Philip Roth
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Philip Roth
(Source : livres.fluctuat.net )Philip Roth est un écrivain américain né en 1933 à Newark dans le New Jersey. Petit-fils d’immigrés juifs, originaires de Galicie arrivés aux États-Unis au tournant du XXe siècle, fils d'un modeste agent d'assurances chez Metropolitan Life, Philip Roth grandit dans la banlieue de New York, avant d'obtenir le succès dès son premier ouvrage, Goodbye, Columbus (National Book Award, 1960). Il crée le scandale avec Portnoy et son complexe, longue confession de son héros, aux prises avec sa judéité et ses pulsions sexuelles. Le personnage réapparaît dans nombre de ses œuvres, L’Écrivain des ombres (1979), La Leçon d'anatomie (1983) et La Contrevie (1989), romans sur l'impuissance et la frustration.
Sarcastique et lucide, Philip Roth ressasse les mêmes thèmes, le sexe, les juifs, l'autofiction, et sa psychanalyse. Dans sa trilogie américaine (Pastorale américaine en 1997, J'ai épousé un communiste en 1998 et La Tache en 2000), il opère une démythification de l'American dream, et fustige le politiquement correct ambiant. Il aborde la révolution sexuelle des années 1960 dans La bête qui meurt (2001). En 2006, il publie Un homme, qui est suivi d'Indignation (2008). Ce dernier sera adapté au cinéma en 2014 par Barry Levinson, avec Al Pacino. Il vit aujourd’hui dans le Connecticut. En octobre 2012, il annonce, lors d'un entretien qu'il arrête l'écriture et que Némésis restera son dernier roman.
Philip Roth a reçu de nombreux prix prestigieux dont le prix Pulitzer (1998, pour Pastorale américaine), le prix du Meilleur livre étranger (2000), le prix Médicis étranger (2002, pour La Tache), le prix international Man Booker (2011) ou encore le prix Prince des Asturies de littérature (2012). En 2013, il a été fait commandeur de la Légion d'honneur par la France.
Bibliographie en français :
Cycle Nathan Zuckerman
1981 - L’écrivain des ombres (the ghost writer) ; Page 6
1982 - Zuckerman délivré ( Zuckerman Unbound)
1983 - La leçon d’anatomie (The Anatomy Lesson)
1985 - L'Orgie de Prague (The Prague Orgy)
Les quatre romans ci-dessus sont réunis dans Zuckerman Bound (Zuckerman enchaîné), trilogie et épilogue
1986 - La Contrevie (The Counterlife)
1997 - La pastorale américaine (American Pastoral) ; page 2, 6
1998 - J'ai épousé un communiste (I Married a Communist)
2000 - La Tache, (The Human Stain) , Page 3
2007 - Exit le fantôme, (Exit Ghost) ; page 1
Cycle David Kepesh
1975 - Le sein (The Breast)
1977 - Professeur de désir, 1979 (The Professor of Desire) ; page 4
2001 - La Bête qui meurt (The Dying Animal) ; pages 1, 2
Cycle Nemesis
2006 - Un homme (Everyman) ; page 1
2008 - Indignation (Indignation) ; page 6
2009 - Le Rabaissement (The Humbling) ; pages 1, 3, 4
2010 - Némésis (Nemesis) ; page 1, 4, 5
Romans indépendants
1962 - Laisser courir, 1966 (Letting Go) (2 tomes) ; page 1
1967 - Quand elle était gentille (When She Was Good)
1969 - Portnoy et son complexe (Portnoy's Complaint)
1971 - Tricard Dixon et ses copains (Our Gang)
1973 - Le Grand Roman américain (The Great American Novel) ; page 1
1974 - Ma vie d'homme (My Life as a Man)
1990 - Tromperie (Deception) ; Page 6
1993 - Opération Shylock, la Confession ( Operation Shylock) ; page 1
1995 - Le Théâtre de Sabbath (Sabbath's Theater)
2004 - Le Complot contre l'Amérique (The Plot against America)
Mémoires et essais
1975 - Du côté de Portnoy et autres essais (Reading Myself and Others)
1988 - Les Faits. Autobiographie d'un romancier (The Facts: a Novelist's Autobiography), Page 5
1991 - Patrimoine: Une Histoire Vraie (Patrimony: a True Story), Page 3, 6
2001 - Parlons travail (Shop Talk: a Writer and His Colleagues and Their Work)
Recueil de nouvelles
1959 - Goodbye, Columbus ! Page 6
L'habit ne fait pas le moine suivi de le défenseur de la foi (recueil de deux nouvelles extraites de Goodbye, Colombus) ; page 1
(liste reprise sur Wikipédia, sans doute à mettre à jour)
màj le 05/08/2024
Cliniou- Messages : 916
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Re: Philip Roth
