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La date/heure actuelle est Jeu 9 Mai 2024 - 20:07

141 résultats trouvés pour biographie

Delphine de Vigan

Rien ne s’oppose à la nuit

Tag biographie sur Des Choses à lire - Page 7 Image212

J'ai été particulièrement touchée par l'attention que Delphine de Vigan a portée à colliger tous les témoignages oraux et écrits, à confronter ceux-ci, à chercher résolument la vérité quand elle existe. De nombreuses interprétations sont ouvertes quant aux comportements de l'un ou de l'autre, c'est loin des idées toutes faites et des avis péremptoires. Pas de jugement, pas de valeur morales. Rapporter pour mieux comprendre, et accepter de ne pas comprendre.

 
Incapable de m'affranchir tout à fait du réel, je produis une fiction involontaire, je cherche l’angle qui me permettra de m'approcher encore, plus près, toujours plus près, je cherche un espace qui ne serait ni la vérité ni la fable, mais les deux à la fois


En cela ce livre se différencie de Le chagrin de Lionel Duroy, auquel on ne peut s'empêcher de penser pendant toute la lecture de ces pages, mais aussi dans le sens que Duroy écrit dans la haine, alors que Rien ne s'oppose à la nuit est un témoignage d'amour à sa famille et à sa mère, amour douloureux certes, mais sincère et indéfectible.

L'écriture de Delphine de Vigan traduit parfaitement la joie des temps heureux, la confusion des moments où la folie prend le dessus, l'incertitude fragile des recherches personnelles.

Le livre m’a aussi fait penser à La femme de l'allemand de Marie Sizun, qui, cette fois-ci sous une forme romancée, décrit une petite fille face à la psychose maniaco-dépressive de sa mère, dans un amour transi, trahi et terrifié.

(commentaire récupéré)



mots-clés : #biographie #famille
par topocl
le Ven 23 Déc 2016 - 16:17
 
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Sujet: Delphine de Vigan
Réponses: 30
Vues: 2010

Christian Bobin

Tag biographie sur Des Choses à lire - Page 7 41zjee10

La dame blanche


2007

CONTENU :
Description du livre, en anglais a écrit:Jusqu'à aujourd'hui Emily Dickinson demeure une figure aimée et énigmatique de la poèsie américaine. Cette « Dame blanche » s'est isolée du monde et s'est entièrement dévouée à la parole. Elle était depuis sa mort prioritairement regardée sous l'aspect de sa poèsie qui lui confèrait de la beauté et de l'espérance dans l'agonie et la solitude de sa vie.

L'auteur de ce livre honore dans ce livre la poètesse dans un récit bref et poètique de sa vie et de son œuvre. C'est une interprétation fraîche et personnelle de cette vie, et on en sort avec l'impression de connaître Dickinson un peu mieux et de par sa poèsie évoquée par Bobin qu'aussi sa vie dont on ne connaît que des faits rares.



REMARQUES :
Cette « Dame blanche », c'est bien la poètesse américaine Emily Dickinson qui à partir de la mort de son père ne mettait plus que des robes blanches:

José Corti a écrit:Emily Dickinson est née à Amherst/Massachusetts en 1830, et elle mourra en 1886. Elle est considérée aujourd’hui comme l’un des plus grands poètes américains. Elle n’eut pas droit à la reconnaissance littéraire de son vivant. Presque absente de la scène littéraire, elle fut également peu présente dans le théâtre de la vie. Son champ d’expérience fut limité, puisqu’elle ne s’éloigna d’Amherst que pour passer une année au collège de Mount Holyoke à South Hadley ou lors de rares séjours, à Washington ou à Boston.

Il semble donc qu’elle n’ait guère quitté le cercle de cette petite communauté puritaine de Nouvelle-Angleterre, ni franchi le seuil de la maison familiale où elle disait tant se plaire – entre son père juriste et homme politique, admiré et craint, et sa mère plus effacée ; entre sa sœur Lavinia, qui ne partit jamais non plus et son frère Austin, installé dans la maison voisine avec sa femme Susan, amie de cœur de la poétesse. Le choix d’un certain retrait du monde livre un signe essentiel: la mise à distance, l’ironie.

Mais, à certains égards, ce retrait fut peut-être moins absolu qu’il n’y paraît : tout en se dérobant au monde, au mariage, elle adressa des lettres passionnées à divers correspondants masculins. La fin de sa vie fut marquée par des deuils répétés (son père en 1874, sa mère en 1882, son neveu Gilbert, mort à l’âge de huit ans en 1883, le juge Otis P. Lord (qu'elle devait épouser) en 1884). Secrète et expansive, grave et moqueuse, discrète mais audacieusement libre, sa personnalité est aussi complexe que l’espace réel de son expérience fut restreint.

Elle est enterrée dans un cercueil blanc dans le carré familial à l’ouest du Cimetière sur Triangle Street. Au cours de la cérémonie funéraire, Higginson lit « No Coward Soul Is Mine » (Mon âme n’est pas lâche), le poème d’Emily Brontë que préférait Emily Dickinson.


wikipedia.fr - Dickinson a écrit:Bien qu’ayant été un auteur prolifique, moins d’une douzaine de ses presque mille huit cents poèmes ont été publiés de son vivant. Ceux qui furent publiés alors étaient généralement modifiés par les éditeurs afin de se conformer aux règles poétiques de l’époque. Les poèmes de Dickinson sont uniques pour leur époque : ils sont constitués de vers très courts, n’ont pas de titres et utilisent fréquemment des rimes imparfaites et des majuscules et une ponctuation non conventionnelle[1]. Un grand nombre de ses poèmes traitent de la mort et de l’immortalité, des sujets récurrents dans sa correspondance avec ses amis.


Dans cet article on trouvera aussi encore d'autres informations...


Christian Bobin commence ces petites méditations (c'est plutôt cela qu'une pure et dure biographie classique) avec quelques pages autour de la mort. On comprendra que celle-ci avait joué un grand rôle dans la vie et dans l'oeuvre d'Emily, et se trouve probablement à juste titre évoquée ici au début : la perte de proches, mais aussi son dialogue intérieure avec la mort…

C'est après cette introduction que l'auteur reprend plus ou moins un fil chronologique, à partir de l'enfance, via ses relations avec ses parents, son choix progressif de se retirer, des liens de correspondace avec des amis et : sa mort.

Bobin choisit des petites unités, des petits paragraphes, tableaux, et utilise lui-même un langage poètique. Partiellement un peu fleuri, ce qui pourrait éventuellement ne pas plaire à tout le monde. Néanmoins : n'est-il pas comme poète et écrivain, mais aussi comme homme qui a choisi un certain éloignement, qui a lui-même connu la mort de la bien-aimée, très bien placé pour parler bien de la vie et de l'oeuvre de Dickinson ? Les deux se retrouvent probablement aussi dans une grande affinité vers le monde spirituel, voir de foi – aspect non négligeable et toujours retrouvable et chez Dickinson et chez Bobin.


Que vers un coeur brisé

Nul autre ne se dirige

Sans le haut privilège

D'avoir lui-même aussi souffert


(Emily Dickinson)


Christian Bobin a écrit:Sa mère recommande à Emily de ne pas aller seule dans les bois environnants : les serpents l'y piqueraient, les fleurs l'empoisonneraient et un sorcier l'enlèverait. L'enfant que ces dangers émerveillent s'échappe, bat la campagne, revient, dit n'avoir vu "que des anges" encore plus intimidés qu'elle par cette rencontre.

Parfois quelqu'un surgit qui nous sauve de notre personnage, que nous avions fini par confondre avec notre personne.

Cela donne envie à plus : des deux auteurs !?



mots-clés : #biographie #poésie
par tom léo
le Ven 23 Déc 2016 - 7:45
 
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Sujet: Christian Bobin
Réponses: 20
Vues: 2020

Antonio Lobo Antunes

Tag biographie sur Des Choses à lire - Page 7 51hfg210


Conversations avec Antonio Lobo Antunes:  Maria Luisa Blanco
traduit de l'espagnol par Michelle Giudicelli ( Editions Christian Bourgois)

A la fin, Maria Luisa Blanco retranscrit un entretien avec les parents de l'écrivain..Le père, qui ne lit plus les romans de son fils :

"Je n'en ai pas la patience, dit-il. Anatole France disait de Proust que la vie est courte et Proust beaucoup trop long." Il rit, puis ajoute : "La vie est beaucoup trop courte pour lire Antonio."


Des parents qui n'ont rien de tendre ( il dit que sa mère ne l'a jamais embrassé...)et chez lesquels l'excellence était de règle.
Les parents ne comprennent pas la tristesse d'Antonio Lobo Antunes, qui, pour eux, a eu une enfance heureuse...Ce n'est pas ce que j'ai cru en comprendre, à le lire!
Et puis, il y a eu la guerre en Angola, qui l'a profondément marqué, et dont il dit ne pas pouvoir encore maintenant vraiment parler.
Et puis, récemment, la mort de son ex-femme dont il ne s'est jamais vraiment séparé...
Il parle dans ce livre de ses goûts littéraires, de sa passion pour la poésie, de ses difficultés d'écriture...et de sa vie quotidienne, le matin écrivant à l'hôpital où , psychiatre, il voit encore quelques anciens malades, l'après midi écrivant chez ses filles..
Et de sa sensation un peu ambivalente d'avoir d'une part la conscience d'écrire d'une façon différente de tous, et d'autre part ,devant le succès qu'il rencontre, et les honneurs qu'il reçoit, d'être quelque part un usurpateur.
Pour moi qui aime entendre les gens- quels qu'ils soient- parler d'eux- ce livre ( peut être un peu répétitif de temps en temps, mais c'est dû à la retranscription exacte des propos d'Antonio Lobo Antunes), ce livre a été un bonheur! J'y ai découvert un personnage complexe, sincère, hésitant, culpabilisant. Solitaire ( tous ses amis sont morts..) et ne vivant que dans les livres.


mots-clés : #biographie
par Marie
le Ven 23 Déc 2016 - 2:39
 
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Sujet: Antonio Lobo Antunes
Réponses: 41
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David Lodge

L'auteur ! L'auteur !

