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151 résultats trouvés pour deuxiemeguerre

Ian McEwan

Expiation

Tag deuxiemeguerre sur Des Choses à lire - Page 6 Cvt_ex10

Briony, treize ans, aperçoit depuis sa fenêtre sa sœur qui se déshabille et qui plonge dans la fontaine. Son amie d’enfance regarde sa soeur, et Briony le regarde la regarder. Elle n’est pas certaine de comprendre ce qui se déroule. Mais la confusion, la transformation engendrée par cette scène la pousseront à commettre un crime.

Première fois que je lis un roman de Ian McEwan, et je suis frappée par son écriture qui réveille de lointains échos de psychologie cognitive : ce n’est pas une personne qui approche, mais une forme que le personnage interprète d’abord comme ceci, puis comme cela, jusqu’à comprendre : c’est une personne qui approche… et on change les points de vue, et la même scène est réécrite comme un ensemble différent de cognitions. J’ai trouvé marquant ce découpage de la pensée et de la sensation.

Si j’ai adoré le début, j’ai commencé à m’ennuyer vers le milieu : seconde guerre mondiale, on suit l’un des personnages, mobilisé en France. Je regrette un certain goût de déjà-lu sur toute cette section (un goût de déjà-lu que la fin justifie en partie, mais qui m’a tout de même embêtée). Mais le roman se raccroche à un récit à mon sens plus intéressant, du point de vue d’une infirmière, de l’arrivée des blessés de guerre à l’hôpital.

La fin laisse rêveur.

À lire vos commentaires, je serais bien tentée d’en emprunter un autre


mots-clés : #deuxiemeguerre #psychologique
par Baleine
le Lun 14 Aoû - 18:28
 
Rechercher dans: Écrivains européens de langues anglaise et gaéliques
Sujet: Ian McEwan
Réponses: 40
Vues: 4025

Emmanuel Bove

Le piège


Tag deuxiemeguerre sur Des Choses à lire - Page 6 31wepn11


En refermant ce livre , je reste dans l'incompréhension : comment un écrivain aussi subtil , lucide , à la plume précise et forte en soubassement a-t-il pu glisser dans l'oubli ?
....
Le piège , c'est la chute inexorable d'un Bridet , quidam sans prétention ,qui en septembre 1940 , juste après l'Armistice , contacte l'un de ses amis haut placé à la direction générale de la Police Nationale afin d'obtenir un sauf-conduit pour quitter la France et rejoindre De GAULE . Requête dont il masque bien évidemment le but final puisque s'adressant à un représentant de la France Pétainiste .

De cette première démarche dont on ne comprend pas exactement les objectifs réels , par un enchainement vertigineux , échappant à l'entendement , Bridet n'en ressortira pas vivant .
La machine admnistrative de Vichy effectuera son travail de sabotage , implacable , dans une éclatante absurdité décrite à la manière Kafkaienne .
A travers ce chemin menant à l'échafaud tout en méandres et soumis à la complexité d un système arbitraire et insensé , Bridet n'aura de cesse d'osciller entre divers sentiments , jouet de forces obscures ,tour à tour  aveuglé par sa naiveté et son optimisme confinant à une presque bêtise , sa capacité à croire en l'humanité  pour basculer dans l'incompréhension et le doute grandissant , incapable d'appréhender la situation et ses racines  maléfiques souterraines  .
Se dégage un malaise de plus en plus oppression dans cette alternance d'état d'esprit . Les personnages gravitant autour de cet anti-héros souffreteux , pathétique dans sa faiblesse psychologique broyé lentement avec force machiavélisme d'un système totalitaire , jouet de la France de Vichy, apparaissent comme des pantins nébuleux , inquiétant ,sans fondement , aussi désincarnés que Bridet , comme si toute capacité de réflexion s'était évaporée loin de la surface de la terre  , laissant des individualités"coquilles vides" , manipulées par une force destructrice irrationnelle et  inévitable .
Le pessimisme de Bove dont j'avais eu un aperçu avec l'excellent roman Le pressentiment agit comme une chape d'enfermement ,le lecteur se trouvant lui aussi oppressé , pris au piège lui même de cette lecture angoissante , dont il ne percevra que quelques contours obscurs , mouvants , sans assise franche où chaque personnage se définit par tout et son contraire enfermé dans le non-sens d'un système .
Un livre riche , à multiples facettes et interprétations qui n'est pas sans rappeler l'oeuvre de Camus , la pensée Sartrienne , le Procès de Kafka .


mots-clés : #deuxiemeguerre
par églantine
le Sam 12 Aoû - 14:35
 
Rechercher dans: Écrivains européens francophones
Sujet: Emmanuel Bove
Réponses: 13
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Jiri Weil

Tag deuxiemeguerre sur Des Choses à lire - Page 6 Weil1010

VIVRE AVEC UNE ETOILE. - 10/18

Josef Rubicek n'était pas grand chose avant l'invasion de la Tchécoslovaquie par les Allemands. Un homme banal, un citoyen ordinaire, ainsi se définit-il.
Mais depuis, il n'est plus rien. en fait et c'est pire, il est juif.
Il vit seul dans une pièce glaciale et qui laisse passer la pluie.
Il n'est pas exigeant pourtant. Mais  il souffre de la faim, du froid. Et surtout de la peur.
Qu'on l'arrête et qu'on le déporte.
Alors qu'il était encore temps, il a refusé de quitter son pays et sa ville. C'est pourtant ce que lui proposait raisonnablement Ruzena, la femme qu'il aime.
Et qui lui manque. Dans son immense solitude, il a pris l'habitude de l'invoquer et de parler avec elle.

Josef, se contenterait de survivre et d'échapper à la déportation.. Il travaille dans un cimetière où lui et ses compagnons de misère font pousser des légumes, et un chat l'a adopté et lui tient compagnie.

Mais la haine de l'occupant le poursuit. Il est convoqué sans cesse pour faire états des biens qu'il n' a pas mais que les autres convoitent.
La situation ne cesse d' empirer. Les arrestations se mutiplient et les convois de prisonniers partent vers la déportation.
Comme lui, tous les juifs sont prêts à tout  dans l'espoir de survivre.
De fait, les plus riches se croyaient hors d'atteinte. Et la Communauté juive -à tort ou à raison- pensait encore sauver ce qui pouvait l'être en collaborant avec les nazis.
Jusqu'au dernier moment, chacun essayait de s'accrocher au moindre espoir.

"Ils se moquaient que la vie soit de peu de valeur. Ils savaient qu'elle est unique et irremplaçable et que c'était la leur."

Cette pensée, à mon avis fait mieux comprendre pourquoi  les juifs se sont laissé emprisonner, déporter et massacrer sans résister.
Envers et contre tout, rester en vie. Ils avaient cette illusion chevillée au corps jusqu'au bout.

Mais un jour, Thomas, le chat de Josef est tué par les Allemands. C'en est trop pour lui. Il pleure de pitié, de colère et d'impuissance.
N'ayant plus rien à perdre désormais, aux portes de la mort, il se sent enfin soulagé et libre.

Le ton du livre est uni et retenu, même s'il y a des éclats d'espoir, de nostalgie et de compassion.
Philip Roth écrit dans la préface du livre :

"Weil s'avérait être plutôt un conteur qu'un styliste absorbé par une auto-analyse implacable... Ce qu'il partageait avec l' écrivain russe Isaac Babel, c'était la capacité d'écrire sur la barbarie et la douleur avec un laconisme qui semble être en soi le commentaire le plus féroce qu' on puisse faire sur ce que la vie a de pire à offrir."

Récupéré


mots-clés : #antisémitisme #communautejuive #deuxiemeguerre
par bix_229
le Dim 30 Juil - 23:59
 
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Sujet: Jiri Weil
Réponses: 22
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Robert Brasillach

Une génération dans l’orage

Tag deuxiemeguerre sur Des Choses à lire - Page 6 Brasil11

Cet ouvrage comporte deux livres : « Notre avant-guerre » écrit en 1939-1940 et publié l’année suivante, « Journal d’un homme occupé » constitué de récits divers et d’extraits d’articles parus dans « Je suis partout », mis en ordre et publié après la mort de Brasillach par son beau-frère Maurice Bardèche.

Notre avant-guerre est une évocation du Paris des années 20 et 30 vu par Brasillach. Le récit commence avec l’entrée à Louis-le-Grand, l’exposition des arts décoratifs de 25, la découverte de la littérature, du cinéma muet, des théâtres. Il se poursuit par les premières expériences journalistiques et se termine par les voyages dans l’Espagne en guerre et en Allemagne lors du congrès de Nuremberg de 37.

