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Gilbert-Keith Chesterton
La sphère et la croix
Titre original: The ball and the cross. Roman, 300 pages environ, 20 chapitres.
Les intitulés des chapitres sont vraiment évocateurs, allez, pour la joie de les poser là:
- Spoiler:
- – Une discussion un peu en l’air
– La religion du juge
– Antiquités
– Une discussion à l’aube
– Le pacifiste
– L’autre philosophe
– Le village de Grassley-in-the-Hole
– Un intermède
– La dame étrange
– Une passe d’armes
– Un scandale au village
– L’île déserte
– Le jardin de la paix
– Un musée d’âmes
– Le rêve de MacIan
– Le rêve de Turnbull
– L’idiot
– Rencontres
– La dernière conférence
– Dies Iræ
Publié en 1910 à l'état de livre, parution en feuilletons échelonnés entre mars 1905 et novembre 1906 dans "The Commonwealth". C'est le troisième roman, par ordre chronologique, de Chesterton.
Dessin de Ben Hatke, tiré de son blogue où vous en trouverez quelques autres ayant trait à "La sphère et la croix", ainsi que quelques propos sur le livre, dont il a illustré une ré-édition.
Ici un lien vers un téléchargement du livre (en version originale), ou encore ici.
La sphère et la croix est une fable, signée d'un maître-métaphysicien. Rassurez-vous, elle est garnie en paradoxes, l'écriture est leste, décapante et joyeuse, le tout est très enlevé. Pas d'inquiétude, le sens de l'humour, si particulier, est à l'habituel niveau de cette figure de proue britannique du genre. Truculent, rondement mené et jubilatoire !
Tout commence dans le "vaisseau volant" du professeur Lucifer, accompagné par un moine-ermite âgé, bulgare "de grande sainteté", du nom de Michaël, qu'il a kidnappé dans le but de le convertir à ses idées. Croyant aborder une planète inconnue, tout en croisant le fer (verbal) sur des thèmes emprunts de symbolique avec Michaël, Lucifer manque de justesse percuter...la cathédrale Saint-Paul à Londres, surmontée d'une sphère et d'une croix. Furieux des arguments du moine, le professeur Lucifer jette Michaël hors du "vaisseau volant", celui-ci se rattrape in extremis aux branches de la croix qui surmonte la sphère.
S'ensuit un passage remarquable, poético-philosophique, celui de la descente du moine, qui rencontre un gardien, lequel l'amène via les escaliers au sol, avant de le remettre entre les mains de la police, afin de le faire interner en tant qu'aliéné.
De façon concomitante, un jeune écossais catholique (Evan MacIan) fracasse la vitre d'un homme de plume athée dont les écrits et son commerce ne provoquent qu'une totale indifférence (James Turnbull), après avoir lu en vitrine quelques propos comparatifs entre la Vierge et une divinité mésopotamienne.
S'ensuit un attroupement, une demande de régler cela en duel, et l'affaire finit au tribunal, où MacIan campe sur sa position, tandis que Turnbull, plus roué et plus au fait de ce qui peut se dire à la barre d'un tribunal londonien, s'en sort à son avantage. Mais, à la sortie, coup de théâtre: Turnbull, qui a enfin rencontré quelqu'un qui réagit à ses travaux -la chance de sa vie !-, exige son duel, et voilà nos comparses fouinant dans la boutique d'un antiquaire, afin de trouver les épées ad hoc. Ils en trouvent, ligotent l'antiquaire qui leur refusait le droit de se battre dans son jardinet, et leur duel est interrompu par le fait que l'antiquaire, s'étant libéré, a ameuté la police.
Nos protagonistes s'échappent en cab "réquisitionné" de force, puis quittent la ville afin de poursuivre leur querelle ailleurs, tandis que leur affaire fait grand bruit dans les journaux, et que la police les pourchassent. Chesterton, tout en tirant quelques remarques bien senties et paradoxales sur le journalisme et sur la marche du monde, donne dans le quichottisme.
Chesterton a toujours la délicate gaité consistant à poursuivre un genre prisé il y a longtemps, et qui semble avoir perdu ses lettres de noblesse, la farce, ainsi que le burlesque, comme à plusieurs reprises souligné pour ce qui concerne d'autres de ses romans, que j'ai eu la joie de commenter sur ce fil.
Mais Turnbull et MacIan seront sans cesse interrompus dans leurs tentatives de duel, ce qui participe à l'effet comique. Un pseudo-ange pacificste (?), un philosophe sanguinaire quelque peu dérangé, la marée, une dame de la haute société qui les sauve de la police, jusqu'à une fuite en bateau sur une île de la Manche (où, grimés, ils intervertissent leurs rôles en quelque sorte, pour quelques pages savoureuses), et même sur ce qu'ils croient être une île déserte ils sont sans cesse conduits à remettre leur duel.
Je ne vais pas m'étendre sur le pourquoi c'est si spécifiquement pré-kafkaien et pré-borgésien, ce serait vraiment trop dévoiler. Les personnages secondaires, empêcheurs de s'entretuer en rond ou non, sont remarquables. Et le monde -la société moderne- qui empêche deux gentlemen de s'entretuer pour un prétexte qui, paradoxalement toujours, pourrait être le seul qui vaille, donne aussi l'occasion à Chesterton de renverser ce qui est interprété comme la folie ordinaire du côté de la normalité, et vice-versa. Le retournement du regard du lecteur est finement amené, c'est, là aussi, très chestertonien, et de haute volée.
Chesterton, ailleurs que dans ce roman a écrit:Toute ma vie, j’ai aimé les bords, les arêtes ; et la limite qui amène une chose à se dresser très vivement contre une autre.
Pour les principaux caractères, Michaël/Lucifer (très allégoriques) et MacIan/Turnbull sont, peut-être, à rapprocher de Chesterton/G-B Shaw, ou encore Chesterton/Robert Blatchford (directeur de The Clarion comme, dans le roman, Turnbull est directeur de The Atheist).
Il est intéressant de noter la complicité de Turnbull et MacIan, fraternisant, somme toute, très vite dans l'adversité. MacIan veut expédier le duel avant de trop éprouver d'amitié (=caritas, amour du prochain) envers Turnbull. Et le non-dit final, déductible (permettez que je reste vague, c'est pour l'intérêt des futurs lecteurs) les rapproche encore plus.
Affirmer que j'ai aimé & aime ce livre est peu affirmer.
Je m'efforce de ne rien dévoiler, de tout laisser intact pour que ceux qui sont susceptibles de le parcourir.
Au surplus quelques extraits:
Chapite II a écrit:Londres l'intimida un peu, non qu'il le trouvât grand ni même terrible, mais parce que cette ville le déconcertait. Ce n'était ni la Cité d'or ni même l'enfer, c'étaient les Limbes. Une émotion le saisit quand, tournant le coin merveilleux de Fleet Street, il vit Saint-Paul se dresser dans le ciel:
"Ah, dit-il après un long silence, voici une chose qui fut bâtie sous les Stuarts !".
Puis, avec un sourire aigre, il se demanda quel était le monument correspondant dû aux Brunswicks et à la Constitution protestante. Après réflexion, il opta pour une annonce juchée sur un toit et qui recommandait des pilules.
chapitre XI a écrit:Le père et la fille était de cette sorte de gens qui normalement auraient échappé à toute observation,, celle, du moins, qui dans ce monde extraordinairement moderne sait tout découvrir, excepté la force. Tous deux avaient la force sous leur apparence superficielle, comme ces paisibles paysans qui possèdent dans leurs champs d'immenses mines non exploitées. Le père, avec son visage carré et ses favoris gris, la fille, avec son visage carré et la frange d'or de ses cheveux, étaient tous deux plus forts qu'on ne le supposait. Le père croyait à la civilisation, à la tour historiée que nous avons dressée pour braver la nature, c'est-à-dire que le père croyait à l'Homme. La fille croyait à Dieu et était encore plus forte. Ni l'un ni l'autre ne croyait en lui-même, car c'est là une faiblesse décadente.
chapitre VIII a écrit: Je commence à comprendre un ou deux de vos dogmes, monsieur Turnbull, avait-il dit énergiquement, alors qu'ils gravissaient avec peine une colline boisée. Et je m'inscris en faux contre chacun de ces dogmes à mesure que je les comprends.
Celui-ci, par exemple: vous prétendez que vos hérétiques et vos sceptiques ont aidé le monde à marcher de l'avant et tenu bien haut le flambeau du progrès. Je le nie. Rien n'est plus évident, d'après la véritable histoire, que chacun de vos hérétiques a bâti un cosmos de son invention et que l'hérétique venu après lui a pulvérisé ce cosmos.
Qui donc aujourd'hui sait exactement ce qu'enseigna Nestorius ? Qui s'en soucie ? Nous ne sommes, sur ce sujet, certains que de deux choses. La première est que Nestorius, en tant qu'hérétique, eut une doctrine tout à fait opposée à celle d'Arius, l'hérétique qui le précéda, et sans aucun intérêt pour James Turnbull, l'hérétique qui vint après lui. Je vous défie de revenir aux libres penseurs du passé et de trouver un asile aupès d'eux. Je vous défie de lire Godwin ou Shelley ou les déistes du XVIIIème ou les humanistes adorateurs de la nature, à l'époque de la Renaissance, sans découvrir que votre pensée est éloignée de la leur deux fois plus qu'elle ne diffère de celle du pape.
