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Antonio Tabucchi

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Message par Bédoulène Sam 3 Déc - 8:51

Antonio Tabucchi
(1943-2012)

Antonio Tabucchi Antoni10

Antonio Tabucchi, né le 24 septembre 1943 à Vecchiano, mort le 25 mars 2012 à Lisbonne, est un écrivain italien, traducteur et passeur de l'œuvre de Fernando Pessoa en italien. Il a été professeur de langue et littérature portugaise à l'université de Sienne. Antonio Tabucchi est né près de Pise le jour des premiers bombardements américains sur la ville. Il est fils unique d’un marchand de chevaux.

Durant ses années d'études, il voyage en Europe pour étudier la littérature. C'est à Paris qu'il découvre Fernando Pessoa en lisant la traduction française du Bureau de tabac. Son enthousiasme l’amènera à découvrir la langue et la culture du Portugal, pays qui deviendra sa deuxième patrie. Il poursuit des études de littérature portugaise à l’université de Sienne et rédige une thèse sur le Surréalisme au Portugal. Passionné par l’œuvre de Pessoa, il l'a traduite dans son intégralité en italien, avec sa femme, Marie-José de Lancastre, rencontrée au Portugal.

De 1987 à 1990, Antonio Tabucchi dirige l’Institut culturel italien à Lisbonne. La ville servira de cadre à plusieurs de ses romans. Il partage sa vie entre Lisbonne, Pise, Florence, voire Paris, et continue d’enseigner la littérature portugaise à l’université de Sienne. Il a beaucoup voyagé de par le monde (Brésil, Inde…). Ses livres sont traduits dans une vingtaine de langues. Plusieurs de ses livres ont été adaptés au cinéma (Nocturne indien, par Alain Corneau), ou au théâtre (Le Jeu de l'envers, par Daniel Zerki). Antonio Tabucchi est chroniqueur en Italie pour le Corriere della Sera et en Espagne pour El País. Il a reçu, entre autres distinctions littéraires, le prix Médicis de la meilleure œuvre étrangère en 1987, le prix Jean-Monnet en 1995, le prix Nossack de l’Académie Leibniz en 1999 et le prix France Culture en 2002.

Au cours de la campagne électorale italienne de 1995, le protagoniste de son roman Pereira prétend est devenu un symbole pour l’opposition de gauche à Silvio Berlusconi, le magnat italien de la presse. Antonio Tabucchi lui-même a été très engagé contre le gouvernement Berlusconi. En tant que membre fondateur du Parlement international des écrivains, il a pris la défense de nombreux écrivains, notamment son compatriote Adriano Sofri. En juin 2004, il figurait sur la liste du Bloc de gauche, petite formation de la gauche alternative portugaise, lors des élections européennes.

Il est l'auteur notamment de Nocturne indien (prix Médicis étranger 1987), de Pereira prétend (Sostiene Pereira) et de La tête perdue de Damasceno Monteiro. Il a écrit directement en portugais Requiem. Tabucchi succombe à un cancer le 25 mars 2012 à l'Hôpital de la Croix Rouge à Lisbonne, à l'âge de 68 ans.
(source : wikipedia)

Ouvrages traduits en français

1975 : Piazza d'Italia : Page 1
1981 : Le Jeu de l'envers : Page 1
1983 : Femme de Porto Pim et autres histoires
1984 : Nocturne indien : Page 1, 2
1985 : Petits malentendus sans importance
1986 : Le Fil de l'horizon
1987 : Les volatiles de Fra Angelico : Page 2
1990 : Une malle pleine de gens. Essais sur Fernando Pessoa
1992 : Requiem ; Page 1  
1992 : Rêves de rêves
1994 : Pereira prétend
1995 : Récits complets,
1995 : Le Mystère de la petite annonce chiffrée,  (nouvelle contenue dans Hugo Pratt, J'avais un rendez-vous)
1997 : La Gastrite de Platon,  
1997 : La Tête perdue de Damasceno Monteiro : Page 1  
1998 : L'Automobile, la Nostalgie et l'Infini - Lectures de Pessoa
1991 : L'ange Noir : Page 2
2001 : Le Triste Cas de Monsieur Silva  da Silva e Silva,
2001 : Il se fait tard, de plus en plus tard
2004 : Tristano meurt
2006 : Au pas de l'oie. Chroniques de nos temps obscurs
2009 : Le temps vieillit vite : Page 2
2014 : Pour Isabel : Page 2

màj le 21/12/2022


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Message par Bédoulène Sam 17 Déc - 17:01

