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Mathias Enard

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Message par Tristram Sam 6 Fév - 14:18

Le Banquet annuel de la Confrérie des fossoyeurs

poésie - Mathias Enard - Page 5 Le_ban10

La première partie est constituée par le carnet d’ethnographe d’un jeune thésard venu étudier les campagnards des Deux-Sèvres, et basé dans un gîte qu’il surnomme La Pensée Sauvage (titre d’un essai de Lévi-Strauss, voir ICI).
Dans la seconde partie, un narrateur quasi-omniscient relate les mêmes faits et leur antériorité, dans une perspective plus large qui s’accompagne d’un cycle de réincarnation des êtres vivants (notion orientale encore peu explorée par chez nous, mais procédé idoine pour donner une vue d’ensemble de la diversité des animaux ‒ bêtes et humains ‒ du cru) :
« Au moment où le sanglier contenant l’âme de l’abbé Largeau connaissait donc goulûment sa première femelle, là-bas dans les taillis, Lucie ouvrait des yeux aussi gris que l’aube qu’elle apercevait par la fenêtre, sureaux pelés et noisetiers sans feuilles ; elle frissonna, hésita un instant à rester dans le confort animal de sa propre chaleur, sous son lourd édredon où habituée par la nuit elle ne sentait plus l’odeur de chien, de sueur et de bois brûlé, referma les yeux, se retourna, le cabot lui lécha l’avant-bras, elle l’envoya bouler d’un coup de genou, sa jambe nue quitta l’abri des draps, le froid s’engouffra, elle grogna comme le clébard meurtri, c’était trop tard, le confort utérin de la crasse et du sommeil s’était brisé, elle rejeta violemment l’édredon en provoquant la panique chez les acariens invisibles, mit les pieds dans ses pantoufles et dévala l’escalier pendant que, à deux kilomètres de là, le sanglier débutait son interminable extase, les pieds sur les épaules de la laie. »
Arnaud le benêt a gardé conscience de ces vies antérieures d’âmes qui demeurent sur le même territoire :
« En songe, il appréhendait l’immense toile d’araignée des âmes, la pelote de laine des existences, entremêlées dans le temps, et il pouvait suivre une vie comme on tire un fil, sauter d’un instant à l’autre et même, depuis les ciels infinis, observer les énergies qui meuvent les étoiles, d’immenses flux sombres comme des traits de néant. »
La troisième partie, où l’on persiste à picoler et jouer à la belote, est une célébration du Poitou, terroir historique et littéraire, avec ses victuailles et ses paysages :
« Quand elle se promenait sur le halage, à deux pas de sa maison, à Niort, derrière l’ancienne peausserie, dans ce quartier de potagers et de moulins, entre deux îles, deux murs en moellons et deux saules pleureurs, là où la ville paraissait se délayer d’abord un peu dans la campagne avant de se dissoudre entièrement dans les eaux du Marais, elle jouissait du mouvement permanent de la nature, se sentait participer à l’illusion bruyante du monde : elle aimait cet endroit pour sa fragilité d’incertitude, ce bruissement d’indécision entre le beau et le commun [… »
Quatrième partie, point d’orgue du roman, « Le Banquet annuel de la Confrérie des fossoyeurs » est l’occasion d’un excellent pastiche/ reprise de Rabelais, riche en réitérations, listes et allitérations, où ne manque même pas l’allusion politique d’actualité, et bien sûr assez leste, gourmand :
« En ce temps-là le débat portait sur le prix de l’essence et les balles de défense, dont la maréchaussée n’était pas avare : certains (des coquins) perdaient des yeux, d’autres (des ribauds, des vicieux) gisaient la bouche ouverte, le corps couvert de bleus. Le vulgaire avait grand envie d’attraper le président par les oreilles pour lui déboucher le conduit auditif, que ce grand homme redevienne sensible aux cris de la Nation. »