Brasillach excelle dans un univers proustien, décrivant avec émotion et mélancolie un temps qui ne reviendra pas. L’extrait suivant en donne toute l’ambiance :

« Le soir de « Comme ci ou comme ça » ou le soir d’ « Hamlet », moins encore, d’une pièce oubliée, triste et énervée, qui peut dire ce qu’il est devenu dans notre symbolique personnelle ? C’était un soir de l’avant-guerre, un de ces soirs comme il n’y en aura plus, et on aura de la peine à savoir ce que de pareilles minutes pouvaient représenter pour nous, qui avions dix-sept ans, ce printemps parfumé, ces féeries envoûtantes, ces voix blanches et alternées. C’était un soir de l’avant-guerre, où l’on croyait encore à tant de choses, et à la jeunesse éternelle, et au goût de miel des tilleuls sur Paris. »


Le style de Brasillach peut être qualifié de « vieille France », ce qui n’est pas pour moi péjoratif, bien au contraire. Des phrases amples, admirablement construites, sans scories. La plume nous accompagne avec fluidité, sans aucune lassitude, dans un récit de 300 pages. Brasillach est sans conteste un bon écrivain, plaisant à lire.

Que peut-on en déduire de la personnalité de l’auteur ?  A Paris, à Louis-le-Grand et à l’ENS, Brasillach baigne dans un univers culturel marqué bien à droite, celui de l’Action française qui a beaucoup d’audience dans la 1ère moitié du 20e siècle. Ses compagnons se nomment Maurice Bardèche, qui deviendra son gendre, Thierry Maulnier, Georges Blond, et quelques autres,  il y a tout de même quelques exceptions comme Roger Vailland mais qui n’apparait que fugitivement. Brasillach va être amené à fréquenter Bainville, Gaxotte et celui qu’il considère comme le plus grand penseur politique de l’époque, Charles Maurras. Il est intéressant de voir les principes qui unissent tous ces personnages : anti bourgeoisie, culte de la jeunesse, de la nature, de la virilité, mépris sinon haine pour la démocratie. Tout cela s’enchaîne avec des gouvernements jugés corrompus et de compromis, qui amènent aux journées anti parlementaires de 1934, premier point de fracture. C’est à cette date par exemple que Rebatet renie l’Action française qu’il juge trop molle pour promouvoir un «fascisme à la française ». L’attitude de Brasillach semble plus nuancée, il gardera jusque 1940 (et peut-être au-delà) une grande admiration pour Maurras. La seconde rupture a lieu en 1936 avec le Front populaire, vécu comme une victoire du marxisme entraînant la pagaille, puis ce sera Munich et la guerre. Curieusement, Brasillach semble un peu en retrait de ces événements qu’il juge avec un certain détachement et une bonne dose d’ironie.

Le Journal d’un homme occupé
vaut surtout pour la description de la drôle de guerre et des manœuvres absurdes des régiments en mai et juin 1940. Brasillach narre également ses conditions de vie comme prisonnier dans un stalag.En revanche, les extraits de « Je suis partout » ont été choisis pour leur qualité littéraire et leur côté politique acceptable. Vous n’y trouverez pas la phrase terrible : « Il faut se séparer des Juifs en bloc et ne pas garder les petits. »

Comment un individu cultivé, fin, sensible, doté d’une solide culture humanisme, d’humour et d’auto dérision, a-t-il pu en arriver à proférer de pareilles horreurs ? Il y a là une folle course vers l’abîme qui part d’une volonté de régime fort, à la fois social et national, qui passe par les hommages au Maréchal, sauveur de la France, à la collaboration et la situation se raidissant, se range définitivement au côté d’une Allemagne garante d’une grande Europe, ultime rempart contre la menace bolchevique.

Un point m’a frappé tout de même dans ces récits : la notion d’un « génie français » qui parcourt toute l’histoire de France à travers un certain nombre de réalisations et de figures tutélaires qu’elles soient politiques, littéraires ou artistiques. Il y a là une construction intellectuelle et morale qui se sent menacée par certaines catégories de la population : les Juifs, les Bolcheviques, pire les Juifs bolcheviques ! Tout cela protégé par un régime parlementaire corrompu, expert en alliances de partis et en compromis.

Alors pourquoi lire Brasillach aujourd’hui ? D’abord pour le plaisir du style, ce qui n’est pas rien ; ensuite pour une évocation sensible de certains milieux culturels de l’entre deux-guerres, de cette génération quelque peu sacrifiée ; enfin pour tenter de comprendre, encore et toujours ; même si c’est impossible ; en tout cas, « Une génération dans l’orage » offre quelques clefs.

Pour conclusion, on a souvent cité le général de Gaulle qui a refusé la grâce à Brasillach et qui a écrit : « Dans les Lettres, comme en tout, le talent est un titre de responsabilité ». Je suis assez en accord avec cette opinion.


mots-clés : #autobiographie #deuxiemeguerre #journal
par ArenSor
le Lun 10 Juil - 19:21
 
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Sujet: Robert Brasillach
Réponses: 12
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Wladyslaw Szpilman

Tag deuxiemeguerre sur Des Choses à lire - Page 6 51hejh10

Le pianiste

Résumé :
Septembre 1939: Varsovie est écrasée sous les bombes allemandes. Avant d'être réduite au silence, la radio nationale réalise sa dernière émission.
Les accords du "Nocturne en ut dièse mineur" de Chopin s'élèvent. L'interprète s'appelle Wladyslaw Szpilman. Il est juif. Pour lui, c'est une longue nuit qui commence ...
Quand, gelé et affamé, errant de cachette en cachette, il est à un pouce de la mort, apparaît le plus improbable des sauveteurs : un officier allemand, un Juste nommé Wilm Hosenfeld. Hanté par l'atrocité des crimes de son peuple, il protégera et sauvera le pianiste.

Après avoir été directeur de la radio nationale polonaise, Wladyslaw Szpilman a eu une carrière internationale de compositeur et de pianiste. Il est mort à Varsovie en juillet 2000. Il aura fallu plus de cinquante ans pour que l'on redécouvre enfin ce texte étrangement distancié, à la fois sobre et émouvant.


L’auteur fait dans ce livre un témoignage poignant de sa vie sous l’occupation de Varsovie entre 1939 et 1945, témoignage qu’il écrit dans les suites immédiates de la fin de guerre, encore sous le choc de ces années, ce qui donne un ton assez distancié du récit qu’il nous livre, encore sous le choc de ce qu’il vient de traverser pendant 6 années.

Pianiste à Varsovie lorsque grondent les prémisses de la seconde guerre, Wladislaw Spilzman, d’abord dans le ghetto puis dans des planques, nous emmène dans un voyage terrible au fil de la progressive montée de l’idéologie nazie et des violences perpétrées envers les juifs dans le ghetto de Varsovie, mais aussi dans la prise de conscience progressive de ce qui se passe. D’abord niée et non vraiment entendable, la réalité de l’horreur, de l’innommable, de la tuerie sans raisons, de la violence pour la violence, etc, se font jour. Au début chacun n’imagine pas vers quoi cette occupation va tendre, et à quelle aberration l’humanité va être confrontée. Dans la famille de l’auteur il existe une forme d’espoir de fin de guerre  rapide et l’idée qu’il ne peut y avoir autant de mal sans raison ;  il y a aussi une tentative de conserver une forme de « normalité » rassurante par le maintien des habitudes, des rites familiaux, des retrouvailles autour du repas.

Puis, peu à peu, le climat se dégrade, les espoirs s’amoindrissent, les violences augmentent, les déportations surviennent, et les gens du ghetto prennent plus conscience de ce qu’il se passe et de ce qui arrive à ceux que l’on emmène, des rumeurs courent à ce sujet, on le sait mais on le tait… souvent. Cela en choisissant d’espérer jusqu’au bout plutôt que de choisir d’en finir. Dans ce « monde » qui ne tourne plus avec ses habituelles coordonnées, où l’humain est peu à peu nié et où ceux qui en sont la cible en prennent peu à peu conscience, les horreurs impensables deviennent la réalité quotidienne. L’idée que les allemands seront vite écrasés s’efface, et il y a une prise de conscience de l’inélucatibilité de ce qu’il se passe. L’auteur nous assène cette violence du quotidien, sonore et visuelle, faite de bruits de bombe, de cris, de coups de feu, d’exécutions sommaires sans distinctions aucunes, de corps qui pourrissent dans les rues…

Puis, avec lui, nous allons sortir du ghetto, de la foule, du bruit, des odeurs, des visions macabres, et il nous fait vivre les années où il est caché hors du ghetto, des années de solitude, affrontant le froid, la faim , se nourrissant de ce que certains parfois lui amène sinon de ce qu’il trouve parfois ( eau croupi, pain moisi, etc…), et cette peur au ventre d’être découvert qui ne le quitte pas. A un excès d’images, de sons, d’odeurs… succèdent presque un huis clos silencieux, rythmé par l’attente patiente dans l’expectative d’une possible descente allemande, à l’écoute attentive des bruits du dehors, s’efforçant de ne pas en faire, et des manques de son corps.

