, du bruit, des odeurs, des visions macabres, et il nous fait vivre les années où il est caché hors du ghetto, des années de solitude, affrontant le froid, la faim , se nourrissant de ce que certains parfois lui amène sinon de ce qu’il trouve parfois ( eau croupi, pain moisi, etc…), et cette peur au ventre d’être découvert qui ne le quitte pas. A un excès d’images, de sons, d’odeurs… succèdent presque un huis clos silencieux, rythmé par l’attente patiente dans l’expectative d’une possible descente allemande, à l’écoute attentive des bruits du dehors, s’efforçant de ne pas en faire, et des manques de son corps.

Ce livre est un nouveau regard sur la seconde guerre mondiale, car si je me suis penchée auparavant sur les camps de concentration, je n’avais jamais lu de témoignage évoquant la question des ghettos. Il est difficile de donner un avis des livres qui parlent de cette période, car finalement ce sont des témoignages de l’innommable, de l’impensable, et à part faire la traversée aux côtés de l’auteur je n’imagine même pas pouvoir dire j’aime ou j’aime pas. Donc j’ai fait cette traversée émotionnelle, parfois dure, violente, elle n’a pas été simple, mais tellement nécessaire, comme chaque fois que je me replonge un peu dans cette période là.

Et les écrits à la fin d’un point de vue d’un soldat allemand, j’ai trouvé aussi cela riche que de pouvoir entendre une autre voix s’élever pour dire leur horreur à eux qui l’ont vécu de l’autre côté.




mots-clés : #autobiographie #communautejuive #deuxiemeguerre
par chrysta
le Ven 7 Juil - 13:58
 
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Sujet: Wladyslaw Szpilman
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Hisham Matar

La terre qui les sépare
(The return. Fathers, sons and the land in between)


Tag autobiographie sur Des Choses à lire - Page 11 Image110


Hisham  Matar est un petit frère de Télémaque
je souhaiterais être le fils de quelque homme heureux
qui dût vieillir sur ses domaines -
au lieu de cela, ça mort demeure à jamais inconnue…


Il est né en Libye, où son père, un intellectuel doux et charismatique était un des principaux opposants à Kadhafi. En 1979, Hisham avait 9 ans, sa famille a  dû émigrer au Caire. Et quand il fait ses études à Londres,  son père est enlevé par les services secrets égyptiens et rendu à la Lybie, jeté dans une geôle infernale. Aucune information ne transparait plus.

L'une des choses sur lesquelles l'humanité semble s'accorder est ce à quoi une prison doit ressembler et comment elle doit fonctionner.


Comme si lui et moi nous tenions chacun sur la rive opposée d'une même rivière et que l'eau grossissait entre nous, jusqu'à devenir un océan.


C'est en 2011 après la révolution libyenne (mais, il ne la sait pas avant une terrible guerre civile qui fera presque regretter Kadhafi), qu'il peut enfin revenir au pays natal, terre dont il n'a jamais oublié la lumière.

Ma condamnation silencieuse de ces frères d'exil qui ne désiraient rien tant que de s'assimiler - autrement dit, ma passion de fou furieux pour le déracinement - constituait mon serment misérable de fidélité au pays que j'avais quitté, ou, j'y pense, peut-être pas tant à la Libye qu'au petit garçon que j'étais au moment du départ.


Dans la voiture, alors que nous nous éloignions d'Ajdabiya pour gagner Benghazi et la côte, je me rendis compte que, durant toutes ces années, j'avais gardé en moi cet enfant que j'étais autrefois, son langage particulier et les détails de sa personnalité, l'impatience de css jeunes dents assoiffées de mordre dans la chair fraîche d'une pastèque, sa première pensée au réveil étant : Comment est la mer aujourd'hui ? Est-elle lisse ou agitée, avec des crêtes d'écume blanche au sommet des vagues ?


Hisham Matar évoque ce père tant aimé, disparu depuis vingt et un ans, dont il ne sait rien à part quelques lettres éparses dans les premières années.

Tag autobiographie sur Des Choses à lire - Page 11 Jabala12

Les pères savent forcément, ayant eux-mêmes été des fils, que la présence fantomatique de leurs mains restera des années durant et jusqu'à la fin des temps, et que, quels que soient les fardeaux que l'on accumulera sur cette épaule et le nombre de baisers que l'amour viendra y déposer, sans doute attiré par le désir secret d'effacer le sceau d'un autre, cette épaule restera  pour toujours loyale, en souvenir de la main de cet homme qui a eu la bonté d'ouvrir les portes du monde.


Est-il anéanti ou vivace,  vivant ou mort? Mort sans doute, mais alors où est son corps, et quel fut son parcours? Il raconte les années passées en exil à se battre pour obtenir des nouvelles ou une libération de son père et des nombreux membres de sa familles incarcérés en même temps que lui. C'est l'occasion d'une belle réflexion sur l'exil, la douleur de l'absence, l'amour filial, la ténacité, mais aussi sur la répression et  l'histoire de la Lybie, faite avec les tripes de ceux qui y ont combattu pour la liberté.

Dans ce très beau livre, à l’écriture mélancolique, magnifiquement traduit par Agnès Desarthe, on est porté par le désespoir à la fois doux et virulent de Hisham Matar, sa colère, son énergie et sa fidélité. On l'accompagne dévasté dans ce retour douloureux, où traine toujours, derrière les retrouvailles émouvantes, ce remords du père parti, de la vie volée, de la vérité inaccessible.

Cela, je crois, fait parti de l'intention, du processus. On fait disparaître un homme pour le réduire au silence, mais aussi pour racornir l'esprit de ceux qui restent, pour pervertir leur âme et limiter leur imagination. Lorsque Kadhafi enleva mon père, il m'enferma dans un espace pas beaucoup plus grand que la cellule dans laquelle il l'avait jeté. J'allais et je venais dans cet espace, mû par la colère d'un côté, puis par la haine de l'autre, jusqu'à ce que je sente mes entrailles se rassembler et se durcir. Et parce que j'étais jeune, et que la colère et la haine sont des émotions de jeune homme, je me fis croire à moi-même que la transformation était pour le mieux, que c'était une forme de progrès, un signe de vigueur et de force.



Tom Leo, j'ai beaucoup pensé à L'oubli où nous serons de Héctor Abad pendant cette magnifique lecture.

Tag autobiographie sur Des Choses à lire - Page 11 Jabala10Jabala Matar

Tag autobiographie sur Des Choses à lire - Page 11 Oncle_10 2011 Hisham Matar retrouve l'oncle Mahmoud


mots-clés : #autobiographie
par topocl
le Jeu 22 Juin - 13:41
 
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Sujet: Hisham Matar
Réponses: 15
Vues: 1172

Amadou Hampâte Bâ

Oui mon commandant !

