William Faulkner
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Re: William Faulkner
tombé sur une phrase concernant Faulkner, et j'ai trouvé qu'elle synthétisait, avec ironie mais
justesse, l'univers romanesque de l'auteur de Absalon et Sanctuaire.
"La voix de Faulkner est balbutiante, étouffée car il a la tete plongée dans un coffre.
Il y cherche la robe de mariée de sa grand-mère et le fusil rouillé de son grand-père
mais finalement il en sort chaque fois un cadavre - le squelette d'un enfant, d'un amant
ou d'un esclave noir affranchi.
Comme s'il ne parlait que pour lui-meme, de façon monotone et, par moments,
incohérente, mais son discours est toujours ramifié parce que chaque objet tiré
du coffre a sa propre histoire qui mérite d'etre racontée.
Pour l'écouter, le meilleur moment ce sont de longues soirées d'hiver avec des
buches qui craquent dans la cheminée.
bix_229- Messages : 15439
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Re: William Faulkner
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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram- Messages : 15935
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Re: William Faulkner
J'ai beaucoup de mal avec cette croisière et ces personnages pas attachants. Même le poète m'agace...
Ce qui me gêne le plus est la forme dialoguée. C'est un rythme syncopé, il faut un temps pour saisir le rôle et la psychologie de chacun.
En revanche, je trouve une étrange parenté avec le premier roman de V. Woolf, La traversée des apparences (1915), qui mettait en scène également un tas de profils différents, sur un bateau, avec de nombreux dialogues entrelardés de réflexions plus générales.
Je ne suis pas sûre de finir Moustiques car je ne vois pas bien où l'écrivain veut en venir (?).
Tatie- Messages : 278
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Re: William Faulkner
Il s’agit de sept chroniques qui s’enchaînent, se lisant à la suite l’une de l’autre comme un roman.
Bayard, fils du colonel Sartoris, raconte son enfance avec son ami Ringo (Marengo), lorsqu’ils avaient dix ans dans le Sud lors de la guerre de Sécession ; lui est blanc, Ringo noir.
Embuscade
Les deux compères tirent un coup de fusil sur un Yanqui (et abattent son cheval), et Granny, forte femme d’une détermination sans faille, leur lave la bouche au savon pour l’avoir traité de « salaud ».
Retraite
Éblouissant rendu d’une échauffourée avec les Yanquis, cavalcades et humour.
Razzia
Exode des nègres vers un mythique Jourdain, vols d’argenterie et maisons incendiées, épique péripétie du chemin de fer, et la cousine Drusilla aux cheveux sommairement taillés qui se conduit comme un homme, à l’instar des autres Confédérés ne voulant plus que durer, déjà conscients de leur défaite.
Riposte en tierce
Dans le texte précédent, Granny et les deux enfants étaient revenus du côté des Fédérés avec une compensation de dix malles d’argenterie, plus de cents mulets et autant de nègres ! Elle continue par un trafic de mulets pris et revendus à l’armée de l’Union, et la cocasserie débonnaire a décidément pris le pas sur une quelconque dénonciation des horreurs de la guerre. Le ton est aux antipodes de celui du roman précédant, Absalon, Absalon ! tout en étant plus abordable, avec cependant un style excellant dans la narration des péripéties et scènes d’action. À noter aussi que la situation des Noirs est présentée d’une manière complexe, certains se réjouissant d’une libération proche, d’autres s’égarant lorsqu’ils ont perdu leurs maîtres ; à noter que les blancs dont les maisons ont été incendiées, comme Granny, logent dans les cases de leurs nègres, séparés de ceux-ci par un rideau ! Le narrateur précise plusieurs fois dans le livre que Ringo est plus intelligent que lui. On devine une familiarité ambigüe que le terme d’esclavage (pas prononcé) ne rend pas.