« Une géante le titillait, nommée Badebec. Elle l’asticotait, le perlicotait, le tarturait, le galichait de l’ongle, le carcoutillait des cils (ô caresse divine, les cils de Badebec sur les couillons !), l’engourdavait, le glaviotait, et Gargantua roucoulait, il roucoulait, découlait, s’acoulait dans son rêve : il se retourna d’aise sur son toit et il pleuvait des ardoises sur les poulets. Gargantua, soupira Badebec, Badebec, soupira Gargantua, et le géant banda. »

« Ce relevé de trou consistait en un petit ramequin de coquillettes et crème de très vieux comté aux truffes, embaumant comme une dépouille mortelle, régressif comme un film avec Louis de Funès, juste une bouchée au goût de mort pour se refaire le palais avant le sérieux, le clou, ces viandes qu’on appelait autrefois rôts. »
On y parle aussi de poésie et d’épopée, de batailles et de rois, guerres et religions, de métaphysique et de gaudriole, d’amour et de mort.
Cette veine rabelaisienne est heureusement reprise par Énard, comme dans les Contes drolatiques de Balzac, inspiration vivifiant l’écriture du roman.
Et je me suis soigneusement mis de côté ce délicat juron, « bas-beurre de baratte à couilles », pour éventuel usage ultérieur.

Cinquième partie, le lecteur retrouve brièvement certaines destinées plus particulièrement suivies, telles celles de Lucie la maraîchère et son cousin Arnaud, ou « le sanglier qui fut l’abbé Largeau » (il y a d’autres personnages/ histoires approfondis, comme Jérémie et sa femme Louise, Max le plasticien égotiste et provocateur) ; drames familiaux et nature sont plus particulièrement évoqués.

La sixième est un retour au point de vue de David Mazon, de moins en moins étudiant en anthropologie, de plus en plus « mangé par (sa) thèse » (aussi retour au commencement du roman, et nouveau tour de la Roue du destin).

J’ai vite pensé que ce roman était une sorte de réponse à Sérotonine, d’Houellebecq, qui traitait déjà du monde rural ‒ d’autant qu’il y est affirmé « Niort, une des villes les plus laides qu’il m’ait été donné de voir. »
Comme ArenSor, j’ai trouvé l’ensemble assez disparate et peu cohérent ; ainsi les « chansons », disposées en intermèdes à la fin de chaque partie, sont sans lien direct évident avec ce qui est raconté dans ces chapitres, eux-mêmes peu corrélés. Scénarii comme styles congrus restent hétéroclites ; l’écart est grand entre le banquet rabelaisien et le jeune parisien découvrant la province, même si ces épisodes partagent l’exaltation de la vie devant la mort et l’attachement au lieu. En fait de reprises, on pense plutôt à du ravaudage, un patchwork de morceaux chacun de valeur, mais artificiellement assemblés.

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Message par topocl Sam 6 Fév - 17:39

Et bien je ne vais sans doute pas me précipiter. Boussole avait déjà une espèce de facilité dans la démonstration de "regardez comme je peux tout me permettre!".

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Message par Tristram Sam 6 Fév - 17:50

Bon, c'est quand même du très bon romanesque !

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Message par topocl Sam 23 Sep - 21:07

Déserter

Au fil des livres, Mathias Enard qui est considéré comme un des grands, expérimente. C’est cette expérimentation même qui lui donne sa valeur, si ce n’est que là, j’ai trouvé que ça faisait flop, c’était plutôt un joujou pour faire le malin (jugement qui n’engage que moi) .

Alors oui, il y a ce style flamboyant, ces thèmes passionnants - la guerre, l’amour, la trahison et la fidélité -, une fébrilité et un emportement, mais j’ai trouvé quand même le procédé décevant – irais-je jusqu’à dire présomptueux (genre : je suis Mathias Enard et je peux tout me permettre) ?