Vous êtes un sceptique du XIXème siècle et ne cessez de répéter que j'ignore la cruauté de la nature. Au XVIIIème siècle, vous m'auriez reproché d'ignorer sa bonté et sa bienveillance. Vous êtes athée et vous glorifiez les déistes du XVIIIème. Lisez-les au lieu d'en faire l'éloge et vous découvrirez que leur univers ne subsiste ou n'est détruit que par l'idée de divinité. Vous êtes matérialistes et vous tenez Bruno pour un héros de la science. Voyez ce qu'il a dit et vous le prendrez pour un aliéné mystique. Non, le grand libre penseur, quelles que soient son habileté et sa bonne foi, ne détruit pas pratiquement le christianisme. Ce qu'il détruit, c'est le libre penseur venu avant lui.
La libre pensée peut être suggestive, elle peut être excitante, posséder autant qu'il vous plaira ces mérites qui viennent de la vivacité et de la variété. Mais il est une qualité que la libre pensée ne peut jamais revendiquer...la libre pensée ne peut jamais être un élément de progrès. Elle ne le peut pas, parce qu'elle n'accepte rien du passé; elle recommence chaque fois au commencement, et, chaque fois, s'en va dans une direction nouvelle. Tous les philosophes rationalistes sont partis sur des routes différentes, si bien qu'il est impossible de dire lequel a été le plus loin. Qui peut discuter sur le point de savoir si Emerson fut optimiste à un degré supérieur ou Schopenhauer fut pessimiste ?
C'est comme si l'on demandait si ce blé est aussi jaune que cette colline est escarpée.
chapitre XX a écrit:- Vous me refusez ma demi-bouteille de Médoc, la boisson la plus salutaire et qui m'est la plus habituelle. Vous me refusez la société et l'obéissance de ma fille que la Nature elle-même impose. Vous me refusez la viande de bœuf et de mouton, alors que nous ne sommes pas en carême. Vous me défendez maintenant la promenade, une chose nécessaire à une personne de mon âge. Inutile de me dire que vous faites cela en vertu d'une loi. Les lois sont fondées sur le contrat social. Si le citoyen se voit dépouillé des plaisirs et des facultés dont il jouirait même à l'état sauvage, le contrat social est annulé.
- Tous ces bavardages n'ont pas de raison d'être, Monsieur, dit Hutton, car le directeur gardait le silence. Nous sommes ici sous le feu des mitrailleuses. Nous avons obéi aux ordres, faites de même.
- Tout fonctionne ici dans la perfection, approuva Durand, comme s'il avait mal entendu; tout marche au pérole, je crois. Je vous demande seulement d'admettre que si par de telles choses nous sommes privés même du confort de l'état sauvage, le contrat social est annulé. Voilà un point intéressant à débattre.
Porté, incomplet mais avec un zeste de retouches, depuis un message sur Parfum du 25 juillet 2015.
mots-clés : #fantastique #humour #religion
- le Ven 12 Jan - 15:40
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- Sujet: Gilbert-Keith Chesterton
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Pasi Ilmari Jääskeläinen
LUMIKKOAu sein d'un petit village finlandais prospère une étrange société littéraire secrète composée de neuf écrivains réunis autour de la figure tutélaire de Laura Lumikko, auteur à succès dune série de livres fantastiques pour la jeunesse. En pénétrant peu à peu dans l'intimité de cette société grâce à un Jeu aux règles complexes permettant darracher la vérité aux membres de la société Ella, une jeune professeur de finlandais aux ovaires déficients, découvre le sombre secret de leur inspiration. Pendant ce temps, Laura Lumikko disparaît, tandis qu'une étrange peste semble s'être abattue sur les livres de la bibliothèque : certains livres voient leur fin subtilement altérer...
Avec une écriture pleine dironie, Pasi Ilmari Jäaskelainen nous invite dans un univers trouble, progressivement étouffant, qui n'est pas sans rappeler celui déployé dans la série Twin Peaks de David Lynch, et réussit la gageure de créer une atmosphère à la fois drôle et inquiétante.
À la fois conte initiatique, hommage à la mythologie finnoise et thriller sombre et angoissant, ce roman polymorphe constitue avant tout une réflexion acérée sur la position de l'écrivain dans la société et sur la nature de linspiration.
Ce livre, tout en ayant le désavantage de laisser sur sa faim, a l’avantage de nous mettre face à moults questionnements pour lesquels une relecture serait certainement un moyen de saisir certains éléments qui n’ont pas percuté à la première, alors que nous n’avions pas notion de la chute. J'en ai d'ailleurs fait une en diagonale et j'ai déjà relevé pas mal de choses. Je reste tout de même frustrée car il est étonnamment insaisissable, bien que je pense qu'une analyse fine pourrait en livrer une certaine explication, mais pour cela il faudrait une vraie relecture dans laquelle je ne souhaite pas me lancer dès à présent.
L'ambiance et l'atmosphère étrange monte crescendo, c'est interrogeant mais je pense n'avoir eu une réelle accroche et le désir de savoir que quand certains mystères supplémentaires surviennent. Reste ensuite à notre interprétation ce que l’on veut bien entendre de ce livre, et c’est là la partie la plus intéressante (et la plus prise de tête) car il faut essayer de recréer le puzzle.
J'ai mis une grande partie en spoiler car cela livrerait des éléments, après, à chacun de choisir s'il souhaite lire ou non. Ces éléments donnent certaines informations de ce qui se passe, mais ce sont essentiellement des recoupements que j'ai pu faire car vraiment, l'œuvre est complexe.
Tout d’abord, voici la trame de fond :
L’histoire se situe dans le village natal d’Ella, un village dans lequel résident nombre d’écrivains, dont ceux de la société littéraire créée par Laura Lumikko. Ella Milana a 26 ans, des « lèvres bien dessinées et des ovaires déficients ». Drôle de présentation d’emblée que nous fait ici l’auteur. Ses fiançailles ont été rompues 3 mois après cette nouvelle. Elle est professeur remplaçant de finnois, et l’histoire commence quand elle découvre avec horreur que la fin de crime et châtiment a été changée, Sonia tuant Raskolnikov.
Cette modification dans l’œuvre de Dostoïevski est à l’origine de sa rencontre avec Ingrid Kissala et du fait qu’elle apprenne de sa bouche le fléau qui s’abat sur les livres, certains d’entre eux étant atteints d’une « peste » qui les rend instables.
Ella a fait son mémoire sur Laura Lumikko et notamment la dimension mythologique de ses œuvres, un ensemble de livres intitulés « Bourg-aux-monstres ». Avec la nouvelle qu’elle a écrite, « Le squelette était assis dans la grotte et fumait en silence », elle est repérée par Laura Lumikko et intègre à Société d’écrivains créée par celle-ci pour être le 10ème et dernier membre.
- Spoiler:
Or, elle ne rencontrera jamais Laura, celle-ci disparaissant dans une tempête de neige le jour même de la soirée dans laquelle elles auraient du être présentées.
Le corps de Laura n’est jamais retrouvé. Nous apprenons néanmoins à mieux la connaître au fil du roman : une personne qui avait connu une mort clinique enfant après être tombée dans un étang gelé, un accident dont les séquelles auraient du être irréversibles au niveau des handicaps. Or, revenant quelques années après, elle est bien rétablie, sauf des migraines et le fait qu’elle ne se souvient pas l’accident et a des hallucinations. C’est à ce moment qu’elle crée la Société avec des enfants de neuf ans, futures graines d’écrivains qu’elle envisage de former. Elle impose aux sociétaires un Jeu aux règles plus ou moins perverses, base du processus de connaissance de l’autre et de création, sorte de vampirisme des expériences et vécus des autres. Ce Jeu va éloigner tous les sociétaires l’un de l’autre car ils connaissent trop sur leurs compagnons et ont aussi beaucoup déversé d’eux à chacun. Dans les règles du jeu, le défi doit survenir après 22h heure et est souvent accompagné de « jaune », du penthotal (substance pour l’induction et l’entretien de l’anesthésie générale, aussi utiliser comme drogue dans les interrogatoires pour inhiber la résistance du sujet questionné), qui les met dans un état semble-t-il propice à déverser sur le mode de l’association libre psychanalytique.
Le Jeu va être pour Ella le moyen d’obtenir des informations sur Laura Lumikko et sa société littéraire. Elle en découvre aussi certains secrets, notamment l’existence d’un 10ème sociétaire, jalousé des autres pour son soi-disant « génie », dont personne n’a jamais parlé, et qui se révèle à la fin être un enfant autiste qui se contentait de réciter des textes entendus, et était illettré. Il serait mort dans un accident. Les autres enfants ont récupéré son carnet après sa mort en le volant, l’ont lu pour certains, et ensuite l’ont enterré. Seuls ceux qui ne l’ont pas lu ne redoutent pas qu’Ella expose que l’inspiration des sociétaires viendrait de ce cahier et non d’eux. Les autres se verraient brisés par cette révélation.
