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Je te prie de trouver entre mes mots le meilleur de mon âme.

Georges Brassens, Lettre à Toussenot

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La date/heure actuelle est Sam 11 Mai - 12:47

280 résultats trouvés pour social

Martin Winckler

La vacation

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Bruno Sachs, jeune médecin généraliste de campagne, avatar de Marc Zaffran (qui écrit sous le nom de Martin Winckler) que nous avons déjà rencontré dans plusieurs de ses romans, se rend tous les mardis dans la ville proche au centre de planning familial pour y pratiquer des avortements. Il se caparaçonne derrière une cuirasse factuelle : rituels répétés, gestes enchaînés, phrases stéréotypées qu’il laisse adoucir d'une empathie compassionnelle vis-à-vis des femmes échouées sur sa table d'examen. Il tient ainsi à distance une douleur et une misère humaines qui l’émeuvent. Cette distance et cette émotion, il les traduit le soir, rentré chez lui, sur le papier, jetant dans le désordre notes et réflexions sur le papier. Il n'en est pas moins homme, ressent parfois du dégoût, du découragement, une attirance pour ces femmes qu’il croise quelques minutes afin de réaliser un geste qui marquera toute leur vie. Apparemment parfait et discret, il porte en lui leur culpabilité et leur souffrance, et dans un parallèle révélateur, peine à accepter la venue au monde de son « enfant », ce livre si intime qui se nourrit du malheur des autres.

Cela donne un livre, qui est un reflet de cette tranche de la vie de Bruno Sachs. Très ritualisé, donc parfois ennuyeux, parfois trivial dans ses descriptions médicales, toujours fragile et désenchanté dans un travail qu'il assume par devoir d’aider l'autre.

Tout a déjà été dit si on a lu les autres livres de Martin Winckler. Ce livre est un nouveau cri de désespoir face à une misère humaine, à la solitude du médecin censé la soulager.

(commentaire récupéré)

mots-clés : #medecine #social
par topocl
le Mer 28 Déc - 14:47
 
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Sujet: Martin Winckler
Réponses: 21
Vues: 2188

Rohinton MISTRY

Mes avis sur les romans de Rohinton Mistry n'en étant pas vraiment, ils sont aujourd'hui irrécupérables.
Et leur lecture est hélas trop ancienne pour que je puisse rédiger un commentaire digne de ce nom. Pourtant, je n'imagine pas ce forum sans fil pour cet auteur, aussi vais-je tâcher de vous noter quelques phrases d'après mes anciennes notes et les impressions qui me restent aujourd'hui en mémoire.

Tag social sur Des Choses à lire - Page 13 61sagp11

L'équilibre du monde

L'équilibre du monde est un roman fleuve de plus de 800 pages. L'histoire de l'amitié improbable qui unit quatre êtres que rien de prédisposait à se rencontrer.
Ce roman fit beuacoup de bruit à sa sortie, probablement par son effet coup de poing. L'auteur avait bien des drames, bien des travers de l'Inde à dénoncer. Je reconnais d'ailleurs volontiers avoir beaucoup appris lors de cette lecture. (J'ignorais, par exemple, que sous le régime d'Indira Gandhi les hommes des castes déshéritées subissaient des castrations forcées et aléatoires, ou que les sans abris étaient envoyés dans de sordides camps de travail…)
L'accueil réservé à l'équilibre du Monde fut parfois rude ; d'aucuns ont reproché à l'auteur de parler d'événements qui n'auraient jamais existé. Ce qui prouve bien que ce livre était un pavé dans la mare, et en cela je conçois qu'il ait profondément marqué les lecteurs qui découvraient là une réalité de l'Inde bien loin des images d'épinal et des films de Bollywood.

L'ennui avec ce livre, c'est l'accumulation incroyable de malheurs qui s'abat sur nos héros. Oppression exercée sur les intouchables, violences inter-religieuses, mariages forcés, corruption, tout y passe… à tel point que j'avais régulièrement l'impression que l'auteur avait inventé telle ou telle péripétie non pas pour ce qu'elle pouvait apporter à son histoire, mais pour dénoncer un fait de société… D'où, notamment vers la fin, un vrai souci de crédibilité et une sorte de dissonance dans le récit.. Selon moi, à trop vouloir dénoncer, Mistry a desservi son propos.

Il y a dans ce livre une inéluctabilité, une noirceur qui rendent sa lecture parfois désespérante. Et pourtant, il y a aussi  ce qui a fait que je n'ai pas abandonné en cours de route ; l'empathie, la sensibilité avec laquelle l'auteur parle de ses personnages, la justesse avec laquelle il les observe et décrit leurs émotions. Tout cela laissait deviner un talent qui ne demandait qu'à s'épanouir dans un cadre moins pesant…


mots-clés : #corruption #regimeautoritaire #social
par Armor
le Mar 27 Déc - 18:14
 
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Sujet: Rohinton MISTRY
Réponses: 14
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Mahasweta DEVI

Tag social sur Des Choses à lire - Page 13 97827412


Indiennes, Rudali et autres nouvelles

Mahasweta Devi est une militante, et ses nouvelles parlent de ceux qu’elle défend au quotidien : les oubliés de l’Inde. Plus encore, elle s’attache à décrire le sort des femmes, doublement opprimées : parce que femmes, parce que de basse caste.
Les nouvelles de ce recueil ont pour cadre ces villages reculés du Bengale où, siècle après siècle, le petit peuple trime sous la houlette des maliks et des zamindars, propriétaires terriens et usuriers qui règnent en seigneurs, dispensateurs de rares bienfaits et surtout de malheur. Complexes, les relations d’interdépendance qui se sont crées entre communautés sont autant faites d’acceptation silencieuse que de révolte...

Face à la pauvreté et à l’adversité, le groupe et ses codes sont une sécurité, mais aussi un carcan dont il est fort mal vu de se défaire. Oser braver l'ordre établi, c'est accepter d'en payer le prix. Mais les femmes de Mahasweta Devi font face, par la rébellion ouverte parfois, par une discrète résistance au quotidien le plus souvent.

Mahasweta Devi est un auteur qui prend son temps (chaque nouvelle comporte au minimum une trentaine de pages), et sait créer une véritable atmosphère autour de personnages complexes et attachants. La militante qu'elle est a su éviter avec brio l'écueil d'une dénonciation pesante, misérabiliste ou manichéenne.
Au contraire, elle transmet au lecteur son attachement sincère pour les déshérités du Bengale, notamment à l'aide de dialogues vivants et imagés qui sonnent étonnamment juste. On peut d'ailleurs saluer le travail de la traductrice, qui est parvenue à nous en restituer toute la saveur.
Ces nouvelles ne sont d'ailleurs pas dénuées d'ironie. Pour ne prendre qu'un seul exemple, je vous parlerai de la toute première, celle qui donne son nom au recueil. Il y est question d'une femme qui, accablée par le sort, ne parvient pas à pleurer lorsque la mort emporte tour à tour chacun de ses proches. Pourtant, au soir de sa vie, seule avec un petit-fils à charge, c'est en devenant… "pleureuse professionnelle" qu'elle parviendra à survivre !

Après la lecture des trois premières nouvelles, j'étais totalement séduite. Un délice !
J'avoue que les trois suivantes m'ont au départ un peu déroutée par leur construction et leurs longues digressions. Le contexte, typiquement indien, m'a également demandé plus d'attention ; j'ai même effectué quelques recherches. Mais une fois que le puzzle se mettait en place, le plaisir de lecture revenait, toujours aussi fort, si ce n'est plus. Et à la réflexion, c'est aussi ce que j'ai tellement aimé chez cet auteur : jamais elle ne cherche à séduire le lecteur occidental en mal d'exotisme comme c'est, avouons-le, parfois le cas avec les auteurs indiens.

En conclusion, j'ai profondément aimé cette découverte sans misérabilisme d'une Inde authentique. J'ai eu le sentiment d'approcher, ne serait-ce qu'un peu, la réalité de l'Inde rurale, celle des villages murés dans leurs coutumes séculaires. En effet, même si ces nouvelles ont toutes été écrites entre 1978 et 1979, je crains qu'hormis quelques routes et téléphones portables de plus, la situation des basses castes n'ait guère changé…
Des mois après cette lecture, me restent encore en tête bien des images marquantes. Et l'envie toujours vive de poursuivre la découverte de cet auteur…

(Ancien commentaire remanié)


mots-clés : #conditionfeminine #nouvelle #social #traditions
par Armor
le Mar 27 Déc - 17:14
 
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Sujet: Mahasweta DEVI
Réponses: 1
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Didier Eribon

Revenir à Reims

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Très riche, ce livre. Passionnant, intelligent, ouvrant à plein de débats et de questions .
Il s'agit donc d'un homosexuel professeur de philosophie, issu d’un milieu ouvrier très réac et primaire, qui a totalement coupé les ponts  pendant des dizaines d'années. Quand son père meurt, ce père tant haï, mais ce père qui n’est plus lui-même puisqu’atteint de la maladie d'Alzheimer, c’est pour lui le moment de revenir sur son parcours.