Tag autobiographie sur Des Choses à lire - Page 11 Oui_mo10

Cette lecture du second tome des mémoires d’Amadou Hampâté Bâ fait suite à celle du premier, il y a quelque temps ; après l’enfance d’Amkoullel l’enfant peul, c’est le devenir du jeune plumitif d’administration, commis expéditionnaire indigène, « écrivain temporaire essentiellement précaire et révocable » envoyé loin de chez lui, à la ville d’Ouaga, chez les Mossis. Outre l’intérêt particulier pour celui qui vécut dans les contrées évoquées, j’en ai trouvé un autre, plus général, à l’exposition par un témoin digne de confiance de l’Afrique occidentale dans la première moitié du XXe siècle. Ce sont notamment l’histoire coloniale et une religion musulmane (mêlée de « superstition » traditionnelle) vus de l’intérieur, remettant à l’heure bien des conceptions contemporaines relayant tout et son contraire avec un brio inégalé, si ce n’est le plus souvent par leur partialité.

« Tout à coup, une parole du Prophète Mohammad me revint en mémoire. Un jour, il avait dit à ses compagnons : "Aucun musulman ne doit avoir quitté cette terre sans avoir, au moins une fois dans sa vie, violé la shariya (loi islamique) au nom de la charité [pitié, en variante plus loin]." »

En ce qui concerne la colonisation, c’est surtout son aboutissement, l’exploitation, après la découverte, l’exploration, les phases militaire puis administrative, qui devint insupportable.

« Un jour le commandant de Menou traita les Samos de "grands voleurs incorrigibles" devant monsieur Leenhardt. Ce dernier – en tant que trésorier, il était en même temps régisseur de la prison – réagit immédiatement : "Si nous nous basons sur l’ensemble des jugements qui ont condamné des Samos pour vol et que j’ai consulté dans les archives, répliqua-t-il, force est de constater que ces pauvres bougres ont commis des larcins plutôt que des vols, à proprement parler ; ce sont plutôt des nécessiteux que des voleurs." »

Ledit Leenhardt envoie un prisonnier condamné cinq fois pour vol déambuler sans surveillance avec une caisse bourrée de la recette du trésor en petites coupures, à fin de démonstration – positive...

« Sur le terrain, la colonisation, c’était surtout des hommes, et parmi eux il y avait le meilleur et le pire. Au cours de ma carrière, j’ai rencontré des administrateurs inhumains, mais j’en ai connu aussi qui distribuaient aux déshérités de leur circonscription tout ce qu’ils gagnaient et qui risquaient même leur carrière pour les défendre. »

Cela rejoint mon attitude personnelle, surtout au temps innocent où je pouvais jauger quelqu’un sans prendre conscience de sa position sociale, de son orientation sexuelle, de sa couleur ou de ses éventuels handicaps : lorsque intuitivement je ne voyais que les personnes, sans catégoriser. C’était valable en Afrique, quand j’étais encore assez innocent pour « parler à un chien avec un chapeau »… Je fais cet aparté parce que je trouve très dommageable la tendance de plus en plus affirmée à étiqueter les gens. L’idéal, c’est de rencontrer quelqu’un sans s’apercevoir qu’il est sans-dents ou ingénieur, bleu ou martien, mais juste « untel ». C’est une vertu innée chez nous je crois ; je me rappelle mon fils, écolier dans une école multicolore, à qui je demandais perfidement sa couleur lorsqu’il m’annonçait avoir un nouveau copain : « je regarderai demain, et je te dirai ! »

Amadou Hampâté Bâ, qui œuvra sans relâche à préserver les inestimables valeurs humaines de cette partie du monde, en risque de disparition car transmises oralement, nous confie ici le quotidien et l’actualité de l’époque (notamment auprès du pouvoir et des notables), avec la place prépondérante de la parentèle, du partage, de l’humour, comme de la bienvenue de l’étranger chez des ethnies fréquemment mal sédentarisées :

« Le voyageur de passage qui descend chez un logeur est "son étranger". Ce titre crée un lien entre le voyageur et son hôte, et, pour ce dernier, un devoir de d’entretien et d’assistance presque sans limite en Afrique ancienne. En employant ici ce terme, surtout accompagné des cadeaux d’usage, j’honorais le vieux pêcheur et créais d’emblée entre nous une relation fondée sur la confiance. »
On est circa 1922 ; autres temps, autres mœurs…

Voici un mot du père spirituel de l’auteur, Tierno Bokar, marabout de sa petite ville natale, qui y fonda une école coranique, et par ailleurs promoteur de la tolérance et précurseur de l’œcuménisme :

« Le grand livre de la nature, nous disait-il, est le seul dont les pages ne se déchirent jamais. Il est toujours là, à votre disposition, attendant d’être déchiffré. »

En ce qui me concerne, je conserve cette phrase à méditer, simple sagesse qu’il ne faudrait jamais perdre de vue :

« La généralisation, quelle qu’elle soit, n’est jamais le reflet de la réalité. »


mots-clés : #autobiographie #colonisation #traditions
par Tristram
le Lun 15 Mai - 23:18
 
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Sujet: Amadou Hampâte Bâ
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Gérard Garouste

Tag autobiographie sur Des Choses à lire - Page 11 51dwjt10

L'intranquille

"Je suis le fils d'un salopard qui m'aimait. Mon père était un marchand de meubles qui récupéra les biens des Juifs déportés. Mot par mot, il m'a fallu démonter cette grande duperie que fut mon éducation. À vingt-huit ans, j'ai connu une première crise de délire, puis d'autres. Je fais des séjours réguliers en hôpital psychiatrique. Pas sûr que tout cela ait un rapport, mais l'enfance et la folie sont à mes trousses. Longtemps je n'ai été qu'une somme de questions. Aujourd'hui, j'ai soixante-trois ans, je ne suis pas un sage, je ne suis pas guéri, je suis peintre. Et je crois pouvoir transmettre ce que j'ai compris. "


L’histoire commence à la disparition du père de Gérard, une mort qui ne l’émeut pas et dont il dit :  « Sa mort ne change pas grand-chose. Elle ne résorbe rien. Je vis depuis toujours dans la faille qui existe entre lui et moi. C'est là que j'ai compris mon rapport aux autres et au monde. »

Fils d’un père brutal dont la réussite professionnelle et sociale est liée à la seconde guerre et qui a professé toute sa vie sa haine contre les juifs, Gérard nous entraîne au fil des pages dans son histoire, et dans comment, face à l‘héritage d’un père qui, n’ayant pu être héros a fait salaud, il va s’en dégager peu à peu.

Ce livre, c’est l’histoire d’une vie au travers d’une relation entre un père et son fils, et de comment elle construit, guide, ce dernier. C’est l’histoire aussi d’une souffrance face à la maladie qui prend Garouste à l’aube d’être père lui-même et qui l’accompagnera toujours par la suite, fera partie de son quotidien et de celui de ses proches.