Ensuite, voilà les quelques éléments que j’ai recoupé ou qui sont récurrents :
- L’empereur-rat est un personnage des livres de Bourg-aux-monstres. Il fait peur, mais sur la couverture du dernier livre tout juste amorcé de Lumikko, « Le retour de l’empereur rat », il est présenté sur la couverture comme ami de la Blanche mère puisqu’elle part avec lui sous le regard terrorisé des monstres. L’empereur rat n’apparaît pas vraiment dans les livres parus de Bourg aux monstres, il est celui qui rôde la nuit et qui déverse de noirs secrets que personne ne peut entendre sans en être brisé. Les premiers mots du livre avorté sont « J’ai vu la fille venir sur la glace et son ombre est tombée sur moi ». Un rat est aussi présent dans le livre au moment où Ingrid pense que son père lui a fait cadeau d’un rat mort pour voir ce qu’elle allait faire.
- Le revenant, ou plutôt « l’ombre » de la fin, avec son toucher froid qui fait penser aux effets de l’approche de la mort, m’amène à penser que cette ombre est justement la mort. Par rapport à cela, l’ombre apparaît aussi dans la première phrase du « retour de l’empereur rat » : « J’ai vu la fille venir sur la glace et son ombre est tombée sur moi ». Notons aussi qu’Ella a toujours eu peur de s’approcher de la mare dans laquelle elle semblait distinguer quelque chose.
- On a aussi la scène, raconté de plusieurs bouches dans laquelle Ingrid, visitant la maison, se serait retrouvée dans une pièce remplie d’eau dans laquelle elle aurait pris deux livres très lourds : un qui appartient au rat-mort et l’autre qui est instable et donne mal à la tête. On peut supposer que le rat-mort est le 10ème sociétaire décédé car cet épisode survient peu après sa disparition. Ingrid s’enfuit avec les livres, poursuivie de Maarti, et va les poser à la bibliothèque. Elle est trempée, mais étonnament lui aussi, et quand il vole les livres dans la bibliothèque, Ingrid est décrite comme allongée par terre la tête dans une flaque. Ensuite, le cahier du mort est proposé à la lecture, une seule nuit, aux autres sociétaires avant d’être enterré. Ella fait aussi un rêve où elle est dans une bibliothèque, cherche des livres qu’elle aurait écrits, et ne trouve que des livres vierges d’écritures, lourds comme des pierres car faits de pierre. Dans ce rêve elle entend aussi une respiration dans son cou, quelque chose est derrière.
De plus, certains éléments récurrents sont présents dans le récit global :
- les chiens sont présents dès les débuts dans la bibliothèque avec la « littérature canine », mais aussi dans nombre de moments de l’histoire (par exemple à côté de la voiture retrouvée), puis de plus en plus, notamment en se regroupant autour de chez Talvimaa. Il en est de même des guêpes qui sont en nombre lors du déterrage du carnet, mais apparaissent à d’autres endroits, notamment une guêpe sort de la bouche de Lumikko quand Ingrid la regarde dormir et pique l’enfant
- La question de la mort est présente à différents endroits ; que ce soit la mort d’Oskar, mais aussi celle du père d’Ella. IL y a aussi la bibliothèque décrite et même nommée comme un mausolée, la proposition (étonnante) de la mère d’Ella de la mettre dans la tombe familiale, la mort des animaux (l’oiseau, le papillon notamment)
- Oskar, le 10ème membre, serait mort de noyade ou d’un accident de voiture Parmi les autres sociétaires, et notamment Silja, des rêves et lapsus tournent plutôt autour d’un assassinat. Silja est toujours prête à dire (comme un lapsus) que « Le garçon a été assassiné ». Maarti, quant à lui, a eu l’idée qu’il s’est noyé dans l’étang à côté de la maison de Lumikko. On peut ajouter que Maarti est pétri d’une culpabilité, et c’est aussi lui qui appelle Ingrid pour lui dire : « il est à nouveau là, debout dans le jardin, il regarde la maison sans bouger ». Un cartographe parle de culpabilité refoulée qui attire les revenants. Un livre de Maarti nommé « Monsieur Papillon », qui fait référence à la mise à mort d’un papillon pour servir son expérience littéraire
Autres éléments possiblement intéressants :
- La mère de Maarti morte d’avoir reçu une moto neige
- Les cauchemars des enfants du village qui voient Lumikko morte dans leurs rêves
- Les parents d’Oskar ont eu un accident avec lui qui lui a couté la vie, sa mère étant restée paralysée car a eu la colonne fracturée dans un accident de voiture. Le mari, quant à lui, est aveugle
- Concernant la « Mare aux nixes », l’histoire raconte que 5 enfants s’y seraient noyés, et qu’une silhouette étrange y aurait plongé sans jamais remonter. La mare aux nixes originelle est différente de celle creusée par le père de Lumikko. Tous les enfants fuyaient l’étang comme la peste
- Le rapport aux enfants : Ella a les ovaires déficients, Lumikko n’aime pas les enfants, Silja s’est faite avorter mais avant, regardait son corps changer dans le miroir. Sans compter que les enfants sont très souvent présentés comme quantité négligeable, les sociétaires qui en ont ne s’y intéressent pas vraiment.
- Une actrice devient folle en tentant de se mettre dans le personnage de Lumikko
- Les personnages de Bourg aux monstres : Bobo Rix Rax qui tue Humidon et s’en veut, Boule d’écorce, le personnage de Bourg aux monstres préféré d’Ella, transmet des images symboliques allant jusqu’à l’horreur aux arracheurs…
Il y a encore nombre de choses mais je ne peux pas toutes les citer ici.
Bon, pourquoi citer tout cela, pour tenter de faire des liens, et si certains parmi vous ont des idées, n’hésitez pas.
Maintenant, de là à savoir ce que l’auteur veut nous faire passer, il y a un grand pas … que j’ai du mal à franchir.
Personnellement, j’ai écarté l’étude de la possible dimension symbolique car elle risque d’être complexe à déterminer sans connaître la culture finnoise, ses mythes et son vocabulaire.
Après, plusieurs hypothèses me sont venues à l’esprit :
- Un roman qui est en fait un conte métaphorique qui vient, sous couvert de l’histoire des personnages de la société, parler de l’inspiration littéraire en en passant par la page blanche (manque d’inspiration) ; l’utilisation des autres comme vecteurs sans plus d’états d’âme, une sorte de viol de l’intime pour donner matière au livre (c’est la dimension que représente le Jeu qui, finalement, est un moyen d’absorber quelque chose de la vie de l’autre pour l’utiliser par la suite, sorte de vampirisme de tranches de vie). ; jusqu’où il est possible d’aller pour être inspiré et se faire reconnaître (mort du papillon mais peut-être aussi mort d’un enfant ; utilisation des autres comme des objets…). Je pense que cette dimension est la toile de fond n’est pas à exclure de l’analyse de ce roman, car l’œuvre est pour moi une forme de métaphore de la création littéraire et de ce qui l’accompagne.
- L’hypothèse d’une décompensation d’Ella n’est pas à exclure, car finalement dès le début du livre, ce qui est posé ce sont ses « ovaires déficients » et comment sa vie a été en peu de temp bouleversée, par cela, par sa séparation, et par la perte de son père. D’ailleurs, elle perd les pédales en classe en leur donnant un sujet pour le moins interrogeant et est arrêtée dans son travail pour cela, donc pour désordres psychologiques. Si on prend cette hypothèse, l’ensemble de l’histoire pourrait être entendue comme le déploiement du délire de Ella, délire dans lequel des éléments de la réalité sont utilisés mais distordus, et certainement aussi des éléments mythiques de la culture finnoise qui ont pu être une croyance intégrée aux éléments délirants. Cela serait aussi possible d’imaginer qu’Ella est Laura, celle-ci ayant été prise d’hallucinations après son accident et l’ayant oublié.
Je pense en fait que ce roman est construit sur les bases des principes du rêve (condensation : un élément en condense plusieurs ; déplacement : un élément, émotion, etc est déplacé sur un autre), ou encore des principes de la construction du délire. En gros, ce roman est à mon sens à penser avec la question de l’inconscient. Après, comment les choses s’organisent, là est toute la question.
Est-ce que c’est un pur délire d’Ella ? Est-ce qu’il y a aussi des pans de réminiscence de son passé ? Est-ce qu’on est à une seule époque ou est ce que les temps se mélangent ? Qui est mort et qui est en vie ? ….
Pour moi, cela part malgré tout d’un événement réel survenu dans la mare. D’ailleurs cette mare a la réputation d’avoir vu mourir nombre de personnes, dont au moins 5 enfants au 19ème. Y a-t-il mélange entre morts du passé et présent (un peu comme dans 6ème sens) ? Laura a-t-elle vraiment survécu ? Qui s’est noyé ? Qui l’a noyé ? Parfois j’ai supposé que deux des enfants pouvaient avoir été à l’origine du décès par noyade, surtout du fait des déversages où Ingrid est trempée, Maarti aussi, et où ce sont eux qui ont le cahier.
Je vais cesser de me prendre la tête … car où que je cherche, j’ai l’impression d’avoir encore plus de questions ….
mots-clés : #contemythe #fantastique #polar
- le Lun 25 Déc - 7:46
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- Sujet: Pasi Ilmari Jääskeläinen
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Romain Verger
Fissions
Ce roman est une histoire étrange, cauchemardesque. Un jeune homme se marie avec une jeune femme qu’il connaît à peine, qu’il a rencontrée sur Internet, Noëline. Et ce mariage va être une véritable tragédie, un basculement de sa vie.
Le jeune narrateur se retrouve interné dans un hôpital psychiatrique après s’être crevé les yeux et se rappelle cette nuit de noce mémorable qu’il consigne par écrit chaque jour. Le roman commence dans cette chambre d’hôpital.
