Des Choses à lire
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Georges Brassens, Lettre à Toussenot

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170 résultats trouvés pour régimeautoritaire

Roberto Bolaño

Tag régimeautoritaire sur Des Choses à lire - Page 8 419dtp10


Etoile distante


Originale : Estrella distante
(Espagnol, 1996)

Traduction française :  Robert Amutio, 2006  

CONTENU :

Quatrième de couverture a écrit:Roberto Bolaño a écrit un étrange roman noir qui mêle art, histoire et horreur. Un jeune homme, séduisant et mystérieusement lointain, se présente dans un atelier d'écriture que suit le narrateur dans une ville provinciale du Chili. Le coup d'État de Pinochet donne l'occasion à cet étrange artiste de mettre en pratique sa conception radicale de l'art de la cruauté, en assassinant quelques femmes de sa connaissance dans des circonstances que le lecteur, comme le narrateur, ne peuvent qu'imaginer.
Étoile distante est aussi une prolifération tourbillonnante d'histoires qui accompagnent ce récit sur la démence et le mal. Histoires folles, invraisemblables, traversées de rumeurs invérifiables, comme autant de visions égarées de ceux que l'histoire du Chili a brisés, d'épisodes cruels et pathétiques où l'espace de quelques pages des monstres terriblement (in)humains s'ébrouent.

Roberto Bolaño exerce son sens de l'humour, son goût de la parodie et sa singulière imagination, dans le foisonnement et les bifurcations vertigineuses de ces récits soufflés par l'histoire ou l'exil, et nous livre une méditation sur le mal dans ce qu'il a de plus fascinant et sobrement médiocre, mais aussi sur son rapport à la littérature.


STRUCTURE :
Dans la version allemande lue par moi, livre en dix chapitres numérotés, mais sans titres. Eventuellement on peut discerner quatre blocs différents. Chaque chapitre avec un leger décalage de contenu, d'accents.

REMARQUES :
Le Chili au printemps 1973 : avec le narrateur et son ami Bibiano nous nous trouvons dans un atmosphère de séances et débats perpetuels dans des cercles avant tout littéraires, où on va parler de poèsie, se lire mutuellement ses propres premiers essais, mais où on va aussi parler d'autres sujets. Les jeunes étudiants entre 17 et 23 ans sont pour la plupart des sympathisants de la révolution, voir de la lutte armée, trotzkistes, communistes ou socialistes.

Dès le début du petit roman nous sommes face à un personnâge mystérieux : Alberto Ruiz-Tagle qui (on le dit rapidemment) va se revèler plus tard sous sa vraie identité de Carlos Wieder. Mais d'abord il semble souvent quelqu'un qui écoute tranquillement, déclame sans spectacle ses propres œuvres et attire les femmes autour de lui. Pour la plus grande détresse du narrateur et son ami qui partagent l'adoration des jumelles Garmendia. Certains par contre devinent en lui un étoile naissant du nouvel art chilien de la poèsie.

Et quelques mois après (le Putsch de Pinochet aura lieu en Septembre 1973) Tagle/Wieder apparaît dans l'identité d'un pilote militaire qui va peindre dans les cieux avec des avions à réaction fumantes des « poèmes » avant-gardistes. Il deviendra et il est la preuve vivante que le nouveau régime en place à une attitude positive envers l'art avant-gardiste! Nous par contre, nous savons ou devinons encore toute autre chose : ce même Wieder participe en tant qu'officier à la torture et des arrestations (même de ses amantes) et contribue aux nombreuses disparitions. Il apparaît sous son jour sadique et meutrier qu'il va même mettre en évidence dans son « art ».

Mais terminons-là, avec ses premiers chapitres, l'aperçu de ce livre.

Parfois Bolano peut, pour des chapitres intermédiaires ou des explications, commencer apparemment ailleurs et rompre une certaine fluidité de contenu. Plus tard il met ces bouts ensemble. Ou expose – comme je l’ai lu – diverses destins comme les possibilités éventuelles de diverses options face au Putsch : l’exile, la revolte, le sadisme... Des fois cela me paraissait « décousu » et pas unifié à première vue.

Le sentiment d’une imprécision, d’une incertitude reste marquant : Est-ce que cela s’est bien passé comme décrit, ou éventuellement autrement ? Qu’est-ce qui est bien sûr sous la dictature ? Ainsi restent des suppositions, des rumeurs, le soupçon d’une formation de légendes autour d’un personnâge, d’une falsification. Ceci peut créer chez des lecteurs – au moins chez moi – une certaine forme de manque d’orientation. Mais qu’est-ce qu’il condamne ? Mais bien sûr : on sait ou devine bien où battait le cœur du narrateur, de l’Alter Ego et ainsi de Bolano, mais au même moment beaucoup de choses ne sont que mentionnées allusivement et restent à l’interprétation du lecteur.

Bien sûr cette liberté est d’un coté souhaitable : l’auteur ne nous impose pas une boîte toute reglée, néanmoins je m’attends – dans certaines œuvres – peut-être à des jugements plus explicites ?

On trouvera de la matière à reflexion à souhait : Comment l’art est instrumentalisé par des systèmes politiques ? Où est-ce qu’un système utilise des hommes « malades » pour les faire vivre leur sadisme pour leurs propres buts ? Est-ce que l’accomplissement d’actes de la coté obscure est même une condition pour se réaliser plus pleinement comme homme, voir comme artiste ? Et bien sûr les questions éternelles : Où commmence la responsabilité de l’individu et où est-ce qu’il n’est qu’un outil ? Faut-il y faire une distinction ? Jusques à quand (et où) je peux demander justice, et chez qui ? Quand est-ce qu’il faut rompre le cercele de la violence ? Etc...

A mon avis l’écriture, la langue restent étrangement distantes et froides. Elles ne m’atteignent pas comme je le voudrais bien, même si j’honore certaines idées fortes derrières les projets littéraires (si on peut parler de « projet ») de l’auteur. Donc en ce qui me concerne je reste bizarrement étanche à l’attraction de Bolano comme – après en avoir lu une vingtaine de livres (?) - en général presque, de la littérature latino-américaine. Mais cela est mon ressenti personnel, voir mon problème.

Infos supplémentaires en espagnol ici: http://es.wikipedia.org/wiki/Estrella__distante

Je suis parti d’une traduction allemande qui se réfère à une première version du roman. Est-ce que cela peut jouer ?


mots-clés : #regimeautoritaire
par tom léo
le Mar 20 Déc - 22:29
 
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Sujet: Roberto Bolaño
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Elio Vittorini

Tag régimeautoritaire sur Des Choses à lire - Page 8 Captur65

L'oeillet rouge

Original : Il garofano rosso (Italien, comme livre 1948)

Parution (dans une première version) comme roman à épisodes entre 1933 -36 dans le magazine Solaria. Premier manuscrit pour une édition comme livre 1939. Entre ces diffèrentes versions il y a, suite à des changement historico-culturels et de changement d'opinion chez l'auteur, une évolution, des changements, des révisons.

1.ère parution en français chez Gallimard, 1950

DESCRIPTION brève:
Une jeunesse en Sicile: Alessio Mainardi et son ami Tarquinio se trouvent entre fascisme et socialisme, entre Giovanna l'inapprochable et la prostituée Zobeïda. Un oeillet rouge se promène comme symbole parlante entre Giovanna via Mainardi vers Zobeïda...
Un classique de la littérature italienne.
(Traduction de la description chez l'éditeur Wagenbach/D)

REMARQUES :
On peut situer le début de l'action romanesque assez exactement au printemps 1924. Dans une ville portuaire sicilienne se trouve l'élève Alessio Mainardi, ensemble avec d'autres, dans une pension, loin de chez eux. Il est spécialement proche à Tarquinio, légèrement plus âgé que lui.

Certainement on peut voir ce roman sous l'angle d'un passage de l'enfance vers l'état de jeune adulte : c'est un âge de passage, de seuil. Des fois Alessio est encore « enfant », cherchant consolation presque maternelle, des fois il aimerait être plus loin. Au début il ne fait qu'admirer d'une façon presque romantique l'inapprochable, mais fascinante Giovanno, puis, à travers les descriptions cocasses de son ami Tarquinio, il trouve le chemin vers un bordel et la fameuse Zobeïda, dont tout le monde parle (en connaissance de cause ou comme « wishful thinking »?). Lentement les relations Alessio - Giovanna, Tarquinio – Zobeïda évoluent et s'inversent... Quelle est la place de l'amour, de la passion, de la curiosité de découvrir l'amour charnel, du don de soi?

Mais au même moment nous devons lire ce roman, si fin ET réaliste sur la vie intérieure et amoureuse de jeunes, encore sous un angle complètement différent : La composante sociale, sociétale, politique est omniprésente :
Alessio (et d'autres) unissent dans un écart bizarre leur admiration pour Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg AVEC l'enthousiasme suscité par l'arrivée des fascistes. La « marche sur Rome » se situe à peine deux années antérieures, et le narrateur se plaint d'avoir raté cette occasion d'aventure. Il aurait aimé avoir une pistole, prendre part aux événements ! Maintenant par contre, il participes activement à une occupation de son école et...aura des problèmes. Beaucoup des lèves, des acteurs de ce roman sont comme dans un délire d'enthousiasme.

Il semble que cetélément du roman a gêné plus tard Vittorini : lui-même avait passé par une évolution de ses opinions politiques. S'il avait écrit pour des journaux pro-fascistes jusqu'à l'an 1936, il fût sous le choc par les desastre de la guerre civile en Espagne et opéra un virement.Ceci explique des changements dans les versions successives du roman.

Comme par exemple (selon des notes dans mon édition allemande) l'ajout d'un fort élément de critique sociale, voir de classes. Mainardi, fils d'un propriètaire d'une briquetterie, va ressentir « le gouffre insultant entre nous, les enfants de notre père, et les ouvriers ».

Comme à l'accoûtumé on trouvera chez l'auteur une langue simple et beau, même si elle me semble plus expressive, directe que dans des œuvres plus tardives ?! Il utilise alors la perspective du narrateur dans la première personne et intercale aussi certains notes de diaire et quelques lettres de Tarquinion.

Je trouve un grand plaisir d'explorer peu à peu cet auteur splendide, même si – mais pourquoi comparé ce qui est dans le temps et dans le style différent ? - je trouve « Erika » encore un poil plus fort (et les « Conversations en Sicile » m'attendent déjà sur ma PAL).

Récommandation de découvrir cet auteur !



mots-clés : #regimeautoritaire
par tom léo
le Mar 20 Déc - 22:15
 
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Sandor Marai

Tag régimeautoritaire sur Des Choses à lire - Page 8 4102en11

Ce que j'ai voulu taire

Originale:  Hallgatni Akartam (Hongrois, écrit entre 1949/50, perdu, retrouvé et paru finalement en 2013 à Budapest!)