Antonio Tabucchi 414mui10

Piazza d'Italia

Je me suis laissée roulée dans la cendre, le blé, l'eau, j'ai regardé les ciels, les lointains paysages parce que cela appartient à tout le monde, pas de  raison qu'il y ait des "maîtres" (parce que je suis de l'avis de Garibaldo Père qui eut le temps après sa mort de discuter toute la nuit avec Volturno/Garibado fils)

L'anarchisme génétique de cette famille et Don Milvio ce curé populaire, rebelle lui aussi ne pouvaient que me séduire, de même ces femmes valeureuses qui cherchent à tromper le malheur annoncé dans la cendre, la semoule, le ciel et les fenêtres qui s'enfuient. (telle Asmara qui se refusent des années à Garibaldo jusqu'à ce qu'elle soit devenue stérile, trompant ainsi "l'horoscope")

Ces hommes aventureux dans d'autres pays ou simplement dans les bois, (Volturno tombé en Afrique pendant la guerre ou Plinio tué par le garde-chasse) qui meurent toujours avec insolence.

Conte  réaliste, fascinant qui déroule l'histoire d'Italie de 1861 à l'après deuxième guerre mondiale, à travers cette famille fondée par Plinio et Esteria et qui s'éteindra avec Garibaldo sur cette Piazza, aux pieds du "Héros des deux-mondes" Garibaldi, avec sur les lèvres la révolte !

Il y a de belles amitiés, de belles amours dans ce récit, mais aussi la couleur rouge de la rébellion noircit par la couleur noire des chemises, telle celle de Melchiorre (doit-on y voir la punition du pécher de ses parents ?)

L'humour des situations et des titres des paragraphes accentue le sentiment de lire un conte. (pour adultes s'entend)

Une très agréable lecture qui avec celle faite de "Pereira prétend" (bien différente mais aussi de qualité) me conduira je n'en doute à d'autres .....


mots-clés : #contemythe #famille #social


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Message par Bédoulène Sam 17 Déc - 17:03

Antonio Tabucchi 417rxt10

Nocturne Indien

Surprise en ouvrant le livre, il y a une dédicace à la médiathèque :

Antonio Tabucchi Dedica10

Suis-je  passée à côté  (?)

Plus que la visite de l'Inde d'hôtel en hôtel, modeste ou luxueux ce sont les rencontres avec des  personnes étonnantes, déroutantes  qui sont intéressantes, initiatrices. On ne peut avoir qu'une vision restreinte d'un pays simplement en dormant dans les hôtels  ; celle du lecteur puisque des villes traversées pas de description, le narrateur n'est pas venu dans ce pays faire du tourisme.

Nous ne connaîtrons pas la  raison qui pousse le narrateur à rechercher un ami disparu, même si leur passé commun  évoqué semble en être la source. J'ai douté par moment de l'existence de Xavier et de celle du narrateur car l'auteur est habile à brouiller les pistes.

Ce voyage entre mysticisme et réalisme démontre  la fragilité des apparences et l'incertitude des vies.

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Message par shanidar Dim 12 Fév - 12:17

Bédoulène, tu ne vas pas rester seule sur ce fil ! Parce qu'il faut lire Tabucchi, lire cette littérature enchanteresse, toujours changeante, incroyablement évocatrice et voyageuse !