J'ai accroché à fond à ce petit livre qui nous raconte une descente aux enfers dans un texte d'une cohérence et d'une efficacité remarquables. Simon Axler, acteur reconnu à qui tout réussit, sent brusquement le sol s'effriter sous ses pas à l’âge de 63 ans. Ses certitudes, son aptitude à jouir de la vie et à se rendre excellent, laissent la place à un questionnement existentiel mortifère. Il se croit sauvé quand il rencontre Pegeen, une jeune femme compliquée qui lui redonne le goût de vivre, l’estime de soi, le goût du jeu, l'aptitude à se projeter dans l'avenir, mais se révèle, sous ses dehors enfantins une cruelle mante religieuse. Le dégoût et le désespoir ont tôt fait de le rattraper… J'ai adoré la description de l'effondrement de cet homme à son zénith, incompréhensible pour lui-même comme pour les autres, son infantilisme et la fragilité de son égo apparaissant au plein jour. Simon s'accroche à cette idée folle de se croire sauvé par le seul fait de se payer une jeune femme dont il fait son jouet, et s’effondre en découvrant que le plus manipulateur n’est pas celui qu'on croit.
La blessure narcissique, la peur de vieillir sont décrits avec le brio habituel et l’humour de Philip Roth, une ironie tendre pour son personnage qui croyait tout avoir et se retrouve comme un enfant abandonné et désespéré. Il y a bien quelques pages où l’auteur s'est laissé aller à quelques techniques narratives un peu lourdes (un discours indirect qui enchaîne les « je lui ai demandé » et les « elle m'a dit »), quelques scènes de sexe un peu gore (mais qui finalement se justifient assez bien). Mais, une fois de plus je suis prête à tout pardonner à l’œil perçant et malicieux de Philip Roth ; (Je pardonne beaucoup moins à la traductrice Marie-Claire Pasquier –à moins que ce ne soit l’éditeur- qui n’ a rien trouvé de moins laid pour le titre que ce Rabaissement)
(commentaire rapatrié)
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Re: Philip Roth
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Bédoulène- Messages : 21635
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Re: Philip Roth
Le sergent Marx, de retour d'Europe en 1945, est affecté dans une compagnie d'instruction où il a sous ses ordres un jeune soldat juif, Sheldon Grossbart. À sa demande, Marx intervient pour que les juifs de la Compagnie puissent se rendre à la synagogue le vendredi soir. Peu à peu, il se rend compte que le jeune soldat le manipule... Dans la banlieue de New York, un jeune garçon en première année de «high school» se lie d'amitié avec deux fils d'immigrants italiens, Albie Pelagutti et Duke Scarpa, promis à un brillant avenir de gangsters. Quinze ans plus tard, il se souvient... Deux nouvelles pétillantes d'intelligence et d'humour qui démontent les rapports ambigus de la société américaine et du monde juif.
Deux nouvelles savoureuses, au style pourtant très différent. La première possède un style assez soutenu, très rythmé avec des dialogues présentes et qui apportent une dynamique intéressante, car c'est par ceux-ci que l'histoire évolue, ce qui permet de comparer cette nouvelle à un pièce de théâtre, même si la structure demeure romancée. Au début je me suis demandé ce qui m'intéressait car ce contexte de l'armée est très américain, très connoté culturellement, mais les personnages sont si complexes, et ambivalents, le style est si plaisant qu'on est transportés dans le récit et qu'on se sent spectateur de l'histoire.
La deuxième nouvelle possède une organisation plus classique, avec un style laconique, nostalgique, ce sont les descriptions qui prévalent et l'intensité des pensées du personnage principal. J'ai beaucoup aimé cette nouvelle également. Pour la richesse des détails, la méticulosité de chaque mot et de chaque personnalité. C'est précis on ressent un travail minutieux pour chaque phrase et cela fait du bien. Un très bon moment de lecture et je conseille ces deux nouvelles comme introduction à l'oeuvre de Roth, c'est court et assez représentatif il me semble de son style.