Ce livre est un nouveau regard sur la seconde guerre mondiale, car si je me suis penchée auparavant sur les camps de concentration, je n’avais jamais lu de témoignage évoquant la question des ghettos. Il est difficile de donner un avis des livres qui parlent de cette période, car finalement ce sont des témoignages de l’innommable, de l’impensable, et à part faire la traversée aux côtés de l’auteur je n’imagine même pas pouvoir dire j’aime ou j’aime pas. Donc j’ai fait cette traversée émotionnelle, parfois dure, violente, elle n’a pas été simple, mais tellement nécessaire, comme chaque fois que je me replonge un peu dans cette période là.

Et les écrits à la fin d’un point de vue d’un soldat allemand, j’ai trouvé aussi cela riche que de pouvoir entendre une autre voix s’élever pour dire leur horreur à eux qui l’ont vécu de l’autre côté.




mots-clés : #autobiographie #communautejuive #deuxiemeguerre
par chrysta
le Ven 7 Juil - 13:58
 
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Sujet: Wladyslaw Szpilman
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Jean Malaquais

Planète sans visa

Tag deuxiemeguerre sur Des Choses à lire - Page 6 Image119

Il s'agit d'un roman choral puissant écrit en exil entre 1942 et 1947 par Jean Malaquais, qui ne  se fixe rien moins comme objectif que de raconter la France de 1942, juste avant l'invasion de la zone  non occupée par les Allemands. Une époque où pour ceux qui n'ont d'autre choix que l'exil, on peut encore espérer passer entre les mailles du filet.  Belle ambition, donc, et parfaitement aboutie.

Basé à Marseille, grand port de départ vers l'inconnu et de petites magouilles, avec son satellite le camp des Miles,  s'exportant à Paris,  Vichy et  sur la frontière espagnole, le roman  entrecroise de multiples destins, ceux des petits comme des puissants et des profiteurs, des humiliés comme de ceux qui croient être du côté de la victoire, des révoltés comme des collaborateurs, des traqués comme des policiers, mouchards et autres gardes-chiourme, des apatrides comme des nationalistes. Toute l'humanité est là, vit, s'active, se cache, se démène, réfléchit , aime.....

Sans refuser le pathétique et le lyrisme, s'accompagnant d'humour et d 'ironie, empreint d'humanité, Jean Malaquais nous donne à voir tous les membres de cette société déboussolée, leurs petites et grandes vilenies, leurs bonheurs et leurs courages, leurs majestueuses élégances.

Jean Malaquais est un romancier expert, tout à la fois intelligent et bon, maitrisant un récit démultiplié, plein de rebondissements, de digressions, de détours, tout cela sans (trop) perdre son lecteur (à qui je recommande cependant de bien se concentrer dès le début). Il y met une prose éblouissante d'inventivité, unique, splendide. C'est bluffant.

Planète sans visa fait partie de ces rares romans qu'on lit avec ses tripes, son cerveau  et son coeur, se demandant perpétuellement comment on a pu ignorer son existence jusque-là, comment il se fait que ce n'est pas un classique. C'est l’œuvre d'un écrivain singulier, fascinant, un roman déchirant de beauté, qu'il serait bien dommage d'ignorer plus longtemps.


mots-clés : #deuxiemeguerre
par topocl
le Mer 7 Juin - 16:58
 
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Sujet: Jean Malaquais
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Jacques Perret

Le Caporal épinglé
Souvenirs, livre paru en 1947, environ cinq cents pages.

Tag deuxiemeguerre sur Des Choses à lire - Page 6 Perret10

Jacques Perret a insisté pour que "Le Caporal..." ne soit pas classé parmi ses romans, mais étiqueté comme "souvenirs".
Entendez par ce distinguo qu'il ne doit pas y avoir équivoque pour le lecteur, ce sont des évènements réels, certes un rien retravaillés sous la plume, durant deux années de rédaction, de 1943 à 1944, dans la clandestinité du maquis (et donc tout de suite après que les évènements décrits se soient déroulés).

Un texte long comme une attente de libération, divisé en chapitres titrés assez brefs, bichonnés tels de faux Ausweise.
Sur une fiction, l'auteur se serait sans doute permis d'émonder quelque peu, mais là, il s'agit de rendre témoignage, d'où ce pavé, interjeté depuis l'entre-barbelés.

J'ai eu la chance de le lire dans l'édition originale nrf 1947, avec du papier d'une qualité inférieure à celle de mise, d'ordinaire, dans ces parutions, un piètre encrage laissant au lecteur le soin de deviner quelques mots, si ce n'est une ligne parfois, et même quelques fautes d'orthographe passées inaperçues avant mise sous presse.

Bref, une édition qui respire l'immédiat après-guerre et les moyens du bord, la vie qui reprend, et cette petite note supplémentaire inattendue était parfaitement dans le ton du contenu de l'ouvrage.

De tout ce que Perret fit paraître, ce fut d'assez loin sa meilleure vente.
Jean Renoir en tirera en 1962 un film au titre éponyme, grand habitué des ciné-clubs d'avant le Web.

En y réfléchissant, vu le sujet, tendance grave et lourd (l'armée française en déroute, la captivité, les stalags, la faim, le froid, les travaux forcés, l'éloignement d'avec les siens, bref, tout ce qui fait le quotidien d'un soldat vaincu et emprisonné pour une durée inconnue), et vu les circonstances d'écriture (le maquis, ce n'est quand même pas la table au coin de la fenêtre et du foyer familiaux), il en fallait, de l'humour, du détachement altier, pour oser ces cinq cents pages-là, qui ont leur dose de légèreté -on s'y marre à belle fréquence.

Sous le calot à deux pointes, élevage à pouilleries, le miteux, boueux, puant et esquinté manteau militaire flanqué d'un large "f" blanc dans le dos (pour "flüchtig", fugitif), l'estomac toujours vide et l'onglée aux doigts on reconnaît sans peine la grande noblesse de genre, celle d'épée et de mérite, celle qui réussit l'incroyable tour de force d'allier argot parisien et argot de stalag avec l'imparfait du subjonctif, celle qui pénètre et analyse gens et situations et les restitue en quelques traits vifs et drôles, toujours magistralement croqués parce que finement observés.

Noblesse de goûts et d'honneurs, ceux de ne pas verser dans le manichéisme outrancier, il n'y a pas spécialement de bons et de méchants (excepté, peut-être, Gamelin, Bazaine, les généraux de la France de la ligne Maginot, et le régime de Pétain), au reste les allemands ne sont jamais désignés en termes (trop) péjoratifs, mais plutôt argotiques.

C'est bien, c'est beau, cher Jacques Perret, qu'à partir d'une situation pareille, le cocasse, le jubilatoire de la situation des "Kriegsgefangene" soit toujours privilégié, le lecteur vous en est reconnaissant !


mots-clés : #deuxiemeguerre
par Aventin
le Mar 30 Mai - 14:52
 
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Sujet: Jacques Perret
Réponses: 21
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Ralf Rothmann

Mourir au printemps

Tag deuxiemeguerre sur Des Choses à lire - Page 6 Image113

Jusque là je croyais que le pire, au front, c'était de mourir.


Ce fameux printemps est le printemps 1945, où tout le monde a compris que l'Allemagne avait perdu, mais où l'armée continue à recruter à tour de bras les jeunes garçons et les blessés, à les envoyer au front, et à les fusiller s'ils désertent. C'est un monde d'une cruauté indigne où l'absurdité de la guerre atteint des sommets de cruauté, dont est revenu le père du narrateur, et puis il s'est tu.

Au mérite de décrire un moment historique et des faits rarement décrits dans la fiction, Ralf Rothmann allie celui d'une œuvre romanesque ample et maîtrisée. Son personnage, confronté à des expériences humaines aussi pathétiques qu'insoutenables, à des choix existentiels cruciaux, garde son cap sans forfaiture ni trahison : survivre.

La filiation est l'un des thèmes du livre et curieux sont les personnages des parents dont l'indignité quotidienne perd son tragique, et devient anecdote face à l'ignominie de la guerre.

Je joins la couverture originale qui me parait plus conforme à l'esprit du roman.

