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52 résultats trouvés pour sexualité

Serge Rezvani

Les Années-lumière

Tag sexualité sur Des Choses à lire Les_an10

Autobiographie de Rezvani : petite enfance de Cyrus-Boris ballottée en exil avec une mère russe atteinte d’un cancer, (puis) un père persan, magicien et infidèle. Fantaisiste, baroque et surréaliste (on peut en rapprocher par moments L'Écume des jours de Boris Vian), le récit se commente lui-même, y mêle Lula, le grand amour de sa vie au présent, dans une jubilation créative.
Mis en pension « dans la masure du bout du monde » en Suisse :
« À la fonte des neiges, nous essayons de reprendre le chemin de l’école, mais la boue a tout envahi. On enfonce jusqu’aux genoux, parfois même jusqu’au ventre. C’est décourageant. Le sous-sol travaille. Des effondrements creusent des cratères au pied même des maisons, minant les fondations. Ça glougloute de tous les côtés. D’un instant à l’autre, la rue change sous nos yeux. Il n’y a plus de sécurité à se déplacer. Traverser la cour devient une aventure.
Le village est bâti sur une poche de vide et on entend sous terre un grondement continuel de cataracte. Même les vieillards hochent la tête inquiets. La montagne frémit, des arbres entiers, tout droits avancent sur les pentes. On les voit subitement faire quelques mètres et s’arrêter. Ça glisse de tous les côtés. Des rochers énormes dérapent en silence, déplaçant les sentiers et les clôtures. Et toujours ce bruit souterrain assourdissant. Les anciens parlent d’une grotte gigantesque dont l’accès aurait été perdu depuis bien longtemps.
L’instituteur ne tient plus en place, cette histoire de grotte le fait rêver. Il n’en dort plus, il n’en mange plus. Il n’arrête pas de tourner autour des masures. Il racole les vieux pour avoir des détails. Il ne parle plus que de ça. Il est insatiable. Il fait des dessins, des plans, mais la montagne bouge tellement qu’il ne peut pas prendre de repères. Ça le désespère.
Un jour il s’en va par les sentiers, et s’enfonce dans le chaos. Nous le regardons longtemps monter comme une mouche sur le flanc de cette nature changeante. Il zigzague entre les arbres. De temps en temps il se retourne vers le village, agite son chapeau tyrolien et reprend l’ascension. On le voit de plus en plus minuscule, ridicule, rouler, se relever, courir jusqu’à une pierre, s’agripper, sauter et s’étaler. Les arbres glissent autour de lui, les rochers par quartiers entiers se décollent et rebondissent dans les précipices.
Il me semble que l’instituteur ne revint jamais. »

Son père vient le prendre pour vivre avec lui et sa compagne Pipa dans un petit appartement parisien, « le taudis aux pendolents » [pendeloques de cristaux] ; c’est un prestidigitateur qui fait de la voyance pour dames et beaucoup de pitreries.
« Ce fut pire qu’un accouchement, qu’une deuxième naissance, il fallait que je réapprenne à être, que je reprenne pied dans ce nouveau monde, il fallait essayer de croire à toute cette douceur. Je pleurais d’avance. C’était sûr que j’allais tout perdre. On m’emmènerait encore, on m’abandonnerait comme Lydia m’avait abandonné, on m’abandonnerait. Je bégayais : "Gaaar… dez… moi… aaah ! Gaaar… dez… moi… aaaah ! Gaaaar… deez… moi !" »

Assez vite, le couple le met en pension chez un pope.
« Ma langue vient frapper avec un bruit infernal sur les galandales de l’entre-dents. Mes molaires, je les compte une à une avec la pointe gustative du muscle glambuleur. Je m’embrouille dans les mauvais chiffres, les incisives, les canines, les prémolaires. Le muscle glambuleur cogne entre les crocs. Quatre-vingt-deux canines, ce qui fait cent. Le muscle trémulseur cherche la petite carie sur la quatre mille huit centième dent de la galandale inférieure. Les prismes musicaux trémolotent sur la gustative quatre. Les papilles musicalisées viennent se ranger bien sagement à la suite des amygdales. Pas de problème. J’enlève deux amygdales, il en reste huit plus une molaire, ça donne une ralingue sur sept qui ne fonctionne pas. Je reprends toutes mes amygdales et je les pose une à une sur la ralingue vingt-deux. Délicatement je fais descendre la ralingue quatre. Schplokssss ! Un grand coup de cuisse sur la touffe puante et les petites violettes commencent à pousser. Hi hi hi ! La ralingue descend, descend… grummm ! Je mâche les amygdales. Soixante et quelque chose amygdales ça fait une fameuse omelette, ça bave tellement partout qu’il en ressort par la ralingue huit. Je fais venir une autre ralingue, j’hésite une seconde entre la neuf et la douze. Je la pousse avec le muscle gustatif renversé, appuyé du glambuleur, saliveur, mâchouilleur, le plus dégueulasse de tous les muscles, celui qui se gonfle derrière mes oreilles. »

On est dans l’avant-guerre de la Seconde, vient l’exode, mais Rezvani revient toujours au rire, au délire. Les souvenirs sont développés à outrance par amplification.
Retour en famille à Paris occupé :
« Mon père ne refusait son assistance à personne. Pendant toute la guerre ce fut un carrousel incroyable. Chez mes parents c’était le no man’s land, une espèce de Suisse, minuscule en plein Paris. Mon père restait assis dans son vieux fauteuil à faire sauter sa bille, pfffuit, pffffuit, pffffuitt ! il laissait venir. Si c’était un résistant, il lui disait de faire gaffe, de raser les murs. Le résistant partait content et payait pour ce simple conseil. Si c’était un Juif il l’engageait à réaliser tout ce qu’il pouvait sur l’heure et à se cavaler le plus vite possible. Si c’était un collaborateur (et combien sont venus et revenus vomir chez le mage leur mauvaise conscience), il le pressait de retourner sa veste. Quand c’était von Fridoleïn il se faisait tout petit, petit, pas fou et il se frottait les mains, il aurait crié « Heil Hitler ! », n’importe quoi et surtout il le priait de bien essuyer ses bottes sur le paillasson, parce que sous le paillasson il y avait des actes de baptême qu’il avait mis à vieillir pour des Juifs. Des actes de baptême bien catholiques pour Juifs bien Juifs. Pas mal de curés sont venus aussi se renseigner dans le grand livre pour savoir de quel côté il valait mieux pencher. Il faut dire qu’avec Pie XII ils ne savaient plus très bien. Ceux-là payaient en actes de baptême vierges. »

Il s’efforce de dessiner une sirène, qui peu à peu devient Pipa, et est de nouveau envoyé en pension, celle de l’amiral Chalapine.
« Nous pénétrons dans la chapelle. L’odeur immonde d’encens me prend à la gorge, de nouveau cette envie de vomir, des relents d’oreillons. Pouah ! Le tabernacle, hostie et compagnie, toute la quincaillerie de maniaque, ciboire russe, cuillère russe à long manche d’argent pour racler, ostensoir russe, tout ce qu’il y a de plus russe, encensoir monté sur chaînette amovible, dérailleur pour la longueur, comme ça on ne heurte pas le calice à la bénédiction finale. Il me fait la démonstration, il cavale avec son encensoir. Toc ! il passe en première longueur, pfffuit, pffffuit ! il s’imite, se singe. L’encensoir voltige. Toc ! deuxième longueur. Il fait le tour de la chapelle, frôle toutes les aspérités, fait des moulinets furieux et toc ! passe en troisième longueur. Il est lancé sur la grande vitesse, le moindre faux pas et c’est la catastrophe, il n’a pas le droit de s’arrêter, il jubile de jeter son yoyo comme ça, de le faire virevolter, pfffuit, pffffuit ! bzim ! au ras des icônes. Il s’épate lui-même. Il faut reconnaître que comme numéro de jongleur, on ne fait pas mieux. Ses cheveux longs volent, sa barbe s’enroule autour de son cou comme une étole, ses voiles palpitent en cadence, sa robe se soulève, je vois son pantalon percé aux genoux, les rotules à l’air à force de macération. Il me fait pitié. « Amine ! » Il tombe à genoux, rétrograde son extensoir à encens, bzik ! bzik ! maintenant il travaille sur la toute petite vitesse, minuscules cercles, toilette de mouche, chuchus, chichis, pchik, pchik, tournicottis sur place, menu, menu, menu, minus, mimi, zizis mesquins, et tout à coup clac ! sans crier gare il repasse direct en troisième. Toujours à genoux, il promène son encensoir à ras de terre, l’envoie, cloc ! le ramène, cloc ! à l’horizontale. Ah ! c’est un as, un vrai diabolique champion, au millimètre près, poil du cul et zéphir aux couilles. Il joue dans les rayons de soleil. Toc ! il assomme une mouche au vol et toc ! vise le Christ en croix, pfffuit à un millipoil de millipoil et toc ! la Vierge. Bzim ! re-le Christ, pfffuit re-la Vierge, bzim ! Il me regarde en biais, il quête les compliments, le vieux cabot. Ça, il a pris des risques, il faut reconnaître qu’il a de quoi jubiler de sa dextérité, l’immonde baladin hilare avec son infernale trogne. »

La guerre devient plus présente.
« Maintenant, nuit et jour, c’est un flot ininterrompu de forteresses volantes. Elles foncent dans les splendeurs naturelles de l’air vers l’Allemagne, déverser leurs cargaisons, faire leur macabre travail. Des aviateurs recroquevillés dans leurs carlingues vont répandre, oh ! sans haine, les hideux, le feu, la mort et la poix des interminables agonies. Parfois un avion déchiqueté passe au ras des arbres, on voit très distinctement des hommes accrochés à l’épave. Ils ne peuvent pas se résoudre à sauter. Des automitrailleuses sillonnent les routes, partent à travers champs, à la poursuite des aviateurs suspendus à leurs parachutes. Ils ont beau agiter les bras, les mitrailleuses se déchaînent, les hachent menu. Ils peuvent toujours demander grâce les pauvres petits pantins qui ne veulent pas mourir, ils peuvent toujours hurler, supplier sous leurs corolles blanches… tac tac tac ! les uns après les autres ils sont démantelés par la grenaille. On voit peu à peu des morceaux se détacher, tomber sur les pavillons, dans les petits jardins paisibles. Les gens ne savent que faire de tous ces bouts de viande qui dégringolent du ciel. On arrache une main encore tiède de la gueule du chien. On fait des enterrements microscopiques, un doigt ici, un pied là, le voisin une oreille. Parfois on trouve un stylo made in U. S. A. ou bien une montre, en acompte sur l’avenir. Les femmes, pour le bel été, taillent des robes dans les parachutes, d’autres préfèrent cacher les parachutistes eux-mêmes. »

« C’est le fameux bombardement de Bétigny-les-Rateaux qui commence. Par vagues serrés, les forteresses volantes inaugurent le grand lâcher final. Des trains de bombes, torpilles, fusées, rockets, shrapnells, éclats gros comme des navires pleuvent sur les labours. Toute l’astucieuse machinerie à mixer les morts se met en branle. Je m’aplatis entre les choux, je rampe, mon carton à dessin à la remorque. Cloc ! le voilà percé d’un éclat. Toute mon œuvre à ce jour poinçonnée au même moment, curiosité pour la postérité… ha, ha, ha, ha ! ça y est, je me marre. Mes mâchoires claquent. Je meurs de peur et je ris à ne plus pouvoir avancer. J’en pisse de rire. La ferraille pleut autour de moi, grésille dans la rosée limpide. Je quatrepatte, je plaventre, je surledos, avance, nage, pissote, foirotte, tortille, claquedent et galipette dans la boue. Je suis infusoire, flagellé vert, amibe, hydre d’eau douce, H2O, bicarbonate de soude, fumée d’azote. Je coud’enterre, nombril en S, danse du ventre, roulement à billes, serpente, tortillou, nage papillon, vert de peur, de terre, de n’importe quoi dans la gadoue. Et les usines entières se déversent sans relâche. Toutes les merdeuses zones industrielles de Brooklyn à Sing-Sing, les quartiers honteux, échelles de fer, gratte-ciel en morceaux, ponts suspendus sont balancés par-dessus bord sur Bétigny-les-Rateaux. À coups de pied, on nous les expédie du ciel. L’Hudson en tronçons, acier liquide, boulons et contre-écrous se fichent en terre. Tout le trop-plein. Ford, General Motors, se débarrassent des invendus. Voitures entières s’enfoncent dans la glèbe, explosent en plein Millet. Bourrées de nitroglycé, juste ce qu’il faut pour être aussi meurtrières que possible, les Cadillac, pare-brise, en miettes, portières, roues de secours, V8, triples carburateurs à masturbation sphérique, culbuteurs, soupapes et vilebrequins dégringolent avec tous les chevaux de l’Apocalypse dans un rythme, une pulsation syncopée digne du pire Harlem. Disques explosifs, stylos piégés, chewing-gum à retardement spécialement étudiés pour décervelage éclair, machines à laver, machines infernales déguisées en bloc opératoire, frigos incendiaires, vieilles fabriques de chaussures, gares de triage abandonnées avec wagonnets, rails et aérodynamiques locomotives, autoroutes démodées sans parler de tous les cimetières de ferrailles pourries, marteaux-pilons rouillés, fils de fer phosphorescents et volcans liquides, zizis sournois, chichis usinés spécialement pour blessures incurables, déluge barbare exporté en plein angélus. Enfer du ciel ! »

Puis c’est la Libération : il joue un peu au résistant, est arrêté comme collabo ou milicien par la police française (tout le monde n’est d’accord que sur une seule chose, l’exécration des Juifs) : c’est dans le registre grotesque.
Il dessine à Montparnasse, est sujet à des nausées quand il ne rêve pas de sexe : son délire libidinal (et maritime), cauchemar d’enivré, m’a ramentu Henry Miller.
Puis ce sera Lula avec le second volume de ces mémoires contorsionnées.