L’écriture est belle et tirée au cordeau, chaque détail décrit minutieusement est plus horrifiant que le précédent. Les personnages sont glauques, étranges, en particulier la méchante belle-mère et la belle-famille, tous grotesques et immondes, qui donnent envie de s’enfuir en courant, annonciateurs du cauchemar à venir ; le lieu et le climat qui y règne sont tout aussi sinistres, dans une maison à la campagne emplie d’insectes dégoûtants. Dans ce roman un petit quelque chose de surnaturel ajoute à l’effet esthétique du style.
Ce livre, un thriller, est intéressant par la qualité de son style d'écriture, son esthétisme, son originalité, et ce qu’il produit sur le lecteur.
Extraits :
« Au retour de l’église, j’avais l’impression de revenir d’une messe d’enterrement. Le visage collé à la vitre, hagard et noyé sous les larmes, Noëline se refusait à mes câlins. […] »
« Je ne pensais qu’à faire bonne figure face aux invités qui affluaient, tous ces gens inconnus qui se pressaient pour me féliciter, tous plus laids les uns que les autres. Combien transpiraient la maladie, le visage rougeaud et gonflé, le nez rosacé couvert de papules, lorsque la face tout entière érythème n’était pas le foyer d’abjects granulomes. D’autant qu’à certains moments, des cris de bête nous parvenaient de là-haut, qui ébranlaient les soupières de gaspacho. Alors les gens chuchotaient, comme s’il se tramait quelque chose dont j’ignorais tout. »
« Peut-on mieux dévoiler l’amour à ceux qui s’y destinent qu’en les séparant comme on tranche les siamois, en taillant dans la chair et brisant l’os iliaque, dans le vif des deux, en dédoublant le mal, en répliquant la nuit ? Pour te retrouver, te voir, je suis du bout des doigts les nouveaux traits de mon visage, cette page de braille qu’est devenue ma face : arêtes, séracs, fissures, escarpes, l’exact calque en trois dimensions de ce pays montagneux dans les plis contractés duquel a couvé notre union. Il ne nous aura guère fallu une vie entière pour qu’à l’image de ces couples que de longues années de vie commune façonnent l’un en miroir de l’autre, nous en venions à nous confondre. »
mots-clés : #fantastique #polar
- le Mar 12 Déc - 21:47
- Rechercher dans: Écrivains européens francophones
- Sujet: Romain Verger
- Réponses: 5
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Hanns Heinz Ewers
Dans l'épouvante
Histoires extraordinaires
Et de qualités inégales. Ma confiance en la Petite Bibliothèque Ombres n'aura pas empêché la déception d'ensemble. Qu'étais-je parti chercher dans ces nouvelles ? Dun frisson, du mystère, possible mais surtout je crois la touche d'exotisme, le goût de la frontière entre cet exotisme et le mystère, la petite sensation chaleureuse derrière des réserves formelles de bon aloi ?
Dans les premières nouvelles Hanns Heinz Ewers fait plutôt dans le carton pâte et l'excès grotesque ce qui fait passer le résultat dans la catégorie du divertissement plutôt ennuyant ou ennuyeux (les deux en fait)? On aimerait bien se prendre au jeu mais on baille et on soupire.
La veine plus romantique de La fin de John Hamilton Llewellyn et du Journal d'un oranger fonctionne mieux tout en manquant de surprise et les Antilles de La Mamaloi plus développées ont le malheur d'afficher une provocation qui manque elle aussi de surprise (ou pourra faire montrer les crocs si on envisage les choses autrement).
Déception. Et ennui. Néanmoins possible extrait prochainement.
mots-clés : #fantastique #nouvelle
- le Dim 5 Nov - 9:18
- Rechercher dans: Écrivains européens de langue allemande
- Sujet: Hanns Heinz Ewers
- Réponses: 16
- Vues: 1167
Horacio Quiroga
J'ai lu ce livre à la fin de l'année dernière, comme je vois qu'il y en a plusieurs que cet auteur intéresse, je vous fais part des impressions que j'avais écrites à la va-vite... :Anaconda
Les dix-huit nouvelles d'Anaconda (1921) s'enchaînent si bien que le tout, malgré tout composite, pourrait former un récit qui suit lentement son cours. Dix-huit étranges nouvelles qui circulent en rond, et on se trouve à bord, avec Quiroga qui nous racontent les hommes comme un personnage de Conrad. Là-dessus, la dix-neuvième nouvelle change totalement d'univers mais pas la sensibilité. La lecture d'Anaconda est comme un jeu sur le sens et sur les mots, mais laisse en morceaux, c'est difficile de dire ce qui s'est passé, ou comment. On baigne dans ce qui est à la fois étrange et familier.
Horacio Quiroga a écrit:– Mais cet accent vous va très bien. Je connais beaucoup de Mexicains qui parlent notre langue, on ne ne croirait pas... Ça n'est pas la même chose.
– Vous êtes écrivain ? reprit Stowell.
– Non, répondis-je.
– C'est dommage, parce que vos remarques nous seraient d'une grande valeur, d'autant qu'elles viennent de très loin, d'une autre race.
– C'est ce que je pensais, appuya Miss Phillips. Votre littérature prendrait un nouveau souffle avec un peu plus de parcimonie dans l'expression.
– Et dans les idées, dit Burns. C'est ce qui manque le plus, par là-bas. Dolly est très calée dans cette branche.
– Et vous, vous écrivez, lui demandais-je en me tournant vers elle.
– Non ; je lis dès que j'ai un moment... Je connais assez bien, pour une femme, ce que l'on écrit en Amérique du Sud. Ma grand-mère était du Texas.
Je lis l'espagnol, mais je ne le parle pas.
– Et vous aimez ?
– Quoi ?
– La littérature latine d'Amérique
Elle sourit.
– Sincèrement ? Non.
– Et celle de l'Argentine ?
– En particulier ? Je ne sais pas... Tout se ressemble tellement... Tout est si mexicain !
Mots-clés : #aventure #fantastique #nouvelle
- le Jeu 19 Oct - 12:49
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Horacio Quiroga
Contes d’amour, de folie, et de mort
Le titre annonce d’emblée la couleur. Et le premier conte, La poule égorgée, se charge d’enfoncer le clou : il y aura en effet beaucoup de folie et de mort, dans ce livre, et l’amour n’ira jamais sans l’un ou l’autre…
Ces contes (que je qualifierais plutôt de nouvelles), ont été écrits sur une période de quinze ans, et sont selon moi assez inégaux. Celui qui ouvre le recueil, La poule égorgée, est tout bonnement abominable. Tout y est outré, déformé. Atroce. Je crois que je n'aurais pas tenu si le reste avait été à l’avenant...
Pour résumer grossièrement, je dirais que certains contes, mettant en scène des animaux ou des petits bourgeois en mal de sensations fortes, m'ont paru longuets. D’autres (les bateaux suicides, La mort d’Isolde), m’ont semblé un peu surfaits, par le fond comme par la forme ; j'avais le sentiment de les avoir déjà lus. J’ai préféré l’auteur dans des textes plus courts et tranchants, à la réalité crue. Et puis j’ai été marquée, forcément, par sa dénonciation du statut des forestiers -la plupart du temps indiens guarani -, quasiment réduits en esclavage par les propriétaires des exploitations. Pour ceux-là, la nature, l’ivresse ou la musique sont les seuls échappatoires possibles.. A moins qu’il ne s’agisse de mirages ?
Apparement, Horacio Quiroga est régulièrement comparé à Maupassant. Si je peux comprendre cette comparaison par certains aspects, Quiroga n’a pas, selon moi, ce qui fait tout le génie de Maupassant : le sens du « basculement », de la phrase lapidaire qui change tout, qui remet tout en perspective. Et puis, les personnages de Quiroga, tracés à grands traits, réduits à leur amour fou, leur folie, leurs outrances, manquent de finesse, quand Maupassant a le don d'installer des êtres infiniment complexes. C’est peut-être cela qui m’a le plus manqué durant cette lecture, de sentir toute l’humanité de ces hommes au bord du gouffre.
Restée relativement en retrait, je ne retiendrai donc aucune nouvelle en particulier. Et pourtant, c’est un recueil qui laisse une impression durable. Il y a la patte de l’auteur, tout d’abord ; un style, une plume. Et puis cet univers étrange, en demi-teinte, qui, lorsqu’il ne sombre pas dans le fantastique, navigue sans cesse aux frontières d'une réalité nimbée d’une aura inquiétante et désespérée.
Enfin, je ne puis penser à ces contes d’amour, de folie et de mort sans immédiatement visualiser la nature uruguayenne, omniprésente, oppressante. Ce ne sont que serpents tueurs, fourmis dévoreuses, miel paralysant et marécages impénétrables... La promesse d’aventure et de liberté que cette nature-là semble parfois porter n’est qu’illusoire : toujours, l’homme se retrouve dompté, réduit à sa triste insignifiance. Comme avalé. Effacé.
Et c’est ce désespoir, je crois, cette lutte vaine et acharnée, contre la nature, contre la mort, contre la vie-même, que je retiendrai.
mots-clés : #fantastique #nature #nouvelle #social
- le Mer 18 Oct - 1:00
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Rubén Darío
Verónica et autres contes fantastiques
Rubén Darío est un écrivain enchanteur qui, dans ce recueil de nouvelles, marie avec raffinement la poésie, l’ésotérisme et bien sûr le fantastique puisqu'il est un grand amateur de littérature fantastique et voue une admiration certaine à Edgar Poe, le tout avec une belle touche d’humour.