Tag deuxiemeguerre sur Des Choses à lire - Page 6 Image114



mots-clés : #deuxiemeguerre #famille
par topocl
le Dim 28 Mai - 19:12
 
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Maja Haderlap

L'Ange de l'oubli

Tag deuxiemeguerre sur Des Choses à lire - Page 6 Ange-d10

   Les noms des camps sont accrochés à ceux qui ont été assassinés et aux survivants comme de petites étiquettes et ils s'estompent avec ceux qui sont décédés entre-temps. Ils disparaissent avec les fermes et domaines, l'herbe et les buissons les envahissent, les recouvrent, à peine s'il en reste une trace, un tas de débris, à peine un appentis vermoulu, un sentier broussailleux.



Maja Haderlap a grandi en Carinthie, la province  autrichienne la plus au sud, au sein de la minorité slovène. Pendant la guerre, les persécutions, les enrôlements dans la Wehrmacht font que toute cette population est plus ou moins directement liée avec les partisans. Ses grands-parents, ses parents alors adolescents, subissent et partagent la violence, la torture ou les camps.

Sur ces familles, au sein de paysages à la sauvagerie protectrice, pèse "le secret de la menace". La mort et le désespoir n'ont pas fini de réclamer leur dû : Maja Haderlap décrit son enfance, façonnée par le personnage tutélaire de sa grand-mère,  bercée par les récits des différentes générations "assailli[e]s et empoisonné[e]s par leurs propres souvenirs", tragiquement malmenée par un père à jamais dévasté.

Puis son départ vers les études, au moment où justement son corps se fait entendre, l'amène à la découverte d'une autre culture, allemande, celle-là, et ainsi de la notion d'appartenance.

   
Durant des mois, je me sens comme un animal figé pendant la mue, auquel la peau qu'il faut ôter est restée coincée au-dessus de la tête, impossible à enlever. Si quelqu'un s'approchait de moi, je pourrais le cogner, sauf que je ne me doute de rien.


Les mots lui feront  saisir les dimensions sociologiques, politiques et historiques de l'histoire de sa famille, et par ce premier roman qu'elle nous offre,  à chasser l'Ange de l'oubli, dans la tradition des écrits peu à peu exhumés des femmes de sa famille.

 
La décision de m'inscrire en études théâtrales vient de mon idée, résultat de nombreuses soirées au théâtre comme spectatrice, que la scène pourrait devenir pour moi un espace où affronter sans danger tous les désespoirs et les complications. Sur scène, les catastrophes sont limitées, on a beau tuer les protagonistes, ils survivent toujours. Ils manifestent leurs déceptions, leurs travers, leurs rêves, leur amour et leur haine, ils peuvent se laisser aller à leurs sentiments et à leurs craintes les plus cruelles. Une représentation a forcément un début et ne finit pas toujours bien. Mais dans tous les cas elle se finit. Le théâtre ne peut nous attaquer par derrière comme la vie, même quand il se débat dans tous les sens. Tout est jeu, tout est en suspens.


J'ai adoré ce livre qui m'a appris un nouveau pan d'histoire. Je suis entrée avec émotion dans l'intimité de cette famille avec toutes ses complexités et ses souffrances,  puis m'en suis éloignée pour y trouver un point de vue plus général, transgénérationnel et politique, dans une langue à la fois mélancolique et poétique. C'est aussi la révélation d'un paysage, d'un mode de vie paysan qui ne demandait qu'à s'impliquer gaiement et humblement dans le labeur traditionnel(j'ai  pensé à MH Lafon dans la description du quotidien paysan), et à qui la tyrannie a imposé le choix du courage et des actes. C'est aussi un roman d'émancipation, laquelle passe par la découverte du monde, de l'autre et de l'usage des mots.

(commentaire récupéré)


mots-clés : #autobiographie #deuxiemeguerre #famille
par topocl
le Sam 25 Mar - 13:59
 
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Sujet: Maja Haderlap
Réponses: 5
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August von Kageneck

J'avais hésité à reprendre ce commentaire l'autre jour mais l'ouverture par Tristram du fil Günter Grass et son malaise remet sur le devant de ma mémoire cette idée de malaise, qui est malaise mais aussi énigme car comment vraiment savoir (rapport à soi), et si ma lecture n'a pas été enthousiaste le point d'interrogation persiste.


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Examen de conscience - Nous étions vaincus mais nous nous croyions innocents.

L'auteur, ancien officier de la Wehrmacht, revient à la fois sur son engagement comme soldat en Pologne puis en Russie et sur l'après de la guerre avec, entre reconstruction et réconciliation, l'écriture ou réécriture d'un passé possible après l'impensable.

Un programme qui promet beaucoup mais suscite aussi beaucoup de réserve. Von Kageneck choisit de transcrire le nécessaire et naturel ressassement. Ses souvenirs, citations de camarades ou d'historiens, petit à petit il reconstruit un parcours collectif. Seulement vers la fin on sort un peu la tête du conflit pour chercher un recul supplémentaire.

Il y a du bon dans cette construction mais malheureusement c'est aussi elle qui fait qu'on peut avoir l'impression qu'on ne creuse pas tant que ça en revenant beaucoup sur les mêmes choses. Notamment l'état de soldat "correct" opposé à la menace communiste. Une vision qui d'ailleurs ne se nuance pas complètement quand il revient sur la montée du nazisme en Allemagne avec l'appui des puissants du pays et d'une droite plus traditionnelle.

Ca a un sens d'essayer de différencier ceux qui ont fait ce qu'il ne fallait pas (SS mais pas que) de ceux qui n'ont pas pu empêcher et de ceux qui ne savait pas là où ils étaient mais ça reste maladroit et là aussi comme en surface quand il faut rapprocher et mélanger les pièces...

Peut-être qu'on reste trop près d'une histoire simplement militaire quand le sujet derrière est l'ombre du génocide ou qu'on ne peut s'empêcher (relativement facile certes ?) de se demander si la victoire ou une défaite autre auraient pu aboutir au même questionnement.

Beaucoup de questions et peu de réponses dans ce livre qui a malgré tout ses bons côtés (surtout l'écriture d'une nouvelle armée) et de moins bons qui sont révélateurs de la complexité d'une situation qui implique de l'affectif et du vécu même dans le camp des vaincus.

Toujours est-il que j'attendais sensiblement plus de cette lecture qui me laisse un léger goût de malaise.


mots-clés : #autobiographie #deuxiemeguerre
par animal
le Lun 20 Mar - 21:25
 
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Anthony Doerr

Toute la lumière que nous ne pouvons voir

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Le récit se situe sous la double férule d'un diamant « magique », qui rend son possesseur immortel, mais n’épargne aucun de ses proches, et de Vingt mille lieues sous les mers. Il faut donc sans doute le prendre comme un conte, et accepter les coïncidences, les bons sentiments, la guérison miraculeuse et le happy end prévisible (nuancé pour cause de guerre mais quand même bien mélo).
Alors, on pourra se laisser bercer par l'aventure et certaines scènes très touchantes de cette valeureuse enfant aveugle qui s'approprie le monde à sa façon. On apportera notre empathie ou notre détestation aux les personnages bien campés (mais un poil trop entiers ) : une jeune aveugle résistante, un jeune orphelin ambitieux égaré par le nazisme et un nazi cancéreux chasseur d'objets d'arts . On admirera l'habileté du récit , entrecroisant les personnages, les correspondances et les époques pendant quatre années de guerre à St Malo.

Toutes choses que je n'ai pu faire qu'à moitié, parfois emportée par les péripéties, amusée par les mises en perspective, mais aussi lassée par les longueurs, agacée par tant de bonnes intentions, par une virtuosité un peu factice, par une fragmentation à outrance des scènes en mini-chapitres entrelacés. Et laissée sur le côté par un style assez sec. Déconcertée, en somme par ce Prix Pulitzer; sans doute cette vie en France sous l’occupation nous surprend-elle moins que les Américains.

Une lecture mitigée donc que ce surprenant et ambitieux « roman français » d'un Américain sans doute un peu naïf , roman populaire plutôt tourne-page, mais pour moi moins bouleversant que ce que l'auteur aurait voulu.

