Philip Roth
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Re: Philip Roth
Et tu te considères comme tel?Tristram a écrit:
Il serait effectivement judicieux d’être familierde l’œuvre de Roth avant de lire cette autobiographie !
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Etre dans le vent, c'est l'histoire d'une feuille morte.
Flore Vasseur
topocl- Messages : 8414
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Re: Philip Roth
Loin de là ! J'ai lu plusieurs de ses livres, mais en ordre dispersé, et aucun du cycle Zuckerman enchaîné !
Je compte quand même continuer à en lire, peu à peu.
Je compte quand même continuer à en lire, peu à peu.
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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram- Messages : 15610
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Re: Philip Roth
L'Écrivain des ombres
Le narrateur est Nathan Zuckerman, alter ego de Philip Roth (et ce roman est le premier du cycle qu’il consacra à ce personnage). Il s’agirait d’un Bildungsroman (terme employé par Roth), où Zuckerman apparaît comme un écrivain encore jeune et prometteur.
Une loufoque série de mentors gigognes commence avec E.I. Lonoff, illustre écrivain exclusivement dédié à l’écriture, vivant reclus dans la « ruralité goy peuplée d’oiseaux et d’arbres où l’Amérique était née et s’était éteinte depuis longtemps. » Elle se poursuit avec… Thomas Mann ! mentor de Félix Abravanel, autre membre (fictionnel ; je ne crois pas qu’il s’agisse d’un roman à clef, quoique…) avec Babel (dont Roth me ramentoit que j’ai les Contes d’Odessa dans ma PAL), du cénacle de grands auteurs qui forcent le respect de Zuckerman.
Outre le milieu littéraire, c’est celui du judaïsme (aux USA) qui est évoqué ; d’ailleurs Zuckerman, confit de déférence pour Lonoff son père spirituel, est entré en conflit avec son père biologique, qui lui reproche d’avoir écrit un texte sur un épisode cupide de leur histoire familiale, risquant de les déconsidérer et d'alimenter l’antisémitisme.
Bien sûr les références littéraires abondent, certaines directes, comme pour Les Années médianes d’Henry James. Dans le second chapitre (sur quatre), Philip Roth associe son alter ego à Dedalus, personnage principal de Portrait de l’artiste en jeune homme, roman autobiographique de Joyce sur le passage à l’âge adulte.
Toujours mené par la libido et l’imagination de son auteur, le lubrique et inventif Zuckerman tombe amoureux d’Amy la jeune étudiante qui travaille pour Lonoff… et serait Anne Frank ayant survécu, belle et intelligente jeune fille, écrivain refusant d’être réduit à une rescapée juive (et qui ressent pour Lonoff des sentiments plus que filiaux) !
Roman bref (ramassé sur le temps d'une visite de Zuckerman à Lonoff), retors, assez iconoclaste et d’un humour féroce ; le thème central serait : comment écrire de la fiction sous le fardeau d'un lourd passé.
Je ne sais pas faire la part d'autobiographie et d'autofiction, et cocherai les deux cases.
\Mots-clés : #autobiographie #autofiction #communautejuive #ecriture
Le narrateur est Nathan Zuckerman, alter ego de Philip Roth (et ce roman est le premier du cycle qu’il consacra à ce personnage). Il s’agirait d’un Bildungsroman (terme employé par Roth), où Zuckerman apparaît comme un écrivain encore jeune et prometteur.
Une loufoque série de mentors gigognes commence avec E.I. Lonoff, illustre écrivain exclusivement dédié à l’écriture, vivant reclus dans la « ruralité goy peuplée d’oiseaux et d’arbres où l’Amérique était née et s’était éteinte depuis longtemps. » Elle se poursuit avec… Thomas Mann ! mentor de Félix Abravanel, autre membre (fictionnel ; je ne crois pas qu’il s’agisse d’un roman à clef, quoique…) avec Babel (dont Roth me ramentoit que j’ai les Contes d’Odessa dans ma PAL), du cénacle de grands auteurs qui forcent le respect de Zuckerman.