C'est aussi l'histoire d'un peintre, et de son essor progressif dans un monde qui n'était pas celui d'aujourd'hui

Un témoignage écrit simplement, touchant, un récit court à traverser sur les vagues des mots et des maux de l’auteur et dont on ne sort pas indemne.


mots-clés : #autobiographie #creationartistique #pathologie
par chrysta
le Mar 9 Mai - 7:49
 
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Sujet: Gérard Garouste
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Colombe Schneck

Bédoulène a écrit:après 3 lectures tu peux être sure de ta décision ! Smile


Qui sait? A mon avis "Les soeurs de miséricorde" dépasse le lot. J'ai commencé par là, et c'est après que j'ai lu deux autres, pour connaître un peu plus de l'auteure. Ici, à défaut de ne pas avoir traduit encore le commentaire sur "Les soeurs de miséricorde", mes remarques sur:

Tag autobiographie sur Des Choses à lire - Page 11 00011

Dix-sept ans

Originale : Français, 2015

CONTENU :
Grasset a écrit:"On m'a élevée ainsi : les garçons et les filles sont à égalité. C'est faux. Je suis une fille, pas un garçon. J'ai 17 ans, mon corps me trahit, je vais avorter. J'y pense toujours, je n'en parlerai jamais à personne. Parfois, je ne suis pas loin de dire le mot, de le partager avec une amie proche. Et puis non, je renonce. Pourquoi ce silence ?"
Un récit pudique et poignant dans lequel l'auteur revient sur cet événement, jamais banal, jamais confortable, qui a marqué son adolescence et fait d'elle la personne qu'elle est.



REMARQUES :
Donc il s'agit ici pas d'un roman, mais plutôt d'un récit autobiographique, basé sur un quelque chose vécues en 1984 ; c'est à dire que l'auteure regarde en arrière avec une distance de trente ans. Elle raconte comment elle a goûté une éducation libérée et sans entrâves, grandissant en ce début des années 80, juste après la prise de pouvoir par les socialistes. Tout semblait possible, facile, faisable. Même les luttes féministes semblent pour elle déjà du passé: la Loi Veil vient d'avoir 10 ans. Dans ce contexte libertaire elle parle pas de son premier amoureux ou petit ami, mais de son premier amant : depuis le début semble claire qu'il s'agissait juste de découvrir son corps (et à la limite celui de l'autre) ensemble. Bien au contact avec son gynécologue, elle prend la pillule, mais dans son insouciance (dont elle parle librement), elle oublie souvent de la prendre comme il faut. Et arrive ce qui doit arriver : elle tombe enceinte, à 17 ans, juste avant de passer le bac.

Qu'est-ce qui m'arrive, demande-t-elle ? Et pas question d'une autre solution qu'une IVG. S'il y a des regrets c'est celui de la honte de sa propre « stupidité », mais pas des sentiments de culpabilités ou de responsabilité. Elle insiste sur ce fait qu'il n'y avait de nulle part une reproche moraliste. Seule remarque de son père (un peu incompréhensible pour elle) qu'à partir de ce moment « ce sera plus difficile », et pas juste un acte oubliable, mais grave, laissant des blessures. Oui, elle vit partiellement des interrogations, mais « peut-êre suffirait-il de peindre la fissure en blanc pour qu'elle disparaisse » ? Non, pas de question de morale, mais d'où alors une malaise ? Presque grandissant avec les années ? Reste une absence sans nom de quelqu'un (elle pense que ce aurait été un garçon) qui l'accompagne invisiblement...

Certains commentaires sont à lire quasimment entre les lignes, les conséquences d'un choix fait dans l'âge d'insouciance. Mais pas de doigt accusateur, pas de moralisme. Un certain constat, plus fort que des reproches, atteignant des niveaux plus profondes?

Peut-être ses questionnements n'atteignent pas toutes les dimensions de la question (à mon avis), mais ce livre m'a néanmoins touché. Cela va loin, et c'est une réponse à un livre d'Annie Ernaux («L'événement ») qui invite de raconter ce que des femmes ont vécu.


mots-clés : #autobiographie #conditionfeminine
par tom léo
le Mer 26 Avr - 22:50
 
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Sujet: Colombe Schneck
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Pascal Bruckner

Un bon fils

Tag autobiographie sur Des Choses à lire - Page 11 Images63


Les pères brutaux ont un avantage : ils ne vous engourdissent pas avec leur douceur, leur mièvrerie, ne cherchent pas à jouer les grands frères ou les copains. Ils vous réveillent comme une décharge électrique, font de vous un éternel combattant ou un éternel opprimé. Le mien m'a communiqué sa rage. De cela je lui suis reconnaissant.


Pascal Bruckner a eu une enfance tout ce qu'il y a de plus petite-bourgeoise, avec ce que  cela implique de banalités, de prières du soir, de petites cruautés envers les animaux, d'attouchements avec les cousines… À ceci près que son père, antisémite virulent fasciné par Hitler, était violent et pervers avec ce que cela implique de cris, d'humiliation et de coups…
Ce qui l'a sauvé,  sans doute, c'est  la pension, puis le lycée Henri IV à Paris, son amitié/fusion avec Alain Finkielkraut, ses maîtres penseurs, pères de substitution à leur manière : Sartre, Barthes, Jankélevitch, sa révolte et son engagement dans la vie et la pensée.
Ces 2 premières parties sont barbantes, avec une impression de déjà lu, une absence de recul par rapport aux situations qui met le lecteur mal à l'aise dans une espèce de voyeurisme involontaire. Quand une pensée s'exprime au-delà de la simple relation des faits, elle tombe assez vite dans l'aphorisme affligeant.

La maladie n'enseigne rien sinon qu'on peut la vaincre ; en ce sens, elle aussi m'a sauvé.

Être libre, c'est vouloir et pouvoir ce que l'on veut.

Tout enfant rêve de recréer ses parents, de les remettre sur le droit chemin.

Pour l'enfant, le père est un géant qui rapetisse à mesure que lui grandit.

L'enfant n'est pas gentil, il est juste faible et n'a pas encore eu l'occasion de manifester sa méchanceté.

Je compris alors le but de toute existence : marier la vérité et la beauté.

Etc, etc...

Plus intéressante est la 3e partie, où Bruckner, qui a fini par se débrouiller à apprendre à vivre et à penser, l'optimisme chevillé au cœur, s'occupe des 13 dernières années de son père, devenu veuf, un peu décati mais toujours bon pied bon œil. Ce n'est pas le récit d'une résilience, c'est le récit d'une acceptation, de la compréhension que les êtres sont multiples. S'il n'aime pas son père, s'il reste perpétuellement prudent en sa présence, il peut concevoir de s'en soucier, chacun peut trouver un enrichissement à cette fréquentation et rien n'empêchera que cet homme l'a fait, il l'a fait ce qu'il est, il est en lui.

J' attendais plus...