CONTENU :
Ce livre, qui chronique les dix années entre l’Anschluss (mars 1938) et l'exil définitif de Marai (1948), constitue le dernier volet des « Confessions d'un bourgeois ». Il n a jamais été publié du vivant de Márai.

Pour répondre à la question centrale du livre, « Comment la Hongrie en est-elle arrivée là ? », c’est-à-dire à pactiser avec l'Allemagne nazie, puis à devenir un satellite de l Union soviétique, Marai se livre à une analyse approfondie de la société hongroise. Celle-ci est indissociable d'une perception pleine de finesse de la situation mondiale, fondée sur une réflexion étonnamment moderne, d’une lucidité presque visionnaire. Son point de vue est celui d’un bourgeois assumé, un humaniste aspirant à un ordre juste qui pourrait prendre la forme d’un socialisme modéré. Cette chronique de la décomposition d'un pays, d'une culture et d'un mode de vie est une lecture précieuse pour qui souhaite comprendre la Hongrie et l'Europe d'aujourd'hui.

REMARQUES :
A coté de quelques apparitions « personnelles » dans le récit, et contrairement peut-être à la forme de narration des premiers tomes -  plus proche d’un récit, d’un vécu ? - Marai donne avant tout une sorte de chronique et d’analyse de ces années cruciales. Le jour de l’Anschluss est le point de départ d’un tour d’horizon de la situation en Allemagne, en Autriche, mais aussi dans l’Europe, le monde, pour expliquer comment selon lui a pu arriver ce qui est arrivé, d’abord pratiquemment sans resistance extérieure.

Il y aura quelques autres dates clés et portraits poignants d’hommes politiques qui permettent de partir d’un point de départ. Il faut s’imaginer – et Marai en est conscient – comment en espace d’une dizaine d’années la societé hongroise a basculé d’un état bourgeois via une proximité avec le nazisme vers l’intégration forcée dans l’URSS et ses satellites. Tout un monde disparaît, une forme de penser, de vivre... Et au fond, le tout est déjà en germe quand l’Autriche passe dans la Deutsches Reich, en Mars 1938. Des conséquences prévisibles, une guerre inévitable à l’horizon – pour celui qui voyait clair.

Dans la deuxième partie l’auteur s’approche des conséquences du traité de Trianon qui démantelait la Hongrie de deux-tiers de son territoire et d’une partie de sa population. Terrain propice... Mais malgré des abus, on trouve aussi une accusation chez Marai de ne pas rendu ainsi une service à la Hongrie et la situation internationale.

Donc, il s’agit plutôt d’une forme d’analyse, mais d’une grande maîtrise qui donne l’impression au lecteur qu’il comprendra un peu mieux les interdépendances, les relations, les événements. Marai ne se contente pas de voir la Hongie comme pure victime innocente, mais met en avant les attitudes latentes d’antisémitismes et de fascisme. (Le lecteur se demande à quel point certaines de ces analyses ne se revèlent pas encore aujourd’hui comme étant très actuelles...)

Marai se déclare appartenant à cette bourgeoisie éclairée qui a peut-être peu en commun avec des associations plus tardives avec ce terme : une étroitesse, une lourdeur etc. Cette attitude de Marai a rien d’une préférence vers une droite nationale autodestructrice, voir fascisante. Mais on pressent une certaine nostalgie à une vie en voie de disparition. Dans cette veine je me sentais rappelé au « Monde d’hier » de Stefan Zweig...

Pour tous ceux qui s’intéressent à l’histoire de la Hongrie, mais aussi de l’Europe dans le contexte de la montée du fascisme, ce livre nous dit beaucoup de choses intéressantes. Peut-être on aperçoit ici et là quelques faits qui aident à comprendre une certaine passivité ? Aussi de l’auteur ?

Très informatif, très intéressant. Et dans une écriture d’une grande maîtrise.


mots-clés : #autobiographie #deuxiemeguerre #regimeautoritaire
par tom léo
le Mar 20 Déc - 16:43
 
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Sujet: Sandor Marai
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Elio Vittorini

Tag régimeautoritaire sur Des Choses à lire - Page 8 31uapy10

Conversation en Sicile

Originale : « Conversazione in Sicilia », 1938/39 comme feuilleton dans le journal « Lettaratura » ; 1ère édition en forme de livre en 1941 sous le titre de « Nome e lagrime », puis réimpression dans la même année avec le titre d’aujourd’hui)

CONTENU :
Après quinze années Silvestro, 29 ans, retourne pour la première fois et pour trois jours de l’Italie du Nord (où il travaille à Milan) dans sa Sicile natale et sa mère, y habitant un pauvre village de montagne. Il traverse l’Italie en train, passe avec le bateau, et retrouve les vergers d’orangers. Il rencontre des gens les plus variés et retrouve sa mère, se promène dans le village. La réalité et le rêve se superpose...

Avec ce livre Vittorini avait créé une référence, et aussi une déclaration d’amour envers l’enfance, et le cœur de la Sicile.
(éléments de la description de l'éditeur allemand)

REMARQUES :
Le livre consiste de cinq parties avec un total de 48 chapitres plus un épilogue ; donc des chapitres rélativement courts. Le narrateur est ce Silvestro Ferrauto lui-même qui se retrouve au début à Milan. Dans une manière répétitive typique pour ce livre, il revient vers son état d’une certaine indifférence, d’un « calme plat de la non-espérance ». Il a perdu la confiance en l’humanité, dirigeant son regard constamment vers le sol. On ne peut s’empêcher à y voir aussi une réaction sur l’environnement et l’atmosphère de ces années : on peut situer l’action (?) du livre vers 1937-39. Et certains commentateurs voit dans ce contexte historique la raison principale du livre, une critique de l’auteur. Cela est certainement le cas, mais dans l’absolu je ne partagerais pas cette opinion, vu aussi que Vittorini s’est fait tardivement un opposant du régime...

Cela faisait une quinzaine d’années que Silvestro n’a pas été à la maison, chez lui en Sicile qui se montrera aussi bien « maison/patrie/origine » qu’au même moment l’étranger (dans les réactions des compatriotes on arrive pas à le situer). Car saisissant une possibilité, il va aller sur un coup pas préparé à la maison : il saute preque dans le train, même si « tout lui est égal ». Mais la fête du 8 Décembre, lié avec Marie et aussi sa mère, s’approche, et il avait toujours écrit à sa mère pour l’occasion. Retour par Syracuse dans ces montagnes isolées, et, en cours du voyage, une série de rencontres et sensations. Est-ce qu’à l’approche du pays la non-espérance va baisser ? Il retrouvera des odeurs, des vues, des rencontres (on se sent rappelé de Proust) qui le remplissent de souvenirs de son enfance. Mais il est aussi témoin de la pauvreté, de l’écart entre riche et pauvre.

Alors il retrouvera dans les montagnes de la « barbarie » (sens double?!) sa mère. Et cela lui n’est plus tout à fait indifférent d’être là ou pas. On est loin de sentiments « positifs », mais peut-être une diminuition de la douleur aigue ? Après tant d’années d’absence les entretiens commencent avec les sensations retrouvées d’odeurs, de goûts (de la cuisine maternelle), le départ du père, le rôle du grand-père, des souvenirs d’enfance... Dans ce monde pas mal de choses vont ensemble que tout semblent opposées : « Grand-père pouvait croire à Saint Joseph et être socialiste. » Le travail, les enfantements laissent vieillir les belles femmes avant l’âge, au moins les mains ? Le cœur reste souvent éveillé et prêt à bondir. Les hommes sont des trouillards et des cavaliers, des coureurs de femmes et des traîtres, abandonnant les épouses pour des femmes plus jeunes. Ainsi – selon la mère – le père, même si elle-même aussi avait été infidèle de temps en temps ça va de soi, Cela ne compte pas. Et elle n’en avait pas écrit « des poèmes » comme son mari infidèle. Elle met des piquures et gagne ainsi un peu d’argent : c’est la malaria et la phtisie qui règnent dans la région. Encore bien d’autres conversations et rencontres avec d’habitants du village s’ensuivent... Mais on pourrait – comme souvent dans l’oeuvre de Vittorini (me semble-t-il) discerner des niveaux de lecture différents :

- le cadre historique du fascisme est mis en avant par beaucoup de commentateurs. Cela expliquerait alors l’abattement initiale du protagoniste, une certaine fatalité ? Bizarrement ces allusions historiques n’auraient pas être vues par des fascistes pas assez fins de l’époque. Par contre les critiques venaient d’abord de l’église qui discernaient un certain amoralisme. Il me semble que cela ne passe plus aujourd’hui et qu’au contraire (voir en bas) il y aurait même certains éléments « spirituels ».

- la réprésentation de la pauvreté, spécialement dans la patrie sicilienne de l’auteur : l’émigration en est la conséquence, comme justement chez Silvestro et ses frères et sœurs. Lors du voyage et les rencontres les plus diverses, le narrateur rencontre des formes différentes de pauvreté, de maladie, de solitude...

- sans doute y-a-t-il un niveau « existentiel » que j’estime même préponderant. Derrière des dialogues parfois un peu bizarres on trouvera à voir de près, des réflexions sur l’état intérieur de l’homme, sa soif, ses douleurs, sa solitude. Il est étrange que j’en ai pas lu un mot dans différents commentaires..., comme si l’idée était purement politique. Ce serait plus simple ? Mais le livre pose des questions profondes à l’homme entre fierté et humilité, abaissement et honneur. Est-ce que la souffrance personnelle est participation à une souffrance plus universelle ? Un cri ? Ici je voyais, sans avoir étudié le sujet, une parenté possible avec l’existentialisme naissante...

- et parlant de ses sujets je ne peux pas éviter de proposer même une lecture spirituelle. Elle ne s’impose pas – comme tout dans l’oeuvre de Vittorini, me semble-t-il -, mais j’étais profondement étonné de trouver des allusion à des contextes réligieux, voir bibliques. C’est clair en connaissant ces sources (ce qui était plus que probable pour un Italien de son époque).

Comme déjà mentionné, l’auteur tourne souvent autour d’un sujet, répète des questions, expressions clés. Cela pourrait paraître mal fini comme travail, mais j’y vois l’importance de certaines choses dans la vie, peut-être aussi un reflèt de l’indifférence mentionnée ?

