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Hubert Haddad

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Message par Tristram Dim 31 Mar - 11:30

Le Peintre d'éventail

nature - Hubert Haddad - Page 2 Le_pei10

Xu Hi-han, le narrateur (mais pas toujours le seul), raconte comme, dans la pension de dame Hison, une sorte de refuge à l’écart entre mer et montagne, son maître Matabei Reien rencontra le vieux jardinier et peintre d’éventail, Osaki Tanako.
Matabei est venu là oublier son passé : peintre prometteur, il a tué une jeune fille dans un accident de circulation, peu avant le séisme de Kobe.
Chez dame Hison, ancienne courtisane, il y a quelques habitués : Anna et Ken, un couple de jeunes amants clandestins, monsieur Ho, « un bon vivant négociant en thé et grand buveur », et Aé-cha, « l’éternelle vieille fille à demeure, coréenne d’origine ».
À la mort d’Osaki, Matabei, qui est devenu l’amant de dame Hison, le remplace. Xu est le jeune suppléant qui aide la vieille servante de la pension, et dont Matabei devient le mentor. Survient Enjo, une jeune femme dont le regard rappelle à Matabei celui de sa victime involontaire. Elle devient son amante, et Xu, qui l’aimait, part.
« Peindre un éventail, n’était-ce pas ramener sagement l’art à du vent ? »

« Comme au moins cent millions d’humains à cette seconde, tout se précipite, hanches contre hanches, peaux et souffles mêlés, chute de l’un dans l’autre au milieu des morsures et des glissements. Au plus fort de l’étreinte, l’ancienne courtisane considérait d’un autre monde cette sensation somme toute banale d’union intime et d’absence du fond même de la jouissance. C’était pour elle une évidence qu’on pût ressentir et ne pas ressentir les choses. Depuis une certaine nuit à Kyoto, elle avait appris à se détacher de la douleur ou de la volupté, sans rien pourtant en perdre. […]
Les complications burlesques de l’usage du sexe l’avaient effarée toute jeune, au moment des premiers rapports, ce goût de la honte et de la flétrissure, ces prétentions, ces hilarités imbéciles, et puis elle avait compris une fois enceinte l’exception bouffonne de cet acte, et sa monstruosité en accouchant avant terme. Dans les humeurs et la fièvre, chaque coït tentait de ranimer quelque chose de mort-né. »
Le jardin est central dans le récit, avec son harmonie qui répond à la nature fort présente (« la loi d’asymétrie et le juste équilibre comme un art de vivre »), et les lavis et haïkus du vieux maître en participent.
« Pourtant, une inquiétude avait sourdi au fil des saisons : pouvait-on repiquer, transplanter, tuteurer, bouturer, diviser, aérer, buter, attacher, éclaircir, pincer, pailler, et même arroser, sans perdre insensiblement la juste mesure et l’harmonie, ne fût-ce que de l’expression de tel angle facial, d’un détail répété des linéaments, de l’aménité indéfinissable des parties à l’ensemble ? Il avait beau se dire qu’un visage doit avoir le mérite de vieillir en beauté, que l’impermanence touchait toute chose de la nature, la sensation de trahir son vieux maître en cendres s’accusait avec l’automatisme de certains gestes. Chaque coup de cisaille devait être un acte conscient, en rapport avec les mille pousses et rejets, dans l’héritage des lunaisons et la confiance des soleils. Un jardin rassemblait la nature entière, le haut et le bas, ses contrastes et ses lointaines perspectives ; on y corrigeait à des fins exclusives, comme par compensation, les erreurs manifestes des hommes, avec le souci de ne rien tronquer du sentiment natif des plantes et des éléments. »

« Chaque saison est la pensée de celle qui la précède. L’été vérifie les gestes du printemps. »