Antonio Tabucchi Tabucc10

Nocturne indien

Un livre au charme fragile, à la langueur secrète, écrit de nuit et qui promène son lecteur entre chien et loup à l'heure où les êtres disparaissent, où les insomniaques commencent leur errance, où l'on ne sait plus très bien où se trouve la réalité et quand commence le rêve. Un livre fait d'ellipses et de morceaux choisis collés les uns aux autres pour former une histoire, l'histoire d'une quête. Sous la fragilité des mots, dans la langue simple mais ondoyante d'un être qui est une distraction, se cache une intelligence subtile, une réflexion qui sans en avoir l'air pose les questions essentielles auxquelles le lecteur devra seul, assumer les réponses : pourquoi chercher, qui se montre et qui se cache vraiment, comment se construit un récit, où est la vérité quand il s'agit de littérature ? Entre rêve éveillé et rencontres fragiles, entre énigme et déambulation nocturne, le narrateur traverse l'Inde et part à la rencontre de lui-même, de ce voyage le lecteur revient enchanté et autre, parce que sous ses allures un peu dégingandées, Tabucchi parvient à faire jouer toutes les couleurs du prisme de la vie, derrière l'atmosphère délétère se livre une partition unique qui pourrait se résumer à l'idée qu'il vaut mieux se compliquer la vie plutôt que de ne rien vivre...

Très beau et intriguant voyage que celui proposé par Tabucchi, un voyage d'une rare intelligence, un voyage qui me laisse augurer bien d'autres rencontres !
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Message par Tristram Dim 12 Fév - 17:38

Précieuses lectures en effet :
« Disons qu’il y a des personnes qui peuvent attendre des lettres du passé, cela vous paraît-il une chose plausible en laquelle croire ?
[…] des lettres du passé qui nous expliquent un temps de notre vie que nous n’avons jamais compris, qui nous donnent une quelconque explication à même de nous faire saisir le sens de toutes ces années écoulées, et de ce qui, alors, nous échappa, vous êtes jeune, vous attendez des lettres du futur, mais supposez qu’il existe des personnes attendant des lettres du passé, je suis peut-être une de ces personnes, et je m’efforce de penser qu’un jour elles me parviendront.
[…] j’ouvrirai les lettres et je comprendrai avec la clarté du midi une histoire jamais comprise auparavant, une histoire unique et fondamentale, je répète, unique et fondamentale, une chose qui ne peut avoir lieu qu’une seule fois dans la vie, dont les dieux concèdent qu’elle ait lieu une fois seulement dans notre vie, et à laquelle nous n’avons sur le moment pas prêté l’attention voulue, justement parce que nous étions des idiots présomptueux. »
« ‒ Parce que, continua l’avocat à voix basse, que faites-vous des anciennes amours ? Ah, je me le demande moi aussi, que faites-vous des anciennes amours ? […] Mais ces vers sont une épine dans le flanc, me semble-t-il, car en effet, que faisons-nous des amours anciennes ? les mettons-nous dans un tiroir avec les chaussettes trouées ? »
Antonio Tabucchi, « La Tête perdue de Damasceno Monteiro », XII
« La littérature donne une forme narrative au regret. »
Antonio Tabucchi, entretien avec Catherine Argand, été 1995, Lire n°237

_________________
« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
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Message par ArenSor Dim 12 Fév - 19:59

shanidar a écrit:Bédoulène, tu ne vas pas rester seule sur ce fil ! Parce qu'il faut lire Tabucchi, lire cette littérature enchanteresse, toujours changeante, incroyablement évocatrice et voyageuse !

