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Hubert Haddad

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Message par Tristram Sam 12 Nov - 11:45

Hubert Haddad
(Né en 1947)


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Hubert Abraham Haddad est un écrivain de langue française, poète, romancier, historien d’art et essayiste français d'origine tunisienne, né le 10 mars 1947 à Tunis (alors protectorat français de Tunisie), d'une famille judéo-berbère.
Son père, d'origine tunisienne, et sa mère, d'origine algérienne, née Guedj, émigrent à Paris en 1950.
Hubert Haddad commence à publier à la fin des années soixante, d'abord dans des revues. Il fonde lui-même plusieurs revues de littérature, comme Le Point d'Être (1970), revue littéraire, ou Le Horla (1990) et Apulée (2016) chez Zulma. Très vite, il investit tous les genres littéraires, à commencer par la poésie avec Le Charnier déductif (Debresse, 1968).
La nouvelle et le roman tiennent la plus grande part de sa production, avec d'un côté les Nouvelles du jour et de la nuit (deux coffrets de cinq volumes chacun rassemblant soixante nouvelles) et de l'autre une vingtaine de romans comme L'Univers, premier roman-dictionnaire paru en 1999 chez Zulma et réédité en édition augmentée en 2009, ou Palestine, ou encore le Peintre d'éventail.
Par ailleurs dramaturge et historien d'art, Hubert Haddad est aussi peintre et à l'occasion illustrateur. Il a publié de nombreux essais, comme Saintes-Beuveries (José Corti, 1989), Les Scaphandriers de la rosée (Fayard, 2002), ainsi qu'une somme encyclopédique en deux volumes sur la passion littéraire et les techniques d'écriture : Le Nouveau Magasin d'écriture (2006) et Le Nouveau Nouveau Magasin d'écriture (2007).
Hubert Haddad est un des acteurs de la Nouvelle fiction (avec G-O. Châteaureynaud, Frédérick Tristan ou Marc Petit).
Pionnier des ateliers d'écriture, il en anime de très nombreux à travers la France depuis les années soixante-dix, dans tous les lieux de vie, écoles, centres sociaux, médiathèques, universités, prisons, hôpitaux, etc.
Œuvre
Romans et récits

• Un rêve de glace (Albin Michel, 1974) : Page 1
• La Cène (Albin Michel, 1975) : Page 1
• Les Grands Pays muets (Albin Michel, 1978)
• Armelle ou l'éternel retour (Puyraimond, 1979)
• Les Derniers Jours d'un homme heureux (Albin Michel, 1980)
• Les Effrois (Albin Michel, 1983)
• La Ville sans miroir (Albin Michel, 1984)
• Perdus dans un profond sommeil (Albin Michel, 1986)
• Le Visiteur aux gants de soie (Albin Michel, 1988)
• Oholiba des songes (La Table Ronde, 1989)
• L'Âme de Buridan (Éditions Zulma, 1992)
• Le Chevalier Alouette (Éditions de l'Aube, 1992)
• Meurtre sur l'île des marins fidèles (Éditions Zulma, 1994)
• Le Bleu du temps (Éditions Zulma, 1995)
• La Condition magique (Éditions Zulma, 1997)
• L'Univers, roman dictionnaire (Éditions Zulma, 1999 et 2009) : Page 1
• La Vitesse de la lumière (Fayard, 2001)
• Le Ventriloque amoureux (Éditions Zulma, 2003)
• La Double Conversion d'Al-Mostancir (Fayard, 2003)
• La Culture de l'hystérie n'est pas une spécialité horticole (Fayard, 2004)
• Le Camp du bandit mauresque, récit d'enfance (Fayard, 2005)
• Palestine (Éditions Zulma, 2007) : Page 1
• Géométrie d'un rêve (Éditions Zulma, 2009) : Page 1
• Opium Poppy (Éditions Zulma, 2011) : Page 1
• Le Peintre d'éventail (Éditions Zulma, 2013) - publié conjointement avec le recueil Les Haïkus du peintre d'éventail : Page 2
• Théorie de la vilaine petite fille (Éditions Zulma, 2014) : Page 2
• Corps désirable (Éditions Zulma, 2015) : Page 2
• Mā (Éditions Zulma, 2015) : Page 2
• Les Coïncidences exagérées (Traits et portraits) (Mercure de France - 2016)
• Premières Neiges sur Pondichéry (Éditions Zulma, 2017)
• Casting sauvage (Éditions Zulma, 2018)
• Un monstre et un chaos (Éditions Zulma, 2019)
• La Sirène d'Isé (Éditions Zulma, 2021)
• L'Invention du diable (Éditions Zulma, 2022)

Nouvelles
• La Rose de Damoclès (Albin Michel, 1982)
• Le Secret de l'immortalité (Critérion, 1991)
• L'Ami argentin (Bernard Dumerchez, 1994)
• La Falaise de sable (Éditions du Rocher, 1997)
• Mirabilia (Fayard, 1999)
• La Belle Rémoise (Bernard Dumerchez, 2001)
• Quelque part dans la voie lactée (Fayard, 2002)
• Vent printanier (Éditions Zulma, 2010)
• Nouvelles du jour et de la nuit : le jour ; Nouvelles du jour et de la nuit : la nuit (Éditions Zulma, 2011)
• La Bohémienne endormie (éditions Invenit, 2012)
• Géographie des nuages (éditions Paulsen, 2016)

Théâtre
• Kronos et les marionnettes (Bernard Dumerchez , 1992)
• Tout un printemps rempli de jacinthes (Bernard Dumerchez, 1994)
• Visite au musée du temps (Bernard Dumerchez, 1996)
• Le Rat et le Cygne (Bernard Dumerchez, 1995)

Poésie
• Portiques de l’instant (Editions Project’îles, 2022)
• Le Charnier déductif (Debresse, 1967)
• Clair venin du temps (Bernard Dumerchez, 1992)
• Crânes et Jardins (Bernard Dumerchez, 1994)
• Les Larmes d'Héraclite (Encrage, 1996)
• Le Testament de Narcisse (Bernard Dumerchez, 1998)
• Une rumeur d'immortalité (Bernard Dumerchez, 2000)
• Petits sortilèges des amants (Éditions Zulma, 2001)
• Le Regard et l'Obstacle, sur les dessins d'Eugène Van Lamswerde (Rencontres, 2001)
• Errabunda ou les proses de la nuit (éditions Éolienne, 2011)
• Oxyde de réduction (Bernard Dumerchez, 2008)
• Les Haïkus du peintre d'éventail - publié conjointement avec le roman Le Peintre d'éventail (Zulma, 2013)
• Table des neiges (Circa 1924, 2014)
• La Verseuse du matin (Bernard Dumerchez, 2014)
• L'Êcre et l'étrit (Editions Jean Michel Place - 2016)