« Toujours en décalage, hors de tout centrage selon le principe d’asymétrie, mais avec des répétitions convenues comme ces dispositions de rochers et d’arbres aux savantes distorsions et ces diagonales en vol d’oies des baliveaux, le spectacle changeant du jardin accompagnait le regard en se jouant des mouvements naturels de l’œil par à-coups et balayages, ce qui l’égarait dans sa quête d’unité par une manière d’enchantement continu ourdi de surprises et de distractions. »

« — Jardiner, c’est renaître avec chaque fleur… »

« La nature n’a besoin de personne, avait-il déclaré, le temps est son jardinier et elle laisse chacun libre. »

« La révélation qu’eut Matabei, un matin radieux de fin d’automne où les arbres en partie dépouillés semblaient faire connaissance, c’est qu’il devait s’agir pour le vieux sage d’une création simultanée et indissociable. Les lavis et l’arrangement paysager allaient de pair, comme l’esprit et l’esprit, les uns préservant les secrets de l’autre, en double moitié d’un rêve d’excellence dont il aurait été le concepteur obnubilé. »
Un tremblement de terre puis un tsunami suivi d'un accident nucléaire ravagent la région, où Matabei demeure solitaire dans un ermitage abandonné. Il y recompose les lavis délavés des éventails du maître, son « jardin de pensée ». Xu, qui est devenu un lettré et vient de se marier avec Enjo, le retrouve à temps pour sauver son œuvre. Clausule :
« La vie est un chemin de rosée dont la mémoire se perd, comme un rêve de jardin. Mais le jardin renaîtra, un matin de printemps, c’est bien la seule chose qui importe. Il s’épanouira dans une palpitation insensée d’éventails. »
Haddad use cette fois d’un ton poétique, onirique, parfaitement congru à cette histoire, parfaitement nippone, de contemplation de l’impermanence du monde.
« Bec et plumes
l’encre est à peine sèche
qu’il s’envole déjà »

\Mots-clés : #catastrophenaturelle #creationartistique #initiatique #lieu #nature #peinture #poésie #traditions

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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
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Message par Tristram Jeu 6 Juin - 8:22

Théorie de la vilaine petite fille

nature - Hubert Haddad - Page 2 Thzoor10

Mars 1848, Hydesville, pas loin de la Longue Route menant à Rochester dans le comté de Monroe, dans une famille méthodiste entourée de puritains, dans une ferme hantée par un colporteur assassiné, les sœurs Fox, Kate (Katie), onze ans, qui est médium, et Margaret (Maggie), quinze ans, communiquent avec Mister Splitfoot, un esprit.
Lorsque le cas est remonté au révérend Gascoigne, dont la fille Pearl est leur institutrice, elles sont dénoncées comme nécromants et frappées d’ostracisme ; elles manquent être lynchées comme guenaudes (sorcières).
« — Qu’on les pende, hurlèrent quantité d’autres museaux à l’arrière, plutôt éméchés par cette apparition. Grand corps décapité qui s’en va courir dans son sang, la foule s’élançait déjà quand une détonation coupa son élan en jetant la confusion. »
Leah, leur sœur aînée de vingt ans, les emmène à Rochester pour y invoquer les esprits dans « un cabinet de consultations spiritualistes » afin de « mettre les visiteurs en communication avec leurs chers disparus ».
« Un esprit, si j’ai bien compris, c’est un soupçon d’infini accroché à des impressions passées, ou plutôt l’ombre d’une âme pleine de regrets, et tout cela captif de notre étroitesse de créatures vivantes. »
Peinture de cette époque où le buzz encore appelé rumeur façonnait déjà la société avec la naissance d’une mode, celle du spiritisme, basée sur la religiosité : magnétisme, utopies comme le « communisme biblique » et sectes diverses pullulent, quakers messianistes, mormons fuyant les persécutions, adventistes du septième jour, sans compter les papistes, aussi incarnés dans de nombreux personnages, comme Alexander Cruik, « célèbre évangélisateur suspecté de connivence occulte avec les Peaux-Rouges idolâtres du Grand Esprit », ou William Pill, alias Mac Orpheus, sergent démobilisé et joueur professionnel :
« L’argent, ce vent des mains, ne l’ébouriffait que pour sa prochaine ruine. »
L’évocation des contemporains, comme Emerson, Thoreau, Emily Dickinson ou Benjamin Franklin et Abraham Lincoln, et des évènements tels que la guerre civile avec l’esclavage en cause, contextualisent l’époque.
Les deux jeunes filles sont espiègles et facétieuses, bien que convaincues de leur pouvoir de communication avec l’au-delà, et elles semblent sincères tout en pouvant recourir à certains trucages et mystifications. Elles atteignent à une « gloire malsaine », et Leah fait un riche mariage, tandis que Margaret épouse l’explorateur Elisha Kane, tout en s’adonnant à « la lecture – ce doux entretien avec les fantômes – » ; Kate aura deux jumeaux. Les deux sœurs Fox iront à Londres, avant de tomber dans l’alcool et la déchéance.
« Adroitement inversé, l’opprobre n’est qu’un tremplin. »
Des limericks, extraits de comptines, folksongs, ritournelles et berceuses (en anglais) sont insérés dans ce roman polyphonique.
Une fois encore, Haddad use d’un vocabulaire devenu rare (c’est un plaisir de rechercher la définition de termes oubliés ou nouveaux pour moi), ce qui constitue une des richesses de son écriture, de même que la profusion des détails rapportés.