Le recueil réunit dix nouvelles : la première, « Thanatothopie » fait référence à la littérature de Poe, un clin d’œil ou un hommage à l'Américain, avec, on s'en doute, la mort au programme ; les hallucinations dans « Le cauchemar d’Honoria », le savoir magique dans ce « Conte de la nuit de Noël » qui n’oublie pas non plus la mort avec la réincarnation ; le monde de son enfance et des fantômes est visité dans « Le spectre », il s'enrichit de ses voyages, avec humour, sur le destin déjà tracé, par exemple dans « Le ruban rouge ». Le temps qui fait son œuvre est ici suspendu dans « Le cas de mademoiselle Amelia ».
Ces courtes nouvelles, des récits quasi surnaturels, sont colorées d’étrangeté, de mystère, et de charme, aujourd’hui je dirais de charme un peu désuet, ce qui ajoute à la poésie de ce cher Rubén Darío.
Mots-clés : #contemythe #fantastique #nouvelle
- le Dim 15 Oct - 10:42
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Ricardas Gavelis
Merci Eglantine !Vilnius Poker
Un autre roman qui se dresse comme une ville-livre, où les rues sombres forment ensemble un labyrinthe. Une question se maintient avec une force obsédante et donne au titre tout son sens ; Qui croire ou que croire ? Vilnius prend corps de la même façon que Petersbourg chez Gogol ou Bucarest dans la trilogie Orbitor de Mircea Cartarescu (Il y aurait beaucoup d’autres exemples à évoquer). Mais alors que Bucarest prenait une forme franchement délirante, franchement fantastique, c’est plus ambigu pour Vilnius.
L’ambiance est si sombre qu’elle paraît presque irréelle, invraisemblable, mais ne peut pas être complètement noire pour cette raison : La réalité survit autant que la perception de personnages patibulaires, déprimés ou alcoolique le permet. Pourtant on sent bien que cette Vilnius fantomatique est un portrait lucide pour ne pas dire désillusionné de l’homo lithuanicus et à plus forte raison de l’homo sovieticus, de toute l’humanité réduite à un silence stupide. Une musique grisante se dégage de ce roman habilement construit, va directement au cœur d’une certaine manière. Même s’il peut en prendre plein la gueule, parce que le récit est quand même dégoûtant. Mais étrangement pas rebutant, à deux ou trois épisodes près. La troisième partie est peut-être un peu décevante par rapport au reste.
Ricardas Gavelis a écrit:Je n'ai jamais aimé les mathématiques et pourtant j'étais topologue, principalement parce que c'était pratique et sécurisant. C'est aussi la raison pour laquelle je revenais sans cesse à cette macabre et bien-aimée Vilnius. J'avais peur qu'en m'installant ailleurs, je découvre soudain que j'aurais pu, que j'aurais dû, devenir quelqu'un d'autre, mais que c'était trop tard. J'avais peur de me retourner et d'apercevoir mes vies possibles, celles que j'ai dilapidées. Alors je revenais toujours ici où je ne pouvais être rien d'autre qu'un mathématicien. Seulement, une peur encore plus terrible s'emparait de moi à chaque retour : je me rendais compte que j'étais en train de gâcher, irrémédiablement, toutes mes autres vives. J'avais si peur de quitter ces murs, ces rues... n'importe où ailleurs, j'aurais immédiatement découvert une quantité de mes avenirs déjà morts et enterrés, une multitude de possibles avortés.
Mots-clés : #contemporain #fantastique #lieu #regimeautoritaire
- le Mer 27 Sep - 19:31
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Giovanni Papini
Le miroir qui fuit
Originale : Il specchio che fugge (Italien, la nouvelle du même nom a été publié en 1906, l'ensemble de ces dix contes en cette forme et édition seulement en 1975)
CADRE :
Ce recueil de dix nouvelles fantastiques a été publié et préfacé tel quel bien après la mort de Papini par Jorge Luis Borges dans le cadre de sa « Bibliothèque de Babel » (voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/La_Biblioth%C3%A8que_de_Babel_(collection) ). Pour la nouvelle qui donna le titre au recueil, j'ai bien pu identifié la date de parution (1906), mais pas pour les autres (petit manquement). Est-ce qu'il faut en déduire qu'il s'agit du « jeune Papini » ?
REMARQUES :
Il s'agit donc d'une dizaine de « contes fantastiques » que je ne vais pas présenter un par un. Toujours il y a un narrateur qui participes plus ou moins à l'intrigue ou est lui-même vraiment le personnage principale. Partant d'un élément fantastique absurde, irréel comme la perte d'identité, l'arrêt du cours du temps, le retour vers un état du passé, la confrontation avec une histoire fictive racontée par un autre qui correspond à ma propre vie etc., Papini nous met devant quelques aspects existentiels de nos vies : le temps et son cours (« sa fuite »), l'identité et sa perte, la vie entre réalité et rêve...
Giovanni Papini me convainc par sa langue aussi bien drôle que grave, qui peut exprimer la peur profond comme une grande ironie, voir un mépris. On peut lire ces pièces comme étant assez pessimistes, voir nihilistes, mais on peut aussi se confronter avec ces expériences d'absurde pour aller plus loin. J'ai donc bien aimé de découvrir Papini finalement à travers ce livre, présent un peu par hasard dans la bibliothèque départementale. J'ai envie de poursuivre l'aventure et je suis déjà tenté par Gog !
mots-clés : #fantastique #nouvelle
- le Lun 21 Aoû - 21:43
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Alessandro Baricco
Châteaux de la colère
Dans cette ville imaginaire de Quinnipack vivent des personnages extraordinaires. Mr Reilh et sa femme la fascinante et mystérieuse Jun. Un couple dont l’amour participe à une vie originale sanctionnée par le projet grandiose et fou de Mr Reilh. Pekish dont la vie est rytmée par les sons et la musique, Pehnt un jeune garçon abandonné vêtu d’une veste d’adulte qui va sceller son destin, Mme Abegg une veuve jamais mariée. Un autre personnage, Mr H. Horeau vient aussi porter son rêve à Quinnipack comme si ce lieu devait concrétiser tous les espoirs.
Ces personnages sont forts comme leurs rêves fous, mais fragiles comme en est leur réalisation.
La musique de ces mots nous atteint, nous transporte dans des univers étonnants.
Je découvre toujours de la magie, du merveilleux dans ces récits.
L’écriture se découvre en notes tragi-comiques, héroïques ou idéalistes.
Dans ce livre il « croque » subtilement les personnages et dresse une ville familière alors même que sa description se limite à une rue principale, une église et le chemin qui mène à la demeure des Reilh. Subjugué le lecteur adhère à tous les événements qui s’y déroulent, même les plus loufoques.
Le destin peut être un livre, une veste, une note invisible, une locomotive, une construction de verre parfois.
mots-clés : #fantastique
- le Dim 20 Aoû - 10:31
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Joyce Carol Oates
Maudits
Grandiose..selon certains critiques....je rajouterai : époustouflant !
J'ai adoré, génial ! Ou "comment J.C.Oates lâche le diable dans l'Amérique puritaine "...."fascinantes études des moeurs et de l'histoire politique de l'Amérique du 19e"...
Tout à fait ça ! Des faits troublants se sont déroulés dans la région de Princeton...JC.Oates en donne une explication pour le moins originale et surtout....très drôle et....instructive.
Quelques personnages importants du roman : Woodrow Wilson, un parmi les nombreux présidents des US - le 28e, 1913-1921 (qui a mis fin entre autres à l'isolationnisme des Etats-Unis pour se tourner vers l'interventionnisme... ) ...Upton Sinclair promoteur du socialisme aux US (!) 1878-1968 auteur effectivement de "la jungle" livre sur les conditions effroyables des abattoirs, tant pour les animaux que pour les humains...
Jack London, le célèbre auteur, jouisseur, buveur, opportuniste..très content de...Jack London décrit sans complaisance ni indulgence mais avec beaucoup de drôlerie aussi. Sa rencontre avec Upton Sinclair est d'ailleurs hilarante. Inutile que j'en dise plus, ça a déjà été fait plus haut, quand je pense que J.C.Oates a 78 ans !!!
Quelques personnages importants du roman : Woodrow Wilson, un parmi les nombreux présidents des US - le 28e, 1913-1921 (qui a mis fin entre autres à l'isolationnisme des Etats-Unis pour se tourner vers l'interventionnisme...Shocked ) ...Upton Sinclair promoteur du socialisme aux US (!) 1878-1968 auteur effectivement de "la jungle" livre sur les conditions effroyables des abattoirs, tant pour les animaux que pour les humains...
Jack London, le célèbre auteur, jouisseur, buveur, opportuniste..très content de...Jack London décrit sans complaisance ni indulgence mais avec beaucoup de drôlerie aussi. Sa rencontre avec Upton Sinclair est d'ailleurs hilarante.