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Nocturne indien

Un livre au charme fragile, à la langueur secrète, écrit de nuit et qui promène son lecteur entre chien et loup à l'heure où les êtres disparaissent, où les insomniaques commencent leur errance, où l'on ne sait plus très bien où se trouve la réalité et quand commence le rêve. Un livre fait d'ellipses et de morceaux choisis collés les uns aux autres pour former une histoire, l'histoire d'une quête. Sous la fragilité des mots, dans la langue simple mais ondoyante d'un être qui est une distraction, se cache une intelligence subtile, une réflexion qui sans en avoir l'air pose les questions essentielles auxquelles le lecteur devra seul, assumer les réponses : pourquoi chercher, qui se montre et qui se cache vraiment, comment se construit un récit, où est la vérité quand il s'agit de littérature ? Entre rêve éveillé et rencontres fragiles, entre énigme et déambulation nocturne, le narrateur traverse l'Inde et part à la rencontre de lui-même, de ce voyage le lecteur revient enchanté et autre, parce que sous ses allures un peu dégingandées, Tabucchi parvient à faire jouer toutes les couleurs du prisme de la vie, derrière l'atmosphère délétère se livre une partition unique qui pourrait se résumer à l'idée qu'il vaut mieux se compliquer la vie plutôt que de ne rien vivre...

Très beau et intriguant voyage que celui proposé par Tabucchi, un voyage d'une rare intelligence, un voyage qui me laisse augurer bien d'autres rencontres !

Et un très beau film d'Alain Corneau ! Smile
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Message par shanidar Lun 13 Fév - 11:04

Ah oui !!?? Je ne l'ai jamais vu. Et j'imagine mal ce livre en film, cette longue errance n'a pas dû être facile à dynamiser un peu... (le film n'est pas à la médiathèque... grrr...).
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Message par bix_229 Lun 13 Fév - 15:23

@shanidar a écrit:
Bédoulène, tu ne vas pas rester seule sur ce fil ! Parce qu'il faut lire Tabucchi, lire cette littérature enchanteresse, toujours changeante, incroyablement évocatrice et voyageuse !


Et ça vaut en grande partie pour la littérature et la poésie italiennes !
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Message par shanidar Lun 13 Fév - 16:10

Absolument bix ! Alors continuons avec :

Piazza d'Italia

Antonio Tabucchi Tabucc10

Poésie et âpreté sont les deux qualificatifs qui me semble le mieux exprimer le sentiment qui surgit à la lecture de ce roman. Tout premier roman d'un écrivain qui ne s'imagine pas encore, au moment où il rédige ce texte, qu'il va endosser  la responsabilité de ce métier-là. Et pourtant… et pourtant, déjà, en germe ici, on trouve l'imaginaire  légèrement onirique, le goût du mystère, l'humour et la brièveté-fluidité des propos qui sont la marque de l'auteur.

Le livre raconte (en commençant par la fin) la vie d'une famille italienne de 1860 à 1945 (environ). Une famille d'ouvriers agricoles dont l'âpreté de l'existence n'empêche jamais la poésie ou l'étrangeté de se glisser. Une famille marquée par les guerres successives qui l'endeuillent (et mutilent régulièrement les pieds des hommes), marquée par l'anarchie et le religieux, l'engagement politique et le travail pénible dans les marais, marquée par l'idée d'égalité entre les hommes et par la fatalité des destins lus dans des horoscopes de cendres, de farine ou bien d'étoiles.

Ce livre est une petite merveille, bourré de trouvaille stylistique ou narrative, avec des phrases tellement parfaites qu'elles restent longtemps en mémoire comme ces vins rouges très âpres, gorgés de chaleur et des odeurs de terre, ceux qui râpent le gosier et éclatent dans la bouche. Un livre rouge de sang, de rébellion et de malheur, rouge comme la chemise du premier Garibaldo partit combattre pour l'unification de l'Italie… Rouge comme le destin funeste de tous les Garibaldo suivant, qui seront des hommes du vent et du temps qui fuit, des hommes de la douleur, celle qu'on inflige aux femmes, mères, sœurs, amantes, celle qu'on s'inflige à soi-même, parce qu'on a peur, parce qu'on est lâche, parce qu'on est de simples hommes désireux d'échapper à l'esclavage.