Vendée
L’armée fédérée est partie, remplacée par les pillards, dont un certain Grumby qui tue Granny ; Ab Snopes, l’homme de main de cette dernière, est soupçonné de trahison, et oncle Buck, autre personnage haut en couleur, se lance à la poursuite de la bande avec les deux garçons, qui ont maintenant quinze ans : avec cette longue expédition vengeresse, on est franchement dans le western.
Escarmouche à Sartoris
Ce que dit Faulkner n’est cependant jamais univoque et clair.
Faulkner déclare cela avant de raconter comme Drusilla est soupçonnée par la société féminine d’avoir été séduite par le colonel Sartoris lors de leur année de guerre en commun, et convaincue de retrouver ses robes puis, « vaincue », d’épouser John (discrètement, pour éviter le qu'en-dira-t-on) – mais ce dernier y sursoit en organisant le vote qui rejette les tenants de la participation politique des Noirs : les femmes sont présentées comme ne comprenant pas les élections… Quelques pages plus loin, au début du dernier texte, le narrateur déclare : « parce qu’elle était femme et, par conséquent, plus avisée qu’un homme »…« J’imagine que c’était parce que les cavaliers de mon père (comme tous les autres soldats du Sud), bien qu’ils se fussent rendus et avoués vaincus, étaient toujours des soldats. Peut-être en vertu de l’habitude invétérée de tout faire comme un seul homme ; peut-être, quand on a vécu pendant quatre années dans un monde conditionné par des actes humains, même lorsqu’il s’agit de danger et de bataille, n’éprouve-t-on pas le besoin de quitter ce monde-là ; peut-être le danger et la bataille en sont-ils la raison, puisque tous les hommes ont été pacifistes pour toutes les raisons possibles sauf pour éviter le danger et la bataille. Ainsi le régiment de mon père et tous les autres hommes de Jefferson, d’une part, et Mme Habersham et toutes les autres femmes, d’autre part, étaient-ils positivement ennemis, puisque les hommes avaient concédé et reconnu qu’ils appartenaient aux États-Unis, mais que les femmes ne s’étaient jamais rendues. »
Une odeur de verveine
Bayard a vingt-quatre ans lorsqu’il apprend que son père a été tué. L’odeur de verveine, c’est celle que Drusilla met dans ses cheveux, « car elle disait que la verveine était la seule odeur que l’on pût sentir au-dessus des chevaux et du courage et qu’ainsi c’était la seule qui valût qu’on la portât. »
Déprimante conception de la littérature…« Je songeai alors à la femme de trente ans, symbole de l’antique et éternel Serpent et aux hommes qui avaient écrit sur elle, et je me rendis compte à ce moment de l'infranchissable abîme qui sépare tout ce qui est vécu de tout ce qui est imprimé : que ceux qui le peuvent agissent, et que ce sont ceux qui ne peuvent pas et souffrent assez de ne pas pouvoir qui écrivent là-dessus. »
J’ai été enthousiasmé par ce roman relativement accessible et cependant fort riche, qui confirme le génie de l’auteur.
\Mots-clés : #enfance #esclavage #guerre #racisme
Dernière édition par Tristram le Mar 21 Sep - 19:44, édité 1 fois
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Tristram- Messages : 15935
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Re: William Faulkner
comme Une odeur de verveine.
bix_229- Messages : 15439
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Re: William Faulkner
Le dernier texte aurait été écrit pour la publication de l'ensemble.
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Tristram- Messages : 15935
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"Il n'y a pas de mauvais livres. Ce qui est mauvais c'est de les craindre." L'homme de Kiev Malamud
Bédoulène- Messages : 21652
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Bédoulène- Messages : 21652
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Re: William Faulkner
Louvaluna- Messages : 1682
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Re: William Faulkner
Tristram a écrit:C'est sûr que c'est une meilleure porte d'entrée qu'Absalon ! Ça donne l'envie d'en lire d'autres.