Tag biographie sur Des Choses à lire - Page 7 Image170


Ce livre est le second que je lis de David Lodge (après avoir lu il y a quelques semaines La vie en sourdine). J'en tire la même impression d'un livre extrêmement agréable à lire, vivant, bien écrit, avec de grandes finesses psychologiques, et qui sans en avoir l'air ne manque pas de proposer des voies de réflexion.

Il s'agit d'une présentation romanesque de la vie d'Henri James, auteur anglo-américain devenu un classique, dont je n'ai jamais eu l'occasion de lire aucun livre. J'ai pourtant notion qu'il s'agit d'un auteur assez classique, constituant une réelle référence dans la littérature anglophone. Lodge nous présente cet auteur, qui acquit à l'époque une certaine réputation dans le petit monde des écrivains londoniens, voire européens, mais n'a jamais connu de son vivant de réels succès publics. Il nous montre très astucieusement un homme convaincu de sa valeur, se vouant à la littérature, n'hésitant pas à s'imposer le célibat pour mieux remplir sa mission (ou cache-t-il derrière ces hautes aspirations une incapacité réelle à affronter l'amour ?). Et derrière cette image d'homme respectable, pas vraiment drôle, ambitieux, pointent, sans critique fondamentale mais avec un certain humour, des traits de caractère moins reluisant : une jalousie fondamentale, une petitesse qui l'amène à des compromissions, des mesquineries, des choses beaucoup moins élégantes que ce que l'on attendrait d'un grand auteur. C'est tout l'art de Lodge de bien montrer l'ambivalence de la personnalité d'Henri James, sans en faire pour autant un personnage antipathique, mais plutôt un homme de chair et de sang, avec ses faiblesses.

On trouve aussi à travers la destinée de cet homme, le succès qu’il ne trouve jamais, la honte qu'il ressent devant ses échecs, l'envie face aux réussites des autres, y compris ses amis les plus chers, une réflexion sur l'art, la réussite, la célébrité, la reconnaissance par le public, la vanité…

C'est aussi l'occasion de croiser des figures de la littérature comme Oscar Wilde, Maupassant, Du Maurier (l'auteur du célébrissime Trilby qui enchanta ma grand-mère…), Agatha Christie quand elle avait 5 ans… Tout un monde du passé qu'on voit évoluer avec un plaisir extrême.

Une agréable lecture, une époque et des mœurs à découvrir, un auteur qui confirme un brio intelligent et charmeur.

(Commentaire récupéré)


mots-clés : #biographie #psychologique
par topocl
le Mar 20 Déc 2016 - 13:52
 
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Sujet: David Lodge
Réponses: 20
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Edmund de Wall

La mémoire retrouvée

Tag biographie sur Des Choses à lire - Page 7 Captur53

Charles Joachim Ephrussi, l’ancêtre quitta son shetl au XIXèmesiècle pour Odessa, fit fortune dans le commerce des céréales, fonda une banque, envoya ses 2 fils l'un à Vienne l'autre à Paris pour favoriser son commerce et étendre son influence.

Edmund de Waal, le descendant, céramiste britannique renommé, nous raconte l'histoire de cette dynastie de juifs assimilés richissimes, frivoles, amateurs d'art, insouciants, déchus plus bas que terre quand le nazisme s’en mêla. Charles, le parisien, qui fréquente les salons et les impressionnistes, inspira en partie à Proust le personnage de Swann. Devant Viktor, le Viennois, on ne peut s'empêcher de penser aux Buddenbrock.

La grande originalité de ce livre, c'est que le récit s'attache au sort d'une collection de netsuke, petits objets miniatures japonais sculptés, qui furent acquis par Charles, l’esthète parisien, et transmis au sein de la famille, voyageant à Vienne, sauvés de la cupidité des nazis, récupérés à Londres, puis retournant ensuite au Japon, trésor attachant choyé par chaque génération, personnage du livre à lui tout seul, vivant un destin aux rebondissements multiples.

Il ne faut pas attendre une grande qualité littéraire, mais une forte charge émotionnelle, un roman d'histoire à travers une saga familiale, de passionnantes notations sur l'art japonais et les folies qu’il déchaîna une réflexion sur la transmission, l'héritage et le secret.
La quête d'Edmund de Waal se lit comme un roman, ce livre vaut le détour.


A propos des netsuke

Le vêtement traditionnel japonais (le kimono) est dénué de poche. Les femmes japonaises ont souvent recours à des sacs à main pour garder auprès d'elles papiers, clés, médicaments ou monnaie. Pour garder sur lui ce genre de petits objets, l'homme utilise des boîtes ou des bourses qu'il fixe à la ceinture de son kimono. L'ensemble des éléments qu'il porte à cette large bande de tissu appelée obi reçoit le nom de sagemono (les objets suspendus). En effet, les bourses, le nécessaire à écrire (yatate), l'étui à pipe (kiseru-zutsu) et la boîte à médicaments ou à sceaux (inrô) sont maintenus par des cordons, ces derniers sont passés entre la ceinture et le kimono. Fixé à l'extrémité supérieure de chaque cordelette, le netsuke (« Ne » : racine ; « tsuke » : attacher) est placé au-dessus de l'obi ; de par sa forme et son volume, un peu à la manière d'un taquet, il bloque le cordon et maintient le sagemono à la ceinture.

Objet de petite taille, le netsuke a donc, avant tout, un rôle utilitaire.

L'usage, dans la vie quotidienne, des sagemono induit donc celui du netsuke qui doit, avant tout, être fonctionnel. Si, à son origine, il est un simple morceau de racine non ouvragé, il devient rapidement une miniature finement sculptée que cela soit par un artisan spécialisé ou par son propre propriétaire. Il peut avoir de multiples formes typiques telles que la forme ronde et aplatie (la forme manju) ou la forme très allongée (le netsuke de forme sashi est alors planté dans l'obi, à la manière d'un poignard). Mais le netsuke le plus prisé (la forme katabori) reste sculpté en ronde-bosse, avec un soin égal porté à la réalisation de toutes les faces (y compris la base).

Pour autant, certains aspects liés à sa fonction le caractérisent. Le netsuke doit être de dimensions adaptées (entre 3 et 8 cm environ) et sa forme doit être suffisante pour bloquer le cordon dans l'obi. De plus, il ne doit pas être trop lourd ou trop volumineux pour gêner dans les tâches quotidiennes.
Un autre aspect fondamental réside en sa compacité. Pour son usage, le netsuke ne doit pas posséder d'aspérités qui pourraient s'accrocher à l'étoffe ou le fragiliser.

Enfin, le netsuke présente deux trous permettant de fixer le cordon. Ces deux trous forment les extrémités d'un canal (himotoshi) en forme de U ou de L. Leurs emplacements sont savamment étudiés pour offrir la meilleure présentation de l'objet lors de son utilisation à la ceinture. La présence de ces deux trous n'est pas obligatoire car certains types présentent des perforations intégrant la miniature tout en servant de canal pour les cordons (l'espace entre un bras et le tronc d'un personnage par exemple).

Si les anciens netsuke sont réalisés à partir d'une simple racine, très rapidement, les sculpteurs de netsuke (netsuke-shi) vont utiliser de nombreux matériaux. Le bois demeure largement employé avec des essences dures et nobles comme le buis ou l'ébène mais aussi le cerisier, le cyprès (bois léger), l'if…
L'ivoire (d'éléphant, de morse, de cachalot,…) est, aussi, abondamment utilisé. Il est très souvent importé et il n'est pas rare qu'il présente des gerces parallèles provoquées par les chocs thermiques subis lors des voyages.
S'ajoute à ces deux matériaux principaux un grand nombre de matières telles que la laque pure, le corail, l'os, la corne, la porcelaine, le métal, le fruit séché et sculpté…

Les netsuke sont (sauf rares exceptions) sculptés d'un seul bloc. Néanmoins, il n'est pas rare qu'ils présentent un travail de patine soulignant les reliefs ou teintant la matière d'origine. Certains netsuke peuvent aussi être peints ou laqués. Des petits morceaux de jade, de corail, de nacre peuvent être incrustés sur certains spécimens pour souligner certains éléments de la miniature (les yeux, par exemple, sont presque toujours en corne brune).
L'inspiration des netsuke-shi est multiple et puise autant dans les superstitions, les croyances et les religions que dans l'observation du monde, de la société japonaise et de la vie quotidienne. Il est d'ailleurs important de souligner que la séparation occidentale du fantastique et du religieux, d'une part, et du trivial, d'autre part n'est pas de mise dans la pensée japonaise.

Une observation minutieuse de la nature, des attitudes et un souci de précision et d'harmonie caractérisent bon nombre de réalisations. Les personnages sont souvent traités avec bonhomie et de nombreuses attitudes semblent issues des théâtres kabuki et Nô et de leurs masques.

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mots-clés : #biographie
par topocl
le Sam 17 Déc 2016 - 9:54
 
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Sujet: Edmund de Wall
Réponses: 4
Vues: 647

Javier Cercas

L'imposteur

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Enric Marco est un imposteur de première, démasqué en 2005 par l’historien Benito Bermejo. Pas un escroc qui aurait fait fortune sur des mensonges, mais un homme qui s'est construit une biographie inventée pour apparaître au monde comme un phare, briller, capter l'attention.