J’imaginais un truc sur cette rupture du lien, cette fracture sociale et humaine. Encore sous l'emprise de Y revenir de Dominique Ané, je pensais trouver un travail émotionnel, ou même une réflexion rétrospective sur le lien familial et sa défaillance. Mais  Didier Eribon  livre des faits. C'est comme ça, il ne reviendra pas dessus. La blessure est telle que c'est indiscutable. Didier Eribon s’est construit sur la honte, il se considère comme un « miraculé ». La façon dont il nous présente la situation tend à nous le rendre compréhensible. Il reconnaît à la rigueur qu'il a peut-être un peu simplifié le problème, qu’il n'a pas vu les ouvertures possibles (il avait 20 ans, dit-il comme  « excuse »), mais il les considère comme ayant été tellement infimes qu’elles étaient négligeables.

Donc, contrairement à ce que l'on croit au départ, se raconter, si c’en est une part importante, n'est pas le l'objet réel du livre. L’objet du livre, c’est le Pourquoi et le Comment.

Eribon élargit son propos,  s'appuyant sur son expérience individuelle, mais sans aucun mode de traitement psychologisant. C'est d’abord l’ analyse socio-politique d'une certaine classe ouvrière sans culture et sans savoir, avec un quotidien et une pensée totalement misérables. Des gens qui n' avaient (n’ont ?) d'autres ressources que de chercher à se protéger, et cela c'est fait dans le rejet de l'autre, puisque l'autre s'est si mal comporté avec eux.. Cela passait par un vote d'abord communiste (contre les possédants) puis FN (contre l'étranger, l'autre en général puisque, dans cette misère, personne ne peut trouver grâce à leurs yeux). Mais comprendre cela n’est pas forcément l’admettre


   Il est assez facile de se persuader, de façon abstraite, qu'on n'adresserait pas la parole ou qu'on ne serrerait pas la main à quelqu'un qui vote pour le Front National… Mais comment réagir quand on découvre qu'il s'agit de sa propre famille ? Que dire ? Que faire ? Et que penser ?


Eribon reste sur ce questionnement et n’apporte pas de réponse.


Si cette faille culturelle s'est installée entre lui et sa famille c’est qu’il a pu franchir un autre fossé, celui qui le séparait du milieu scolaire, de la culture et de la pensée. Un  milieu d’origine où le seul savoir à acquérir était la lecture et le calcul, où la notion d’étude était étrangère, où le savoir était rejeté comme l’affaire des nantis. Et un lieu , l’école, seule porte de sortie, qui se croit la Reine de la fameuse égalité des chances, mais totalement rejetante pour un enfant, « sauvage » en quelque sorte, qui lui rend bien cette incompréhension et ce rejet. Une histoire d’amour , de haine et de fascination.

Pris entre ces deux monde, pour Eribon

   Résister c'était me perdre. Me soumettre, me sauver.


Il ne pouvait se vivre que comme en exil.

 
Et comme tout exil, celui-ci contenait une forme de violence.



   C'est pourquoi une philosophie de la « démocratie » qui se contente (même si ses auteurs s'émerveillent eux-mêmes d'avancer une pensée aussi « scandaleuse ») de célébrer « l’égalité » » première de tous avec tous et de ressasser que chaque individu serait doté de la même « compétence » que tous les autres n'est en rien une pensée de l'émancipation, dans la mesure où elle ne s'interroge jamais sur les modalités de la formation des opinions ni sur la manière dont ce qui résulte de cette « compétence » peut s'inverser du tout au tout - pour le meilleur ou pour le pire – chez une même personne dans un même groupe social, selon les lieux et les conjonctures, et selon les configurations discursives à l'intérieur desquelles, par exemple, les mêmes préjugés peuvent soit devenir la priorité absolue, soit être tenus à l'écart du registre politique.


Enfin Eribon parle de son homosexualité, du besoin de la vivre et de la protége/cacher en même temps, face à une homophobie dont la description nous montre à quel point il est utopique de la considérer comme marginale, et de l’acquisition « sur le tas » de sa culture spécifique, du mode de vie qu’elle implique entre revendication et « besoin d’assimilation »..

   Cette résistance quotidienne, obstinée, indéracinable, inventive que les gays ont opposée aux forces de la culture dominante qui les menaçaient sans cesse, les maltraitaient, les humiliaient, les réprimaient, les traquaient, les  pourchassaient, les frappaient, les blessaient, les arrêtaient, les emprisonnaient…


Là encore, se construire avec, et contre.

   Notre passé est encore notre présent. Par conséquent, on se reformule, on se recrée (comme une tâche à reprendre indéfiniment), mais on ne se formule pas, on ne se crée pas.(…) Il ne faut pas rêver d'un impossible « affranchissement », tout au plus peut-on franchir quelques frontières instituées par l'histoire et qui enserrent nos existences.

Ne cherchez pas ici de l'affectif. Eribon se satisfait de l'analyse, du factuel, il donne à voir, il donne à  comprendre. Il s'est blindé, et il n'a aucune intention de gratter ce blindage. En tout cas , ce n’est qu’à la dernière page, bouleversante après cette somme de distance et d’érudition, que les interrogations brutalement le submergent et que l’émotion reprend ses droits.

(commentaire récupéré)


mots-clés : #identitesexuelle #discrimination #social
par topocl
le Mar 27 Déc - 10:14
 
Rechercher dans: Sciences humaines
Sujet: Didier Eribon
Réponses: 2
Vues: 1279

Joyce Carol Oates

Tag social sur Des Choses à lire - Page 13 97827511

EUX

C'est à la lecture d'une lettre qui lui est adressée par l'une de ses élèves en cours du soir et après leur rencontre que Carol Joyce Oates sensibilisée à la vie si différente de la sienne de cette jeune fille, décide d'en faire un roman. L'histoire se déroule à Détroit, plus précisément dans les bas-fonds. Une famille comme tant d'autres, une vie en désespérance prévisible et pourtant des Femmes et des Hommes qui ne désespèrent pas. Malgré les blessures physiques et morales, ces personnages se relèvent toujours. Une description lucide des personnages, de leurs actes et de l'environnement dans lequel ils vivent. L'auteure fait toujours preuve de sincérité dans son écriture, pas de pathos, simplement avec une justesse qui nous touche.

Extraits

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mots-clés : #social
par Bédoulène
le Mar 27 Déc - 8:14
 
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Sujet: Joyce Carol Oates
Réponses: 115
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Manil SURI

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La mort de Vishnou

En Inde, il y a des hommes qui vivent sur les paliers des immeubles. Une place qu'ils achètent au précédent bénéficiaire, sans omettre de verser quelques pots de vin afin que l'aubaine ne soit pas ébruitée. Ils y entassent leurs maigres possessions, et la nuit, y déroulent leur couverture.
Vishnou est l'un de ceux-là. Pour survivre, il effectue de menues tâches payées une misère pour le compte des habitants du palier. Vishnou est toléré, méprisé, et en même temps, on lui voue un très vague attachement, comme à un meuble encombrant qu'on est pourtant bien obligé de garder.

Mais aujourd'hui, le corps agonisant et souillé de Vishnou gît sur le palier, et cet événement va agir comme un révélateur, bouleversant la petite vie tranquille de l'immeuble. Une routine bien rodée que Manil Suri prend un plaisir évident à nous conter, faite des chamailleries incessantes et tellement prévisibles de mesdames Asrani et Pathak, des souvenirs attendris d'un veuf reclus ou encore des rendez-vous amoureux de Kavita, hindoue et fille des Pathak, et de Salim, le fils musulman de la famille Jalal. D'ailleurs, ces deux-là projettent une évasion que la demoiselle, férue de films bollywood, imagine en technicolor.
Tout se petit monde forme un microcosme bien représentatif de la société indienne, cohabitation de castes et religions sereine en apparence, mais qu'un rien peut embraser.

Vishnou se meurt, les deux amoureux s'évadent ; ces deux événements vont se télescoper, et d'un quiproquo imbécile naîtra le drame, aussi soudain que terrifiant.

De tout cela, pourtant, Vishnou se moque bien. Des bribes de réalité parviennent encore à son esprit, mais il préfère flotter dans les limbes de ses souvenirs, et se prendre pour l'ultime réincarnation de son dieu éponyme.
Peu à peu, dans un contraste saisissant, la réalité terre à terre du drame se jouant quelques marches plus haut se mêle au délire ésotérique du mourant.
Dans la religion hindoue, Vishnou est le protecteur de l'univers, celui qui en garantit l'équilibre ; lorsque celui-ci est menacé, il descend sur terre sous forme d'avatar. La symbolique des événements simultanés se déroulant dans l'immeuble, cette petite Inde en miniature, semble alors évidente, quoique certaines subtilités m'aient très certainement échappé.