(commentaire récupéré)


mots-clés : #deuxiemeguerre
par topocl
le Mer 15 Mar - 8:44
 
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Sujet: Anthony Doerr
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Collectif : «Grand-Père n'était pas un nazi»: National-socialisme et Shoah dans la mémoire familiale

Tag deuxiemeguerre sur Des Choses à lire - Page 6 C_gran10

Grand-Père n'était pas un nazi: National-socialisme et Shoah dans la mémoire familiale
Sabine Moller, Karoline Tschuggnall, Harald Welzer

En fait, il y a deux livres sortis récemment en France, le premier est intitulé Soldats- Combattre, tuer, mourir: procès-verbaux de récits de soldats allemands, comptes-rendus des écoutes de prisonniers de guerre allemands analysées par l'historien Sönke Neitzel et le psychosociologue Harald Welzer. J'en ai lu quelques extraits dans les critiques de ce livre , par exemple:

"
Les chevaux me faisaient de la peine. Les gens, pas du tout », dit un lieutenant de la Luftwaffe qui a mitraillé un convoi de civils en Pologne. « Qu'est-ce qu'on s'est amusés », dit un sous-marinier racontant comment il a coulé un convoi transportant des enfants. « Rattata » est l'interjection utilisée par le caporal parachutiste Büsing pour expliquer comment sa compagnie, à l'aube, a assassiné au pistolet-mitrai­l­leur tout un village « près de Lisieux-Bayeux », en 1944.

"

Que dire, sinon qu'en lire plus ne me semblait pas utile.


Par contre Gallimard a fait paraître en même temps cet ouvrage sociologique qui date de 2002, et la mémoire familiale est un sujet qui me passionne.
A partir d'entretiens avec des familles qui comportaient toutes au départ des membres, à un titre ou un autre, du parti national socialiste, les chercheurs ont tenté de cerner ce qu'avaient retenu les générations suivantes .
C'est un ouvrage complexe, difficile à lire et qu'il me serait quasi impossible de résumer.
Je préfère copier la quatrième de couverture qui le fait assez bien:

Qu’on ne s’y trompe pas : cet ouvrage va bien au-delà de son sujet immédiat – la manière dont on parlait de l’époque nazie et de la Shoah, dans les années 2000, au sein des familles allemandes. Il concerne, par ses méthodes, son cadre d’analyse, voire ses conclusions, tous ceux qui, en France ou ailleurs, ont à réfléchir aux mécanismes de la transmission de la conscience historique d'une période d’exception, soit à la confrontation de la mémoire sociale et de la mémoire familiale.
Au fil de quarante-huit entretiens familiaux et de cent quarante-deux interviews individuels sur les histoires vécues du passé national-socialiste et transmises entre les générations, il apparaît, en effet, qu’à «la mémoire culturelle» (celle qu’une société institue à une époque donnée sur un certain passé à travers célébrations, discours officiels et enseignement) s’oppose «la mémoire communicative», non plus cognitive mais émotionnelle, ciment de l’entente des membres d’un groupe (parents et proches) sur ce qui fut leur passé vrai, et qui est constamment réactivée dans le présent d’une loyauté et d’une identité collectives.
Ainsi se transmettent dans les familles d’autres images du passé national-socialiste que celles diffusées à l’école : romantiques et enjolivées par l’intégration de scènes cinématographiques, par exemple, elles sont avant tout relatives à la souffrance des proches, causée par le mouchardage, la terreur, la guerre, les bombes et la captivité.
Paradoxalement, il semble que ce soit justement la réussite de l’information et de l’éducation sur les crimes du passé qui inspire aux enfants et petits-enfants le besoin de donner à leurs parents et leurs grands-parents, au sein de l’univers horrifique du national-socialisme, une place telle qu’aucun éclat de cette atrocité ne rejaillisse sur eux. Transmis sous forme non pas de savoir mais de certitude, ces récits, pour finir, convainquent chacun qu’il n’a pas de «nazi» dans sa propre famille : «Grand-Père n’était pas un nazi.»


En gros, donc, plus on s'éloigne de l'individu d'origine, plus on assiste à des excuses ( s'ils l'ont fait, c'est parce que ils n'avaient pas le choix), un déni ( personne n'était de toutes façons antisémite) ou même une " héroïsation" cumulative ( beaucoup de Juifs ont été cachés, nourris, non dénoncés, etc) afin de bien pouvoir extraire ses propres aïeux de la conscience historique et permettre ainsi de faire coexister pacifiquement le " mal" du pouvoir national- socialiste et le " bien" représenté par ses propres grands-parents et arrières grands-parents.
On est bien loin de la banalité du mal de Hannah Arendt, par contre la banalité du bien est de règle...
Et ceci d'autant plus qu'il s'agit d'individus éduqués dans la conscience historique, les commémorations et nourris de fictions mettant en spectacle cette période.

A ce niveau, comme ce n'est pas du tout un ouvrage de psychologie et que les auteurs ne nous expliquent pas pourquoi il en est ainsi, j'aurais moi tendance à penser qu'après tout, ceci est très humain. Grand-Père n'a pas dû trop se vanter de certains actes , et les générations suivantes n'ont voulu retenir que ce qui leur convenait sans se poser plus amples questions?

Plus surprenant, enfin, pour moi, est la persistance de " clichés "liés la plupart du temps aussi pour les jeunes générations , à toutes les images qu'ils ont vues : le Russe est un violeur, l'américain est toujours sympa, le Juif est toujours riche à millions ( et donc aurait dû pouvoir partir...) et le petit fils interrogé? Et bien, écoutons un jeune homme né en 76: " Parce qu'ici , je n'ai pu voir que ça dans les films , l'enthousiasme des gens, c'était tout de même la classe, la manière dont ils ont fait ça! Comme ils criaient tous: Heil Hitler, ou Sieg Heil! Et cet enthousiasme des gens, c'est ce qui est fascinant d'une certaine manière, la force qu'avait ce peuple à ce moment -là. Parce qu'ils ont tous eu peur de nous! "

... Que l'on n' accepte pas que son grand-père ait pu être un nazi, pourquoi pas. Mais qu'on en arrive à souhaiter qu'il l'ait été, et, finalement, en être très fier, c'est peut être un petit peu plus inquiétant?


mots-clés : #deuxiemeguerre #documentaire
par Marie
le Lun 13 Mar - 3:49
 
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Sujet: Collectif : «Grand-Père n'était pas un nazi»: National-socialisme et Shoah dans la mémoire familiale
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Christopher R. Browning

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Des hommes ordinaires : Le 101e bataillon de réserve de la police allemande et la Solution finale en Pologne

présentation de l'éditeur a écrit:A l'aube du 13 juillet 1942, les hommes du 101e bataillon de réserve de la police allemande entrent dans le village polonais de Jozefow. Au soir, ils ont arrêté 1 800 Juifs : 300 hommes sont sélectionnés pour le travail, les autres, femmes, enfants et vieillards, sont abattus à bout portant. Les quelque 500 policiers de réserve du 101e bataillon n'avaient rien de nazis militants ou de racistes fanatiques. Ces " hommes ordinaires " ont eu, à plusieurs reprises, l'occasion de s'abstenir. Ils ont, dans leur immense majorité, préféré obéir, faisant en seize mois plus de 83 000 victimes, assassinées sur-le-champ ou déportées vers Treblinka. Analysant les témoignages de 210 anciens du bataillon, Christopher Browning retrace leur parcours, analyse leurs actions et leurs motivations, dans un des livres les plus forts jamais écrits sur la Shoah et sur l'ordinaire aptitude de l'homme à une extraordinaire inhumanité.


Une lecture sur laquelle j'étais resté partagé. L'objectif de rigueur et d'objectivité énoncé ne donnant pas forcément l'impression d'être poussé jusqu'au bout et une construction chronologique brouillée par des allers-retours expliqueraient mes réserves.

Il faut cependant souligner que le cœur de l'ouvrage repose sur un ensemble de témoignages a posteriori, collectés dans les années 60. Épluchés, sélectionnés et recoupés ils servent à tenter une reconstitution de comment ces "hommes ordinaires", ces policiers, hommes déjà mûrs, certains pères de famille, originaires de Hambourg ont pu participer activement, plusieurs fois, aux basses besognes de la Solution finale.



L'auteur n'est d'ailleurs pas le seul historien à s'être intéressé à ces témoignages, la postface est consacrée aux divergences de vue avec un confrère (Goldhagen). Partie laborieuse qui peut rendre compte d'une recherche d'objectivité plutôt que de condamnation d'office ? faut voir. j'ai été déçu aussi dans cette dernière partie par la démonstration qui est loin d'être extraordinaire, mis à part que l'approche du livre qu'on a en main est nettement plus motivante.

Pour ce qui est des faits reconnus on apprend beaucoup, sur le rôle des ghettos, certaines évolutions de la façon de mettre en oeuvre les exécutions : alcool, "sous-traitance" à des soldats étrangers, un découpage de l'ensemble en tâches attribuées à des acteurs différents, ...