Car Enard utilise ce filon si banal désormais de mener deux histoires en parallèle, artifice qui me gêne de plus en plus au fur et à mesure qu’il envahit nos lectures, morcelant deux histoires pour une simple astuce de style littéraire. Il s’agit ici d’un déserteur d’une guerre non nommée, lourd des exactions de son passé, alternant avec une réunion de mathématiciens de haut vol, dont le maître a été interné à Buchenwald. La lectrice croit longtemps au suspense qui va l’amener à découvrir la magnifique astuce réunissant au final ces deux mondes, et donnant sens à tout cela. Il n’en est rien. C’était simplement deux histoires - l’une superbement racontée, l’autre souvent lassante avec ses digressions mathématiques inaccessibles à mon petit esprit - ayant des thèmes communs, découpées en tranche pour faire bien (ou simplement pour démontrer la virtuosité de l’auteur?). Un peu flouée, je suis. 

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Message par Bédoulène Dim 24 Sep - 9:43

Oh la la ! je suis en train de le lire topocl, à voir à la fin ce que j'en pense, mais pour le moment toute la poésie de ces phrases gagne mon attention et celà seul peut me suffire...............peut-être


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Message par Bédoulène Lun 2 Oct - 17:28

poésie - Mathias Enard - Page 5 Cvt_de10


donc je me répète mais beaucoup de poésie, dans le récit du déserteur surtout. Le déserteur retrouvera d'ailleurs un peu de son humanité. (envers l'ennemie qu'est la femme et envers l'âne)

"Il a résolu d’atteindre la maison.
      Tu la trouverais même par une nuit sans lune,
      la cabane,
      la sente avance dans le jour entre les chênes verts, éparpillés par la sécheresse ; quelques lentisques s’abritent entre les rochers, libérant au passage du marcheur leur parfum d’officine, de pharmacie oubliée ; il cherche des yeux la sarriette fraîche et sauvage que le printemps multiplie dans la montagne pour en mâcher longuement un bouquet, amer, acide, poivré – des arbouses survivent encore à l’hiver comme des décors de Noël oubliés, rouges et rugueuses, elles ont le goût des fraises passées, la fadeur de l’oubli.
      Ces fruits sont des astres minuscules, des planètes à portée de main,
      de petites lunes rougies par le désir et le malin,
      le soleil allume, à chaque pas, les pétales des fleurs de cornouiller, leur jaune vif n’est atténué par aucune feuille, sur leurs branches encore nues s’ouvre par magie la première fissure dans l’hiver.
      Il marche en dernier homme, dans le bruissement obsédant de la montagne.
      Il envie les taches noires des avions ou de lointains rapaces"


Déserter, c'est trahir : déserter l'armée ; abandonner celui qu'on aime à son triste sort, choisir de vivre loin de ceux qu'on aime, abandonner son métier., voire abandonner la vie........... n'est-ce pas aussi déserter ?

Ne peut-on voir là un fil qui lie les deux récits ? pourquoi pas ! sans oublier bien sûr que la guerre de l'un et celle de l'autre amène par delà les ans, les mêmes conséquences et que sont mentionnées les guerres de Bosnie, Ukraine...

La guerre est donc présente dans le premier récit et le deuxième apportant son lot tortures, d'humiliation, de désespoir mais aussi d'espoir. C'est dans le camp que Paul a créé son livre "les conjectures" livre reconnu par la Science.
Beaucoup de digressions et quelques longueurs qui n'étaient pas utile à la connaissance de Paul Heudeber le mathématicien qui lie mathématiques et poésie (cela m'est apparu un  intéressant très de caractère).

Bien sur les détails des mathématiques m'étaient étrangers mais j'ai trouvé dans cette étrangeté racontée une possibilité d'en comprendre l'intérêt pour la Science.

Quant à l'amour que se portent Paul et Maja, tout est dans les lettres de Paul, le choix de Maja du bateau pour le colloque pour honorer  Paul Heudeber.

Les personnages sont bien croquer, Irina la fille de Maja et Paul, scientifique elle aussi nous fait découvrir ses parents à sa vue et à son attachement. Sa mère qu'elle trouvait lumineuse et son père, le plus intelligent.