Inutile que j'en dise plus, ça a déjà été fait plus haut, quand je pense que J.C.Oates a 78 ans !!! A croire qu'elle vient d'une autre planète, pas du "royaume des marécages"..non non, mais plutôt de celui des (grands) esprits
(commentaire récupéré)
mots-clés : #fantastique
- le Lun 17 Juil - 8:47
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- Sujet: Joyce Carol Oates
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Medoruma Shun
Les pleurs du vent/Fuon
Originale : 風音 (Fuon, Japonais, 2004)
CONTENU :
« Jusqu’à présent, personne n’avait jamais eu l’idée de parler sérieusement du crâne qui pleure à quelqu’un d’extérieur au village. D’abord parce que le sentiment d’avoir une dette envers ceux qui étaient morts à la guerre interdisait aux survivants de parler à tort et à travers des disparus, mais surtout parce que quiconque entendait la triste lamentation du vent ne pouvait qu’être saisi de stupeur. »
Tout commence par un jeu d’enfants au pied de l’ancien ossuaire, sur l’air de chiche qu’on grimpe sur la falaise, pour aller voir de plus près le crâne humain qu’on aperçoit d’en bas, et qui gémit sous le vent. De toute la bande, seul Akira a le courage de monter. Et de tout le village, seul Seikichi, le père d’Akira, s’oppose à ce qu’un journaliste de la métropole tourne un reportage autour de la légende du crâne qui pleure, objet sacré, emblème des heures terribles de la bataille d’Okinawa…
Les Pleurs du vent conte magnifiquement la paix retrouvée des âmes.
REMARQUES :
Né sur l'île d'Okinawa l'auteur revient dans ses écrits souvent sur les traumatisme de la bataille d'Okinawa, une des plus sanglantes de la guerre mondiale. Le temps présent du roman peut être situé vers le milieu des années 80 :
Akira entre dans un de ces jeux plutôt bête, veut montrer son courage en mettant un bocal d'eau avec un poisson dans un lieu à part, une grotte difficilement accessible ou on déposait les corps. Une sorte de cimetière à ciel ouvert. La décomposition des corps étaient laisse aux élements, ici les vents, le soleil,les animaux de la mer proche. D'une de ces cranes émanait un ton sifflant, rappelant une plainte. Selon la légende il s'agit d'un Kamikaze de la guerre aérienne.
Seikichi, le père d'Akira, se défend violemment quand à ce moment arrive de la ville des journaliste pour extraire de lui un témoignage, un rapport sur le « crane pleurant ». Mieux vaudrait encore s'y rendre et transgresser un lieu de tabou ! Mais cela ne pouvait que produire des malheurs. Il faudrait laisser un tel lieu comme intouchable, sacré, le respecter, et ne pas en faire un lieu de curiosité malsaine. Au contraire du jeune journaliste Izumi, le vieux, Fujii, semble mieux comprendre...
Mais dans un retour en arrière nous comprenons que Seikichi sait de l'histoire vraiment plus. N'a-t-il pas, comme plus tard alors son fils, et maintenant « en pensée » les journalistes ou ce Taguichi du village (trop sûr de lui-même), une fois brisé des tabous ? Est-ce qu'il avait dérangé le repos des morts ? Est-ce que l'âme du mort trouvera enfin ce repos ? Quoi faire ?
Ce roman fin réunit des réflexions sur le respect pour les morts avec des vieilles culpabilités, mais aussi une paix retrouvée enfin. Aussi à travers des élements phantastiques nous entrons dans un monde qui reste et restera encore, marqué par les atrocités de la guerre.
Impressionnant !
mots-clés : #fantastique
- le Jeu 6 Juil - 7:21
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- Sujet: Medoruma Shun
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Bruno Schulz
Les boutiques de cannelle
Drohobycz, c'est dans cette bourgade qu' est né l'auteur et notre narrateur. A travers de courts textes tels des nouvelles le narrateur dévoile la vie quotidienne de sa ville et de sa famille de religion Juive. Il raconte l'homme d'exception qu'est son père, Jacob, dans ses meilleurs moments comme dans les pires puisque ce dernier souffre apparemment de maladie mentale mais c'est dans le fantastique que va s'exprimer cette altération. Une échappatoire à la grisaille de cette ville et des habitants que Jacob imagine en couleur et en relief.
Déniant au Démiurge le monopole de la création le Père réinterprète la création et fascine ceux qui l'écoutent.
Sublimés par une écriture poétique, par des métaphores extravagantes, cette lecture force l'imagination et emporte le lecteur dans un temps qui lui est inconnu comme ce "13ème" faux mois de l'année.
Le titre du livre porte celui d'une nouvelle "les boutiques de cannelle" où le narrateur, adolescent, va flâner et découvrir ces boutiques, une nuit au ciel plein de promesses.
L'écriture s'inscrit également dans un jeu de contrastes permanent.
L'écriture suffit à mon plaisir de lecture,mais la personnalité du Père est fascinante de par la liberté de son imagination, de sa sensibilité au vivant et à l'immatériel même si l'on a conscience qu'il est passé dans un espace sans retour.
Extraits :
Pleins d'affection, ces arbres simulaient le vent, ébouriffant d'un geste théâtral leurs couronnes, montrant, en des poses pathétiques, l'élégance de leurs éventails, argentés à l'envers comme les nobles fourrures des renards.
Il semblait que des générations entières de journées d'été, comme de patients maçons, étaient venues gratter les crépis moisis des vieilles façades, casser leur émail trompeur, mettant à nu leur véritable visage, la physionomie que le sort leur avait sculptée et aussi la vie qui les avait façonnées du dedans.
Sans nul appui, incompris de nous, cet homme extraordinaire défendait sans espoir la cause de la poésie.
Vous donnez à une quelconque tête de drap et d'étoupe une expression de colère et vous l'abandonnez avec cette colère, cette convulsion, cette tension, vous la laissée enfermée dans une méchanceté aveugle qui ne peut pas trouver d'issue.
Le jour est gris, comme toujours dans ces parages, et le paysage rappelle par instants une photographie de journal illustré, tant sont ternes, plats, les gens, les maisons et les véhicules. Cette réalité mince comme du papier, trahit par toutes ces crevasses son caractère de trompe l'oeil.
Plus loin, derrière les toitures de la place du Marché, je voyais de lointains murs de feu, les façades dénudées des maisons du faubourg. Elles grimpaient les unes sur les autres, raidies par la frayeur, sidérées. Un froid reflet rouge les ceignait d'une couleur tardive.
mots-clés : #fantastique #communautejuive
- le Dim 21 Mai - 10:02
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- Sujet: Bruno Schulz
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Ilya Stogoff
Le livre blancJ'ai bien aimé. Moins que mASIAfucker mais bien apprécié malgré tout.
Court mélange de récits qui sont en fait des histoire et contes fantastiques propagées par des tribus sibériennes. On ne connait pas la véracité de ces contes ni s'il s'agit plutôt d'un délire du romancier.
Histoires passionnantes et dépaysantes elles peuvent aussi présenter un certain caractère horrifique.
Le style est toujours aussi plaisant, très brut, très direct, très représentatif de la littérature contemporaine russe en somme.
Petit bémol trop de personnages empêchent une compréhension facile et l'organisation de l'histoire est parfois chaotique, c'est voulu certainement mais il faut parfois s'accrocher.
mots-clés : #contemythe #fantastique
- le Jeu 23 Mar - 19:28
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- Sujet: Ilya Stogoff
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Yoko OGAWA
CRISTALLISATION SECRETE
Comment survivre dans un univers -une île- où tout disparaît. Non seulement les éléments du paysage, mais le paysage lui-même. Et les souvenirs de ce qui existait.
C'est précisément l'effacement des souvenirs qui rend possible la continuité de la vie, même réduite à rien.
Et puis, il y a la police secrète qui veille à ce que perdure ce phénomène. Les "chasseurs de souvenirs" traquent impitoyablement les citoyens. Ils fouillent les demeures et confisquent les objets personnels et parfois, souvent, leurs propriétaires.
La narratrice elle-même n'échappe pas à cette amnésie collective. Elle a vécu l'arrestation de sa mère, arrêtée par la police et qui n'est jamais revenue...
Son père est mort peu après, et elle se retrouve seule dans sa maison..
Elle prend conscience par hasard qu'une résistance passive s'organise. Une rumeur. Une autre rumeur laisse croire que certains auraient réussi à s'échapper.
Mais un jour, la narratrice accueille un homme qui, lui, se souvient de tout. Non seulement elle l'héberge, mais elle le cache avec l'aide d'un vieux conducteur de ferry au chômage.
Elle le cache parce qu'elle l'aime et aussi parce qu'il essaie de la rééduquer. De lui faire retrouver sa mémoire vive et affective.
Pendant ce temps, les disparitions continuent. S'en suit une longue litanie des disparitions.
Les vivres commencent à manquer et les combustibles. Et l'île est plongée dans un hiver éternel.
Les gens se mettent à perdre leurs membres mais ils s'adaptent, résignés et sans mémoire.
Telle est cette histoire absurde. Yoko Ogawa ne hausse jamais le ton. Au diapason de ces disparitions.
Tout disparaît dans une ambiance grise et feutrée. Rendue plus triste encore à cause de la disparition des oiseaux et des fleurs. Et des livres aussi, puisque la police incendie la bibliothèque. El la narratrice se souvient alors avoir lu quelque part qu'"on commence par brûler les livres et les hommes suivent"..
Mais c'était avant. Avant que tout disparaisse, la vie et les souvenirs.
Une vie qui, en fin de compte n'a de prix que lorsque on en est privé peu à peu.