Essais
• Michel Fardoulis-Lagrange et les évidences occultes (Puyraimond, 1978)
• Michel Haddad, 1943 / 1979 (Le Point d'Être, 1981)
• Julien Gracq, la Forme d'une vie (Le Castor astral, 1986)
• Saintes-Beuveries (sur la littérature, José Corti, 1991)
• La Danse du photographe (Armand Colin, 1994)
• Leonardo Cremonini ou la nostalgie du Minotaure, catalogue (Galerie Claude Bernard, 1995)
• Gabriel Garcia Marquez (éditions Marval, 2003)
• René Magritte, livre d'art, coll. "Les Chefs-d'œuvre", Hazan, 2006.
• Les Scaphandriers de la rosée (sur la littérature, Fayard, 2000)
• Du visage et autres abîmes (Éditions Zulma, 1999)
• Théorie de l'espoir (sur les ateliers d'écriture, Bernard Dumerchez, 2001)
• Le Cimetière des poètes (sur la poésie, Éditions du Rocher, 2002)
• Le Nouveau Magasin d'écriture (Éditions Zulma, 2006)
• Le Nouveau Nouveau Magasin d'écriture (Éditions Zulma, 2007)
• Comme un étrange repli dans l'étoffe des choses (La Bibliothèque, 2016)

Livres pour la jeunesse (sous le pseudonyme de Hubert Abraham)
• Un cheval dans la nuit – trilogie, illustrations de Marcelino Truong – (Éditions Zulma, 2011)

(Wikipédia)

MAJ le 25/10/2024


Dernière édition par Tristram le Ven 25 Oct - 12:53, édité 4 fois

_________________
« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
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Message par Tristram Sam 12 Nov - 12:33

L'Univers

nature - Hubert Haddad L_univ10

Ce roman-dictionnaire est agencé en une suite d’entrées :
« ALPHABET ¶ Mon avenir dépend de l’agencement de vingt-six lettres. Ce dictionnaire mélancolique ne sera peut-être qu’un lexique du néant, un petit glossaire des gouffres, mais j’aurai tenté les retrouvailles d’un monde perdu de la seule façon concevable pour moi qui n’ai plus ni centre ni parties. Ce que j’appréhende : un mélange obtus de concepts et d’images. Se repérer là-dedans. Un mot me renverra à un autre ; les choses se lieront objectivement, selon l’ordre alphabétique qui me permettra, malgré les lésions ou l’égarement, de revenir à ce savoir. Ce cahier sera donc une sorte de conquête du dedans par le dehors. J’arracherai de cette confusion une figure peu à peu, les contours d’une figure ; et j’accoucherai enfin de moi-même. Oui, je serai mon propre Pygmalion. »
On découvre progressivement un narrateur, marin venu d’un archipel du Pacifique qui essaie de « mettre de la cohérence dans ses souvenirs », dans une « réalité multiple, éclatée », foisonnante de mythologie et de symbolique, d’astrophysique et de cosmogonie ; la quête de son identité, « tentative désespérée d’autobiographie », prend la forme de notes reprises lors de chacune de ses périodes de « cohérence mnésique d’un quart d’heure à vingt minutes ». Cette clause préliminaire d’une mémoire intermittente par phases de durée si réduite met à rude épreuve la crédulité consentie du lecteur, car il serait difficile de parcourir un tel texte dans ce laps de temps… mais admettons le processus du recueil de réminiscences associé aux termes listés dans un répertoire d’articles.
« La plus profonde blessure est celle qui touche à la mémoire. »
À noter aussi que la mise en ordre de ces fractions de temps et d’espace ne respecte évidemment pas l’ordre chronologique, puisqu’il s’agit de retrouver le fil des causalités : la lecture fera donc des allers-retours aléatoires dans le temps – a priori...
Dans ce « travail » émergent tour à tour et dans le désordre l’Altmühl et le château ruiné de Banhiul en Bavière, Esther, qui se révèle être sa mère, israélite d’origine polonaise échappée aux camps de concentration grâce à un officier allemand, le baron von Dunguen, qui la confie à son cousin Balthus, un vieux prêtre (beau personnage que celui qui l’initie à l’astronomie avant de devenir aveugle, respectant sa religion en doutant peut-être de la sienne après l’Holocauste, au sortir de l’hypnose collective) et Lockie Dor sa belle gouvernante sourde. Réapparaissent fréquemment d’autres lieux et personnes, comme la tour de l’îlot d’Aigremore, ancien phare aménagé en observatoire météorologique, sa liaison avec la contorsionniste Anémone Duprez (« la femme-caméléon »), ses condisciples Haseinklein (« L’ange au bec-de-lièvre », « fils de héros nazi » métaphysicien, qui massacre Virginie Coulpe), et De Harciny lors d’études à Nuremberg et Bruxelles (ainsi que le mélomane Flotille, « l’exobiologiste aux bretelles d’or »), son service sur l’aviso allemand désarmé Nichtberg (avec son aspirant, Ulghanf, adepte de « suggestologie »), le vieux cargo mixte Roll-Tanger et la goélette Aglaé – aussi une prostituée aimée, qui lui donne la photo de l’archipel ; ce dernier, avec l’Abora son menaçant volcan, les requins bleus du lagon, « les Blancs de l’île-mère et les indigènes des îles boisées », son compagnon Lami le radioastronome et son chien Hubble, « un nègre-pie » sculpteur d’arbres dans sa forêt totémique, le contrebandier Jacob, petit-fils bossu d’un bagnard chevauchant Maître Aliboran l’âne, Angor, pirate capitaine de l’Argus, Mahalia la sauvageonne qu’il a recueilli et devenue son amante, Requiem, Asiate borgne devin et conseiller du gouverneur, l’arbitraire paranoïaque Rubi O.Sessé, un despote caricatural – on n’en est qu’au cinquième du livre, et toujours s’étoffera et se précisera l’univers du narrateur.
« Le bossu était en somme un camelot des mers, vague regrattier des songes, plus pourvoyeur que messager, Mercure aux ailerons ossifiés sur l’épaule. »
Autres récurrences significatives, l’oubli, le somnambulisme, la recherche d’un contact extraterrestre, l’Allemagne vaincue près la Seconde Guerre mondiale, des statues (notamment tombées du ciel), la vodka verte, la relation entre expansion/inflation/dispersion et gravitation/attraction/accrétion dans le cosmos, assujétissements et liberté, dualité et unité, la Vénus d’Arcturus (une mystérieuse constellation intime), le professeur Rubio Zwitter, qui traite son « amnaphasmie », syndrome rare d’"amnésie fantôme", « hypermnésie spasmodique », « de type écliptique ».
La structure fragmentaire ne permet qu’une lecture discontinue, mais une certaine continuité est souvent perceptible d’une bribe à l’autre, traçant un récit narratif qui reconstitue peu à peu la mémoire éparpillée du sujet, à la recherche de son identité et du nom de celle qu’il aime.
Le séquençage en courts paragraphes à la fois déroute le lecteur et facilite sa lecture.
Cahier de notes éparses qui sont parfois des épisodes d’aventure vécues (quelquefois reprises plus loin), de brefs contes, des esquisses narratives laissées ouvertes, des notations scientifiques (principalement de mécaniques céleste et quantique), des anecdotes historiques, des réflexions philosophico-métaphysiques, des hypothèses métaphoriques qui interrogent la réalité, elles émaillent le développement de l’histoire, elle-même confondue à sa conception, à la fois genèse cosmique et littéraire, création totalisante de l’univers et du livre.
« Le philtre de Tristan et Yseult dure-t-il par-delà la vie ? Une idée absurde me vient : écrire un livre pour ramener au monde l’être perdu, pour le ramener réellement. Un livre, en somme, pour inventer la réalité. Tout en lui devrait avoir l’étoffe inimitable des sensations. À vrai dire, il serait cette étoffe même à force d’intensité et de style. »

