David Lodge
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David Lodge
(Né en 1935)
(wikipedia)David Lodge, selon l'état civil David John Lodge, né le 28 janvier 1935 à Brockley dans le sud de Londres, est un universitaire spécialiste de littérature et un écrivain britannique.
David Lodge est issu d'une famille modeste de religion catholique qui habitait le quartier de Brockley (district de Lewisham) dans la banlieue sud de Londres ; ses père et mère étaient respectivement musicien dans un orchestre de danse et secrétaire. Enfant, il est marqué par la Seconde Guerre mondiale (bombardements de Londres), puis par ses conséquences. En 1951, il vient en vacances à Heidelberg à l'invitation de sa tante qui travaille au quartier général de l'armée américaine, il est surpris en constatant la différence de situation entre le Royaume-Uni, où le rationnement est encore en cours, et les pays du continent, Belgique, France et même Allemagne occupée.
Passionné par la lecture, il est très tôt aussi attiré par l'écriture ; sa première publication a lieu en 1950 : une nouvelle, dans le journal de son lycée.
En 19524, il entre à l'université de Londres ; il obtient un Bachelor of Arts (BA) en 1955. Il fait alors son service militaire de deux ans, passés principalement comme secrétaire au sein du Royal Tank Regiment à la suite de son refus de suivre une formation d'officier de réserve. Le parcours de David Lodge comme soldat est repris pour évoquer celui du narrateur de Ginger, You're Barmy (1962), Jonathan Browne. Libéré en août 1957, David Lodge revient à l'université de Londres où il obtient un Master of Arts (MA) en 1959, avec un mémoire sur les romanciers catholiques britanniques.
Durant cette période, il rédige un premier roman à l'âge de 18 ans (1953), « Le Diable, le Monde et la Chair » (« non publié, Dieu merci »). Sa première publication pour le grand public date de 1960 (The Picturegoers, « Les spectateurs de cinéma », inédit en France).
Il se marie en 1959 avec Mary Frances Jacob, et ils auront deux enfants. Il travaille à Londres comme professeur d'anglais pour le British Council. En 1960, il obtient un emploi de chargé de cours à l'université de Birmingham où il prépare une thèse (Ph.D.) de littérature anglaise.
En 1963, il participe avec Malcolm Bradbury et un étudiant, James Duckett, à l'élaboration d'un spectacle de revue pour le Birmingham Repertory Theatre. Il se découvre un certain talent comique, qu'il exploitera par la suite, alors que les deux premiers étaient tout à fait sérieux et réalistes.
En 1964-65, il séjourne aux États-Unis grâce une bourse d'études. Le retour en Angleterre est assez difficile : « Je souffrais d'un "syndrome de manque" après une année euphorique passée en Amérique avec ma femme et mes deux enfants comme boursier de la fondation Harkness. »
Cependant, dès 1966, il publie son premier ouvrage de critique universitaire, Language of Fiction et soutient sa thèse, consacrée au Roman catholique du Mouvement d'Oxford à nos jours, en 1967.
De 1967 à 1987, il poursuit sa carrière universitaire à l'université de Birmingham, devenant professeur de littérature anglaise en 1976, tout en écrivant de nombreux autres essais et romans. En 1969, il passe six mois comme « professeur associé » à l'université de Berkeley, une seconde expérience américaine importante pour la suite de son œuvre théorique et fictionnelle.
En 1987, il abandonne l'université, avec le titre de professeur honoraire, afin de se consacrer entièrement à l'écriture, mais aussi en raison d'un problème d'audition et des conséquences de la politique de Margaret Thatcher.
Après sa retraite, il oriente ses travaux théoriques vers le grand public. En 1991, le journal The Independant lui propose de tenir une rubrique sur le roman dans son supplément dominical.
Traduits en français
La Chute du British Museum
Hors de l'abri
Changement de décor
Jeux de maux
Un tout petit monde
Jeu de société
Nouvelles du paradis
Thérapie
Les Quatre Vérités
Pensées secrètes
La Vie en sourdine
Biographies romanesque
L'Auteur ! L'auteur !