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mots-clés : #fantastique
- le Mar 7 Fév - 15:21
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- Sujet: Yoko OGAWA
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Haruki MURAKAMI
1Q84 la trilogieAomamé, 30 ans, thérapeute et professeur d'art martiaux, est fille de témoins de Jéhovah et a été élevée dans cette communauté jusqu'à l'âge de 11 ans, puis renvoyée par ses parents parce qu'elle a rejeté leurs croyances. Aomamé est une jeune femme secrète et solitaire qui travaille aussi comme tueuse à gages pour des missions dont l'objectif est toujours d'éliminer des hommes qui ont commis des violences à l'encontre de femmes.
Tengo, 29 ans, professeur de mathématiques, lecteur chez un éditeur, écrit mais n'a jamais encore réussi d'œuvre accomplie. Il est le fils d'un collecteur de la redevance pour la chaîne de télévision japonaise NHK5. Son éditeur, Komatsu, lui demande de récrire en secret La Chrysalide de l'air, un manuscrit maladroit mais très original reçu d'une jeune fille de 17 ans, Fukaéri, pour le présenter au prix littéraire des jeunes auteurs.
Aomamé et Tengo se sont connus fugitivement à l'âge de dix ans alors qu'ils étaient élèves de la même classe. Cet attachement, dû notamment au fait que leurs parents les forçaient à les accompagner le dimanche lors de leurs démarches au porte-à-porte, les unit mystérieusement comme un philtre d'amour et les rapproche l'un de l'autre tout au long des trois volumes du récit. Les personnages se retrouvent dans un monde parallèle appelé "1Q84" par Aomamé (l'action se situe en 1984).
1Q84 est un univers parsemé de diverses planètes dans lesquelles s’érigent des mondes différents, et le trajet pour en saisir quelques fragments est séduisant. . Au fil des chapitres je suis restée en suspension, me délectant de la création florissante de Murakami et de l’éclosion de l’âme des personnages.
On prend la température d’une planète, le monde de Tengo, une sorte de printemps à l’effloraison littéraire, entre raison et désir authentique.
Vient celui de Fukaéri, jeune fille ressemblant à une fleur de toutes saisons, à la fois fanée et fleurit, sa chrysalide nous précipite dans un champ de poésie et de contes pour enfants.
1Q84 ou 1984, Aomamé, un cœur pas si hivernal, invite le lecteur dans les méandres de son esprit, des feintes d’un pic à glace aux détours d’un raisonnement opportun, on inhale la fragrance prometteuse des pages confidentes, le parfum d’une trame envoûtante.
Ces mondes captivants se lient par une contingence, des circonstances, et le climat ambiant, insolite qu’apporte cette lecture est rayonnant. Aucune précipitation quant à la naissance de l’histoire, on vogue au gré des lignes, sur un ruisseau paisible dont le clapotis nous narre les délices d’une intrigue insoumise, naviguant à son allure sans que nous y trouvions le temps long.
Si 1Q84 récoltent des critiques qui font tantôt la pluie tantôt le beau temps, mon baromètre est au plus haut car s ’il y a un voyage que l’on souhaite prolonger, c’est bien celui du monde imaginaire ( mais tant que ça ) de Murakami.
Dans ces trois opus, je me suis vu en visiteuse, à l’image de l’histoire « la ville des chats » qu’il décrit : envoûté par un monde parallèle, installé en haut d’une tour à guetter les lignes, me pourlécher les babines de ce tête à tête jusqu’à m’y perdre, ensorcelée.
Une ronde de personnages envahissant le contenu d’un livre, sans aucune approximation, c’est d’une plume experte que Murakami érige un univers remarquable.
Une excursion littéraire où souffle un vent d’esprit, une brise d’amour, une bourrasque d’imagination malmenant les âmes pensant apprivoiser la notion du temps.
mots-clés : #fantastique
- le Ven 3 Fév - 18:02
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- Sujet: Haruki MURAKAMI
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Oscar Wilde
Le portrait de Dorian GrayPar la magie d'un voeu, Dorian Gray conserve la grâce et la beauté de la jeunesse. Seul son portrait vieillira. Le jeune dandy s'adonne alors à toutes les expériences, s'enivre de sensations et recherche les plaisirs secrets et raffinés. "Les folies sont les seules choses qu'on ne regrette jamais", "il faut guérir l'âme par les sens, guérir les sens par l'âme".
Oscar Wilde voulut libérer l'homme en lui donnant comme modèle l'artiste. Pour se réaliser, il doit rechercher le plaisir et la beauté, sous toutes ses formes, bien ou mal. L'art n'a rien à voir avec la morale. Dans une langue raffinée, l'auteur remet en question la société, le mariage, la morale et l'art. Ses propos sont incisifs et humoristiques. Ce livre scandalisa l'Angleterre victorienne, Oscar Wilde fut mis en prison pour avoir vécu ce qu'il écrivait. Au siècle suivant, Proust, Gide, Montherlant, Malraux ont contribué à la célébrité du génial écrivain.
"L’art est à la fois surface et symbole."
Conçu , construit autour d'un portrait qui ne représente que l'image de l'homme , sa propre perception enfermant la beauté et l'atrocité , c'est bien l'essence de l'Art.
Celui-ci est littéraire , le chef d’œuvre d'Oscar Wilde équilibre et embrasse ce qui ne se dissocie pas , l'hédonisme et l'esthétisme face à la moralité.
A quel moment l'innocence bascule sur la vanité , subjuguée par les interdits , la perversité tourne le dos à la bonne conscience , devient une abnégation et une apologie aux vices.
Mais n'est ce pas le romantisme noir , j'y reviens encore à cette fameuse période si importante , propice dans tous les arts qui donne naissance à la connaissance et la liberté de pensée ?
La moralité est malmenée pour laisser place à la nature profonde de l'homme , aussi l'esthétisme ,l'émotion exacerbée et l'imaginaire créatif laissent place à ce nouveau mouvement dont Oscar Wilde fait partie en signant son portrait de Dorian Gray , rejoignant Poe et Baudelaire , en passant par Hugo et Praz.
L’existentialisme est né sous toutes ses formes et c'est dans cette œuvre admirable que Wilde décrit la rencontre de l'homme avec lui-même . Oeuvre contestée et classée immorale par la société de l époque , reste à savoir où se situe la noblesse , dans la connaissance éclairée ou l'ignorance de l'ordre établi.
La beauté, la vraie beauté, s'achève là où l'air intellectuel commence. L'intellectuel est en soi une façon d'exagérer et il détruit l'harmonie de n'importe quel visage. Dès qu'on s'assied pour réfléchir, on ne devient plus qu'un nez, ou qu'un front, ou quelque chose d'horrible. Regarde les gens qui ont du succès dans toutes les professions savantes : ils sont tous parfaitement hideux ! Sauf bien sûr, dans l'Église, mais c'est que, dans l'Église, ils ne réfléchissent pas.
C'est pourtant bien le vertige de cette recherche d'absolu que décrit Wilde , le drame et la terreur du démon qui n'est qu'une représentation somme toute , de nous même. L'effroi que notre conscience s'est évertuée à taire par la prière et la bienséance , source insupportable de turpitudes , devient une louange , une éloge intellectuelle de cette élévation éclatante , noire vacillante et aliénante.
De ce constat tragique est née cette beauté , celle de l'homme , de nous autres , aussi imparfaits et si affreux.
Je suis heureux que vous n’ayez jamais rien fait, jamais sculpté une statue, jamais peint un tableau, jamais produit quoi que ce soit en dehors de vous-même. La vie a été votre art. Vous vous êtes mis en musique. Vos jours ont été vos sonnets.
mots-clés : #fantastique
- le Mer 25 Jan - 21:32
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Vercors
Et bien moi je commence la récupération de commentaire avecSylva
En 1924, Albert Richwick, un jeune gentleman farmer anglais, assiste à un prodige : une renarde poursuivie par des chiens sort d'une haie transformée en jeune femme. Il recueille celle qui n'est encore qu'un animal sauvage dans un corps désirable, et va suivre au fil des jours ses progrès vers l'humanité : apprentissage de la pensée, de la parole, maîtrise de l'objet, épreuve du miroir, découverte de la mort, de l'amour, du sens - tragique - de la vie... ce récit est aussi, on s'en doute, celui d'une extraordinaire histoire d'amour entre un Pygmalion et son élève. Histoire rendue plus émouvante encore par le calvaire de Dorothy, avec qui Richwick devait se marier et qui s'avilit dans la drogue à mesure que Sylva se libère.
Une petite histoire de 280 pages, un peu folle, qui se dévore. Tout au plus pourra-t-on reprocher à l'écriture d'être un poil carrée, mais bon... c'est quand même une sorte de cercle carré qu'il a écrit Vercors. Rondement mené et fourmillant d'idées organisées ce cercle ! Une fois de plus on peut se permettre d'être stupéfait par son mélange de lucidité et d'humour, jamais trop grinçant. Situer l'action outre Manche lui permet quelques pieds de nez divertissants, on peut aussi s'amuser de sa distance avec les bonnes mœurs et les apparences d'une bonne société. Mais si on s'arrêtait là, on n'aurait qu'une petite histoire plaisante.
Il creuse tout ça, et le cœur de l'homme en premier, ce Albert Richwick dit Bonny qui raconte à la première personne. Dans les coins du cercle on trouve une analyse assez juste du ou des sentiments amoureux (et des tiraillements contradictoires avec raisons, devoirs, jalousie, aspirations, ...) qui se bat avec une analyse plus compliquée mais vaguement siamoise de la "condition humaine". La renarde devenue humaine apprend la vie et l'humanité à travers quelques étapes clés avec les mots, la mort, le rire, ...