"Mon père marchait sur deux jambes : l’algèbre et le communisme. Ces deux membres lui permettaient de parcourir la vie entière. Ces deux mondes lui avaient permis de survivre à la déportation. "





Extraits

Paul : "Plus de cinquante ans après, je rêve encore de l’Ettersberg. Des rêves obscurs, de peur, de poursuite, de faim, de mort, de torture. Dans ces cauchemars il y a des visages inconnus, des baraquements que je ne reconnais pas. Mon inconscient se fabrique-t-il son propre camp ? Nos rêves ont-ils meilleure mémoire que nous ?"

"Paul Heudeber a toujours soutenu que la forme des Conjectures de Buchenwald (ces vers libres, ces phrases hachées, à la syntaxe très personnelle) était due à la taille des bandes de papier sur lesquelles il les notait – forme que Paul a conservée au moment de les transcrire à partir de 1945. Il n’a pas voulu réécrire Les Conjectures, il a souhaité conserver ce dont elles témoignaient, c’est-à-dire l’expérience concentrationnaire."

"Maja mon amour,

      Les mathématiques sont un voile posé sur le monde, qui épouse les formes du monde, pour l’envelopper entièrement ; c’est un langage et c’est une matière, des mots sur une main, des lèvres sur une épaule ; la mathématique s’arrache d’un geste vif : on peut y voir alors la réalité de l’univers, on peut la caresser comme le plâtre des moulages, avec ses aspérités, ses monticules, ses lignes, qu’elles soient de fuite ou de vie. Ce voile, cette nappe sur le monde, c’est aussi le linceul dans lequel je m’enveloppe quand vient l’heure du départ – ce drap qui va me couvrir, ce papier qui me recouvrira, ce fantôme qui me survivra, je connais leurs fibres, leur trame, je sais décrire le paysage qu’ils forment, découvrir leurs accidents, entrevoir les radiations qu’ils émettent et même leurs spectres secrets. Je sais dire : Maja, ta peau aimée, à chaque pore sa singularité, et toi équation sans sommeil, amour sans résolution, je regarde la mer et je t’attends. Oh je sais, le temps a passé, les lieux, les horreurs, les frondes, les enfermements, les libérations, les soupirs, les joies, les menaces, les peurs.
      Je regarde la mer et j’attends.
      Je suis vieux. Âgé. J’aime cette eau tiède qui devient si vite profonde et glacée, par surprise, au gré de sa couleur, du vert émeraude au turquoise puis au bleu foncé. Cela a pris quarante ans mais ici les fascistes ont fini par être vaincus. Ou plutôt par être dissous dans l’argent comme les armes par la rouille. Plus d’uniformes vert-de-gris, plus de tortures. Au coin de ma crique il y a un grand pin, des genêts sans fleurs, des lauriers – la nature vibre, elle sent le thym et Apollon.
      Je cherche la solitude. "

"Maja j’ai l’impression que la vie m’a donné tort, sur beaucoup de points ; on a réfuté des théorèmes, infirmé certaines de mes conjectures, oublié nombre de mes travaux ; nous n’édifierons plus le socialisme et on ne m’appellera plus camarade – nous payons le prix de notre intransigeance, de nos erreurs, et notre trop grande soumission aux va-t-en-guerre russes. J’ai eu le tort peut-être de croire, de conjecturer que l’humanité était faite pour la paix, le partage et la fraternité."


Irina : Mes deux parents ont été des modèles si puissants que je n’ai pu que m’échapper, fuir, trouver dans la distance – le passé, les langues exotiques, les pays lointains – un endroit pour exister. Sans pour autant jamais réellement quitter ni la Schlossstrasse, ni Maja, ni Paul.
      Maja reste toujours mystérieuse.
      Les vingt dernières années ont passé vite. La guerre est de retour. L’épidémie l’a précédée. J’ai fêté mes soixante et onze ans.
      Je vis ces dernières semaines entièrement enfermée dans le souvenir de mes parents, comme coincée dans le XXe siècle, sans parvenir à m’en extirper".