\Mots-clés : #autobiographie #deuxiemeguerre #enfance #exil #humour #jeunesse #relationenfantparent #sexualité #xxesiecle
par Tristram
le Jeu 18 Avr - 12:23
 
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Sujet: Serge Rezvani
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Lawrence Block

Voilà, j'ai terminé
Tag sexualité sur Des Choses à lire Cvt_le10

Sujet : Une jeune fille Wendy Hanniford a été assassinée avec une arme tranchante, son colocataire Richie Van Derpoele est retrouvé errant dans la rue et s'accusant.  Matt Scudder est chargé par le père de la victime d'une enquête ; il veux "connaître" la personne qu'était devenue sa fille et sa vie,  alors qu'il ne la voyait plus depuis 3 ans.environ.

J'ai beaucoup apprécié ; l'écriture sobre mais malgré tout invitante.

Est-ce à cause de l'intéressant personnage déchiré qu'est Matt ancien flic qui a démissionné  (et qui porte toujours la culpabilité d'avoir tuer par ricochet, une fillette) mais qui a  conservé les valeurs de son ancien métier et consent à "rendre service" à ceux qui le réclame ; des  autres personnages sympathiques ou pas ; certainement, mais surtout pour la mentalité de Matt, sa persévérance à découvrir la vérité et s'il le faut à se procurer tous les éléments qui peuvent contribuer à prendre ou donner l'essentiel.

Tout meurtrier doit être puni, qu'importe la main qui agira, la parole qui livrera ou délivrera. Ce n'est que justice !

La force de Matt : sa psychologie, son honnêteté ; sa faiblesse : son alcoolisme et son humanité.

L'un de ses traits touchant, allume des cierges dans les églises pour la mémoire des victimes et coupables et faire un don dans tes troncs alors même qu'il avoue n'être pas croyant.

Un récit qui m'a emportée à la suite de Matt, à son rythme allègre, étourdie et curieuse.



Extraits :

"— L’instinct, sans doute. J’ai passé beaucoup d’années à regarder des gens décider jusqu’où ils voulaient aller dans la découverte de la vérité. Vous n’êtes pas obligé de me dire quoi que ce soit, mais…"

"— Je n’ai même jamais seulement envisagé la possibilité que Richard soit innocent. J’ai toujours pensé que c’était lui qui l’avait tuée. Si ce que vous croyez est vrai…

  — Ça l’est.

  — Alors… il est mort pour rien.

  — Il est mort pour vous, monsieur. L’agneau pour l’holocauste, c’est lui.

  — Vous ne pensez pas sérieusement que j’ai tué cette fille, si ?

  — De fait, je le sais."


"Les catholiques reçoivent plus d’argent de moi que tous les autres. Ce n’est pas que je les préfère, c’est simplement qu’ils restent ouverts plus longtemps. La plupart des protestants ferment boutique pendant la semaine.

  Cela dit, les catholiques ont un plus. Ils ont des cierges qu’on peut allumer. J’en allumai trois avant de sortir. Un pour Wendy Hanniford qui n’aurait jamais vingt-cinq ans et un autre pour Richard Vanderpœl qui, lui, n’en aurait jamais vingt et un. Et, bien sûr, j’en allumai un troisième pour Estrella Rivers qui, elle, n’en aurait jamais huit."

"À un moment donné, je lui dis :

  — Quelle que soit la culpabilité que vous décidiez de retenir à votre encontre, n’oubliez jamais ceci : Wendy était en train de devenir une fille bien. Je ne sais pas combien de temps il lui aurait fallu pour gagner sa vie un peu plus proprement, mais je doute fort que ç’ait dépassé une année."

"Parce que ce monde était de solitude et qu’elle y avait toujours vécu dans la seule compagnie du fantôme de son père. Les hommes qu’elle trouvait, ceux qui l’attiraient, appartenaient à d’autres femmes et rentraient chez eux pour les retrouver lorsqu’ils en avaient fini avec elle. Dans son appartement de Bethune Street, elle voulait quelqu’un qui n’essaie pas de coucher avec elle. Quelqu’un qui serait une compagnie de qualité. D’abord Marcia – et Wendy n’avait-elle pas été un peu déçue lorsqu’elle avait accepté de sortir avec ses hommes ? Je suis sûr que si, parce que au moment même où elle trouvait quelqu’un pour partager ses hommes, elle perdait une compagne qui n’appartenait pas à ce monde éclaté, mais avait encore cette innocence que Marcia avait reconnue en Wendy."

"Il m’arrive de penser que nous n’avons guère les moyens de changer notre destin. Nos existences se jouent selon un plan qui nous échappe. (Il eut un bref sourire.) C’est là une idée très réconfortante ou désespérante, monsieur Scudder.
  — Je le vois bien"


je continuerai la trilogie.


\Mots-clés : #criminalite #culpabilité #psychologique #sexualité
par Bédoulène
le Dim 7 Avr - 14:42
 
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Sujet: Lawrence Block
Réponses: 18
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Nicolas Mathieu

Leurs enfants après eux

Tag sexualité sur Des Choses à lire Leurs_10

Lecture d'abord assez ennuyeuse, congrue à son sujet (donc c’est plutôt positif comme constat). C’est minable, les gens, les choses, l’époque : industrialisation puis désindustrialisation, et ce que ça donne socialement ; l’enfance, l’adolescence : c’est pas Bosco, pas celle dont curieusement les adultes disent se souvenir, mais la vraie, ce vaste ennui des jeunes tordus par les hormones de croissance, et leurs parents avant eux. « Le plus beau cul d’Heillange », qui mène Hélène à son fils Anthony, le personnage principal (suivi de quatorze à vingt ans). Et c’est finalement un panorama français (daté d’un quart de siècle), qui ne peut être réjouissant.
« Il sentit s’abattre sur lui ce malaise flou, encore une fois, l’envie de rien, le sentiment que ça ne finirait jamais, la sujétion, l’enfance, les comptes à rendre. Par moments, il se sentait tellement mal qu’il lui venait des idées expéditives. Dans les films, les gens avaient des têtes symétriques, des fringues à leur taille, des moyens de locomotion bien souvent. Lui se contentait de vivre par défaut, nul au bahut, piéton, infoutu de se sortir une meuf, même pas capable d’aller bien. »

(J’ai conservé des extraits qu’ArenSor avait déjà cités.)
« Il n’y a pas si longtemps, il lui suffisait de se taper des popcorn devant un bon film pour être content. La vie se justifiait toute seule alors, dans son recommencement même. Il se levait le matin, allait au bahut, il y avait le rythme des cours, les copains, tout s’enchaînait avec une déconcertante facilité, la détresse maximale advenant quand tombait une interro surprise. Et puis maintenant, ça, ce sentiment de boue, cette prison des jours. »

Patrick est le père d’Anthony, et ici occasion d’analyse sociétale du changement des valeurs :
« Depuis, Patrick entretenait avec ce couvre-chef des relations d’opérette. Il le portait, se croyait observé, le piétinait, l’oubliait dans son C15, le perdait régulièrement. Au volant, sur un site, au bistrot, au bureau, au garage, il se posait cette question : devait-il porter sa casquette ? Autrefois, les mecs n’avaient pas besoin de se déguiser. Ou alors les liftiers, les portiers, les domestiques. Voilà que tout le monde se retrouvait plus ou moins larbin, à présent. La silicose et le coup de grisou ne faisaient plus partie des risques du métier. On mourait maintenant à feu doux, d’humiliation, de servitudes minuscules, d’être mesquinement surveillé à chaque stade de sa journée ; et de l’amiante aussi. Depuis que les usines avaient mis la clef sous la porte, les travailleurs n’étaient plus que du confetti. Foin des masses et des collectifs. L’heure, désormais, était à l’individu, à l’intérimaire, à l’isolat. Et toutes ces miettes d’emplois satellitaient sans fin dans le grand vide du travail où se multipliaient une ribambelle d’espaces divisés, plastiques et transparents : bulles, box, cloisons, vitrophanies.
Là-dedans, la climatisation tempérait les humeurs. Bippers et téléphones éloignaient les comparses, réfrigéraient les liens. Des solidarités centenaires se dissolvaient dans le grand bain des forces concurrentielles. Partout, de nouveaux petits jobs ingrats, mal payés, de courbettes et d’acquiescement, se substituaient aux éreintements partagés d’autrefois. Les productions ne faisaient plus sens. On parlait de relationnel, de qualité de service, de stratégie de com, de satisfaction client. Tout était devenu petit, isolé, nébuleux, pédé dans l’âme. Patrick ne comprenait pas ce monde sans copain, ni cette discipline qui s’était étendue des gestes aux mots, des corps aux âmes. On n’attendait plus seulement de vous une disponibilité ponctuelle, une force de travail monnayable. Il fallait désormais y croire, répercuter partout un esprit, employer un vocabulaire estampillé, venu d’en haut, tournant à vide, et qui avait cet effet stupéfiant de rendre les résistances illégales et vos intérêts indéfendables. Il fallait porter une casquette. »

Les personnages féminins sont de même approfondis :
« Depuis le temps qu’elle trompait son attente, se préparait. Ainsi, ces derniers jours, elle avait pris soin d’ingurgiter ses deux bouteilles de Contrex quotidiennes. Elle s’était mise au soleil, mais pas trop, une heure maxi, se nappant avec patience, couche après couche, jusqu’à obtenir le rendu parfait, un hâle savant, onctueux, une peau en or et de jolies marques claires qui dessinaient sur sa nudité le souvenir de son maillot deux pièces. Au saut du lit, elle montait sur la balance avec une inquiétude sourde. Elle était gourmande, fêtarde. Elle aimait se coucher tard et avait tendance à picoler pas mal. Alors elle s’était surveillée au gramme près, mesurant son sommeil, ce qu’elle mangeait, faisant mais alors extrêmement gaffe à ce corps qui selon les moments, la lumière, les fatigues et les rations de nourriture connaissait d’extraordinaires mues. Elle avait poli ses ongles, maquillé ses yeux, prodigué à ses cheveux un shampoing aux algues, un autre aux œufs. Elle avait fait un peeling et s’était frottée sous la douche avec du marc de café. Elle avait confié ses jambes et son sexe à l’esthéticienne. Elle était ravie, appétissante, millimétrée. Elle portait un débardeur tout neuf, un truc Petit Bateau à rayures. »

Les clés de la réussite sociale n’ont finalement guère changé de mains…
« Les décideurs authentiques passaient par des classes préparatoires et des écoles réservées. La société tamisait ainsi ses enfants dès l’école primaire pour choisir ses meilleurs sujets, les mieux capables de faire renfort à l’état des choses. De cet orpaillage systématique, il résultait un prodigieux étayage des puissances en place. Chaque génération apportait son lot de bonnes têtes, vite convaincues, dûment récompensées, qui venaient conforter les héritages, vivifier les dynasties, consolider l’architecture monstre de la pyramide hexagonale. Le “mérite” ne s’opposait finalement pas aux lois de la naissance et du sang, comme l’avaient rêvé des juristes, des penseurs, les diables de 89, ou les hussards noirs de la République. Il recouvrait en fait une immense opération de tri, une extraordinaire puissance d’agglomération, un projet de replâtrage continuel des hiérarchies en place. C’était bien fichu. »