(commentaire récupéré)


mots-clés : #autobiographie #violence
par topocl
le Sam 1 Avr - 10:50
 
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Sujet: Pascal Bruckner
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Aharon Appelfeld

Tag autobiographie sur Des Choses à lire - Page 11 Histoi10

Histoire d'une vie

C’est celle de l’auteur ; les années de la petite enfance où rode des parfums de confiture ; les vacances chez les grands-parents chez qui se parlait le yiddish et le foyer de la famille où l’on ne parlait pas de religion.

Après ce fut le ghetto (à l'âge de 7/8 ans), la mère assassinée, le père travaillant de longues heures et lui presque orphelin à se débrouiller avant le chemin du camp.

L’auteur fait une description de l’ambiance du ghetto et de l’attitude des gens , car il est souvent dans l’observation.

« L’hospice et l’hôpital avait été fermés, et les malades livrés à eux-mêmes, erraient dans les rues en souriant.
« Les policiers les attrapaient brutalement et les entassaient dans des camions. Personne n’implorait leur grâce. Il était entendu pour tout le monde que, si nous étions condamnés à la déportation, ils devaient être les premiers. Même leurs familles n’essayèrent pas de les sauver. »


L’auteur rappelle à plusieurs reprises dans son récit que la guerre est un révélateur, les bons en sont sortis élevés et les mauvais abaissés. Certains se sont conduits en héros et dans ce ghetto, c’était l’enseignant communiste qui s’occupait des enfants aveugles pour lesquels le chemin entre l’institut et la gare avec des stations tout au long m’a fait penser au chemin de croix, mais à chaque station leur chant s’élevait pur vers le ciel.

Après s’ être enfuit du camp (mais  comment ?) l’enfant a erré dans les terres d’Ukraine, les forêts surtout comme un petit animal apeuré, affamé mais prudent, se cachant ou parfois s’offrant à travailler auprès d’une personne vivant seule.

La mémoire est le fil d’Ariane du récit,  l’auteur dit que son corps en garde la vivance alors que l'esprit est dans l'oubli (protection ?)

« La mémoire, s’avère-t-il, a des racines profondément ancrées dans le corps. Il suffit parfois de l’odeur de la paille pourrie ou du cri d’un oiseau pour me transporter loin et à l’intérieur. »

Il y a un élément intéressant dans ce récit c’est l’évocation des camps de réfugiés où transitent les rescapés. Des camps « cour des miracles » où se côtoient adultes et enfants, trafiquants, voleurs…..
Et la révélation d’un camp « particulier » Kaltchund et précisément « l’enclos Keffer ».

L’auteur parle aussi des mains tendues, au camp, à l’armée plus tard, une période où il était démuni.

« Nous n’avons pas vu Dieu dans les camps mais nous avons vu des Justes. »

A son arrivée en Israël l’auteur se sent perdu, pas de maison, pas de famille, ne connaissant que très peu l’hébreu, il travaillera dans les jardins, là il n’est pas obligé de parler, la parole lui est difficile.
L’auteur explique la confrontation entre le yiddish (langue de ses grands-parents) et la langue hébraïque. Lui a perdu sa langue maternelle l’Allemand  qui se trouve être bien sûr celle des assassins. Mais il lui faut apprendre l’hébreu : « mais à quel prix : celui de l’anéantissement de la mémoire et de l’aplatissement de l’âme. »

Deux chapitres sont consacrés à l’interaction entre écriture et religion, l’univers d’écrivains célèbres (Agnon, Ouri Grinberg) et sa position personnelle dans la littérature Juive. Je me souviens que l’auteur, dans un reportage, affirmait la « musique » des mots.

C’est au club de l’association « la vie nouvelle » fondée par les rescapés qu’il retrouvera « une maison ».

« Parfois il me semble que mon écriture ne m’est pas venue de la maison, ni de la guerre, mais des années de cafés et de cigarettes au club. La joie de sa fondation et la tristesse de son déclin vivent et bouillonnent en moi. »

Malgré le sujet je trouve l’écriture de l’auteur sereine ;  l’enfant aimait observer (hérité de sa mère), l’adulte aussi.
Encore une fois la passivité des juifs déportés est critiquée, dans ce livre par les juifs vivant dans d'autres pays, au USA notamment.(mais c'est bien eux les donateurs, ceux qui aident à construire)

C’est le 2ème livre que je lis de l’auteur (après Badenheim 1939) ce ne sera pas le dernier.


mots-clés : #autobiographie #campsconcentration
par Bédoulène
le Sam 25 Mar - 16:00
 
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Sujet: Aharon Appelfeld
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Maja Haderlap

L'Ange de l'oubli

Tag autobiographie sur Des Choses à lire - Page 11 Ange-d10

   Les noms des camps sont accrochés à ceux qui ont été assassinés et aux survivants comme de petites étiquettes et ils s'estompent avec ceux qui sont décédés entre-temps. Ils disparaissent avec les fermes et domaines, l'herbe et les buissons les envahissent, les recouvrent, à peine s'il en reste une trace, un tas de débris, à peine un appentis vermoulu, un sentier broussailleux.



Maja Haderlap a grandi en Carinthie, la province  autrichienne la plus au sud, au sein de la minorité slovène. Pendant la guerre, les persécutions, les enrôlements dans la Wehrmacht font que toute cette population est plus ou moins directement liée avec les partisans. Ses grands-parents, ses parents alors adolescents, subissent et partagent la violence, la torture ou les camps.

Sur ces familles, au sein de paysages à la sauvagerie protectrice, pèse "le secret de la menace". La mort et le désespoir n'ont pas fini de réclamer leur dû : Maja Haderlap décrit son enfance, façonnée par le personnage tutélaire de sa grand-mère,  bercée par les récits des différentes générations "assailli[e]s et empoisonné[e]s par leurs propres souvenirs", tragiquement malmenée par un père à jamais dévasté.

Puis son départ vers les études, au moment où justement son corps se fait entendre, l'amène à la découverte d'une autre culture, allemande, celle-là, et ainsi de la notion d'appartenance.

   
Durant des mois, je me sens comme un animal figé pendant la mue, auquel la peau qu'il faut ôter est restée coincée au-dessus de la tête, impossible à enlever. Si quelqu'un s'approchait de moi, je pourrais le cogner, sauf que je ne me doute de rien.


Les mots lui feront  saisir les dimensions sociologiques, politiques et historiques de l'histoire de sa famille, et par ce premier roman qu'elle nous offre,  à chasser l'Ange de l'oubli, dans la tradition des écrits peu à peu exhumés des femmes de sa famille.