« Quelqu’un m’a soutenu une théorie affolante, équations à l’appui, qui tendrait à prouver que l’observation est créatrice de son objet, que l’atome n’existait pas avant qu’on l’imaginât. Et donc que l’univers ne serait que la mesure approximative des facultés humaines les plus abouties. Il se disait persuadé qu’on trouvera inévitablement ce qui est recherché avec assez de pugnacité intellectuelle. La particule inversant d’une nanoseconde la flèche du temps, par exemple. »
(Dans l’article ATOME ¶, cette « théorie » semble inspirée du principe d’incertitude de Heisenberg.)
« ATTENTE ¶ Il n’y a pas d’autre nom à notre perception du temps ; c’est la durée qui prend conscience d’elle-même. »

« AUTOSCOPIE ¶ Les psychiatres parlent d’hallucination spéculaire. En grec, scopias n’est que l’action d’observer, de s’auto-observer. Il est normal qu’on finisse par se dédoubler, par se considérer soi-même du point de vue du spectateur sur la scène simplifiée du regard. […] C’est notre condition que de tout dédoubler ; la culture, le langage humain, ne sont que l’exercice varié du double. »

« COPIE ¶ Comment s’expliquer la simultanéité non causale à distance dans la physique quantique ? Et dans la vie amoureuse ? Nous vivons peut-être dans la duplication en tout lieu, entourés d’une procession inépuisable de doubles. Dans ma solitude existe ici et là une copie intempestive de moi-même qui poursuivrait ma chimère, l’entretien d’un amour absolu que j’ignore ou qui échappe aujourd’hui à ma conscience, à ma vigilance trahie. »

« DEUX ¶ L’unité perdue, adverbe qui veut dire deux. Perdre serait se dédoubler. »
(La notion d’alter ego parcoure tout le livre ; le narrateur aurait-il eu un frère jumeau ? Lami serait-il lui-même ?)
« Le temps ne serait que la pensée des distances, la vitesse de la lumière. »

« Mon idée, peut-être indéfendable aujourd’hui, avance la simultanéité foudroyante de tous les moments et de tous les lieux d’une vie en regard d’un point tangentiel absolu situé à l’origine comme à la fin de toutes choses. Cette disparité, ce côté hoquetant et hasardeux des événements et des états de conscience dans le ressac de la mémoire, ne prouvent que notre infirmité de créature. »

« ÉVÉNEMENT ¶ Tout arrive, tout se produit, tout est événement, l’univers lui-même dans sa totalité. Mais tout, sur un autre plan, est aussi répétition. La femme que j’embrasse pour la première fois, même si je la perds aussitôt, m’enchaîne éternellement à elle. »

« HABITUDE ¶ La plupart des gens vivent cette aliénation quasi hypnotique des habitudes, à la fin système végétatif coextensif à la vie même, pathologie de la mémoire qui se sclérose en manies inconscientes. L’étymologie parle de manière d’être, d’habitus. Hormis mon goût pour la vodka, aujourd’hui brimé, je n’ai cessé de rompre avec l’automate, de rejeter l’espèce de mithridatisation de la nouveauté et du désir qui endort chacun dans la fadeur, sous les mauvais plis du quotidien. »

« HUMEUR ¶ On s’est tous dit un jour que l’univers n’était peut-être qu’une goutte de salive aux babines d’un chat, une dernière goutte de sang tombant de la tempe d’un suicidé, l’infinitésimale sécrétion d’une glande endocrine à l’origine des seins naissants d’une femelle sapajou, le tourbillon de plasma dans le conduit de l’urètre à la seconde précédant l’éjaculat d’un puceron. La géométrie n’est qu’une migraine d’insecte dans son espace mécanique. »

« HYPNOSE ¶ L’inhibition partielle du cortex qui conduit à l’hypnose – quand l’esprit se fixe sur un seul point, dans la méditation instrumentale par exemple, ou par les manœuvres d’un inhibiteur bien ou mal intentionné –, nous admettons sans mal qu’elle participe de la psychologie ordinaire. Quiconque veut persuader use de techniques d’hypnose, jeux des mains et du regard, focalisations de l’attention, usage sédatif de la répétition. Tous les hommes politiques, a fortiori les dictateurs, associent les artifices de la démagogie à la séduction hypnotique. Nous avons tous été plus ou moins victimes d’un lavage de cerveau organisé à travers les trois phases de toute éducation : un long isolement psychologique conduisant à la perte de personnalité, l’interrogatoire intensif provoquant la confusion et l’angoisse en même temps qu’un état de suggestibilité aigu, puis enfin la conversion aux valeurs de l’ennemi par le moyen d’une confession tous azimuts qui pousse le sujet à se soumettre corps et âme à ses tourmenteurs pour obtenir le pardon et accéder à la rédemption communautaire. En Allemagne, préparé par l’hygiénisme scout, l’esprit de revanche et le naturisme wagnérien, c’est tout un peuple qui aura subi la double contrainte de l’hypnose et du contrôle de la pensée. À la fin de la guerre, des millions d’Allemands en état de choc, abandonnés à leur inhibition, auront régressé dans l’angélisme ou la névrose obsessionnelle. »

« On sait que les champs électromagnétique et gravitationnel ne sont que deux états transitoires de l’univers, lesquels permettent la perception humaine. Si l’atome (la matière donc) n’existe qu’au moment où il change, tout le réel se profile sur les instants de changement, le monde sensible n’est qu’un froissement de l’éphémère sur fond de néant. »