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Hanta- Messages : 1596
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Re: Philip Roth
La bête qui meurt
Que dire ?! C'est Philip Roth ! Son nom suffit. Je suis encore sous le charme et sous le choc de cette lecture que je viens de terminer. Un moment fort, je l'ai lu d'une traite, il n'est pas long mais si riche. Ce qui est incroyable avec cet auteur c'est que son vocabulaire et est simple, son phrasé plutôt classique, mais il y a un «je ne sais quoi» de magique qui nous transporte, qui nous frappe, nous heurte, nous émeut. Dans un autre style il me fait penser à Hrabal qui par sa même simplicité à décrire les plus grandes émotions était d'une efficacité redoutable. Ses personnages sont incarnés, celui là également, David Kepesh l'un de ses héros phares si je puis dire, qui ne parvient pas à quitter ce que Kierkegaard nommerait le «stade esthétique» voit d'autres personnes parvenir directement au stade «religieux» avec la difficulté que la vie peut infliger. Peu de romanciers sont capables de tenir une narration à la deuxième personne du singulier sans user de répétitions ou du mode impératif. Il y parvient. À quand le Nobel?
Hanta- Messages : 1596
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Re: Philip Roth
Bédoulène a écrit: Tu as lu les 4 livres du cycle Topocl ?
Oui, j'ai lu les quatre
wikipedia a écrit:Cycle Nemesis
Un homme, 2007
Indignation, 2010
Le Rabaissement, 2011
Némésis, 2012
Et j'avais commenté Némésis
Némésis
wikipedia a écrit:
Dans la mythologie grecque, Némésis est la déesse de la juste colère des dieux, parfois assimilée à la vengeance. Elle est aussi interprétée comme étant un messager de mort envoyé par les dieux comme punition.
Destin d’un homme, destin du monde, le dernier Philip Roth abandonne toute légèreté. C’est le constat amer d’un homme au seuil de sa vie, un écrivain dont on a l’impression qu’il a plutôt été gâté par les dieux, mais qui s’interroge : qu’est ce qui fait la valeur d’un homme, qu’est ce que le hasard, qu’est ce que la fatalité ? quel est notre responsabilité face au déroulement implacable de nos vies incertaines ? Bucky Cantor a cru naïvement qu’on pouvait prendre sa revanche sur le destin à la force des poignets, que travail, honneur et moralité suffisaient à écarter l’adversité et à nous offrir le bonheur sur un plateau. Cruelle déconvenue, histoire tragique d’un homme qui croit porter la responsabilité du monde sur ses épaules, alors que celui-ci se joue de lui, le ballote, l’égratigne, le rattrape, comme un chat avec sa souris. Et puis la grande fluidité d’écriture de Philip Roth, les habituelles scènes de sport, l’éclatement lumineux de la nature, des petites filles qui jouent à la corde au bord d’un square en chantant, très loin au loin les bruits d’une chanson sur un phono alors que Bucky s’épanouit dans les bras de Marcia. Quel talent d’écrivain !
(commentaire rapatrié)
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Re: Philip Roth
Exit le fantôme
traduit de l'anglais ( Etats-Unis) par Marie-Claire Pasquier
Neuvième- et d’après l’auteur- dernier roman mettant en scène un des doubles de l’écrivain, Nathan Zuckerman. Un Nathan Zuckerman parti se réfugier dans la campagne du Massachusetts, après avoir reçu des menaces de mort d’un fanatique religieux antisémite. Onze ans pendant lesquels il a coupé tout lien avec sa vie antérieure, ne s’intéressant plus qu’à une chose, son travail :
À tout prendre, être affranchi du besoin de jouer un rôle était préférable aux tiraillements, à l’agitation, aux conflits, au sentiment de totale inutilité et de dégoût qui, lorsqu’on vieillit, peuvent rendre moins que désirable cette grande diversité dans les rapports humains qui fait partie intégrante d’une vie riche et bien remplie. ..Je m’étais éloigné de la tyrannie de mon caractère passionné- ou peut être l’avais-je, en vivant retiré pendant plus d’une décennie, simplement cultivé avec délices sous sa forme la plus austère.