Bref, pour moi cela fut une vraie perle avec beaucoup de matière à réflèchir. L’auteur déclara même qu’il considéra ce livre comme « réussi », qu’il avait réussi à exprimer ce qu’il voulait. Une bonne récommandation de ma part !


mots-clés : #regimeautoritaire #social
par tom léo
le Dim 18 Déc - 17:53
 
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Carlos Liscano

Tag régimeautoritaire sur Des Choses à lire - Page 8 41rjcx10

Le fourgon des fous


Présentation de l'éditeur, 4ème de couverture
Plus qu'un témoignage, une réflexion sur l'homme et son inextinguible appétit de vivre, sur la nécessité de comprendre l'inimaginable. Sans cris, sans fureur, un plaidoyer vibrant pour le droit à la dignité, un récit pudique et bouleversant.


Montevideo, 1972. Carlos Liscano est jeté en prison par le régime militaire à l'âge de vingt-trois ans. Il en sortira treize ans plus tard. Il aura connu la torture, les humiliations, la honte, les étranges relations qui lient victimes et bourreaux, l'absurdité d'un système qui veut lui faire avouer quelque chose qu'il ne sait pas. Mais il aura aussi connu la résistance envers et contre tout, l'amitié indéfectible qui se noue entre camarades d'infortune, l'urgence de l'ouverture au monde et, par-dessus tout, le pouvoir libérateur de l'écriture. Le 14 mai 1985, avec ses derniers compagnons, Carlos Liscano est embarqué dans un fourgon qui va le mener vers la liberté. Une liberté inquiétante, douloureuse, impossible...


Cela a pris presque trente ans pour Liscano de mettre en mots (ou de publier) une partie de son vécu. Sans voyeurisme, il se montre au lecteur comme cet homme d’un coté humilié, bafoué, mais au même moment gardant un sens de dignité, si difficile à tenir, si devant des yeux voyeurs on a été au bout de ses forces, dans une détresse extrême. Malgré cela il reste très prudent avec des jugements hâtifs sur ce bourreau en face, et sa propre innocence face à la violence.

C’est d’une grande force que Liscano commence son livre plutôt avec la description de gestes qui rendent une dignité : à soi-même, à l’autre, à ses parents morts pendant son incarcération. C’est dans la deuxième partie qu’il parle plus amplement de la torture…, d’abord même dans la troisième personne : le prisonnier, le détenu…etc.  Ce qu’il décrit du rapport du torturé avec son propre corps (qu’il appelle « l’animal ») est très poignant.

Son langage est jamais faussement criant, mais sobre, simple. J’ai beaucoup aimé (en opposition à tellement d’auteurs latino-américains) ce style simple, réaliste, droit, sans « magies ». Ce n’est pas un « beau » livre, mais un récit qu’on pourrait mettre à coté de ceux d’un Primo Levi et d’autres. En fin de lecture je prenais congé d’un homme que je respecte profondément…


mots-clés : #autobiographie #regimeautoritaire
par tom léo
le Dim 18 Déc - 17:34
 
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Arthur Koestler

Le zéro et l'infini

Tag régimeautoritaire sur Des Choses à lire - Page 8 Image118

 Il n'y a que deux conceptions de la morale humaine, et elles sont à des pôles opposés. L'une d'elle est chrétienne et humanitaire, elle déclare l'individu sacré, et affirme que les règles de l'arithmétique ne doivent pas s'appliquer aux unités humaines – qui, dans notre équation, représentent soit zéro, soit l'infini. L'autre conception part du principe fondamental qu'une fin collective justifie tous les moyens, et non seulement permet mais exige que l'individu soit de toute façon subordonné et sacrifié à la communauté –  laquelle peut disposer de lui soit comme d'un cobaye qui sert à une expérience, soit comme de l'agneau que l'on offre en sacrifice.



Je dois avouer (bien que dans un contexte pareil le terme « avouer » soit à utiliser avec précaution) que j'ai eu du mal à entrer dans le livre. Je ne sais pas trop si cela vient de moi (lecture hâchée et inhabituellement étalée sur plus d'une semaine) ou du propos qui s'élabore peu à peu.

Il s'agit des derniers jours d'un ancien chef révolutionnaire incarcéré comme Ennemi du peuple  lors des purges de Staline, interrogé jusqu'à ce qu'il  se renie soi-même pour le bien du Parti. Autant il a été fanatique et sans scrupule dans ses débuts, autant il s'interroge maintenant sur le sens de la révolution, et ses dérives.

   Je plaide coupable d'avoir placé la question de la culpabilité et de l'innocence avant celle de l'utilité et de la nocivité.



La première partie, « la première audience », est un récit de prison assez (trop?) classique :  les humiliations, les messages codés qui passent d'une cellule à l'autre, les promenades des prisonniers dans la cour… La deuxième partie, « la deuxième audience » m'a un peu trop fait penser à des annales du bac de philo vaguement cliché, rédigées par un amateur de métaphores vaseuses(la balançoire, l'écluse, l'écorché) avec ces questions éternelles et jamais résolues : faut-il privilégier le bien individuel ou le bien collectif, faut-il faire le bonheur des gens malgré eux, la fin  justifie-t-elle les moyens, les masses sont-elles aptes à décider de leur sort, faut-il mourir pour ses idées ?...Cette remarque tient , bien évidemment, pour ma lecture faite au XXIe siècle, et aurait sans doute été sans déplacée à l'époque (1938) où le livre a été écrit,

C'est ensuite, à la « troisième audience » que le livre monte en puissance, l'absurde s'impose et terrifie, tout se referme sur le personnage comme un rouleau compresseur. « Cette assez grotesque comédie », dévoile toutes ses traîtrises dans l'unique but de «  consolider la dictature ».

L'épilogue consiste en un implacable constat d'échec de l'utopie : malgré l'apparent triomphe du Parti, «le drapeau de la Révolution est en berne » et, bien qu'il soit « jeté en pleine démence », l'individu reprend ses droits.


mots-clés : #politique #regimeautoritaire
par topocl
le Dim 18 Déc - 16:20
 
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Ignazio Silone

Ignazio Silone (1900-1978)

Tag régimeautoritaire sur Des Choses à lire - Page 8 Silone10

Ignazio Silone, pseudonyme de Secondo Tranquilli, né le 1er mai 1900 à Pescina, dans les Abruzzes et mort le 22 août 1978 à Genève en Suisse, est un homme politique et écrivain italien du xxe siècle.

Ignazio Silone perd une grande partie de sa famille dans le tremblement de terre d'Avezzano en 1915. Il adhère aux Jeunesses socialistes italiennes et en devient le chef. Il dirige le journal du Parti socialiste italien (PSI), Il Lavoratore, à Trieste, dont le siège social est incendié par les fascistes en octobre 1920. Il adhère ensuite au Parti communiste italien (PCI) en 1921, dont il deviendra l'un des dirigeants dans la clandestinité. Il quitte l'Italie en 1928 pour des missions en URSS, s'installe en Suisse en 1930, où il s'oppose à Staline et prend position pour Trotski et Zinoviev. Il est alors exclu du Parti communiste. Il publie son premier roman, Fontamara. Il ne pourra regagner l'Italie qu'en 1945, où il est élu député (socialiste). Il renonce à la politique, puis crée la revue Tempo presente. Il a pris part aux activités du Congrès pour la liberté de la culture.

Dans les années 1950 il redécouvre les racines chrétiennes de sa culture. De même qu'il est un «socialiste sans parti» il se déclare «chrétien sans église», invitant par ses écrits les chrétiens à se libérer des lourdes structures ecclésiastiques et retrouver le socialisme primitif et le partage des biens des débuts de l'Église tel que rapporté dans le livre des Actes des Apôtres. Il est fasciné par la figure du pape des Abruzzes, Célestin V, qui pour revenir à une vie de grande simplicité renonce au pouvoir pontifical et démissionne.

Au début des années 2000, les historiens Mauro Canali et Dario Biocca ont soutenu, à la lumière de documents retrouvés dans les archives fascistes, la thèse d'une activité d'espionnage au profit de la police de l'Italie fasciste. Ce double jeu d'un grand dirigeant du parti communiste aurait provoqué chez lui une grosse dépression, due aussi à la mort de son frère dans les prisons fascistes, et une crise de conscience qui l'ont poussé à abandonner son activité d'espionnage et ses responsabilités politiques, pour uniquement se dédier à son activité littéraire. Giuseppe Tamburrano a quant à lui toujours proclamé l'innocence d'Ignazio Silone.

(wikipedia)

Traduits en français

Fontamara (1930)
Le Pain et le Vin
Le Grain sous la neige
Une poignée de mûres
Le Secret de Luc
Le Renard et les Camélias
L'Aventure d'un pauvre chrétien
Severina (1971)

Théâtre
Et il se cacha

Essais
L'École des dictateurs
Sortie de secours


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Une poignée de mûres

Cette histoire relate la vie des « Cafoni » les pauvres paysans de la région des Abruzzes, même si le personnage principal  est l’ingénieur Rocco de Donatis, cadre du Parti Communiste Italien et originaire lui aussi de cette vallée. Le récit se déplace sur 3 villages San Luca, Sant’Andrea  et la Fournaise mais il est un lieu isolé le Casal, repaire de voleurs très actif durant la guerre, pourvoyeurs de Marché Noir, mais aussi refuge d'émigrés et dont le « chef » se révèlera homme de confiance.

Les Cafoni subissent depuis des siècles la loi des riches propriétaires, soutenus par les divers régimes passés et par l’Eglise. Aussi quand se termine la drôle de guerre, que la représentation sculptée du Grand sorcier (le Duce) est détruite et que s’installe le Parti Communiste  certains croient un changement de leur situation possible. Certains  qui avaient dû fuir, reviennent au village à la fin de la guerre pensant le climat apaisé.  Le Parti et les riches propriétaires, certains fonctionnaires sous le régime fasciste  trouvent un intérêt commun à une alliance  au détriment, encore une fois, des Cafoni.

Paysans, bergers, villageois, s’habituent au nouveau gardien de leur foi, le curé Don nicolo qui officie justement et honorablement. Quant à ceux qui rompent avec le Parti, ceux qui représentent un danger pour lui, pour les riches propriétaires, ils sont harcelés, par le Parti qui utilise des méthodes odieuses, mensongères pour piéger et punir  les « déserteurs ».
Quand Vivre au village devient impossible parce qu'accusé  à tort, de meurtre, la fuite est la seule solution.
Il ne reste plus qu’une espérance, celle d’une nouvelle libération quelle que soit son attente !