Ce roman souffre peut-être d'une trame déjà vue et de quelques imperfections, mais n'en reste pas moins marquant, et exempt du côté "mélo" que d'aucuns ont pu reprocher à Mother India. Avec tendresse parfois, avec ironie souvent, il nous dépeint une société à l'équilibre précaire, où superstitions, jalousie et ségrégation règnent en maîtres. Situations dramatiques ou faussement cocasses _ Ah, les délires mystiques de Monsieur Jalal ! _ nous dépeignent au final une société égoïste, figée dans sa soumission aux dictats de l'origine, de la religion et des castes.

Alors, certes, Vishnou se meurt... Mais au fond, tout le monde s'en fout. Cette mort au milieu de tous et pourtant si solitaire n'est pour chacun que le prétexte à assouvir ses bas instincts ou ses envies personnelles, dans un scénario sordide où Kavita, qui sait, pourrait bien trouver l'occasion de son premier grand rôle…

(Ancien commentaire remanié)


mots-clés : #social #spiritualité #romanchoral
par Armor
le Lun 26 Déc - 21:42
 
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Sujet: Manil SURI
Réponses: 2
Vues: 943

Alice Ferney

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Grâce et dénuement
     
     Ce qui se perdaient dans la misère c'était aussi le désir et l'élan vers l'avenir


Entre deux expulsions, cette famille de gitans a trouvé à se fixer dans un jardin abandonné de banlieue. Quelques poules cohabitent avec les rats dans la boue, on s'entasse dans les caravanes, mais ils se tiennent les uns les autres : la matriarche, crainte et vénérée, les cinq fils, qui ferraillent vaguement pour masquer leur honteuse inutilité, les belles-filles, épouses et mères, et la troupe de marmots qui ne sait même pas qu'il existe autre chose que cette « liberté » bien chère payée. Tous analphabètes, à la fois fiers et humiliés de n'être pas insérés dans cette société qu'ils connaissent si peu et qui le leur rend bien.

           Ils sont semblables à n'importe lequel des enfants qui sont ici. La seule chose qui les différencie, murmura-t-elle, c'est que leurs parents ne savent ni lire ni écrire et qu'ils n'ont pas de maison.


Et puis un beau matin, survient Esther, ses livres illustrés sous le bras main, qui va lire des histoires, ouvrir un dialogue, générer des confidences, et finalement se battre pour que, coûte que coûte, Anita aille à l'école.

Sujet à haut risque avec tout ce qu'on pouvait redouter de stéréotypes, de bons sentiments, de bien-pensance et de lacrymal.
Et bien, Alice Ferney fait très fort, elle évite tous ces écueils. Cette main tendue devient subtilement partage, mais pas miracle. Les personnages sont tout entremêlés de contradictions et de douleurs. Esther elle-même est une espèce de minéral plein de douceur. Il y a en Alice Ferney une sensibilité aux failles et fragilités d'autrui, à leurs petits bonheurs aussi, une humanité qui est à bien des moments bouleversante. Cette façon qu'on les petits de se lover autour de leur lectrice, cette adepte de la lecture à haute voix comme lien premier façon Pennac , il y a là de grands moments .

           Il y avait un secret au cœur des mots. Il suffisait de lire pour entendre et voir, et l'on n'avait que du papier entre les mains. Il y avait dans les mots des images et des bruits, la place de nos peurs et de quoi nourrir nos cœurs.



Et puis il y a les mots, à la fois outils et personnages. La langue d'Alice Ferney est dense, généreuse et fouettante. C'est une langue qui fouille et qui remue, avec ces dialogues tendus imbriqués dans le texte, cette façon de passer de l'un à l'autre avec un œil plein de compassion pas mièvre du tout, une compréhension de ces vies d'espoir et de désespoir mêlés.

Mais surtout les mots sont le fil rouge de ce récit, des mots qui apportent le réconfort , la fierté, la foi en l'autre, la consolation, la transmission. Des mots émancipateurs. Mots des livres (on se régale à identifier les extraits des lectures d'Esther), mots des dialogues et monologues, joyeux, furieux ou confidents.

Quant à la question de savoir si c’est « bien vu », « comme si on y était », je suis bien incapable d'y répondre, et peu sont à même de le faire : comment ça se passe chez les gitans, dans leurs campements, dans leurs têtes et dans leurs cœurs? Tour ce que je sais, c'est qu'Alice Ferney nous propose ici sa version, pleine d'honnêteté et de respect, qu'elle est probable, touchante, renversante.


(commentaire récupéré)


mots-clés : #social #famille
par topocl
le Sam 24 Déc - 10:52
 
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Sujet: Alice Ferney
Réponses: 23
Vues: 1952

Sherman Alexie

Sherman Alexie
(Né en 1966)


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Sherman Joseph Alexie, Jr., né le 7 octobre 1966 à Wellpinit dans l'État de Washington aux États-Unis, est un romancier, poète et scénariste américain. Il vit aujourd'hui à Seattle et écrit principalement sur les populations amérindiennes. Sherman Alexie fait partie de la nouvelle génération d'écrivains amérindiens, appelée Renaissance amérindienne par le critique littéraire Kenneth Lincoln, et est sans doute un de ses membres les plus prolifiques avec une quinzaine de livres parus. Le magazine Granta l'a fait figurer dans sa liste des vingt meilleurs jeunes romanciers américains. Ses romans sont toujours partiellement autobiographiques et sont marqués par un grand réalisme, notamment sur le mode de vie actuel des Amérindiens.

Amérindien né d'un père de la nation Cœur d'Alène et d'une mère de la nation Spokane, Sherman Alexie a grandi dans une réserve près de Seattle, dans l'État de Washington à l'Ouest des États-Unis. Il écrit aussi bien des poèmes que des romans, recueils de nouvelles, pièces de théâtre et même scénarios de films. Son livre Phoenix, Arizona a d'ailleurs été adapté à l'écran par le réalisateur Chris Eyre en 1998 ; c'est le premier film réalisé, produit, écrit et interprété par des Amérindiens. Il s'est fait connaître pour son roman Indian Killer en 1997, un drame contemporain sur la légende d'un tueur amérindien. Alexie y décrit la misère contemporaine de son peuple, le dénuement matériel et spirituel des jeunes Amérindiens et les ravages causés par l'alcool et la drogue.


(wikipedia)



Œuvres traduites en français

Red Blues, traduit par Michel Lederer, Albin Michel (2008)

Fictions

Indian Blues
Indian Killer
Phoenix
La vie aux trousses
Dix petits Indiens
Flight
Le Premier qui pleure a perdu
Danses de guerre

______________________________________________________________________________________________________________________________________________________

Tag social sur Des Choses à lire - Page 13 51icb110

Indian Blues

J'ai beaucoup aimé l'écriture de l'auteur qui utilise l'humour pour décrire la désespérance. Une lecture non seulement agréable et à mon sens utile pour ne pas oublier la spoliation matérielle, physique et spirituelle dont les Indiens ont souffert et souffrent encore.

S'appuyant sur la «légende» du célèbre guitariste Robert Johnson l'auteur nous conte  l'aventure musicale d'un groupe d'indiens Spokanes et des membres flathead. Grâce à la possession d'une guitare «accordée par le Diable» le guitariste de ce groupe joue divinement.  

Par les actes, les rêves et les récits du personnage  de Big Mamma (Chamane) l'auteur mêle judicieusement fantastique et réalité. Nous découvrons la triste réalité des réserves Indiennes d'Amérique : chômage, alcoolisme, pauvreté... à travers celle où l'auteur situe ses personnages : la réserve de Willpinit.

Je vais continuer ma découverte de cet auteur.

extraits :

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Tag social sur Des Choses à lire - Page 13 Alex_310
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Tag social sur Des Choses à lire - Page 13 Alex_410


mots-clés : #minoriteethnique #segregation #social
par Bédoulène
le Ven 23 Déc - 17:29
 
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Sujet: Sherman Alexie
Réponses: 0
Vues: 710

Jonathan Safran Foer

Faut-il manger les animaux ?

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Je ne peux pas dire que j'ai appris grand-chose à la lecture de Faut-il manger les animaux ? Des précisions, des détails, des chiffres plus précis certes, mais les grandes lignes, je l’avais déjà lu ou entendu ailleurs (notamment dans We feed the world de Erwin Wagenhofer et des lectures que j’avais faites après, particulièrement des écrits de Jean Ziegler). La précision des descriptions de Safran Foer est tout à fait impressionnante, (parfois un peu répétitive et assommante, mais pas trop souvent) et parle d'une façon différente des images que j'avais pu voir dans le film, ils se complètent donc l’un l’autre.

On ne croirait que la moitié de ce qui nous est dit sur la souffrance infligée aux animaux, sur les désastres écologiques et sociologiques, qu’on serait déjà convaincus de la justesse du plaidoyer. Nous vivons dans un mode de dingues, ça n’est pas nouveau, mais il est quand même utile de le rappeler de temps en temps. Seulement Safran Foer y croit, c’est la grande cause de sa vie, et il prend son bâton de pèlerin. Et comme il est  malin, il sait la lourdeur de l’inertie des comportements humains, il sait que des faits ne suffiront pas à nous faire bouger en tout cas pour la plupart d’entre nous, il sait que les chiffres nous assomment. Les détails sont certes importants, mais ils ne réussiront pas, à eux seuls, à convaincre la majorité des gens de changer leurs habitudes. Il faut faire entrer autre chose en jeu.