Et qui, opéré d’un cancer de la prostate, avec les conséquences physiques de cette intervention, c’est-à-dire impuissance et incontinence urinaire ( et Roth n’épargne rien à son personnage..) , souffrant aussi d’une mémoire de plus en plus défaillante, va revenir à New York pour tenter un traitement. C’est le cadre du roman, qui se situe au moment de la réélection de GWB. Après, l’histoire importe peu, finalement. Ou si, bien sûr, si on l’interprète de façon métaphorique . Mais :
Dès que l'on entre dans les simplifications idéologiques et dans le réductionnisme biographique du journalisme, l'essence de l'oeuvre d'art disparaît.
C’est bien sûr beaucoup plus que l’histoire de huit jours d'ouverture du champ des possibles dans la vie d’un écrivain qui voit disparaître tout ce qu’il était. Ouverture qui se referme vite devant la triste réalité des impossibilités physiques. Reste le fantasme dans l'écriture, mais l'écriture quand la mémoire disparaît... Parler de tout ce qu'il y a dans ce livre, d'écrit, ou de simplement évoqué, je m'en garderais bien, à chacun sa lecture. Un des thèmes abordés étant d’ailleurs une condamnation ironique de ces biographies qui recherchent à tout prix l’explication de l’œuvre dans la vie privée de l’auteur. Cependant, il s'agit d'un roman qui condense toutes les obsessions de Philip Roth, encore une fois admirable de lucidité, de finesse et d’intelligence. Mais c'est également à réserver aux inconditionnels- comme moi - c’est de plus en plus désespéré, et désespérant.
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Marie- Messages : 653
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Re: Philip Roth
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Re: Philip Roth
(Je n'ai pas encore pas "osé" attaquer le bonhomme. Souvent je l'ai tripoté en librairie. Et je l'ai toujours reposé. J'hésite... Mais je pourrais bien céder. Rah !)
Mordicus- Messages : 858
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Re: Philip Roth
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Re: Philip Roth
Arturo a écrit:. J'essaie de me garder le plus longtemps possible les derniers à découvrir (Les faits, Le grand roman américain, Patrimoine).
Pour te donner un avant-goût:
Le grand roman américain
Philip Roth nous propose un roman souvent logorrhéique, pétillant d'intelligence, à l'humour tordant, une espèce d'allégorie brillantissime de l'Amérique des années 40, mais… totalement illisible pour le commun des mortels, (dont j'ai l'honneur de faire partie). Je suis venue, j'ai lu, j'ai vaincu en lisant d'un bout à l'autre ce livre, sans sauter une page, sacrée gageure, parce que je le voulais, parce que je l'avais cherché pendant des années, parce que, bien que je puisse rester 10 pages sans comprendre un mot, j'y ai trouvé un Philip Roth déchaînant son génie créatif jusqu'au délire, pour un résultat aussi déroutant que grandiose.
Le base-ball est un sport qui soulève une nation toute entière. La Ligue Patriote dont nous parle Philip Roth n’est que pure fiction. Une ligue à laquelle appartient le club des Mundys, qui a recruté les meilleurs pitchers, les meilleurs batters, les meilleurs center-fielders, les meilleurs lead-off men (j’en passe et des meilleurs, vous voyez là que j'ai beaucoup appris) dans les années trente. Il a connu des sommets de gloire, incarné l’idéal américain de réussite ouverte à tous à condition d’avoir de la force dans les poignets, du courage, de la détermination et un minimum d'intégrité. Seulement voila : arrive la guerre, tous les joueurs dignes de ce nom un tant soit peu patriotes partent pour l'Europe, et il ne reste plus que les rebuts de la société, les garçonnets, les vieux, les manchots, les culs-de-jatte, les nains, pour continuer à courir après la petite balle… Car il faut continuer à courir, même si d’autres se battent ailleurs pour des motifs plus nobles, car, jouer, ici, c’est entretenir le moral des troupes et des populations, c'est sauver une certaine idée de l'Amérique. Et cette bande d’exclus de la terre va en outre voyager sans relâche d’un bout à l'autre des États-Unis, car, dans une opération juteuse financièrement maquillée en patriotisme, les propriétaires véreux du stade des Mundys louent celui-ci aux autorités pour en faire un casernement pour les soldats partant vers l'Europe.