Une écriture paisible avec des touches de dérision comme piment et des tableaux émouvants de la vie quotidienne.
J’aime les auteurs qui reconnaissent et transmettent  par l’écriture leur amour pour une région, et dans ce récit pour les Abruzzes et les Cafoni.
L’image que l’auteur donne du Parti Communiste Italien est la même que d’autres auteurs ex-communistes. Sauf qu’en Italie foi catholique et foi communiste se fondent, voire se confondent pour beaucoup de personnes.
Les descriptions des personnages, leur langage, sont comme la région, brutes et attachantes. L’auteur sait démontrer l’intelligence des Cafoni, qui pour la plupart n’ont aucune instruction, leur  persévérance devant l’adversité.
C’est un récit édifiant quant aux persécutions, de tous ordres que subissaient les Cafoni à l’époque.
C'est une première rencontre avec cet auteur que je vais approfondir.

Extraits :

Sur le PCI

Plus une action ressemble à cela même que pourrait entreprendre le Parti, et plus elle est perfide et exécrable si elle est réalisée à l'insu et contre la volonté du parti.»

«voulez-vous savoir qu'elle serait la plus grande des trahisons ? Réaliser le programme du Parti sans le Parti.»

«Deux importantes reliques étaient conservées : un sachet contenant des fragments de décombres provenant de Stalingrad et un mouchoir tâché du sang d'un héroïque partisan... une fois par an, à la date du premier mai, Pâques du travail, les deux reliques étaient portées en procession par les rues du village.»

«Le parti est en guerre. Tout le reste en découle. Quiconque abandonne le Parti est un déserteur, on le fusille. Le Parti ne pet pas discuter avec un déserteur, un déserteur en temps de guerre on le fusille.»

Les Cafoni

«La plaine n'a jamais été à nous, dit Giacinto. La bonne terre a toujours été aux barons, aux princes, à l'Eglise. C'est de l'espérance vaine.»

« Catherine et Côme étaient en train de manger leur soupe de fèves, assis devant leur maison. A côté de la porte, il y avait un vieux banc, fait d’une planche clouée sur quatre pieux.Le frère et la sœur tenaient leur écuelle sur leurs genoux. Soudain se présenta un carabinier. »

… Cet après-midi, en redescendant de la carrière avec ton âne chargé de cailloux, tu n’as pas été arrêtée par un étranger ?

-Tu ne lui as pas donné un morceau de pain ? demanda le carabinier. Tu ne lui as pas indiqué son chemin ? Dans ton intérêt je t’invite à dire la vérité.

Catherine posa son écuelle à côté de soi, sur le banc, puis demanda à son frère :

- C’est un péché, la chose dont il m’accuse ? Faire la charité est maintenant un péché ? Je ne savais pas que c’était un péché.

-On n’en finirait pas de raconter les histoires de cette forêt maudite, dit Judith.

Quand Lazare commence, il ne s’arrête plus. Mais cela explique bien pourquoi les Tarocchi se mettaient à trembler dès qu’ils voyaient la place de San Luca ou de Sant’Andrea toute pleine de Cafoni. Ils étaient pris d’une peur panique. On ne pouvait jamais savoir ce qui se passerait.

-De fait les autorités finirent par dissoudre la Ligue des Paysans, dit Zacharie. Pendant quelque temps, notre antique usage de nous réunir sur la place fut même interdit.

-Mais ils ne se sentaient pas sûrs, tant que restait le clairon, dit Judith. L’important ce n’était pas la ligue, mais le clairon.

-C’est bien pourquoi la confiscation en fut ordonnée, reprit Zacharie. Mais l’instrument détesté demeura introuvable. Lazare refusa d’avouer où il l’avait caché.

«Dans la montagne, en effet, on peut voir encore aujourd'hui des ruines de maisons détruites par les tremblements de terre des autres temps. Quand la catastrophe se produit, vu que personne n'est sans pêché, personne non plus n'ose s'étonner ni protester.»

(cette région a subi un tremblement dévastateur à L’Aquila en 2009)

L’instituteur

«Don Raphaël ne possédait point de terres, mais à la poste un livret d'épargne représentant un dépôt de cinq mille lires. La somme, même pour San Luca était modeste.

En d'autres termes, en raison de ce livret qu'il se trouvait posséder, le maître d'école du village de San Luca considérait son propre sort comme lié à celui du capitalisme.

Ce livret était son privilège, sa distinction. L'importance qu'il lui attachait était émouvante.»


mots-clés : #regimeautoritaire #social
par Bédoulène
le Sam 17 Déc - 16:42
 
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Karel Capek

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La maladie blanche

Ce commentaire suit une relecture et cette pièce est toujours aussi instructive.
Critique du totalitarisme, critique des sociétés où l'ignorance et la superficialité dominent, Capek par un style léger appuie là où cela fait mal.
Le style est toujours ironique, ridiculement emphatique par moment, on est dans la comédie dramatique si l'on peut dire, les personnages sont blasés pour parler d'horreurs et très égocentriques en général, une façon d'insister sur cette superficialité destructrice d'idée.
Le héros le seul à avoir une idée, est le seul au tempérament linéaire, le seule conscient des enjeux, le seul inquiet.
Une jolie leçon qui serait très adaptée à un cours au collège.


mots-clés : #regimeautoritaire #théâtre
par Hanta
le Ven 16 Déc - 20:16
 
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Anne Brunswic

Les eaux glacées du Belomorkanal


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Au début, le voyageur étranger s'étonne de rencontrer des Russes qui, directement ou à travers leurs parents, ont subi la répression stalinienne, et pour autant ne sont nullement devenus des adversaires du régime. Le cas est banal. Beaucoup même ont pu gravir les échelons au sein du Parti et s'y sentir à l'aise  jusqu'à l'effondrement du régime. Le visiteur doit se rendre à l'évidence : il n'a pas toutes les clés  Il essaie de comprendre quelles réalités vécues recouvrent pour son interlocuteur « communisme », « stalinisme », « Parti », tâtonne, échafaude des hypothèses, va chercher des réponses chez les historiens, les philosophes... Et plus il apprend, moins il sait.



Ne cherchez pas ici des renseignements exhaustifs (techniques économiques ou historiques)  sur ce canal, qui unit le lac Onega à la mer Blanche,  chantier pharaonique conçu par Staline qui y attela 150 000 zeks dans des conditions atroces.  Un canal aux archives interdites, et tenu secret pour de vagues raisons stratégiques.


 
Pierre le Grand en a rêvé, Staline l'a fait. Le sort des moujiks entre temps a peu varié.


Ou alors lisez un autre livre que celui d'Anne Brunswic. Car elle annonce d'emblée sa façon de procéder.

 
 La vérité est que tu aimes bien frapper à la porte d'un ou d'une inconnu(e), sans projet arrêté, sans nécessairement chercher de réponse à une question qui préexisterait. Il serait prétentieux d'ériger ce tâtonnement en méthode mais c'est bien de propos délibéré que tu joues à te perdre.




Les eaux glacées du Belomorkanal est donc plutôt un livre d'humanité transmise, qu'un document objectif. C'est un livre sans idées préconçues, sans cases toutes prêtes, sans jugement. On y suit le cheminement géographique  de l'auteur, ses rencontres dans les villes avoisinantes, dans des musées, des bibliothèques, des établissements scolaires. Mais aussi chez l'habitant commun, à ce qui reste de l’hôpital psychiatrique, au sanatorium. Là, elle va à la rencontre des hommes ou surtout des femmes, instaure une confiance, recueille des témoignages. C'est au fil de ceux-ci que sont tranquillement distillées les informations  factuelles sur le canal. Et la vie aujourd'hui,  si elle semble sans rapport,  ne serait pas ce qu'elle est sans le canal (son empreinte dramatique  mais aussi joyeuse dans les mémoires puisque certains s'y sont baignés enfants dans l'insouciance) , et les industries (scieries, usines d'aluminium ou de cellulose fabriquant des sacs de papier Kraft) qui en on découlé. Et surtout sans l'Histoire sombre qu'il véhicule, car pour chacun émerge qui un père, qui un frère arrêté, accusé, emprisonné, des vies sous l'emprise de la terreur. Ainsi se tisse peu à peu un regard nouveau sur la répression stalinienne, refoulée ou exprimée, mais toujours inscrite au cœur des Russes.

(commentaire rapatrié)


mots-clés : #regimeautoritaire #voyage
par topocl
le Ven 16 Déc - 12:08
 
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Svetlana Aleksievitch

La fin de l'homme rouge

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Ce livre est une somme, qui, en 550 pages, dit "tout" (ou en tout cas beaucoup) de l'URSS/la Russie depuis un siècle et de cette ahurissante transition. Rien de très neuf pour qui s'y intéresse, par contre, on est dans l'  approfondissement à travers l'intimité du vécu des petites gens.. Svetlana Alexeïevitch continue avec sa technique habituelle, un micro, un stylo, des oreilles, et tout est scrupuleusement noté. L’intervieweuse, bien présente par les choix des histoires rapportées,  s'efface totalement face aux récits de ses interlocuteurs.

Cette technique est à la fois la force et la faiblesse du livre,   ouvrage journalistique et non pas  littéraire. La force, car Svetlana Alexeïevitch a sélectionné ses histoires pour donner un survol historico-  journalistique le plus  complet posssible. Et qu'elle y met  une empathie du fait de sa proximité avec les personnes qui parlent, dans un  respect absolu de leur discours. La faiblesse, c'est que justement ce respect l'a amenée à refuser d'élaguer, ou concentrer, au risque de noyer le lecteur dans la litanie et les redondances  .
Cette démarche est le choix d'une femme pleine de compassion et proche de ses concitoyens, et si la lecture m'a parfois paru longuette, mon intérêt ne s'est pas démenti.


(commentaire rapatrié)


mots-clés : #documentaire #regimeautoritaire
par topocl
le Ven 16 Déc - 8:32
 
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Venedikt Vassilievitch Erofeïev

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Moscou-sur-Vodka


(Originaltitel: Москва — Петушки, russe, traduction littérale: Moscou-Pétouchki)

C’est de loin l’œuvre le plus connu de Venedikt Erofeev. Selon ses propres dires il a écrit ce livre entre Janvier et Mars 1970. Il fût emporté en Israel où on le publia pour la première fois en 1973 dans le journal « Ani ». Mais il ne faudrait pas négliger la distrubution dans le fameux Samizdat russe, ce moyen de reproduction clandestin, avec copies faites à la machine, à la main, des lectures faites en petits cercles. Selon beaucoup de Russes ayant vécu cet époque culturellement dans la clandestinité, Moscou – Pétouchki fut parmi les livres les plus spectaculaires.