Il a donc ajouté un tas de choses à cet aspect informatif et statistique, car bien évidemment ce qui fait changer les opinions, ce qui fait changer les comportements, ce ne sont pas les chiffres, ce sont les émotions. Il  nous fait un numéro de charme, bien au-delà du bourreau de travail, de l' acharné de la précision , il nous parle de ses doutes, de sa responsabilité de petit-fils de survivante, et de père de famille, il raconte des histoires,  il nous parle de lui, et, cela tombe bien, puisque nous sommes sur un fil de fiction sur un forum de littérature,  c’est  le meilleur du livre : Safran Foer est un merveilleux conteur, drôle, tendre plein d’humour (et aussi de tolérance , ou au moins d’ouverture d’esprit).

Quelle que soit la force de nos convictions concernant ce qui est bon pour nous à l'échelon individuel, et même collectif, nous savons tous par avance que nos positions se heurteront à celles de nos voisins. Que faire face à cette incontournable réalité ? Laisser tomber la discussion, ou trouver un moyen de la recadrer ? Alors la seule question que je peux me poser à l'issue de ce livre c'est : comment se fait-il que tout le monde, ou la plus grande partie des gens, et moi en particulier, continuons à manger de la viande après avoir acquis toutes ces notions, entendu et reconnu vrais tous ces arguments ? Et bien, c'est sans doute que nous sommes  pris dans le carcan de nos habitudes de notre paresse et de même que nous continuons à rouler avec une voiture, un diesel qui plus est, à voyager en avion, à porter des vêtements venant de Pétaouchnok …. nous continuons à manger des animaux….

Voilà, ce livre est bien ennuyeux car il nous fait ressortir de sa lecture avec un sentiment de honte. Je SAIS mais je MANGE…Il n’y a plus qu’à se dire qu’il constitue une petite pierre du grand édifice que construisent courageusement quelques rêveurs/illuminés/sages/précurseurs, appelez-les comme vous voulez, et que cela  finira (peut-être) par l’emporter, faire changer les mentalités, les comportements et les politiques, à condition d’être patient. Que ce livre est indispensable en cela, et que si je n’ai pas rejeté la viande malgré ma lecture, du moins j’aurai fait un petit pas sur un chemin qui finira par me rendre meilleure, malgré ma paresse, mon manque de courage, mon hypocrisie, malgré moi-même en quelque sorte. Mais n’est ce pas une façon bien facile de me donner bonne conscience?

(commentaire récupéré)


mots-clés : #essai #nature #social
par topocl
le Jeu 22 Déc - 16:49
 
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Sujet: Jonathan Safran Foer
Réponses: 8
Vues: 1046

José Saramago

Relevé de terre  

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   Le latifundium connaît parfois des pauses, les journées sont indifférenciées ou paraissent telles, quel jour est-on aujourd'hui. Il est vrai qu'on meurt et naît comme on le faisait à des époques plus significatives, car la faim ne se distingue pas dans les besoins de l'estomac et le dur labeur ne s'est presque pas allégé. Les plus grands changements se produisent à l'extérieur, davantage de routes et plus d'automobiles sur elles, davantage de radios et plus de temps passé à les écouter, les comprendre est une autre paire de manches, davantage de bières et de limonades, cependant, quand un homme se couche le soir, dans son propre lit ou sur la paille des champs, la douleur du cœur est la même et il a bien de la chance s'il n'est pas sans travail. Ce n'est même pas la  peine de parler des femmes, tant leur destin de pondeuses et de bêtes de somme reste inchangé.



Du début du siècle à la Révolution des Œillets, à travers quatre générations d'une famille paysanne , José Saramago nous raconte cent  ans de solitude, de misère et de servitudes au Portugal.
Et c'est un roman magistral, qui montre le dénuement absolu, l'obéissance servile à la Patrie, aux riches propriétaires terriens et à l'église, la prise de conscience progressive, l'audacieux chemin du progrès.

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Ne comptez pas sur un roman social réaliste. Saramago y va de sa verve, de sa poésie, de son imagination débordante et de son humour. Sa phrase s’emporte, s'arrête, reprend, divague . Au-delà de l’émotion qui saisit face à ses personnages aussi humbles qu’audacieux il dresse la fresque historique  d'un peuple qui sort des ténèbres. Il y met ses habituels apartés de narrateur, confiant parfois l'observation aux fourmis ou aux  milans du ciel, dialoguant avec un personnage, changeant d'époque, de rythme, introduisant telle légende, telle digression, amenant des moments de puissante émotion romanesque...

Ce roman a un souffle magistral, il raconte un pays entier avec une force émotionnelle exceptionnelle.
Un très grand livre pour un très grand auteur.

(commentaire récupéré)


mots-clés : #historique #social
par topocl
le Jeu 22 Déc - 13:54
 
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Sujet: José Saramago
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Beppe Fenoglio

je rapatrie moi aussi :

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Le mauvais sort

Le récit de la jeunesse d'un valet de ferme. Un brave type attaché à sa famille et à sa terre. Les malheurs de sa famille, son dur labeur, les coups du sort, la succession des espoirs déçus et la déception des réussites modestes. C'est une triste vie à laquelle il s'accroche, c'est vrai qu'il y a la famille et la terre. Son père l'a vendu comme valet et la terre est ingrate. Pendant qu'il travaille comme un âne pour pas grand chose et rester affamé, son père vend le peu de bien qu'ils ont et son frère meurt de faim au séminaire...

Une bien triste histoire contée avec ce qui n'est pas de l'optimisme mais un attachement solide, concret, un rien d'humour et un acharnement confiant. Raconté très simplement une ombre d'humour et de mélancolie douce amère. Ça n'a pas l'air de grand chose, et ça se lit comme rien. ça a l'air d'un monde ancien alors que ça ne l'est pas tant, et il reste quelque chose de la lecture, de ce dénuement, une forme de satisfaction, de confiance. Ce n'est pas grand chose ce petit livre, mais j'espère lire autre chose un de ces jours.



mots-clés : #initiatique #social
par animal
le Mer 21 Déc - 21:55
 
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Jacques Roumain

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"Gouverneurs de la rosée"

Plus que l'histoire d'amour c'est le combat et les idées d'union entre travailleurs qui m'ont plu. Le discours de Manuel pour convaincre ses voisins, et ennemis.
Le parler de ces hommes et de ces femmes, très imagé, est bouleversant.
Et déjà à cette époque, l'auteur pointe le drame écologique de la déforestation.
Bien que tout ce récit soit empreint de misère, de tristesse, la fin est d'espérance, par l'eau qui coule et l'annonce d'un enfant.

Une très bonne lecture qui s'est écoulée limpide.


quelques extraits :

"Mais le soleil était absent, il chavirait déjà derrière le bois. Bientôt la nuit serait là, enveloppant de silence cette amère, noyant dans l'ombre apaisée du sommeil ces hommes livrés au malheur, et puis l'aube se lèverait avec le chant enroué des coqs, le jour recommencerait, semblable à l'autre et sans espoir."

"Il y a les affaires du ciel et il y a les affaires de la terre : ça fait deux et ce n'est pas la même chose. Le ciel c'est le pâturage des anges ; ils sont bienheureux ; ils n'ont pas à prendre soin du manger et du boire. Et surement qu'il y a des anges nègres pour faire le gros travail de la lessive des nuages ou balayer la pluie et mettre la propreté du soleil après l'orage, pendant que les anges blancs chantent comme des rossignols toute la sainte journée ou bien soufflent dans de petites trompettes comme c'est marqué dans les images qu'ont voit dans les églises."

"On a éclaircit pour le bois neuf, on a coupé pour la charpente et le faîtage des cases, on a refait les entourages de jardins, on ne savait pas nous-mêmes : l'ignorance et le besoin marchent ensemble, pas vrai ?"

"J'ai de la considértion pour les anciens, mais le sang d'un coq o d'un cabri ne peut faire virer les saisons, changer la course des nuages et les gonfler d'eau comme des vessies."

"Je couds, je couds et je raccorde l'ancien temps avec ces jours-ci. Si seulement, Anna, on pouvait repriser la vie, reprendre le fil cassé, ah Dieu, c'est pas possible."



mots-clés : #social
par Bédoulène
le Mar 20 Déc - 8:30
 
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Sujet: Jacques Roumain
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Elio Vittorini

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Conversation en Sicile

Originale : « Conversazione in Sicilia », 1938/39 comme feuilleton dans le journal « Lettaratura » ; 1ère édition en forme de livre en 1941 sous le titre de « Nome e lagrime », puis réimpression dans la même année avec le titre d’aujourd’hui)

CONTENU :
Après quinze années Silvestro, 29 ans, retourne pour la première fois et pour trois jours de l’Italie du Nord (où il travaille à Milan) dans sa Sicile natale et sa mère, y habitant un pauvre village de montagne. Il traverse l’Italie en train, passe avec le bateau, et retrouve les vergers d’orangers. Il rencontre des gens les plus variés et retrouve sa mère, se promène dans le village. La réalité et le rêve se superpose...