Il s'ensuit une espèce de «road-movie» tragique et drolatique de notre équipe de base-ball, ces damnés de la terre qui vont courir d’échec en humiliation, bravant l’adversité plutôt que de renoncer, et croisant diverses situations toutes plus loufoques les unes que les autres, ayant affaire avec le colonialisme, le puritanisme, la corruption, l'espionnage, le maccarthysme… Comme on le voit Philip Roth s’amuse comme un fou dans ce roman éblouissant et pas politiquement correct, il jubile aussi à jouer - avec une réussite certaine - sur les mots et les lettres. J'imagine aussi que j'ai laissé passer plein d’allusions à divers grands titres de la littérature américaine, qui ne peuvent qu'amplifier le plaisir de lecteurs plus érudits que moi. Seulement voilà… Sur 480 pages, 250 environ (ou plus ?) ne parlent que de base-ball, à commencer par les 80 premières. Cela demande au lecteur, du courage, de la détermination, une certaine abnégation liée au culte Philip Roth, qui ne sont pas sans rappeler l'attitude de nos joueurs itinérants. La traductrice a la bonté de nous expliquer les grands principes du jeu dans l'avant-propos, mais c’est une tâche totalement vaine, qui n’épargne à aucun moment au lecteur cette impression d’être perdu, de ne rien y comprendre au fait qui se déroulent sous ses yeux attentifs, et qui, au demeurant ne l’intéressent guère en première analyse.
La lecture de ce roman est un chemin ardu, souvent rasoir, un chemin courageusement parcouru à la sueur de ses yeux, entrecoupé de bâillements et de lassitude.. J'ai pesté et renâclé tout le long de ma lecture, persévéré parce que je suis têtue, mais quand même plutôt souffert. Deux jours après, contente d'avoir réussi cette épreuve, j'efface les moments sportifs assommants, fastidieux et rébarbatifs, nombreux, longs et répétés (qu'on ne me dise pas que je ne vous aurai pas prévenus) et j'apprécie le côté jubilatoire, intelligent, ludique de ce roman somme toute époustouflant qui restera unique (comment faire autrement) dans l'histoire de la littérature. Je me résume: quel culot, Philip Roth! En somme, je ne recommande pas du tout ce roman, mais quelle lecture stimulante!
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Re: Philip Roth
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Re: Philip Roth
Par contre je lui pardonne moins Laisser courir qui ne m'avait pas plus plu qu'à toi:
Laisser courir
je vous mets aussi en spoiler la deuxième version du T2 chez folio dont le sens m'échappe totalement.
- Spoiler:
Ceci est le premier roman de Philip Roth, un long roman de 900 pages. Un trèèèès loooong roman. Où l'on retrouve l'humour et l'acuité d'observation de l'auteur, mais délayé, délayé , délayé. Il manque de la vivacité. Des dialogues sur des pages et des pages, tellement proches du réel qu'ils sont aussi redondants et ennuyeux que le réel. Des personnages tellement alambiqués, compliqués pour le plaisir d'être compliqués au point d'en être inconsistants, nombrilistes, vautrés dans leur incapacité à faire des choix adaptés, auxquels on n'a absolument aucune envie de s'attacher. Une intrigue qui n'apporte rien de bien neuf dans ce milieu de jeunes universitaires sans doute plus habiles à discourir sur la littérature (mais cela reste très ponctuel dans le roman) qu'à prendre leur vie en main. Bon, je ne vous le conseille pas (j'ai lu quelque part , je ne sais plus où, que Philip Roth le considère lui-même comme une erreur de jeunesse) !
(commentaire rapatrié)
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Re: Philip Roth
Arturo a écrit:(pourquoi pas essayer un de ceux du cycle Némésis pour te faire une idée, ils sont assez courts, sinon attaquer un de ses gros morceaux comme La Tache ou Pastorale Américaine)
Je note tout ça dans mon petit carnet intitulé "Les mille choses que je dois lire/voir/manger/bricoler/essayer/écouter avant ma fin du monde. Merci Arturo.
Mordicus- Messages : 858
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Re: Philip Roth
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Bédoulène- Messages : 21635
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Re: Philip Roth
Mordicus a écrit:Arturo a écrit:(pourquoi pas essayer un de ceux du cycle Némésis pour te faire une idée, ils sont assez courts, sinon attaquer un de ses gros morceaux comme La Tache ou Pastorale Américaine)
Je note tout ça dans mon petit carnet intitulé "Les mille choses que je dois lire/voir/manger/bricoler/essayer/écouter avant ma fin du monde. Merci Arturo.
un carnet devenu annuaire ? hihi
Bédoulène a écrit:J'envisage le cycle Nemesis (je n'ai lu que la trilogie - pastorale etc..., Portnoy et son complexe et Patrimoine
Fonce, je suis sûr que ça va te plaire, et tu avais aussi lu lors d'une lecture commune avec moi : Parlons Travail.