Une journaliste :"Dans un documentaire sur les femmes en mathématiques tourné quelques mois avant la mort de Paul, lorsqu’on lui demande ce qu’il a appris d’Emmy Noether, mon père (gilet en laine grenat, veste en velours, moustache blanche), après une assez longue hésitation, face à l’objectif, répond de la voix fluette, un peu timide de ceux qui ne sont pas habitués à la caméra : tout – mais surtout à être généreux, à m’intéresser à autrui. La journaliste attendait une réponse mathématique, on la sent complètement désarçonnée par la phrase de Paul, alors elle insiste : et en mathématiques ? Que vous a-t-elle enseigné ? Paul prend alors son air pénétré, l’air pénétré qui cache souvent chez lui une réponse ironique, qui en l’occurrence ne l’est même pas : elle m’a appris que les mathématiques étaient l’autre nom de l’espoir".

"Le souvenir de Buchenwald a toujours été au cœur de la RDA : parmi les camarades communistes détenus en même temps que Paul à Buchenwald se trouvent nombre des cadres de l’élite intellectuelle est-allemande postérieure ; la résistance communiste à Buchenwald est devenue un de ses mythes fondateurs – certes après quelques hésitations, du vivant de Staline : Ernst Busse, un des chefs de la Résistance communiste à Buchenwald, est mort en déportation, cette fois-ci dans un camp stalinien. L’ami de Paul, Walter Bartel, lui aussi communiste, qui deviendra un historien spécialiste, entre autres, de Buchenwald, a fait l’objet d’enquêtes du Parti et a été longtemps écarté. Paul, pas que je sache".

Kant :" Je m’imaginais Paul à Buchenwald, sur l’Ettersberg, sous le ciel uniforme de la Thuringe, chercher les étoiles dans les nombres, dans sa tête, dans la puissance de son esprit qui résistait à tout, à l’enfermement, à la douleur, à la peur. Les cieux mathématiques de Paul luttaient contre la violence. Oui, moi j’avais New York, toute la bibliothèque de Columbia, les cafés du Village, les clubs de Harlem, et ma pensée n’arrivait pas au dixième de celle de Paul Heudeber dans le plus grand dénuement. "

le déserteur : " La cabane n’est qu’une halte comme un adieu à l’enfance. Un adieu aux souvenirs qui lui grimpent dessus comme des insectes dans la nuit. Des odeurs, des sons. Des images. Il faut tout lancer derrière soi, les souvenances ne font pas de bruit en tombant. Plus la guerre s’éloigne, plus il se demande pourquoi il la fuit.
      Tu t’es enveloppé sans réfléchir dans le linceul de la paix,
      ta jeunesse t’effraie, elle n’est plus une force,
      chaque jour qui t’éloigne de la violence te rend plus fragile, te dénude,
      ta vie commence dans la guerre mais ne s’y achève pas."


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Message par ArenSor Lun 4 Déc - 17:48

