Henri Bosco
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Re: Henri Bosco
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“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia
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"Il n'y a pas de mauvais livres. Ce qui est mauvais c'est de les craindre." L'homme de Kiev Malamud
Bédoulène- Messages : 21635
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Re: Henri Bosco
Pierre Lampédouze (lampe douce ?) est un jeune homme de lettres qui vient de Paris et va à Cucuron toucher « un petit héritage » ; il fait escale en Avignon. Il est né en 1890, et son époque imprègne tout le début du texte (voyage en train à vapeur, etc.) ; il regrette déjà celle de l’artisanat, « au temps où les métiers aimaient la vie »… C’est le temps où dada passe au surréalisme, et lui et son ami Sylvère ont élaboré une esthétique qui caractérise le beau par le mouvement.
Pierre rencontre divers personnages, dont le garçon de restaurant Baptistin et l'abbé Pégoulette (Clotilde, son amour, est seulement évoquée) : il s’enthousiasme pour cette antique Provence tranquille, lieu de ses origines où « la terre est pleine de dieux » et rend hommage à la culture classique latine, mais aussi à Rabelais (« Par le ventre ! »).
Apparaît déjà le thème du « Mystère ».« Lampédouze est l'enfant du paradis terrestre. »
Pierre sera transformé par son voyage.« Laissez-le faire ; il sait déjà comment on évoque les Ombres. »
Dans son premier roman, qu’on peut considérer comme une œuvre de jeunesse tant le fond et la forme sont différents de ceux qui suivront, Henri Bosco évoque déjà sa Provence chérie, mais sur un ton plus léger.« On ne traverse pas en galopant la sagesse de la beauté. »
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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram- Messages : 15925
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Re: Henri Bosco
j'ai lu que lampé en provençal c'est éclair lumière donc oui tu peux interpréter ainsi
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Bédoulène- Messages : 21635
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Re: Henri Bosco
On retrouve Pascalet, le narrateur, et Tante Martine (voir L'Enfant et la Rivière). Et aussi Gatzo, « enfant sauvage » dans ce foyer domestique méfiant et sensible du Mas du Gage.
Pascalet surveille l’aire la nuit, et surprend l’histoire de son ami Gatzo (son prénom sonne comme gadjo, "non-tsigane"), enlevé par les Caraques à son grand-père, Savinien, qui lui-même leur avait ravi sa femme. C’est Bargabot le braconnier qui confia à Tante Martine que Pascalet sauva Gatzo prisonnier de l'Île au Renard.
Régentés par la perspicace Tante Martine, les deux enfants sont professés par le vieux Frère Théopiste. Mais « une espèce de renard-fantôme » blanc (mort et en recherche d’une réincarnation), des Caraques voleurs d’âmes, un vieil homme et Bargabot rôdent mystérieusement aux alentours. De plus, une jeune orpheline accueillie par des cousins puis enlevée se trouve « en péril d'âme ».
La fable à propos d'un renard et d'un merle, dont Frère Théopiste ne peut jamais raconter la fin car elle est cruelle, les allusions au « sorcier » de L'Âne Culotte, une lecture de « la Vie de saint Pons livré aux lions et aux tigres », alimentent le fond merveilleux de ce conte.
La clairière dans l’île semble répondre à l’aire du mas :
Toujours le même bonheur d’expression :« De nouveau la clairière était déserte. Entre les murailles des arbres, la lune seule hantait cet espace au sol pur. Il éblouissait. »
Gatzo, auquel les Caraques ont dit qu’il n’avait pas d’âme, affrontera le renard…« Par bonheur, l'été était bien tombé sur la terre, tombé à pic, cette année-là qui fut très chaude. Mais chaleur franche. Le corps s'y fortifiait même en plein soleil. Quand, le torse nu, nous nous allongions dans la paille pour faire la sieste, après le dîner, nos peaux bronzées exhalaient une odeur puissante de sang et d'argile. Les reins étaient chauds. Le cœur se gonflait. Nous tenions à l'être avec force. Tenir à l'être, c'est tenir aussi aux saisons, en quoi consiste la santé. J'en suis sûr. Nous nous portions aussi bien que la terre. »
« Mais ces deux mondes, le vrai autant que le fictif, nous étaient chers. Ils enveloppaient nos jours, qui se déroulaient (quand l'inquiétude obscure faisait trêve) entre la terre où tout est vrai et l'air où tout devient possible. Mais quel possible n'est pas vrai ? Je me le demande. Il suffit (et c'est un miracle facile) qu'une pensée monte dans l'air pour qu'un songe qui flotte à peine et risque de se perdre passe dans un corps et devienne une créature… »
Ce bref roman s’approche plus de la littérature jeunesse que les précédents, mais on y retrouve les mêmes personnages empathiques, le même mélange de religion et de superstition, de réalité concrète et de fantastique, de songe et de nature, de sapience et d’ombre.