J'ai adoré ce roman sensible, à la construction déstructurée (un peu comme chez Garcia Marquez plusieurs personnages portent le même prénom mais la chronologie étant respectée on parvient peu à peu à fixer chacun dans son époque), construction en très courts paragraphes chacun numéroté et qui oscille entre conte populaire et chronique familiale avec toujours une pirouette ou une drôle de morale pour clore l'intelligent et guilleret propos.

Un texte d'une humanité farouche, d'un humour incroyable, d'une pétulance effervescente.

N.B. : je n'ai pas résisté à reprendre des passages de ce livre hier soir et j'y ai retrouvé avec infiniment d'émotion la bravoure farouche et désabusée de Tabucchi, cette espèce d'immense humanité qui l'habite et en même temps la certitude que cette humanité est forcément mise en danger par elle-même.


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Message par bix_229 Lun 13 Fév - 16:16

Antonio Tabucchi vient de publier un recueil de choniques parues dans la presse entre 2000 et 2006. Dans la presse essentiellement espagnole, aucun journal italien n'ayant accepté de les publier. Signe des temps !
Tabucchi montre comment dans l'Italie d'aujourd'hui, un président de la république, peut en 2001 réhabiliter la république de Salo musolinienne.
Comment un Etat s'allie à la pire vermine : mafia, fascisme, Loge P2, services secrets étrangers, et commet des crimes contre ses propres
citoyens...

Au centre de ce recueil, la trajectoire de Giuliano Ferrara, d'abord cadre du PCI, puis devenu anti communiste, journaliste d'extreme gauche et enfin informateur de la CIA. En 1986, Berlusconi rachète le journal où écrit Ferrara et le fait entrer à la télé italienne où il va orchestrer des campagnes de diffamation.

Qui est Ferrara dit Tabucchi ? "Un masque italien".
"Quand on se tait sur les crimes du fascisme et que Salo frappe à la
porte du Parlement, on ne peut plus continuer ainsi, meme par jeu..."

Depuis Berlusconi a été réélu, et jeudi dernier, à Naples, la police a raflé quelques trois cents tziganes, avec l'aide de la population...

L'histoire continue ou se répète...

Au pas de l'oie : Antonio Tabuchi. - Ed. du seuil, 2008

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Message par shanidar Lun 13 Fév - 16:23

Merci bix !
J'ai ajouté ce titre à la biblio de l'auteur !
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Message par shanidar Jeu 16 Fév - 11:40

Antonio Tabucchi Tabucc10

La tête perdue de Damasceno Monteiro

Manolo le Gitan découvre le corps sans tête d'un homme dans une zone perdue de la banlieue de Porto.
Firmino, jeune journaliste de vingt-sept ans (qui préfère dire qu'il a la trentaine pour paraître plus sérieux) est envoyé par le directeur de son journal (une feuille de chou du genre Détective !) sur place. Il doit d'abord se rendre à la pension de Dona Rosa qui va lui donner tous les passe-droits nécessaires pour rencontrer Manolo et bien d'autres petites et grandes personnalités de la Ville.

Car s'il y a bien une première surprise à la lecture de ce vrai-faux-roman policier, c'est que notre jeune journaliste n'a pas besoin de se creuser la tête pour trouver des indices : les gens l'appellent et Dona Rosa (mystérieuse et discrète entremetteuse) fait en sorte qu'il se trouve au bon endroit au bon moment. Le corps sans tête va donc être rapidement identifié, la tête va être retrouvée (et placée sur un plateau le journaliste, telle une Salomé d'opéra, pourra la prendre en photo en exclusivité pour son journal) et rendez-vous est pris avec Don Fernando (alias Lonton), avocat des pauvres, des travelos, des déclassés. La rencontre improbable entre le jeune journaliste et le brillant avocat obèse, est un véritable morceau d'anthologie ; une merveille.