« PHÉNIX ¶ L’univers parvenu à un seuil d’expansion tel que la désintégration de la matière devient désintégration de l’espace-temps : le champ euclidien existe-t-il encore sans ces repères gravitationnels que sont le point et le centre ? Mais l’univers crée sa forme. L’annihilation de la masse équivaut à la disparition hors l’espace-temps. Disparu hors de lui-même, tout recommence. Tout recommence à l’instant de désintégration car l’absence d’espace recrée à tout instant le point zéro. Pourquoi, alors qu’on admet le concept magique d’inflation, voudrait-on que le Big Bang, pour se répéter, ait besoin de récupérer l’univers comme masse ? Toute matière naît d’un déséquilibre quantique et non d’une quantité au sens classique. L’éternel retour ne se négocie avec aucun dieu, ni aucune causalité. Tout renaîtra, tout ne cesse de renaître. Et l’instant n’est autre que les mille recommencements surimposés de l’univers à cet instant de ma conscience : une statue éternelle et instantanée à laquelle une infinité d’autres succéderont dans toutes les poses imaginables. »

« TECHNIQUE ¶ L’intelligence automatisée de la technique, vraie pensée d’esclave, a depuis longtemps perdu l’innocence de l’instrument. Un moyen n’est jamais gratuit puisqu’il résulte d’une intention. Il m’a toujours semblé que la science aurait pu emprunter d’autres directions, dissemblables, si notre morphologie, nos sens et nos désirs eussent été autres, qu’elle obéit à des tropismes inconscients afin de rejoindre et de magnifier, en comblant la distance entre rêve et réalité, l’imaginaire humain spécifique. Il m’arrive de penser que la téléphonie sans fil est venue dédouaner un phénomène occulte comme la télépathie par une sorte de fatalité. La technique nous sauve in extremis de l’irrationnel. À la fin, on pourrait créer Dieu, le bricoler plutôt, aboutir aux preuves objectives de son existence. Au fur et à mesure de sa progression, la technique invente le monde. Elle devient l’invention du monde (qu’elle remplacera sans doute un jour dans l’exil virtuel définitif). L’au-delà du quark et la valeur du spin, moment angulaire interne de la particule, voire de l’incertain graviton, surgissent comme par miracle à la croisée de la théorie et de la sophistication de l’instrument. Avec une conviction entière et des moyens adéquats, l’homme pourrait créer l’objet de son désir. Le rêve n’est qu’une étape. »

« THÉORIE ¶ Complice avec l’étymologie, voici un spectacle qu’on se donne. Plus les sciences exactes perdent pied, plus la théorie prospère. On pourrait même imaginer un nouveau genre qui concernerait scientifiques, philosophes, romanciers et schizophrènes : la théorie-fiction. »

« TRIBUNAL ¶ Je n’eus pas droit à un vrai jugement. Le Coroner après son enquête me livra à une sorte de greffier d’assises d’une corpulence éléphantesque qui semblait avoir dévoré jurés et magistrats avec tous les dossiers d’instruction. Deux gardes civils me poussèrent jusqu’à la prison. Aux pires heures de l’Inquisition, même les rats et les insectes avaient droit à un procès avec écritures, avocats et comparution de témoins. Pour convaincre les animaux nuisibles de collusion avec Satan, les tribunaux civils ou sacerdotaux multipliaient les audiences. Le juge Barthélemy de Chasseneuz, en Bourgogne, rédigea l’ordre d’accusation contre les hurebers, sauterelles venues de l’Inde qui dévastaient les vignes, et leur intima l’ordre de comparaître. Le vin étant un don de Dieu, les sauterelles péchaient contre lui. Et preuve que la loi primait l’arbitraire, une contestation de l’application du droit canon par le tribunal séculier entraîna des échanges d’arguties pendant des semaines. Un verdict de bannissement à l’encontre des sauterelles sera pour finir lu dans les vignobles par les juges en grande tenue. On connaît aussi maints procès de chenilles, sangsues, escargots, porcs, hannetons, lapins de garenne avec assignation officielle et protection de corps pendant le difficile trajet des campagnes à la ville où se tiennent les tribunaux. À Mayence, la défense parvint à faire relaxer les mouches comme mineures au moment des faits incriminés. On leur accorda un droit de séjour limité. Au Brésil, les fourmis d’un couvent franciscain furent accusées de vol caractérisé et jugées selon l’esprit de saint François : nos sœurs les fourmis furent convaincues de quitter le couvent. »

« Pour moi l’univers est fermé comme une bétonnière qui tournerait à vide. »

« Sigmund Freud avait tout motif de remplacer impitoyablement le mot amour par celui de transfert et de considérer la pensée comme un substitut hallucinatoire du désir. »

« VAGUE ¶ Dans quelle trappe suis-je tombé ? Rien ne m’occupe aujourd’hui que le mouvement des vagues. Cet ondoiement léger porte un liseré d’écume sur la grève. J’y vois comme une écriture renouvelée, ligne après ligne, d’un gris tremblé le long des côtes. »
À la moitié du livre, la belle Azralone répond trente-huit ans plus tard à son souhait d’enfant (un appel intersidéral à partir d’un poste à galène), foudroyante prise de contact avec Arcturus à trente-huit ans années-lumière ; au cours de ses observations astrales, il découvre la planète Katléïa, et prend place le personnage d’Adolf Manthauneim l’idiot du village fasciné par le nazisme, homme à tout faire et prodige de calcul mental. Au trois-quarts du livre, le narrateur est emprisonné à la maison d’arrêt d’Orlon (sur l’île Savante, où le bagne initial devint léproserie avant d’être la prison de l’archipel), accusé par le Coroner du meurtre de Lami dans la nuit de la Sainte-Ambroisie ; il va être pendu par le bourreau, M. Pantoire.
Ce texte est certes long – mais qui pourrait certifier que telle partie éventuellement "retranchable" n’y a pas sa place ? Et l’énigme n’en est que plus intrigante… J’ai tenté sans succès de faire un rapprochement (parmi beaucoup d’autres possibilités) entre le monde stellaire et le microcosme de l’archipel… un absorbant casse-tête !
Une pertinente mise en abyme : le narrateur enfant qui recompose le grand miroir brisé peu après la mort de sa mère…
« Tout devint puzzle bousculé pour moi, images d’images, mondes débâtis. Et c’est mon esprit qui s’étale aujourd’hui en morceaux. Saurai-je jamais en rapprocher l’unité et la forme ? »
J’ai particulièrement apprécié l’exploitation imaginative des récentes découvertes scientifiques, sources d’émerveillements dont il est trop rarement tiré parti en littérature ; c’est particulièrement vrai de la physique quantique, si difficile à se figurer.
Dictionnaire (ou encyclopédie) d’une vie, mémoire recomposée, constituée comme un puzzle par Haddad, qui ne perd jamais le fil conducteur dans les digressions qui n’en sont guère, jouant de registres allant du poétique à l’épique en passant par l’érotique, c’est une véritable « vision totale du monde » (Weltanschauung).
D’une lecture passionnante, ce fabuleux roman m’a ramentu (par moments et pour des motifs différents) certaines structures issues de l’OULIPO, Là où les tigres sont chez eux de Blas de Roblès ou même L'Encyclopédie du savoir relatif et absolu de Bernard Werber, aussi Marelle de Cortázar, Locus Solus de Raymond Roussel ainsi que les œuvres de Novalis et de Tournier, également les errances et naufrages d’Ulysse.
J’ai déjà lu Haddad dans Perdus dans un profond sommeil, lorsqu’en son temps je me suis intéressé au courant de la Nouvelle Fiction, découvrant ainsi Frédérick Tristan avec Les Égarés, La Cendre et la Foudre, Le fils de Babel, Le singe égal du ciel, Un monde comme ça, L’Énigme du Vatican), le sinologue Jean Levi avec Le coup du Hibou (sur les aspects du pouvoir), Georges-Olivier Châteaureynaud (Newton go home! et Au fond du paradis) et François Coupry (Le Rire du pharaon) ; il y a de nombreuses pépites dans ce courant (méconnu ?) qui fait la part belle à l’imaginaire en interrogeant son rapport au réel : il me faut l’exploiter davantage !