… même si certains parviennent à prendre l’ascenseur social.
« Car ces pères restaient suspendus, entre deux langues, deux rives, mal payés, peu considérés, déracinés, sans héritage à transmettre. Leurs fils en concevaient un incurable dépit. Dès lors, pour eux, bien bosser à l’école, réussir, faire carrière, jouer le jeu, devenait presque impossible. Dans ce pays qui traitait leur famille comme un fait de société, le moindre mouvement de bonne volonté ressemblait à un fait de collaboration.
Cela dit, Hacine avait aussi plein d’anciens copains de classe qui se trouvaient en BTS, faisaient une fac de socio, de la mécanique, Tech de co ou même médecine. Finalement, il était difficile de faire la part des circonstances, des paresses personnelles et de l’oppression générale. Pour sa part, il était tenté de privilégier les explications qui le dédouanaient et justifiaient les libertés qu’il prenait avec la loi. »

Les classes moyennes, pourtant financièrement précaires, alimentent allègrement la société de consommation :
« Avec Coralie, ils s’étaient d’ailleurs rendus chez Mr Bricolage et Leroy Merlin, mais ils étaient chaque fois rentrés bredouilles. Hacine n’y connaissait rien en bricolage, et il avait peur de se faire arnaquer, ça le rendait méfiant, il refusait de parler aux vendeurs. Heureusement, il y avait juste à côté d’autres enseignes pour acheter de la déco, des vêtements, des jeux vidéo, du matos hi-fi, du mobilier exotique et puis manger un morceau. C’était la beauté de ces zones commerciales du pourtour, qui permettaient de dériver des journées entières, sans se poser de question, en claquant du blé qu’on n’avait pas, pour s’égayer la vie. À la fin, ils étaient même allés chez King Jouet et avaient parcouru les allées, un sourire aux lèvres, en pensant à tout le plaisir qu’ils auraient eu étant gosses, s’ils avaient pu s’offrir tout ça. Résultat, l’appart était rempli de bougies, de loupiotes en plastique, de plaids en laine polaire, de bibelots d’inspiration bouddhique. Coralie avait également craqué pour deux fauteuils en rotin garnis de coussins blancs. Avec le yucca et les plantes vertes dans les coins, c’est vrai que l’ensemble avait pris un certain cachet. Ce serait encore mieux quand Hacine se serait décidé à planter un clou pour accrocher la photo du Brooklyn Bridge qui attendait au pied du mur. »

Culmination avec la fresque du 14 juillet :
« Ils étaient donc là, peut-être pas tous, mais nombreux, les Français.
Des vieux, des chômeurs, des huiles, des jeunes en mob, et les Arabes de la ZUP, les électeurs déçus et les familles monoparentales, les poussettes et les propriétaires de Renault Espace, les commerçants et les cadres en Lacoste, les derniers ouvriers, les vendeurs de frites, les bombasses en short, les gominés, et venus de plus loin, les rustiques, les grosses têtes, et bien sûr quelques bidasses pour faire bonne mesure. »

C’est la ruralité, alors il faut deux ou quatre roues pour se déplacer, pas seulement pour la frime.
Il y a plusieurs incohérences ou erreurs, qu’une relecture sérieuse aurait corrigé.
Le suspense est habilement entretenu dans le déroulement de ces quelques vies caractéristiques, avec pour ressort les rapports tendus d’Anthony et Hacine.
Après une première partie plutôt rebutante, je me félicite d’avoir poursuivi l’effort de lecture de ce roman en fait très consistant, qui traite de la jeunesse, de la désindustrialisation, de l’immigration, des « cassos », des drogues et de la délinquance en notre pays (principalement les années 1990). Plus proche de l’observation sociologique (avec effectivement les pertinentes « analyses récapitulatives » évoquées par Topocl ; j’ai aussi pensé à Daewoo, de François Bon) que de l’"ouvrage d'imagination", il a quand même obtenu le prix Goncourt. Ce dernier peut se révéler décevant, mais a permis cette fois de faire valoir un romancier contemporain qui mérite d’être lu.

\Mots-clés : #immigration #lieu #mondedutravail #relationdecouple #relationenfantparent #ruralité #sexualité #xxesiecle
par Tristram
le Jeu 4 Avr - 12:23
 
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Sujet: Nicolas Mathieu
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Philip Roth

Tromperie

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C’est le film du même titre, d’Arnaud Desplechin avec Léa Seydoux et Denis Podalydès, qui m’a amené à cette lecture. Il s’agit de dialogues (qu’on retrouve dans le film) entre « Philip » et sa maîtresse, mais aussi son épouse et quelques autres femmes (notamment de Mitteleuropa). Lors des rencontres entre les deux amants dans son studio d’écrivain à Londres, confidences, questionnements, conversations (portant notamment sur leurs couples respectifs, leur sexualité, les juifs, l’Angleterre), placent cette liaison qui semble être inscrite dans la durée au centre du roman.
Réponse à un biographe après sa mort :
« – “Il n'a pas écrit un seul de ses livres. Ils ont été écrits par toute une série de maîtresses. J'ai écrit les deux derniers et demi. Et même ces notes qu'il a ajoutées de sa main l'ont été sous ma dictée.” »

Le regard de l'amante (anglaise) sur le narrateur est prépondérant :
« – Certains hommes écoutent patiemment, cela fait partie de la séduction qui mène à la baise. C'est pourquoi en général les hommes parlent aux femmes – pour les fourrer dans leur lit. Toi tu les fourres au lit pour leur parler. Certains hommes les laissent commencer leur histoire, puis quand ils pensent leur avoir prêté suffisamment d'attention, ils plaquent doucement la bouche en mouvement sur l'érection. Olina m'a tout raconté sur toi. Elle me l'a répété une ou deux fois. Elle a dit : “Pourquoi s'obstine-t-il à poser toutes ces questions irritantes ? Du point de vue affectif, il est déplacé de poser tant de questions ? Tous les Américains font-ils ainsi ?” »

« Tu ne participes à la vie que pour entretenir la conversation. Même le sexe est en réalité marginal. Tu n'es pas poussé par ta libido – tu n'es poussé par rien. Sinon par cette curiosité puérile. Sinon par cette désarmante naïveté. Voici des gens – des femmes – qui ne vivent pas la vie comme quelque chose de matériel, mais la vivent sur le plan de l'émotion. Et pour toi, plus c'est émotif mieux ça vaut. Ce qui te plaît le plus, c'est quand, encore dans un état de choc post-traumatique, elles s'efforcent de récupérer leurs vies, comme Olina à son arrivée de Prague. Ce qui te plaît le plus, c'est quand ces femmes émotives ne parviennent pas réellement à se raconter mais luttent pour intégrer leur histoire. C'est ça que toi, tu trouves érotique. Exotique aussi. Chaque femme est une baiseuse, chaque baiseuse une Schéhérazade. Elles n'ont pas été capables d'intégrer leur histoire et, dans le fait de raconter leur histoire, il y a comme une incitation à parfaire la vie – ce qui implique beaucoup de pathétique. Bien sûr c'est émouvant : le simple flux et reflux de leur voix, ce timbre de conversation intime, pour toi c'est émouvant. Ce qui est émouvant n'est pas nécessairement dans les histoires, mais dans leur désir ardent de fabriquer les histoires. L'inachevé, le spontané, ce qui est simplement latent, voilà la réalité, tu as raison. La vie avant que le récit ne prenne le relais est la vie. Elles essaient de combler par leurs mots l'énorme gouffre entre l'acte lui-même et la “narrativisation” de l'acte. Et toi tu écoutes et te précipites pour tout mettre par écrit, puis tu le détruis par ta maudite “fictionalisation”. »

À propos du personnage et alter ego de Roth, Nathan Zuckerman, lui aussi avec son biographe :
« Ce qui l'intéresse, c'est l'affreuse ambiguïté du “je”, la façon dont un écrivain fait un mythe de sa propre personne et, notamment, pourquoi. »

Vient cette fameuse scène où il répond devant la justice de cette accusation : « Pouvez-vous expliquer à la cour pourquoi vous haïssez les femmes ? » Dans un livre paru en 1990, c’est assez prémonitoire :
« Vous êtes accusé de sexisme, de misogynie, d'insultes aux femmes, de calomnie à l'encontre des femmes, de dénigrement des femmes, de diffamation des femmes, et de séduction cruelle, délits qui tous font l'objet de peines extrêmement sévères. »

Il est notamment accusé d’avoir, professeur d'université, eu des rapports sexuels avec trois étudiantes (dont celle qu’il retrouve à l’asile, atteinte d’un cancer).
À propos de Kafka :
« Le temps qu'un romancier de talent atteigne trente-six ans, il a renoncé à traduire l'expérience en fiction – il impose sa fiction à l'expérience. »

Bribes de dialogues notées dans un carnet de notes – qui tomberait sous les yeux de sa femme, à laquelle il mentirait.
« L'une est une silhouette esquissée dans un carnet au fil de conversations, l'autre est un personnage très important empêtré dans l'intrigue d'un livre complexe. Je me suis imaginé, extérieur à mon roman, en train de vivre une aventure avec un personnage à l'intérieur de mon roman. »

« J'écris de la fiction, on me dit que c'est de l'autobiographie, j'écris de l'autobiographie, on me dit que c'est de la fiction, aussi puisque je suis tellement crétin et qu'ils sont tellement intelligents, qu'ils décident donc eux ce que c'est ou n'est pas. »

« – Écoute, je ne peux pas vivre et je ne vis pas dans un monde de retenue, pas en tant qu'écrivain, en tout cas. Je préférerais, je t'assure – la vie en serait plus facile. Mais la retenue, malheureusement, n'est pas faite pour les romanciers. Pas plus que la honte. Éprouver de la honte est automatique en moi, inéluctable, peut-être est-ce bon ; le crime grave, c'est de céder à la honte. »

« J'écris ce que j'écris de la façon dont je l'écris, et si cela devait jamais arriver, je publierais ce que je publie comme j'entends le publier, et il n'est pas question qu'à ce stade avancé je commence à me demander ce que les gens comprennent de travers ou ne comprennent pas.
– Ou comprennent bien.
– Nous parlons d'un carnet, d'une épure, d'un diagramme, et non d'êtres humains !
– Mais tu es un être humain, que cela te plaise ou non ! Et moi aussi ! Et elle aussi !
– Pas elle, non, elle n'est que des mots – j'ai beau essayer, je ne suis pas capable de baiser des mots ! »

« – Mais tu ne peux pas... Tu ne peux pas avoir ainsi simultanément une vie imaginaire et une vie réelle. Et c'était probablement la vie imaginaire que tu avais avec moi et la vie réelle que tu avais avec elle. Écoute, il est impossible de noter de cette façon tout ce que dit quelqu'un.
– Mais je le faisais. Je le fais. »

J'ai trouvé fort intéressant ce roman (et film) retors, qui ramentoit L’Homme qui aimait les femmes de François Truffaut. Provocant, malicieux, jouant avec le politiquement correct et la morale, cette sorte d’antiroman brouille un peu plus encore les rapports entre confidence autobiographique et fiction dans un éblouissant, fallacieux jeu de miroirs.