L'admirable roman de Tabucchi résonne encore aujourd'hui avec une force étonnante ; parce qu'il nous parle de violences policières, de cette impunité que les tortionnaires pensent avoir quand ils ont le pouvoir de blesser et de tuer ; parce qu'il est aussi question de justice et de littérature ; et surtout de l'importance de la parole du journaliste, comme s'il était le dernier des mohicans d'un monde en capilotade. Tout en ne s'offrant jamais le luxe d'un cynisme morbide, Tabucchi met le doigt dans la plaie de nos vies bourgeoises et démonte pas à pas les collusions entre police et mafia, police et crime, justice et journalisme. Placides, ses deux personnages principaux ne cherchent pas l'affrontement des concepts au fond d'un canapé mais inventent une solidarité d'idées (il faudrait ici entendre ce mot comme l'exprimait Platon) et l'envie manifeste de "déchirer ce qu'on appelle le voile de l'ignorance". De citations de De Quincey à Hölderlin, de Jouhandeau à Flaubert (et même Louise Colet), le roman policier devient un microcosme du monde et explore la question fondamentale de la mort, de l'acte de tuer et de celui de juger. Dans un monde où l'on invoque pour se cacher derrière, les motifs de la barbarie ou de l'homme ordinaire qui obéit aux ordres, du responsable mais non coupable, Tabucchi replace le vocable : humanité au cœur de sa/notre réflexion. On ne peut que s'en louer et le lire, puis le relire !


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Message par Bédoulène Jeu 16 Fév - 14:47

merci à Shanidar de m'avoir accompagnée dans cette LC  : ICI

comme d'habitude Shanidar a fait un excellent commentaire, je n'ai donc pas grand chose à ajouter mais je dois dire mon plaisir de lecture.



La tête perdue de Damasceno Monteiro

Premières pages, premiers regards sur la misère avec l’excellent portait de Manolo le gitan, de son lieu de vie et le sordide avec la découverte d’un corps sans tête.

Premier regard ennuyé du jeune journaliste Firmino sur Porto dans son obligation de suivre ce fait divers. Mais l’ambiance dans la pension de Dona Rosa est réconfortante, comme son soutien.

Avec la rencontre de l’Avocat Don Fernando, Firmino se découvrira, c’est une véritable initiation qu’il recevra par ce personnage. En conseillant, démontrant par des citations, exemples concrets issus de son immense culture Don Fernando amènera Firmino à la découverte de la réalité non seulement sur l’assassinat mais aussi sur la société Portugaise et l’intérêt pour lui de bien choisir le concept de son projet littéraire.

L’auteur nous offre un portait magnifique de cet avocat, humaniste, instruit, honnête, généreux mais j’aime à penser que le personnage s’échappe dans son plaidoyer lors du procès ou quand il demande la réouverture du dossier, car qui, sinon un être exceptionnel amènerait un jeune homme qui s’apprête à partir à Paris, une étape cruciale pour son avenir, à repousser son départ pour répondre à son appel ?

Certainement aussi que le jeune homme a profité de « l’enseignement » de Don Fernando, que son passage à Porto a été profitable humainement. Ses rencontres avec Manolo et le garçon de café avec lesquels il a pris conscience du sort honteux qui était fait aux gitans ; celles avec Leonel et l’ odieux sergent qui ont révélé la corruption de la police.

C’était une excellente lecture, j’oserai dire qui a du corps et beaucoup d’esprit.



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Message par shanidar Jeu 16 Fév - 15:49

Super commentaire Bédou !

Il faut peut-être ajouter que ce roman se lit extrêmement simplement et qu'au final c'est un peu après coup qu'on en mesure toute la richesse.
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Message par Bédoulène Jeu 16 Fév - 17:52

tout à fait Shanidar ! merci


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Message par Tristram Lun 30 Juil - 21:56