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Tristram- Messages : 15925
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Bédoulène- Messages : 21635
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Re: Henri Bosco
Dans le premier volume de ses souvenirs d'enfance, Henri Bosco présente d’entrée son projet et sa démarche :
Première partie, Ces premières images… : « enfant docile et secret », douloureusement sensible, rêveur (et fils unique et couvé), il naît en Avignon, puis vit dès trois ans à la campagne, mais toujours dans un univers maternel de « signes », souvent funestes, un monde de l’invisible et des morts toujours présent.« Voici des souvenirs.
Tels qu'ils sont revenus à moi du fond de ma mémoire, je les ai notés et je les présente.
Je ne raconte pas une suite d'événements qui se succèdent pas à pas, et ainsi qui s'enchaînent.
Je prends, au hasard des retours, les personnages et les faits qui vivaient encore, ou qui sommeillaient, dans le passé de mon enfance.
Je ne les ai pas recherchés, j'ai attendu. »
Née peu après lui, sa sœur ne vit pas :
S’ensuit un commerce avec les revenants, qui imprégna toute l’œuvre future.« Mais parmi les Ombres qui hantent mes oraisons nocturnes (et il y en a onze que je nomme toutes), celle-ci a sa place. »
Une enfance solitaire, mais aussi l’âne à pantalons du marchand des quatre-saisons des mas isolés, Gros-Lapin aux onze enfants, qui mourut lorsqu’il eut vendu le vieil animal aux Caraques ; les chouettes qui inspirent une méfiance superstitieuse ; outre cultivateurs et artisans, sept acrobates espagnols, un équilibriste, un jongleur, deux clowns et une danseuse, tous tristes, font partie du maigre voisinage ; le village de Barbentane, la Durance et le Rhône ; Tante Martine ; Bargabot le braconnier et Béranger, le vieux pâtre ; Tortille et Rachel, d’origine caraque, et le vieux Peppino gardant un hangar de costumes de théâtre...
Seconde partie, Nocturnes… : inquiétudes, comme avec Babâou, qui se promène la nuit et aboie :« Et tout ce qui est plat m'attriste beaucoup.
– Plat pays, pays pour la pluie, disait Tante Martine.
Elle avait raison. Car jamais pays plat n'est aussi plat que quand il pleut, et jamais pluie n'est aussi pluie qu'en pays plat. Qui ne l'a noté ne sait rien, ni de la pluie ni de la plaine. Encore qu'il y ait, je le reconnais, plaine et plaine. Ainsi la Camargue en est une, mais quels lointains !... Rien ne les coupe. Et c'est la chance des beaux pays plats que rien n'en interrompe au loin la platitude, sauf les immenses et mystérieux nuages qui y prennent naissance, mais alors c'est un autre monde qui monte sur la plaine, et qui met tant d'imaginaires pays sur l'horizon, que la plaine bientôt est pareille à la mer et devient à perte de vue comme une étendue chimérique. On n'est plus sur la terre… »
« Mais ailleurs [L'enfant et la Rivière, Le Renard dans l'île, Barboche, Bargabot] j'ai assez parlé de Bargabot et du vieux Béranger pour me dispenser d'en dire plus long sur leur compte. Je me borne ici à en rappeler l'existence et, par amitié pour leurs Ombres dont personne au monde n'a plus de souci, j'ai placé au milieu de mes vieux souvenirs leurs deux noms où sont attachées leurs âmes disparues. Lorsque je les prononce, ces âmes sortent de l'oubli et je les vois encore dans la forme de ces figures qui vivaient et erraient au bord de la rivière, au temps où j'y errais moi-même, enfant solitaire que hantaient les eaux, qu'attiraient au-delà des eaux les collines…
J'ai conservé en moi ces eaux et ces collines. Je n'ai guère d'efforts à faire pour m'y retrouver, non tel que je suis devenu, mais tel que j'étais aux jours les plus émouvants d'une enfance qui dut suppléer par des songes à la monotonie d'une vie inégale aux désirs, aux chaleurs du sang, au besoin d'espérance. Tout me revient quand je l'évoque, et je l'évoque plus souvent à mesure que je m'enfonce davantage dans la vieillesse. Ce n'est pas mouvement de regret, nostalgie, car cette enfance ne fut pas heureuse, mais pour me découvrir tel que je suis, puisque je l'étais bien plus clairement à cet âge tendre, où ce qui sera aspire de toutes ses forces à le devenir. Et il y a aussi ce qui ne sera pas, ce qui était possible, et qui non moins vivement voulait vivre, mais que les malchances ou quelque faiblesse cachée ont peu à peu écarté de la vie. Nuage qui est né entre la rivière lointaine et cet aujourd'hui, ce poste de veille, éminence mélancolique, d'où l'on revoit en bas, dans une vague plaine, les ruines éparses le long des années. »