\Mots-clés : #aventure #contemythe #fantastique #identite

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Message par Bédoulène Sam 12 Nov - 16:01

ne le connais que de nom, ce livre me paraît complexe. (et j'étais persuadée que l'auteur avait un fil, oubli rattrapé donc)

_________________
“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia



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Message par Tristram Sam 12 Nov - 16:04

Oui, le qualificatif de "complexe" est assez justifié !


Dernière édition par Tristram le Sam 12 Nov - 16:09, édité 1 fois

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Message par Bédoulène Sam 12 Nov - 16:07

ok !

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Message par topocl Lun 14 Nov - 16:31

Bon, j'ai comme eu une injonction à lire ce bouquin, mais ce sera non.
D'abord, "complexe", j'ai déjà donné hier et ça n' a pas été une réussite.
De deux, ce genre de petits bouts lié à l'esprit dictionnaire, comme des mini-nouvelles accolées par ordre alphabétique, je sais d'avance que ce ne sera pas pour moi.Mais rien ne t'empêche pour autant de te régaler avec Manhattan blues, Tristram.

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Message par Tristram Ven 6 Jan - 11:41

Un rêve de glace

nature - Hubert Haddad Un_rzo11

Ancien étudiant en médecine devenu gardien de la morgue (« cette région quasi boréale où le froid protège la plus étonnante statuaire », destinée à accueillir les « générations de cadavres à venir »), le personnage principal, de surcroît nécrophile, morphinomane et amateur de grand froid (aussi frigoriste !), est aimanté par le souvenir de sa mère Élénore devant leur demeure au bord de la mer, et par une belle défunte, Sandrine ; il considère celle-ci comme victime de son chirurgien, le docteur Possémé, acupuncteur qu’il hait (ou de Linda, l’anesthésiste qui le fournit en drogue pour le retenir près d’elle). Bizarre, il devient vite énigmatique, comme lorsqu’il évoque les « arcanes de l’Ordre des glaces ». Il tombe amoureux d’Eva, la jeune femme suicidée de Possémé, et emporte son beau corps pour lui éviter l’autopsie et le perpétuer par le froid ; il découvre qu’elle est morte en fait de piqûres dans le cœur, et se réfugie avec elle dans sa maison d’enfance bretonne.
Sous les auspices de Dante (citation liminaire), Haddad déploie un style raffiné, ton teinté d’un léger archaïsme tel un effluve de fantastique romantique empreignant ses précises descriptions et ses suggestives ombres, avec des images comme « le ventre aux courbes inévitables ». Me sont revenus à l’esprit, avec plus ou moins de pertinence, L'Ève future de Villiers de L'Isle-Adam, Les Diaboliques de Barbey d'Aurevilly.
« Un merle se posa, tache d’encre sur la neige. Son bec jaune fouillait le sol en quête de subsistance. Il sautilla longtemps de gauche à droite, traçant un curieux réseau de signes comme si la tache se mêlait d’écrire. L’oiseau affamé essuya son bec et continua son ballet souffreteux, égrenant, comme une boîte à musique à bout de ressort, les notes tristes de son chant d’hiver. »

\Mots-clés : #mort

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Message par Bédoulène Ven 6 Jan - 16:28

fait froid glacial !

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Message par Tristram Mer 8 Mar - 12:28

La Cène

nature - Hubert Haddad La_czo10

Marquès, reporter alcoolique et athée, accompagne une équipe de rugbymen brésiliens, étudiants catholiques de bonne famille, comme leur Fokker s’écrase à quatre mille mètres sur les Andes, entre Lima et Buenos Aires, où Marquès espérait retrouver Isabel.
« Chrétiens aux larges épaules, construits à l’échelle de Dieu, ils représentaient l’élite catholique du jeune Brésil formée dans un respect martial du credo. »
Les survivants souffrent du froid, de la faim ; ils piétinent vainement une grande croix de signalisation. Lui plaide pour descendre dans la vallée, tandis que les autres prient, attendant le salut du ciel. Il se confronte aussi à eux qui, par opposition au suicide, se refusent à euthanasier le pilote agonisant, incarcéré dans son cockpit.
« La plupart portaient des sortes de casques transparents bricolés à l’aide des plaques de mica qui protègent les hublots des radiations. Ils se découvrirent pour boire l’eau bouillante de la cuvette et leurs visages éclairés par les flammes semblaient figés sous les fards. Chacun s’était enduit la peau avec les cosmétiques et autres produits trouvés dans les sacs de voyage. »
Au bout d’une semaine, l’équipe décide de manger les morts, à grand renfort d’autojustifications. Marquès s’abstient, se sustentant d’excréments.
« Jésus a rompu le pain et tendu le calice aux apôtres. Il leur a dit de sa bouche mortelle : « Prenez et mangez, ceci est mon corps qui sera livré pour vous, buvez-en tous, car ceci est mon sang, le sang de l’alliance. » Voilà ce qu’a dit notre Seigneur à la veille du supplice. Écoutez sa parole : « En vérité, en vérité, je vous le dis, si vous ne mangez la chair du Fils de l’homme et si vous ne buvez son sang, vous n’avez pas la vie en vous. Ma chair est une vraie nourriture et mon sang est un vrai breuvage. » Le Christ est mort pour que nous vivions ! Les apôtres ont bu et ont mangé à la très sainte table pour accéder à la vie éternelle…
Ne pas manger serait un suicide et le suicide est le péché des péchés ! »

« Une cordée retourna en chasse : on remonta d’un précipice le corps pétrifié du séminariste. Sur la dépouille dénudée, le rasoir frôla les chairs meurtries. L’ongle d’acier découvrit les arêtes brisées des os. De la poitrine, jaillirent les organes sirupeux et luisants comme des crânes de nouveau-nés. Les athlètes s’accroupirent et Rodriguez distribua les parts. Ils se passèrent le foie dégelé à l’eau tiède, fruit précieux qui jutait dans les mains. Chacun y mordit à son tour comme l’aigle de la légende. Sébastien tombé de la croix, le séminariste gisait en chien de fusil sur la neige, les os en flèches, clavicules et condyles tranchant les lambeaux de chair. Son visage remodelé au gouffre souriait, extatique et sans âge. »
Après sept semaines, deux hommes se lancent dans la descente, et douze autres rescapés seront ainsi sauvés.
L’Église cautionne la « communion des vivants et des morts » qui permit de survivre à ceux qui sont alors considérés comme des héros.