Invité- Invité
Re: Philip Roth
Un homme
traduit de l'anglais ( Etats-Unis) par Josée Kamoun
Gallimard
«Ce n'était pas lui qui serait dupe de ces balivernes sur la mort et sur Dieu, ou de ces fantasmes de paradis d'un autre âge. Il n'y avait que le corps, né pour vivre et mourir selon des termes décidés par les corps nés et morts avant nous. Son créneau philosophique à lui, si tant est qu'il en eût un, il l'avait découvert, de bonne heure, intuitivement, et, dans son minimalisme, il était indépassable; s'il écrivait un jour son autobiographie, il l'intitulerait " Vie et Mort d'un corps d'homme.»
Et c'est ce qu'est ce roman- car c'est un roman. Rares sont les romans qui parlent du corps, de sa naissance à son enterrement ( ici, à la juive, quand ce sont les familles et les proches qui comblent la fosse, et que cela prend un temps infini). Le roman commence par l'enterrement de cet homme. Et l'on remontera tout au long de sa vie, ponctuée d'atteintes physiques de ce même corps. Car si tout le monde meurt, les parcours de vie, qui sont tout sauf justes et équitables, sont plus ou moins sereins en ce qui concerne l'intégrité physique. Et lui, cet homme, n'est pas épargné. Son enfance est d'ailleurs racontée au travers d'une opération bénigne. Ses parents sont là, à côté de lui, pour lui donner du courage. Mais , au cours de sa vie, et pendant qu'il accumule les interventions chirurgicales destinées à lui permettre de survivre, il sera de moins en moins accompagné. Et il mourra seul.
Après avoir fait, avec nous, le tour des choses inachevées et des erreurs commises. Après avoir mesuré la perte de tout ce qui avait de l'importance dans sa vie, et là on retrouve les thèmes majeurs de Roth - et ses qualités pour moi- tout d'abord la lucidité sur soi-même, sur ses facultés de résignation, d'acceptation des frustrations, sa tolérance à la solitude , et les remords accumulés tout au long d'une vie. C'est sec, sans aucune concession ni auto-apitoiement. Un constat, simplement, d'un homme qui est ce qu'il est et fait face avec honnêteté:
«On ne peut réécrire l'histoire, lui dit-elle. Il faut prendre la vie comme elle vient. Il faut tenir bon et prendre la vie comme elle vient.»
Et puis je voudrais signaler dans ce livre quelques pages sur la douleur physique chronique, qui est un monde en soi, où chaque minute est une vie par ce qu'elle a d'individuel, d'intraduisible, de non-partageable, avec une renaissance dès que cette douleur cesse :
«- Vous vous trompez, vous ne savez pas ce que c'est. La dépendance, l'impuissance, l'isolement, la terreur- c'est abominable et c'est honteux. Quand vous souffrez, vous vous mettez à avoir peur de vous-mêmes. Cette aliénation absolue, c'est terrible.»
Rares sont les écrivains qui ont le courage de se pencher sur ce thème...
(message rapatrié)
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Marie- Messages : 653
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Re: Philip Roth
Opération Shylock une confession
Puisque Philip Roth ne vient plus à nous, j'ai décidé de revenir à Philip Roth. Et j'ai retrouvé avec jubilation ce roman brillantissime, drôlissime, intelligentissime :
«Le roman fournit à celui qui l’invente un mensonge par lequel il exprime son indicible vérité.»