« Gros Sel », la petite épicerie écartée, à la limite de l’octroi de ville, et les « rats de cave » luttant contre une « contrebande communale »…« Fait curieux, il avait perdu la raison, mais non pas la mémoire. Seulement on n'arrivait pas à savoir si ce qu'il en tirait était du souvenir, ou un rêve sur ce souvenir. Comme il racontait quelquefois d'étranges choses, on se disait qu'il inventait, et on le croyait naturellement, quand il en racontait de tout à fait banales. Or, on le sut plus tard, les étranges événements qu'il se rappelait étaient bien de vrais souvenirs, et les banalités, des bribes, des déchets de mauvais rêves. »
Même les amours… : le bastidon des vacances, près des « Lauzes » et de Lourmarin (découverte à huit ans de l’amour dans Paul et Virginie, et Cyprienne au faîte du cyprès) :« Dame Gude était timorée, trotte-petit, grignotte-galette, tricote-menu. Une souris qui fait ses comptes. »
La génoise, c’est la frise provençale composée de tuiles superposées et fixées dans le mortier (Louis Réau, Dictionnaire polyglotte des termes d'art et d'archéologie).« Tout le mal (les soucis, les remords, les folles initiatives) résultent trop souvent des commentaires qu'on se croit obligé de donner à la vie, dont le grand secret, pour les sages, se réduit toujours à la vivre. »
« Un « bastidon », c'est au plus trois pièces, un fronton, sa génoise, le roc, un peu d'eau (pas beaucoup), du soleil, beaucoup de soleil et très peu d'ombre. Mais le grand air, une vue immense et la paix. »
Puis ce sont les histoires de Thérèse, et d’Isabelle la boulangère.« De nature j'ai toujours été très timide, mais, également de nature, j'ai été curieux, plus curieux que timide. D'autre part quand un geste à faire m'intimidait trop, il me prenait toujours une envie inquiétante de l'accomplir le plus vite possible, pour en finir aussi le plus vite possible avec cette timidité insupportable. J'étais alors si tourmenté que je finissais par céder à mon envie. De là mes plus étranges escapades, en contradiction, semblait-il, avec ce que tout le monde louait de mon humble personne. »
Familles : de grand-mère Louise et grand-père Marcelin, dit « La Vertu de Lorgues », à la famille marseillaise, en passant par Tante Martine et Baptistin, « Oncle Sabre », l'Oncle Thomas, etc.« Car Thérèse tenait bien moins à tel ou tel galant qu'à l'amour même. Si chacun de ceux-ci pouvait lui offrir de l'amour, l'un pouvait donc remplacer l'autre, sans que Thérèse y vît beaucoup de différence. Elle en aimait trop pour avoir l'obsession d'en aimer un seul. »
Un romancier… : sa mère lui ayant appris le sortilège de la lecture, son père lui ayant fabriqué un petit pupitre (ainsi qu’une canisse qui occulte la vue et le livre aux songes) Henri Bosco écrit sa première fiction à sept ans (il a été scolarisé bien plus tard). Il dit tenir son imagination de son père, qui lui contait le soir une histoire pastorale :
Il observe la canisse "en soi" :« Créés d'abord pour m'endormir, ces contes ne m'endormant pas, mon père et ma mère, qui le constataient, auraient pu raisonnablement les interrompre. Mais sans doute eux-mêmes en les supprimant y eussent perdu un plaisir. Car ce plaisir, ils le prenaient, et déjà je n'en doutais guère. Il y avait, en effet, de ces nuits dans ma petite chambre où un émerveillement en commun nous saisissait tous trois. Mon père était charmé des trouvailles inattendues qu'il tirait si facilement de sa tête, ma mère s'étonnait d'une telle imagination et, quoi qu'elle en eût, l'admirait.