 
La décision de m'inscrire en études théâtrales vient de mon idée, résultat de nombreuses soirées au théâtre comme spectatrice, que la scène pourrait devenir pour moi un espace où affronter sans danger tous les désespoirs et les complications. Sur scène, les catastrophes sont limitées, on a beau tuer les protagonistes, ils survivent toujours. Ils manifestent leurs déceptions, leurs travers, leurs rêves, leur amour et leur haine, ils peuvent se laisser aller à leurs sentiments et à leurs craintes les plus cruelles. Une représentation a forcément un début et ne finit pas toujours bien. Mais dans tous les cas elle se finit. Le théâtre ne peut nous attaquer par derrière comme la vie, même quand il se débat dans tous les sens. Tout est jeu, tout est en suspens.


J'ai adoré ce livre qui m'a appris un nouveau pan d'histoire. Je suis entrée avec émotion dans l'intimité de cette famille avec toutes ses complexités et ses souffrances,  puis m'en suis éloignée pour y trouver un point de vue plus général, transgénérationnel et politique, dans une langue à la fois mélancolique et poétique. C'est aussi la révélation d'un paysage, d'un mode de vie paysan qui ne demandait qu'à s'impliquer gaiement et humblement dans le labeur traditionnel(j'ai  pensé à MH Lafon dans la description du quotidien paysan), et à qui la tyrannie a imposé le choix du courage et des actes. C'est aussi un roman d'émancipation, laquelle passe par la découverte du monde, de l'autre et de l'usage des mots.

(commentaire récupéré)


mots-clés : #autobiographie #deuxiemeguerre #famille
par topocl
le Sam 25 Mar - 13:59
 
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Sujet: Maja Haderlap
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Vivian Gornick

Attachement féroce

Tag autobiographie sur Des Choses à lire - Page 11 Attach10



La couleur est annoncée d'emblée avec un titre pareil et le lecteur se met en condition pour se confronter de plein fouet à une histoire qui en appelle au couperet.
Quelle surprise alors, dès les premiers pages de ce récit autobiographique de découvrir une autre tonalité .
Déjà, il faudrait s'en référer au titre original , "Fierce attachements" : ainsi dilués dans le pluriel , ces mots correspondent plus justement au prisme de Vivian Gornick qui relate sa relation douloureuse, à la mère,mais aussi par loi de cause à effet ,  à l'amant, à l'ensemble du tissu sociétal dans lequel elle grandira,  et s'affirmera dans un mouvement d'adhérence et de recul qui rythme sa vie.

Ce fut pour Vivian Gornick , âgée de 52 alors en 1987, une première incursion dans le récit romanesque/autobiographique, jusque là son travail d'écriture uniquement orienté vers sa carrière journalistique, publiant chroniques et reportages féministes dans Village voice.
Alors oui bien sûr, de férocités il en sera. Alors oui d'attachements il en sera aussi. Tout autant que de douceur et de liberté. Et c'est toute la richesse de ce témoignage cette ambivalence. Voire même cet équilibre, résultat que l'on devine d'une vie de tâtonnements. Pudique , elle glissera là-dessus… Et puis le chemin intérieur ne s'emprisonne pas dans les mots, elle choisira de raconter plutôt ses promenades avec sa mère, et le flux et reflux de la mémoire qui accompagnent le mouvement de la marche.

Vivian Gornick déambule dans les rues New-yorkaises , au gré des envies et du temps qui passe , avec sa mère dans une atmosphère de road-movie planante . Et elle raconte, dans le lâcher-prise de l'instant et du caprice mémoriel, sa vie … Par petites touches impressionnistes, surgit de sa plume toute une époque, un contexte social, un univers codifié. Un monde de femmes. Juives. Au sommet trône La mère. Puissante, dévoreuse, castratrice, amour toxique ? Vivian Gornick a mis plus de trente ans avant d'écrire cet ouvrage : il en résulte une hauteur de vue, une forme d'acceptation, de douleur assumée qui dément en partie ces affirmations si faciles, réductrices et surtout profondément stériles ...
Alors oui , dans une ondulation toute féminine, mère et fille n'ont cessé d'arpenter les rues New-Yorkaises, libérant les souvenirs, chacune dans sa vérité et dans l'incapacité de trouver la jonction pour se rencontrer …. Mais elles marchent, côte à côte, inlassablement, tissées l'une dans l'autre. Et la vie n'en finit pas de passer. Les hommes passent aussi, mais sans existence réelle dans cet univers matriciel …. Alors oui, en ce sens on peut qualifier Vivian Gornick de féministe, bien que son regard délicatement détaché de la platitude du réel démentirait cette affirmation, car loin de toute force vindicatrice acharnée.
Subtile, caustique parfois dans la fulgurance d'une blessure dénudée abruptement, c'est dans une forme d'attachement détaché que ce récit autobiographie claque avec douleur et douceur pleinement vécues , sensualisées .
Un immense tour de force dans une veine qui n'est pas s'en rappeler, Virginia Woolf, Katherine Mansfield mais aussi Alice Munro.


mots-clés : #autobiographie
par églantine
le Jeu 23 Mar - 10:33
 
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Sujet: Vivian Gornick
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August von Kageneck

J'avais hésité à reprendre ce commentaire l'autre jour mais l'ouverture par Tristram du fil Günter Grass et son malaise remet sur le devant de ma mémoire cette idée de malaise, qui est malaise mais aussi énigme car comment vraiment savoir (rapport à soi), et si ma lecture n'a pas été enthousiaste le point d'interrogation persiste.


Tag autobiographie sur Des Choses à lire - Page 11 Cover-10

Examen de conscience - Nous étions vaincus mais nous nous croyions innocents.

L'auteur, ancien officier de la Wehrmacht, revient à la fois sur son engagement comme soldat en Pologne puis en Russie et sur l'après de la guerre avec, entre reconstruction et réconciliation, l'écriture ou réécriture d'un passé possible après l'impensable.

Un programme qui promet beaucoup mais suscite aussi beaucoup de réserve. Von Kageneck choisit de transcrire le nécessaire et naturel ressassement. Ses souvenirs, citations de camarades ou d'historiens, petit à petit il reconstruit un parcours collectif. Seulement vers la fin on sort un peu la tête du conflit pour chercher un recul supplémentaire.

Il y a du bon dans cette construction mais malheureusement c'est aussi elle qui fait qu'on peut avoir l'impression qu'on ne creuse pas tant que ça en revenant beaucoup sur les mêmes choses. Notamment l'état de soldat "correct" opposé à la menace communiste. Une vision qui d'ailleurs ne se nuance pas complètement quand il revient sur la montée du nazisme en Allemagne avec l'appui des puissants du pays et d'une droite plus traditionnelle.

Ca a un sens d'essayer de différencier ceux qui ont fait ce qu'il ne fallait pas (SS mais pas que) de ceux qui n'ont pas pu empêcher et de ceux qui ne savait pas là où ils étaient mais ça reste maladroit et là aussi comme en surface quand il faut rapprocher et mélanger les pièces...

Peut-être qu'on reste trop près d'une histoire simplement militaire quand le sujet derrière est l'ombre du génocide ou qu'on ne peut s'empêcher (relativement facile certes ?) de se demander si la victoire ou une défaite autre auraient pu aboutir au même questionnement.