Piazza d'Italia Conte populaire en trois temps, un épilogue et un appendice

Antonio Tabucchi Piazza10

Paru en 1975, c’est le premier "roman" de Tabucchi : pour un coup d’essai (et pour un livre écrit en un été, en attendant septembre, comme l’auteur le prétend dans sa note préliminaire à la seconde édition, vingt ans plus tard), c’est magistral :
« Cette année-là, l’été fut si long qu’au mois de septembre ils étaient déjà adultes. » (Deuxième temps, 5)
Voilà donc l’histoire de trois générations d’une famille du petit village de Borgo qui traverse l’Histoire et ses tourmentes politiques, fable racontée au travers d’une succession de tableautins à la tonalité fellinienne, autant de brèves "scènes". Et voici un extrait (Troisième temps, 6) qui présente l’avantage de condenser le conte tout en donnant le ton :
« Garibaldo arrivait et déchargeait de son porte-bagages les chapons, le bandonéon et les panneaux illustratifs. Il commençait par l’histoire appelée Rome et foulques, et l’on voyait un Garibaldien qui offrait à l’Italie un pied d’abord, ensuite la vie. Puis venait l’histoire d’un homme seul et pâle qui disparaissait dans un crépuscule africain et orangé : elle avait pour titre Mort pour une poignée de mouches. Enfin, c’était l’histoire d’une croix de guerre, d’une femme devenue bleue à force de penser à la mer, d’un bossu qui s’était fait briser le dos après sa mort pour descendre droit dans la fosse, d’une cloche qui avait fondu par solidarité, et de certaines fenêtres qui avaient fui d’horreur.
Les chapons se vendaient bien. »
Tabucchi commence par l’épilogue, puis présente son récit en trois « temps », qui suivent la chronologie avec quelques boucles "intempestives" (détours du passé aggravés de doutes sur l’identité des personnages "dédoublés") : le décousu serait-il paresse de narrateur, astuce d’auteur pour faire genre, ou faire suer le lecteur ?
« …] car de son Mal du Temps il avait gardé l’habitude d’intervertir les faits, et il racontait les choses en partant de la fin pour remonter vers le début, ou en mêlant de manière chaotique les histoires les plus variées. » (Premier temps, 15)
Eh bien non, c’est plein d’un charme particulier que Bédoulène et Shanidar ont bien signalé dans leurs commentaires.
Aussi chronique populaire de la misère, de la rébellion et de l’humour à l’italienne, on mesure dans ce livre l’oscillation historique du pays entre fascisme et communisme ; sa lecture m’a ramentu de lointains souvenirs de "ballades italiennes" où, jeune touriste impécunieux venu d’un pays au drapeau également tricolore (mais qui n’a jamais vraiment eu "son" Mussolini) je dormais la nuit dans les squares, où me visitèrent quelquefois des bandes de jeunes, alternativement communistes et fascistes, et occasions de discussions animées…
Par ailleurs, ce livre fait partie de ceux qui demandent et méritent d’être lus d’une traite ; c’est une évidence qui vaut peut-être d’être rappelée ?

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Message par Tristram Ven 21 Déc - 22:46

Requiem. Une hallucination

Antonio Tabucchi Tabucc10


Roman traduit du portugais, en fait une fiction biographique, un rendez-vous onirique dans Lisbonne déserte d’un narrateur fort proche de l’auteur avec Pessoa.
« …] c’est une journée bizarre pour moi, je rêve et il me semble que c’est bien réel, et je dois rencontrer des gens qui n’existent que dans mon souvenir. »
L’ouvrage vaut aussi pour la postface, nettement postérieure, qui en commente la genèse ; c’est une sorte d’essai sur le rêve, avec des considérations sur l’évocation mémorielle par les sens (et Tabucchi a le bon goût de ne pas convoquer Proust ; et on comprend la grande place de la cuisine dans l’ouvrage).
« Certains anthropologues, ethnologues et philosophes (Lévi-Strauss, Foucault, etc.) ont observé que le rêve réussit à gagner un statut d’activité sociale quand, d’expérience solitaire, son interprétation est déléguée à l’oniromancien, que ce soit le chaman ou le psychanalyste, parce que dans ce cas, "ce n’est pas mon propre destin que j’accomplis en rêvant, mais celui de mes proches, vivants ou morts, ou de mes clients" (G. Charuty). »
A noter aussi le bel azulejo en couverture.