Un homme de tempérament
Nouvelles
L'Homme qui ne voulait plus se lever et autres nouvelles
Théâtre
Atelier d'écriture
La Vérité toute nue
Pensées secrètes
Essais
Des vies à écrire
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"Pensées Secrètes"
A travers la liaison d'un prof d'Uté en Sciences Cognitives (marié et séducteur) et d'une Romancière (en deuil de son mari) qui enseigne la Création littéraire dans cette même Uté c'est une réflexion sur la "Conscience" et nos Pensées les plus secrètes.
J'ai aimé le style alerte, l'humour et cette réflexion sur la Conscience, même si j'ai du avoir recours au dico pour certains termes scientifiques.
L'auteur conduit habilement son récit, notamment grâce aux applications littéraires que la romancière/enseignante réclame à ses élèves en prenant comme sujet diverses thèses sur la Conscience.
Parallèlement à leur liaison les deux Personnages débutent un Journal Intime, lesquels journaux nous dévoilent leurs ressentis et sentiments sur un même évènement, rencontre....
La rencontre de la Littérature et de la Science est intéressante.
Agréable aussi l'ambiance de cette région d'Angleterre.
Je me suis sentie à l'aise dans cette lecture.
En conclusion je dirais qu'après cette lecture je vais jeter au plus profond l'un lac la clé du tiroir contenant mes Pensées Secrètes
(commentaire rapatrié)
mots-clés : #journal
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“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
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Bédoulène- Messages : 21635
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Re: David Lodge
Un livre fort sympathique, mon premier de David Lodge, qui jongle très habilement entre humour et émotion.
Le début bien qu’entamant une réflexion sur le vieillissement et la surdité est franchement de l’ordre de la comédie, pour évoluer insensiblement vers une réflexion douloureuse sur la maladie et la mort. Puis une dernière page à nouveau tendre et amusée pour une note d’optimisme.
La morale qu’on en tire étant assez classique, qu’il ne faut pas faire un plat de ce qui peut être pris à la légère, et que tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir et il convient d’en profiter.
Un petit côté Philip Roth dans cette histoire d’un intellectuel que la retraite et la surdité (chez Roth c’est la prostate) ont rendu un peu misanthrope, qui ne craint pas d’être émoustillé par une jolie étudiante. Oui, mais ici l’humour est anglais et non juif, et la fidélité à son épouse reste une priorité.
En prime quelques délires follement drôles sur la linguistique, les discours abscons de spécialistes, les lecteurs de bibliothèques criminels qui saccagent les livres en les surlignant et la fête de Noël quand on la déteste
Je ne résiste pas au plaisir de citer cet éloge funèbre, citation d’un « naturaliste nommé Cummings » qui résonne puissamment en moi :
« L’honneur me suffit quant à moi d’appartenir à l’univers – un univers si grandiose et un dessein si majestueux. Pas même la Mort ne peut me priver de cet honneur. Car rien ne peut changer le fait que j’ai vécu ; j’ai été moi, ne serait-ce que pour un temsp très court. Et quand je serai mort, la matière qui compose mon corps demeurera indestructible – et éternelle, si bien que, quoi qu’il puisse arriver à mon « Ame », ma poussière demeurera toujours, chaque atome individuel de moi jouant son rôle individuel – j’aurai encore un peu mon rôle à jouer. Quand je serai mort , vous pouvez faire bouillir mon corps, me réduire en cendre, me noyer, me disperser – mais vous ne pourrez pas me détruire : mes petits atomes tourneraient simplement en ridicule pareille vengeance sadique. La Mort ne peut rien faire d ‘autre que vous tuer. »
(commentaire récupéré)
mots-clés : #humour #mort #vieillesse
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Flore Vasseur
topocl- Messages : 8546
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Re: David Lodge
Ce livre est le second que je lis de David Lodge (après avoir lu il y a quelques semaines La vie en sourdine). J'en tire la même impression d'un livre extrêmement agréable à lire, vivant, bien écrit, avec de grandes finesses psychologiques, et qui sans en avoir l'air ne manque pas de proposer des voies de réflexion.