Et moi, ah ! où étais-je ? sinon dans ce monde où tout est si vrai qu'on y croit, mais serait d'ailleurs incroyable si tout n'était pas inventé. »
Et il rédige ce qui deviendra L'Enfant et la Rivière.« J'ai acquis à la regarder chaque jour et pendant des heures entières, le goût de connaître les choses. Car c'était une chose. Or, un goût poussé à ce point vous fait peu à peu découvrir que, sous un mot qui nous la voile, un seul mot, un mot qu'on répète, il y a plus de choses qu'il ne nous en offre dans la seule chose qu'il nomme. Il nous montre le tout et l'on s'y tient. Il nous cache ce que ce tout renferme nécessairement, quel qu'il soit, d'indicible, pour être ce qu'il est, et rien de moins. En somme, à étudier roseau par roseau, cette muraille végétale, à en suivre la vie qu'y menaient avec persévérance des bêtes minuscules, j'ai pris alors le sens positif du concret. […]
Ainsi, ma « canisse » m'offrait, d'une part un objet riche de matière et de vie, et d'autre part un stimulant à passer outre par les puissances imaginatives. Elle me montrait ce qui était là, et me donnait l'envie, le besoin, la passion de cet au-delà d'où nous vient la révélation et la nostalgie des étendues.
Quoi qu'il en soit, me voilà donc regardant la « canisse » et rêvant à la regarder.
Je me vois encore devant mon pupitre où, à force de demeurer sans rien faire, mais l'esprit toujours en travail, je sentais en moi le désir de faire quelque chose. Mais, du moins au début, ce désir n'est pas suffisant à nous mettre en train. Désirer faire quelque chose c'est d'abord désirer que se produise quelque événement. On est inactif, on attend, il n'arrive rien et, on a beau attendre, désirer et attendre, rien ne répond à ce désir, à cette attente. Il ne nous reste qu'à nous inventer ce que la solitude nous refuse. »
Annonces de la solitude :« J'entrepris un rêve, un rêve éveillé. »
Accent pongien ?« Ce qu'on doit être, on l'est. On l'est avant le fruit, avant la fleur, avant même la graine close. Il suffit pour le devenir que le temps commence à pousser notre vie encore en sommeil vers une existence formelle et que les événements – créatures et circonstances – y imposent les premières flexions qui en détermineront le dessin futur. »
« Une maison vit comme vit un homme, un homme qui parfois, mais non pas toujours, est son âme. Rien en ce monde n'est construit qui ne soit, si l'on cherche bien, à l'image du monde, et l'homme comme la maison, la maison comme l'homme. C'est pourquoi tout événement qui se produit dans l'un est entendu de l'autre. »
« Le silence d'un objet calme – d'un objet aux formes très bien accordées – en raconte plus long que l'imaginaire réponse de tel autre objet contourné, façonné dramatiquement, expressif à dessein et qui violente la matière naturellement sans impatience. »
Accent bachelardien dans « l'être de la lampe » :« Jadis l'enfant ne commentait pas, il vivait. Il était là où il était. Je n'y suis plus et je rôde, faute de mieux, autour de ma mémoire. C'est vouloir circonscrire des nuées. On s'y perd… »
Et pour finir… : sa religion, maternelle.« Mais quelques-uns avaient, par leurs dimensions, leur activité, leur rôle nécessaire, une place prééminente. Ainsi la lampe et la pendule. Ce ne sont pas là des choses passives. »
« Le jour n'a pas besoin de lampes. La lampe a besoin de la nuit. »
Le chantre de l’enfance nous révèle ainsi que tout ce qu’il écrivit par la suite fut véridique, aussi vrai que dans son rêve.
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Tristram- Messages : 15925
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Re: Henri Bosco
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Bédoulène- Messages : 21635
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Re: Henri Bosco
Dans le second et dernier volume de ses souvenirs, à la suite d’Un oubli moins profond, Henri Bosco évoque d'abord de plus anciens revenants, des « Ombres », des « créatures mentales », de son enfance à la fois familiale et solitaire.
LES EAUX« Un souvenir s'il est assoupi a pourtant ses songes. Le plus troublant de tous n'est-ce pas l'image confuse de cette vie présente au monde où survit celui qui a oublié, mais qui peut encore abolir l'oubli ? Tout ce qui dort en nous aspire à s'éveiller, et tout ce qui s'éveille à revenir. Il existe toujours en nous une nostalgie de nous-même. »
Le père Jouve
C’est à quatorze ans qu’il suit ce grave huissier en Avignon, mari de sa nourrice Julie, surveiller chaque minuit l’étiage du Rhône.
Campagnes« Les fleuves, vois-tu ? c'est la nuit qu'ils montent. Il n'y a rien de plus sournois. »
Cette fois, inondations entre Rhône et Durance, lorsque Bosco a entre huit et douze ans (sa période préférée).
On observe aussi la translation du lever du soleil selon les saisons, du peuplier Agricol au peuplier Pantaléon, proches de la maison.« D'ailleurs, la prudence incarnée, Tante Martine disait de l'avenir :
S'il est bon, ça sera tant mieux et nous aurons une belle surprise. S'il est mauvais, eh bien! on n'aura, mes enfants, que ce qu'on attendait.