\Mots-clés : #historique #spiritualité #xxesiecle

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Message par Bédoulène Ven 7 Juin - 17:21

merci Tristram !

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Message par Tristram Sam 10 Aoû - 12:47

Corps désirable

nature - Hubert Haddad - Page 2 Corps_13

Prologue :
« L’immortalité n’aura bientôt plus de secret pour l’homme. Nous l’avions déjà découverte à l’état naturel chez une insignifiante méduse sans cœur ni cervelle, la turritopsis, qui, une fois atteint un seuil critique de maturité, voit son cycle de vie s’inverser, revenir à l’état juvénile, avant un nouveau déclin, et cela indéfiniment. Tout ce que promettent les sciences se réalisera fatalement. En concurrence probable avec la bionique, d’ici quelques années, la chirurgie transplantatoire saura reconstituer l’homme intégral, comme dans certain roman gothique. Bienheureux ou martyrs, quelques élus pourront ainsi vivre plusieurs vies successives avec une seule et même tête, en éclaireurs d’une humanité pérenne. Quant aux questions des usages du corps amoureux et de l’intégrité de la conscience ou de l’âme, il faudrait pour y répondre en faire soi-même l’épreuve charnelle, en cobaye de l’éternité.
Un jour peut-être, bien plus tard, si la biodiversité l’autorise, quand l’espèce humaine en coma dépassé aura remonté à bloc l’horloge de l’apocalypse, les enfants et les idiots se demanderont avec une candeur intacte ce qu’était le monde avant la création de l’homme. »
Cédric Allyn-Weberson, fils d’un magnat de l’industrie pharmaceutique, a rompu les ponts avec son père et est devenu un chroniqueur d’investigation s’attaquant aux trusts sous le nom de Cédric Erg ; il vit avec Lorna Leer, qui travaille aussi dans le monde des médias. Toujours dans le même milieu, Swen Geislar, qui "corrige" les flux d’informations, est tombé amoureux de Lorna.
« Il baisa la nuque de Lorna à cet endroit, des larmes aux yeux, avec le sentiment intense d’avoir déjà vécu ce moment autant de fois que l’éternité eût pu réserver de coïncidences ou de simultanéités à quelque malheureux immortel. »
Victime d’un accident, Cédric se retrouve tétraplégique. Son père le fait opérer : sa tête est transplantée sur un autre corps par le neurochirurgien italien Sergio Canavero.
« Honni ou vénéré, Cadavero devint vite une sorte de messie du vieux désir d’éternité. Les moins valeureux de ses contemporains, fantômes d’eux-mêmes à demi robotisés et surmédicalisés, ne voulaient plus croire à leur disparition. La mort pour eux n’était qu’un virus à neutraliser, une erreur de programmation. »