Outre le milieu littéraire, c’est celui du judaïsme (aux USA) qui est évoqué ; d’ailleurs Zuckerman, confit de déférence pour Lonoff son père spirituel, est entré en conflit avec son père biologique, qui lui reproche d’avoir écrit un texte sur un épisode cupide de leur histoire familiale, risquant de les déconsidérer et d'alimenter l’antisémitisme.
Bien sûr les références littéraires abondent, certaines directes, comme pour Les Années médianes d’Henry James. Dans le second chapitre (sur quatre), Philip Roth associe son alter ego à Dedalus, personnage principal de Portrait de l’artiste en jeune homme, roman autobiographique de Joyce sur le passage à l’âge adulte.
Toujours mené par la libido et l’imagination de son auteur, le lubrique et inventif Zuckerman tombe amoureux d’Amy la jeune étudiante qui travaille pour Lonoff… et serait Anne Frank ayant survécu, belle et intelligente jeune fille, écrivain refusant d’être réduit à une rescapée juive (et qui ressent pour Lonoff des sentiments plus que filiaux) !
Ce qui semble surtout révolter Zuckerman/ Roth, c’est qu'en plus d’adopter une attitude conventionnelle, on demande aux juifs d’expliquer pourquoi ils sont haïs – plutôt qu’à leurs persécuteurs.« Responsabilité devant les morts ? Rhétorique pour les dévots ! Il n’y avait rien à donner aux morts – ils étaient morts. »
Roman bref (ramassé sur le temps d'une visite de Zuckerman à Lonoff), retors, assez iconoclaste et d’un humour féroce ; le thème central serait : comment écrire de la fiction sous le fardeau d'un lourd passé.
Je ne sais pas faire la part d'autobiographie et d'autofiction, et cocherai les deux cases.
\Mots-clés : #autobiographie #autofiction #communautejuive #ecriture
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Tristram- Messages : 15610
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Localisation : Guyane
Re: Philip Roth
Tristram il faut avoir lu les titres références que tu cites pour apprécier le livre ?
"Les Années médianes d’Henry James.
Portrait de l’artiste en jeune homme, roman autobiographique de Joyce sur le passage à l’âge adulte."
"Les Années médianes d’Henry James.
Portrait de l’artiste en jeune homme, roman autobiographique de Joyce sur le passage à l’âge adulte."
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“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia
[/i]
"Il n'y a pas de mauvais livres. Ce qui est mauvais c'est de les craindre." L'homme de Kiev Malamud
Bédoulène- Messages : 21098
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Localisation : En Provence
Re: Philip Roth
Ça n'est pas absolument nécessaire, puisque je n'ai pas lu cet Henry James _ encore que je sois persuadé de n'avoir pas tout "saisi".
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Tristram- Messages : 15610
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Localisation : Guyane
La contrevie de Philip Roth
Je viens de relire avec grand intérêt vos commentaires sur Roth.
Je lis son oeuvre chronologiquement par cycle...
La contrevie est le premier très marquant pour moi. De par sa construction tout d'abord.
Des fulgurances... tout à coup, quelques pages de réflexions qui m'emportent...
Je salue également l'écriture de sa traductrice, Josée Kamoun, fluide...
Surtout, elle trouve exactement le bon mot.
Prochaine lecture, Pastorale américaine!
Je lis son oeuvre chronologiquement par cycle...
La contrevie est le premier très marquant pour moi. De par sa construction tout d'abord.
Des fulgurances... tout à coup, quelques pages de réflexions qui m'emportent...
Je salue également l'écriture de sa traductrice, Josée Kamoun, fluide...
Surtout, elle trouve exactement le bon mot.
Prochaine lecture, Pastorale américaine!