Le dur des faits, les descriptions d'exécutions, les chiffres qui vont avec dépassent de loin toute possibilité d'imagination ou de projection. Ce n'est pas un problème d'abstraction c'est que (dieu merci !) sans ce genre d'expérience il est impossible de conceptualiser ça, de concrétiser le sens des mots et des chiffres.

Avec les extraits de témoignages et d'autres documents le livre essaye de définir ce qui a rendu possible le passage à l'acte "d'ensemble", en incluant les différences de caractères et d'attitudes, les refus, degrés divers d'acceptation et  de participation active. Des clés ou des pistes sont trouvées dans le contexte historique : l'endoctrinement, la guerre, l'usure morale dans cette guerre, mais aussi dans les dynamiques de groupe : hiérarchie, peur des sanctions, une forme de solidarité aussi teintée d'une volonté ne pas se marginaliser dans une structure qui ne peut pas l'accepter. Beaucoup d'ingrédients qui laissent inquiet et songeur tellement c'est à la fois lointain et quotidien à d'autres degrés.

La démonstration ne se transforme pas pour autant en justification, ce qui n'est pas étonnant et à rapprocher des chiffres comme 500 acteurs pour 83000 victimes (exécutions et participation aux déportations). Pas étonnant mais l'énigme et l'inquiétude qui motive ce type de lecture reste entière...

Les rappels  sur les expériences comme celles de Milgram (fameuse histoire des décharges électriques) sont légers. Les retours sur le poids du groupe, les oppositions d'images lâcheté/courage, faiblesse/force, endoctrinement/libre arbitre, le racisme "d'époque"... déplacent le sujet sur une perspective qui n'est plus historique ou alors "à actualiser" (sans que ce soit formulé explicitement).

A côté du comment c'est donc la question de la légitimité de l'acte et de l'individu qui est posée, le sentiment implicite qui fait qu'on évite de se poser des questions.

Reste qu'il est à travers cette lecture seule, et dans l'absolu ?, impossible de se projeter dans ce monde d'alors et qu'on ne peut pas non plus estimer le poids du choix individuel du refus (question politique d'une forme d'inaction).

La conclusion brute qu'on serait obligé d'en garder n'est pas réjouissante : statistiquement nous sommes des monstres.

(A prendre avec des pincettes car c'est une refonte avec de lointains souvenirs d'un avis de lecture de 2010... ).


mots-clés : #antisemitisme #deuxiemeguerre #communautejuive #historique
par animal
le Dim 12 Mar - 22:01
 
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Sujet: Christopher R. Browning
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Sebastian Haffner

Les discussions récentes sur les témoignages de rescapés des camps de la mort me fait penser que ce livre pourrait intéresser nombre d'entre vous.
Ma lecture est ancienne, mais de nombreuses images marquantes me restent encore en mémoire. Un témoignage précieux.

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Histoire d'un Allemand - Souvenirs (1914-1933)

Sebastian Haffner était étudiant en droit. Il a assisté, aux premières loges, à la montée en puissance du nazisme. Ecoeuré, horrifié, il a quitté le pays en 1938. Ce livre lui fut commandé la même année par un éditeur anglais ; mais la guerre éclata, et le manuscrit ne fut jamais publié. Il ne fut redécouvert qu'après la mort de l'auteur, et publié en 2000 en Allemagne, non sans avoir été dûment authentifié. En effet, certaines personnes contestaient qu'il ait pu avoir une vision aussi claire des horreurs qu'allait engendrer la folie nazie. Ce qui est certain, c'est que cet ouvrage met terriblement à mal l'explication si souvent entendue : "On ne savait pas…"

Pour qui s'intéresse à cette période, ce livre offre un éclairage nouveau et passionnant. La forme du récit oscille entre le témoignage et l'essai ; l'auteur nous parle de cette époque à travers le prisme de sa propre expérience d'Allemand "ordinaire", mais il va aussi plus loin, tentant d'analyser l'incidence du contexte historique sur les réactions du peuple allemand. Tout d'abord, il essaie de comprendre les raisons de l'inertie d'une grand majorité d'Allemands face à la montée du nazisme. Selon lui, les soubresauts de la politique nationale, l'instabilité des différents gouvernements au pouvoir depuis la guerre de 14-18, ou encore l'inflation galopante, ont peu à peu réuni les conditions qui ont amené Hitler au pouvoir alors qu'il n'avait pas gagné les élections de 1933…
Totalement désabusé, comme anesthésié, le peuple n'a pas réagi à ce coup de force, pas plus qu'il n'a réagi ensuite aux lois et aux exactions commises par les nazis. (assassinats, tortures, intimidations… le tout à la vue de tous, contrairement à ce qui a pu être dit…)

Sebastian Haffner nous livre ensuite un récit très riche, qui nous plonge littéralement dans la vie d'un Berlinois dans les années 30… Il décrit avec justesse le contexte politique incertain, l'arrivée d'Hitler au pouvoir, la montée de la peur, l'embrigadement... Stupéfiant passage que celui où l'auteur, alors étudiant en droit, se trouve obligé de passer 3 semaines dans un camp militaire à claironner des chants nazis, étape obligée s'il veut espérer obtenir son diplôme de juge…
Le lecteur va de surprises en surprises. L'un des passages qui m'a le plus stupéfiée est celui où l'on apprend que les discours prônant l'extermination des juifs étaient diffusés dans les rues de Berlin par haut-parleur... Même si la méthode exacte d'extermination était inconnue, il ne faisait aucun doute que leur fin était programmée…
De même, l'on apprend horrifié qu'un jour, alors qu'il était tendrement enlacé avec sa petite amie, un groupe d'enfants accompagnés de leurs professeurs les a tout naturellement salué d'un claironnant "Mort aux juifs ! Le plus cruellement ironique étant que la petite amie était bel et bien juive, ce qui n'était pas encore visible, le port de l'étoile jaune n'ayant pas encore été instauré…

Ce récit m'a profondément marquée. C'est un livre nécessaire, profond, qui soulève des questions passionnantes et avance des explications des plus intéressantes. Bien des justifications entendues après guerre volent en éclat à la simple lecture de cet ouvrage. Et l'on ne peut que louer la lucidité et la clairvoyance de l'auteur, mais aussi son honnêteté. Jamais il ne se fait passer pour un homme héroïque. Simplement pour un citoyen responsable, qui a refusé les compromissions indispensables alors pour exercer le métier auquel il était promis…
J'ajouterai enfin que le style, superbe, est à la fois très littéraire et facile à lire. Je ne saurais trop le recommander à tout lecteur intéressé par cette période. Je pourrais vous en parler encore longtemps, mais je préfère laisser la parole à l'auteur avec quelques extraits.


Deux extraits du prologue, écrit je le rappelle en 1939 :

"En usant des pires menaces, cet état exige de l'individu qu'il renonce à ses amis, abandonne ses amies, abjure ses convictions, adopte des opinions imposées et une façon de saluer dont il n'a pas l'habitude, cesse de boire et de manger ce qu'il aime, emploie ses loisirs à des activités qu'il exècre, risque sa vie pour des aventures qui le rebutent, renie son passé et sa personnalité, et tout cela sans cesser de manifester un enthousiasme reconnaissant."

" Ces duels dans lesquels un individu cherche à défendre son individualité et son honneur individuel contre les agressions d'un Etat tout-puissant, voilà six ans qu'on en livre en Allemagne, par milliers, par centaine de milliers, chacun dans un isolement absolu, tous à huis clos. Certains duellistes, plus doués que moi pour l'héroïsme ou le martyre, sont allés plus loin : jusqu'au camp de concentration, jusqu'à la torture, jusqu'à avoir le droit de figurer un jour sur un monument commémoratif. D'autres ont succombé bien plus tôt : aujourd'hui, ils récriminent sous cape dans la réserve de la SA ou sont chef d'îlots dans la NSV."



Page 214 :

" Les nazis ne font désormais plus mystère de leur propos de dresser les Allemands à pourchasser les juifs dans le monde entier. L'intéressant, c'est ce propos lui-même, qui est une nouveauté dans l'histoire universelle : la tentative de neutraliser, à l'intérieur de l'espèce humaine, la solidarité fondamentale des espèces animales qui leur permet seule de survivre dans le combat pour l'existence ; la tentative de diriger les instincts prédateurs de l'homme, qui ne s'adressent normalement qu'aux animaux, vers des objets internes à sa propre espèce, et de dresser tout un peuple, telle une meute de chiens, à traquer l'homme comme un gibier."