Non seulement il s'est approprié une bravoure et une forme de résistance pendant la guerre d'Espagne, mais au final cela a plutôt été le lot commun de l'après-guerre. Mais il s'est aussi attribué des activités anti franquistes, et, cerise sur le gâteau et horreur suprême, il s'est monté de toutes pièces un séjour en camp de concentration allemand. Auréolé de  ce passé fictif ô combien valorisant, porté par un charisme et une réelle générosité, il a imposé cette image de héros, et a ainsi pu sortir de son image d'homme  ordinaire, toujours « du côté de la majorité ». seulement,

« Marco a oublié que le passé ne passe jamais, qu'il n'est qu'une partie ou une dimension du présent, qu'il n'est même pas le passé - c'est Faulkner qui le dit - et qu'il revient toujours mais pas toujours pour nous sauver (...) »


Javier Cercas, qui dans toute son œuvre jongle entre vérité et mensonges, fiction et réalité, bien et mal, n'a pu lutter contre sa fascination pour ce « héros», fascination qui l'avait tout d'abord terrorisé,  par peur des vérités auxquelles il allait le confronter. Il y a finalement consacré une belle énergie : interviews, rencontres avec des proches amis ou hostiles, avec des intellectuels, compulsion de bibliographique et d'archives…

Si au départ il ne voulait que « comprendre » au fil de l 'avancée de son travail, il s'est alternativement demandé s'il voulait accuser, juger, justifier, réhabiliter, voire sauver Enric Marco. Il s’est surpris à ce qu'une certaine empathie prenne  le pas sur son dégoût pour le personnage, l'amène, sous certains aspects, à l'admirer , pourquoi pas l'aimer. Croyant maîtriser son œuvre il s'est vu tant manipulateur que manipulé, il s'est interrogé sur le rapport entre mensonge et fiction, réalité  et roman, ressortant son cher thème du récit réel et du roman sans fiction.

Se plaçant sous le double patronage de Truman Capote avec son récit collé à la réalité (De sang froid)  , et de Cervantès et son Don Quichotte qui se fantasme et s'invente  comme héros, Javier Cercas , une fois de plus, s'interroge sur lui même, homme et romancier, à travers son analyse trèèès méticuleuse de l'imposteur.

J'ai mis très longtemps à entrer dans le récit, comme c’est souvent mon cas avec Cercas. Mais ici, vraiment très longtemps, plus de la moitié du livre. La première partie est en effet factuelle  et descriptive, et plombée par la hantise de l'auteur de se laisser piéger par le mensonge. Cette prudence est comme une chape de plomb sur le récit, elle entraîne des réserves, des circonlocutions, des conditionnels,  des avertissements tendant à différencier vérité et hypothèses,  des redites nombreuses, des leitmotivs qui alourdissent le propos. Mais la deuxième partie (« le vol d'Icare » et l'épilogue), a fini par emporter mon intérêt, dans une interrogation sans réponse sur l'histoire et la mémoire (sa nécessité et son commerce), le repentir, et la capacité de dire Non.

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mots-clés : #biographie
par topocl
le Sam 17 Déc 2016 - 9:27
 
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Sujet: Javier Cercas
Réponses: 96
Vues: 12559

Emmanuel Carrère

Je suis vivant et vous êtes morts
Philipp K DICK 1928-1982

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Si l'on veut faire bêtement simple, on lit le premier paragraphe, et tout le livre est dedans. Né en 1928 à Chicago, en même temps que sa sœur Jane, Phil Dick survivra seul à ce couple de jumeaux : la mère, incapable de les nourrir correctement, laisse Jane mourir de faim à un mois et demi.
D'où, pour Philipp cette interrogation fondatrice :suis-je moi ou ma sœur, qui suis-je vraiment, quel serait le monde si ma sœur avait survécu, si j'étais mort à sa place, interrogation perpétuelle qui évoluera plus tard en : quel est ce monde, la vérité est-elle bien celle que l'on croit, n'a-t-elle pas un double qui fait que notre monde est une illusion, ne sommes-nous pas trompés par des sortes d'instances supérieures qui nous font vivre en croyant réel notre monde alors qu'il est autre.

Ça, c’est si l'on veut faire simple. Le livre d'Emmanuel Carrère est beaucoup plus complexe, avec une étude extraordinairement fouillée de la biographie de Philipp Dick, cet homme fascinant et insupportable, de ses perturbations psychiatriques, de ses oeuvres, et des rapports qu'elles entretiennent avec, justement, ses questionnements perpétuels. La description est assez impressionnante et j'ai été très emballé par la lecture de ce livre (en tout cas ses trois premiers quarts) qui décrit un homme, à la fois si brillamment intelligent et cultivé, mais paralysé par des comportements et des pensées qui sont totalement étranges au commun des mortels, alimenté par une fascination pour les religions, le paranormal, l’ésotérique, et une consommation incontrôlée de médicaments et de drogues. La description clinique scrupuleuse du « cas » Philipp Dick, de son rapport à lui-même et aux autres, à son oeuvre, l'évolution de cet homme à la structure psychologique si perturbée vers un délire de persécution est tout à fait saisissante. La fin m'a un peu lassée, la pensée de Philipp Dick est de plus en plus obsédante, stéréotypée, tortueuse, je me perds dans son délire comme il s’y est aussi perdu lui-même.

Tout cela, pour moi qui ne suis pas du tout une lectrice de science-fiction, me conforte dans l'idée que j’avais intuitivement que cette littérature a quelque chose de très profond, très pensé, très intelligent. Qui se présente sous des abords « populaires » mais est le résultat d’une pensée extrêmement élaborée qui pose les questions et ouvre les esprits.

En somme, un livre très intéressant, qui m'a passionnée pendant ses 2 premiers tiers, m’a saoulée sur la fin. De la haute voltige dans un roman biographique aussi intelligent que son personnage.

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mots-clés : #biographie
par topocl
le Ven 16 Déc 2016 - 18:27
 
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Sujet: Emmanuel Carrère
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Rick Bass

Oil notes

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L'objectif de Rick Bass est ici de nous faire partager ses enthousiasmes. Essentiellement celui de son métier de géologue spécialisé dans la recherche de puits  de pétrole, mais aussi dans son amour émerveillé et naïf pour Élisabeth, qui n'exclut pas une grande passion pour la solitude, et la nature. Rick Bass est quelqu'un qui jouit au jour le jour du quotidien dans sa simplicité.

«Mais je sais où est  le pétrole, et je vais essayer de vous expliquer l'effet que ça fait - vous montrer - parce que c'est à trois dimensions, et même plus que ça. C'est le futur, pas encore percé ; moi je suis le  présent, et je sais


C'est un livre assez foireux. S'il est complètement réjouissant de partager la passion quasi mystique que Rick Bass éprouve pour son métier a priori plutôt rébarbatif pour moi, cette «fringale inquisitrice», il n'en demeure pas moins que de nombreux passages techniques me sont restés étrangers. On croirait par moments à un dîner du mercredi soir chez Brochant.
Et puis, Rick Bass fait le choix d'une écriture type «carnet de notes» avec ce que cela implique de style télégraphique, de langage décontracté, de phrases parfois allusives et, ponctuellement, de notations tout à fait obscures (je me suis interrogée sur le rôle respectif de l'auteur et du traducteur dans mes incompréhensions). Tout cela fait qu'on s'y perd un peu.

Cependant il y a des passages sublimes sur la jouissance extrême de l'instant : être heureux pour un rien,  s'éclater à travers du travail bien fait, se réjouir pleinement d’être seul ce qui n'exclue pas de se réjouir pleinement d'être deux. Et des petits moments de plénitude en contact avec la nature ou des animaux. Un bonheur simple qui s'exalte par la conscience de la fragilité du monde. Il a 28 ans, conscient qu’il a beaucoup à apprendre, qu’il peut se tromper, mais il sait qu’il est là, et il convient d'en profiter. Tout cela contraste quand même avec un petit paragraphe, très court certes, d’éloge aux Etats-Unis, qui est décidément le meilleur pays au monde, et un questionnement écologique par rapport au pétrole et aux énergies un peu inabouti. Au total, je crois que je n’ai pu apprécier ce livre que parce qu'il était de Rick Bass, que s'il avait été d'un auteur inconnu, j'aurais été submergée par l'aspect «pétrole». Et cela aurait été dommage, j'aurais loupé de jolis moments.

C’est pareil pour la solitude. Vous pouvez vous sentir prisonnier, et un beau jour tourner le coin et vous vous retrouvez président de vous-même. Vous vous  faites un sandwich. Un oiseau appelle. Il n'y a rien au monde comme de se sentir fort. Si vous pouvez supporter suffisamment longtemps d’être faible, ça suffit pour vous rendre fort.


(commentaire rapatrié)


mots-clés : #biographie
par topocl
le Ven 16 Déc 2016 - 11:03
 
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Sujet: Rick Bass
Réponses: 66
Vues: 6052

Efim Etkind

La traductrice



Un petit livre (20 pages de texte) aussi bref et efficace qu'une claque.

Efim Etkind raconte l'histoire de Tatiana Gnédich, une femme russe passionéne de littérature anglaise du XVIIème iècle, qui fut arrêtée pour "trahison à la patrie". Elle  ne survécut à son emprisonnement qu'en traduisant, pendant deux ans et de mémoire  les 17 000 vers du Don Juan de Byron, tâche pour laquelle elle reçut une certaine protection de son commissaire-interrogateur. Puis elle fut déportée huit ans, conservant sur elle,  paufinant, enrichissant peu à peu sa traduction, sublime parmi toutes.