\Mots-clés : #autobiographie #autofiction #ecriture #entretiens #intimiste #relationdecouple #sexualité
par Tristram
le Mer 28 Fév - 10:22
 
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Michel Houellebecq

Quelques mois dans ma vie (octobre 2022 – mars 2023)

Tag sexualité sur Des Choses à lire Quelqu10

Sorte de droit de réponse autobiographique sur deux affaires récentes où Houellebecq est impliqué.
D’abord, mea culpa suite à ses déclarations controversées (et largement sujettes à caution) dans un entretien avec Michel Onfray : son dernier mot, c’est :
« …] le problème n’est pas l’islam, c’est la délinquance »

D’autre part, son film porno hollandais, où il serait victime d’un aigrefin ; c'est aussi l'occasion d'une sorte de défense et illustration de la sexualité, et de la pornographie.
« Sous l’effet de différentes théories psychologiques erronées, on surévalue fréquemment l’importance des fantasmes dans la sexualité. Création mentale individuelle et autonome, développée en l’absence de toute relation humaine, les fantasmes n’ont presque aucune importance en matière sexuelle, et ne comptent absolument plus dès que l’amour est en jeu. Comme chacun au fond le sait, l’élément le plus important dans la sexualité est l’amour. En second lieu vient un sentiment moins exaltant, et moins souvent exalté, qu’on appelle en général sympathie. »

« Prostituée, voilà ce que j’appelle un beau métier, un métier honorable et noble. »

Humour, digressions, confidences, sordidité, étalage complaisant de ses pratiques sexuelles (comme le triolisme), provocation, mises en cause ad hominem (les noms sont doublés de qualificatifs outrageants), et cet affligeant constat :
« …] j’avais atteint, à titre personnel, la quasi-perfection de la connerie. »

Mais aussi :
« Je ne crois pas aux idées ; je crois aux gens. »

Certes Houellebecq fait montre d’esprit (même s’il est apparemment lent dans la vie courante), mais dans une large part, ce qu’il nous livre est un aperçu de l’infâme gloubi-boulga que nous servent à satiété nombre de médias et réseaux sociaux actuels, ce qui de mon point de vue en retire d’entrée beaucoup d'intérêt. Comme souvent chez lui, on trouve des aperçus originaux et pertinents ; cette fois, c'est aussi la démonstration, toujours utile, qu'on peut parfaitement voir se conjuguer chez un même individu intelligence et nigauderie.

\Mots-clés : #actualité #autobiographie #sexualité
par Tristram
le Jeu 31 Aoû - 12:28
 
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Philip Roth

Indignation

Tag sexualité sur Des Choses à lire Indign10

Étudiant pendant la guerre de Corée, le narrateur, Marcus Messner, a du mal à tenir à distance son père, un boucher kasher qui s’inquiète pour lui alors qu’il est sage et bûcheur : il quitte Newark pour l’Ohio. Motivé pour quitter la boucherie, il l’est aussi par le spectre de la conscription.
Il a dix-huit ans, et mourra à dix-neuf ; pour le moment, il découvre le sexe :
« Même maintenant (si « maintenant » peut encore vouloir dire quelque chose), au-delà de l’existence corporelle, vivant comme je le suis ici (si « ici » ou « je » veulent dire quelque chose), n’étant rien d’autre que mémoire (si « mémoire », à proprement parler, est ce milieu qui englobe tout et d’où mon « moi » tire sa subsistance), je continue à m’interroger sur les actions d’Olivia. Est-ce à cela que ça sert, l’éternité, à ruminer les menus détails de toute une vie ? Qui aurait pu imaginer qu’il faudrait se souvenir à jamais de chaque moment de sa vie jusque dans les moindres particularités ? Ou se peut-il que ce soit seulement le cas pour cette vie dans l’au-delà qui est la mienne, et que, tout comme chaque vie est unique, chaque vie dans l’au-delà le soit également, chacune étant comme l’empreinte digitale impérissable d’une vie dans l’au-delà différente de toutes les autres ? Je n’ai aucun moyen de le dire. Comme dans la vie, je connais seulement ce qui est et, dans la mort, ce qui est équivaut à ce qui fut. »

Olivia, de parents divorcés, a déjà tenté de se suicider, et paraît instable. Sans surprise, Roth dépeint sans fard le désarroi libidinal des jeunes gens soumis à la continence.
Juif athée, il est indigné par les sermons chrétiens assénés d’office « au cœur de l’Amérique profonde » (le Middle West, très traditionnel). Il est recadré par le doyen (intégriste) pour son manque d’intégration (lors d’un entretien où il cite Bertrand Russell).
Son père, de plus en plus catastrophiste (voire paranoïaque), est devenu irascible, et sa mère veut divorcer ; mais cette femme forte revient sur sa décision, si Marcus renonce à Olivia.
Rapprochement de l’abattage kasher des poulets et de la tentative de suicide d’Olivia :
« Ce que je veux dire, c’est ceci : que c’est cela qu’Olivia avait cherché à faire, se tuer selon les prescriptions kasher, en se vidant de son sang. Si elle avait réussi, si elle avait habilement mené sa tâche à bien d’un seul coup tranchant de la lame, elle se serait rendue kasher conformément à la loi rabbinique. La cicatrice révélatrice d’Olivia venait de sa tentative de meurtre rituel appliqué à elle-même. »

Olivia s’en va, victime de dépression ; Marcus, qui avait accepté d’être subrepticement remplacé aux offices obligatoires, sera renvoyé et perdra définitivement conscience dans le bain de sang coréen. Ce jeune homme qui avait et faisait tout pour réussir aura ce destin absurde pour n’avoir pas su « fermer sa grande gueule ».
Ce bref roman magistralement écrit est aussi parfaitement athée et anticlérical.

\Mots-clés : #guerre #jeunesse #relationenfantparent #religion #sexualité #social #xxesiecle
par Tristram
le Mer 23 Aoû - 12:17
 
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Sujet: Philip Roth
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Paul Léautaud

Journal particulier 1933

Tag sexualité sur Des Choses à lire Journa14

Paul Léautaud, soixante et un ans, qui a déjà Anne Cayssac (« le Fléau ») comme maîtresse depuis dix-huit ans, est invité chez elle par Marie Dormoy, une bibliothécaire du milieu littéraire et artistique gravitant autour du Mercure de France, et qui ne le séduit guère.
« Et ce n’est pas que je tienne à aucune aventure. Franchement non. Ma tranquillité, ma santé, mon travail. »

« Enfin, raté, raté, raté, comme il arrive toujours en pareil cas, comme il m’arrivait même quand j’étais jeune. Tout est, chez moi, une affaire de tête. Si la tête ne marche pas, bonsoir. J’ai dû lui laisser une fichue opinion de moi. »

Dans le même temps abordé par une « dame de La Varenne », il cherche à éviter ces relations.
« Mais sans le vrai attrait, pas de vrai plaisir. Je parle pour moi ! On ne fait rien de bon cœur. Je ne sais même pas s’il n’y a pas : mauvais cœur. »

Rapports sexuels aboutis avec Marie (version que cette dernière contestera dans ses Mémoires), suivis de craintes hypocondriaques, et liaison de plus en plus suivie.
« J’ai relu mes notes, la même chose que pour le Fléau au début : pas mon type, pas attrait complet, et ceci, et cela. Et Dieu sait ce que je suis devenu dans la suite, à l’égard du Fléau. Que cela ne m’arrive pas avec M. D., je le souhaite vivement. »

« Je ne suis pas si éteint que je croyais et craignais. Cela n’a été qu’un moment. Cela vaut tout de même mieux. Ce qui ne m’empêche pas de penser dans quelles histoires suis-je en train de m’engager. Voyez-vous qu’elle se prenne au jeu et se mette à tenir à moi. Grands souhaits que non. »

Importance des gestes impudiques, des propos polissons, qui l’excitent, comme leur correspondance.
« Elle s’est payée du plaisir ce matin avec abondance, mais j’ai eu l’occasion de la regarder une minute : quel manque de grâce sur le visage dans le plaisir. Comme les femmes peuvent offrir des physionomies différentes, les hommes aussi sans doute. »

Maladresses (elle est trop souvent « malade » à son goût) :
« (Ses avortements, quatre fois.) J’ai commis alors un impair, ne pouvant pas me douter qu’elle y serait à ce point sensible, en lui disant en plaisantant : « Tu aurais mieux fait d’avoir quatre enfants. » – Ce qui lui a amené des larmes, presque à pleurer pour de bon. Est-ce souvenir d’hommes qu’elle a aimés, est-ce sorte de sensibilité maternelle ? J’aurais certes mieux fait de ne pas tenir ce propos. »

Léautaud regrette qu’elle ne soit pas « jolie », ni assez démonstrative dans l’acte ; ils échangent des petits mots, qui ne sont pas sans une certaine goujaterie de sa part.
« Elle n’est pas jolie. Elle est comme un mannequin quand elle fait l’amour. Elle n’a rien de très agréable à montrer quand elle est nue. Elle devrait comprendre cela.
Quoiqu’il soit bien agréable, telle qu’elle est, de l’avoir l’été, pendant l’absence du « Fléau ». Surtout, maintenant, que tous les deux arrivés à une certaine intimité et liberté physiques. Tout est ainsi dans la vie, dans tous les domaines : il faut savoir se contenter d’à peu près.
Je comptais pourtant bien m’offrir ce soir une séance. »

Et effectivement, c’est lui qui la poursuit, quoiqu’il en dise.
« J’ai encore fait cette remarque : elle ne prend un visage un peu intéressant qu’après avoir joui trois ou quatre fois. Mais pas moyen de la faire parler. Elle rit quand je lui reproche son mutisme. « Au fond, tu voudrais que je te dise des cochonneries. Moi je trouve que dans la jouissance on n’a pas besoin de parler. » Elle est d’une école qui n’est pas la mienne. »

Il est méfiant aussi à propos de son Journal littéraire, que Marie l’engage à céder à sa bibliothèque (en lui en conservant l’accès).
Il est bon de rappeler que Marie Dormoy, elle-même écrivaine, devint la dactylographe du Journal littéraire, et contribua essentiellement à faire publier l’œuvre de Léautaud.
Cru voire cuistre, regard clinique, ce journal privé m’a paru tel que pourraient le rédiger nombre d’hommes – et ce peut être un regret de ne pas l’avoir fait !

\Mots-clés : #autobiographie #erotisme #journal #sexualité #vieillesse
par Tristram
le Mar 8 Aoû - 12:35
 
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Sujet: Paul Léautaud
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Karine Tuil

Tag sexualité sur Des Choses à lire CVT_Les-Choses-humaines_1824


Résumé :

Les Farel forment un couple de pouvoir. Jean est un célèbre journaliste politique français ; son épouse Claire est connue pour ses engagements féministes. Ensemble, ils ont un fils, étudiant dans une prestigieuse université américaine. Tout semble leur réussir. Mais une accusation de viol va faire vaciller cette parfaite construction sociale

Le sexe et la tentation du saccage, le sexe et son impulsion sauvage sont au cœur de ce roman puissant dans lequel Karine Tuil interroge le monde contemporain, démonte la mécanique impitoyable de la machine judiciaire et nous confronte à nos propres peurs. Car qui est à l’abri de se retrouver un jour pris dans cet engrenage ?


source Babelio


Il s'agit avant tout d'une affaire de viol très médiatisée puisque l'accusé, Alexandre, est le fils d'un célèbre journaliste de télévision très populaire, Jean Farel, connu pour ses interviews de politiciens,  sa mère, Claire, étant elle-même une essayiste reconnue pour ses engagements féministes....son dernier article sur les nombreuses agressions sexuelles dont deux viols qui eurent lieu à Cologne lors des fêtes du Nouvel an en 2016 par de nombreux migrants va la mettre dans une zone de grande turbulence.

Alexandre, jeune homme plus fragile qu'il n'y paraît, élevé très sévèrement,  un père très exigeant, une mère peu présente.....

Evidemment, ce sont donc des personnages d'une certaine élite intellectuelle parisienne.

Karine Tuil  nous dépeint ici la classe de la réussite à tout prix, de la performance à atteindre quoiqu'il en coûte, donc plus dure sera la chute (relative). Même l'affaire de Monica Lewinsky et de Clinton est évoquée...tout comme celle de DSK. Karine Tuil s'appuie dans son roman sur une affaire réelle qui s'est déroulée dans une université aux Etats-Unis.

Ce roman m'a plu, m'a laissée perplexe aussi, la façon de démonter le processus d'un supposé viol, la mise à nu de la vie privée, l'influence énorme des réseaux sociaux qui, à eux seuls, font les coupables ou les innocents...tout ceci est bien vu. Les plaidoiries des deux avocats sont remarquables.

La définition d'un viol est analysée dans ses moindres détails, l'influence de "Me too "et de " balance ton porc"  joue un rôle indéniable dans le processus. Oui, comment définir un viol ?

J'aurais eu tendance à dire, un passage en force, des coups, de la violence, des menaces..et bien non...apparemment pas.

Très bien ce livre, mais un peu facile. Les personnes relativement caricaturaux, une certaine bourgeoisie, ça il ne s'agit pas d'une tournante dans une cave d'une cité... c'est clair.