Sur première vue il s’agit d’un récit d’une journée, d’un simple voyage en train de celui qui raconte, l’alter ego de l’auteur, Vénja, de Moscou vers Pétouchki, ville de la  région de Vladimir. Il veut y visiter sa bien-aimée...Au cours de l’action le protagoniste alcoolique devient de plus en plus ivre… et ses récits de plus en plus surréalistes, marqués par des rencontres avec des personnages clés de l’histoire et de l’Union Soviétique et de la Russie éternelle. Dans une grande confusion de gare, il se met accidentellement et sans se rendre compte, dans un train qui le ramène à Moscou et au début du voyage, et vers une exécution par quatre figures sombre.

J’ai entendu par certains lecteurs que ce récit est insupportable par l’accumulation grotesque de quantité d’alcool consumé. Une lecture superficielle peut alors arriver à réduire ce voyage à une pure beuverie (ainsi lu dans une description d’article d’amazon.de !!!). Quelle tristesse !
Mais à voir de plus près, l’auteur profite de l’occasion pour parler de beaucoup d’aspects de la vie sous l’empire soviétique. Le langage utilisé est celui de la satire, du grotesque, de l’humour si bien connus dans des situations de tyrannie. On y trouve aussi bien des paroles d’usage du parti que de nombreuses allusions vers d’œuvres d’art, littéraires et religieuses.
Et les lecteurs clandestins ne s’y trompaient pas et voyaient la critique du « paradis des ouvriers sur terre » qui, sous ces yeux là, devient un grand vide. On peut, un moment donné, aussi déduire que cette bien-aimée à visiter est inatteignable, oui, est-ce qu’elle a jamais existé ?
Le livre est divisé en chapitres avec le titre du chemin parcouru (station à station de gare).

Si on est très sensible au sujet de l’alcool, on devrait peut-être s’abstenir. Il est vrai, sans aucun doute que l’alcool était un problème pour l’auteur lui-même, et pour le peuple russe, et un ami russe m’a dit que le verbe de « boire » apparaît avec des variations, synonymes  étonnantes !…
…, mais je ne peux que conseiller une lecture avertie en vue de se faire une image de cet auteur singulier et une description rocambolesque de la réalité du système soviétique, même s’il est tout à fait pensable que le lecteur d’aujourd’hui, surtout occidental, n’est pas (ou plus) capable à déchiffrer toutes les allusions culturelles, politiques, religieuses etc.

Mais on devrait être capable d’entendre le cri de détresse et de mélancolie qui émane de ces pages !


mots-clés : #regimeautoritaire #voyage
par tom léo
le Mer 14 Déc - 7:20
 
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Sujet: Venedikt Vassilievitch Erofeïev
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Olivier Rolin

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Solovki - La Bibliothèque perdue

avec des photos de Jean-Luc Bertini
Original : Französisch, 2014

INTRODUCTION :
Le livre se présente dans un format A-4, légèrement moins large, dans un mélange d'un texte relativement court d'Olivier Rolin et de de photographies de Jean-Luc Bertini. C'était en 2010 que l'écrivain avait été la première fois à Solovki, immédiatement sous le charme de ce lieu magique (comme moi quelques années plus tôt...) Depuis il a revisité cet archipel encore deux fois. Le lieu fait référence, dans la mémoire collective, à une histoire réligieuse très riche de par la présence d'un monastère très influent depuis le debut du XVème siècle, et puis par la transformation de l'île en Goulag dès le début des années 1920. Solovki comptait comme le premier Goulag de la sorte ! Au début de la vie du « lager » une vie culturelle même semblait possible. S'y developpa alors entre autre une bibliothèque par les livres apportés par les prisonniers : intellectuels, politiques selon Rolin, mais j'ajoute : aussi des prêtres et autres. Puis avec les années, le durcissement de la situation et la dissolution du Goulag, la bibliothèque « disparaissait », et on ne savait pas vers où. Travaillant sur le sujet de ladite bibliothèque disparue, Rolin revenait en Mars/Avril 2013 pour faire un documentaire pour ARTE. C'est là que naissaient aussi les photos de Jean-Luc Bertini. Leurs investigations les menaient des Solovki vers Kem, Medvejegorsk et Iertsovo.

REMARQUES :
« A quelque cinq cents kilomètres au nord-est de Saint-Pétersbourg, juste sous le cercle polaire, la mer Blanche est une mer presque fermée, un grand golfe de la mer de Barents. A l'ouest c'est la République de Carélie et la Finlande, au nord la péninsule de Kola avec le port de Mourmansk, à l'est la "ville de l'Archange", Arkhangelsk, au sud, près du port presque abandonné de Belomorsk, le débouché du canal Baltique-mer Blanche, autrefois nommé "Staline", dont le percement, de 1931 à 1933, coûta la vie à des dizaines de milliers de déportés. C'est sur les bords de la mer Blanche, à Severodvinsk, que la Russie construit ses sous-marins nucléaires. Terres de sombres forêts, de lacs glaciaires, terres de sang, bourgades délabrées sous la froide lumière du Nord : il faut aimer les paysages mélancoliques pour se balader, surtout en hiver, sur les rivages de la mer Blanche. »
(extrait du livre...)

Restent pour moir l'impression d'une distance vers ce qu'on décrit, un vrai élan, une energie ne sont pas communiqués malgré le sujet plus qu'intéressant. Comme si Rolin faisait ici encore un ajout au film, une exercise de devoir sans vraie particpation. Un peu endormi ?
Il faut être prêt que le sujet du livre (du texte au moins) est alors plutôt la recherche sur les traces de la bibliothèque, même s'il y manque l'élan. Mais il est étonnant, voir pour moi inconcevable que tout en racontant alors sur les Solovki on fait mention en quelques lignes de l'histoire si riche, la place si unique de la tradition monastique. Comment présenter les Solovki sans aucune photo vraie de la vue d'ensemble du Kremlin tellement impressionnant, image que chacun, aussi les prisonniers des sombres années, ont du connaître en arrivant sur l'île ? Comment parler de coté des prisonniers, seulement d'intellectuels et de prisonniers politiques si on sait combien de croyants y furent tués, massacrés, torturés aussi ? Par ces omissions ce livre perd pour moi un grand part de sa vérité, ou de sa percussion.

Parmi les photos il y en a des superbes, des trouvailles de visages, des vues des alentours dans la neige...(un vrai documentaire devrait aussi tenir compte des différentes saisons de l'année!) . Mais beaucoup ne me parlent pas, ne me disent rien. S'y ajoute le manque de titres, de notes explicatives : comme ces photos sont prises aussi sur le chemin des investigations, on ne sait pas où est-ce qu'on se trouve.

Donc, l'impression générale : une certaine vue reductrice et la conviction qu'on aurait pu faire plus. Une occasion ratée pour un sujet extraordinaire dans un lieu magique.
mots-clés : #nature #regimeautoritaire #religion
par tom léo
le Mar 13 Déc - 22:04
 
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Sujet: Olivier Rolin
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In Koli Jean Bofane

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Mathématiques congolaises

Entre-temps, la Faim, au milieu de la population, gagnait du terrain, faisait des ravages considérables. Elle progressait en rampant, impitoyable comme un python à deux têtes. Elle se lovait dans les ventres pareille à un reptile particulièrement hargneux creusant le vie total autour de sa personne. Ses victimes avaient appris à subir sa loi. En début de journée, avant qu'elle ne se manifeste, on n'y pensait pas trop, absorbé par le labeur qui permettait justement de manger et ainsi obtenir un sursis. On faisait semblant d'oublier, mais l'angoisse persistait à chaque moment. En début d'après-midi, avec le soleil de plomb qui accélère à la déshydratation, cela devenait plus compliqué. L'animal qui, depuis longtemps, avait pris la place des viscères,  manifestait sa présence en affaiblissant le métabolisme, se nourrissant de chair et d'autres substances vitales. On était obligé de vivre sur ses maigres réserves. L'effort faisait trembler les membres, rendait les mains moites et froides, le cœur avait tendance à s'emballer. Pour calmer la bête, on lui faisait alors une offrande d'eau froide, pour qu'elle se sente glorifiée. Cela ne dure pas, car juste après, elle jouait sur le cerveau et d'autres organes de la volonté et du sens combatif. On pouvait avoir tendance à quémander et à mendier. certains devenait même implorants, parce qu'elle laminait, de son ventre rêche, des choses aussi précieuses que l'orgueil et la fierté. Elle était omniprésente et omnipotente. On ne conjuguait plus le verbe « avoir faim ». À la question de savoir comment on pouvait aller, la réponse était :  «Nzala ! », « La Faim ! ». Elle s'était institutionnalisée.


La Faim… La Faim est omniprésente dans ce roman. Les habitants de Kinshasa passent leur journée à tenter de la contrer, sans grand succès la plupart du temps. C'est pour gagner un peu d'argent afin d'apaiser la Faim que de jeunes habitants acceptent régulièrement de jouer le rôle de partisans du gouvernement lors de manifestations factices contre l'opposition.
Mais il peut arriver qu'une manifestation dégénère, et que l'on déplore des morts. Innocentes victimes des petits jeux de dupes auxquels se livrent les puissants du pays… C'est en venant faire taire une famille éplorée que l'homme de l'ombre du président, Gonzague Tsihilombo, remarque Célio Matemona, dit Celio Mathematik.

Celio, que la guerre civile a rendu orphelin, n'a dû son salut qu'à un prêtre missionnaire et à la découverte émerveillée des mathématiques. Dès lors toute situation devint pour lui sujette à analyse, résumée en quelques théorèmes mâtinés d'une ou deux sentences de Machiavel. Gonzague Tshilombo pressent que ce drôle d'énergumène pourrait être utile à la présidence, et l'embauche. L'idéaliste Celio se retrouve donc au service d'un homme sans scrupule, qui "appréciait de vivre cette période de transition. Il estimait connaître des moments privilégiés ou le savoir-faire des hommes tels que lui était nécessaire. Il était non seulement l'expert en écran de fumée, mais aussi le spécialiste en « comment poser une poutre dans l'œil du voisin sans faire tomber la paille qui s'y trouve déjà, des qualités inestimables en matière d'intoxication et de désinformation, car telle était sa véritable tâche."