ça pourrait être plat et con, même, osons le mot si Vercors n'était pas réellement intelligent et motivé : le jeu qui se livre entre la morale, de l'individu ou de la société et quelques instincts plus profonds n'est pas gagné d'avance. Les développements ne sont pas évidents et de nombreuses réponses peuvent surprendre. La fable est amère. L'équilibre entre la femme humaine et la femme renarde se trouble quand les rapports de proportions s'inversent entre Dorothy et Sylva. Le simple idéal d'une femme parfaite à l'équilibre entre deux extrêmes si il ne disparaît pas totalement cesse d'être figé et découvre une des grandes forces de l'auteur : la volonté.
La volonté du choix et du changement, un choix loin d'un positivisme benêt, un choix du cœur dans un univers loin d'être idéalisé, une sorte de vrai choix motivé et puissant, en connaissance de cause, très vivant, intense. Dans ce livre ce choix est sous le charme constant et pénétrant de cette étrange femme renarde à la grâce envoûtante. Et peut être bien qu'elle n'enlève au fond rien aux autres.
Un excellent livre, très accessible et très fin (ce n'est pas contradictoire), très vrai aussi dans ses synthèses et observations. Il réalise un miracle propre aux livres (ou aux excès d'imagination) c'est de vraiment mélanger la femme et la renarde. Ce territoire étant, je crois, interdit aux images. Il en subsiste comme un étourdissement.
Les thèmes sont proches de ceux des animaux dénaturés, différemment j'ai retrouvé la même attention aux individus, la présence de la drogue dans Sylva m'a d'ailleurs semblé bien loin d'être un prétexte. C'est très fort.
extrait :
- Je veux dire, reprit-elle avec un peu d'agacement, que vous ne pourrez la présenter que comme un phénomène. Mais pas comme une parente, ni même comme une amie.
- Et pourquoi non ? (J'étais fort étonné.)
- Ce serait une atteinte aux convenances.
- Enfin, expliquez-vous ! m'impatientai-je.
- Elle a une jolie peau; mais c'est de l'ambre. De très beaux yeux, mais c'est du jais. Ses paupières, ce sont des amandes, sur deux pommettes comme des abricots...
- Vous faites un poème ou une nature morte ?
- En un mot, c'est une asiate mon cher. Je suppose que les renards, à l'origine, devaient venir d'Asie. Elle a l'air d'être née aux Indes ou en Cochinchine.
- Avec des cheveux roux ?
Elle eut une moue un peu narquoise et dit :
- Oh, quelque mésalliance...
J'étais un peu désarçonné. Je trouvais bien moi-même à Sylva un type vaguement exotique, mais à ce point... Si c'était rai, je me préparais en effet quelques humiliations, le jour où je prétendrais introduire une native dans la gentry... Je voulus en avoir tout de suite le cœur net. Je dis : "Allons la voir."
Nous remontâmes. Nous trouvâmes Sylva endormie, blottie dans un fauteuil, encore barbouillée d’œuf. Nous pûmes ainsi l'examiner un bon moment, puis nous nous retirâmes comme nous étions venus et je refermai la porte.
- Avouez, dis-je aussitôt, que vous exagérez.
- Vous n'êtes pas de mon avis ?
- Qu'il y ait un petit quelque chose, je ne dis pas. Mais de là...
- Peu ou prou, n'est-ce pas déjà trop ?
- Je ne vous savais pas si pointilleuse, m'étonnai-je.
- Moi ? J'adore les Hindous. Ghandi, Krishnamurti, Rabindarath Tagore... Mais à chacun sa place n'est-ce pas ?
- Je trouve, insistai-je, qu'elle ressemble plutôt à la duchesse de Bath.
- Personne n'ignore que la mère de la duchesse était au mieux avec je ne sais plus quel maharadjah.
- Eh bien, c'est vous qui l'avez dit : quelque mésalliance - comme la duchesse de Bath. N'en parlons plus.
- A votre aise mon cher. Mais je vous ai prévenu.
Le ton, de part et d'autre était poli, mais un peu sec. Je n'avais pas aimé ces réflexions. Certes, chacun à sa place, sinon la société va à vau-l'eau, mais je ne suis pas, quand même, un partisan des théories de ce petit Français qui s'appelle, je crois, Gobineau ou Gobinot. Il ne faut pas exagérer1.
Je proposai une promenade pour faire diversion. Dès qu'il ne fut plus question de Sylva, nous retrouvâmes cette bonne entente, cette chaude affection, cette vieille tendresse qui m'allaient droit au cœur. Nous passâmes une heure très exquise à déambuler dans les bois. Au retour, un peu lasse, elle s'appuyait légèrement sur mon bras. Après tout, étais-je tellement sûr que je n'étais plus amoureux d'elle ?
1. Ces remarques me paraissent bien tièdes, aujourd'hui ! Mais en ce temps, on ne connaissait pas le mot même de racisme, Hitler était un inconnu dans les prisons de la république de Weimar, chacun, sur ces sujets, pensait plus ou moins comme Kipling. Que de changements depuis !
- le Mar 17 Jan - 21:20
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- Sujet: Vercors
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André de Richaud
LA FONTAINE DES LUNATIQUES
"Trois hommes, trois générations vivent dans une grande maison à l'écart du village.
Hugues, le fils de 18 ans, est d' une grande beauté. Le père, fou de musique, arpente le salon en composant des sons et occupe ses nuits à jouer du piano.
Assigné dans sa chambre, le grand père paralysé et mutique n'en finit pas de mourir.
Ce huis-clos est oppressant, mais somme toute harmonieux.
C'est la mort du grand père qui brise cet ordre étrange.
De vieilles blessures mentale se rouvrent chez le fils et la musique file d'entre les mains du père."
Tel nous est présenté ce livre sous le signe du bizarre, de la solitude et de la folie.
On est frappé qu'un homme aussi jeune (22 ans) en sache autant et d'emblée sur la vie, la passion, la présence de la mort, la folie et le passage du temps.
Qu'il nous décrive la nature avec une telle luxuriance et les hommes avec une telle clairvoyance.
Son style a une grâce si légère et si nouvelle qu'il traverse le temps sans s'altérer.
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mots-clés : #fantastique #initiatique
- le Dim 15 Jan - 16:07
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- Sujet: André de Richaud
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André de Richaud
LA NUIT AVEUGLANTE
Le jour de la Fête-Dieu dans le village, Cyprien, 20 ans, chausse un masque de carnaval au passage du Saint Sacrement. Un masque horrible et sanglant.
Provocation de jeune homme pour effrayer la procession.
Mais le masque lui reste collé au visage.
Cyprien se réfugie alors dans une vieille maison abandonnée. Miraculeusement à l'abri du froid, de la faim et des autres besoins vitaux, il vit là en évoquant le passé et notamment son enfance. Sans envisager le futur, convaincu que le monde ne saurait accepter l'apparence monstrueuse qui est devenue la sienne.
Il a perdu la notion du temps au point de ne pas se souvenir depuis combien de temps il vit là. Et d'ailleurs le temps ne compte plus. Cyprien est hors du temps et du monde.
Est-il encore vivant ou n'est-il qu'une apparence, une pensée désincarnée ? Qui pense à vide et se morfond.
"Eh oui, je crois qu' il n'est qu'un soleil, celui des morts, un soleil dense et noir. Un soleil qui ne se lève ni ne se couche, mais dans lequel on marche en aveugle."
Un jour pourtant, il sortira pour affronter le monde et sa réalité.
Une bien étrange histoire. Symbolique et intérieure. Un roman écrit de l' intérieur d'un corps psychique. Rien n'a valeur de réalité, au sens où la "réalité" qui lui est imposée n'en tient pas vraiment lieu. La maison abandonnée n'existe que dans son imagination -si imagination il y a- elle fait corps avec lui. Comme chaque objet.
Peu à peu Cyprien se rend compte qu' il est interné, prisonnier de lui-même. Mais un jour...
"Cyprien, se dit-il, voilà que tu redeviens un homme. Il y a peut-être des années que tu étais présentable et c'est ta timidité seule qui t'a empêché de vivre. Tu croyais avoir un masque, et tu avais un visage comme tout un chacun. Depuis vingt ans peut-être, tu n' as plus sur toi de traces du péché. Et tu continuais stupidement à souffrir !
Idiot symbole de cette idée horrible. Nous inventons seuls notre châtiment."
En creusant dans la vie de Richaud, on en vient à savoir qu'il se détestait, détestait son apparence. Ce n'est pas à lui qu'on parlait, mais à son masque d' adulte. D'où sa volonté de se confiner à lui-même et même d'accepter volontairement de de se laisser enfermer dans un hospice à cinquante ans.
Après avoir connu la gloire littéraire à un peu plus de vingt ans. Après avoir sombré ensuite dans l'alcoolisme et le mutisme.
Un jour, de son hospice, il écrira un mince livre intitulé Je ne suis pas mort.
Mais il était trop tard et sa vie était jouée.
Ce livre est brûlant comme toute confession intime. Et, comme une étoile filante, brillant d' une façon sublime avant de s'éteindre à l'horizon.
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- le Sam 7 Jan - 18:34
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