Cela signifiait sans aucun doute qu'on attendait surtout les mauvais jours, les bons n'étant qu'un miracle improbable.
Avec de telles prédispositions, il n'est que sage de se préparer, quand les choses vont encore bien, pour l'inévitable moment où fatalement elles iront mal.
Ces habitudes de l'esprit développent en nous une faculté défensive, la méfiance. Celle-ci s'aiguise, se porte partout, devient sensible au moindre signe.
Or, à la maison, où les miens vivaient étroitement repliés sur eux-mêmes, cette attention aux signes (c'est-à-dire aux signes néfastes) faisait quotidiennement partie de notre existence. »
« Coutumes et invocations qui faisaient partie d'un vieux lot familial de défenses sacrées encore en usage quand j'étais enfant. Car il y en avait d'autres que j'ai oubliées. Ce que je cite ici, d'ailleurs avec plaisir, c'est presque tout ce qu'il m'en reste. Après moi, le dernier de la famille,
plus personne au monde ne saura les rites et les mots naïfs de ces antiques exorcismes. »
« Car manquer était une idée qui hantait la famille. On ne pouvait pas sans effroi imaginer ce manque. Certes, manquer c'était d'abord manquer de pain, de viande, de légumes. Mais ce pouvait être aussi autre chose, et bien pis encore. Manquer, ce verbe seul, aux syllabes désagréables, ce verbe pensé ou émis sans énumération de ces manques possibles, qu'il contenait tous, du plus simple au pire, ce verbe suffisait à troubler la tranquillité de mes parents, les pauvres ! qui, ayant peut-être manqué jadis du nécessaire, avaient une sorte de culte pour un modeste superflu. »
Infiltrations« J'avais besoin de voir réellement de mes yeux une chose, une chose vraie, ou que l'on dit telle, et dont aucun détail ne m'échappait. C'était voir et bien voir. Puis, je ne sais comment, elle disparaissait. Et si j'en avais le regret, au lieu de la regarder à nouveau ce qui eût été naturel j'en détournais les yeux, j'en entretenais tristement l'absence, et c'est alors en moi que je la revoyais. Elle devenait peu à peu ce songe ouvert aux images secrètes qui, comme autant de désirs animés, la peuplaient de créatures attendues et d'événements improbables. »
Quand l’inondation est là, on circule en barque, pontonniers du génie ou étranges personnages, comme la mère Freingotte, lectrice de Balzac.
Fièvres et fleuves…
Suivent les moustiques, la maladie, les « paludéennes pestilences ». Puis, à quatorze ans, la découverte de la « Maison des pluies », à la confluence de la rivière et du fleuve, ce mystère.
LES TILLEULS« Mais il n'est guère à ma portée de penser autrement qu'en laissant ma raison se perdre en elle-même, et, par conséquent, à déraisonner. Ce qui revient insensiblement à substituer à quelques jugements, qu'on croit bien établis, une suite de songes inexplicables. »
Les « dames Mathilde »
Les Tilleuls est le nom de la villa de la mère et de la fille, vieilles dame et demoiselle fort mondaines et fières, dont la plus jeune joue Mozart au piano à le faire périr d’ennui.
La Pagode
C’est celle qui est construite à côté et en surplomb des Tilleuls, et où est installée une « entretenue »…
VERS LA VILLE« Guettant les événements qui s'y préparaient, elle [la maison Les Tilleuls] avait concentré entre ses murs tout ce qu'elle avait économisé, depuis tant d'années, de silence. Car des caves aux combles elle avait entassé silences sur silences, et des pièces inhabitées fait de lourds greniers de silences, dont maintenant par les portes entrebâillées s'écoulaient, des derniers aux plus vieux, mystérieusement, les silences qu'avaient gardés les choses et les êtres qui jadis avaient dû s'y taire...
Or, maintenant aussi, elle se taisait probablement pour mieux entendre les imperceptibles bruits par quoi se décèle cette vie secrète qui habite en nous, et qui fait des maisons où vécurent les hommes de singulières créatures. Mais ce qu'elle entendait peut-être, non plus ces bruits réels qui nous sont perceptibles, mais leurs inaudibles fantômes, je ne pouvais, moi, les entendre. Aucun son ne m'arrivait plus. »
Saint-Agricol
C’est la paroisse du petit Henri, sensible à l’Église.
Le chemin de Monclar
C’est celui, dominical, des campagnes vers la ville, empli de rencontres et de salutations courtoises.
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