Phillip Roth sait que l’humour , « cette force antitragique qui dédramatise les autres » est l’une des meilleures façons d’aborder les sujets graves. Il sait qu’interroger l’homme, c’est interroger le monde, et vice versa. Et ne pas forcément donner de réponses. Il sait qu'une fois que le doute est semé, l'incertitude règne. Et que de l’incertitude au chaos il n'y a qu'un pas. Dans tous ses romans, il a semé et trafiqué des éléments de sa biographie, et on ne sait jamais s'il est lui-même ou ses personnages (et vice versa). Rédigé à la première personne, Opération Shylock, une confession est un des sommets de cette autobiographie déguisée au long cours. Ce roman est un piège sans fin, complètement implanté dans la réalité du siècle (on croise Aharon Apelfeld et Woody Allen), à la fois incroyable et totalement crédible, où Philip Roth, non content de se mettre en scène, se paye le luxe de s'inventer un double. Il pose ainsi la question de sa propre identité, de sa place dans le monde, du rôle de l'écrivain.
Pour prolonger cette idée de dualité, il situe son action en Israël, ce pays revendiqué par deux peuples, qui lui aussi, cherche son identité et sa place dans le monde. Ce pays qui, comme l’auteur, ne sait plus qui il est. Ce pays, aussi, où rôde la police politique qui oblige à jouer des rôles. Et où se tient le procès de Demjanjuk, un Américain moyen, bon époux et bon père, accusé d'être Ivan le terrible, l’ancien tortionnaire nazi. Là encore, double identité, vérité ou mensonge ? Et le narrateur croise des fanatiques de tous bords, chacun hurlant son propre délire, son propre désespoir, sa propre vérité, l’unique, la seule :
«Je dis la vérité et tu ne me crois pas, je te raconte des mensonges, et là, tu me crois.»
Voilà, ce sont les fils directeurs, les grandes pistes, mais il y a de multiples ramifications, un époustouflant maillage de l’histoire et de l’Histoire, les doubles sont partout, camouflés ou révélés. Jusqu’à l’épilogue, qui est une dernière entourloupe au sein de laquelle on découvre encore pas mal de fausses pistes et chausses-trappes.
C'est un chassé-croisé d'une loufoquerie incroyable, qui raconte avec une faconde jouissive (parfois logorrhéique, je vous l'accorde) la souffrance du peuple juif dans l'histoire, mais aussi dans notre monde actuel, (où son identité est désormais double, en Israël et en diaspora). Et aussi la souffrance des Palestiniens : Philip Roth , une fois de plus, n'a pas du se faire que des amis parmi ses coreligionnaires.
Sa grande force, c'est l'autodérision, un recul fondamental par rapport à lui-même. Dans cet absurde chaos mental, dans cette fiction ubuesque, de rebondissement en rebondissement, il affirme et répète que toute certitude a disparu : rien n'est sûr, rien n'est vrai. C'est le paradoxe du narrateur, pris dans un épouvantable imbroglio , manipulé par l’auteur, manipulant en retour celui-ci qui n’est autre que lui-même. Entre canular et conte philosophique, Philipp Roth nous emmène en compagnie de personnages qui n'ont que leur désarroi et le rire pour accompagner leur recherche désespérée d’un sens, d’une justification qui leur permettrait d'oublier – enfin - leur culpabilité, entre bonne et mauvaise conscience. C’est un magistral roman autobiographique où l’auteur se cherche et se construit, en tant qu’homme, en tant que Juif, en tant qu’écrivain. Et un hymne à la puissance du Verbe :
«L'alphabet est la seule chose capable de me protéger ; c’est cela que l'on m'a donné en guise de revolver»
Entre canular et conte philosophique, Philip Roth nous emmène en compagnie de personnages qui n'ont que leur désarroi et le rire pour accompagner leur recherche désespérée d’un sens, d’une justification qui leur permettrait d'oublier – enfin - leur culpabilité, entre bonne et mauvaise conscience . C’est une magistrale autobiographie où l’auteur se cherche et se construit, en tant qu’homme, en tant que Juif, en tant qu’écrivain. Et un hymne à la puissance du Verbe.
(commentaire récupéré)
mots-clés : #humour #communautejuive
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Flore Vasseur
topocl- Messages : 8546
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Re: Philip Roth
Dans mon souvenir il n'y avait pas non plus de leçon, alors quoi ? Un fardeau partagé dans les deux sens (tour de passe passe de la lecture ?!) qui se fait juste un peu plus léger. Pourquoi pas, et c'est déjà pas mal. Sur ce genre de thème, avec une personnalité différente, un humour différent on peut aussi lire le très fin et très beau Une main de Ramuz. Le thème appelle à effacer l'individu pour se réfugier dans le générique ?
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Re: Philip Roth
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Bédoulène- Messages : 21635
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