Désir de s'élever dans la société, de quitter les petits boulots précaires, de jouir de l'argent facile, Celio fait taire sa conscience et met toute la fougue de sa jeunesse au service de son employeur.
L'Europe fait pression sur l'état congolais ? Jouons donc le jeu de la démocratie, si cela peut leur faire plaisir, mais tentons néanmoins de tourner chaque situation à notre avantage…Celio découvre avec grand plaisir que les mathématiques lui permettent de se jouer des hommes à sa guise et d'anticiper leurs réactions pour mieux les influencer. Et tant pis si quelques innocents sont balayés au passage, il est si amusant, et si facile de manipuler les foules !
Mais quand on est un enfant de la rue, un idéaliste, un ami des opprimés, peut-on indéfiniment faire taire sa conscience ? Tel sera le dilemme auquel Celio sera confronté…

La plume d'In Koli Jean Bofane, teintée d'humour noir, est un subtil mélange de décontraction et de recherche, et décrit à merveille la vie quotidienne des kinois. La quête d'argent happe certes toute leur énergie, mais ils n'en oublient toutefois pas de palabrer, d'aimer, et… d'entretenir leur amour de la sape !
Pendant ce temps, les puissants usent et abusent de leur pouvoir pour maintenir le pays sous leur joug, se jouant des hommes et des concepts avec un cynisme qui fait froid dans le dos. Les sorciers et autres féticheurs sont régulièrement mis à contribution, pour aider une ascension sociale ou pour faire taire une conscience trop longtemps bafouée… L'humour sous-jacent ne met que plus en valeur la déliquescence d'un pays gangrené par une corruption généralisée et un pouvoir oublieux de son peuple, qui ne sert que ses intérêts particuliers.
Sans céder à la facilité ni à l'exotisme, l'auteur est parvenu à rendre palpable la réalité de ce Congo ravagé par les luttes intestines. Mais une fois le livre refermé, c'est la dignité et la force de vie du "petit peuple" que le lecteur a envie de retenir, en espérant qu'un jour le mot "démocratie" décrira une réalité bien tangible, et non plus un concept détourné à leur profit par des dirigeants corrompus…

Chaque jour, le pouvoir d'achat s'amenuisait. Les denrées alimentaires étaient rares et hors de prix. Le système de santé n'existait plus depuis longtemps. Le sida et ses conséquences s'étant ajoutés à tout cela, l'ensemble était devenu ingérable. Les gens ne tenaient plus que par la peau qui les recouvrait. Pour l'éducation, c'étaient les parents qui s'organisaient pour payer le salaire des professeurs. Dans ce contexte, seul Dieu faisait des miracles, et encore, il avait un mal fou à suivre.



(Ancien commentaire remanié)


mots-clés : #corruption #regimeautoritaire #social
par Armor
le Mar 13 Déc - 16:41
 
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Sujet: In Koli Jean Bofane
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Shumona SINHA

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Calcutta

Autrefois il y avait un escalier. Raide et étroit. Sa rampe était en ciment rugueux, avec des trous en forme de croix. Trisha se tenait au bord, après s'être dandinée de la chambre du fond jusque-là. Elle avait réussi à se mettre debout, à tomber et à se relever encore, et elle avait marché avec ses petits pieds tout ronds et aussi mous que des raviolis. Le chemin était sans obstacle, elle avait les chaises et les fauteuils comme repères. Sa grand-mère criait depuis sa chambre, mais elle ne pouvait ni marcher ni courir pour attraper Trisha, qui était maintenant au bord du vide. Probablement surprise par le sol qui cessait soudain d'être là, elle oscillait peut-être, attirée par le chemin ouvert, creux, par les marches pointues s'élevant vers  elle comme des dents de scie, leurs bras ouverts et moqueurs, elle avait peur aussi, sans doute. Un peu par peur, un peu par sidération, elle s'était penchée alors, tête en avant.


Depuis des années, Trisha a fait sa vie à Paris. Et c'est à contre coeur qu'elle effectue le voyage retour vers Calcutta pour assister à la crémation de son père. Une fois seule dans la maison de son enfance, les souvenirs affluent... Et en premier lieu, l'image un révolver dissimulé sous une couette rouge… Puis des jeux d'enfants dans les champs et dans le coton, au pied des couettiers itinérants. Et encore et toujours ce révolver, dont il valait mieux ignorer l'existence…

Pour Trisha, le Bengale de l'enfance est un pays sous état d'urgence, en proie aux troubles religieux, et où les soldats d'Indira Gandhi font régner la terreur au sein des groupes communistes. Avoir un père marxiste, c'est l'incertitude au quotidien : la crainte de l'arrestation, ou pire encore, de l'exécution sommaire.

Et puis, il y a sa mère. Une femme éduquée dont un chagrin d'amour a révélé le caractère instable. Même les attentions d'un époux aimant ne peuvent éviter les subits accès de dépression, moments terribles durant lesquels la mère devient un être inerte et insensible à tout ce qui n'est pas sa propre douleur. Alors l'enfant guette anxieusement le moindre signe annonciateur d'une nouvelle crise, et le couple fait de chaque jour heureux une victoire sur le sort et les préjugés.

Tout ceci, et tellement plus encore, nous est révélé par bribes, au fil des souvenirs de Trisha. Des souvenirs dans le désordre, parfois confus, parfois terriblement précis, comme des petites touches impressionnistes. Au lecteur de reconstituer le tableau...

Je l'avoue, je n'ai pas été d'emblée séduite par ce roman malgré ses qualités indéniables. Je suis restée quelques temps extérieure au récit. Et puis, et puis j'ai été cueillie, d'un coup d'un seul, sans trop vraiment savoir pourquoi. Saisie par les émotions qui se succédaient, par cette plume sobre et inventive, par ces images inattendues que seul un poète pouvait trouver.
Quelle est la part de Sumonha en Trisha ? L'auteur a savamment brouillé les pistes, oubliant le récit à première personne du chapitre initial pour se concentrer sur son héroïne. Mais il en fallu du talent pour esquisser en si peu de pages ce Bengale terriblement authentique, et laisser deviner derrière les silences toute la complexité de personnages dont les émotions à fleur de peau et les non-dits pénètrent peu à peu le lecteur jusqu'au coeur.
Un livre qui, une fois refermé, m'a longtemps accompagnée...

Sa mère avait veillé sur lui, jour et nuit, versant des larmes en silence pour ne pas effrayer son fils et cacher son désarroi : elle se sentait coupable d'être en pleine santé tandis que son fils luttait contre un cœur malade. Plusieurs années plus tard quand elle ne put plus se tenir debout, condamnée à un fauteuil roulant que son fils poussait, elle s'était sentie étrangement soulagée, comme tout était rentré dans l'ordre. Se confier aux soins de son fils la rassurait : il y avait là une cohérence. Son fils ignorait tout cela : ils n'avaient pas l'habitude de parler de leurs sentiments. La maison comme une grotte sauvage engloutissait toute parole, toute émotion qui pouvait ressembler à de l'amour. On exprimait sa reconnaissance, sa gratitude, son chagrin, sa déception, sa colère ou sa haine, mais jamais son amour.



(Ancien commentaire remanié)


mots-clés : #initiatique #famille #regimeautoritaire #pathologie
par Armor
le Mar 13 Déc - 6:08
 
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Sujet: Shumona SINHA
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Sergio Atzeni

Sergio Atzeni (1952-1995)

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Sergio Atzeni (né le 14 octobre 1952 à Capoterra en Sardaigne et mort le 6 septembre 1995 (à 42 ans) à Carloforte) est un écrivain, journaliste et traducteur italien.

Né à Capoterra, Sergio Atzeni vit à Cagliari dès sa première enfance. C'est là qu'il passe, hormis un court séjour à Orgosolo son enfance et sa jeunesse et qu'il fait ses études. Il s'inscrit à la faculté de philosophie mais la quittera avant d'avoir obtenu son diplôme.

Très jeune, dès 1966, il commence à se consacrer au journalisme et collabore bientôt avec les plus importants journaux sardes : Rinascita sarda, Il Lunedì della Sardegna, L'Unione Sarda, l'Unità, La Nuova Sardegna, ou encore Altair, revue qu'il a fondée et dirigée. Il travaille en même temps pour la radio. Il s'inscrit également au parti communiste italien, participant activement à la vie politique de la cité. Il ne parvient toutefois à trouver un emploi stable, à la société nationale italienne de production d'électricité ENEL, qu'en 1976. Travail qu'il abandonne au moment de ses débuts littéraires, quand il décide en 1987 de quitter l'île, un an après la parution de son premier roman.

Il s'installe durablement à Turin, qui sera jusqu'à sa mort son lieu de résidence, hormis durant un court intermède à Sant'Ilario d'Enza en Émilie de 1990 à 1993. Il travaille comme journaliste pour L'Europa et traducteur pour de nombreuses maisons d'éditions, notamment d'auteurs français. Ce sont des années particulièrement riches dans sa carrière d'écrivain, pendant lesquelles il écrit quelques-unes de ses œuvres les plus importantes, comme L'Apologo del giudice bandito, Il figlio di Bakunin, Passavamo sulla terra leggeri et Il quinto passo è l'addio.

Il trouve la mort tragiquement à Carloforte, le 6 septembre 1995, à l'âge de 42 ans, emporté par une vague, lors d'une tempête, sur les falaises de l'île de San Pietro.

(wikipedia)

Oeuvres traduites en français :

Le Fils de Bakounine
La Fable du juge bandit
Le Cinquième pas est l'adieu
Bellas mariposas
Il existe deux couleurs au monde, le vert est la seconde ; voyage en compagnie de Vincent
Récits avec bande-son
Nous passions sur la terre, légers





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Le Fils de Bakounine

Qui est Bakounine ? C'est le surnom donné par la population de Guspini à Antonio Saba, le meilleur cordonnier de Sardaigne !

C'est sur les traces de son Fils Tullio Saba qu'une mère incite son fils à enquêter, est-il journaliste comme il se présente ?

La mémoire est-elle fidèle ? infidèle ? transforme-t-elle la réalité ? par besoin de l'enjoliver ou au contraire de la noircir ?
C'est au lecteur de décider, s'il le peut, s'il le veut après avoir suivi le jeune homme dans son enquête, après avoir entendu les témoins du passé.

En le suivant le lecteur découvre la vie des pauvres gens de Sardaigne  au moment du fascisme et après la guerre ; les figures qui s'imposent se sont celles des mineurs.
Tous ces hommes ont besoin de moments de bravoure dans cette dure vie, cela peut être un drapeau hissé sur le clocher à la barbe des fascistes qui ont interdit la fête du travail le 1er mai ou l'inscription du nom de Staline sur une poutre de  soutènement dans la galerie de la mine ou encore porter un béret français quand tous portaient un bonnet ou une chéchia.

Le langage est coloré, les divers personnages bien campés dans leur emploi, dans le temps.

J'ai trouvé dans ce petit livre beaucoup de plaisir de lecture, merci à Bix de me l'avoir conseillé !


quelques extraits :

"Certaines nuits il prétendait à ma chaleur, mais il était tellement soûl que je lui faisais un service à la main et il ne s'apercevait même pas de la différence."