C'est très discutable. Tout du moins en ce qui me concerne. C'est bien "Absalon, Absalon" qui m'a incité à entrer dans l'univers faulknérien.
« Miss Coldfield, dans l’éternel noir qu’elle portait depuis quarante-trois ans pour sa sœur, son père ou son absence mari, nul ne le savait, assise tellement raide sur la dure chaise au dossier droit si haute pour elle que ses jambes pendaient aussi droites et rigides que si elle avait eu des tibias et des chevilles de fer, sans toucher le plancher, avec cet air d’immobile et impuissante fureur qu’ont les pieds d’enfant, et parlant de cette voix sévère effarée étonnée jusqu’à ce qu’enfin l’écoute cessât et que la faculté d’entendre se troublât, et que l’objet depuis longtemps défunt de son impuissante et insurmontable frustration apparût, comme évoqué par la répétition scandalisée, paisible, distrait et inoffensif, surgi de la patiente rêveuse et victorieuse poussière. »
ArenSor- Messages : 3428
Date d'inscription : 02/12/2016
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Re: William Faulkner
Donc, comme vous l’on déjà raconté Bix et Tristram, c’est l’histoire de deux adolescents pendant la guerre de Sécession, Bayard, le fils de John Sartoris – Colonel sudiste chef d’une armée de fédérés qu’il a constituée à ses frais – et Ringo son frère de lait, Noir.
Une initiation pour les deux enfants, aux côtés de la grand-mère, Granny, une vieille dame qui a un fort caractère et une empathie aussi grande vis-à-vis de ceux qui souffrent le plus de cette guerre. C’est ainsi qu’elle parviendra, avec l’aide de Ringo et quelques esclaves à berner pendant des mois les gradés des compagnies US. Après un quiproquo et grâce à un Colonel de l’union qui l’avait rencontrée dans la maison des Sartoris (alors qu’il recherchait deux gamins, Bayard et Ringo, qui avaient tiré sur sa troupe), Granny se voit octroyé par document dûment signé du Général Nordiste de caisses d’argenterie, d’une centaine de Noirs et de mulets.
« Et nous nous blottîmes Ringo et moi, le menton sur les genoux, de chaque côté de ses jambes, avec les dures pointes des bascules qui nous rentraient dans le dos et ses jupes étendues sur nous comme une tente. »
Elle demande donc à Ringo de vendre les mulets en trop aux troupes US, devant la facilité, elle décide de se servir du document du Gal, de le reproduire, c’est l’habile Ringo qui le fera, et donc de revendre aux chef des troupes US les mulets qu’ils leur volent. Cercle de finances qui rapporte et permet à Granny de nourrir les démunis de son domaine et du voisinage, jusqu’à ce que son stratagème soit découvert.
Entre-temps une bande de voleurs et assassins sillonnent la région, Granny croit pouvoir les soumettre mais le chef Grumby la tuera. S’ensuit alors une recherche de l’homme par Bayard et Ringo accompagné du vieux Oncle Buck. Bayard tuera Grumby avec le soutien inconditionnel de Ringo qui aimait et respectait Granny.
John Sartoris revient de temps à autre à des moments opportuns d’ailleurs pour aider sa famille. Il est dans la région respecté, c’est « Le Sartoris ».
« .. cette odeur sur ses vêtements, sa barbe et sa chair, que je croyais être celle de la poudre et de la gloire, elle du futur vainqueur, mais je sais mieux maintenant, je sais maintenant qe c’était seulement la volonté de durer, le déclin sarcastique, fantasque plutôt, d’une illusion qui n’a plus rien même de cette forme d’optimisme où l’on se figure que ce qui va vous arriver est probablement ce qu’on peut souffrir de pire. »
« Et c’est ça que je veux dire : qu’il faisait des choses plus grandes qu’il n’était. »
Mais le Sud perd la guerre, les hommes baissent leurs armes et acceptent de rentrer dans l’Union, au grand dam des femmes, telle Drusilla, la cousine de Bayard qui incorpora l’armée de John et que sa mère, par souci de convenance, convainc d’épouser John.