Plume- Messages : 428
Date d'inscription : 12/12/2016
Age : 55
Re: Philip Roth
je crois que c'est le premier que j'ai lu
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Bédoulène- Messages : 21098
Date d'inscription : 02/12/2016
Age : 79
Localisation : En Provence
Re: Philip Roth
Patrimoine, Une histoire vraie
Récit apparemment factuel des rapports de Philip Roth avec son père (86 ans). En chemin pour lui annoncer qu’il a une tumeur au cerveau, Roth fils s’égare et aboutit par hasard au cimetière où est enterrée sa mère (ainsi que bientôt son père) :
Très bien écrit, et aussi touchant, comme l’a noté Topocl.
C’est aussi beaucoup l’héritage de la culture juive et de l’immigration.
C’est encore le sordide de la maladie, la déchéance de la vieillesse, et la fatalité de la mort.
\Mots-clés : #immigration
Récit apparemment factuel des rapports de Philip Roth avec son père (86 ans). En chemin pour lui annoncer qu’il a une tumeur au cerveau, Roth fils s’égare et aboutit par hasard au cimetière où est enterrée sa mère (ainsi que bientôt son père) :
Pugnace, à la fois vulnérable et tenace, inflexible et angoissé, son père n’a pas un caractère très facile :« Ma mère et les autres morts avaient été amenés ici par la force impérieuse de ce qui, somme toute, était un hasard encore plus improbable : le fait d’avoir, un temps, vécu. »
Dans ce portrait approfondi d’un père (et par ricochet du fils), il me semble qu’est démontrée l’énigmatique complexité d’une personnalité, présentant simultanément des caractéristiques contradictoires tant que son image n’est pas stylisée, stéréotypée par la fiction.« Au lieu de me traiter comme un membre de ta famille, sois gentil et imagine-toi que tu es toujours directeur d’une compagnie d’assurances. »
« Mais de notre père, comme il était notre père, on n’aurait pu attendre qu’il comprît. Il ne comprenait, comme nous tous d’ailleurs, que ce qu’il comprenait, mais cela, il le comprenait farouchement. »
Très bien écrit, et aussi touchant, comme l’a noté Topocl.
C’est aussi beaucoup l’héritage de la culture juive et de l’immigration.
C’est encore le sordide de la maladie, la déchéance de la vieillesse, et la fatalité de la mort.
« Mourir est un travail, et c’était un travailleur. Mourir est quelque chose d’horrible, et mon père était en train de mourir. Je lui pris la main qui, elle au moins, donnait encore l’impression d’être sa main ; je lui caressai le front qui lui, au moins, donnait encore l’impression d’être son front ; et je lui dis toutes sortes de choses qu’il n’était plus en mesure de comprendre. Heureusement, il n’y avait dans ce que je lui dis au cours de cette matinée rien qu’il ne sût déjà. »
\Mots-clés : #immigration
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Tristram- Messages : 15610
Date d'inscription : 09/12/2016
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Localisation : Guyane
Re: Philip Roth
je l'ai lu aussi, merci Tristram !
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― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia
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Bédoulène- Messages : 21098
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Localisation : En Provence
Re: Philip Roth
Indignation
Étudiant pendant la guerre de Corée, le narrateur, Marcus Messner, a du mal à tenir à distance son père, un boucher kasher qui s’inquiète pour lui alors qu’il est sage et bûcheur : il quitte Newark pour l’Ohio. Motivé pour quitter la boucherie, il l’est aussi par le spectre de la conscription.
Il a dix-huit ans, et mourra à dix-neuf ; pour le moment, il découvre le sexe :
Juif athée, il est indigné par les sermons chrétiens assénés d’office « au cœur de l’Amérique profonde » (le Middle West, très traditionnel). Il est recadré par le doyen (intégriste) pour son manque d’intégration (lors d’un entretien où il cite Bertrand Russell).