« Comment croire à son propre passé, et même à ses émotions, quand une autre histoire habite votre corps ? »

« Les neurologues l’avaient d’ailleurs averti des probables bouleversements de son psychisme : outre le traumatisme de la transplantation, son système cérébral avait été mis en connexion de facto avec une autre mémoire organique et réflexe, des énergies hétérogènes, un système nerveux périphérique peut-être inassimilable et ce fameux second cerveau cœliaque dont on ignore encore le spectre d’influence. Ce qui lui arrivait, c’était une prise de pouvoir du hasard, un synchronisme durable entre deux séries indépendantes, une relation d’incertitude. »

« Il avait perdu toute familiarité avec ses souvenirs, lesquels sourdaient en lui plus ou moins contrefaits, sans ancrage défini, témoignant d’un passé incertain comme les vies antérieures. »
Haddad rend le désarroi de Cédric et de Lorna (notamment à travers des rêves) ; lui s’est trouvé un petit tatouage, un triskèle (trois jambes tournant autour d'une tête). Il s’enfuit, et apprend que son père vient de mourir, que son propre accident était une tentative d’assassinat. En Sicile, Anantha retrouve en lui le corps de son amant, Alessandro (le 'greffon").
D’alarmantes nouvelles d’actualité (parfois plaisamment modifiées par Swen) accompagnent le cours de ce récit de science-fiction qui évoque un proche futur.
« La découverte de viande humaine dans des lasagnes de marque Pindus, censées être au bœuf, a provoqué un scandale au Royaume-Uni – où l’homme est vénéré et sa consommation taboue – et entraîné le retrait vendredi des plats incriminés en France et en Belgique. La viande humaine trouvée en importantes quantités au Royaume-Uni (jusqu’à 100 %) dans les lasagnes Pindus provenait d’un producteur roumain, a expliqué aux enquêteurs le président de la société Cadigel, productrice des plats suspects. On a pu déterminer qu’elle venait d’abattoirs de la région de Timisoara qui abattaient et découpaient du bœuf et de l’homme, a-t-il ajouté. »
Précisément écrit, avec un vocabulaire parfois peu courant mais jamais indu et qui trouve le mot juste à propos de thèmes rebattus comme le désir, ce livre qui part du Frankenstein de Mary Shelley m’a plu dans sa volonté aboutie d’exploiter les richesses du langage et de récentes découvertes scientifiques : Haddad démontre qu’il existe une écriture profuse et fertile à côté de la littérature blanche ou plate, c’est-à-dire minimaliste.

\Mots-clés : #medecine #mort #romananticipation #sciencefiction #science #xxesiecle

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Message par Bédoulène Dim 11 Aoû - 10:03

merci Tristram, le sujet m'effraie !

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Message par Tristram Ven 25 Oct - 12:51



nature - Hubert Haddad - Page 2 Mze10

Au Café Crépuscule, dans Golden Gai, quartier de l’est de Tokyo, le timide Shōichi, étudiant en vulcanologie de vingt ans, de « filiation nippo-américaine » et serveur à l’occasion, rencontra Saori. Celle-ci, récemment divorcée de Hayato Mori, belle mais vieillissante, devient son amante et achève une biographie de Taneda Shōichi, dit Santōka, avant de disparaître noyée. Commence alors son pèlerinage vagabond dans la lignée des « maîtres excursionnistes », « en tenant la manche au hasard ». Ses errances succèdent à celles du moine poète, lui-même sur les traces de Bashō (« Le voyage est ma demeure »), qui « lui-même marchait dans l’ombre de Saigyō Hōshi ».
« C’est ainsi, il pleut
je suis trempé
je marche »
Taneda Santōka
« La solitude est bien la seule conquête de l’homme libre [… »