John n’accepte pas la personne qui représente l’Union aux prochaines élections car celui-ci veut attirer les Noirs dans le Parti républicain, John se débrouille pour tuer, sans être inquiété le représentant des républicains. Il se présentera à l’Assemblée d’Etat, mais Bayard, alors qu’il poursuit ses études sera informé de sa mort ; l’ancien associé et adversaire de John l’a tué.
Alors que les « hommes » de John, ceux qui ont combattu à ses côtés et Drusilla et certains de sa famille s’attendent à ce que Bayard venge son père et tue l’adversaire, Bayard se présente devant lui, voit l’homme pistolet en main prêt à riposter, il tirera d’ailleurs Bayard et le manquera deux fois. Bayard ne tirera pas lui.
Peut-être se rappelle-t-il sa conversation avec Drusilla, 3 ans plus tôt :
"Un rêve, à regarder de près, n'est pas une chose sans danger, Bayard. Je le sais. J'en ai fait un autrefois. C'est comme un pistolet chargé à double détente : s'il vit assez ongtemps, il blesse toujours quelqu'un. Mais, si c'est un beau rêve, cela en vaut la peine. Il n'y a pas beaucoup de rêves en ce monde, mais il y a des tas de vies humaines. Et une vie humaine ou deux douzaines...
- N'ont aucune importance ?
- Non, aucune."
Bayard ne voulait plus que les armes parlent, par sa seule présence il a convaincu l’adversaire de quitter la région. A présent Bayard devient « Le Sartoris » !
De très fort portraits, celui de Granny et Ringo m’ont convaincu. Drusilla par la modernité de sa pensée et un féminisme sous-jacent.
Tous les personnages sont bien traités, Oncle Buck, Ab Snopes, Loosh……………
Bayard est surtout spectateur, il apprend, toujours avec le soutien de Ringo –frère, ami – « plus intelligent » comme le dit John ; en fait la vie l’a éduqué avant Bayard.
Bien que le mot racisme ne soit pas dit, l’appellation de « nègre », d’esclave le suggère, de même « l’odeur » souvent relevé.
Intéressant aussi ce que dit John des oncles Buck et Buddy quant à leurs rapports avec les Noirs :
« Père disait qu’ils étaient en avance sur leur temps, que non seulement ils avaient, mais qu’ils mettaient en pratique des idées sur la question sociale qui auraient peut-être un nom cinquante ans après leur mort à tous deux. C’étaient des idées sur la propriété. Ils croyaient que la terre n’appartient pas aux gens, mais que ce sont les gens qui appartiennent à la terre ; que la terre leur permet de vivre d’elle et sur elle, de se servir d’elle, mais seulement s’ils se conduisent bien, et que, s’ils cessent de le faire, elle les chasse exactement comme un chien secoue ses puces. »
Amusant mais logique le lavage de la bouche après les mensonges, que Granny les oblige à faire, pour se « nettoyer » à la fois la bouche et l’âme.
Un peu d’ambiguité sur le personnage de John Sartoris, vu par Bayard et Ringo, par l’Oncle Buck – un sacré personnage – lequel le dénigre à la fois et conseille à Bayard de se présenter le cas échéant comme le fils de Sartoris.
Aventure picaresque quand Granny accompagnée de Bayard et Ringo part à la recherche de Loosh le noir qui a volé l’argenterie et les mulets.
Le fleuve des Noirs libérés qui se ruent vers "leur Jourdain" le fleuve, ils vont vers Jésus, comme l'a dit le Gal Grant, mais l'armée du Nord fait sauter le pont par lequel accéder sur l'autre rive. Un fleuve Noir qui fuit, sans rien, démuni, comme hypnotisé par la seule idée de se rendre sur le rives du Jourdain, guidé seulement par leur foi. Impressionnant !