Bien écrit, le mécanisme psychologique remarquablement analysé...la rage de réussir à tout prix... aucun frein, le sentiment de toute puissance...d'appartenance à une élite où tout est permis.

le viol existe, c'est indéniable, c'est réel, c'est terrible... malgré tout, j'aurais tendance à dire qu'une jeune femme qui suit de son plein gré un homme dans un endroit isolé après avoir bu et consommé de la drogue...ne doit pas s'attendre à ce qu'il lui joue du violon ou récite des poèmes. Elle se met en danger...c'est une évidence. Car, comme l'avait si bien compris Claire : La déflagration extrême, la combustion définitive, c'était le sexe, rien d'autre -fin de la mystification.

Bref..... je vous laisse le soin de découvrir tout ceci....la fin ne doit pas être loin de la réalité....triste monde.


\Mots-clés : #justice #sexualité #violence
par simla
le Sam 5 Aoû - 9:22
 
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Sujet: Karine Tuil
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Herve guibert

Hervé Guibert

Tag sexualité sur Des Choses à lire Xxx53

(Saint-Cloud, 14 décembre 1955 – Clamart, 27 décembre 1991)

Hervé Guibert est un journaliste, romancier et photographe.

Au départ, il rêvait d'être cinéaste. A 17 ans, recalé au concours de l'Idhec, il se rabat sur la photo, expose et publie plusieurs ouvrages.

Après quelques faux pas vers la carrière de comédien, qui lui font rencontrer Patrice Chéreau - plus tard, il écrira avec lui le scénario de L'Homme blessé - à 21 ans, il intègre la rédaction du Monde, critique à la rubrique photographie pendant huit ans.

Petit prince aux dons multiples, il n'a que 21 ans quand il publie, en 1977, grâce à Régine Deforges, son premier livre, "La Mort propagande".

Écrivain précoce, il est remarqué très vite par la critique et suivi par un noyau de lecteurs qui saluent son audace et sa férocité.

Après plusieurs livres au succès d'estime, il atteint la gloire en 1990 en révélant son sida dans A l'ami qui ne m'a pas sauvé la vie. Ce roman sera le premier d'une trilogie, composée également du Protocole compassionnel et de l'Homme au chapeau rouge. Dans ces derniers ouvrages, il décrit de façon quotidienne l'avancée de sa maladie.

Homosexuel, atteint du sida, suicidé à 36 ans, Hervé Guibert a placé la maladie au cœur de son œuvre.

[center]*****


Je viens de lire "Les aventures singulières"
Résumé :
« Ce pourrait être un roman, finalement, puisqu'il n'y a qu'un seul personnage, tout au long, qui en rencontre d'autres. Des errances, des effusions, des voyages, des coups de cœur. Mais il y a aussi des interstices, des sautes de temps entre les histoires, et ce sont plutôt les épisodes d'une vie arrachés à la longue trame du journal intime. Tout ce qui a fait exception au quotidien, dans un laps de trois ans, et qui l'a déséquilibré, menacé…
Hervé Guibert »

Une belle écriture...

Avant de commencer ma lecture, j'ai revu un entretien avec Bernard Pivot à Apostrophe...
Et je me suis souvenue de ce jeune homme de 35 ans... un météorite de la littérature française (que les moins de 20 ans...), dernier compagnon de Michel Foucault.
Il m'a beaucoup émue...
[/center]
\Mots-clés : #sexualité #voyage
par Plume
le Dim 11 Juin - 13:24
 
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Sujet: Herve guibert
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Akiyuki Nosaka

La Vigne des morts sur le col des dieux décharnés et La petite marchande d’allumettes

Tag sexualité sur Des Choses à lire La_vig10

La Vigne des morts sur le col des dieux décharnés
Setsuo et Takao sont frère et sœur, Sakuzô et Tazu leurs père et mère ; ils vivent sur une houillère au col des dieux décharnés. Takao veut faire pousser dans son jardin la vigne des morts, qui croît sur les tombes des victimes de la mine. Pour ce faire, elle aide un bébé à mourir avant de repiquer dessus un plant de cette liane. Elle couche avec son frère puis, celui-ci mort et enterré sous la vigne, son père, dont elle a une fille, Satsuki. À la mort de Sakuzô, Takao prend la direction de la mine ; après le carnage de la Deuxième Guerre, la prospérité y revient, puis un cataclysme l’inonde. Subsiste un village de rescapés qui vivent, dans une débauche permanente, des baies de la vigne ; mais celle-ci s’étiole car il n’y a plus beaucoup de morts : les femmes enfantent pour la nourrir. Usuki, un étudiant enrôlé avant guerre, est resté pour Satsuki, jusqu’à ce qu’il découvre ses relations incestueuses avec sa mère. Il l’enlève et ils s’enfuient, tandis que les derniers habitants s’entretuent.
Oscillant entre le témoignage historique et l’horreur, le mariage hallucinant du conte et de l’obscénité.

La petite marchande d’allumettes
À treize ans, Oyasu à des relations sexuelles avec l’amant de sa mère puis son beau-père. Innocente, elle associe l’odeur des hommes d’un certain âge avec le père qu’elle n’a pas connu. Elle devient masseuse, puis prostituée, de plus en plus déchue et affaiblie, suivant inlassablement cette pulsion. Andersen vu d’un Japon sans faux-semblant tout en étant fantasmatique :
« C’est ainsi qu’elle avait décidé d’exhiber son sexe à la lueur d’une allumette pour cinq yen, technique acquise alors qu’elle logeait dans un de ces bouges. »

Ce qui fait la fascination de l’écriture de Nosaka, ici développant des érotismes morbides, c’est la description factuelle et très précise de situations extraordinaires – peut-être pas si exceptionnelles – de la condition humaine traumatisée, autodestructrice, dans la misère et la dépravation. Insanité et inacceptable rapportés avec un détachement contrastif, une association fort dérangeante du réalisme et de la légende fondus dans une sorte d’excès mesuré.

\Mots-clés : #mort #nouvelle #sexualité
par Tristram
le Dim 12 Mar - 14:42
 
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Sujet: Akiyuki Nosaka
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Annie Ernaux

Les armoires vides

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Denise, « Ninise » Lesur, jeune étudiante, subit un avortement clandestin, et évoque son enfance. Une enfance dans un milieu méprisé (a posteriori), en fait assez heureux (parents faisant « tout » pour elle, chère abondante – c’est l’après-guerre), modeste mais relativement privilégié (commerçants) : la misère est en réalité autour (avec notamment l’alcoolisme), même si on baigne dedans (d’autant plus avec la promiscuité).
« Malheurs lointains qui ne m'arriveront jamais parce qu'il y a des gens qui sont faits pour, à qui il vient des maladies, qui achètent pour cinquante francs de pâté seulement, et ma mère en retire, elle a forcé, des vieux qui ont, a, b, c, d, la chandelle au bout du nez en hiver et des croquenots mal fermés. Ce n'est pas leur faute. La nôtre non plus. C'est comme ça, j'étais heureuse. »

Puis l’autre monde, celui de l’école (libre) ; humiliation sociale, et culpabilité (le péché) insinuée par l’aumônier à la « vicieuse » avec son « quat'sous » (son sexe, avec connotation de peu de valeur) ; puis revanche de première de la classe. Et la lecture.
« Ces mots me fascinent, je veux les attraper, les mettre sur moi, dans mon écriture. Je me les appropriais et en même temps, c'était comme si je m'appropriais toutes les choses dont parlaient les livres. Mes rédactions inventaient une Denise Lesur qui voyageait dans toute la France – je n'avais pas été plus loin que Rouen et Le Havre –, qui portait des robes d'organdi, des gants de filoselle, des écharpes mousseuses, parce que j'avais lu tous ces mots. Ce n'était plus pour fermer la gueule des filles que je racontais ces histoires, c'était pour vivre dans un monde plus beau, plus pur, plus riche que le mien. Tout entier en mots. Je les aime les mots des livres, je les apprends tous. »

« Pour moi, l'auteur n'existait pas, il ne faisait que transcrire la vie de personnages réels. J'avais la tête remplie d'une foule de gens libres, riches et heureux ou bien d'une misère noire, superbe, pas de parents, des haillons, des croûtes de pain, pas de milieu. Le rêve, être une autre fille. »

Rejet du moche, du sale, du café-épicerie de la rue Clopart, honte haineuse d’une inculture (pourtant compréhensible), envie aussi de la vie des autres jeunes, de la liberté : l’adolescente veut "s’en sortir".
Premières menstrues, « chasse aux garçons », découverte du plaisir ; avec quand même la crainte confuse de mal tourner, comme redoutent les parents (qui triment pour lui permettre de poursuivre ses études).
« Dans l'ordre, si tout y avait été, une maison accueillante, de la propreté, si je m'étais plu avec eux, chez eux, oui, ce serait peut-être rentré dans l'ordre. »

Dix-sept ans, l’Algérie et mai 68 en toile de fond, et ce besoin (à la fois légitime et choquant) d’être supérieur à sa condition d’origine.
« J'inscris des passages sur un petit carnet réservé, secret. Découvrir que je pense comme ces écrivains, que je sens comme eux, et voir en même temps que les propos de mes parents, c'est de la moralité de vendeuse à l'ardoise, des vieilles conneries séchées. »

« Mais la fête de l'esprit, pour moi, ce n'est pas de découvrir, c'est de sentir que je grimpe encore, que je suis supérieure aux autres, aux paumés, aux connasses des villas sur les hauteurs qui apprennent le cours et ne savent que le dégueuler. »

Étudiante enfin, puis c’est la « dé-fête », elle est enceinte, et avorte clandestinement.
« J'ai été coupée en deux, c'est ça, mes parents, ma famille d'ouvriers agricoles, de manœuvres, et l'école, les bouquins, les Bornin. Le cul entre deux chaises, ça pousse à la haine, il fallait bien choisir. »

Contrairement à ce qui est parfois prétendu, Ernaux a "un style".
« Ça me fait un peu peur, ça saignera, un petit fût de sang, lie bleue, c'est mon père qui purge les barriques et en sort de grandes peaux molles au bout de l'immense rince-bouteilles chevelu. Que je sois récurée de fond en comble, décrochée de tout ce qui m'empêche d'avancer, l'écrabouillage enfin. Malheureuse tout de même, qui est-il, qui est-il... Mou, infiniment mou et lisse. Pas de sang, une très fine brûlure, une saccade qui s'enfonce, ce cercle, ce cerceau d'enfant, ronds de plaisir, tout au fond... Traversée pour la première fois, écartelée entre les sièges de la bagnole. Le cerceau roule, s'élargit, trop tendu, trop sec. La mouillure enfin, à hurler de délivrance, et macérer doucement, crevée, du sang, de l'eau. »

« Le goût de viande crue m'imbibe, les têtes autour de moi se décomposent, tout ce que je vois se transforme en mangeaille, le palais de dame Tartine à l'envers, tout faisande, et moi je suis une poche d'eau de vaisselle, ça sort, ça brouille tout. Le restau en pleine canicule, les filles sont vertes, je mange des choses immondes et molles, mon triomphe est en train de tourner. Et je croyais qu'il s'agissait d'une crise de foie. Couchée sur mon lit, à la Cité, je m'enfilais de grands verres d'hépatoum tout miroitants, une mare sous des ombrages, à peine au bord des lèvres, ça se changeait en égout saumâtre. La bière se dénature, je rêve de saucisson moelleux, de fraises écarlates. Quand j'ai fini d'engloutir le cervelas à l'ail dont j'avais une envie douloureuse, l'eau sale remonte aussitôt, même pas trois secondes de plaisir. J'ai fini par faire un rapprochement avec les serviettes blanches. Une sorte d'empoisonnement. »

Et pour une écriture "blanche" (certes peu métaphorique), j’ai découvert plusieurs mots nouveaux pour moi : décarpillage, cocoler, polard, pouque et mucre (il est vrai cauchois), etc. ; curieusement (pourtant dans l’œuvre d’une écrivaine nobelisée !), je n’ai pas trouvé en ligne la définition de "creback", apparemment une pâtisserie, ni « troume » (peur vraisemblablement).
Dès ce premier roman, Ernaux parvient, avec l'originalité de son écriture, à nous transmettre une expérience commune. C'est peut-être ça qui explique l'oppression ressentie à cette lecture, comme signalée par Chrysta : Ernaux n'est pas une auteure d'évasion, c'est tout le contraire, on est sans cesse durement ramené à la triste réalité.