Déserter

poésie - Mathias Enard - Page 5 Cvt_de10

D’un côté, il y a un soldat déserteur, dans un temps indéterminé, il tente de gagner la frontière en passant par la montagne et traîne avec lui un énorme bruit de fond d’horreurs vécues, et on le devine rapidement, des horreurs auxquelles il a participé activement. Il rencontre une femme avec son âne, qui l’a connu dans le temps, qui sait qu’il est un ennemi. Elle-aussi a connu les humiliations de la guerre, elle aussi cherche à fuir vers la frontière. Leur rencontre est paradoxale, tendue, entre terreur du viol et fardeau-témoin à éliminer, la mort rôde, hésite… Violence et compassion sont sur les deux plateaux de la balance.
De l’autre côté, le récit plus complexe d’un mathématicien allemand de génie. Il n’est présent directement que par quelques lettres adressées à sa femme, sinon nous ne le connaissons que par le regard de cette femme, celui de sa fille et de quelques amis. Le récit, bien ancré dans le temps, se passe à plusieurs époques, mais la guerre et la violence sont toujours présentes : camp de concentration de Buchenwald, guerre de Bosnie, attentats du 11 septembre, invasion de l’Ukraine…
Violence de la guerre, mais aussi sens de l’engagement ; la femme du mathématicien l’a trahi, lui lui restera fidèle comme il restera fidèle, au-delà du raisonnable, à l’idéal utopique d’un Allemagne démocratique prônant les valeurs collectives, ce sont les liens les plus évidents qui unissent ces récits. On pourrait en trouver d’autres.
L’écriture de Mathias Enard est d’une très belle poésie, phrases courtes, épurées, aux images originales. Malgré ces qualités, je ne suis jamais complètement entré dans ce roman qui tire un trait sombre à travers espace et temps, à l’encontre des approches quelque peu naïves de paix et de fin de l’histoire qui ont eu cours après la chute du Mur. La vision de Mathias Enard est sombre mais pas totalement désespérée.
(Souvent je déplore la laideur des couvertures de livres, mais là j'ai beaucoup aimé cette image d'âne dans la nuit = illustration de Alessandra Sanguinetti)
(ce livre m'a été offert. Il m'est même dédicacé par l'auteur drunken )
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Message par Tristram Lun 4 Déc - 19:12

Merc de rappel, je vais retourner à cet auteur !

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Message par Bédoulène Mar 5 Déc - 11:04

merci Aren pour ton commentaire et très justemet "La vision de Mathias Enard est sombre mais pas totalement désespérée."

et oui j'ai beaucoup aimé la couverture ! Smile

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Message par Tristram Mer 20 Déc - 16:12

L'Alcool et la Nostalgie

poésie - Mathias Enard - Page 5 Images20

Dans cette novella, « Mathias » retourne à Moscou retrouver Jeanne (de France, peut-être celle du transsibérien de Cendrars) à l’annonce de la mort de Vladimir (de qui son amante Jeanne s’est éprise : les « trois matriochki » ont vécu là ensemble pendant un an, de littérature russe, d’alcool et de drogue). Il accompagne la dépouille de ce dernier en Sibérie, tous les deux seuls dans un compartiment de train avec la vodka, la nostalgie et des souvenirs historiques et littéraires de la Russie.
« …] les livres qui sont bien plus dangereux pour un adolescent que les armes, puisqu’ils avaient creusé en moi des désirs impossibles à combler. Kerouac, Cendrars ou Conrad me donnaient envie d’un infini départ, d’amitiés à la vie à la mort au fil de la route et de substances interdites pour nous y amener, pour partager ces instants extraordinaires sur le chemin, pour brûler dans le monde, nous n’avions plus de révolution, il nous restait l’illusion du voyage, de l’écriture et de la drogue. »

\Mots-clés : #addiction #amitié #amour #ecriture #jeunesse #nostalgie

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Message par Bédoulène Mer 20 Déc - 20:12

merci Tristram, je prends le train

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Message par topocl Jeu 21 Déc - 9:07

Que voilà un commentaire factuel et qui nous laisse dans l'expectative quant au ressenti !
Il m'a laissé un souvenir d'une intensité incroyable, ce bouquin, à moi qui ne me souviens jamais de mes lectures...

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Message par Tristram Jeu 21 Déc - 10:11

Topocl a écrit:Que voilà un commentaire factuel et qui nous laisse dans l'expectative quant au ressenti !
Il m'a laissé un souvenir d'une intensité incroyable, ce bouquin, à moi qui ne me souviens jamais de mes lectures...
C'est tout à fait ça : j'ai vu ton commentaire enthousiaste après ma lecture, de même celui de Hanta, et je n'ai pas partagé votre engouement : trop de stupéfiants pour moi sans doute, et peut-être trop de romantisme, ou encore d'étonnant triolisme, je n'ai malheureusement pas été emballé tel un cheval fougueux...