Beaucoup de questions et peu de réponses dans ce livre qui a malgré tout ses bons côtés (surtout l'écriture d'une nouvelle armée) et de moins bons qui sont révélateurs de la complexité d'une situation qui implique de l'affectif et du vécu même dans le camp des vaincus.

Toujours est-il que j'attendais sensiblement plus de cette lecture qui me laisse un léger goût de malaise.


mots-clés : #autobiographie #deuxiemeguerre
par animal
le Lun 20 Mar - 21:25
 
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Sujet: August von Kageneck
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Günter Grass

Pelures d’oignon

Tag autobiographie sur Des Choses à lire - Page 11 Pelure10

Mémoires de l’auteur à 80 ans (et peu après qu’il eut révélé avoir fait partie de la Waffen-SS).

« Quand on le presse de questions, le souvenir ressemble à un oignon qui voudrait être pelé afin que soit dégagé ce qui, lettre après lettre, est là, visible ; rarement univoque, souvent dans une écriture à lire dans le miroir ou crypté d’une quelconque manière. »

« Après, c’est toujours avant. Ce que nous appelons présent, de fugace maintenant-maintenant-maintenant, est toujours dans l’ombre d’un Maintenant passé, de sorte que même la fuite en avant que l’on appelle avenir ne peut se courir qu’avec des semelles de plomb. »


L’enfance de l’auteur à Dantzig/ Gdańsk, d’abord collectionneur de vignettes iconographiques (récupérée dans les paquets de cigarettes) dans le misérable deux pièces pour quatre familial, puis admirateur de l’armée du Reich au début de la seconde Guerre Mondiale (avec un goût marqué pour les chiffres factuels, à la fois enfantin et inhumain – tonnage des navires coulés, etc.), qui se reproche maintenant de ne pas s’être posé de question (camp de concentration à proximité, Juifs ostracisés, l’objecteur de conscience qui refuse de porter un fusil) – sorte de remords d’une soumission conformiste mais culpabilisatrice, enfin engagé « volontaire » à 16 ans dans la Waffen-SS (où il apprend la peur, notamment celle d’être pendu comme déserteur) ; après l’effondrement, misère vagabonde, ahurissants cours de « cuisine abstraite » pour dompter la faim qui ronge le prisonnier de guerre, puis la seconde faim (sexuelle), enfin la troisième : l’art – dessin, sculpture (d’abord sur pierres tombales), « sécrétion » de poèmes, danse, et même joueur de planche à laver dans une formation jazz à laquelle Armstrong se joint lors d’une session, enfin la prose... C’est l’après-guerre, où le consensus dit « Il faut laisser le passé en repos. »

Dans son style d’une lecture difficultueuse, phrase renversée (verbe et sujet n’apparaissant que tard), aller-retour systématique, – et toujours avec sa verve humoristique, parodique, provocante, grivoise et blasphématoire, critique sans pathos, teintée du réalisme magique dont il fut précurseur, Grass retrace une histoire personnelle écrasée par le poids de l’Histoire, et devant beaucoup au hasard, comme celle de ses personnages romanesques. Ce texte renvoie beaucoup à son œuvre (qu’il éclaire) : on apprend par exemple que ses « enfants de la tête » doivent leur origine à des personnes, des évènements qu’il a connus.

« Du reste, j’ai peu à dire sur la façon dont quelque chose naissait et naît ; à moins que je ne mente… »


Il ne témoigne finalement que de bribes hypothétiques, n’ayant guère de vrai souvenir de l’époque de la guerre, et plus aucune trace écrite. Il souligne l’importance du drill (méthode d'entraînement mécanique et répétitive pour assurer une exécution sans hésitation de certaines manœuvres dans un contexte stressant), renvoie Orages d’acier à A l’Ouest rien de nouveau. Il dit n’avoir réalisé la vraie mesure des horreurs perpétrées par le nazisme qu’en 1946 (procès de Nuremberg) ; sans parti pris, cet ouvrage laisse le lecteur dans le malaise. Peu de commentaire sur « les camps » :

« Il me fallut du temps pour apprendre par à-coups et m’avouer en hésitant que par ignorance, ou plutôt par ignorance volontaire, j’avais pris part à un crime que le temps n’a pas amoindri, qui ne veut pas se prescrire, dont je suis malade aujourd’hui encore. »

« Comme la faim, on peut dire de la culpabilité et de la honte qui suit qu’elles rongent, rongent inlassablement ; mais je n’ai eu faim que quelque temps, tandis que la honte… »


Je dois préciser avoir lu cet ouvrage avec en tête le fil littérature des camps, sujet auquel il apporte peu.
Sans être inintéressant, ce n’est bien sûr pas un de ses superbes romans (qu’il faudrait sans doute avoir lus au préalable), mais cet auteur mérite qu’on se penche un peu plus sur son œuvre littéraire, assez époustouflante dans son imaginaire rabelaisien.  

Bémol concernant l’édition au Seuil ; objet de bonne qualité, de lecture agréable, avec même une table des matières (attention devenant malheureusement trop rare), mais les notes de fin (du traducteur, suite à entretien avec l'auteur), avec la pagination, ne sont pas renvoyées dans le texte ! C’est d’autant plus dommage que Grass fait souvent allusion à un contexte culturel, géographique et historique allemand, pas forcément familier pour le lecteur français.


mots-clés : #autobiographie
par Tristram
le Lun 20 Mar - 14:01
 
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Sujet: Günter Grass
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Sebastian Haffner

Les discussions récentes sur les témoignages de rescapés des camps de la mort me fait penser que ce livre pourrait intéresser nombre d'entre vous.
Ma lecture est ancienne, mais de nombreuses images marquantes me restent encore en mémoire. Un témoignage précieux.