Avec ce livre Vittorini avait créé une référence, et aussi une déclaration d’amour envers l’enfance, et le cœur de la Sicile.
(éléments de la description de l'éditeur allemand)

REMARQUES :
Le livre consiste de cinq parties avec un total de 48 chapitres plus un épilogue ; donc des chapitres rélativement courts. Le narrateur est ce Silvestro Ferrauto lui-même qui se retrouve au début à Milan. Dans une manière répétitive typique pour ce livre, il revient vers son état d’une certaine indifférence, d’un « calme plat de la non-espérance ». Il a perdu la confiance en l’humanité, dirigeant son regard constamment vers le sol. On ne peut s’empêcher à y voir aussi une réaction sur l’environnement et l’atmosphère de ces années : on peut situer l’action (?) du livre vers 1937-39. Et certains commentateurs voit dans ce contexte historique la raison principale du livre, une critique de l’auteur. Cela est certainement le cas, mais dans l’absolu je ne partagerais pas cette opinion, vu aussi que Vittorini s’est fait tardivement un opposant du régime...

Cela faisait une quinzaine d’années que Silvestro n’a pas été à la maison, chez lui en Sicile qui se montrera aussi bien « maison/patrie/origine » qu’au même moment l’étranger (dans les réactions des compatriotes on arrive pas à le situer). Car saisissant une possibilité, il va aller sur un coup pas préparé à la maison : il saute preque dans le train, même si « tout lui est égal ». Mais la fête du 8 Décembre, lié avec Marie et aussi sa mère, s’approche, et il avait toujours écrit à sa mère pour l’occasion. Retour par Syracuse dans ces montagnes isolées, et, en cours du voyage, une série de rencontres et sensations. Est-ce qu’à l’approche du pays la non-espérance va baisser ? Il retrouvera des odeurs, des vues, des rencontres (on se sent rappelé de Proust) qui le remplissent de souvenirs de son enfance. Mais il est aussi témoin de la pauvreté, de l’écart entre riche et pauvre.

Alors il retrouvera dans les montagnes de la « barbarie » (sens double?!) sa mère. Et cela lui n’est plus tout à fait indifférent d’être là ou pas. On est loin de sentiments « positifs », mais peut-être une diminuition de la douleur aigue ? Après tant d’années d’absence les entretiens commencent avec les sensations retrouvées d’odeurs, de goûts (de la cuisine maternelle), le départ du père, le rôle du grand-père, des souvenirs d’enfance... Dans ce monde pas mal de choses vont ensemble que tout semblent opposées : « Grand-père pouvait croire à Saint Joseph et être socialiste. » Le travail, les enfantements laissent vieillir les belles femmes avant l’âge, au moins les mains ? Le cœur reste souvent éveillé et prêt à bondir. Les hommes sont des trouillards et des cavaliers, des coureurs de femmes et des traîtres, abandonnant les épouses pour des femmes plus jeunes. Ainsi – selon la mère – le père, même si elle-même aussi avait été infidèle de temps en temps ça va de soi, Cela ne compte pas. Et elle n’en avait pas écrit « des poèmes » comme son mari infidèle. Elle met des piquures et gagne ainsi un peu d’argent : c’est la malaria et la phtisie qui règnent dans la région. Encore bien d’autres conversations et rencontres avec d’habitants du village s’ensuivent... Mais on pourrait – comme souvent dans l’oeuvre de Vittorini (me semble-t-il) discerner des niveaux de lecture différents :

- le cadre historique du fascisme est mis en avant par beaucoup de commentateurs. Cela expliquerait alors l’abattement initiale du protagoniste, une certaine fatalité ? Bizarrement ces allusions historiques n’auraient pas être vues par des fascistes pas assez fins de l’époque. Par contre les critiques venaient d’abord de l’église qui discernaient un certain amoralisme. Il me semble que cela ne passe plus aujourd’hui et qu’au contraire (voir en bas) il y aurait même certains éléments « spirituels ».

- la réprésentation de la pauvreté, spécialement dans la patrie sicilienne de l’auteur : l’émigration en est la conséquence, comme justement chez Silvestro et ses frères et sœurs. Lors du voyage et les rencontres les plus diverses, le narrateur rencontre des formes différentes de pauvreté, de maladie, de solitude...

- sans doute y-a-t-il un niveau « existentiel » que j’estime même préponderant. Derrière des dialogues parfois un peu bizarres on trouvera à voir de près, des réflexions sur l’état intérieur de l’homme, sa soif, ses douleurs, sa solitude. Il est étrange que j’en ai pas lu un mot dans différents commentaires..., comme si l’idée était purement politique. Ce serait plus simple ? Mais le livre pose des questions profondes à l’homme entre fierté et humilité, abaissement et honneur. Est-ce que la souffrance personnelle est participation à une souffrance plus universelle ? Un cri ? Ici je voyais, sans avoir étudié le sujet, une parenté possible avec l’existentialisme naissante...

- et parlant de ses sujets je ne peux pas éviter de proposer même une lecture spirituelle. Elle ne s’impose pas – comme tout dans l’oeuvre de Vittorini, me semble-t-il -, mais j’étais profondement étonné de trouver des allusion à des contextes réligieux, voir bibliques. C’est clair en connaissant ces sources (ce qui était plus que probable pour un Italien de son époque).

Comme déjà mentionné, l’auteur tourne souvent autour d’un sujet, répète des questions, expressions clés. Cela pourrait paraître mal fini comme travail, mais j’y vois l’importance de certaines choses dans la vie, peut-être aussi un reflèt de l’indifférence mentionnée ?

Bref, pour moi cela fut une vraie perle avec beaucoup de matière à réflèchir. L’auteur déclara même qu’il considéra ce livre comme « réussi », qu’il avait réussi à exprimer ce qu’il voulait. Une bonne récommandation de ma part !


mots-clés : #regimeautoritaire #social
par tom léo
le Dim 18 Déc - 17:53
 
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Sujet: Elio Vittorini
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Antonio Tabucchi

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Piazza d'Italia

Je me suis laissée roulée dans la cendre, le blé, l'eau, j'ai regardé les ciels, les lointains paysages parce que cela appartient à tout le monde, pas de  raison qu'il y ait des "maîtres" (parce que je suis de l'avis de Garibaldo Père qui eut le temps après sa mort de discuter toute la nuit avec Volturno/Garibado fils)

L'anarchisme génétique de cette famille et Don Milvio ce curé populaire, rebelle lui aussi ne pouvaient que me séduire, de même ces femmes valeureuses qui cherchent à tromper le malheur annoncé dans la cendre, la semoule, le ciel et les fenêtres qui s'enfuient. (telle Asmara qui se refusent des années à Garibaldo jusqu'à ce qu'elle soit devenue stérile, trompant ainsi "l'horoscope")

Ces hommes aventureux dans d'autres pays ou simplement dans les bois, (Volturno tombé en Afrique pendant la guerre ou Plinio tué par le garde-chasse) qui meurent toujours avec insolence.

Conte  réaliste, fascinant qui déroule l'histoire d'Italie de 1861 à l'après deuxième guerre mondiale, à travers cette famille fondée par Plinio et Esteria et qui s'éteindra avec Garibaldo sur cette Piazza, aux pieds du "Héros des deux-mondes" Garibaldi, avec sur les lèvres la révolte !

Il y a de belles amitiés, de belles amours dans ce récit, mais aussi la couleur rouge de la rébellion noircit par la couleur noire des chemises, telle celle de Melchiorre (doit-on y voir la punition du pécher de ses parents ?)

L'humour des situations et des titres des paragraphes accentue le sentiment de lire un conte. (pour adultes s'entend)

Une très agréable lecture qui avec celle faite de "Pereira prétend" (bien différente mais aussi de qualité) me conduira je n'en doute à d'autres .....


mots-clés : #contemythe #famille #social
par Bédoulène
le Sam 17 Déc - 17:01
 
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Sujet: Antonio Tabucchi
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Ignazio Silone

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Fontamara

Cette histoire est toujours celle des Cafoni, du ruisseau qui alimente leurs terres ; une histoire d’eau, son cheminement, son détournement, son vol.

Les Fontamarais acceptent avec fatalisme, par habitude tous les coups qui leur sont portés. Auparavant par les Seigneurs aujourd’hui par le gouvernement qu’accompagnent les « chemises noires ».

Un seul homme Bérardo ose se rebeller, pour les jeunes gens du village, il est un Dieu. Mais la plupart des habitants craignent ses paroles et ses actions et essaient souvent de le tenir à l’écart quand ils ont affaire avec, l’administration, les ecclésiastiques, les riches propriétaires pour ne pas envenimer les relations. Leur manque d’instruction les réduisent à accepter ce qui s’apparente à de l’esclavage, à être spoliés en permanence, raillés par ceux de la vallée et en arrive, c’est triste, à baiser la main qui profite de l’ « Ami du Peuple », un avocat corrompu.