(ancien commentaire largement remanié)


mots-clés : #autobiographie #deuxiemeguerre #regimeautoritaire
par Armor
le Ven 10 Mar - 14:53
 
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Sujet: Sebastian Haffner
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Sarah Waters

Ronde de nuit

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Voilà un roman assez curieux. Au lieu de nous présenter des personnages et de nous expliquer ce qu’ils deviennent, Sarah Waters raconte la vie de quelques jeunes gens, à Londres, au lendemain de la guerre, reliés entre eux par des liens divers démenant chacun leur existence propre, et remonte dans les années précédentes pour mieux expliquer ces liens, leur fragilité et leur caractère douloureux. Et on ne sait pas du tout ce qu'ils vont devenir .

C'est un livre fort intéressant et attachant car il nous décrit une époque : celle de la guerre à Londres. Cela crée un décor fascinant de ruine désolée, de couvre-feu, de bombardements… Elle nous décrit ces jeunes gens pris dans cette tourmente angoissante : les gestes et paroles sont toujours marqués par le fait qu'il seront peut-être les derniers ; la révolte et  l'angoisse de la mort rôdent, autorisant des comportements, des sentiments, des choix, qui auraient peut-être été mis de côté dans une période autre.

Les jeunes femmes sont pour la plupart de jeunes lesbiennes, au  caractère extrêmement moderne, affranchi, émancipé, portant le pantalon, fumant et buvant du whisky, comparant leurs bas nylon et s'offrant des pyjamas en satin, bien décidées à mener leur vie et leur sexualité comme elle l'entendent, et cela m'a un peu rappelé comme ambiance, dans la franchise de leurs relations, l’excellent roman de Simone de Beauvoir, l'Invitée (qui, lui, ne parlait pas ouvertement d'homosexualité).


Enfin il faut souligner l'écriture de Sarah Waters, en particulier dans les situations à deux, très liées au décor et à l'environnement, au lieu des rencontres, et où rien n'échappe de la subtilité des sentiments, des allers-retours, des réticences, des anges qui passent,  où les 5 sens se manifestent, les odeurs, les bruits, un bras qui frôle, un tissu qui se froisse… On entre ainsi intensément dans l'intimité des personnages, dans l'urgence de leurs sentiments, leur fragilité et c’est souvent magnifique (parfois un peu long, mais on lui pardonne volontiers).

(commentaire récupéré et discrètement remanié)

mots-clés : #deuxiemeguerre #identitesexuelle
par topocl
le Dim 5 Mar - 11:41
 
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Sujet: Sarah Waters
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Peter Schneider

Encore une heure de gagnée : Comment un musicien juif survécut aux années du nazisme

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On peut lire ça comme un "simple" roman d'aventure haletant. Konrad Latte , ce jeune pianiste juif, l'un des derniers Juifs dans Berlin qui n'ait pas émigré ou n'ait pas été déporté, survit dans Berlin, de cache en cache, sans baisser la tête, malgré l'absence d'argent, de logement, de papiers et de cartes d'alimentation. Il gagne sa vie comme organiste dans les différentes églises de la ville, puis part sur le front Est diriger un orchestre dans le but de distraire et encourager les soldats, car où est-on le mieux caché que dans la gueule du loup?
C'est tout à fait extraordinaire et palpitant.

Mais Peter Schneider l'a surtout voulu comme un hommage aux Justes qui l'ont aidé, un peu ou beaucoup, une cinquantaine de personnes au moins. Il prend le soin de  nommer tous ceux qui sont identifiables et de décrire leur destin. Une seule a été punie pour cela : celle qui lui a donné deux tickets de rationnement-textile pour s'acheter des lacets...
Et c’est là que Peter Schneider insiste : contrairement à ce qu'on a tant dit pour racheter les consciences, cette attitude de solidarité et de résistance était possible.

Passionnant de bout en bout.


mots-clés : #communautejuive #deuxiemeguerre #biographie
par topocl
le Dim 26 Fév - 20:24
 
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Sujet: Peter Schneider
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Pavel Kohout

L'heure étoilée du meurtrier

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quatrième de couverture : En février 1945, les bombardements des Alliés se succèdent sur Prague pour faire plier les Allemands... Le corps de la veuve d’un dignitaire nazi est retrouvé horriblement mutilé. Pour des raisons politiques, Morava, jeune policier tchèque, et Buback, inspecteur chevronné de la Gestapo, sont obligés de s’associer pour mener l’enquête. Les voilà lancés sur la piste d’un meurtrier psychopathe, une terrifiante poursuite qui va bouleverser leurs vies.

Tandis que les Allemands tentent de retarder l’inéluctable et que les communistes s’apprêtent à s’emparer du pouvoir, les deux hommes apprennent à se connaître et à s’estimer. Autour d’eux le monde s’écroule et le chaos s’installe.


Avis :

Bon petit polar au coeur du Prague de la fin de la guerre où une véritable anthropologie du peuple tchèque est mis en avant au travers d'une enquête bien ficelée. Les crimes sont particulièrement morbides et le questionnement entre crimes de guerre et crime tout court est très intéressant.
Les personnages sont bien représentés dans ce contexte de fin de guerre, beaucoup d'emphase romantique contrasté avec un fort désespoir dans certaines situations, j'ai trouvé que Kohout savait excellemment gérer les sentiments de ses personnages. Cela change du polar nordique ou du moins d'un certain type où le personnage possède un état émotionnel prédominant sur tout le reste.
De belles descriptions de Prague avec certains lieux que je connais donc cela m'a fait du bien de les retrouver.
Style simple, des fois un peu trop c'est le seul bémol mais il ne remet pas en cause la qualité de l'histoire.
J'ajoute l'expression superbe de certains dilemmes que les personnages ont en eux, très réalistes, cela fait du bien de voir "monsieur tout le monde" dans un livre, qui partage nos doutes et nos questions qu'il soit policier ou non.
Une belle oeuvre du genre policier.


mots-clés : #deuxiemeguerre #polar
par Hanta
le Dim 26 Fév - 18:18
 
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Sujet: Pavel Kohout
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Laurent Binet

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HHhH 


Originale: Français, 2009

CONTENU :
Se promenant à travers Prague l’auteur découvre une plaque commémorative, placée sur le mur d’une église. On y fait mention de ces resistants tchèques et slovaques, infiltrés par Londres et le gouvernement de Benes en exile. Ils s’y sont cachés après l’attentat contre Heydrich : chef de la Gestapo, du reseau d’espionnage nazi, planificateur de la « solution finale », à la tête des massacres perpetrés par les SS dans l’Est, protecteur par interim de la Moravie et de la Bohémie, appelé aussi « le bourreau », « la bête blonde », « l’homme le plus dangéreux du Troisième Reich ». Et dans cette crypte trouvera la fin la traque de ces héros de la résistance.

Le narrateur, Binet alors lui-même (très présent dans ce récit) retrace les pas de Heydrich, puis de ces hommes de la résistance jusqu’au jour de l’attentat...

REMARQUES :
Le livre consiste de 257 chapitres assez brefs, numérotés sur un total de 448 pages. Au centre : des personnages et des événements historiques. L’auteur se défend qu’on appelera ce roman « historique ». Pourtant ce n’est pas non plus un pur livre d’Histoire. Ni un pur roman : pour cela l’auteur prétend trop souvent de s’écarter le moins possible des certitudes.

Le titre paraît cryptique, l’était au moins pour moi. En français on le laisse tel quel (et pourquoi ? Il y avait quelqu’un qui pourrait l’expliquer?), tandisque dans l’édition allemande on poursuit avec l’explication de cette abbrévation : « Himmlers Hirn heißt Heydrich » donc « le cerveau de Himmler, c'est Heydrich ».

Mais oui : Heydrich incarne en lui la machinerie de mort en marche. Il n’y est pas juste un executant, et le bras droit de Himmler (Chef des SS), mais aussi un cerveau, p.ê LE cerveau derrière les solutions, les idées les plus radicales, brutales. Un homme sans scrupules...

Par le titre alors l’attention semble se porter vers ce serviteur de la mort. Et à part des pages d’introduction résumant un peu le contexte jusqu’à l’attentat, toute une première partie, voir la moitié du livre, est consacrée à raconter son devenir, ses apparitions aux moments clés ou se décident les choses les plus horribles... Par contre, plus tard Binet expliquera lui-même que l’éditeur n’avait pas retenu le titre proposé « Operation anthropoïde », selon le code pour l’entreprise de resistance. Il aurait avant tout voulu rendre hommâge à l’héroïsme de ces hommes, partis de Londres avec la quasie certitude de ne pas survivre à cette mission suicidaire. Mais cet acte était (et devrait être) un signe symbolique et parlant pour la volonté de liberté de tout un peuple opprimé sous le joug des Nazis.