\Mots-clés : #autobiographie #conditionfeminine #contemporain #enfance #identite #intimiste #Jeunesse #Misère #relationenfantparent #sexualité #social #temoignage #xxesiecle
par Tristram
le Ven 28 Oct - 11:23
 
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Sujet: Annie Ernaux
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Eve Ensler

Les monologues du vagin, 1996

Tag sexualité sur Des Choses à lire Cvt_le20

Le titre m’a fait peur, je me demandais pourquoi le vagin précisément, vu que ce qui est caché est notre sexe en sa totalité, voire plus spécifiquement le clitoris…
Mais elle explique dès le début pourquoi choisir ce mot : elle n’a pas trouvé mieux, « chatte » implique trop de choses, « vulve » est encore plus spécifique … Donc par « vagin », il faut entendre le sexe de la femme dans son ensemble.
Ces monologues m’ont énormément fait penser à Au de-là de la pénétration de Martin Page, où l’on retrouve de nombreux témoignages de femmes concernant leurs sexualités. Peut être s’en est-il inspiré ?
On y retrouve des témoignages poignants :

A 72 ans, elle avait commencé une thérapie, et sur les conseils de son psy, un jour, elle était rentrée chez elle, avait allumé des bougies, s’était fait couler un bain, avait mis une musique d’ambiance et était partie à la découverte de son vagin. Elle m’a dit que ça lui avait pris plus d’une heure, parce qu’elle avait de l’arthrose, mais que quand enfin elle avait trouvé son clitoris, elle s’était mise à pleurer.


Se dire qu’une femme, qui a eu des rapports sexuels, des enfants, n’a jamais connu l’orgasme alors qu’elle possède un organe prévu juste pour ça.. Ca me révolte et me bouleverse, le manque d’information, d’études, d’éducation sur ce sujet est tellement énorme…

Il y a également des témoignages remplis de poésie, de beauté, de liberté, de femmes qui s’émancipent, sortent de la norme et des doctrines, qui s’envolent loin au dessus de tout ça, j’aime beaucoup ceux ci :

Il = mon vagin a écrit:Il veut voyager. Il n’a pas envie de voir trop de monde. Il veut lire, connaître des choses, sortir davantage. Il veut faire l’amour. Il adore faire l’amour. Il veut aller au bout des choses. Il a soif de profondeur. Il veut faire des fouilles archéologiques, remonter aux sources. Il veut de la tendresse. Il veut du changement. Du silence et de la liberté et des baisers doux et des humidités chaudes et des caresses voluptueuses. Il veut du chocolat, être en confiance et de la beauté. Il veut hurler. Mais il ne veut plus être en colère. Il veut jouir. Il veut vouloir. Il veut … Mon vagin… Mon vagin … C’est bien simple… il veut tout.


Réponse d'une enfant de six ans :
« Ton vagin il sent quoi ?
_Les flocons de neige »


Des faits surprenants également (apparemment c’est toujours d’actualité ! )


Le vente des vibromasseurs est interdite par la loi dans les Etats suivants : Texas, Géorgie, Ohio et Arkansas. Si vous vous faites prendre, vous risquez une amende de 10 000 dollars et un an de travaux forcés. En revanche, dans ces mêmes Etats, la vente des armes est parfaitement légale. Et pourtant, on n’a jamais vu un massacre collectif causé par un vibromasseur.



Avec ces témoignages, on découvre ce que les femmes subissent encore, actuellement, au niveau de leurs corps, de leurs sexualités, de leurs libertés… Même si ce livre date de 1996, il est malheureusement toujours d’actualité.


\Mots-clés : #identite #identitesexuelle #sexualité
par Silveradow
le Dim 29 Mai - 19:51
 
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Sujet: Eve Ensler
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Junichiro TANIZAKI

Le Tatouage et autres récits

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Le Tatouage
Seikichi, un jeune tatoueur réputé et cruel qui cherchait une jeune beauté selon son désir pour lui « instiller toute son âme », suborne une future geisha et lui montre deux peintures anciennes, une princesse contemplant un homme qui va être immolé, et une femme regardant un monceau de cadavres, lui disant que c’est sa propre image. D’abord terrifiée, elle se soumet, puis est révélée à elle-même par le tatouage.

Les Jeunes Garçons
Ei-chan, le narrateur, est invité par son condisciple, le timoré Shin.ichi, à jouer chez lui, où il se révèle dominateur, notamment avec Senkichi, pourtant chef de bande à l’école. Mitsuko, sa sœur, se mêle bientôt à eux, et c’est alors une succession de fantasmatiques jeux sadomasochistes.

Le Secret
Le narrateur décide de faire une retraite secrète à l’écart des turbulences de Tôkyô.
« Il ne peut pas ne pas y avoir, me disais-je, coincée au milieu de la cohue des rues populaires, quelque oasis de paix où ne passent qu’exceptionnellement des gens bien déterminés dans des circonstances bien déterminées ; exactement comme dans un torrent impétueux se forment ici et là des trous d’eau dormante. »

Il mène dès lors une existence clandestine, lisant romans policiers et histoires criminelles, se déguisant pour sortir, puis se travestissant en femme.
« Environ une semaine plus tard, un soir, un incident imprévu, un curieux concours de circonstances, furent le point de départ d’une aventure passant toutes les autres en étrangeté, en fantaisie, en mystère. »

Il croise une femme avec qui il eut une aventure, dont la beauté l’éclipse et qui le débusque.
« Vous trouvez sans doute singulière ma toilette de ce soir ; mais c’est qu’il n’est pas d’autre moyen que de changer ainsi de mise tous les jours si l’on veut dissimuler aux gens ce que l’on est réellement. »

Il fréquente de nouveau « la femme d’un songe, qui habite le pays des chimères » sans même connaître son adresse, emmené là en pousse-pousse les yeux bandés ; parvenu à découvrir le chemin de son domicile, il sera dégrisé au terme de ses déambulations dans les rues, dont il se demande depuis le commencement combien il ne connaît pas dans la ville (et ce texte constitue un beau morceau d'urbex)…
Tanizaki, écrivain de la sensualité hors-norme dans un style magnifique, dès ses premières œuvres.

\Mots-clés : #nouvelle #psychologique #sexualité #urbanité
par Tristram
le Sam 30 Avr - 14:49
 
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Sujet: Junichiro TANIZAKI
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Ian McEwan

Sur la plage de Chesil

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Edward Mayhew et Florence Ponting, deux jeunes mariés encore vierges le soir de leur mariage dans la suite nuptiale d’un hôtel donnant sur la plage de Chesil, Dorset, dans le début des années 60. Quoiqu’amoureuse, elle est révulsée à la perspective des rapports sexuels.
La soirée commence assez mal.
« Ce n’était pas une période faste dans l’histoire de la cuisine anglaise, mais personne ne s’en souciait vraiment, sauf les visiteurs étrangers. Le dîner de noces commença, comme tant d’autres à l’époque, par une tranche de melon décorée d’une unique cerise confite. Dans le couloir, des plats en argent sur leurs chauffe-plats contenaient des tranches de rôti de bœuf dont la cuisson remontait à plusieurs heures, figées dans une épaisse sauce brune, des légumes bouillis et des pommes de terre bleuâtres. Le vin était français, même si l’étiquette, ornée d’une hirondelle solitaire s’envolant à tire-d’aile, ne mentionnait aucune appellation précise. »

McEwan revient sur l’histoire personnelle des deux jouvenceaux, lui d’un milieu modeste avec une mère « mentalement dérangée », passionné d’histoire et de lecture, elle de musique classique et tout particulièrement de violon. Tous deux avaient hâte de s’émanciper, « dans une sorte d’antichambre, attendant avec impatience que [leur] vraie vie commence ». La psychologie adolescente est remarquablement décrite, et on peut constater qu’il existe des invariants jusqu’à nos jours.
« L’URSS se battait et s’était toujours battue pour la libération des peuples opprimés, contre le fascisme et les ravages d’un capitalisme insatiable. »

La séance nuptiale : elle s’efforce, culpabilisée, de complaire à son mari, mais c’est le drame. Outre l’analyse très pointue des caractères, ce bref roman explicite la tragédie de l’ignorance avant la révolution sexuelle, source de malentendu et de gâchis.
Voir, toujours dans monde anglo-saxon, mais aussi français : https://www.franceculture.fr/emissions/et-maintenant/et-maintenant-du-mardi-08-mars-2022

\Mots-clés : #amour #education #psychologique #sexualité #social #xxesiecle
par Tristram
le Dim 13 Mar - 12:57
 
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Sujet: Ian McEwan
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Akiyuki Nosaka

Les Pornographes

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Dans l’Osaka des années soixante, Subuyan se débrouille avec Banteki et bientôt d’autres comparses dans les commerce et industrie pornographiques. C’est un panorama apparemment exhaustif de ce milieu interlope, qui les mène jusqu’à la réalisation de films et au proxénétisme, avec notamment Cancrelat, qui mérite bien son surnom, et Lagratte, écrivain érotique inspiré par sa mère devenue frigide en se tenant immobile pendant qu’on la besognait à côté de son petit enfant… Combines et professionnalisme se mêlent comiquement dans l’activité débordante de ces acolytes hauts en couleur, rendus au quotidien dans leur misère débrouillarde, subsistant aux dépens de vicieux notables, sans autre perspective que d’aller en prison.
Le récit suit un rythme très vif (dans tous les sens du terme), les picaresques péripéties s’enchaînent sans pause. C’est leste, truculent et même cru, mais c’est aussi la découverte d'une population dans le besoin, sa gouaille rendue avec humour – avec des flashs d’images terribles, comme celle où Subuyan perdit sa mère dans un bombardement de Kôbe, cuite à l’étouffée (le souvenir de la guerre reste omniprésent)…
Outre les fantasmes particuliers à l’imaginaire japonais (notamment les lycéennes en uniforme), on découvre de curieuses caractéristiques de la société nipponne, comme le recours d’entreprises à des exhibitions pornographiques sous-traitées (bien que la pornographie et la prostitution soient illégales et poursuivies par la police).
« En somme, jugeait-elle, faites miroiter un tant soit peu les plaisirs de la vie aux filles d’aujourd’hui et vous verrez, ce ne sont pas les scrupules qui les étouffent. »

Il y a de grandes scènes à la fois cocasses et sordides, comme la comparaison de leur première expérience onaniste, la rencontre scabreuse d’homosexuels et de lycéennes « au bar gay Cocteau », ou encore le cours de pelotage dans le métro…
« − Oui, oh, j’ai un rancard pour faire guide de presse.
− Guide de presse ?!
− Ouais, aux heures où y a presse dans le train, aux heures de pointe, quoi. J’ai un gars qui rêve de se faire prendre en sandwich entre deux minettes. »

Les pornographes sont épris de réalisme, et l’auteur aussi, même s’ils se réclament de l’humanisme !
« T’en as dont le truc est en berne, tout ratatiné, que moi, grâce à mes photos spéciales et mes bouquins, je les aide à redresser la tête encore une fois. Voilà, je rends service, par le fait. Je les compte plus, ceux qui sont venus me remercier jusqu’à maintenant, et ceux qui n’attendaient que ça, tiens, les larmes aux yeux, de se confier à moi. Crois-moi, c’est un métier qui t’assure une place au paradis, ça. »

En parallèle, Subuyan s’éprend de sa belle-fille Keiko (l’inceste revient souvent), est en proie à des problèmes d’érection…
Banteki le photographe se révèle un cinéaste doué, dont le travail s’apparente bientôt plus à l’érotisme suggestif qu’à la pornographie.
Yasuko, qui joue les pucelles pour clients amateurs de virginité, éduquée depuis toute jeune par sa mère maquerelle, envisage de poursuivre en formant sa propre fille.
« Soit talent maternel de pédagogue, soit privilège inné du beau sexe, moins de six mois suffirent à Yasuko pour maîtriser l’art de feindre tant la pure ingénue que la saute-au-paf allumée. »

« D’après elle, on devrait finir par obtenir la femme accomplie avec la petite-fille, ma fille à moi, donc. Ma mère aura été l’exploratrice, moi la pionnière, si vous voulez, et ce ne serait qu’à la génération suivante, la troisième donc, qu’on pourrait vraiment récolter les fruits. »

L’aboutissement de leur questionnement du sexe sera l’organisation de partouzes…
Premier roman, qui d’ailleurs le rendit célèbre, Les Pornographes est évidemment nourri de l’expérience de Nosaka. Sa mère mourut peu après sa naissance, et sa mère adoptive fut tuée dans un bombardement alors qu’il avait quinze ans. Il survécut de larcins et magouilles diverses jusqu’à être envoyé en maison de correction.
Une sorte de Steinbeck érotomane, de Cossery sans inhibitions ni limites !