Or quand Berardo décide qu’il est temps pour lui de fonder un foyer et reste sourd aux appels des Fontamarais à qui l’eau, l’eau qui leur est vitale, leur est supprimée, ceux-ci se sentent abandonnés.

Que faire ? cette interrogation est le leitmotiv des Fontamarais face à toutes les exactions, et c’est aussi leur seule réponse.

A Rome où Berardo accompagné de son neveu, cherche à travailler, truanderie, abus etc… règnent. Après sa rencontre avec un partisan anti-fasciste actif Berardo emprisonné, dans un dernier sursaut, lui le révolté, décide de ne pas le trahir et d’offrir sa vie pour les Fontamarais ; d’être le cafone qui ne mourra pas pour lui-même.

L’avènement du gouvernement fasciste ayant aggravé leur situation, alors qu’ils apprennent la mort de Berardo, certains ont l’envie de « faire quelque chose », le premier journal des Cafoni, cette « rebellion » se terminera dans un bain de sang.

C’est un récit amer, l’auteur ne nous cache pas que les habitants de cette ville des Abruzzes, qui sont majoritairement des « cafoni » les paysans pauvres, sont arriérés, qu’ ils souffrent d’un manque crucial d’instruction, qu’ils sont la risée des profiteurs (lesquels usaient de ruses ignobles) et des gens de la ville. Leur pauvreté qui selon les événements devient misère les rend procéduriers. Même la tentative de solidarité des femmes pour réclamer le droit n’est pas accomplie. Le dur labeur des cafoni ne les sortent pas de cette pauvreté dont ils ont hérité. Le secours de la religion leur est refusé puisque le village n’a pas de prêtre.
Devant cet état de misères : physique, matérielle, intellectuelle et spirituelle effectivement « Que faire ? »

La guerre générera bien d’autres questions, et après l’installation d’un nouveau régime qu’adviendra-t-il des Cafoni ? C’est une autre histoire.

Nota : satisfecit pour les réponses des Fontamarais à l’examen d’ un « avorton » fasciste.

Extraits :

« Puis vint l’époque où la mort des hommes de Fontamara en âge de voter ne fut plus notifiée à la municipalité mais à don Circonstanza, qui s’entendait, fort habilement, à les conserver vivants sur le papier et, à chaque élection, à les faire voter selon ses désirs. Chaque fois, en guise de compensation, la famille du mort-vivant recevait cinq lires. »

« ….. c’était en outre la seule occasion où, au lieu de débourser de l’argent, nous en recevions. »

Ce système avantageux s’appelait, ainsi que nous le répétait l’Ami du Peuple, la démocratie. »

« Un jour ledit Baldissera était revenu tout excité à Fontamara, en prétendant que l’époque des morts-viants était revenue, ainsi qu’il avait pu en juger au chef-lieu où il avait assisté à un défilé d’hommes en chemises noires, rangés derrière un fanion également noir, des ossements et des têtes de mort ornant aussi bien la poitrine de ces hommes que leurs drapeaux. « Et si c’étaient nos morts ? » avait dit Marietta qui songeait à ses trépassés et aux cinq lires de consolation. »

« Seul était vraiment beau le tableau de l’Eucharistie, sur l’autel : Jésus tenait un morceau de pain blanc à la main et il disait : Ceci est mon corps. Le pain blanc est mon corps. Le pain blanc est fils de Dieu. Le pain blanc est vérité et vie. Jésus ne faisait pas la moindre allusion au pain de maïs que mangent les paysans, ni à cet insipide succédané du pain qu’est l’hostie des Prêtres. »

« Comment dit-on déjà ? continua Berardo, têtu. On dit tu gagneras ton pain. On ne dit pas ainsi qu’il advient pourtant dans la réalité : tu gagneras les spaghettis, le café et les liqueurs de l’Entrepreneur. »

« « - L’accord est très clair, dit-il. Trois quarts de l’eau iront dans le nouveau lit tracé par la commune et les trois quarts de l’eau qui reste continueront à couler dans le vieux fossé. »


mots-clés : #social
par Bédoulène
le Sam 17 Déc - 16:46
 
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Sujet: Ignazio Silone
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Ignazio Silone

Ignazio Silone (1900-1978)

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Ignazio Silone, pseudonyme de Secondo Tranquilli, né le 1er mai 1900 à Pescina, dans les Abruzzes et mort le 22 août 1978 à Genève en Suisse, est un homme politique et écrivain italien du xxe siècle.

Ignazio Silone perd une grande partie de sa famille dans le tremblement de terre d'Avezzano en 1915. Il adhère aux Jeunesses socialistes italiennes et en devient le chef. Il dirige le journal du Parti socialiste italien (PSI), Il Lavoratore, à Trieste, dont le siège social est incendié par les fascistes en octobre 1920. Il adhère ensuite au Parti communiste italien (PCI) en 1921, dont il deviendra l'un des dirigeants dans la clandestinité. Il quitte l'Italie en 1928 pour des missions en URSS, s'installe en Suisse en 1930, où il s'oppose à Staline et prend position pour Trotski et Zinoviev. Il est alors exclu du Parti communiste. Il publie son premier roman, Fontamara. Il ne pourra regagner l'Italie qu'en 1945, où il est élu député (socialiste). Il renonce à la politique, puis crée la revue Tempo presente. Il a pris part aux activités du Congrès pour la liberté de la culture.

Dans les années 1950 il redécouvre les racines chrétiennes de sa culture. De même qu'il est un «socialiste sans parti» il se déclare «chrétien sans église», invitant par ses écrits les chrétiens à se libérer des lourdes structures ecclésiastiques et retrouver le socialisme primitif et le partage des biens des débuts de l'Église tel que rapporté dans le livre des Actes des Apôtres. Il est fasciné par la figure du pape des Abruzzes, Célestin V, qui pour revenir à une vie de grande simplicité renonce au pouvoir pontifical et démissionne.

Au début des années 2000, les historiens Mauro Canali et Dario Biocca ont soutenu, à la lumière de documents retrouvés dans les archives fascistes, la thèse d'une activité d'espionnage au profit de la police de l'Italie fasciste. Ce double jeu d'un grand dirigeant du parti communiste aurait provoqué chez lui une grosse dépression, due aussi à la mort de son frère dans les prisons fascistes, et une crise de conscience qui l'ont poussé à abandonner son activité d'espionnage et ses responsabilités politiques, pour uniquement se dédier à son activité littéraire. Giuseppe Tamburrano a quant à lui toujours proclamé l'innocence d'Ignazio Silone.

(wikipedia)

Traduits en français

Fontamara (1930)
Le Pain et le Vin
Le Grain sous la neige
Une poignée de mûres
Le Secret de Luc
Le Renard et les Camélias
L'Aventure d'un pauvre chrétien
Severina (1971)

Théâtre
Et il se cacha

Essais
L'École des dictateurs
Sortie de secours


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Une poignée de mûres

Cette histoire relate la vie des « Cafoni » les pauvres paysans de la région des Abruzzes, même si le personnage principal  est l’ingénieur Rocco de Donatis, cadre du Parti Communiste Italien et originaire lui aussi de cette vallée. Le récit se déplace sur 3 villages San Luca, Sant’Andrea  et la Fournaise mais il est un lieu isolé le Casal, repaire de voleurs très actif durant la guerre, pourvoyeurs de Marché Noir, mais aussi refuge d'émigrés et dont le « chef » se révèlera homme de confiance.

Les Cafoni subissent depuis des siècles la loi des riches propriétaires, soutenus par les divers régimes passés et par l’Eglise. Aussi quand se termine la drôle de guerre, que la représentation sculptée du Grand sorcier (le Duce) est détruite et que s’installe le Parti Communiste  certains croient un changement de leur situation possible. Certains  qui avaient dû fuir, reviennent au village à la fin de la guerre pensant le climat apaisé.  Le Parti et les riches propriétaires, certains fonctionnaires sous le régime fasciste  trouvent un intérêt commun à une alliance  au détriment, encore une fois, des Cafoni.

Paysans, bergers, villageois, s’habituent au nouveau gardien de leur foi, le curé Don nicolo qui officie justement et honorablement. Quant à ceux qui rompent avec le Parti, ceux qui représentent un danger pour lui, pour les riches propriétaires, ils sont harcelés, par le Parti qui utilise des méthodes odieuses, mensongères pour piéger et punir  les « déserteurs ».
Quand Vivre au village devient impossible parce qu'accusé  à tort, de meurtre, la fuite est la seule solution.
Il ne reste plus qu’une espérance, celle d’une nouvelle libération quelle que soit son attente !