Son père, de plus en plus catastrophiste (voire paranoïaque), est devenu irascible, et sa mère veut divorcer ; mais cette femme forte revient sur sa décision, si Marcus renonce à Olivia.
Rapprochement de l’abattage kasher des poulets et de la tentative de suicide d’Olivia :
Ce bref roman magistralement écrit est aussi parfaitement athée et anticlérical.
\Mots-clés : #guerre #jeunesse #relationenfantparent #religion #sexualité #social #xxesiecle
Étudiant pendant la guerre de Corée, le narrateur, Marcus Messner, a du mal à tenir à distance son père, un boucher kasher qui s’inquiète pour lui alors qu’il est sage et bûcheur : il quitte Newark pour l’Ohio. Motivé pour quitter la boucherie, il l’est aussi par le spectre de la conscription.
Il a dix-huit ans, et mourra à dix-neuf ; pour le moment, il découvre le sexe :
Olivia, de parents divorcés, a déjà tenté de se suicider, et paraît instable. Sans surprise, Roth dépeint sans fard le désarroi libidinal des jeunes gens soumis à la continence.« Même maintenant (si « maintenant » peut encore vouloir dire quelque chose), au-delà de l’existence corporelle, vivant comme je le suis ici (si « ici » ou « je » veulent dire quelque chose), n’étant rien d’autre que mémoire (si « mémoire », à proprement parler, est ce milieu qui englobe tout et d’où mon « moi » tire sa subsistance), je continue à m’interroger sur les actions d’Olivia. Est-ce à cela que ça sert, l’éternité, à ruminer les menus détails de toute une vie ? Qui aurait pu imaginer qu’il faudrait se souvenir à jamais de chaque moment de sa vie jusque dans les moindres particularités ? Ou se peut-il que ce soit seulement le cas pour cette vie dans l’au-delà qui est la mienne, et que, tout comme chaque vie est unique, chaque vie dans l’au-delà le soit également, chacune étant comme l’empreinte digitale impérissable d’une vie dans l’au-delà différente de toutes les autres ? Je n’ai aucun moyen de le dire. Comme dans la vie, je connais seulement ce qui est et, dans la mort, ce qui est équivaut à ce qui fut. »
Juif athée, il est indigné par les sermons chrétiens assénés d’office « au cœur de l’Amérique profonde » (le Middle West, très traditionnel). Il est recadré par le doyen (intégriste) pour son manque d’intégration (lors d’un entretien où il cite Bertrand Russell).
Son père, de plus en plus catastrophiste (voire paranoïaque), est devenu irascible, et sa mère veut divorcer ; mais cette femme forte revient sur sa décision, si Marcus renonce à Olivia.
Rapprochement de l’abattage kasher des poulets et de la tentative de suicide d’Olivia :
Olivia s’en va, victime de dépression ; Marcus, qui avait accepté d’être subrepticement remplacé aux offices obligatoires, sera renvoyé et perdra définitivement conscience dans le bain de sang coréen. Ce jeune homme qui avait et faisait tout pour réussir aura ce destin absurde pour n’avoir pas su « fermer sa grande gueule ».« Ce que je veux dire, c’est ceci : que c’est cela qu’Olivia avait cherché à faire, se tuer selon les prescriptions kasher, en se vidant de son sang. Si elle avait réussi, si elle avait habilement mené sa tâche à bien d’un seul coup tranchant de la lame, elle se serait rendue kasher conformément à la loi rabbinique. La cicatrice révélatrice d’Olivia venait de sa tentative de meurtre rituel appliqué à elle-même. »
Ce bref roman magistralement écrit est aussi parfaitement athée et anticlérical.