C'est sec et froid, des faits précis, dans un style classique et sans fioritures. Efim Etkind juge même inutile de nous décrire les atrocités du goulag - il considère celà comme acquis. Il veut simplement nous faire connaître ce destin exceptionnel, cette femme portée par sa misson, qui sans doute l'a sauvée.
C'en est presque un peu frustrant,cette brièveté et cette distance, mais c'est son choix. Malgré cela, cette   relation d'une forme de résistance individuelle laisse une trace.


(commentaire récupéré)


mots-clés : #biographie #creationartistique #deuxiemeguerre
par topocl
le Mer 14 Déc 2016 - 11:52
 
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Sujet: Efim Etkind
Réponses: 2
Vues: 911

Martin Winckler

Légendes

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De zéro à dix huit ans, égrainant près de 300 courts textes au fil d'un « feuilleton » qui parut d'abord pendant autant de jours sur le site de P.O.L., Winckler se raconte, au gré de ses « légendes ». Sa légende familiale, histoire emblématique d'une famille séfarade chassée par l'indépendance de l'Algérie, passant par la case Israël, s'établissant en France sous l'égide d'une figure paternelle charismatique, avec ses vides, pudeurs ou secrets élucidés ou non, ses traces (récit, journaux, lettres, photos). Ses légendes personnelles, vous savez ces petites histoires qu’on vous raconte encore 20 ans après, qui constituent la vraie Histoire d'une famille, qui en constituent le lien, et ces souvenirs intimes, ces faits minimes et durables, qui sont pour vous cruciaux alors même qu’autour de vous chacun les a oubliés (un fauteuil qui l’a accompagné, une chute d’un mur, sa phobie du téléphone). Ses légendes culturelles : ses histoires fondatrices pour lui (livre, BDs, films, fictions de toutes sortes) qui l’ ont aidé à se construire.

Winckler produit un récit qui est mi-chronologique, mi-aléatoire, fonctionnant alors par références et associations d'idées tout comme notre mémoire, enrichissant la trame du temps de reviviscences, de doutes et de réécritures pour mieux se livrer corps et âme à notre regard

Winckler est un boulimique d’images et de mots. Il nous parle de l’enfance qui malgré des parents plutôt bienveillants souffre de solitude et explique comment, grâce à son imaginaire, et grâce a quelques hommes et femmes auxquels il rend hommage, il a pu franchir ce cap, passer d'une enfance timide à une adolescence dégingandée et maladroite, pour devenir un homme qui aime et qui parle, un homme dont les tuteurs sont la fidélité et le romantisme.
Au-delà de nombreux points communs que je me découvre tout au fil de ce récit avec son auteur, devant cette grande honnêteté chaleureuse, je me souviens, je me sens bien..

   J'ai un autre souvenir du Massif central, un souvenir délicieux dont je ne suis pas sûr qu'il s'agit d'un souvenir ni que ça se passe vraiment dans le Massif central. (Oui, je sais, pour vous, c'est plutôt agaçant de lire que je suis sans arrêt dans l’incertitude, mais c'est comme ça l'enfance, quand on l’évoque avec ceux qui l’ont vécue avec vous, on s’épuise à confronter les versions et on jure mordicus que la nôtre est la bonne et que les autres se fourrent le doigt dans l’œil, mais quand on en parle à des étrangers, on n'est jamais tout à fait sûr que ce qu'on raconte est vrai - et ça, pour moi, c'est vraiment reposant.)



   Je suis multiple et je suis un. Je porte en moi les trois garçons des Disparus de Saint-Agil : je suis celui qui pose les questions et mène l'enquête ; je suis celui qui s'en va, baluchon à l'épaule, prendre le bateau pour l'Amérique ; je suis celui qui écrit seul, la nuit, dans la salle de sciences, et qui, lorsqu'il est enlevé, distrait ses geôliers en leur lisant le roman dont ils feront désormais partie.




(commentaire rapatrié)


mots-clés : #biographie
par topocl
le Sam 10 Déc 2016 - 16:46
 
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Sujet: Martin Winckler
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Cécilia Dutter

Cécilia Dutter
(Née en 1968)

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Cécilia Dutter, née le 3 octobre 1968 à Paris où elle vit actuellement, est un écrivain et critique littéraire français.

Après avoir effectué sa scolarité à l'Ecole Alsacienne de la huitième jusqu’au bac, elle obtient une Maîtrise de droit privé général à Paris II-Assas puis un DEA de droit de la propriété littéraire, artistique et industrielle.
Elle réussit ensuite le concours d’Ingénieur d’Études du CNRS où elle travaille comme conseiller juridique chargé des contrats liés à la valorisation des brevets. Puis, la Bibliothèque nationale de France fait appel à elle pour s’occuper des questions relatives aux droits d’auteur, notamment celles posées par l’important programme de numérisation des œuvres littéraires.

À partir de 2005, elle cesse son activité salariée pour se consacrer à l'écriture. À ce jour, une quinzaine d'ouvrages (romans, recueil de nouvelles et essais) ont été publiés. Lame de Fond, roman publié par les Éditions Albin Michel, reçoit le Prix Littéraire Oulmont de la Fondation de France 2012.
Elle est membre de trois Prix Littéraires : Prix Simone Veil, Prix Charles Oulmont de la Fondation de France, Prix des Romancières.
En février 2013, l'hebdomadaire La Vie lui confie, ainsi qu'à quatre autres auteurs, la rédaction régulière du billet de sa page "Post Scriptum" durant dix-huit mois.

Cécila Dutter est également critique littéraire. Après avoir collaboré à La Revue Littéraire (Éditions Léo Scheer) et au Magazine des Livres, elle chronique actuellement pour le journal Service Littéraire et le site Le Salon Littéraire.

Elle est Présidente de l'Association des Amis d'Etty Hillesum.


Bibliographie :


Romans
- Une présence incertaine, Éditions Thélès, 2005
- La Dame de ses pensées, Éditions Ramsay, 2008
- Lame de fond, Éditions Albin Michel,2012
- Savannah Dream, Éditions Albin Michel, 2013
- Zeina, bacha posh, Éditions Le Rocher, 2015.
- Chère Alice, Éditions Milady, 2016

Recueils de nouvelles
- Des échappées belles, Éditions Le Cercle, 2006
- Un baiser, Swarovski, 2007

Essais
- Etty Hillesum, une voix dans la nuit, biographie, Éditions Robert Laffont, 2010
- Participation à l'ouvrage collectif Camille Laurens, Éditions Léo Scheer, 2011
- Vivre libre avec Etty Hillesum, Editions Tallandier, 2011
- Et que le désir soit, coécrit avec Joël Schmidt, Éditions Desclée de Brouwer, 2011
- Direction de l'ouvrage collectif Un Cœur Universel, Regards croisés sur Etty Hillesum, Éditions Salvator, 2013
- Participation à l'ouvrage collectif Livres Secrets, l'Atelier imaginaire, Éditions Le Castor Astral
- Conseils de séduction à l'usage des hommes de mauvaise volonté, ouvrage humoristique, Éditions du Rocher, 2015
- Flannery O'Connor, Dieu et les gallinacés, Editions du Cerf, 2016
- A toi, ma fille, Lettres, Editions du Cerf, 2017

source : Wikipédia




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Cécilia Dutter – Flannery O'Connor. Dieu et les gallinacés

Originale : Français, 2016

Une biographie lirréraire

REMARQUES :
C'est lors d'une émission à la radio que je suis tombé sur un entretien avec l'auteur dece livre. Et ce qu'elle en disait me parlait comme étant assez juste et proche de mes ressentis sur l'oeuvre et les motivations d'O'Connor. Donc : on achète !

Malheureusement l'entrée se présente autrement : l'auteur s'explique (trop) longuement aux lecteurs  ses motivations, ses incitations etc. Mais à part de ce que je pourrais critiquer (voir en bas), le travail présente pas mal de bonnes présentations de l'oeuvre et de la vie de Flannery. En fait, l'auteur lie toujours la vie de Flannery dans le Sud (Georgie) des Etats-Unis, sa maladie, sa foi catholique surtout, AVEC l'oeuvre littéraire. Elle trouve des parallèles où nous voyons souvent seulement du phantastique ou du grotesque. Elle s'attarde sur beaucoup de ses deux romans et de ses nouvelles, sa correspondance pour en dire quelque hose, parfois les iterpèter et pour expliquer comment vie et œuvre se fructifient mutuellement.

Je pourrais relever ce qui m'a frappé (spécialement) dans cette lecture :
- issue des deux cotés de familles irlandaises et catholiques, la foi et les rites, même un peu à l'ancienne, animent depuis toujours Flannery. Elle mettra jamais en question cela. Fille unique (elle connaitra une certaine solitude), elle visitera des écoles catholiques, mais déjà ayant très tôt cette vue perspicace, ce regard ironique sur la bigoterie et toutes formes de phariséisme.

- ce regard sans complaisance s'exprime aussi par ses dons de caricaturiste qu'elle vivait fortement jusqu'à publier des croquis dans des journaux estudiantines. Caricature voudrait dire aussi qu'elle arrive à rire des autres et, surtout, aussi de soi-même. Elle met en lumière les faiblesses, les « handicaps » des uns et des autres – mais en ayant conscience qu'elle-même, elle en fait partie. Le grotesque est omniprésent dans ses romans et nouvelles. Et comme ses anti-héros de roman, elle aura besoin de salut, de « redemption ». Ce même goût pour le grotesque, pour des gens « fous » font qu'elle sera souvent mal-comprise, aussi bien considérée au début comme « pas publiable », mais aussi critiquée par des âmes bien-pensantes d'écrire des choses peu édifiantes.