Une écriture paisible avec des touches de dérision comme piment et des tableaux émouvants de la vie quotidienne.
J’aime les auteurs qui reconnaissent et transmettent  par l’écriture leur amour pour une région, et dans ce récit pour les Abruzzes et les Cafoni.
L’image que l’auteur donne du Parti Communiste Italien est la même que d’autres auteurs ex-communistes. Sauf qu’en Italie foi catholique et foi communiste se fondent, voire se confondent pour beaucoup de personnes.
Les descriptions des personnages, leur langage, sont comme la région, brutes et attachantes. L’auteur sait démontrer l’intelligence des Cafoni, qui pour la plupart n’ont aucune instruction, leur  persévérance devant l’adversité.
C’est un récit édifiant quant aux persécutions, de tous ordres que subissaient les Cafoni à l’époque.
C'est une première rencontre avec cet auteur que je vais approfondir.

Extraits :

Sur le PCI

Plus une action ressemble à cela même que pourrait entreprendre le Parti, et plus elle est perfide et exécrable si elle est réalisée à l'insu et contre la volonté du parti.»

«voulez-vous savoir qu'elle serait la plus grande des trahisons ? Réaliser le programme du Parti sans le Parti.»

«Deux importantes reliques étaient conservées : un sachet contenant des fragments de décombres provenant de Stalingrad et un mouchoir tâché du sang d'un héroïque partisan... une fois par an, à la date du premier mai, Pâques du travail, les deux reliques étaient portées en procession par les rues du village.»

«Le parti est en guerre. Tout le reste en découle. Quiconque abandonne le Parti est un déserteur, on le fusille. Le Parti ne pet pas discuter avec un déserteur, un déserteur en temps de guerre on le fusille.»

Les Cafoni

«La plaine n'a jamais été à nous, dit Giacinto. La bonne terre a toujours été aux barons, aux princes, à l'Eglise. C'est de l'espérance vaine.»

« Catherine et Côme étaient en train de manger leur soupe de fèves, assis devant leur maison. A côté de la porte, il y avait un vieux banc, fait d’une planche clouée sur quatre pieux.Le frère et la sœur tenaient leur écuelle sur leurs genoux. Soudain se présenta un carabinier. »

… Cet après-midi, en redescendant de la carrière avec ton âne chargé de cailloux, tu n’as pas été arrêtée par un étranger ?

-Tu ne lui as pas donné un morceau de pain ? demanda le carabinier. Tu ne lui as pas indiqué son chemin ? Dans ton intérêt je t’invite à dire la vérité.

Catherine posa son écuelle à côté de soi, sur le banc, puis demanda à son frère :

- C’est un péché, la chose dont il m’accuse ? Faire la charité est maintenant un péché ? Je ne savais pas que c’était un péché.

-On n’en finirait pas de raconter les histoires de cette forêt maudite, dit Judith.

Quand Lazare commence, il ne s’arrête plus. Mais cela explique bien pourquoi les Tarocchi se mettaient à trembler dès qu’ils voyaient la place de San Luca ou de Sant’Andrea toute pleine de Cafoni. Ils étaient pris d’une peur panique. On ne pouvait jamais savoir ce qui se passerait.

-De fait les autorités finirent par dissoudre la Ligue des Paysans, dit Zacharie. Pendant quelque temps, notre antique usage de nous réunir sur la place fut même interdit.

-Mais ils ne se sentaient pas sûrs, tant que restait le clairon, dit Judith. L’important ce n’était pas la ligue, mais le clairon.

-C’est bien pourquoi la confiscation en fut ordonnée, reprit Zacharie. Mais l’instrument détesté demeura introuvable. Lazare refusa d’avouer où il l’avait caché.

«Dans la montagne, en effet, on peut voir encore aujourd'hui des ruines de maisons détruites par les tremblements de terre des autres temps. Quand la catastrophe se produit, vu que personne n'est sans pêché, personne non plus n'ose s'étonner ni protester.»

(cette région a subi un tremblement dévastateur à L’Aquila en 2009)

L’instituteur

«Don Raphaël ne possédait point de terres, mais à la poste un livret d'épargne représentant un dépôt de cinq mille lires. La somme, même pour San Luca était modeste.

En d'autres termes, en raison de ce livret qu'il se trouvait posséder, le maître d'école du village de San Luca considérait son propre sort comme lié à celui du capitalisme.

Ce livret était son privilège, sa distinction. L'importance qu'il lui attachait était émouvante.»


mots-clés : #regimeautoritaire #social
par Bédoulène
le Sam 17 Déc - 16:42
 
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Virginie Despentes

Vernon Subutex 2

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Vernon Subutex se retrouve SDF et de vagues remords, une franche sympathie ou un intérêt carnassier font qu'on va retrouver rôder autour de lui tous les personnages de la première partie. La dérive hippie-copain de tout ce petit  underground parisien dans la pseudo-secte poético-musico-cool de Vernon est un petit coin d'utopie naïve voire niaiseuse qui m'a plus fait penser à Michel Fugain qu'à Zola.

Et malheureusement le lâcher prise semble toucher jusqu'à l'auteur, qui se laisse vivre face à ses personnages. Certes elle garde de façon sporadique un bel art du portrait, des raccourcis bluffants, des formules percutantes, mais aussi une certaine tendance aux généralisations réductrices. Elle a plutôt tendance à remplacer la qualité par la quantité, elle ne creuse pas, se reposant sur les acquis du premier tome, sans non plus faire l'effort de nous redonner les petits éléments qu'on est en droit d'avoir oubliés et qui nous rafraîchiraient la mémoire.

Guère d'intrigue non plus, à vrai dire.

Quant au style, c'est une oralité branchée, souvent bien vue mais un peu bourrative. Ah certes, on n’est pas dans le classique, le lustré ! Je sais bien que la littérature doit vivre avec son temps, mais j'ai du mal à en apprécier la créativité au vu du nombre de « putain » « bordel » « kiffer » (et j'en passe beaucoup) rencontrés au fil du texte. Et quand V Despentes abandonne ce type de langage, sa phrase tombe vite dans la banalité.

Au total , j'ai été bien déçue, le poudre aux yeux prend le pas sur la vision aigue d 'une société. V Despentes y voit peut-être de l'humour, mais j'ai été un peu gênée de cette histoire où les SDF sont bien heureux, les fascistes pas si dangereux que ça. Et je me suis souvent ennuyée.

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par topocl
le Sam 17 Déc - 10:08
 
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Virginie Despentes

Vernon Subutex

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Mes dernières lectures ont une fâcheuse tendance à me montrer notre société qui s'étiole, se grippe, se retrouve dans l'impasse.

Pour ce faire Virginie Despentes a choisi la forme du roman feuilleton, c'est assez frustrant, cet opus est le premier de trois, l'un qui va sortir en mars, l'autre encore en cours d’écriture, et …. j’aurais bien aimé pouvoir enchaîner.

Le personnage central, Vernon Subutex, est un ex-disquaire, quasi quinquagénaire, un type des plus attachants, qui se retrouve au chômage (disquaire, ça n’est plus un métier), puis au RSA, puis dans la rue. Au début, il s'en sort pas mal, il a toute une bande d'anciens potes-anciens clients, des gens divers et variés dont le rock a été la passion commune, et dont les vies ont pris plein de directions, qui, contents ou contraints, l'hébergent deux-trois jours.

Virginie Despentes est très forte à dresser le portrait de personnages pour qui la  frénésie est un moyen de ne pas se noyer : argent, sexe, drogue, alcool, violence…, des gens de tous les jours pourtant, mais comment supporter, autrement ? Elle y mêle audacieusement humour, un cynisme non dépourvu de finesse, et tendresse, on  se dit souvent : ah, ça, je devrais le noter!. Il y a chez eux une excitation farouche destinée à ne pas voir l'horizon qui se bouche, à avancer quand même, quel que soit le milieu social, le niveau de vie, les aspirations personnelles. Cette galerie assez éblouissante de personnages s'expose dans une jolie  farandole de chapitres, de portraits, kaléidoscope de notre société agonisante. Il y a là un petit côté Lelouch sous acide qui est des plus séduisant.

En toile de fond, Virginie Despentes tricote son intrigue. Un rockeur dépressif et adulé, que tous ont plus ou moins connu de près ou de loin,  vient de mourir, après avoir laissé trois cassettes enregistrées à Vernon, qui intéressent tout le monde pour des raisons variées, et dont on se doute qu'elles contiennent quelque chose de sulfureux. Ca, on sent bien que cela va amener des complications, mais on n'aura le droit de le savoir que dans le prochain tome…

A la fin du livre, Vernon est à la rue, il s'épuise, là, il n'en peut plus, c'est déchirant à lire, c'est très beau. Et... Mince il va falloir attendre pour savoir la suite...

Il y a sûrement un plaisir surajouté à ce livre pour les parisiens, à déambuler dans la ville avec Vernon. Et aussi pour ceux qui aiment et connaissent la musique, Vernon n’est pas disquaire pour rien. Je pensais aussi que les connaisseurs  de Vian auraient droit à un petit plus, mais , non Virginie Despentes dit que c'est un peu le hasard .

Fermez les yeux à la couverture, ouvrez le livre, et lancez-vous !