\Mots-clés : #erotisme #misere #sexualité
par Tristram
le Mar 21 Déc - 11:23
 
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Sujet: Akiyuki Nosaka
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Rachilde

Monsieur Vénus

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Roman osé, provocateur, où, avec un demi-siècle d'avance sur Bataille, Rachilde explore toutes les modulations amoureuses d'un couple, et naturellement tout se complique lorsqu'une ou deux personnes s'en mêlent. La sexualité est bien sûr omniprésente dans Monsieur Vénus, mais rarement de façon concrète (explicite, si vous voulez, on se contentera ― ou pas ― d'une ou deux scènes étranges, plutôt comiques que lascives, d'ailleurs). La sexualité et toutes ces combinaisons se manifestent sous forme d'allusions, dans un fantasme diffus fait tantôt de rêve, tantôt d'une sentimentalité sur des charbons ardents. Dans tout cela, la plume vive et primesautière de Rachilde ― notamment dans les dialogues ― ce qui, à défaut de m'avoir transporté, a fait pourtant que mon attention ne s'est jamais relâchée... un avantage par rapport à George Bataille. Comme chez ce dernier, l'idée première du bouquin a l'air de plus intéresser l'auteur que la consistance de ses personnages ; il s'agit ici surtout de s'amuser dans ces mille variations d'un même doigt d'honneur à la bourgeoisie bien-pensante.



\Mots-clés : #amour #sexualité
par Dreep
le Ven 6 Aoû - 0:37
 
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Sujet: Rachilde
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Michel Tournier

Les Météores

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Voici Alexandre Surin, homosexuel chasseur, à la fois élitiste, antisocial et abject (Tournier fait preuve d’une véritable fascination pour l’analité dans ses œuvres) ; malsain et scandaleux, ce cynique « dandy des gadoues », ce joyeux pervers jouit de l’ordure (les « oms », ordures ménagères, sorte d’acronyme où il est permis de voir une malicieuse affinité avec "hommes"…), et s’accomplit dans la répurgation (latinisme qui désigne l’ensemble des activités liées à la propreté et à l’hygiène dans les collectivités locales, Wiktionnaire) :
« Moi, sans sexe, je ne vois vraiment pas de qui j’aurais pu avoir besoin. »

« Peu à peu j’étais séduit par l’aspect négatif, je dirai presque inverti, de cette industrie. »

« La guerre menace cette fin d’été. Hitler ayant achevé avec la complicité générale le massacre des homosexuels allemands cherche d’autres victimes. Est-il nécessaire de préciser que la formidable mêlée d’hétérosexuels qui se prépare m’intéresse en spectateur, mais ne me concerne pas ? Si ce n’est peut-être au dernier acte, quand l’Europe, le monde entier sans doute ne seront plus qu’un seul tas de décombres. Alors viendra le temps des déblayeurs, récupérateurs, éboueurs, biffins et autres représentants de la corporation chiffonnière. En attendant, j’observerai la suite des opérations l’œil appointé, à l’abri d’une réforme que me valut à l’âge du régiment une éventration herniaire depuis belle lurette surmontée et oubliée. »

« …] j’ai le privilège insigne – en vertu de mon métier et de mon sexe également exécrés par la racaille – de demeurer inébranlé à ma place, fidèle à ma fonction d’observateur lucide et de liquidateur de la société. »

Une discussion théologique sur le Paraclet (le Saint-Esprit, cf. Le Vent paraclet, réflexions autobiographique, littéraire et philosophique) et la météorologie explicite le titre :
« L’Esprit-Saint est vent, tempête, souffle, il a un corps météorologique. Les météores sont sacrés. »

Tournier est féru de vocabulaire, d’érudition, d’étymologie, d’allusions littéraires ; ainsi, « la haine atmosphérique des hétérosexuels » doit renvoyer à la barométrie psychologique dont parle Baudelaire dans ses Paradis artificiels : « les phénomènes atmosphériques de son âme »…
Autre référence, celle à la cryptophasie, emploi d'un langage secret par les jumeaux, « élaboré spontanément par le couple gémellaire, compréhensible de lui seul, et pouvant nuire au développement du langage social proprement dit » (TLFi).
Car la (seconde) moitié du livre concerne les jumeaux, Jean et Paul, soit Jean-Paul, « frères-pareils » parmi les « sans-pareil » ; celui qui a l’ascendant dans cette gémellité fera fuir la fiancée de l’autre, qui à son tour fuira, bientôt poursuivi autour du monde par son frère déparié.
« Des deux, j’étais le conservateur, le mainteneur. Jean au contraire a obéi à un parti pris de séparation, de rupture. Mon père dirigeait une usine où l’on tissait et cardait. Jean ne se plaisait qu’avec les cardeuses, moi je trouvais mon bonheur auprès des ourdisseuses. Dès lors, je suis tenté d’admettre que Jean-le-Cardeur sème la discorde et la ruine partout où il passe en vertu de sa seule vocation. C’est une raison de plus pour que je m’efforce de le retrouver et de le ramener à Bep. »

(Bep est le jeu fusionnel dans la cellule gémellaire.)
Franz (comme Arnaud le benêt du Banquet annuel de la Confrérie des fossoyeurs de Mathias Énard, c’est un « enfant-calendrier »), ainsi que les autres innocents de l’établissement de débiles mentaux proche de la Cassine et de la filature familiale en Bretagne, est proche des jumeaux comme de toute la progéniture de Maria-Barbara et d’Édouard (frère d’Alexandre), aussi occasion d’un rendu sensible de ces jeunes handicapés.
Tournier revisite nombre de codes (et tabous) sociaux, comme l’inceste.
« Le mariage ne créait-il pas une sorte de parenté entre les époux, et puisqu’il s’agissait de deux êtres appartenant à la même génération, cette parenté n’était-elle pas analogue à celle qui unit un frère et une sœur ? Et si le mariage entre frère et sœur réels est interdit, n’est-ce pas justement parce qu’il est absurde de prétendre créer par institution et sacrement ce qui existe déjà en fait ? »

Le début de la Seconde Guerre mondiale est évoqué au travers d’Édouard, hétérosexuel notoire, typique père de famille (dont les jumeaux) et séducteur de nombreuses femmes, qui s’engage dans l’armée puis la Résistance sous l’Occupation.
« L’angoisse de la mort et la peur de mourir sont exclusives l’une de l’autre. La peur chasse l’angoisse comme le vent du nord balaie les nuées orageuses de l’été. La menace immédiate fouette le sang et appelle des réactions sans retard. »

La fin du livre se situe lors de l’érection du mur de Berlin (livre publié en 1975), et remue encore les fantasmes de l’auteur.
Dans ce roman au style châtié qui manie paradoxe et provocation, mais nuancé d’humour voire d’ironie, Tournier a le même goût du rocambolesque, du symbolique, du bizarre et de la bravade que son Alexandre ; partout se devine le conte mythique, avec ce qu’il a aussi d’ambigu, de cruel, de maléfique ; plutôt hétérogène malgré ses thèmes suivis, il vaut aussi beaucoup pour les remarques diverses de l’auteur à tous propos. Il y a des scènes frappantes, voire du gore, comme avec la guerre des rats et goélands dans une décharge, ou l’inondation de Venise en 1959. A propos, voici deux descriptions de paysages, la première en Islande, la seconde en Bretagne :
« Paysage beige, livide, verdâtre, coulées de morve, de pus chaud, de sanie glauque, vapeurs toxiques, bourbiers qui bouillonnent comme des marmites de sorcière. On y voit mijoter le soufre, le salpêtre, le basalte en fusion. Angoisse en présence de cette chose innommable et totalement contre nature : la pierre liquéfiée… Solfatares où fusent des jets de vapeur empoisonnée, où rêvent des fumerolles annelées. Bleu intense, irréel, du fond du geyser. Le petit lac se vide sous l’effet d’une déglutition, d’une puissante succion interne, puis le liquide reflue d’un coup, bondit vers le ciel, se disperse en gerbe, retombe en crépitant sur les rochers. Contraste entre ce paysage totalement minéral, et l’activité vivante, viscérale qui s’y manifeste. Cette pierre crache, souffle, rote, fume, pète et chie pour finir une diarrhée incandescente. C’est la colère de l’enfer souterrain contre la surface, contre le ciel. Le monde souterrain exhale sa haine en vomissant à la face du ciel ses injures les plus basses, les plus scatologiques. »

« Je n’oublierai jamais cette première rencontre. Toute la journée un grain et ses séquelles avaient rincé et peigné la côte. Le jour baissait lorsqu’on put enfin sortir. L’air mouillé était frais, et le soleil glissant déjà dans l’entrebâillement lumineux ouvert entre l’horizon et le couvercle des nuages, nous baignait d’une lumière faussement chaleureuse. La basse mer ajoutait les déserts miroitants de la grève au ciel dévasté. »

Un livre original, étrange, que j’ai lu sans lassitude (il est vrai sur papier, à l’ancienne, artisanalement !)


Mots-clés : #fratrie #identitesexuelle #initiatique #sexualité
par Tristram
le Lun 15 Fév - 12:23
 
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Sujet: Michel Tournier
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Emile Zola

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Nana

Le culot de Zola pour nous sortir un tel roman en 1880. Parce que même pour moi, ça devenait vraiment sale ! On imagine le choc à l’époque.

La « blonde grasse » Nana croque les hommes, les suce jusqu’à la moëlle de leurs économies puis les jette. Mais la plume de Zola nous la rend attendrissante au début. C’est presque une enfant gentille et douce qui n'a pas tellement grandi, dont on ne refuse pas les caprices ; caprices qui deviendront monstruosités sur la fin… J’ai une pensée douce amère pour le pauvre comte Muffat (« mufe » pour les intimes) assez sympathique dans sa servilité affective et sexuelle…


« Hein ? mon petit mufe, encore un rival de moins. Tu jubiles aujourd’hui… Mais c’est qu’il devenait sérieux ! Il voulait m’épouser. » Comme il pâlissait, elle se pendit à son cou, en riant, en lui enfonçant d’une caresse chacune de ses cruautés […] Muffat avait accepté les autres. Maintenant, il mettait sa dernière dignité à rester « Monsieur » pour les domestiques et les familiers de la maison, l’homme qui, donnant le plus, était l’amant officiel. Et sa passion s’acharnait. Il se maintenait en payant, achetant très cher jusqu’aux sourires, volé même et n’en ayant jamais pour son argent ; mais c’était comme une maladie qui le rongeait, il ne pouvait s’empêcher d’en souffrir. Lorsqu’il entrait dans la chambre de Nana, il se contentait d’ouvrir un instant les fenêtres afin de chasser l’odeur des autres, des effluves de blonds et de bruns, des fumées de cigares dont l’âcreté le suffoquait. […] Puis, là, dans cette chambre, un vertige le grisait. Il oubliait tout, la cohue des mâles qui la traversaient, le deuil qui en fermait la porte. Dehors, parfois, au grand air de la rue, il pleurait de honte et de révolte, en jurant de ne jamais y rentrer. Et, dès que la portière retombait, il était repris, il se sentait fondre à la tiédeur de la pièce, la chair pénétrée d’un parfum, envahie d’un désir voluptueux d’anéantissement. »


Je pense aussi au pauvre petit Georges, triste victime collatérale de ses derniers caprices, dindon de toutes les farces, qui la poursuit dans une scène de demandes en mariage alors même que Nana lui dit aller se donner à un autre homme pour se payer sa pommade… L’écriture est assez jouissive (peut-être un peu trop ?). On évoque même l'homosexualité féminine. Le Zola semble avoir vraiment étudié (vécu ?) la situation, les personnages sont plus vrais que nature, jamais vraiment manichéens.

Nana est une « mouche dorée », presque une charogne baudelairienne. Victime et actrice, presque tout le monde se gausse d’elle (je pense à la scène mémorable du banquet improvisé & évidemment de la scène finale). Le dégoût supplante le plaisir, sur la fin...