"Au bout d'une quinzaine de jours tous ceux qui n'étaient satisfaits, qui auraient voulu un monde ou au moins un travail différent avaient tous un couvre-chef pareil au sien."

"Tu sais ce que je te dis ? Je donnerais tout ce que j'ai pour éprouver à nouveau l'émotion de ce jour, quand nous avons vu le soutènement terminé et cette inscription lumineuse tout en haut, VIVE STALINE."

"Il m'avait parlé de la Grande Guerre, il me semblait impossible que les hommes soient assez stupides pour refaire une telle connerie. Puis j'ai vu de mes yeux que c'était possible."

"Avec ces têtes brulées de communistes il faut être dur et sans pitié dans les actes, mais aussi astucieux, capable de jouer avec les salaires pour créer la division, et de jouer avec les mots pour exploiter leur ignorance."

"Croyez moi. Parole de carabinier. Et n'écoutez pas ceux qui disent que les carabiniers sont idiots. Les blagues sur les carabiniers, nous les inventons nous-mêmes, parce qu'on a le sens de l'humour."


mots-clés : #regimeautoritaire #social
par Bédoulène
le Lun 12 Déc - 18:42
 
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Sujet: Sergio Atzeni
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Elsa Osorio

"Luz ou le temps sauvage" de Elsa Osorio

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Luz ou le temps sauvage (A veinte anos, Luz, titre original)
Traduit de l'Espagnol (Argentine) par François Gaudry
480 pages.

Le temps sauvage, celui de la dictature en Argentine, dans les années 70, sauvage ou barbare, le temps de la peur, celui de l'horreur. L'histoire oscille entre 1976 et 1998, l'âge de Luz dans ces 115 premières pages que je dissèque à un rythme beaucoup trop long à mon goût car le style de l'auteur ne lambine pas, lui, dans ce beau roman, beau et cruel, celui d'une jeune femme en recherche de paternité.
Luz rencontre Carlos à Madrid afin d'en savoir plus sur ses parents qui ont connu la dictature argentine, époque de tortures, d'enlèvements, d'assassinats. D'emblèe on comprend que ses parents n'étaient pas du côté des bourreaux, qu'elle même alors qu'elle n'était pas encore née était l'enjeu de l'enlèvement d'un futur enfant, geste qui l'obligera des années plus tard à reconstituer le puzzle.
Et cette reconstitution semble avoir été possible grâce à  Miriam une prostituée rangée des affaires, maquée à un sous-fifre de la junte militaire, une espèce de monstre qui l'idolâtre et qui lui fait peur en même temps par sa brutalité et par ses sautes d'humeurs. Miriam grâce à Luz-Lili ouvrira petit à petit les yeux sur la réalité du monde qui l'entoure et dans lequel elle vit, un monde où on se permet de prendre les enfants des mères détenues, pour des vrais ou fausses raisons politiques, dans un temps où la sauvagerie est de retour...

A suivre...


mots-clés : #politique #regimeautoritaire
par Chamaco
le Lun 12 Déc - 6:47
 
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Sujet: Elsa Osorio
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Ahmadou Kourouma

Tag régimeautoritaire sur Des Choses à lire - Page 8 0001010

En attendant le vote des bêtes sauvages (1994).

Comme dans tout roman d'Ahmadou Kourouma, le lecteur européen doit se déchausser avant d'entrer.
Puis se dévêtir, se dépouiller de tout bagage. Il y a de toute manière toujours une voix pour le lui rappeler...

Il existe deux sortes de cécité sur cette terre. Il y a d'abord ceux qui irrémédiablement ont perdu la vue et qui parviennent avec une canne blanche à éviter les obstacles. Ce sont les aveugles de la vue. Et ceux qui ne croient pas, n'utilisent pas la voyance, les sacrifices. Ce sont les aveugles de la vie. Ils entrent de front dans tous les obstacles, tous les malheurs qui empêchent leur destin de se réaliser pleinement. Qu'Allah nous préserve de demeurer, de continuer perpétuellement à vivre parmi les aveugles de la vie !


Après plusieurs semonces, le lecteur mal élevé qui refuse se verra éconduit.
Et prendre la porte, dans un roman, ça s'appelle être condamné à ne pas comprendre. Le rationaliste qui cherchera à esquiver les voies magiques frayées dans cette logorrhée rituelle se voit rabroué sans ménagement : naïf ! enfant !

Le récit prend la forme d'un donsomana, qui est une geste purificatoire, dite par un sora - ce sera Bingo - et accompagnée par un répondeur cordoua, Tiécoura. Le donsomana, divisé en six veillées, doit opérer une purification de Koyaga, ancien dictateur de la République du Golfe. Ce dernier a perdu l'aérolithe et le Coran qui l'auréolaient d'un pouvoir magique sans égal ; d'où le donsomana, préalable nécessaire pour les retrouver, et, par là-même, pour reconquérir le pouvoir.

Bingo. Tiécoura. Deux voix principales auxquelles se mêlent plusieurs autres.
Tout s'entremêle et se confond si bien que le propos n'est jamais clair, car on n'est jamais tout à fait sûr de savoir qui parle.
Koyaga est tour à tour encensé, mythifié puis conspué et condamné.
Car "Tout n'est pas négatif, totalement négatif, même dans un autoritarisme émasculateur. Même dans l'anus de l'hyène, on trouve des taches blanches. Conclut le cordoua."
Une archéologie du texte fera apparaître que Kourouma a mélangé dans son portrait de Koyaga biographie officielle, lumineuse, et biographie non officielle, interlope, d'Eyadéma, dictateur du Togo.
D'où les ambivalences. Mais cela n'explique pas grand chose.

Autre génie de Kourouma : ouvrir des brèches dans le temps.
Par des entrelacs et entrelacements narratifs permanents, le passé ancestral et le présent le plus sordide se jouxtent.
Si bien que tout est embaumé d'une impression de sacralité ; Koyaga, plus qu'un homme, devient acteur de l'Histoire, héros en mouvement.
Héros dans un monde où le sorcier féticheur et le blanc colonisateur sont voisins.
Le lecteur est perdu dans cette "vaste et multiple Afrique" où l'irréel et le réel n'ont pas de frontière connue.
Bien sûr, on pourra reconnaître de véritables dictateurs dans ce roman : Koyaga est l'alter ego d'Eyadéma, le personnage de Tiékoromi, président de la République de la Côte des Ebènes au totem caïman renvoie au président ivoirien Houphouët-Boigny (comme dans les Soleils des Indépendances), l'empereur Bassouma au totem hyène évoque l'empereur Bokassa et l'Homme au totem léopard rappelle Mobutu Sese Soko (président du Zaïre).
Arrivé au seuil du pouvoir, Koyaga décide à la suite d'un songe d'entreprendre un voyage initiatique. Il apprendra auprès de Tiécoromi, de Bassouma, de Bokassa et de l'Homme au totem léopard l'art de la dictature. C'est lors de la quatrième veillée que ce voyage est retracé. Avec, comme toujours, beaucoup d'humour, mais un humour en demi-teinte, comme assourdi ou effacé.

Voici donc les quatre mises en garde de Tiécoromi (entendez le rire sourd de Kourouma) - j'abrège beaucoup :
1/ "la première méchante bête qui menace le sommet de l'Etat et en tête d'un parti unique s'appelle la facheuse inclination en début de carrière à séparer la caisse de l'Etat de sa caisse personnelle. Les besoins personnels d'un chef d'Etat et président d'un parti unique servent toujours son pays et se confondent directement ou indirectement avec les intérêts de sa République et de son peuple."
2/ "la seconde méchante grosse bête qui menaçait un chef d'Etat novice - et même tout homme politique en début de carrière -, était d'instituer une distinction entre vérité et mensonge. La vérité n'est très souvent qu'une seconde manière de redire un mensonge. Un président de la République et président fondateur de parti unique - et Koyaga forcément sera le président fondateur d'un parti unique - ne s'alourdissait pas, ne s'embarrassait pas du respect d'un tel distinguo."
3/ "la troisième méchante grosse bête qui menace au sommet de l'Etat et à la tête d'un parti unique consiste, pour le président, à prendre les hommes et les femmes qui le côtoient, qu'il rencontre, avec lesquels il s'entretient, comme culturellement ceux-ci se présentent. Un chef d'Etat prend les hommes comme ils existent dans la réalité. Il doit connaître - comme le charmeur connaît les parties du corps des serpents - les sentiments et les moyens par lesquels il faut enjôler les humains."
4/ "il vous a alors expliqué ce qu'il appelait la quatrième bête sauvage qui menace le chef d'un parti unique : le mauvais choix. Dans la guerre froide qui régissait l'univers, le choix d'un camp était essentiel, un acte risqué, aussi risqué que prendre une femme pour épouse, etc."



On traverse les espaces (par ce voyage et celui de Maclédio, son bras droit, parti jadis en quête de son "homme de destin") et les temps.
L'action de quelques hommes traverse les âges et les frontières de l'Afrique : ce n'est rien moins qu'une saga.
D'ailleurs, cette impression diffuse d'intemporalité, de sacralité, n'est pas non plus étrangère à l'usage presque rituel des proverbes.
Des proverbes très colorés ; qui sentent la profonde sagesse d'une culture, agrégée au fil des siècles, qui charrient la puissance du verbe. Et dont l'humour est féroce.
"Tiécoura ! Le proverbe est le cheval de la parole ; quand la parole se perd, c'est grâce au proverbe qu'on la retrouve."
Passée la déception de ne pas retrouver le langage des Soleils des indépendances, j'ai retrouvé, subtilement distillée entre les six veillées, la langue colorée de Kourouma. Sa finesse et sa complexité.




mots-clés : #humour #regimeautoritaire
par Fancioulle
le Dim 11 Déc - 15:13
 
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Sujet: Ahmadou Kourouma
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Hans Magnus Enzensberger

HAMMERSTEIN OU L' INTRANSIGEANCE

Tag régimeautoritaire sur Des Choses à lire - Page 8 Hammer10

Je vais essayer de parler de ce livre en évitant les redites, mais en insistant quand même sur ce qui fait l' interet unique de ce livre de ce livre et de ce qu' il m' a appris.

En tant que document historique, je me suis rendu compte que ce que je savais sur L' Allemagne des années  30 et 40, et qui précédèrent la guerre, était pratiquement nul.
Que j' ignorais aussi les liens militaires qui lièrent L'URSS et l' Allemagne.
Je me souvenais à peine de l'importance du Traité de Versailles qui avait sanctionné l'Allemagne en 1918. Et j'ignorais que l'Allemagne avait cherché à contourner le Traité en essayant de  reconstituer une armée grâce à l'URSS.
On était encore  loin du ¨Pacte Germano Soviétique.