Belle image aussi que celle de la locomotive Sudiste qui part d'Atlanta, héroïque !
"Mais ni partie, ni disparue, aussi longtemps qu'il y aurait des vaincus ou des descendants de vaincus pour en raconter ou en écouter le récit.
"L'autre, la locomotive Yanquie, était juste derrière elle, dit Drusilla. Mais elle ne l'a jamais rattrapé. Puis, le lendemain, ils sont venus et ont détruit la voie. Ils ont détruit la voie afin que nous ne puissions pas recommencer ; ils ont pu la détruire, mais ils n'ont pas pu nous reprendre ce que nous avions fait. Ils n'ont pas pu nous prendre ça."
Voilà promesse tenue, et oui Bix tu savais bien que j'aimerai !
Merci Tristram de ton soutien.
Et comme pour mes autres lectures je suis conquise à l'écriture de Faulkner.
Autres extraits :
« C’est ainsi que nous étions Ringo et moi. Nous étions presque du même âge, et père disait toujours que Ringo était un peu plus intelligent que moi, mais ça ne comptait pas entre nous, pas plus que la différence de couleur de nos deux peaux. Ce qui comptait c’était ce que l’un de nous avait fait ou vu et pas l’autre et depuis cette Noël, je me trouvais en avance sur Ringo, parce que j’avais vu un chemin de fer, une locomotive. »
"Quarante-sept, ça fera le compte, dit Ringo. Mais j'ai dans l'idée qu'on ferait peut-être pas mal de manger quelque chose, comme c'est écrit sur le papier."
"On mettait le papier sous la lame du plancher où l'on ramassait la certe et l'étui de fer-blanc. Je ne sais où ni comment Ringo se l'était procuré. Toujours est-il qu'un soir il était revenu avec une centaine de feuilles portant l'en-tête officiel : Armée des Etats-Unis, Subdivision du Tennessee. Il s'était aussi procuré du même coup la plume et l'encre. Il me les pris des mains et c'était maintenant Ringo qui était assis sur la bille de bois et Granny qui se penchait au-dessus de lui."
"Mais je n'ai jamais péché pour le gain, ni par avarice continua Granny. J'ai péché pour la justice et après cette première fois j'ai péché pour plus que la justice. J'ai péché pour procurer de quoi manger et se vêtir à Vos propres créatures qui ne pouvaient s'aider elles-mêmes ; pour des enfants qui avaient donné leurs pères, pour des femmes qui avaient donné leurs maris, pour des vieux qui avaient donné leurs fils à une cause sacrée, bien qu'il Vous ait plus d'en faire une cause perdue."
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Bédoulène- Messages : 21652
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Re: William Faulkner
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Bédoulène- Messages : 21652
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Re: William Faulkner
Bédoulène a écrit:j'ai fini le livre Absalon, Absalon que j'ai beaucoup apprécié, mais je suis incapable de le commenter, lecture trop hachée et qui a traîné dans le temps.
Bravo ! c'est, je pense, l'un des romans de Faulkner les plus difficiles à lire, mais aussi l'un des meilleurs.
ArenSor- Messages : 3428
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Re: William Faulkner
(préférer un inceste à quelques gouttes de sang noir mais il y a tant de sujets à discuter )
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Bédoulène- Messages : 21652
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Re: William Faulkner
Sept récits paraissant indépendants de prime abord, qui mettent en scène des personnages du Sud des USA, blancs, nègres (et Indiens ; je respecte, comme j’ai coutume de le faire, l’orthographe de mon édition, exactitude encore permise je pense). Plus précisément, c’est la lignée des Mac Caslin, qui mêle blancs et noirs sur la terre qu’elle a conquise (les premiers émancipant les seconds). Oppositions raciale, mais aussi genrée sur un siècle, plus de quatre générations dans le Mississipi.