Il s'agit d'une présentation romanesque de la vie d'Henri James, auteur anglo-américain devenu un classique, dont je n'ai jamais eu l'occasion de lire aucun livre. J'ai pourtant notion qu'il s'agit d'un auteur assez classique, constituant une réelle référence dans la littérature anglophone. Lodge nous présente cet auteur, qui acquit à l'époque une certaine réputation dans le petit monde des écrivains londoniens, voire européens, mais n'a jamais connu de son vivant de réels succès publics. Il nous montre très astucieusement un homme convaincu de sa valeur, se vouant à la littérature, n'hésitant pas à s'imposer le célibat pour mieux remplir sa mission (ou cache-t-il derrière ces hautes aspirations une incapacité réelle à affronter l'amour ?). Et derrière cette image d'homme respectable, pas vraiment drôle, ambitieux, pointent, sans critique fondamentale mais avec un certain humour, des traits de caractère moins reluisant : une jalousie fondamentale, une petitesse qui l'amène à des compromissions, des mesquineries, des choses beaucoup moins élégantes que ce que l'on attendrait d'un grand auteur. C'est tout l'art de Lodge de bien montrer l'ambivalence de la personnalité d'Henri James, sans en faire pour autant un personnage antipathique, mais plutôt un homme de chair et de sang, avec ses faiblesses.
On trouve aussi à travers la destinée de cet homme, le succès qu’il ne trouve jamais, la honte qu'il ressent devant ses échecs, l'envie face aux réussites des autres, y compris ses amis les plus chers, une réflexion sur l'art, la réussite, la célébrité, la reconnaissance par le public, la vanité…
C'est aussi l'occasion de croiser des figures de la littérature comme Oscar Wilde, Maupassant, Du Maurier (l'auteur du célébrissime Trilby qui enchanta ma grand-mère…), Agatha Christie quand elle avait 5 ans… Tout un monde du passé qu'on voit évoluer avec un plaisir extrême.
Une agréable lecture, une époque et des mœurs à découvrir, un auteur qui confirme un brio intelligent et charmeur.
(Commentaire récupéré)
mots-clés : #biographie #psychologique
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Flore Vasseur
topocl- Messages : 8546
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Localisation : Roanne
Re: David Lodge
topocl a écrit:L'auteur ! L'auteur !
Du Maurier (l'auteur du célébrissime Trilby qui enchanta ma grand-mère…)
Georges Du Maurier, grand-père de Daphné du Maurier, et son Trilby à ne pas confondre avec celui de Nodier :
tu m'apprends qu'il a écrit un Trilby. Deux Trilby à lire et relire, alors.
J'ai son peter Ibbetson sur mes étagères, mais ne l'ai pas lu. Fin de parenthèse sur Du Maurier)
Nadine- Messages : 4882
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Re: David Lodge
Dans le cadre de la mythique université de Gloucester, deux personnages sont engagés dans le jeu complexe de la séduction : Ralph Messenger, spécialiste des sciences cognitives, et Helen Reed, romancière fragilisée par son récent veuvage.
A travers une succession d'événements et de retournements de situation, l'auteur confirme avec brio ce que soutient Messenger, à savoir qu'on ne peut jamais connaître avec certitude ce que pense l'autre.
Pensées secrètes , l'alliance de deux esprits que tout oppose , le cognitif et la romancière qui se heurtent à des émotions et des prises de position saisies au vol par un cerveau qui décrypte l'information de manière radicalement opposée .Le jeu de la séduction s'impose , les mensonges aussi , le tout sous forme de lecture du journal intime de chacun qui donne à ce roman tout son sens , celui du doute pour Madame et de la certitude pour Monsieur sous fond de sarcasme et d'humour so british (made David Lodge qui excelle dans ce registre)
Chez l'auteur , la plaisanterie n'est jamais loin sans jamais omettre de manière inventive et intelligente de placer ce sujet de société : la vérité absolue n'existe pas, tout en travaillant les personnages , les rendant plus vrais , accessibles tant par leur travers que leur intelligence. Lodge ne freine jamais quand il s'agit de lacérer à coup de cynisme et de caustique une œuvre qui en ressort encore plus jubilatoire.D'une envergure littéraire qui n'est plus à prouver , c'est bien dans une ambiance de contradiction que nous plongeons , fouillons dans le monde du questionnement et de l'analyse soutenus par la culture de Lodge qui ne s'inquiète pas de la bien pensance si souvent décapitée...