Oui, ce livre est certainement bien recherché (Binet a éudié l’Histoire), on devine des lectures faites. Certaines informations ne m’étaient pas connues, ou sont tombées dans l’oubli.
Oui, il y a des passages émouvants de ces jeunes gars et leur résolution, partant pratiquemment sans espoir de survivre.
Oui on trouve certaines idées, commentaires justes et enrichissants. Par exemple (pour moi) je trouvais intéressant la composition de ce pair de résistant : Un Slovaque (Gabcik) et un Tchèque (Kubis), selon la volonté de Benes en exile. Car il fallait exprimer une volonté unie de ces deux unités qui prenaient apparemment des cheminements différents : Ici la Bohèmie/Moravie comme partie du Reich (« Protectorat »), là un état vassalle, apparemment libre, mais soumis, à l’image de Vichy : la Slovaquie. Le livre fait surmonter des simplifications.
Les pages qui m’ont presque le plus touchés sont l’évocation des innommables, des multitudes sans noms qui étaient engagés dans la resistance, qui ont apporté leur pierre et ont souvent payé avec leur vie... Qui pensent à eux, en fait mémoire ? Comment ne pas oublier ?

Dans une introduction (ou une explication à la fin du livre?) l’auteur aurait pu expliquer ce qui semble le hanter : la frontière entre fiction et réalité, la part de l’auteur, ses choix, ses questionnements etc.

MAIS face au sujet, et presqu’en général, je trouvais le ton pris par l’auteur proche de l’insupportable. Quelle place centrale LUI il joue ici dans le roman ! Est-ce qu’il s’agit alors des victimes, des héros, dont il parle aussi volontiers ? Je ne veux pas exprimer toutes mes doutes, mais sa façon de procèder m’a profondément énnervé, oui, énnervé. Peu de pages où n’apparaît pas un regard vers son nombril. Cela dévie le lecteur, au moins moi, de l’essentiel. Je n’avais pas envie de lire un livre sur Binet ! Quelles reflexions centrées sur soi d’un écrivain amoureux de sa personne ?!

Mais je m’arrête ici. Avec pas mal de coupures le livre avait tout pour être excellent, mais dans ce traitement cela devient moyen, très moyen.

A chacun de juger.


mots-clés : #deuxiemeguerre #historique
par tom léo
le Mar 21 Fév - 22:49
 
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Jiri Weil

Mendelssohn est sur le toit

Tag deuxiemeguerre sur Des Choses à lire - Page 6 Dfgsd111

Jiri Weil fait, à mon humble avis partie des trois plus grands écrivains tchèques avec Kafka et Hrabal.
L'importance de son travail littéraire en République Tchèque est considérable et son étude habituelle dans les cercles universitaires.
Sa réflexion sur la situation des juifs pendant la seconde guerre mondiale et après l'est tout autant.
Ce roman raconte l'histoire de soldats nazis ayant pour mission de retirer toutes les statues rendant hommage à des artistes juifs dont le compositeur de musique Mendelssohn. Le sujet prête à rire s'il n'était hélas authentique. Weil prend garde de bien mettre en avant l'absurdité d'une telle démarche avec des débats entre les soldats mémorables sur la façon de reconnaître une statue juive. Hélas il y a aussi le drame, Weil nous le rappelle par son style laconique, triste, d'une simplicité humble et réaliste. On lit les pages on s'amuse, on culpabilise de s'amuser mais il y a aussi une émotion dont on ne connaît précisément l'origine et qui nous étreint. On referme le livre, on le repose, et il est impossible de ne pas être différent d'avant la lecture car ce récit transforme, par sa réflexion, par son histoire tout lecteur interpellé par cette époque tragique. Un grand roman.



mots-clés : #antisémitisme #communautejuive #deuxiemeguerre #romanchoral
par Hanta
le Dim 19 Fév - 19:27
 
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Sujet: Jiri Weil
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Tamiki HARA

Tag deuxiemeguerre sur Des Choses à lire - Page 6 51dwj610

Ce n'est pas évident de parler de Fleurs d'été. Je crains de ne pas pouvoir éviter les lieux communs ni la maladresse. Le caractère documentaire de ce texte complique toute prise de distance. Je vais commencer par mon ressenti.

J'ai rarement, peut-être jamais, lu un texte qui m'ait autant bouleversé. Je suis sans doute très naïf. Sans doute, à l'école, on m'a appris ce qui s'est passé à Hiroshima le 6 août 45. On ne nous en a certainement pas fait l'éloge, et je me rendais vaguement compte que c'était mal. Mais est-ce que j'étais un enfant tout à fait insensible, me l'a-t-on enseigné d'une façon légère, inconséquente ? Certes le lieu et la date nous en éloignent, mais je réalise, et cruellement, qu'on n'insiste pas beaucoup sur cet aspect de la guerre. L'éloignement géographique, la France alors déjà libérée, ça nous donne le droit de se sentir moins concerné ?
Les Etats-Unis des années 40, des "gentils Alliés" ? Je pense que c'est une blague.
Je caricature un peu, mais je ne suis pas certain d'être le seul à avoir eu ce vague sentiment de confort, en pensant à ces sauveurs d'Américains. Qu'on ait pu me le faire éprouver, ce sentiment, et aussi tard, voilà ce que je ne supporte pas.

En 1945, l'auteur est réfugié à Hiroshima. Quelques jours avant la fête des morts, redoutant une attaque imminente, il se rend sur la tombe de sa femme pour y mettre des fleurs. La ville est calme, il fait beau. L'auteur laisse paraître doucement sa tristesse. L'atmosphère est paisible, presque religieuse. Ce sera ses derniers souvenirs de Hiroshima telle qu'il l'a connue.

Le surlendemain, c'était la bombe atomique.


Il survit au bombardement. Fleurs d'été en est le récit, ainsi que des jours qui ont suivi. Tout d'abord, le choc du bombardement vécu par l'auteur dans la maison familiale. De la véranda, il voit la ville écrasée; seul, au loin, un bâtiment de béton armé est encore debout. Puis, la fuite : des incendies se déclarent un peu partout dans la ville. Il s'enfuit vers la rivière, progressant sur les maisons effondrées, complètement aplaties. Là-bas, il retrouve ses frères, sa sœur et beaucoup d'autres rescapés. Tous racontent ce qui leur est arrivé, puis ils se séparent. Soudain l'auteur, cherchant à passer la rivière, croise des hommes et des femmes gisant sur le sol. Le corps brûlé, dégénéré, flétri : image plus saisissante et plus terrible encore que s'ils étaient morts, ils agonisent.

Comme nous avancions sur l'étroit chemin de pierre qui longe la rivière, je vis pour la première fois des grappes humaines défiant toute description. Le soleil était déjà bas sur l'horizon, le paysage environnant pâlissait. Sur la grève, sur le talus au-dessus de la grève, partout les mêmes hommes et les mêmes femmes dont les ombres se reflétaient dans l'eau. Mais quels hommes et quelles femmes ...! Il était presque impossible de reconnaître un homme d'une femme tant les visages étaient tuméfiés, fripés. Les yeux amincis comme des fils, les lèvres, véritables plaies enflammées, le corps souffrant de partout, nus, tous respiraient d'une respiration d'insecte, étendus sur le sol, agonisant.


L'auteur commence à prendre la mesure du désastre. Il s'agit ensuite de retrouver les membres de sa famille, et les emmener se faire soigner dans des centres improvisés. La mort est partout; les gens se meurent dans la rue, sous les arbres, près de la rivière, partout où ils ont pu trouver une place pour s'allonger. Après quelques jours, l'auteur et ceux de sa famille qui ont survécu trouvent à se réfugier dans un village de la région. Par manque de soins et de nourriture, chacun s'affaiblit; certaines maladies se déclarent, certains succombent à leurs blessures. Le récit s'arrête là.

J'en suis sorti complètement sonné. Il était temps de lire ce texte. On se trouve complètement démuni face à un tel déchaînement aveugle, face à l'ampleur de ce crime. L'auteur se tient au récit de ce qu'il a vu, dans toute son horreur. Il n'ajoute aucun jugement personnel, ne fait presque pas allusion aux agresseurs. De cette manière, il fait paraître, contenus, son incompréhension et son désespoir face à l'attaque d'un ennemi invisible, muet, dont on n'imagine pas que les mouvements puissent avoir une quelconque logique.

C'est tout de même un très beau texte, plein de simplicité et de force, servi par une écriture claire et sensible. C'est une œuvre terrible, essentielle et dont on sort changé.
On peut regretter que Tamiki Hara ne soit pas plus traduit en français.


mots-clés : #autobiographie #deuxiemeguerre
par Quasimodo
le Dim 19 Fév - 14:48
 
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Sujet: Tamiki HARA
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