Le titre fait référence à des injonctions du Seigneur à Moïse sur le Sinaï, notamment dans l’Exode. Ce roman est dédicacé à la mammy de Faulkner enfant, née esclave.
Autre temps : apparition de Isaac Mac Caslin, « oncle Ike », et la poursuite burlesque d’un nègre enfui.
Le Feu et le Foyer : affrontement de Lucas Beauchamp et Edmonds, fils de Mac Caslin, qui a pris la femme du premier :
Péripéties autour d’alambics de whisky de contrebande, et de la recherche d’un trésor. Lucas, bien que noir, a plus de sang de la famille que Roth Edmonds, le blanc, que sa mère a élevé avec lui dès sa naissance. Le même schéma se reproduit de père en fils, si bien qu’on s’y perd, et qu’un arbre généalogique de la famille avec tous les protagonistes serait utile au lecteur (quoique ce flou entre générations soit vraisemblablement prémédité par Faulkner, de même que le doute sur la "couleur" de certains personnages, sans parler des phrases contorsionnées).« – Ramasse ton rasoir, dit Edmonds.
– Quel rasoir ? » fit Lucas. Il leva la main, regarda le rasoir comme s’il ne savait pas qu’il l’avait, comme s’il ne l’avait encore jamais vu, et, d’un seul geste, il le jeta vers la fenêtre ouverte, la lame nue tournoyant avant de disparaître, presque couleur de sang dans le premier rayon cuivré du soleil. « J’ai point besoin de rasoir. Mes mains toutes seules suffiront. Maintenant, prenez le revolver sous votre oreiller. » »
« Alors Lucas fut près du lit. Il ne se rappela pas s’être déplacé. II était à genoux, leurs mains enlacées, se regardant face à face par-dessus le lit et le revolver : l’homme qu’il connaissait depuis sa petite enfance, avec lequel il avait vécu jusqu’à ce qu’ils fussent devenus grands, presque comme vivent deux frères. Ils avaient péché et chassé ensemble, appris à nager dans la même eau, mangé à la même table dans la cuisine du petit blanc et dans la case de la mère du petit nègre ; ils avaient dormi sous la même couverture devant le feu dans les bois. »
Bouffonnerie noire : Rider, un colosse noir, enterre sa femme et tue un blanc.« Lucas n’était pas seulement le plus ancien des habitants du domaine, plus âgé même que ne l’aurait été le père d’Edmonds, il y avait ce quart de parenté, non seulement de sang blanc ni même du sang d’Edmonds, mais du vieux Carothers Mac Caslin lui-même de qui Lucas descendait non seulement en ligne masculine, mais aussi à la seconde génération, tandis qu’Edmonds descendait en ligne féminine et remontait à cinq générations ; même tout gamin, il remarquait que Lucas appelait toujours son père M. Edmonds, jamais Mister Zack comme le faisaient les autres nègres, et qu’il évitait avec une froide et délibérée préméditation de donner à un blanc quelque titre que ce fût en s’adressant à lui. »
« Ce n’était pas toutefois que Lucas tirât parti de son sang blanc ou même de son sang Mac Caslin, tout au contraire. On l’eût dit non seulement imperméable à ce sang, mais indifférent. Il n’avait pas même besoin de lutter contre lui. Il ne lui fallait pas même se donner le mal de le braver. Il lui résistait par le simple fait d’être le mélange des deux races qui l’avaient engendré, par le seul fait qu’il possédait ce sang. Au lieu d’être à la fois le champ de bataille et la victime de deux lignées, il était l’éprouvette permanente, anonyme, aseptique, dans laquelle toxines et antitoxines s’annulaient mutuellement, à froid et sans bruit, à l’air libre. Ils avaient été trois autrefois : James, puis une sœur nommée Fonsiba, puis Lucas, enfants de Tomey’ Turl, fils du vieux Carothers Mac Caslin et de Tennie Beauchamp, que le grand-oncle d’Edmonds, Amédée Mac Caslin, avait gagnée au poker à un voisin en 1859. »
« Il ressemble plus au vieux Carothers que nous tous réunis, y compris le vieux Carothers. Il est à la fois l’héritier et le prototype de toute la géographie, le climat, la biologie, qui ont engendré le vieux Carothers, nous tous et notre race, infinie, innombrable, sans visage, sans nom même, sauf lui qui s’est engendré lui-même, entier, parfait, dédaigneux, comme le vieux Carothers a dû l’être, de toute race, noire, blanche, jaune ou rouge, y compris la sienne propre. »
Gens de jadis : Sam Fathers, fils d’un chef indien et d’une esclave quarteronne, vendu avec sa mère par son père à Carothers Mac Caslin ; septuagénaire, il enseigne d’année en année la chasse à un jeune garçon, Isaac (Ike).