Puisqu’il n’y a pas le mot-clé "Rêve", je n’en vois pas d’autre à proposer.

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Message par animal Sam 22 Déc - 22:41

ajouté !

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Message par Tristram Sam 22 Déc - 22:48

Super, merci !

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Message par Tristram Mer 18 Déc - 0:22

Le jeu de l’envers

Antonio Tabucchi Le_jeu10

Plusieurs textes, plusieurs registres (d’ailleurs assez éclectiques), de la saudade portugaise à l’influence de Fitzgerald (et Woolf ‒ et de nombreux autres auteurs) en passant par l'enfance, avec une poésie entre amertume et mélancolie.
J’ai inévitablement été charmé par un petit texte, Théâtre : 1934, un jeune Portugais dans la brousse du Mozambique, sous les auspices de Conrad ; il y est convié par un gentleman anglais à des séances de Shakespeare qu’il interprète seul.
« L’Afrique, avec son immanence et sa lassitude, augmentait les distances et amortissait les souvenirs. »

« L’Afrique était un territoire de l’esprit, une non-prévisibilité, un hasard. En Afrique tout le monde avait l’impression d’être loin, y compris de soi-même. »

« Le soir qui tombait s’emplissait des bruits intranquilles de la forêt, les moustiques commençaient à être redoutables, une brise très légère nous apportait l’odeur âcre du sous-bois. »
Le chat du Cheshire (celui d’Alice)
« Mais au fait, est-ce que les choses ont un sens ? Peut-être que oui, mais c’est un sens caché, on le comprend après, beaucoup plus tard, ou alors on ne le comprend pas, mais elles ont quand même un sens : un sens qui leur appartient, bien sûr, qui parfois ne nous concerne pas, même si nous croyons le contraire. »
Vagabondage (en hommage au poète errant Dino Campana)
« Et c’était cela, l’étrange fonction de l’art : arriver par hasard à des personnes prises au hasard, parce que tout est hasard dans le monde, et que l’art nous le rappelle : et c’est pourquoi il nous rend mélancoliques et nous réconforte. Il n’explique rien, comme le vent n’explique rien : il arrive, il agite les feuilles, et les arbres restent traversés par le vent, et le vent s’envole. »

« La route, et sa voix de sirène. »
Une journée à Olympie (qui redonne la parole à Pindare)
« Le Vainqueur se souvenait de ces atmosphères fraîches et ombragées : il se souvint de ses jeux d’enfant avec Égine, de leurs courses entre les colonnes et des rires innocents de l’enfance, en un temps qui était passé depuis peu et qui déjà ne lui appartenait plus, et il pensa au temps. Les pieds rapides du Temps, qui laissent des traces des choses dans la mémoire quand ces choses elles-mêmes n’existent plus. Et ainsi, lorsqu’ils arrivèrent dans la salle centrale et qu’Égine le fit s’étendre à son aise sur les coussins dans la position la plus commode pour qu’il lui raconte sa journée victorieuse, il commença à lui parler du Temps tel qu’il l’avait ressenti à Olympie.
‒ Le témoin unique de toute vérité exacte, le Temps, règne. Son empire ne concerne pas seulement la clepsydre, mais commande à toute chose, parce qu’il est l’harmonie et le mouvement, la mesure et le rythme, la scansion, la pause, le silence. […]
Voilà, et ainsi tu arrives et sens sa présence : la respiration du Temps. Il arrive avec la brise du soir, comme un souffle : et cela, c’est le Temps. Il respire dans la moindre feuille des saules touffus qui se balancent, chacun à son propre rythme : et cela, c’est le Temps. Il brille avec le ciel que Vesper embrase : et toute lumière qui scintille est Temps. Il respire dans le corps des hommes, qui par leur respiration sont Temps vêtu de chair. Et toi, dans cet endroit-là, tu comprends que la compétition est comme la musique, la danse et la poésie ; et que le Temps gouverne le cosmos. »

Mots-clés : #nouvelle

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