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Histoire d'un Allemand - Souvenirs (1914-1933)

Sebastian Haffner était étudiant en droit. Il a assisté, aux premières loges, à la montée en puissance du nazisme. Ecoeuré, horrifié, il a quitté le pays en 1938. Ce livre lui fut commandé la même année par un éditeur anglais ; mais la guerre éclata, et le manuscrit ne fut jamais publié. Il ne fut redécouvert qu'après la mort de l'auteur, et publié en 2000 en Allemagne, non sans avoir été dûment authentifié. En effet, certaines personnes contestaient qu'il ait pu avoir une vision aussi claire des horreurs qu'allait engendrer la folie nazie. Ce qui est certain, c'est que cet ouvrage met terriblement à mal l'explication si souvent entendue : "On ne savait pas…"

Pour qui s'intéresse à cette période, ce livre offre un éclairage nouveau et passionnant. La forme du récit oscille entre le témoignage et l'essai ; l'auteur nous parle de cette époque à travers le prisme de sa propre expérience d'Allemand "ordinaire", mais il va aussi plus loin, tentant d'analyser l'incidence du contexte historique sur les réactions du peuple allemand. Tout d'abord, il essaie de comprendre les raisons de l'inertie d'une grand majorité d'Allemands face à la montée du nazisme. Selon lui, les soubresauts de la politique nationale, l'instabilité des différents gouvernements au pouvoir depuis la guerre de 14-18, ou encore l'inflation galopante, ont peu à peu réuni les conditions qui ont amené Hitler au pouvoir alors qu'il n'avait pas gagné les élections de 1933…
Totalement désabusé, comme anesthésié, le peuple n'a pas réagi à ce coup de force, pas plus qu'il n'a réagi ensuite aux lois et aux exactions commises par les nazis. (assassinats, tortures, intimidations… le tout à la vue de tous, contrairement à ce qui a pu être dit…)

Sebastian Haffner nous livre ensuite un récit très riche, qui nous plonge littéralement dans la vie d'un Berlinois dans les années 30… Il décrit avec justesse le contexte politique incertain, l'arrivée d'Hitler au pouvoir, la montée de la peur, l'embrigadement... Stupéfiant passage que celui où l'auteur, alors étudiant en droit, se trouve obligé de passer 3 semaines dans un camp militaire à claironner des chants nazis, étape obligée s'il veut espérer obtenir son diplôme de juge…
Le lecteur va de surprises en surprises. L'un des passages qui m'a le plus stupéfiée est celui où l'on apprend que les discours prônant l'extermination des juifs étaient diffusés dans les rues de Berlin par haut-parleur... Même si la méthode exacte d'extermination était inconnue, il ne faisait aucun doute que leur fin était programmée…
De même, l'on apprend horrifié qu'un jour, alors qu'il était tendrement enlacé avec sa petite amie, un groupe d'enfants accompagnés de leurs professeurs les a tout naturellement salué d'un claironnant "Mort aux juifs ! Le plus cruellement ironique étant que la petite amie était bel et bien juive, ce qui n'était pas encore visible, le port de l'étoile jaune n'ayant pas encore été instauré…

Ce récit m'a profondément marquée. C'est un livre nécessaire, profond, qui soulève des questions passionnantes et avance des explications des plus intéressantes. Bien des justifications entendues après guerre volent en éclat à la simple lecture de cet ouvrage. Et l'on ne peut que louer la lucidité et la clairvoyance de l'auteur, mais aussi son honnêteté. Jamais il ne se fait passer pour un homme héroïque. Simplement pour un citoyen responsable, qui a refusé les compromissions indispensables alors pour exercer le métier auquel il était promis…
J'ajouterai enfin que le style, superbe, est à la fois très littéraire et facile à lire. Je ne saurais trop le recommander à tout lecteur intéressé par cette période. Je pourrais vous en parler encore longtemps, mais je préfère laisser la parole à l'auteur avec quelques extraits.


Deux extraits du prologue, écrit je le rappelle en 1939 :

"En usant des pires menaces, cet état exige de l'individu qu'il renonce à ses amis, abandonne ses amies, abjure ses convictions, adopte des opinions imposées et une façon de saluer dont il n'a pas l'habitude, cesse de boire et de manger ce qu'il aime, emploie ses loisirs à des activités qu'il exècre, risque sa vie pour des aventures qui le rebutent, renie son passé et sa personnalité, et tout cela sans cesser de manifester un enthousiasme reconnaissant."

" Ces duels dans lesquels un individu cherche à défendre son individualité et son honneur individuel contre les agressions d'un Etat tout-puissant, voilà six ans qu'on en livre en Allemagne, par milliers, par centaine de milliers, chacun dans un isolement absolu, tous à huis clos. Certains duellistes, plus doués que moi pour l'héroïsme ou le martyre, sont allés plus loin : jusqu'au camp de concentration, jusqu'à la torture, jusqu'à avoir le droit de figurer un jour sur un monument commémoratif. D'autres ont succombé bien plus tôt : aujourd'hui, ils récriminent sous cape dans la réserve de la SA ou sont chef d'îlots dans la NSV."



Page 214 :

" Les nazis ne font désormais plus mystère de leur propos de dresser les Allemands à pourchasser les juifs dans le monde entier. L'intéressant, c'est ce propos lui-même, qui est une nouveauté dans l'histoire universelle : la tentative de neutraliser, à l'intérieur de l'espèce humaine, la solidarité fondamentale des espèces animales qui leur permet seule de survivre dans le combat pour l'existence ; la tentative de diriger les instincts prédateurs de l'homme, qui ne s'adressent normalement qu'aux animaux, vers des objets internes à sa propre espèce, et de dresser tout un peuple, telle une meute de chiens, à traquer l'homme comme un gibier."


(ancien commentaire largement remanié)


mots-clés : #autobiographie #deuxiemeguerre #regimeautoritaire
par Armor
le Ven 10 Mar - 14:53
 
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Sujet: Sebastian Haffner
Réponses: 11
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Michèle Desbordes

Tag autobiographie sur Des Choses à lire - Page 11 Petite10

Les Petites Terres

Un récit absolument superbe.

Publié à titre posthume en 2008, le récit écrit par Michèle Desbordes dans l'urgence d'une mort à venir (elle décède en 2006), s'éloigne beaucoup des romans maîtrisés, travaillés, distanciés de l'auteure, d'abord parce qu'il s'agit de la vie de Michèle Desbordes, qu'elle s'y livre tout entière, femme de lettres et femme aimante, femme voyageuse attirée par la mer et femme fatiguée, éreintée et brisée, pleurant un amour mort. Le récit ici déborde de tout côté, il est comme une vague de lave qui brûle tout sur son passage et ne peut être retenu par aucune barrière, aucune impudeur, aucune frontière. Il est là, tout entier dans les mots qui courent, qui filent sur la page, insatiable, dévorante, inlassable.

Michèle Desbordes raconte un amour, l'amour qu'elle a éprouvé pour un homme, un écrivain reconnu, de vingt-cinq ans son aîné et qu'un jour elle a quitté, qu'elle a fui, qu'elle a abandonné, partant à l'autre bout du monde, sous les tropiques comme on dit, parce qu'il fallait au moins ça, cette distance pour pouvoir continuer à vivre. Loin de lui, lui qu'elle retrouve plus tard, quand elle revient à Paris, lui qui est vieux désormais, qui perd la mémoire, qui n'écrit plus, qui ne sait bientôt plus qu'il a écrit des livres, qu'il a été écrivain, qu'il a aimé cette femme, cette femme qui n'aura jamais osé lui dire à quel point elle l'aime encore, à quelle point il est en elle comme elle fut en lui, lui qui ne s'en souvient plus. Lui qui cesse un beau jour de sourire de ce sourire plein de douceur et elle qui ne s'en aperçoit pas et ne sera pas là pour lui tenir la main à l'heure du grand passage. C'est tout ça le récit de Michèle Desbordes, à vau l'eau, en recourant à une écriture sans gouvernail et sans amarres, magnifique dans sa dérive, sublime dans son tangage.