Jobaker décédé, Sam se retire au Grand Fond, et prépare l’enfant à son premier cerf :« L’enfant ne le questionnait jamais ; Sam ne répondait pas aux questions. Il se contentait d’attendre et d’écouter, et Sam se mettait à parler. Il parlait des anciens jours et de la famille qu’il n’avait jamais eu le temps de connaître et dont, par conséquent, il ne pouvait se souvenir (il ne se rappelait pas avoir jamais aperçu le visage de son père), et à la place de qui l’autre race à laquelle s’était heurtée la sienne pourvoyait à ses besoins sans se faire remplacer.
Et, lorsqu’il lui parlait de cet ancien temps et de ces gens, morts et disparus, d’une race différente des deux seules que connaissait l’enfant, peu à peu, pour celui-ci, cet autrefois cessait d’être l’autrefois et faisait partie de son présent à lui, non seulement comme si c’était arrivé hier, mais comme si cela n’avait jamais cessé d’arriver, les hommes qui l’avaient traversé continuaient, en vérité, de marcher, de respirer dans l’air, de projeter une ombre réelle sur la terre qu’ils n’avaient pas quittée. Et, qui plus est, comme si certains de ces événements ne s’étaient pas encore produits mais devaient se produire demain, au point que l’enfant finissait par avoir lui-même l’impression qu’il n’avait pas encore commencé d’exister, que personne de sa race ni de l’autre race sujette, qu’avaient introduite avec eux sur ces terres les gens de sa famille, n’y était encore arrivé, que, bien qu’elles eussent appartenu à son grand-père, puis à son père et à son oncle, qu’elles appartinssent à présent à son cousin et qu’elles dussent être un jour ses terres à lui, sur lesquelles ils chasseraient, Sam et lui, leur possession actuelle était pour ainsi dire anonyme et sans réalité, comme l’inscription ancienne et décolorée, dans le registre du cadastre de Jefferson, qui les leur avaient concédées, et que c’était lui, l’enfant, qui était en ces lieux l’invité, et la voix de Sam Fathers l’interprète de l’hôte qui l’y accueillait.