Les Anglais et les Français imposèrent des conditions économiques et militaires draconiennes qui placèrent l'Allemagne dans une situation catastrophique. La république de Weimar dura peu et ne fit pas illusion sinon à l'étranger.
Il ne fallut que quelques années pour que l'Allemagne en crise profonde se laisse guider dans les pires voies. Comme l'écrit Enzensberger, les hommes politiques étaient tous dépassés par la  situation et Hitler en profita pour imposer sa démagogie et prendre le pouvoir.

Comme beaucoup sans doute, j'ignorais la position de l'armée allemande et  de ses dirigeants.
Et je me suis rendu compte que si Hammerstein et d'autres militaires de haut rang avaient réagi à temps, ils auraient pu arreter Hitler. Mais ils ont laissé passer l'occasion.

Enfin, je n' aurais jamais cru qu'un général en chef des armées, tel qu'il le fut officiellement Hammerstein, fut aussi courageux, déterminé, "intransigeant" face à un dictateur et son régime.
Il ne dut quand même échapper à la prison ou à l'exécution  qu'à un cancer non soigné qui le fit mourir en 1943.

Autre étonnement personnel encore que l'attitude de H. en tant que père de famille. Si ses filles lui reprochèrent une certaine distance pendant leur enfance, tous reconnaissent qu'il leur laissa  une indépendance d'esprit et d'action incroyables compte tenu de la situation et de l'époque. Tous d' ailleurs se montrèrent dignes de lui, chacun à sa façon et souvent en flirtant avec le communisme.
Et là comme ailleurs, Enzensberger, mieux que quiconque -en tout cas autrement- montre le rôle des communistes dans la clandestinité et leur efficacité.
Sauf que, ils étaient totalement manipulés par Moscou. Et que, en guise de récompense, ils furent presque tous emprisonnés et exécutés dans les années 3O.

C'était l' époque terrible où Staline inaugura une série de procès politiques qui liquida tous ses ex camarades bolcheviks. Il fit pire sur le plan militaire, en faisant exécuter pratiquement tout l'Etat Major de l' Armée Rouge. Près de 6000 hommes disparurent ainsi à quelques mois de l'entrée en guerre de l'Allemagne contre l'Union soviétique.

En tout cas, c'est à  travers les trois filles de Hammerstein et leurs relations avec leurs amis communistes qu' Enzensberg, intégrant à son récit l'histoire particulière des individus à celle de l'Histoire tout simplement.

Dans un dialogue imaginaire avec Helga, la troisème fille de Hammerstein, Enzensbeerger lui dit
"l'histoire de votre famille m'occupe parce qu' elle en dit long sur la façon dont on pouvait survivre sous le régime hitlérien sans capituler devant lui."

Message rapatrié



mots-clés : #historique #regimeautoritaire
par bix_229
le Sam 10 Déc - 18:25
 
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Sujet: Hans Magnus Enzensberger
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Chahdortt Djavann

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La Muette

A travers cette histoire nous découvrons le triste sort fait aux Femmes.

Là où la bigamie est reconnue pour un Mollah, homme de religion, une jeune femme de 29 ans peut-être accusée et condamnée à la lapidation pour adultère, avéré simplement parce que le Mollah recevait d'un membre de sa famille son accord pour la prendre pour femme.

Un homme peut prendre pour femme une adolescente de 13 ans et en "user".

Cette écriture directe est efficace pour nous décrire cette histoire dramatique.

quelques passages !

Il parlait comme si , en somme, la violence n'était qu'une banalité ordinaire, lieu quotidien de ceux qui naissent et meurent dans la misère.
Ma mère répétait souvent un adage qui m'énervait à l'époque : Nul ne peut lutter contre son destin,à chacun le sort qui lui échoie, ainsi va la vie.

Avec sa main elle enfonçait des boules de neige entre ses cuisses, elle semblait ivre, ivre d'amour, de folie. Pendant quelques secondes j'ai regardé ses doigts frénétiques qui fourraient la neige dans son sexe, cette image m'a effrayée.

Elle apportait plusieurs bouteilles d'eau pour arroser la tombe de mon grand-père ; une fois mon oncle lui a dit : je ne veux pas te désespérer mais ton père ne va pas pousser. Ma mère s'est mise à pleurer de plus belle en blâmant son frère : tu n'as pas honte de plaisanter sur la tombe encore fraîche de ton père. Elle disait qu'un peu d'eau désaltérait les morts. Mon oncle et moi retenions nos rires. Ma mère était croyante et pratiquante ; elle était aussi assez stupide, ça me fait mal de dire ça, ça me faisait mal de l'avoir pour mère, sa bêtise nous a coûté très cher.

Elle avait décidé de mettre un terme à ce projet de mariage avec le mollah ; et elle l'avait fait de façon radicale.Elle s'était offerte à l'homme qu'elle aimait, sans rien lui demander en échange. Un acte plus que révolutionnaire pour une femme, et pas seulement dans notre milieu, mais dans ce pays où l'amour est toujours l'affaire de l'honneur des frères et des pères, une affaire de contrat et d'arrangement, un simple commerce.
Dans ce pays où l'amour est interdit.

"A chacun le sort qui lui échoie, ainsi va la vie." Moi je rêvais d'un avenir radieux, croyais avoir un autre destin. Je voulais devenir médecin, je suis devenue assassin.


"message rapatrié"


mots-clés : #conditionfeminine #regimeautoritaire
par Bédoulène
le Ven 9 Déc - 17:15
 
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Sujet: Chahdortt Djavann
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Antônio Callado

Tag régimeautoritaire sur Des Choses à lire - Page 8 41f5ze10

Sempreviva

Une histoire de vengeance résultant de la période dramatique de  dictature militaire. Quinho revient  d’un exil de 10 ans dans le Pantanal  pour démasquer  des tortionnaires qui se cachent sous un autre nom. Sa bien-aimée disparue, Lucinda,  victime de la dictature l’accompagne dans ses nuits.  Il reçoit l’aide de la ravissante Jupira, de son Père Iriarte et d’un ami Juvenal.

« Quinho, tu n’as vu que ça, du gibier, des bêtes, des onces, des jaguars ? J’aime bien les bêtes , comme tu le sais,  comme tu le vois,  mais au Brésil il y a encore bien plus de gens  qui saignent et qui gémissent que d’onces, bien plus d’enfants qui agonisent, lardés de coups de couteaux par leur père ivres de jaguars écorchés et c’est même une question de …respect pour Claudemiro, Jésus ! pour cette énorme méchanceté qu’il exerce contre les hommes, exceptionnelle, tu le sais, et si naturelle chez lui, dangereuse, qui le brûle, presque belle, Dieu me pardonne, je ne sais même plus ce que je dis. »

Quinho  a beau se conforter dans la bravoure de son grand-père, il manque de vaillance et le sait. Ses  tics dévoilent ses émotions : il fait le geste de desserrer une cravate inexistante et  souffre de douleurs dans la  paume de sa main blessée dans la jeunesse.  Mais n’est-ce pas les remords, les regrets qui l’enserrent  et ses douleurs ne sont-elles pas punition ? Atteindra-t-il le but qu'il s'est fixé ?

Vous le saurez en lisant ce livre !


« Quinho se débattit, cette fois au désespoir, pour ne pas mourir de cet étouffement qui, en état de veille, l’obligeait à desserrer son col, se frotter la gorge, il se débattit étranglé, et ouvrant les bras pour éviter la dyspnée, il sentit à côté de lui un corps tranquille de femme, endormi, ou en tout cas plongé dans la sérénité, sinon réelle, parfaitement simulée. »

« Ce n’est que lorsqu’il se força à accélérer avec élan et détermination, appuyant à fond sur le champignon, comme qui, faute d’un autre choix, aurait fait passer la voiture sur  un corps vivant et palpitant, qu’il se rendit compte qu’il roulait sur l’estafilade de sa propre main : la route de terre étaient identique, dans la paume de sa main gauche, à celle qui allait, allait, allait même sectionner la route réelle, la voie vitale, et, par conséquent, avec le poids énorme de la jeep, il courait le risque permanent de rouvrir l’entaille, non plus, comme cela lui arrivait depuis qu’il s’était blessé en raclant la fourche de goyavier, de façon cyclique, telles des menstrues, mais comme une  incision ouverte qui serait en communication avec l’autre coupure saignante, celle de la ligne de sa vie. »



Les personnages sont  bien décrits physiquement et moralement, mais j’ai une affection particulière pour   une  fillette  Herinha qui passe pour un peu différente, même  aux yeux de sa mère,  et qui délivre fraicheur, sincérité, amour.  Elle a pour compagnons, un Sabià-oranger, nommé Verdurino, un singe  Jouroupichouna, un serpent à sonnette Joselina !

« Quinho se rendit compte, en regardant avec ravissement  la petite Hera, qui de son côté observait le petit ténor Verdurino, que ses yeux, d’un brun iquide et lumineux , étaient grands, très beaux, couleur de miel clair – mais trop grands peut-être, n’est-il pas vrai ? Ils roulaient un peu dans les orbites comme si un sentiment d’ admiration , ou même une fixité dynamique, contemplative, les faisait tourner à peine, se mouvoir, comme se meut le soleil et les autres planètes ? Il ne savait pas. L’important c’est que Herinha avait peut-être le même âge que l’enfant de Lucinda, à côté d’une étoile que Quinho un jour avait appelée – dans un « tendre  latin de cuisine », avait dit, en riant, Lucinda elle-même – sphincter vaginae, et qui aujourd’hui encore l’asservissait, comme ces astres qui pourtant  éteints, c’est-à-dire désincarnés, continuent de nous envoyer leur lumière. »

Les Brésiliens sont extrêmes, comme leur  pays, (beauté, cruauté),  prompts à partir d’un fait, d’une rumeur,  de créer un conte, une légende ; les tortionnaires côtoient les fillettes innocentes, les  pauvres gens ceux  que la dictature a enrichis.  (mais c’est certainement le cas dans tous les pays qui ont eu à subir une dictature, une révolution  et doivent se reconstruire)

« voila le récit, c’est-à-dire l’histoire véridique, toute chaude encore de vie, et racontée,  après être sortie du fond du peuple, du fond de la forêt, peuplée d’animaux, jouée par des animaux, une fable à l’état pur e un document d’archive à la fois »

C’était un très bon moment de lecture qui m’engage à retourner vers cet auteur et aussi d’autres de ce pays.

"message rapatrié"


mots-clés : #politique #regimeautoritaire
par Bédoulène
le Ven 9 Déc - 13:48
 
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Sujet: Antônio Callado
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