« Ivre de l’instant faute de saké, Santōka suivait bon gré mal gré son chemin par des détours. Il ignore la ligne droite, celui que personne n’attend ! »

« Ce qui a peur en nous avec nous disparaîtra – et le reste n’existe pas. »

« À la fin, il comprit que rien n’était à attendre, rien qui manquât à ce monde. »

« Les pèlerinages, au fond, n’étaient qu’un alibi de flâneur obstiné. »

« Marcher figurait pour lui le mouvement même de vivre. »

« Composer un haïku était toutefois un acte de présence, aussi absolu et fragile que l’instant. »
Dans le prolongement du Peintre d’éventail, la biographie d’un haïkiste, une approche de l’impermanence, de l’instantanéité et du détachement, un éloge nippon de la marche, pertinemment poético-lyrique.

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Message par Bédoulène Ven 25 Oct - 13:12

merci Tristram ! peut-être sous la plume de Haddad m'approcherais-je des Japonais ?

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Message par Tristram Ven 25 Oct - 13:19

C'est effectivement un chemin, un peu détourné mais tout à fait possible, pour atteindre cet univers !
Dans ce cas il vaut sans doute mieux commencer avec Le Peintre d'éventail.

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Message par Bédoulène Ven 25 Oct - 13:22

je note le conseil Tristram !

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Message par Bédoulène Dim 10 Nov - 20:58

donc lu "le peintre d'éventails"

j'en ressors conquise ; est-ce l'écriture d'Haddah qui donne ce charme à l'histoire ? mais combien est poétique l'écriture !

Tristram a bien raconté le sujet. Je n'ajouterais donc que quelques extraits

Matabei sera toujours poursuivi par le visage de la jeune fille qu'il a tué dans un accident de voiture, il retrouvera le visage dans celui d'Enjo la jeune étudiante qui arrive à la pension de Madame Hison et qu'il va aimer.

" L’état de désarroi où il se trouvait laissait prise aux diableries. Matabei se souvint de la surprenante sensation de délivrance, en amont, dans la forêt de bambous géants, sur les pentes ouest de la première montagne, et c’est d’un pas vif qu’il s’y dirigea. Dans cette solitude, les sortilèges se lasseraient, croyait-il. Mais il ne comprenait toujours pas sa folie. Nul ici n’avait mémoire d’elle. La maison d’enfance d’Osué était maintenant une pension de famille tenue par une ancienne geisha de second rang.

  La respiration du vent dans l’océan de feuillage eût pu certes justifier tous les égarements. Il n’y avait rien de plus beau au monde que cette halte du chemin oublié. Matabei se retourna soudain. De nouveau sur le qui-vive, il contempla le balancement des bambous avec une sorte d’allégresse."


Maître Osaki initia Matabei à l'art des éventails et celui du jardinage. C'est plus tard qu'il découvrit le secret d'Osaki.

Ce sont les dessins et  haïkus peints sur les éventails par le Maître Osaki qui coordonnent l'agencement du magnifique jardin.
Aussi après la catastrophe (séisme + tsunami) Matabei, enseigné par Osaki restaurera consciencieusement les éventails abîmés, il les transmettra à Hi-Han afin qu'il en fasse connaître la beauté à tous.

Matabei peignait bien avant l'accident qui l'avait conduit à la pension Hison :

Matabei ne ramait plus ; les mains à plat sur les cuisses, il étudiait avec une distraction entière "le juste rapport des volumes au gré de la distribution des ombres et de la lumière. Ramené au premier plan par un effort de pensée, le point de fuite entre les rives était assez décalé pour mettre à mal un équilibre toujours fautif, source d’aliénation. Il n’avait pas oublié la symétrie cachée du Ryōan-ji. Son œil de peintre déclinait mentalement sur divers supports, en noir ou en couleurs, le spectacle qui s’offrait depuis ce bras du lac."