L’histoire est bien sûr tirée du drame de la cordillère des Andes du 13 octobre 1972, dont on a beaucoup parlé à l’époque (quarante-cinq personnes à bord, trente-trois survivants le premier jour et seize à la fin).
Dans sa postface, La Cène ou le dernier festin des cannibales, Haddad interroge sur les limites de l’humanité.
« En exhumant le seul vrai héros de l’aventure, vite oublié par les survivants mais dont les premiers témoignages tiennent compte, sous la figure à demi fictive d’un reporter, lequel refusa jusqu’au bout de manger la chair humaine, j’ai tenté d’élever le fait divers à la parabole : cette poignée d’hommes en détresse caricature le destin d’une certaine forme cannibale et suicidaire des civilisations livrées au capitalisme sauvage, à l’ostracisme calculé des plus faibles, à la mise en coupe des ressources vitales, et pour finir à l’usage hypnotique des médias. »
Malhabilement emphatique par moments, et trop évidemment à charge sur le fond, malgré de superbes (et parfois horribles) descriptions.

\Mots-clés : #historique #mort #religion

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Message par Bédoulène Jeu 9 Mar - 19:03

réflexion

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Message par Tristram Ven 26 Mai - 12:48

Palestine

nature - Hubert Haddad Palest10

Par un concours de circonstances imprévues, un soldat israélien est capturé par un commando palestinien à l’insu de Tsahal et survit (et en prime il a perdu la mémoire). Il est recueilli par Asmahane, une aveugle, et sa fille Falastìn ; il ressemble au fils et frère disparu, et elles le font passer pour lui.
Devenu Nessim, il erre dans Hébron et alentour, vivant l’abjecte oppression israélienne, ce qui donne un panorama assez approfondi de la condition palestinienne, avec des points de vue arabes mais aussi juifs (et un rejet assez consensuel des « internationaux »). Une étrange attirance mutuelle lie Nessim et Falastìn. Recueilli dans une faction combattante, grâce à un passeport israélien (le sien !) Nessim-Cham se rend à Jérusalem, où il est muni d’une ceinture explosive.
« Tu détisses chaque nuit le temps passé pour garder l’âge de ton amour, tu es comme la reine qui défait son métier. Personne ne reviendra, mais tu restes pareille à ton souvenir. Tes yeux usés de larmes ne voient plus que l’image ancienne… »

« Dans la lumière verticale, les champs d’oliviers ont un tremblement argenté évoquant une source répandue à l’infini. L’ombre manque à midi, sauf sous les arbres séculaires aux petites feuilles d’émeraude et d’argent, innombrables clochettes de lumière au vent soudain et qui tamisent le soleil mieux qu’une ombrelle de lin. À l’est d’Hébron, du côté des colonies et au sommet des collines, ils ont presque tous été arrachés, par milliers, mis en pièces ou confisqués, sous prétexte d’expropriation, de travaux, de châtiment. »

« C’est écrit, ma fille. L’occupant se retirera dans un proche avenir pour ne pas être occupé à son tour. Simple question de démographie. »
Ayant un peu fréquenté Israël, Cisjordanie et bande de Gaza, j’ai retrouvé dans ce livre cette Histoire en marche de nos jours, une colonisation qui ne cache même pas son nom. Et le destin de Nessim-Cham souligne peut-être le déchirement de peuples pourtant si proches, où la répression humiliante mène à la haine qui conduit aux pires extrémités.

\Mots-clés : #actualité #colonisation #conflitisraelopalestinien #contemporain #guerre #politique #segregation #terrorisme #violence #xxesiecle

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Message par Quasimodo Ven 26 Mai - 15:23

Merci pour ton commentaire, l'auteur et le sujet m'intéressent beaucoup, je vais me mettre en quête de ce livre.
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Message par Tristram Ven 26 Mai - 15:30

Il y a une part très réaliste dans ce bref roman, et aussi une dimension que je ne sais trop comment définir, mais assurément douloureuse. Ton propre avis serait le bienvenu, Quasimodo !

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Message par Bédoulène Ven 26 Mai - 15:32

merci Tristram, la colonisation s'arrêtera-t-elle un jour ? mais rien ne sera rendu je crains.

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Message par Albert Lun 7 Aoû - 21:37

J'ai découvert Palestine grâce à ce forum et c'est une belle découverte. Cette impossibilité à trouver une solution entre les idéalistes de chaque côté qui rêvent de paix et de compromis, et qui se font massacrer par leurs propres camps, les kamikazes qui tuent sans se préoccuper de ce qui adviendra après pour leurs proches, la stupidité de jeunes soldats qui n'ont que mépris pour les colonisés et agissent avec la perversité des colons, et enfin, tous ceux qui essaient de survivre sans y parvenir. Un petit livre qui ne cherche pas à démontrer, seulement à témoigner.

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Message par Tristram Ven 15 Sep - 12:48

Géométrie d'un rêve

nature - Hubert Haddad Gzoomz10

Un vieil écrivain solitaire s’est installé dans le Finistère ; toujours marqué vingt ans plus tard par son amour pour Fedora, une soprano, ce narrateur décide d’écrire son journal, et sa propre vérité.
« Mais je n’ai d’autre alternative aujourd’hui que le mutisme ou la confession. Et me taire serait une sorte de noyade. Glissant en aval du temps qui me reste, je commence avec ces pages un exercice inédit et quelque peu saugrenu : tenter de garder la tête hors des eaux mortes du quotidien, bien autrement que par la fiction. »
Il note donc réflexions, méditations, souvenirs, scénarios d’œuvres de fiction, citations littéraires et philosophiques, ses rêves et son quotidien.
Sa mère morte juste après sa naissance, rejeté par son père gendarme, il fut élevé par Elzaïde, sa grand-mère maternelle, conteuse aussi imaginative qu’analphabète qui lui inculqua « les vertus conjuguées de la fable et de la métaphore » ; mais ce qui le hante surtout, c’est Fedora, sa maîtresse pendant des années, dont il ne partagea que des jours, jamais les nuits.
« L’absence initiale de mère, de cette lumière penchée qui vous sauve de l’ordinaire indifférence des choses, aurait pu m’écarter de l’espèce humaine, faire de moi une sorte de monstre, si deux ou trois substituts femelles n’avaient parié sur la félicité de l’orphelin. »