Un livre qu'on lit sans décrocher et qui ne laisse pas indifférent.
Cela fait quelque temps que je n'ai pas tenu mon journal. Je n'avais pas envie d'écrire quoi que ce soit, même à mon usage personnel, sur ce qui s'est passé ces trois dernières semaines. J'étais trop occupée à le vivre. Non, ce n'est pas la vraie raison. Un journal est une sorte de miroir dans lequel on se regarde tous les jours, en toute franchise, stoïquement - sans déguisement protecteur, ni même un maquillage flatteur -, pour se dire ses propres vérités. Je n'ai pas eu cette envie de le faire depuis que nous sommes devenus amants, Messenger et moi. Je ne voulais pas rendre compte de ma conduite parce que je craignais que le fait de l'examiner, de l'analyser ne réveille mes scrupules et n'inhibe mon plaisir. ( A vrai dire, je répugne encore à scruter cette aventure sous l'angle direct de la première personne du singulier. Essayons d'autre façon.)
Il faut agir pour se défendre quand on le peut et, quand on ne le peut pas, attendre stoïquement l'issue.
Ouliposuccion- Messages : 377
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Re: David Lodge
Le diable fait de nouveau irruption en littérature. Si David Lodge a revêtu l'habit infernal dans ce roman écrit en 1980, c'est pour poser quelques questions dérangeantes.
Car le diable, c'est l'esprit qui nie, celui qui doute, qui regarde nos actions à la loupe pour en voir les failles et les ridicules.
Avec son scalpel, son bistouri et son microscope, David Lodge dissèque, avec un plaisir certain, le grand corps de l'Église des années 50 et 60. Pour ce faire, il observe de près, de très près même, un petit groupe d'étudiants catholiques anglais et les chemins qu'ils suivent.
Par quel miracle parvient-il à s'introduire dans tant de lits et dans tant d'âmes, comment s'y prend-il pour reconstituer avec une telle force les moindres détails d'une époque et d'un milieu ?
Si vous aimez grincer des dents et ricaner d'une situation qui pourtant n'a rien de drôle , c'est bien le bon livre !
L'église est frappée en plein cœur , le dogme et la parole d'évangile maltraités et molestés par l'oeil assassin de Lodge qui filtre l'âme de jeunes puritains des années 50/60 , leur évolution et les dégâts que celle-ci crée sur le chemin d'une construction personnelle et de couple.
C'est avec fascination qu'en lectrice , j'ai admiré la structure de ce livre intelligent et dénonciateur d'un Ordre lobotomisant et nullement adapté au bonheur de chacun , d'un système conservateur qui refuse l'amour et l'évolution , sans parler d'élévation spirituelle que je différencie de la croyance.
David Lodge se pose en diable oui , mais bien évidemment , on pense à Faust tout au long de ce livre , troquer sa foi contre un peu de folie et de bagatelles , communiquant sans tracas du châtiment avec son prochain ou sa prochaine...
C'est une autopsie affriolante qui commence sur les bancs d'une université , nullement retenu , David Lodge remue les chairs sans vergogne et analyse cette problématique toujours d'actualité avec brio sans aucune carence.
Un joyau épineux sur un chemin de croix semé d'embûches qui appelle à prier pour la liberté de pensée, la liberté tout court.
Avant d'aller plus loin , ce serait probablement une bonne idée d'éclairer la conception du monde, la métaphysique, que ces jeunes gens devaient à leur éducation et à leur milieu catholique. Là-haut il y avait le ciel, en bas l'enfer. Le nom du jeu c'était le salut, c'est à dire la manière d'aller au ciel et d'éviter l'enfer. Le tout ressemblait un peu au jeu de l'oie. Un péché, vous envoyait directement au fond du puits; les sacrements, les bonnes actions, les mortifications vous permettaient d'en sortir et de retrouver la lumière. Tout ce que vous faisiez, tout ce que vous pensiez était soumis à une comptabilité spirituelle. C'était bon, mauvais ou encore neutre
Elle était encore, en principe, vierge, mais elle avait eu l'année précédente avec un étudiant dentiste une relation plutôt passionnée, impliquant des séances de pelotage extrêmement poussées. C'était au cours de celles-ci que son dentiste, plein d'espoir, lui avait expliqué, à plusieurs occasions, les divers moyens anticonceptionnels.
mots-clés : #religion
Ouliposuccion- Messages : 377
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Re: David Lodge
Lawrence Passmore a mal au genou. Mais son problème est beaucoup plus vaste. Il se livre en vain à toutes les thérapies possibles. Plus il se sent malheureux, plus les difficultés conjugales et professionnelles semblent s'accumuler.