\Mots-clés : #guerre #jeunesse #relationenfantparent #religion #sexualité #social #xxesiecle
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Tristram- Messages : 15610
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Re: Philip Roth
Tromperie
C’est le film du même titre, d’Arnaud Desplechin avec Léa Seydoux et Denis Podalydès, qui m’a amené à cette lecture. Il s’agit de dialogues (qu’on retrouve dans le film) entre « Philip » et sa maîtresse, mais aussi son épouse et quelques autres femmes (notamment de Mitteleuropa). Lors des rencontres entre les deux amants dans son studio d’écrivain à Londres, confidences, questionnements, conversations (portant notamment sur leurs couples respectifs, leur sexualité, les juifs, l’Angleterre), placent cette liaison qui semble être inscrite dans la durée au centre du roman.
Réponse à un biographe après sa mort :
À propos de Kafka :
\Mots-clés : #autobiographie #autofiction #ecriture #entretiens #intimiste #relationdecouple #sexualité
C’est le film du même titre, d’Arnaud Desplechin avec Léa Seydoux et Denis Podalydès, qui m’a amené à cette lecture. Il s’agit de dialogues (qu’on retrouve dans le film) entre « Philip » et sa maîtresse, mais aussi son épouse et quelques autres femmes (notamment de Mitteleuropa). Lors des rencontres entre les deux amants dans son studio d’écrivain à Londres, confidences, questionnements, conversations (portant notamment sur leurs couples respectifs, leur sexualité, les juifs, l’Angleterre), placent cette liaison qui semble être inscrite dans la durée au centre du roman.
Réponse à un biographe après sa mort :
Le regard de l'amante (anglaise) sur le narrateur est prépondérant :« – “Il n'a pas écrit un seul de ses livres. Ils ont été écrits par toute une série de maîtresses. J'ai écrit les deux derniers et demi. Et même ces notes qu'il a ajoutées de sa main l'ont été sous ma dictée.” »
À propos du personnage et alter ego de Roth, Nathan Zuckerman, lui aussi avec son biographe :« – Certains hommes écoutent patiemment, cela fait partie de la séduction qui mène à la baise. C'est pourquoi en général les hommes parlent aux femmes – pour les fourrer dans leur lit. Toi tu les fourres au lit pour leur parler. Certains hommes les laissent commencer leur histoire, puis quand ils pensent leur avoir prêté suffisamment d'attention, ils plaquent doucement la bouche en mouvement sur l'érection. Olina m'a tout raconté sur toi. Elle me l'a répété une ou deux fois. Elle a dit : “Pourquoi s'obstine-t-il à poser toutes ces questions irritantes ? Du point de vue affectif, il est déplacé de poser tant de questions ? Tous les Américains font-ils ainsi ?” »
« Tu ne participes à la vie que pour entretenir la conversation. Même le sexe est en réalité marginal. Tu n'es pas poussé par ta libido – tu n'es poussé par rien. Sinon par cette curiosité puérile. Sinon par cette désarmante naïveté. Voici des gens – des femmes – qui ne vivent pas la vie comme quelque chose de matériel, mais la vivent sur le plan de l'émotion. Et pour toi, plus c'est émotif mieux ça vaut. Ce qui te plaît le plus, c'est quand, encore dans un état de choc post-traumatique, elles s'efforcent de récupérer leurs vies, comme Olina à son arrivée de Prague. Ce qui te plaît le plus, c'est quand ces femmes émotives ne parviennent pas réellement à se raconter mais luttent pour intégrer leur histoire. C'est ça que toi, tu trouves érotique. Exotique aussi. Chaque femme est une baiseuse, chaque baiseuse une Schéhérazade. Elles n'ont pas été capables d'intégrer leur histoire et, dans le fait de raconter leur histoire, il y a comme une incitation à parfaire la vie – ce qui implique beaucoup de pathétique. Bien sûr c'est émouvant : le simple flux et reflux de leur voix, ce timbre de conversation intime, pour toi c'est émouvant. Ce qui est émouvant n'est pas nécessairement dans les histoires, mais dans leur désir ardent de fabriquer les histoires. L'inachevé, le spontané, ce qui est simplement latent, voilà la réalité, tu as raison. La vie avant que le récit ne prenne le relais est la vie. Elles essaient de combler par leurs mots l'énorme gouffre entre l'acte lui-même et la “narrativisation” de l'acte. Et toi tu écoutes et te précipites pour tout mettre par écrit, puis tu le détruis par ta maudite “fictionalisation”. »