« Je n’ignore pas quelle fonction compensatoire ont pour moi ces pages. Pouvoir écrire cent fois le nom de Fedora est une manière de l’invoquer, comme le derviche qui se remplit des cent appellations d’une divinité absente. En moi sont inscrites et foliotées toutes nos rencontres, seule lecture d’inestimable valeur dans une existence livrière. Pourtant notre relation se détache de la pleine mémoire et dérive entre des banquises d’oubli, sur fond d’énigme. »
Fedora fut une femme sensuelle, passionnée et secrète, que son portrait range avec les grandes héroïnes de la littérature.
« Elle s’enroula contre moi pour m’avaler dans les sucs de la plus violente séduction. Je repris le dessus au fond d’une ottomane drapée de satin à motifs géométriques. Les seins de la cantatrice, splendides fuseaux oscillants comme des têtes de cobra, furent ma première découverte. Une gorge dénudée peut changer un visage : le masque de Fedora tomba sur cette morphologie éclatante de sphinge peinte par Franz von Stuck. Outre les épaules et la roseur poivrée des aisselles, je ne vis rien d’autre de son corps, trop aveuglément perdu en elle ce jour-là, trop effrayé par mon propre désir. Ses doigts avaient délacé tous les linges et mis crûment en jonction chairs et organes. Elle haletait et râlait, la tête renversée, les mamelons tendus sous mes lèvres. À ce moment de douceur paroxystique, j’aurais sans doute pu la tuer si elle me l’avait demandé dans une langue intelligible. Cambrée à se rompre, battant ma face de sa chevelure, elle gémissait des paroles sans suite, elle les criait. Ses yeux fixaient le plafond, égarés, puis revenaient à moi dans un éclair d’imploration ou de fureur. Fedora perdait prise au point de ne plus m’identifier. Il n’y avait plus de distance pour elle entre possession et douleur, folie et sommeil. Jamais n’aurais-je imaginé que l’amour physique puisse être une pareille culbute dans le néant. »
Par petites touches, on apprend qu’il a vécu à Kyoto où il fut l’amant d’Amaya, fille tatouée d’un yakusa, qu’il a connu la prison, fut marqué par une expérience d’asphyxie aux gaz d’échappement dans son enfance, et qu’il se sent fort proche d’Emily Dickinson. Son seul succès éditorial aura été Tallboy, l’histoire de Ludwig, jeune Allemand seul dans un blockhaus de la côte normande en 1944, qui « ne connaît rien de son histoire que les poètes et les musiciens ». Il est aussi fasciné par le destin du Maître de Lassis, mystérieux artiste peintre vivant retiré au voisin château de Fortbrune avec sa fille Aurore et une servante, morts brûlés par les nazis ainsi que toute son œuvre. Il fréquente un peu le vieux père Adamar, organiste dont le frère fut un « malgré-nous » de l’Alsace-Lorraine annexée (incorporé de force dans la Waffen-SS – et devenu un héros nazi).
À propos de Lavinia, la bibliothécaire du proche village de Meurtouldu, qui possède son livre, la Verseuse du matin (et bel échantillon du style de Haddad dans ce roman) :
« Elle parlait avec une liberté d’intonation très musicale, en sopraniste du chuchotement. J’avais remarqué sur la lande le feu intense de ses prunelles. Il me semblait découvrir ses traits après cet éblouissement, et la courbe opaline d’une nuque cernée de flammèches d’un blond cendré. Une telle grâce émanait d’elle que je me sentis transporté vingt ans en arrière, dans la cité des Doges, en plein hiver. Le sujet de la nouvelle-titre m’avait été en effet inspiré par une rencontre des plus énigmatiques, retour de la piazza San Marco, sur le pont des Déchaussés où les masques du carnaval rentraient par cohortes trébuchantes, aux premières lueurs de l’aube. J’étais revenu trois mois plus tôt du Japon avec une nostalgie de jade et de laque dont j’espérais guérir à Venise, la plus nippone des cités d’Europe. L’amour, cette religion de la volupté, m’avait rendu quelque peu mécréant, mais je rêvais d’union fidèle comme tous les jeunes gens qui suivent le premier jupon. Perdu dans la ville en fête, sans autre masque que ma mine de pierrot lunaire, j’avais longtemps erré d’un pont l’autre entre les canaux et les palais illuminés qui mêlaient leurs feux dans le remous. Cette mosaïque d’architectures flottantes, mirage sur la lagune, avec ses stylites à tête de lion et ses temples barbares, n’évoquait rien pour moi du grand art de Véronèse ou de Titien. Sans affinité pour cette vie adorablement futile, je déambulais en exclu des vertus attractives qui, selon Chateaubriand, "s’exhalent de ces vestiges de grandeur", quand, au petit jour, depuis le pont des Déchaussés, je la vis sur le quai du Grand Canal : accroupie sur une marche qui touchait la vague, les jupes relevées au-dessus des genoux, elle remplissait un récipient de verre, vase ou carafe, aussitôt reversé dans l’eau noire. Le soleil venait de se lever sur les dômes et les campaniles, laissant encore dans la pénombre les embarcadères ou la robe des ponts. Le carnaval s’était vite essoufflé dans ce quartier populaire et seuls quelques vagabonds traînaient le long des appontements. Je mis peu de temps à rebrousser chemin pour descendre sur le quai. La jeune femme reversait toujours l’eau du canal, la tête penchée, avec une grâce presque terrifiante. Le soleil inonda bientôt ses belles mains et ce fut une révélation : c’était elle, la Verseuse du matin ! Je sentis pour la première fois en moi l’exaltation un peu vaine de l’inspiration, pure émotivité projetée dans l’inconnu. La Vénitienne était probablement folle, et reconnue pour telle par les riverains, mais elle restera pour moi cette prêtresse des eaux qui me fait irrésistiblement penser, quoique à l’opposite, dans l’effroi d’une naissance matutinale, à l’allégorie des Mémoires d’outre-tombe : "Venise est là, assise sur le rivage de la mer, comme une belle femme qui va s’éteindre avec le jour ; le vent du soir soulève ses cheveux embaumés ; elle meurt saluée par toutes les grâces et les sourires de la nature." »
Il y a aussi « l’ami Jean » de son enfance au bord de la Marne, Else, sa belle-mère allemande, qui lui donna ses premiers émois sexuels, une certaine Blandine Feuillure de La Gourancière, sa « lectrice cannibale » qui enquête sur les sources biographiques de son écriture, Vauganet, autre piètre écrivain, ses personnages qui vivent toujours en lui, et surtout ses songes, ses insomnies et ses paralysie du sommeil.
Quelques extraits caractéristiques :
« Dans sa très vibrante aphasie, la musique peut être cette forme autistique d’expression qui sauve par manière d’indicible repli. »