Après la mort du Maître Osaki, Matabei s'occupa donc du jardin en hommage, il ne voulait surtout pas le "défigurer" :

" Il avait beau se dire qu’un visage doit avoir le mérite de vieillir en beauté, que l’impermanence touchait toute chose de la nature, la sensation de trahir son vieux maître en cendres s’accusait avec l’automatisme de certains gestes. Chaque coup de cisaille devait être un acte conscient, en rapport avec les mille pousses et rejets, dans l’héritage des lunaisons et la confiance des soleils. Un jardin rassemblait la nature entière, le haut et le bas, ses contrastes et ses lointaines perspectives ; on y corrigeait à des fins exclusives, comme par compensation, les erreurs manifestes des hommes, avec le souci de ne rien tronquer du sentiment natif des plantes et des éléments.

  C’est dans cet état d’esprit que Matabei retournait chaque soir à la baraque, las et pensif, mais au fond heureux de sa journée de révérences aux oignons de tulipe et de passes magnétiques autour des arbustes piégés de fils d’araignée."


Après la catastrophe, toute la région est irradiée, mais Matabei retrouve le calme et la solitude dans le refuge en montagne, c'est là qu'il s'éteindra après avoir confié le valises pleines d'éventails. Hi-Han découvre les urnes plantées au pied de l'arbre par Matabei ; il le retrouve dans le refuge.

"Quelques heures plus tard, dans le jardin dévasté, entre la carcasse de la pension grotesquement enceinte d’un bateau de pêche et la baraque effondrée du peintre d’éventail, j’étais prêt à renoncer avec un bien hâtif soulagement quand je vis les urnes cinéraires mal enfoncées en terre sous le grand châtaigner intact et le bâton planté avec ses inscriptions. À les lire, j’ai vite compris de qui elles étaient l’œuvre et me suis souvenu d’un refuge privilégié, là-haut, dans les forêts.

  En fin de journée, après d’autres heures de marche, la main géante du ginkgo me fit signe. C’est avec une sincère émotion que j’ai retrouvé l’ermitage, en aval du lac Duji. N’y tenant plus, le cœur battant, les épaules sciées par mon sac à dos, j’ai grimpé les quelques marches jusqu’à la porte. Matabei était bien là, alité sur une natte. Il respirait certes, mais tout semblait indiquer le ralentissement des fonctions vitales. Je m’approchais, en larmes, pour tâter son pouls. Ses paupières clignèrent alors sur un masque cireux et il me considéra avec douceur et calme, comme si je revenais d’une promenade.

  — Hi-han ! mon cher Hi-han ! a-t-il bredouillé en me montrant du doigt un petit réchaud. Fais-nous du thé bouillant et viens donc t’asseoir près de moi"


C'est l'heure, Matabei peut mourir, les précieux éventails il les a confié à Hi-Han, il a confiance.

" Il partit en fumée ce soir-là, lui et son beau secret de peintre d’éventail. Je passais la nuit entière à me chauffer à son feu, me rapprochant au fur et à mesure que l’incendie s’atténuait.

  Neige sur les cendres ! À l’aube, il ne restait plus que des braises sur lesquelles voletaient les cristaux de glace. La crémation de Matabei Reien s’acheva selon un rituel unique, voulu par les divinités fantasques de la montagne."


"Matabei a voulu dire adieu à la neige, qu’elle eût l’apparence d’Osué, d’Enjo, ou de la déesse Yuki-onna. Il n’aura vraiment aimé que la fugacité d’un sourire, sur une route homicide ou dans les ramures mouvantes d’un saule, par temps de grand vent"


Dernière édition par Bédoulène le Lun 11 Nov - 10:55, édité 1 fois

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Message par Tristram Dim 10 Nov - 21:38

Content que ça t'ai plu, Bédoulène ! Réconciliée avec le Japon ?!

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Message par Bédoulène Lun 11 Nov - 10:56

à confirmer lors d'une écriture par un auteur Japonais. ou une autrice

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"Il n'y a pas de mauvais livres. Ce qui est mauvais c'est de les craindre." L'homme de Kiev Malamud
Bédoulène
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