Jusqu’à il y avait trois ans de cela, ils avaient été deux, l’autre, un Chickasaw pur sang, encore plus incroyablement isolé dans un sens que Sam Fathers. Il se nommait Jobaker, comme si c’eût été un seul mot. Personne ne connaissait son histoire. C’était un ermite, il vivait dans une sordide petite cabane au tournant de la rivière, à cinq milles de la plantation et presque aussi loin de toute autre habitation. C’était un chasseur et un pêcheur consommé ; il ne fréquentait personne, blanc ou noir ; aucun nègre ne traversait même le sentier qui menait à sa demeure, et personne, excepté Sam, n’osait approcher de sa hutte. »
L’ours :« …] l’inoubliable impression qu’avaient faite sur lui les grands bois – non point le sentiment d’un danger, d’une hostilité particulière, mais de quelque chose de profond, de sensible, de gigantesque et de rêveur, au milieu de quoi il lui avait été permis de circuler en tous sens à son gré, impunément, sans qu’il sache pourquoi, mais comme un nain, et, jusqu’à ce qu’il eût versé honorablement un sang qui fût digne d’être versé, un étranger. »
« …] la brousse […] semblait se pencher, se baisser légèrement, les regarder, les écouter, non pas véritablement hostile, parce qu’ils étaient trop petits, même ceux comme Walter, le major de Spain et le vieux général Compson, qui avaient tué beaucoup de daims et d’ours, leur séjour trop bref et trop inoffensif pour l’y inciter, mais simplement pensive, secrète, énorme, presque indifférente. »
Cet incipit railleur de Faulkner dénote les conceptions de l’époque sur les races et la pureté du sang.« Cette fois, il y avait un homme et aussi un chien. Deux bêtes, en comptant le vieux Ben, l’ours, et deux hommes, en comptant Boon Hogganbeck, dans les veines de qui coulait un peu du même sang que dans celles de Sam Fathers, bien que celui de Boon en fût une déviation plébéienne et que seul celui du vieux Ben et de Lion, le chien bâtard, fût sans tache et sans souillure. »
Ce récit et le précédent, dont il constitue une variante, une reprise et/ou une extension, sont un peu dans la même veine que London. Ils m’ont impressionné par la façon fort juste dont sont évoqués le wild, la wilderness, la forêt sauvage (la « brousse »), « la masse compacte quoique fluide qui les entourait, somnolente, sourde, presque obscure ». Ben, le vieil ours qui « s’était fait un nom » et qui est traqué, Sam et « le grand chien bleu » laisseront la vie dans l’ultime scène dramatique.
Puis Ike, devenu un chasseur et un homme, refuse la terre héritée de ses ancêtres, achetée comme les esclaves (depuis affranchis) ; se basant sur les registres familiaux, il discourt sur la malédiction divine marquant le pays.
Automne dans le Delta : Ike participe une fois encore à la traditionnelle partie de chasse de novembre dans la « brousse », qui a reculé avec le progrès états-unien, et il se confirme que Faulkner est, aussi, un grand auteur de nature writing.
La chasse est centrale, avec son ancrage ancestral, son initiation, son folklore, son narratif, et son éthique (c’est le vieil Ike qui parle) :« …] rivières Tallahatchie ou Sunflower, dont la réunion formait le Yazoo, la Rivière du Mort des anciens Choctaws – les eaux épaisses, lentes, noires, sans soleil, presque sans courant, qui, une fois l’an, cessaient complètement de couler, remontaient alors leur cours, s’étalant, noyant la terre fertile, puis se retiraient la laissant plus fertile encore. »
« Car c’était sa terre, bien qu’il n’en eût jamais possédé un pied carré. Il ne l’avait jamais désiré, pas même après avoir vu clairement son suprême destin, la regardant reculer d’année en année devant l’attaque de la hache, de la scie, des chemins de fer forestiers, de la dynamite et des charrues à tracteur, car elle n’appartenait à personne. Elle appartenait à tous : on devait seulement en user avec sagesse, humblement, fièrement. »
Descends, Moïse : mort d’un des derniers Beauchamp.« Le seul combat, en quelque lieu que ce soit, qui ait jamais eu quelque bénédiction divine, ça a été quand les hommes ont combattu pour protéger les biches et les faons. »
Les personnages fort typés mis en scène dans ce recueil se rattachent à la formidable galerie des figures faulknériennes ; ainsi apparaissent des Sartoris, des Compson, et même Sutpen d’Absalon ! Absalon !.
Ces épisodes d’apparence indépendants me semblent former, plus qu’un puzzle, un archipel des évènements émergents d’un sang dans la durée.
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Tristram- Messages : 15935
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Re: William Faulkner
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Bédoulène- Messages : 21652
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