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Message par topocl Jeu 21 Déc - 15:15

Merci de satisfaire ma soif de clarté Very Happy !

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Message par Bédoulène Sam 23 Déc - 0:07

bon après cela je pense lire ce livre (mais où passe le temps ?)

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Message par Tristram Mar 23 Avr - 12:13

Déserter

poésie - Mathias Enard - Page 5 Cvt_de10

Deux récits racontés alternativement, sans jamais vraiment se rejoindre :
D’une part, un homme déserte le camp des vainqueurs lors d’une guerre civile (en Yougoslavie ?), et regagne la masure écartée de son père ; il est reconnu comme ancien voisin par une jeune femme, qui fuit elle aussi, et sera foudroyée avec son âne.
« Il observe la catastrophe, elle sent peut-être ses yeux sur son corps, il se rappelle si bien la violence qu’il a fait subir qu’aucune surprise ne déforme son visage, aucune pitié, aucune compassion, il voit la jambe brisée et noire, il voit le bois enfoncé dans la chair, il voit l’immense ecchymose sur les côtes, la chemise déchirée, la peau blanche zébrée de peine [… »
D'autre part, Irina, historienne des mathématiques, évoque (notamment la veille d’un colloque commémoratif à Berlin le 10 septembre 2001) la vie de ses parents, Paul Heudeber et Maja Scharnhorst, respectivement mathématicien communiste célèbre en Allemagne de l’Est, ancien résistant antifasciste qui a été déporté à Buchenwald (« le camp sur l’Ettersberg », là où se promenaient Goethe et Schiller) et elle femme politique de l’Ouest, militante des droits des femmes, également ancienne résistante ; pas mariés, ils vécurent généralement éloignés l’un de l’autre, l’un en RDA, l’autre en RFA, séparés par le Mur.
« Pour lui les mathématiques étaient un sens, au même titre que la vue ou l’ouïe, et donc une façon de percevoir la nature. »

« Après 1991, il ne cachait plus son désespoir politique. La fin de la RDA, mais aussi l’explosion yougoslave le rendaient fou de douleur. L’humanité me semble, en gagnant le capitalisme, avoir perdu l’humanité. Partout dans le monde, disait-il. Guerre, violence et injustice. »
Le déserteur secourt la femme et l’emmène dans la montagne, vers la frontière au nord, dans la forteresse en ruine de la Roche Noire ; on apprend qu’elle a été victime de sévices de la part des troupes auxquelles le déserteur appartenait. Lui, tortionnaire croyant, est las de la guerre.
Paul a été rendu célèbre par Les Conjectures de Buchenwald :
« Robert Kant soutenait que l’originalité du texte de Paul, outre son côté indiscutablement littéraire, ses considérations sur la Révolution, ses passages obscurs, sa poésie si sombre, provient de sa radicalité scientifique : de ce croisement, au fond du XXe siècle, du désespoir historique avec l’espérance mathématique. »
À Weimar, Irina consulte le dossier établi par la Stasi sur sa mère, tandis que la Russie bombarde l’Ukraine.
« En 1942 le directeur des Musées de Weimar, en accord avec le maire, décide d’organiser la protection des collections prestigieuses des différents lieux de souvenir de la ville, en cas de bombardement aérien. Musée d’archéologie, Musée des Beaux-Arts, Maisons de Goethe et de Schiller. Il a l’idée de commander des caisses en bois au camp de concentration de Buchenwald, là-haut dans la forêt, qui possède un atelier de menuiserie et toute une hêtraie à disposition. Quarante grandes malles de bois pour emballer des meubles et des livres de la Maison de Schiller, de la Maison de Goethe et des collections du Musée d’histoire ancienne.
Le directeur souhaite aussi passer commande à Buchenwald des copies des meubles de la chambre du dernier étage de la Maison de Schiller : le lit de mort de Schiller, le bureau sur lequel il écrivait, l’épinette sur laquelle il jouait des danses de Haydn, ainsi qu’un fauteuil par étage. Tous ces meubles furent chargés dans un camion et confiés aux SS pour qu’ils en établissent des copies. Le bureau de Schiller et les danses de Haydn furent donc enfermés à Buchenwald et des détenus se mirent au travail pour les copier. Il fallut trouver des prisonniers non seulement ébénistes, mais aussi un facteur de piano pour l’épinette – il y avait le monde entier à Buchenwald, et les copies furent parfaites. »
Un intellectuel utopiste, un jeune rural qui fuit la guerre, avec peut-être pour point commun d’avoir été trompés dans leurs engagements…
Érudition certes (en Histoire, voire en mathématiques : Nasiruddin Tusi, etc.), mais bien amenée, et servie par un style exigeant (avec un peu trop de pathos à mes yeux). Des réflexions aussi, parfois surprenantes, comme en politique.