- besoin de salut… : la foi est omniprésente dans l'oeuvre de Flannery. Et c'est mal comprendre son réalisme et son sens du grotesque que de conclure qu'elle nourrit une critique fondamentale envers l'essence de la foi (catholique en ce qui la concerne) dans ce Sud ultraréligieux. Elle dépeint les travers de la hypocrisie et de la vanité humaine etc pour mieux mettre à jour vers où « devrait » tendre une attitude de foi. Pour elle, il y a « irréalisme d'une religion sans Dieu, absurdité d'un monde sans transcendance».

- sa maladie montre les premiers signes dès 1949 : le Lupus, hérité de son père qui en était mort en 1941. Un certain immobilisme, la néccessité du repos la forcent vers une solitude qu'elle a du mal à accepter d'abord. Puis, elle en fera un allié : c'est ainsi que des choses puissent mûrir en nous. Ecrire prend du temps : elle essaie de se mettre à table chaque jour, mais des périodes durant il se passe rien. C'est laborieux parfois.

- son œuvre devrait – selon Flannery – répondre à deux exigences : le sens du mystère et celui des manières. Cela veut dire : un ancrage dans une autre réalité, mais au même moment un hyperréalisme, un enracinement dans le Sud profond avec ses gens un peu spéciaux, les Noirs, les petits propietaires blancs, racistes, des légions de faux prophètes, l'obscurantisme ambiant, l'hypocrisie, des préjugés…

Voilà ce qui m'a spécialement marqué. Je n'arrive pas à dire si ce livre exige de connaître déjà (une bonne partie de l'oeuvre de Flannery et de trouver quelques clés de lectures ici, ou si il est possible de prendre ce livre comme entrée en matière ?

Cet essai présente certainement l'avantage d'être d'une longeur encore agréable au lieu de pavés trop élaborés où on se perd dans les détails (c'est ainsi que j'ai ressenti la biographie de Gooch en anglais sur O'Connor). Les relations entre vie et œuvre semblent ici si claires ! Je suis heureux de voir qu'on tait pas la motivation profonde de Flannery dans la foi.

Je n'aime pas que d'une manière trop voyante et criante on met dans le titre « Dieu et les gallinacés » au même niveau. C'est quoi ça ? Il est absolument vrai que les poules, paons et autres gallinacés étaient une passion pour elle. Mais de là à… ?! Aussi est-il néccessaire de s'habituer à une page de couverture avec une caricature, un croquis de Flannery, même si on sait qu'elle a vraiment caricaturer les gens et soi-même.

Dans la préface/introduction et quelques autres passages du texte, Dutter parle un peu (trop) d'elle-même. C'est compréhensible pour justifier son approche personnelle. Aussi cela montre que l'oeuvre d'O'Connor ne laisse pas indifférente, mais interpelle le lecteur.

La fin me semble un peu trop abrupte ? Est-ce que l'auteur ne trouvait pas une forme de conclusion ou est-ce qu'au contraire, elle est à louer pour sa sobrieté ici ?

Intéressant !


mots-clés : #biographie #pathologie #religion
par tom léo
le Sam 10 Déc 2016 - 7:33
 
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Sujet: Cécilia Dutter
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Judith Perrignon

L’intranquille

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Gérard Garouste, peintre coté sur le marché international de l'art, plus ou moins considéré comme « officiel », raconte comment un homme se construit, ce déconstruit, puis se reconstruit perpétuellement, un homme, c'est-à-dire lui-même.
Et tout y est. L'histoire familiale et ses secrets peu a peu découverts, le père autoritaire - plus qu'autoritaire : terrorisant, pour lequel il fallut à Garouste des années avant de comprendre qu'il l’aimait cependant,


un mélange de force physique et de bêtise, un faible s'abritant derrière la colère


la mère transparente à force d'être effacée, les années d'apprentissage tantôt douces et tantôt rudes, les rencontres de passage, anonymes ou célèbres, qui ouvrirent une piste, donnèrent un espoir, tracèrent un chemin.

J'aurais pu sombrer, rester dans l'ignorance, laisser s’user ma vie sans même qu’elle ait commencé, mais je sentais grandir en moi l’urgence et j'avais tellement le sentiment d'être fragile que je n'avais plus rien à perdre.


Ainsi se fait peu à peu le chemin de Garouste, homme aux racines torturées, jamais bien à sa place, et errant entre un art salvateur et une folie dévastatrice, perpétuellement porté par l'un et menacé par l'autre.

Car la personne dont j'avais le plus peur n'était pas mon père, mais moi.


Être dans la lune, c'est une soupape de sécurité quand les choses deviennent insupportables.


Je peins, débarrassé de l'excitation du succès, je ne redoute que le prochain internement.


Je suis fragile 24 heures sur 24.



Un chemin où la émotion est une menace, la peinture un exutoire, la pensée un tuteur, pour un homme élevé dans un antisémitisme mortifère, qui adopte les rituels juifs de son épouse juive, étudie la Torah, en tire une pensée de dignité et de tolérance qui est son soutien quotidien.

Le Talmud dit d'ailleurs qu'il ne faut pas lire la Bible seul, elle se discute, elle s'arrange pour être compliquée et faire douter les hommes.


Qu'on ne me demande pas si je suis encore athée, c’est une question de catholiques qui oblige à se situer par rapport à la foi. Je me fous de l'existence de Dieu, appelons le x et raisonnons sur nous-mêmes. J'ai besoin d'une réflexion sur l'être et la connaissance, j'y vois comme une architecture de la pensée.



Et parlons  de son épouse, Élisabeth, évoquée, suggérée, déesse protectrice du peintre maudit, toujours là, discrète mais solide, ancrage salvateur.

Un livre concis et intelligent, sur un grand artiste qui interpelle, mais n'en est pas moins un homme, un homme qui pense et qui souffre. Un témoignage d’une humble lucidité pour un quêteur de vie que son talent a placé sous les projecteurs, et qui a refusé de se laisser éblouir par eux.

(commentaire rapatrié)


mots-clés : #biographie
par topocl
le Jeu 8 Déc 2016 - 13:41
 
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Ivan Jablonka

Histoire des grands-parents que je n'ai pas eus - Une enquête

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Tout est dans le détail.

Par son travail obsessionnel mais passionnant de fourmi déterminée, Jablonka accumule les faits, donne sens aux détails les plus insignifiants, pour recréer  l'histoire d'une décennie, à travers un homme et une femme qui l'ont traversé valeureusement et en ont été honteusement éliminés. Dans le fin maillage de ce tissu informatif persistent des failles, déchirante pour le petit-fils qu'il est, mais qui créent autant d'ouvertures pour l'historien qu'il est devenu, à écrire des biographies subjectives ancrées dans le réel.

Pendant plusieurs années, Ivan Jablonka, enfant gentiment laissé à l'écart du drame de ses grands-parents communistes polonais juifs émigrés à Paris, abominablement assassinés comme des millions d’autres au camp d’Auschwitz II Birkenau, devenu historien « pour réparer le monde », a compilé les indices, témoignages, récits, archives qui lui permettent ici de reconstituer au mieux l’histoire de Matès et Idesa, ses grands-parents.

Matès est né au shetl de Parczew de parents juifs religieux dans une fratrie de 5 enfants, qui, tous, rejettent le joug d'une religion qui les étouffe et embrassent la cause communiste, dans l'idée de construire un monde meilleur, quitte à perdre leur liberté et leur vie. Lui et son épouse Idesa, emprisonnés, persécutés, fuient la Pologne et arrivent en 1936 à Paris, sans argent, sans amis, sans papiers. L'accueil est basée sur la tracasserie administrative, le rejet et les menaces d'expulsion. Tout ceci n'est qu'un avant-goût qui va trouver son apogée dans l'antisémitisme avoué et glorifié qui mènera dès la victoire allemande vers les rafles et les camps d’ extermination.

Ivan Jablonka ne laisse rien au hasard. Il compulse les récits des survivants et de leurs descendants, les lieux d'archives, les ouvrages historiques ou littéraires pour réunir une documentation qui traque la moindre trace objective ou émotionnelle que ses grands-parents ont pu laisser, et qui permettrait d'écrire leur histoire, de connaître leur vie. Il confronte cette multiplicité de pistes, de traces, à celles laissées par d'innombrables autres juifs polonais qu'ils ont croisés le temps d'une minute ou de plusieurs mois, à celles de frères et sœurs exilés à Bakou ou en Argentine, à celles d'autres, connus ou anonymes, qui pour une raison ou une autre, eurent un destin similaire.

Il réunit une impressionnante somme de documentation qu’il nous restitue avec une précision quasi obsessionnelle et dont le maillage serré laisse subsister bien sûr des zones d'ombre et d'interrogations. Dans ces trous du récit, Jablonka insinue des hypothèses, mais toujours étayées sur des faits, non pas des délires fictionnels mais des options possibles qu’il prend soin de toujours signaler - on sait toujours parfaitement si on est dans un élément irréfutable ou des péripéties possibles, voire probables. Et ce maillage même, n’est que l'image de celui, machiavéliquement constitué par l'autorité policière ou politique pour mieux traquer et condamner les deux émigrés. L'auteur, par cette accumulation de détails, par son attachement à la moindre précision véridique, qu’un non historien aurait considérée comme non signifiante, reste le plus souvent dans une objectivité non compassionnelle, mais d'autant plus efficace, et c'est sur ce fond quasi professionnel que certaines pages, jamais pathétiques, prennent une ampleur d'une beauté bouleversante, une émotion d'autant plus marquante qu’elle est totalement maîtrisée..