Vient cette fameuse scène où il répond devant la justice de cette accusation : « Pouvez-vous expliquer à la cour pourquoi vous haïssez les femmes ? » Dans un livre paru en 1990, c’est assez prémonitoire :« Ce qui l'intéresse, c'est l'affreuse ambiguïté du “je”, la façon dont un écrivain fait un mythe de sa propre personne et, notamment, pourquoi. »
Il est notamment accusé d’avoir, professeur d'université, eu des rapports sexuels avec trois étudiantes (dont celle qu’il retrouve à l’asile, atteinte d’un cancer).« Vous êtes accusé de sexisme, de misogynie, d'insultes aux femmes, de calomnie à l'encontre des femmes, de dénigrement des femmes, de diffamation des femmes, et de séduction cruelle, délits qui tous font l'objet de peines extrêmement sévères. »
À propos de Kafka :
Bribes de dialogues notées dans un carnet de notes – qui tomberait sous les yeux de sa femme, à laquelle il mentirait.« Le temps qu'un romancier de talent atteigne trente-six ans, il a renoncé à traduire l'expérience en fiction – il impose sa fiction à l'expérience. »
J'ai trouvé fort intéressant ce roman (et film) retors, qui ramentoit L’Homme qui aimait les femmes de François Truffaut. Provocant, malicieux, jouant avec le politiquement correct et la morale, cette sorte d’antiroman brouille un peu plus encore les rapports entre confidence autobiographique et fiction dans un éblouissant, fallacieux jeu de miroirs.« L'une est une silhouette esquissée dans un carnet au fil de conversations, l'autre est un personnage très important empêtré dans l'intrigue d'un livre complexe. Je me suis imaginé, extérieur à mon roman, en train de vivre une aventure avec un personnage à l'intérieur de mon roman. »
« J'écris de la fiction, on me dit que c'est de l'autobiographie, j'écris de l'autobiographie, on me dit que c'est de la fiction, aussi puisque je suis tellement crétin et qu'ils sont tellement intelligents, qu'ils décident donc eux ce que c'est ou n'est pas. »
« – Écoute, je ne peux pas vivre et je ne vis pas dans un monde de retenue, pas en tant qu'écrivain, en tout cas. Je préférerais, je t'assure – la vie en serait plus facile. Mais la retenue, malheureusement, n'est pas faite pour les romanciers. Pas plus que la honte. Éprouver de la honte est automatique en moi, inéluctable, peut-être est-ce bon ; le crime grave, c'est de céder à la honte. »
« J'écris ce que j'écris de la façon dont je l'écris, et si cela devait jamais arriver, je publierais ce que je publie comme j'entends le publier, et il n'est pas question qu'à ce stade avancé je commence à me demander ce que les gens comprennent de travers ou ne comprennent pas.
– Ou comprennent bien.
– Nous parlons d'un carnet, d'une épure, d'un diagramme, et non d'êtres humains !
– Mais tu es un être humain, que cela te plaise ou non ! Et moi aussi ! Et elle aussi !
– Pas elle, non, elle n'est que des mots – j'ai beau essayer, je ne suis pas capable de baiser des mots ! »
« – Mais tu ne peux pas... Tu ne peux pas avoir ainsi simultanément une vie imaginaire et une vie réelle. Et c'était probablement la vie imaginaire que tu avais avec moi et la vie réelle que tu avais avec elle. Écoute, il est impossible de noter de cette façon tout ce que dit quelqu'un.
– Mais je le faisais. Je le fais. »
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Re: Philip Roth
sûrement beaucoup autobiographique (!?) c'est noté
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― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia
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