\Mots-clés : #guerre #historique #politique #science #violence #xxesiecle

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Message par Baklava Mar 23 Avr - 18:03

Ah, mais vous me tirez par la manche.
J'ai lu (et vraiment apprécié) Boussole et Rue des voleurs.

Et vous me rappelez qu'il y a aussi tout ça à découvrir chez lui.
Merci !

Bonjour chez vous
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Message par Chamaco Mer 24 Avr - 4:34

topocl a écrit:Déserter



Car Enard utilise ce filon si banal désormais de mener deux histoires en parallèle, artifice qui me gêne de plus en plus au fur et à mesure qu’il envahit nos lectures, morcelant deux histoires pour une simple astuce de style littéraire. 

Padura dans "Ouragans tropicaux" a utilisé ce style, par moment j'étais perdu pour dénouer les deux histoires, étais je dans le présent de Condé ou dans le passé avec l'histoire de Yarini (car aucun panneau d'indication poésie - Mathias Enard - Page 5 3866672782 )
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Message par Tristram Mer 24 Avr - 12:59

C'est une bonne question que celle du recours presque systématique aux fils de narration simultanés de nos jours. Je pense que c'est une pratique devenue fort répandue, peut-être liée à une volonté assez paradoxale de capter l'attention des lecteurs par une sorte de saturation de l'action (je pense notamment à certains modèles cinématographiques), ou plus légitimement l'instauration d'un ou plusieurs contrepoints, d'autres points de vue juxtaposés. Il y a là comme un dessein d'enrichir la complexité de la narration, de déconstruire sa linéarité, de faire dialoguer les histoires, de ruiner toute interprétation évidente, sans doute plus dans l'air du temps que dans l'intention personnelle des romanciers.
Bref, je ne sais pas bien, et moi aussi ça a souvent tendance à m'agacer. Mais ce qui m'a frappé dans cette lecture en particulier, c'est qu'il n'y a pas de convergence des fils à la fin, ni même de rapprochement évident entre les deux en cours de récit. C'est peut-être un moyen de faire cogiter le lecteur, plus encore je crois un axe de recherche de l'écrivain lui-même.

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Message par topocl Mer 24 Avr - 15:42

Tristram a écrit:Bref, je ne sais pas bien, et moi aussi ça a souvent tendance à m'agacer. Mais ce qui m'a frappé dans cette lecture en particulier, c'est qu'il n'y a pas de convergence des fils à la fin, ni même de rapprochement évident entre les deux en cours de récit. C'est peut-être un moyen de faire cogiter le lecteur, plus encore je crois un axe de recherche de l'écrivain lui-même.
Forcément comme il n'y a pas de point de convergence évident, ça fait cogiter la lectrice.Le problème qui s’est posé à moi, c’est que la cogitation ne m'a menée à rien. Donc, soit c'est moi qui ne suis pas à la hauteur, ce qui ne me plait guère, soit c’est Enard qui place la barre trop haut, ce qui ne m'emballe guère non plus. Ou qu'il a choisi une démarche absurde...

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