Après Les disparus de Mendelssohn  et Une histoire familiale de la peur d’Agata Tuszynska, voici un nouveau récit familial où l'histoire de la recherche,  le caractère tout à fait fascinant des personnages (ces grands-parents qui, ayant voulu créer un monde meilleur, finirent leur vie dans un enfer que nul n'aurait su imaginer), la tragédie aussi intime qu'universelle qu'ils connaissent, s'entrecroisent pour amener Ivan Jablonka, homme courageux quoique découragé, à construire un récit de bout en bout passionnant, offert à ses 2 filles qu’il conduit à l'école maternelle dans le quartier-même où Matès et Idesa se cachèrent plusieurs mois avec leurs 2 enfants. Au-delà de leurs destins individuels, il brosse un portrait tragique du XXe siècle et du sort que celui-ci réserva à des hommes et des femmes à qui l'idéologie arracha leurs amours, leurs enfants et leur vie.

Histoire intime, histoire collective s'entremêlent étroitement, et la quête du détail, le souci d'objectivité rigoureuse ne sont que le terreau qui fertilise ce travail de mémoire dont émerge une émotion d'autant plus forte qu’elle est maîtrisée.



(commentaire rapatrié)


mots-clés : #biographie #communautejuive #deuxiemeguerre #documentaire #famille
par topocl
le Mar 6 Déc 2016 - 16:51
 
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Sujet: Ivan Jablonka
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Anne Pons

James Cook, le compas et la fleur

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"Réalisées entre 1768 et 1779, les trois circumnavigations du Capitaine Cook, le plus illustre navigateur et cartographe qu’ait produit l’Angleterre, marquent le début des grandes explorations scientifiques du siècle des Lumières. Déterminé à se rendre là où non seulement « aucun homme n’était encore allé mais aussi loin qu’il était possible d’aller », accompagné de nombreux savants et artistes il rapporta de ses voyages une masse d’informations sur les mœurs et les coutumes des populations indigènes les plus méconnues du globe, en particulier celles d’océanie. Il mit un point final au mythe de la Terra australis et releva de nombreuses cartes des terres qu’il découvrit ou localisa, dont la Nouvelle-Zélande, la côte orientale de l’Australie, la Nouvelle-Calédonie, l’archipel des îles Tonga, les Nouvelles-Hébrides et les îles Sandwich. Fidèle aux instructions du roi George III, l’homme que Louis XVI citera en exemple à Lapérouse avant son tour du monde tenta d’entretenir les meilleures relations avec les naturels jusqu’à ce que son épuisement et une santé vacillante aboutissent à sa mort violente sur une plage de Hawaï."...

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Mes impressions :

Sur le James Cook d'Anne Pons dont j'ai terminé le premier voyage (eh oui je n'ai pas pu résister)
Cook avait été envoyé en mission avec un seul bateau par le Roi d'Angleterre George III pour étudier la distance terre soleil en profitant d'un rare passage de Vénus entre la Terre et le Soleil et le meilleur endroit pour faire ces relevés c'est Tahiti.
C'est un succès et pour fêter sa réussite il invite des chefs indiens, ils burent à la santé de
"Kihiargo" (George III), le chef "Tupaia prit une cuite phénoménale pour manifester sa loyauté"

Ils restèrent trois mois et reprirent la mer, la fin du voyage fut une catastrophe : scorbut, dysenterie, fièvres,en passant par Batavia l'insalubre, résultat plus de quarante morts...

Noté en passant ces considérations allant de Rousseau (le bon sauvage) à Chateaubriand (c'est de circonstance pour Cook, hein Bix.?Wink ) :
à propos de Rousseau :
"Paradis et palmiers, hommes à l'état de nature ou au stade de la barbarie, amour libre et terre bon marché: les rêves et les illusions des européens se transformèrent souvent en d'amères experiences pour eux comme pour les insulaires."

et pour Chateaubriand :
" Otaïti a perdu ses danses, ses choeurs, ses moeurs voluptueuses. Les belles habitantes de la nouvelle cythère, trop vantées peut être par Bougainville, sont aujourd'hui, sous leurs arbres à pain et leurs élégants palmiers, des puritaines qui vont au prêche, lisent l'Ecriture avec des visionnaires méthodistes, controversent du matin au soir, et expient dans un grand ennui la trop grande gaieté de leurs mères..."

mots-clés : #biographie #voyage
par Chamaco
le Mar 6 Déc 2016 - 16:18
 
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Sujet: Anne Pons
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Javier Cercas

A la vitesse de la lumière

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A Urbana, dans le Middlewest, le narrateur, jeune écrivain espagnol qui n'est jamais qu'un double de Cercas, s’est lié avec Robney, un vétéran de la guerre du Vietnam  hanté par son passé (je fais court, c’est beaucoup plus compliqué et subtil que ça). Pendant des années, le jeune écrivain va souhaiter écrire cette histoire, la différant perpétuellement. Il lui manque quelque chose. Puis peu à peu les pièces du puzzle se combinent. L’écrivain  un temps aveuglé par le succès de son dernier livre (Les Soldats de Salamine à l’évidence) découvre peu à peu les pièces manquantes du puzzle, pour qu’enfin il arrive à mener à bien cette histoire de souffrance et de culpabilité. La propre culpabilité de l’auteur en est un élément primordial, qui lui fera effleurer une meilleure compréhension de son ami.

C’est donc la même histoire, transposée, que Les soldats de Salamine. Le parallèle entre les 2 est impressionnant, des coups de téléphone répétés pour retrouver la piste des témoignages manquants jusqu’aux trains  en partance qui interrompent les confidences. On croit, longtemps, lire le même livre.

Mais ici Cercas va beaucoup plus loin, car le narrateur et son « héros » sont des contemporains, des amis, des doubles. L'écrivain aussi est pris dans la culpabilité.


Trouver des coupables, c’est très facile ; ce qui est difficile, c’est d’accepter qu’il n y en ait pas.


Et cela donne une dimension émotionnelle qui manquait aux Soldats de Salamine avec de très belles scènes d'intimité. Les diverses rencontres entre les personnages, tous souffrants à leur manière, sont d'une tendresse mélancolique et souvent désespérée. Cercas joue avec un grand talent sur les silences, les regards, les gestes, les non-dits. A la vitesse de la lumière, qui parle de guerre et d’abominations, de la violence et de l’abjection de l'homme, réalise le tour de force d’être aussi un roman d’une grande tendresse. L’amitié y a une expression forte et pudique. La vie est bien différente de ce que la jeunesse en attendait,  mais, quoique complexe et impitoyable, elle n’interdit pas une certaine réconciliation, avec le monde, avec soi-même.

L'écrivain est le seul qui puisse sauver la mémoire de Robney, il le sait, écartelé entre son amitié et l'horreur des actes que son ami a commis. Il sait que cette écriture sera pour lui une délivrance qui lui permettra, peut-être, un départ vers le meilleur. Pardonner à Robney, c’est se pardonner à soi-même. Et tous, Robney, son père, sa femme comptent sur lui pour défendre la mémoire du soldat, même s’ils savent que :

je mentirai sur tout, mais uniquement pour mieux dire la vérité.



On ne peut qu’être fasciné de  voir s’entremêler le roman et de l’autobiographie, non par une espèce de curiosité morbide, mais parce que c'est le sens-même de l'écriture que Cercas interroge ici : l'écriture donne sens à la vie et la vie donne sens à l'écriture. Qu’est ce que la vérité, qu’est ce que la fiction, qu’est ce que l’art si ce n’est un moyen de survie ?

Ce roman, qui ressemble d’abord à un remake de Les soldats de Salamine, ouvre peu à peu d'autres pistes, il est encore plus achevé, il fouille au plus près l’intimité de l'homme et de l'écrivain, ses interrogations, ses errances et sa possible rédemption.

(commentaire rapatrié)


mots-clés : #biographie #psychologique
par topocl
le Mar 6 Déc 2016 - 13:04
 
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Sujet: Javier Cercas
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Javier Cercas

Les soldats de Salamine

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Au début, on croit qu’on va lire une biographie romancée de Rafael Sànchez Mazas.  .

( …)comme quelqu'un qui aurait pu faire de grandes choses, mais n'en avait quasiment fait aucune.


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Mais on y découvre aussi le travail de l'écrivain-journaliste (miroir de Javier Cercas) qui s'attache à ses pas, dans un making off en 3 étapes. Le narrateur découvre par hasard une anecdote romanesque rattachée à Sànchez Mazas, grandiose, mais aussi dérisoire puisqu’on on ne saura pas si elle est réelle ou si elle constitue un embellissement personnel de sa propre biographie par Sànchez Mazas. Il s'intéresse, se documente puis se passionne pour ce  fondateur de la phalange espagnole, écrivain assez largement oublié, personnage pour le moins ambigu. Il en tire ensuite un livre, interrogeant les archives, rapprochant les témoignages, construisant dans les blancs pour une interprétation cohérente de l’homme, et de la guerre d’Espagne d’une façon plus générale. Finalement insatisfait de sa production, il est encouragé à persévérer et élargir son champ par sa maîtresse bécasse – celle-là même qui l'énervait en s'insurgeant qu’il écrive sur ce « sale fasciste ». Et sa rencontre avec le grand écrivain chilien Roberto Bolaño, son maître en écriture, le fait avancer dans ses interrogations sur l'écrit et le récit, rendre son propos plus universel, y incluant l'autre bord, celui des combattants anonymes, au travers d'un soldat républicain obscur mais au destin extraordinaire. Enrichir son propos en acceptant de rester l’humble serviteur de son texte et non son maître intransigeant.



La biographie de Sànchez Mazas met en lueur les rapports de la phalange et du franquisme, et c'est très éclairant sur les mécanismes contradictoires mais synergiques de ces 2 mouvements, qui aboutirent à la guerre fratricide que l'on sait.