\Mots-clés : {#}conditionfeminine{/#} {#}sexualité{/#} {#}social{/#} {#}xixesiecle{/#}
par Invité
le Lun 11 Jan - 0:15
 
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Sujet: Emile Zola
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José Zorrilla

José Zorrilla
(1817-1893)

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José Zorrilla y Moral, né à Valladolid le 21 février 1817 et mort à Madrid, 23 janvier 1893 (à 75 ans) est un écrivain, et poète ainsi que l'un des principaux dramaturges espagnols du XIXe siècle.
Dans ses Souvenirs du temps passé (Recuerdos del tiempo viejo, 1880-1883), Zorrilla rapporte plusieurs anecdotes de son existence besogneuse et mouvementée. Un poème qu'il lit sur la tombe de Larra (1837) lui acquiert d'emblée la célébrité. À Madrid, il écrit dans les journaux, publie des recueils poétiques, fait représenter plusieurs drames. Il se rend en France (1850), puis au Mexique (1855) où il bénéficie de la protection de l'empereur Maximilien. Il revient en Espagne, séjourne à Rome et en France de nouveau ; il se consacre activement à la littérature, est élu à l'Académie. En 1889, il reçoit à Grenade une couronne d'or qui consacre sa gloire littéraire.

Wikipédia et Encyclopædia Universalis

Bibliographie (non exhaustive, et en espagnol)

Poèmes narratifs

Grenade (poème oriental, précédé de La légende d'Al-Hamar), 1852
La légende du Cid (1882)

Théâtre

Vivir loco y morir más, 1837.
Ganar perdiendo, 1839.
Cada cual con su razón, 1839
Lealtad de una mujer y aventuras de una noche, 1839
El zapatero y el rey, 1840
El eco del torrente, 1842.
Los dos virreyes, 1842.
Un año y un día, 1842.
Sancho García, 1842.
Caín pirata, 1842.
El puñal del godo, 1843.
Sofronia, 1843.
El molino de Guadalajara, 1843
La oliva y el laurel, 1843.
Don Juan Tenorio, 1844
La copa de marfil, 1844
El alcalde Ronquillo, 1845.
El rey loco, 1846.
La reina y los favoritos, 1846.
La calentura, 1847 (suite de El puñal del godo)
El excomulgado, 1848
La Creación y el Diluvio Universal, 1848
Traidor, inconfeso y mártir, 1849
El caballo del rey Don Sancho, 1850
El encapuchado, 1870



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Don Juan Tenorio

Don Juan Tenorio, parfaitement inconnu en France, est un symbole national en Espagne et un véritable mythe en Andalousie. Je ne vois guère que Cyrano chez nous à pouvoir lui être comparé, dont il possède le panache romanesque, les morceaux de bravoure et la verve cavalière. Fondé sur l’histoire édifiante de Miguel de Mañara, suivant d’assez près le drame de Dumas (également méconnu en France), ce Don Juan est construit en deux parties dont l’une présente les funestes exploits de son héros, et l’autre sa spectaculaire rédemption. La première partie est la plus longue et la plus spécifiquement dramatique ; duels, paris, coups de théâtre, trahisons, anathèmes se succèdent ; les personnages courent d’auberges en couvent, de cours secrètes en garçonnière, et du sinueux quartier juif de Séville jusqu’au Guadalquivir. Don Juan mène ses intrigues tambour battant, distribuant libéralement pièces d'or et coups d'épée, tandis que son rival malheureux, débauché moins parfaitement doué, se trouve pris et broyé par le formidable engrenage.
La seconde partie met en scène le rachat de Don Juan, cinq ans après les faits de la première partie. L’ambiance est nettement différente : la première partie empruntait au genre du roman d’aventures et aux pièces d'Hugo et de Musset ; celle-ci est l’héritière d’une tradition baroque et des peintures de vanités, ainsi que du conte fantastique (on songe volontiers au Cantique de Noël de Dickens), et se distingue par ses accents élégiaques. Le douloureux cheminement intérieur de Don Juan Tenorio, fait de reculs, de trébuchements et de ruades qui rappellent quelque peu le Sigismond de Calderón, est initié par la visite des fantômes de ses victimes, parmi lesquels la statue du Commandeur qui le prie à souper. Contre la terrible figure de pierre et devant l'enfer tout prêt à l'accueillir, Doña Inés, image de «l'éternel féminin», obtient en définitive la rédemption du pécheur.

N'ayant pas la moindre notion de métrique espagnole, j'ai découvert cette pièce comme un enfant découvre Cyrano ou Le Cid, en me laissant porter par la pompe des rimes, les étonnantes contorsions de la syntaxe et les fulgurances des monologues.
Pour donner une petite idée :

Partout où je fus,
Je piétinai la raison,
Raillai la vertu,
Outrageai la justice
Et subornai les femmes;
Aux cabanes de pêcheurs je descendis,
Les palais je gravis;
J'escaladai les cloîtres,
Et en tous lieux je laissai
De moi un souvenir amer.
Il n'y eut ni heure ni lieu
Que je reconnusse sacrés
Ni qui fussent respectés par mon audace;
Pas plus que je ne me souciai de distinguer
Le laïc du prêtre.
Je provoquai qui je voulus,
Avec qui le voulut, je me battis,
Et jamais je ne crus
Que pût me tuer, moi,
Aucun de ceux que je tuai.

Por dondequiera que fui
la razón atropellé,
la virtud escarnecí,
a la justicia burlé,
y a las mujeres vendí.
Yo a las cabañas bajé,
yo a los palacios subí,
yo los claustros escalé,
y en todas partes dejé
memoria amarga de mí.
Ni reconocí sagrado,
ni hubo ocasión ni lugar
por mi audacia respetado;
ni en distinguir me he parado
al clérigo del seglar.
A quien quise provoqué,
con quien quiso me batí,
y nunca consideré
que pudo matarme a mí
aquel a quien yo maté.


(Désolé, ça sent fort le labeur parce que c'est une adaptation maison)


Mots-clés : #amour #aventure #corruption #sexualité #théâtre
par Quasimodo
le Sam 29 Fév - 21:18
 
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Sujet: José Zorrilla
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Jim Harrison

Péchés capitaux

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Je m’étais réservé la lecture gourmande du dernier roman de Jim Harrison ‒ et je l’ai savouré !
C’est (encore) l’histoire d’un sexagénaire, ici un inspecteur de police retraité et d’origine prolétaire, Sunderson, qui a beaucoup des traits communs avec l’auteur (c'est-à-dire la plupart des péchés capitaux, The Big Seven du titre original ‒ pour mémoire « l’orgueil, l’avarice, l’envie, la luxure, la gourmandise, la colère et la paresse »). Le titre vient d’un sermon qui marqua le jeune garçon alors fiévreux ; il ramentoit les Sept obsessions dans En marge. On reconnaît aussi Sunderson parce qu’il fut l’enquêteur de Grand Maître. Et le personnage s’adonne toujours à la pêche à la truite, à l’alcoolisme, à la fascination des corps de (jeunes) femmes.
« Il aurait dû se sentir coupable, il le savait, mais c’était rarement le cas. »

En fait, Sunderson culpabilise beaucoup (souvent à raison). Il est constamment rongé par l’échec de son mariage avec Diane (qu’il s’impute à juste titre).
« Il se dit qu’un monde sans voitures serait merveilleux. Un retour aux chevaux lui sembla une bonne idée. Sunderson était un luddite invétéré, un Don Quichotte rêvant d’un monde qu’il ne verrait jamais. »

(Le luddisme est une révolte d’artisans anglais au début du XIXe siècle, "briseurs des machines" de la révolution industrielle prenant son expansion.)

Un peu cassé par diverses mésaventures et autres échecs personnels, Sunderson s’installe dans un bungalow retiré du Nord Michigan, pas très éloigné de Marquette et proche de cours d’eau poissonneux ; mais il a pour voisins la famille Ames, ivrognes, méchants, fous à des degrés divers, hors-la-loi qui accumulent sans scrupule les crimes les plus crapuleux, tels que viols et meurtres. Ils sont présentés comme des « déchets humains » à cause de leur « sang vicié », et c’est l’occasion pour Jim Harrison de (faire) débattre sur l’opposition nature-culture, ici fondue dans la perspective historique de la violence intrinsèque de cette Amérique du Nord. La violence, « le huitième péché » sur lequel Sunderson va vouloir écrire un essai (on découvre plusieurs versions de la première page, laborieusement élaborée ; pour se trouver un style, il recopie des extraits de Le bois de la nuit de Djuna Barnes et de l’Ada de Nabokov).
« La violence est une tradition ancestrale en Amérique, dit Lemuel. À l’école, les livres d’histoire ne parlent pas des milliers de lynchages ni de cette habitude de tirer vers le sol dans les tipis pour tuer les femmes et les enfants indiens pendant leur sommeil. Beaucoup de journaux ont proclamé qu’il fallait exterminer tous les Indiens, comme la presse nazie dans les années trente avec les Juifs. »

D’ailleurs le roman est d’une grande actualité ; figurent notamment les détournements de mineures, les femmes battues, sans omettre les sévices sur enfants et l’inceste.
Sunderson, sans doute par déformation professionnelle, est sujet à des prémonitions alarmantes ‒ et rapidement les empoisonnements s’enchaînent chez les Ames.
Il sympathise cependant avec Lemuel, un Ames moins dégénéré, plus civilisé (il est passionné par les oiseaux), comme quelques enfants et jeunes filles ; Lemuel lui fait lire au fur et à mesure de sa rédaction son roman policier.
Scoop:

La place du sexe est importante (peut-être trop) :
« Je crois que l’instinct sexuel est profondément ancré, enfoui, encodé au fond de nous, et qu’il nous pousse à nous ridiculiser. […] Il faut de toute évidence peupler le monde, si bien que la nature nous a fait don de ces pulsions à peine contrôlables, qui se manifestent tôt et continuent jusqu’à un âge avancé. »

« On dit volontiers "Tout est dans la tête", mais ce serait où sinon ? Dans la rue ? »

Grâce à l’ami de Sunderson, Marion, un Indien, la question des peuples autochtones est aussi évoquée.
« Aucun épisode de l’histoire américaine n’était plus méprisable que notre traque meurtrière de Chef Joseph et de son peuple, sinon peut-être la guerre du Vietnam. »

« Heureusement pour notre société, presque aucun de nous ne connaît notre histoire. Sinon, les réjouissances du 4 Juillet seraient interdites. »

La fascination pour l’eau de Sunderson (et Harrison), pêcheur et pécheur, transparaît souvent.
« …] le grand mystère de son existence : l’eau en mouvement. »

« Il remarqua qu’il était très difficile de penser à soi quand on regardait un fleuve. En fait, c’était impossible. Un fleuve submergeait vos sens, du moins Sunderson en avait-il toujours eu le sentiment depuis l’enfance. »

Harrison nous promène aussi beaucoup géographiquement (USA, Mexique, Paris, Espagne), influence autobiographique de ses voyages (et observations) personnels.
Et, comme toujours chez lui, des remarques originales parsèment sa prose.
« Sunderson se dit qu’en général nous connaissons très mal les gens, mais qu’il était peut-être mieux que chacun de nous reste essentiellement un mystère pour autrui. »

« Toute la culture américaine incitait chacun à aimer quelqu’un ou quelque chose, une équipe de football ou de base-ball, une fille, une femme, un homme. Cette injonction était aberrante. »

« Il se rappela que l’Espagne avait assassiné son grand poète, Federico García Lorca. Pourquoi ? Comme s’il y avait jamais eu une bonne raison de tuer un poète. »

« En fait, comme la plupart des hommes, il vivait sa vie morceau par morceau et s’en souvenait par fragments. »

« Selon cet auteur, le vrai facteur émotionnel qui déprimait l’alcoolique était l’absolue domination chez lui de son égocentrisme. L’individu qui buvait était le centre fondamental de son propre univers, ses perceptions échouaient à atteindre le monde extérieur et demeuraient entièrement teintées par cet ego démesuré. »

Outre l'aspect roman noir, un peu prétexte, s’entrecroisent densément de nombreux fils narratifs, comme la littérature, les péchés capitaux qui obsèdent Sunderson, etc. ; Harrison reprend ses thèmes habituels dans un brassage toujours original.
(Ce livre m’a paru moins bien traduit que les précédents.)

Mots-clés : #contemporain #fratrie #polar #relationdecouple #sexualité #vengeance #vieillesse #violence
par Tristram
le Dim 1 Déc - 23:46
 
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Sujet: Jim Harrison
Réponses: 59
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