« À chaque fois que je prends la plume, je repense à l’inconnue du canal Saint-Martin : nous ne faisons rien d’autre, écrivant, que de vider les étangs pourrissants de la mémoire dans l’espoir de mettre à nu un destin perdu. »

« Je me récrée sacrément, en romancier repenti, de la totale liberté formelle que permet le journal intime : aucune obligation de chronologie, pas de descriptions intempestives ni d’usage industrieux de la psychologie. La vérité flottante de ma vie, succession de bouts d’errances et de paralysies, m’apparaît comme un cercle de figures plus ou moins floues qui avancent et se dérobent, avec l’air d’une foule déchaînée en mal de lapidation ou, tout au contraire, l’aspect plutôt aimable d’une ronde agreste. »

« En vérité, mon émotion de cardiaque ressemble fort à un coup de foudre. Celle-ci ne peut tomber qu’au même endroit de la mémoire, réveillant sans fin d’autres émois. Mon regard traverse le voile charnel du vivant et appelle l’ombre qu’il dissimule – folle incantation ! »

« Je me disais en l’observant que la critique universitaire est l’exercice le plus ingrat d’appropriation et de subordination de la liberté humaine. Nous écrivons des romans pour échapper aux aliénistes du langage comme à toute forme de réduction savante. »

« La vie est une succession de figures fractales qui s’ordonnent en destinée. »
Érudition et imaginaire, existentiel et songe, c'est toute une mémoire qui tente de se perpétuer. Une belle œuvre, où des signes semblent s’organiser en échos pour faire sens (l’Allemagne, la musique, l’amour, etc.), et où tout ne sera pas élucidé.

\Mots-clés : #amour #creationartistique #deuxiemeguerre #journal #lieu #musique #reve #solitude

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Message par Bédoulène Sam 16 Sep - 9:55

merci Tristram, commentaire engageant

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Message par Tristram Lun 5 Fév - 10:19

Opium Poppy

nature - Hubert Haddad Opium_10

Camir, Centre d’accueil des mineurs isolés et réfugiés : Alam l’Afghan de onze-douze ans est parmi les autres (dont Diwani, rescapée tutsie), et doit apprendre une nouvelle langue, une société autre.
« Grands et petits, ceux du Mali et du Congo, ceux du Pakistan, les Kurdes d’Anatolie, les réfugiés blêmes du Caucase, tous les élèves se dressent d’un seul bond, comme affranchis d’une chape d’indignité, et recouvrent dans les couloirs les allures flottantes du désarroi. »
Kandahar :
« Mais elles voulaient apprendre à lire et à calculer. Chaque jour, elles repartaient gaiement au lycée. Un matin, des garçons en moto leur ont coupé le chemin. Ils ont soulevé leurs voiles. Avec des pistolets à eau, comme pour jouer, ils ont arrosé leurs visages. Alam griffe la purée de sa fourchette. Il soupçonne avec effroi un vague lien entre son assiette et les dérives de son esprit. Les belles jeunes filles, il les imagine tête nue, les cheveux brûlés, la face sanguinolente et déformée comme un derrière de singe. Le vitriol efface d’un coup la rosée miraculeuse des visages. Il n’y a plus personne dans la maison du souvenir… »
Alam est en fait l’Évanoui (Alam le Borgne est son frère aîné) ; il a vécu au village de montagne, puis en ville.
« Sa vie jusque-là s’était partagée entre les maigres pâtures, les champs de pavots et son village à l’aspect de ruines exhumées ; tant que les insurgés se terraient dans leurs repaires, l’appel du muezzin et la traite des brebis suffisaient à rythmer les jours. »
Parvenu en France, il s’évade du Camir dans Paris, et côtoie les divers sans-abris et migrants.
« On part découragé, en lâche ou en héros, dans l’illusion d’une autre vie, mais il n’y a pas d’issue. L’exil est une prison. »
Une belle description des ruines urbaines de la zone des Vignes où se réfugient les marginaux, souvent délinquants.
« Une glaciale impression de déshérence s’étend sur cette zone où le piéton ne s’aventure qu’une fois fourvoyé, croyant couper les distances entre le canal de l’Ourcq, les gares à jamais hantées de Drancy et de Bobigny, et l’immense champ de morts de Pantin où les allées ont des noms d’arbre. Nulle part, serait-ce dans les pires îlots de La Courneuve ou de Clichy, la solitude n’arbore un tel aspect de coupe-gorge sans issue. »
Retour sur son enfance (récit alterné entre l’Afghanistan et la France, ses passé et présent), qui a lieu après la première prise de pouvoir des talibans.
Son frère ainé a rejoint le Djihad ; l’Évanoui le retrouvera par hasard, deviendra enfant-soldat, et le tuera comme on l’en enjoint car il aurait trahi, et parce qu’il lui apprend être de ceux qui ont vitriolé Malalaï, sa voisine qui fréquentait l’école et son seul rayon de bonheur.
« On égorgeait et massacrait sans haine, comme les moutons de l’Aïd el-Kebir, par sacrifice de soumission à la loi. Dieu se chargeait de remplacer les fils des hommes morts à la guerre par des béliers et des chèvres couchés sur le flanc gauche aux portes du paradis, dans la gloire de l’au-delà. »
Les talibans ont entraîné l’Évanoui au combat et au martyre.
« Ce dernier était plutôt disposé au sacrifice. Lorsque les balles remplacent les mots, l’instinct de vie s’étiole avec l’espérance. Le spectacle continu des corps en souffrance, des amputés, des exécutés pour l’exemple tourne vite à la farce. »

« Rien n’échappe à la violence ; le monde n’existe plus. On égorge l’agneau et l’enfant d’un même geste. Dès qu’une femme rit trop fort ou danse avec un autre, on l’attache et l’assomme de pierres aiguës. Chaque homme est trahi par son ombre. Une hallucination guide des somnambules aux mains sanglantes d’un cœur arraché à l’autre. »
Gravement blessé, l’Évanoui a été pris en charge par la coalition occidentale et le Croissant rouge dans un camp de réfugiés dont il s’enfuit. Au terme d’un périple via l’Iran, la Turquie puis la Bulgarie ou la Macédoine et l’Italie, il atteint Paris où il est plus ou moins recueilli par Yuko le Kosovar, caïd des trafics de drogue et d’armes du squat, qui le protège plus ou moins, ainsi que Poppy la junkie.
Rendu saisissant de l’existence de réfugiés en France, et dans leur pays d’origine, ainsi que d’une jeunesse "perdue".

\Mots-clés : #contemporain #enfance #exil #guerre #immigration #jeunesse #social #terrorisme #traditions #xxesiecle

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Message par Bédoulène Lun 5 Fév - 11:31

et le sort fait aux femmes dans leur pays donc

merci Tristram

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Message par Ouliposuccion Mer 7 Fév - 8:00

Un livre que je souhaite lire depuis longtemps!
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