(…) bien loin de regretter d'avoir contribué de son mieux à enflammer la guerre qui lamina une république légitime et d'avoir établi non pas le terrifiant régime de poètes et de condotierres renaissants dont il rêvait, mais un vulgaire gouvernement d'aigrefins, de balourds et de culs-bénits.


Javier Cercas, au-delà de cet homme qui fut l'un des moteurs déterminants de l'entrée en guerre, fait revivre des petits, des sans-grades, dont le nom n'est pas retenu par l'histoire, mais dont l'auteur considère qu'ils furent les vrais héros, les vrais moteurs de l’Histoire et dont il entend transmettre et l'histoire, et le nom, afin qu'ils ne se perdent pas.

À côté de cette réflexion historique, ce livre est une réelle interrogation sur l'écriture, et le rapport à la fiction. L'auteur narrateur veut écrire un « récit réel », mais comprend vite que son interprétation et son imagination sont un des moteurs de son récit. Exposant ses interrogations personnelles, il lui donne sa vraie dimension. Dans le roman Les soldats de Salamine de Javier Cercas, comme dans celui que son héros écrit, on ne sait jamais ce qui est vrai, ce qui est transformé par le souvenir, ce qui est magnifié par le récit, ce qui est inventé par les protagonistes ou l'auteur. C'est une interrogation éclairée sur la vérité, sur le sens de l'écrit et de la mémoire.

J'espère que ce ne sera pas un roman.
-Non, dis-je très confiant. C'est un récit réel.
-Et c'est quoi ça ?
Je le lui expliquais et je crois qu’elle  comprit.
-Ce sera comme un roman, résumai-je. Sauf qu'au lieu que tout soit faux tout sera vrai.



L’Histoire a un sens et le rôle de la littérature est de nous le restituer à travers les hommes qui la construisent, grands ou petits. Javier Cercas nous le raconte avec une  intelligence malicieuse.

(commentaire rapatrié)


mots-clés : #biographie #devoirdememoire #guerredespagne
par topocl
le Mar 6 Déc 2016 - 13:03
 
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Sujet: Javier Cercas
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Emmanuelle Bernheim

Tout s’est bien passé

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À 88 ans, cloué par un AVC dans un fauteuil roulant, le père  d 'Emmanuelle Bernheim, ce père cabotin et autocentré, ce père tant aimé, cet « homme extrêmement volontaire auquel il n'est pas facile de refuser quoi que ce soit » a demandé à ses filles de « l'aider à partir ».

Sujet casse-gueule s’il en est.
Emmanuelle Bernheim choisit de nous offrir un récit des plus factuels des quelques mois où le projet s’est monté, par petites phrases, petits paragraphes, petites observations et petits faits. Loin d’elle l'idée d'y mettre la moindre émotion déplacée, la moindre opinion, la moindre leçon. Elle témoigne. Comment ça s'est passé, sans dramatiser, sans minimiser. Et ce « tout s'est bien passé » qui ouvre et clôt le livre parle d'un devoir accompli et, derrière l’écartèlement de ces semaines douloureuses, la détermination puis la sérénité d’avoir mené à bien ce qui devait l’être.

J'ai donc suivi ce récit à la fois posé et haletant  comme un thriller dont on connaîtrait la fin, gardant tout au fil des pages l’émotion à la distance juste, souhaitée par Emmanuelle Bernheim. Et c’est à la dernière page, que j’ai eu la surprise de sentir ma gorge se serrer de la tension accumulée, de la dignité aimante de ces deux filles.

Dérangeant.


(commentaire rapatrié)


mots-clés : #autobiographie #biographie #mort
par topocl
le Lun 5 Déc 2016 - 20:27
 
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Sujet: Emmanuelle Bernheim
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Lola Lafon

La petite communiste qui ne souriait jamais

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Tout d’abord c’est le titre qui interpelle  parce qu’ elle savait sourire Nadia,  mais c’était une façon  pour les USA, notamment, de caricaturer la petit Roumaine, car d’après eux là-bas dans l’Est les petites filles devaient être tristes.

L’auteure a choisi une composition très vivante en organisant ce récit sous forme de dialogue entre elle et la supposée Nadia. C’est très habile et elle fait ainsi passer ses sentiments vis-à-vis de ce pays où elle a passé une partie de son enfance et peut  en connaissance critiquer l’attitude des pays de l’ouest où elle vit aussi. Personnellement je trouve les oppositions Est/Ouest éclairent la situation.

Il me semble qu'il  faut oublier notre regard d'occidental de l'ouest sur la Roumanie, nos à priori pour comprendre le personnage de Nadia et l'époque.

Lola Lafon use de mots très durs dans les dialogues  : pornographie, rideaux d’une chambre close, vous avez contribué à la fabrication de votre image, vos supposées démocraties libérales etc……….. pour provoquer le personnage de Nadia.

La gymnastique est bien le choix de l'enfant, c'est elle qui s'impose des défis, elle obtient ce qu'elle souhaite et ses exécutions sont l'objet de descriptions intenses que se soient la légèreté du corps ou les meurtrissures, par l'auteur.

Tous ceux qui s’engagent dans une carrière « physique » doivent  respecter un rythme de vie sain (entrainement, alimentation, sorties), la réussite demande des sacrifices et ils sont acceptés, voire devancés. C’est ce que l’auteure nous dit à travers la parole de Nadia.

Béla l’entraineur de Nadia et  de l’équipe a été honoré ou critiqué, tour à tour par le « Camarade » suscitant les interventions dans son foyer de la sécuritat. (ceci me parait très réaliste) Cette sécuritat dont tous se méfiaient  ou se servaient.

Le chapitre concernant Véra Caslovska  et son implication dans la politique de son pays s’oppose à l’ attitude inconstante et incertaine de Nadia, l’auteure nous dit son admiration pour celle qui agit.

Sur le plan politique le Conducator est  représenté comme le dictateur qu’il est,  avec « ses arrangements au marxisme » mais   ce qui m’a le plus  heurtée,  sa main mise sur le corps des femmes : l’interdiction de l’avortement et les  auscultations (j’emploierai moi :  la violation), par le médecin de la police des menstruations !

C’est par des anecdotes que l’auteure nous fait mesurer  la dangerosité,  « la folie » ? du couple suprême et l’imprévisible rapidité de l' exécution des Ceausescu. Quant à la révolution : qui l’a déclenchée, qui l’a faite ?  ou  coup d’état préparé ? comme à l’époque en direct à la télévision, c’est la confusion. Toutefois l’auteure fait mention des ouvriers de Timisoara qui eux manifestaient.

Quant à la fuite de Nadia, là aussi chacun a sa vérité, mais  quels que soient ses choix reste pour toujours « la petite fée » Roumaine qui a enchanté le monde  avec son pied menu lancé vers la lune.

Une excellente lecture qui m’oblige à lire un autre livre de cette auteure .

(de toute façon Topocl dit que c'est ma punition )  

oui Shanidar j'en ai encore appris comme la nouvelle catégorie de personnes "sans antécédent" à surveiller !


mots-clés : #biographie #creationartistique #regimeautoritaire
par Bédoulène
le Lun 5 Déc 2016 - 9:57
 
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Sujet: Lola Lafon
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Héctor Abad Faciolince

L'oubli que nous serons

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Mon grand-père disait parfois à mon propos : « Cet enfant, il faut l’élever à la dure. » Mais mon père répondait : « La vie est là pour ça, qui cogne durement sur tous ; pour souffrir, la vie est plus que suffisante, et je ne l’aiderai pas. »


Poignant hommage à son père, homme extra ordinaire, à travers lequel Hector Abad  nous raconte qui il est, et nous fait pénétrer dans les arcanes de l'histoire colombienne contemporaine. Hector Abad raconte avec une nostalgie joyeuse puis douloureuse les années heureuses suivies des années tragiques.

Père d’exception, aimant, offrant et soutenant sans attendre en retour, pivot d’une  vie familiale radieuse…

J'aimais mon père d'un amour que je n'ai jamais éprouvé jusqu'à la naissance de mes enfants. Quand je les ai eus, je l'ai reconnu, parce que c'est un amour égal en intensité, bien que différent, et, dans un certain sens, opposé. Je sentais qu'il ne pouvait rien m’arriver si j'étais avec mon père. Je sens qu’il ne peut rien arriver à mes enfants s’ils sont avec moi.
(…) J'aimais mon père d’un amour animal. J'aimais son odeur, et aussi le souvenir de son odeur, sur le lit, lorsqu'il partait en voyage et que je demandais aux bonnes et à ma mère de ne pas changer les draps ni la taie d’ oreiller.



…médecin généreux investi dans un travail de prévention sociale en dépit des obstacles, s’impliquant jusqu’à la mort  dans la lutte pour les droits de l’homme dans un pays où la seule puissance est celle de l’argent et du feu

Les villes et les campagnes se couvraient du sang de la pire des maladies affectant l'homme : la violence. Et comme les médecins d’autrefois, qui contractaient la peste bubonique ou le choléra, dans leur effort désespéré pour les combattre, ainsi tomba Hector Abad Gomez, victime de la pire épidémie, de la peste la plus mortelle qui puisse affecter une nation : le conflit armé entre différents groupes politiques, la délinquance tous azimuts, les explosions terroristes, les règlements de comptes entre mafieux et trafiquants de drogue.


A travers cet homme unique, Hector Abad retrouve les jours heureux de son enfance avec une douceur, une joie de vivre que les tragédies n’ont pas su entamer

La chronologie de l'enfance n'est pas faite de cette lignes mais de soubresauts. La mémoire est un miroir opaque et brisé, ou, pour mieux dire, elle est faite d'intemporels coquillages de souvenirs éparpillés sur une plage de vie. Je sais que maintes choses se sont produites pendant ces années-là, mais tenter de s'en souvenir est aussi désespérant que d'essayer de se rappeler un rêve, un rêve qui nous a laissé une impression, mais aucune image, une histoire sans histoire, vide, de celles dont il ne reste qu'un vague état d’âme. Les images sont perdues. Effacées les années, les paroles, les caresses, évanouis les jeux, et pourtant, soudain, en revoyant le passé, quelque chose s'éclaire à nouveau dans l'obscur région de l'oubli.