Mais c'est aussi une œuvre d'écrivain, une auteure qui revient sur sa propre production et donne au lecteur attentif les clés, les origines, les différentes matrices de ses livres, comme un testament. C'est aussi une réflexion sur la marche, celle que fit Hölderlin de France en Allemagne pour retrouver la femme aimée qui va mourir ; ou celle de Werner Herzog, faisant le chemin inverse de Munich à Paris pour retrouver son amie, l'actrice Lotte Eisner qui elle aussi est sur le point de trépasser ; et puis la marche de l'écrivain, de l'homme aimé qui, fait prisonnier en 43 (au moment de la naissance de Michèle) traverse la France jusqu'en Souabe pour se retrouver dans un stalag. La marche mais aussi les trains, les nombreux trains que Michèle Desbordes prend dans sa vie et qu'elle compare à des parenthèses, des instants d'accalmie entre deux mondes reliés par des wagons. C'est aussi un livre sur la chaleur et sur la pluie, sur les voyages et sur les hommes. Un livre monde et un livre totem.

C'est un livre magnifique.
Un livre bouleversant.



mots-clés : #autobiographie
par shanidar
le Lun 6 Mar - 11:17
 
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Sujet: Michèle Desbordes
Réponses: 20
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Jean-Louis Fournier

On va où papa ?

Tag autobiographie sur Des Choses à lire - Page 11 Tylych12

"Cher Mathieu, cher Thomas,
Quand vous étiez petits, j'ai eu quelquefois la tentation, à Noël, de vous offrir un livre, un Tintin par exemple. On aurait pu en parler ensemble après. Je connais bien Tintin, je les ai lus tous plusieurs fois.
Je ne l'ai jamais fait. Ce n'était pas la peine, vous ne saviez pas lire. Vous ne saurez jamais lire. Jusqu'à la fin, vos cadeaux de Noël seront des cubes ou des petites voitures... "

Jusqu'à ce jour, je n'ai jamais parlé de mes deux garçons. Pourquoi? J'avais honte? Peur qu'on me plaigne?
Tout cela un peu mélangé. Je crois, surtout, que c'était pour échapper à la question terrible: "Qu'est-ce qu'ils font?"
Aujourd'hui que le temps presse, que la fin du monde est proche et que je suis de plus en plus biodégradable, j'ai décidé de leur écrire un livre.
Pour qu'on ne les oublie pas, qu'il ne reste pas d'eux seulement une photo sur une carte d'invalidité. Peut-être pour dire mes remords. Je n'ai pas été un très bon père. Souvent, je ne les supportais pas. Avec eux, il fallait une patience d'ange, et je ne suis pas un ange.
Quand on parle des enfants handicapés, on prend un air de circonstance, comme quand on parle d'une catastrophe. Pour une fois, je voudrais essayer de parler d'eux avec le sourire. Ils m'ont fait rire avec leurs bêtises, et pas toujours involontairement.
Grâce à eux, j'ai eu des avantages sur les parents d'enfants normaux. Je n'ai pas eu de soucis avec leurs études ni leur orientation professionnelle. Nous n'avons pas eu à hésiter entre filière scientifique et filière littéraire. Pas eu à nous inquiéter de savoir ce qu'ils feraient plus tard, on a su rapidement ce que ce serait: rien.
Et surtout, pendant de nombreuses années, j'ai bénéficié d'une vignette automobile gratuite. Grâce à eux, j'ai pu rouler dans des grosses voitures américaines.

Jean-Louis Fournier


A la lecture de cette quatrième de couverture , certains pourraient se dire «  Misère , encore un bouquin exutoire qui va faire pleurer dans les chaumières , ou bien un père qui se fait du fric sur le dos de ses gamins handicapés »
Ne rougissez pas si c'est votre cas , j'en faisais partie.
Pourtant ce livre s'est retrouvé entre mes mains , parce que mon entourage en parlait , parce qu'ils étaient troublés sans être plombés.
Ce que je présumais c'est vite avéré faux , les clichés sont inexistants , l'ironie et le cynisme sont les maîtres mots sans occulter l'amour d'un père qui préfère en rire plutôt qu'en pleurer afin de rendre un hommage des plus vivants à ses enfants , de contrer le regard d'une société qui ne sait pas observer au delà d'un handicap , apeurée par ces différences qu'elle tente d'ignorer par peur d'y être touchée de trop près.
Régulièrement , ces enfants , ces adultes sont les oubliés , n'existant qu'en tant que "pathologie" (barbarie gerbante de la bien-pensance), et c'est avec une force admirable que Jean Louis Fournier , au travers de ses fils , leur redonne une identité , une âme.
De la force d'un père en ressort une fragilité touchante avec cette particularité qui la rend admirable.
L'auteur se flagelle , évoque ses manquements , ses incompréhensions et sa colère ,et c'est sûrement ce qui le rend encore plus humain , évite l'arrière-goût de pathos dégoulinant qu'on pourrait imaginer se prendre en pleine face trop habitués à passer de l'autre côté de la frontière dans ce répertoire.
Rentrez dans ce monde , celui d'une provocation parfois grinçante qui cache de profonds remords , un cri d'amour saisissant.
Si je devais résumer ce livre en un mot , un seul me viendrait à l'esprit :
Dignité.

" Mes petits oiseaux, je suis bien triste de penser que vous ne connaîtrez pas ce qui, pour moi, a fait les plus grands moments de ma vie.

Ces moments extraordinaires où le monde se réduit à une seule personne, qu'on existe que pour elle et par elle, qu'on tremble quand on entend ses pas, qu'on entend sa voix et qu'on défaille quand on la voit. Qu'on a peur de la casser à force de la serrer, qu'on s'embrase quand on l'embrasse et que le monde autour de nous devient flou.

Vous ne connaîtrez jamais ce délicieux frisson qui vous parcourt des pieds à la tête, fait en vous un grand chambardement, pire qu'un déménagement, une électrocution, ou une exécution. Vous chamboule, vous tourneboule et vous entraîne dans un tourbillon qui fait perdre la boule et donne la chair de poule. Vous remue tout l'intérieur, vous donne chaud à la gueule, vous fait rougir, vous fait rugir, vous hérisse le poil, vous fait bégayer, vous fait dire n'importe quoi, vous fait rire et aussi pleurer.

Parce que, hélas, mes petits oiseaux, vous ne saurez jamais conjuguer à la première personne du singulier et à l'indicatif du présent le verbe du premier groupe: aimer. "



mots-clés : #autobiographie #famille #pathologie
par Ouliposuccion
le Jeu 2 Mar - 8:00
 
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Sujet: Jean-Louis Fournier
Réponses: 2
Vues: 669

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