(commentaire rapatrié)


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par topocl
le Sam 17 Déc - 10:07
 
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B. Traven

Le trésor de la Sierra Madre

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On imagine volontiers tout au fil de la lecture, le film sans doute excellent qui en a été tiré par John Huston, où, nous dit wikipedia, John Huston lui même interprète le rôle du « riche américain au costume blanc ». C'est en effet un roman d'aventure dans toute sa splendeur, trois types dans la misère qui s'allient  pour s'en sortir,  et en face, l'or : quoi de plus emblématique de toute aventure humaine que l'or, avec tout ce que cela implique de rêve, de fascination, de folie,  de jalousie, de dérision...Sans parler de la couleur locale, le port qui grouille d'activité, les mules sur les pistes au sein des vallées désertiques et  escarpées, les bandits féroces et crasseux...Dans un climat de compagnonnage alternativement suspicieux ou amical, nos héros affrontent l'adversité, au sein de laquelle leurs propres démons ne sont pas en reste. Ils vagabondent entre enthousiasme, anxiété, délire et épuisement.


Mais il n’est pas à négliger que les héros sont des gringos au pays des Indiens, détrousseurs eux-même d'un peuple plus pauvre qu'eux, plus humble et plus sage aussi, semble indiquer Traven. Le film donne sans doute la part moins belle à la description d'un pays qui n'a guère vécu que d'oppression venue de l'extérieur, où l'autorité civile et religieuse a  proscrit l'éducation, fait régner la terreur, la suspicion et la superstition, entretenu la misère tant pécuniaire qu'intellectuelle . B Traven, qui a des passages virulents sur le rôle de l'Eglise au Mexique, double son roman d’aventure d'un roman social et politique.


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par topocl
le Sam 17 Déc - 8:53
 
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Don Carpenter

Sale temps pour les braves

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À peine sortis de l'adolescence, Jack Levitt et Billy Lancing ont une revanche à prendre sur la vie qui ne leur a pas fait de cadeau. Billy est né noir dans une société qui n'est pas près de le lui pardonner, quant à Jack, enfant naturel, il a grandi à l'orphelinat

  Ses parents, peu importe qui ils étaient, avaient sans doute fait l'amour à cause d'une envie similaire. Pour le plaisir, pour la satisfaction éphémère qu’ils en retiraient, ils l’ avaient conçu, et parce qu'il était manifestement gênant, l’avaient largué à l'orphelinat ; parce que lui, cette vie qu'ils avaient créée dans un instant d'insouciance et d'inconscience, n'était finalement pas drôle du tout ; il n'était qu'un effet secondaire pénible de ces démangeaisons ; il était la morve sur le mouchoir une fois le nez débouché, une masse dégoûtante dont on se débarrasse discrètement et qu'on oublie. Une rage froide l’emplissait, une rage dirigée contre ses parents inconnus, contre la vie qu'on lui avait donnée, et tout ça pour des raisons tellement stupides et futiles ! Pour une éjaculation d'une seconde ! Il était né à cause de ça (…) .Quinze à vingt minutes dans un lit anonyme entre deux probables étrangers lui avaient causé vingt quatre ans de malheurs, de peine et de souffrance, et promettaient, à moins qu'il ne meurt jeune, de lui causer encore quarante ou cinquante ans de malheur, enfermé dans une pièce minuscule ici ou ailleurs sans espoir de connaître la liberté, l'amour, la vie, la vérité ou la sagesse.


Ils se promettent de se payer une bonne tranche de liberté et cela passe par le fric, la frime, et les femmes.

 N’ayant jamais connus ses parents, il ne s'attendait pas à ce que l'avenir soit une répétition d'un passé qu’il ne pouvait pas se représenter - lui au moins avait une vision de l'avenir qui comprenait une sauvagerie gratuite, un enchaînement de plaisirs allant grandissant, d'amour et de joies, et s'il fallait lutter pour l'obtenir, cela ne posait pas de problème ; il savait se battre pour avoir ce qu'il voulait. À vrai dire, c'était quasiment la seule façon de procéder qu'il connaissait.


Autant loosers que flambeurs, ils fréquentent de petites frappes, logent dans des hôtels miteux, gagnent sur le tapis vert du billard des sommes qu'ils perdent aussi vite pour s'offrir des plaisirs faciles. Il vivent 100 à l'heure sans se soucier des bourgeois et des lois. Mais malgré la jouissance, la solitude et le désespoir de leur lâchent pas les semelles
 
Enfin, l'idée même que la vie puisse être belle était idiote. Parce que le bon et le mauvais, le bien et le mal n'existaient pas. Du moins, pas tels que les définissait l'orphelinat, pour qui le bon égalait l'ennui, la douleur et la stupidité ; et où le mal était beau, délicieux et explosif ; et ce n'était certainement pas non plus son contraire - il serait agréable de ne vivre que pour s'amuser mais que faire une fois l'amusement épuisé ?

   
C'est comme si tu crevais d'envie de casser une vitre avec ton poing, tu vois, et si tu cédais à ce désir sans réfléchir, alors bam, pendant une demi-seconde, t’aurais l'impression d'être le roi du monde ; mais au lieu de ça, tu commences à avoir la trouille de te couper, ces conneries, et tu hésites, alors tu t’en veux à mort et tu finis par exploser la vitre, sauf que tu le fais en toute conscience, et du coup t’en retires aucun plaisir.


Et bien sûr… cela tourne mal, centre de détention, prison, tout concourt a réveiller en eux une violence irréfléchie, mais aussi à casser leurs illusions, leurs rêves et leurs folies,

Il serait plus simple de croire en Dieu. Alors on pourrait se réveiller, bâiller, s'étirer et sourire à un monde organisé autour de la compassion et de la mort, du châtiment pour le mal, la félicité pour le bien, et si le jeu paraissait fou, au moins il avait des règles. Mais le monde n'avait aucun sens. Il n'en avait jamais eu.


Et finalement ils accusent le coup, et ils vieillissent, les émotions prennent le pas sur l'action
 
Cette nuit-là, Jacques pleura à s'en fendre l'âme. Il ne trouva aucune pensée réconfortante. Il ne parvint même pas à se mettre en colère, il était simplement désespéré, et plus seul qu’il ne l'avait jamais été de sa vie. Il ne lui restait plus rien à faire sinon pleurer, et il pleura.


D'autres valeurs comptent, d'autres refuges se dessinent.
Est-ce vraiment se ranger ? Où trouver une certaine douceur au monde qu’ils n'avaient pas connue auparavant ?

Jusque-là, il n'avait été qu'un voyou, avec un avenir de voyou, la vanité et la sensiblerie d'un voyou qui croyait que le monde entier en voulait à sa peau. C'était idiot ; aujourd'hui qu'il avait mûri, le temps était venu de profiter de la vie.

 
Évidemment, il voulait un fils. Il se disait qu'avoir un fils, puis un 2e, peut-être, et puis une fille ou deux était la clé d'une existence comblée. Il avait assez contemplé le vide de la vie pour ne jamais l’oublier.


  Il le faisait souvent, entrait à pas feutrés dans leur chambre pour les border et ressentir cette tendresse sans bornes que seuls les parents connaissent, puis il regagnait son lit et ses idées noires.


Mais ils étaient si déshérités par leur naissance que ce bonheur leur est sans doute interdit

 Elle se représenta ce jeune homme, enfermé dans une cellule de prison Dieu sait où, coupé de toute pensée d'immensité, et elle éprouva soudain une grande pitié pour lui, sa jeunesse perdue, sa croyance naïve et infantile que le passé était biens derrière lui et qu'il pouvait recommencer de zéro, enterrer tout ce qu'il avait été et devenir une personne cultivée.
   Et elle en concevait une telle amertume qu’elle en aurait pleuré.


  Il voyait les choses et les éprouvait. La terre devint réelle, et parfois, il réussissait à percevoir le plaisir qu'il y avait à être vivant


Malgré quelques longueurs liées à ma méconnaissance du billard, j'ai aimé ce portrait puissant, à la fois tendre et tragique, d’une Amérique de l'après-guerre, sans repères, vouée à l'immédiateté, qui découvre sa propre vanité, mais toute quiétude lui est interdite. Des humains en perdition, minés dans leurs racines, qui tentent désespérément de s’accrocher les uns aux autres pour surnager et dont la poursuite du bonheur est vouée à l'échec.

Don Carpenter, sous prétexte que ses « personnages vivent des émotions d'une grande intensité », pense que ses « écrits sont optimistes ». J'ai pour ma part trouvé ce livre d'un grand pessimisme, même s'il est traversé par des éclats où la vie prend un caractère intense et fulgurant, et des élans de fraternité et de tendresse partagée sublimes, il est sous-tendu par un désespoir et une fatalité des plus sombres. Il n’en est pas pour autant moins attachant, et ses personnages, hantés par leur solitude et l'indifférence du monde, battants perpétuellement perdants, ont laissé en moi une petite musique obsédante.

(commentaire rapatrié)




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par topocl
le Ven 16 Déc - 18:20
 
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Sujet: Don Carpenter
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