Il lance le défi de porter à la face du monde la mort de son père, de le sauver de l’oubli, ainsi que tous ceux qui partagèrent sa lutte et son destin


Un coup de chapeau pour ce récit pathétique sans pathos, qui nous emmène au bout du monde et  des hommes, portait magnifique d’un homme magnifique, défi à la cruauté et à l’oubli



Je compris que la seule vengeance, le seul  souvenir, et aussi la seule possibilité d'oubli et de pardon, c'était de raconter ce qui s'était passé, et rien d'autre.
(...)
J’use  de sa même arme : les mots. Pourquoi ? Pour rien ; pour ce qui est le plus simple et le plus essentiel : pour que ça se sache. Pour allonger son souvenir un peu plus avant que ne vienne l'oubli définitif.




(commentaire rapatrié)


mots-clés : #biographie #famille #regimeautoritaire
par topocl
le Lun 5 Déc 2016 - 9:41
 
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Sujet: Héctor Abad Faciolince
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Emmanuel Carrère

Limonov

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Qu'est-ce qui a pu pousser Emmanuel Carrère à écrire un livre sur Limonov, ce russe dont personne n'avait entendu parler il y a encore 3 mois et qui fait la couverture de tous nos magazines depuis la rentrée littéraire ? Et que tout le monde s'accorde à trouver entre « pas très sympathique » et « franchement antipathique » ? Même si leurs existences se sont croisées à plusieurs reprises de façon assez ponctuelle, cela peut surprendre.

Eh bien d'abord Emmanuel Carrère et Limonov ont trois points communs : ils ont adoré Les trois mousquetaires quand ils étaient petits (ce qui ne constitue pas un point particulièrement distinctif) et ils ont deux autres passions la Russie/URSS et l'écriture.
À part ça ce sont deux hommes totalement différents, et c’est sans doute plus cette différence qui a fasciné Emmanuel Carrère écrivain plutôt doux que torture un perpétuel questionnement,

Je vis dans un pays tranquille et déclinant, où la mobilité sociale est réduite. Né dans une famille bourgeoise du 16e arrondissement, je suis devenue un bobo du 10e (…). Je ne pense pas que ce soit mal, ni que cela préjuge de la richesse d'une expérience humaine, mais enfin du point de vue tant géographique que socioculturel on ne peut pas dire que la vie m'a entraîné très loin de mes bases,  et ce constat vaut pour la plupart de mes amis.


S’opposant à  Limonov, un « rentre dedans » qui, justement ne se pose pas trop de questions, pour qui la vie « c'est vaincre ou mourir » , et pour cela , il est « prêt à tuer » Un homme qui relève tous les défis, tous les départs, qui ne tient pas en place, touche à tout avec pour seul but de s'en sortir. C'est un remuant, il a besoin que ça bouge pour se sentir exister. Il n'est pas étouffé par les scrupules, c'est le moins qu'on puisse dire.

C'est justement cet homme-là qui a interrogé Emmanuel Carrère, comme dans D'autres que la mienne, où il raconte des itinéraires totalement différents du sien, mais dont il a trouvé qu'il lui apprenaient quelque chose.

Quelque chose, oui, mais quoi ? Je commence ce livre pour l'apprendre .


La première moitié du livre décrit les efforts persévérants de Limonov pour sortir de la lie de ses origines : fils obscur d’un soldat assez compromis dans une non-moins obscure ville moyenne du fin fond de l'Union Soviétique. Il est prêt à tout pour sortir de cette médiocrité, il touche à tout : petite délinquance, petits trafics, petit couteau à cran d'arrêt, petite affaires sordides… Mais  ce sur quoi il compte pour vraiment se distinguer c’est la poésie (que les jeunes soviétiques pratiquent avec autant d’art que la vodka), et où il s'avère vite être le meilleur. Cela ne l'empêche pas de connaître les pires débines, Limonov est décidément un aventurier, et le  récit des diverses galères qui vont le mener jusqu'aux États-Unis nous tient en haleine. C'est un héros des temps modernes, de la catégorie des loosers.

J'ai l'impression d'avoir déjà écrit cette scène. Dans une fiction, il faut choisir : le héros peut toucher le fond une fois, c'est même recommandé, la seconde est de trop, la répétition guette. Dans la réalité, je pense qu'il l’a touché plusieurs fois. Plusieurs fois il s'est retrouvé à terre, vraiment désespéré, vraiment privé de recours et, c’est un trait que j'admire chez lui, il s'est toujours relevé, toujours remis en marche, toujours réconforté avec l'idée que quand on a choisi une vie d'aventurier, être perdu comme ça, totalement seul, au bout du rouleau, c'est simplement le prix à payer.


Dans la 2e moitié du livre,  il commence à sortir de cette déveine crasse : il commence à être édité, reconnu, fêté. Il n' a pas vraiment trouvé sa place pour autant, ses amours se délitent, il lui en faut toujours plus, il devient vraiment sordide. À la recherche d'émotions fortes, il va  se mêler de façon assez sordide aux guerres des Balkans. En même temps l'Union Soviétique sort du communisme, et il revient dans son pays natal, qu'il chérit comme un Russe sait chérir sa terre. C'est l'occasion pour Emmanuel Carrère d’aborder des notions plus personnelles d'une part, plus historiques et géopolitiques d'autre part, qui sont intéressantes, exprimant une façon de voir plutôt originale et très documentée, mais qui cassent un peu le rythme du récit (Limonov reste un fil rouge même si on le perd un peu de vue par moments). Le désir de l'auteur est ici apparemment de nous faire comprendre à quel point cette situation est tortueuse et compliquée, et c'est réussi au point qu'on perd parfois un peu le fil, quand, comme moi, on n'a pas des connaissances approfondies sur cette partie de l'histoire du monde. C’est d’ailleurs sans doute le but, et de nous faire ainsi mieux comprendre pourquoi dans cette situation absolument inextricable, Limonov (qu’on retrouve enfin au premier plan) ne veut rien moins que fonder un parti nationaliste, fédérer les « paumés de la province russe » courant après leurs repères, et pour finir, pourquoi pas, prendre le pouvoir, quand son heure viendra. Tout cela  en restant punk ou rocker et « sans bonté », gardant pour maîtres mots la provocation, la révolte, et la violence.

Dans un monde d’oligarques et de corruption, où Poutine pointe son nez, il fanatise suffisamment ses troupes pour inquiéter, puisque son parti est interdit , et lui est emprisonné. En prison aussi il réagit, il rebondit, il refuse de se laisser vaincre, se conduit en homme digne, peut-être enfin respectable, et puis, grâce à son aura de grand écrivain, il est libéré. Mais quelque chose s'est cassé, la sauce ne prend plus, il essaie d’y croire encore, mais son tour est passé…. Carrère, qui, évidemment, a fini par l’aimer d’une certaine façon, essaie de lui trouver une fin digne de lui, et les dernières pages du livre sont splendides.

Ce qui est particulièrement troublant  dans la description de Carrère, ce qui justifie sa fascination pour le personnage, c'est l'ambiguïté perpétuelle qu'on trouve chez Limonov, cet homme qui ne peut vivre que s'il domine, s'il est le meilleur, si l'adrénaline crache, qui court d’échec en coups foireux, et rebondit perpétuellement, repart à l'attaque, joue sa vie en permanence. Cette ambiguïté répond à celle de  la situation politique, du jeu des pouvoirs qui fait que, comme dit Carrère, « ce n'est pas si simple que ça », que nous voyons les choses depuis notre petit point de vue d'occidentaux qui n’ont pas vécu l'épouvantable bordel de l'Union soviétique/Russie de ces 50 dernières années, et que cela  devrait nous inciter  à adopter une certaine humilité dans notre capacité à juger une situation que nous croyons connaître, mais n’abordons que de l'extérieur.

Limonov est un livre d’un genre nouveau, au croisement de la biographie romancée et de la réflexion politique et du grand roman d'aventure. On se demande si Emmanuel Carrère n'a pas voulu écrire ici, à sa façon si personnelle, ses propres Trois Mousquetaires : une histoire palpitante, où les  rebondissements ne sont pas toujours crédibles, tournant autour des forces au pouvoir, avec des coups bas et des actes grandioses, où, si les héroïnes féminines se font « baiser » et « enculer »,  elles n'en sont pas moins l'objet d'un amour indéfectible et chevaleresque, où une dynamique  débridée et romanesque l’emporte. Le style de Carrère est absolument magnifique, dense, rythmé, exalté sans doute par la personnalité de Limonov, il se surpasse réellement et on le suit haletant. Il confirme son immense talent à décrire les personnages (célèbres ou inconnus), aller au fond d'eux-mêmes, traquer leurs faiblesse, valoriser leur humanité..

Pour finir, Limonov est, comme le décrit l’un des personnage « un être magnifique, capable d’actes monstrueux. ». Cela justifie bien un livre…Et je rajouterai que Carrère est un auteur magnifique, habile à décrire des personnages, des situations historiques ou intimes avec une lucidité ,une tendresse, des formules percutantes qui nous font vivre en direct chaque moment de ce livre particulièrement brillant.


(commentaire rapatrié)


mots-clés : #aventure #biographie #politique
par topocl
le Sam 3 Déc 2016 - 17:35
 
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Sujet: Emmanuel Carrère
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