Ses tentatives d'aventures sexuelles sont loin de lui apporter la compensation souhaitée. Jusqu'à la trouvaille finale... David Lodge nous fait ressentir avec une drôlerie inimitable l'accablement croissant de son narrateur. Au passage, il dresse un portrait caustique du monde de la télévision... et des thérapeutes. C'est une vérité profonde de notre univers quotidien qui passe à travers le divertissement.
En suivant les tribulations de Lawrence Passmore , je dois bien avoué avoir pris mon pied.
Écrit sous forme de journal suite à la suggestion de sa psychothérapeute , Passmore , scénariste de Sitcom à succès frôlant la soixantaine d'années dresse son portrait dépressif , ses névroses et ses échecs quotidiens. Si la crise de la quarantaine est bien plus souvent évoquée , Lodge s'attaque au psychisme masculin avec un sarcasme mettant à la lumière le pathétisme d'un homme prêt à tout pour se rassurer cumulant une série de situations cocasses.
Certains ont évoqué la lenteur de cette trame et pour cause , le personnage , mou du genou , en pleine crise existentielle est fouillé et le quotidien épluché , ce qui à mon sens est primordial pour entendre l'agitation interne , le bruit d'un cri qui passe au travers de douleurs physiques et Lodge ne soigne pas son personnage qui loin d'être la virilité incarnée représente cette masse titubante et grotesque d'un homme mis à l' épreuve face à sa vie qui s'écroule.
Pour une réussite c'en est une , l'auteur plombe Passmore et c'est parfois criant de vérité , cette analyse de la lâcheté, de l’égoïsme masculin et des assauts sexuels avortés poussés à leur paroxysme m'ont valu des éclats de rire.
Lodge ne laisse pas le catholicisme de côté encore une fois , les bigots en prennent pour leur compte de manière plus détournée , tout autant que le monde opposé , celui de la télévision et des médias qui évoquent un microcosme aux antipodes pas plus reluisants.
Puis Kierkegaard fait son apparition tel le Messie tout au long de ce roman , qui comble de l'ironie sera la thérapie et nouvelle lubie de Passmore qui trouvera dans sa philosophie du désespoir une manière d'expliquer ses maux , le soutien de l’existentialiste perturbé le mène à son propre pèlerinage.
Encore une fois , Lodge signe un roman dans lequel le monde continue de tourner , nous avec , mais pas toujours rond , on avance parfois à reculons jusqu'à retrouver un piédestal auquel se raccrocher en compagnie de l'ironie de la vie qui parfois est épuisante mais nous mène vers un possible renouveau , et avec humour s'il vous plaît !
Irrésistible , Lodge le reste.
Il paraît qu'à l'intérieur de tout homme gros il y en a un maigre qui lutte pour sortir, et j'entends ses plaintes étouffées chaque fois que je me regarde dans la glace de la salle de bains. D'ailleurs, ce n'est pas seulement la forme de mon torse qui me tracasse, et il n'y a pas que le torse, si l'on va par là. J'ai la poitrine couverte de quelque chose qui ressemble à une paille de fer de la taille d'un paillasson, et qui monte jusqu'à la pomme d'Adam : si je porte une encolure ouverte, des vrilles vigoureuses surgissent par en haut comme les végétations à croissance accélérée venues de l'espace dans les vieux feuilletons de science-fiction.
« O.K., Tubby, voyons voir si j’ai bien compris. Nous avons ce philosophe danois (Kierkegaard) au XIXe siècle, qui se fiance à une certaine Régine, puis rompt le fiançailles pour des raisons qui échappent à tout le monde, elle en épouse un autre, ils ne se reparlent plus jamais, il vit encore une vingtaine d’années en écrivant des livres auxquels personne ne pige rien, enfin il casse sa pipe et cent ans plus tard on célèbre en lui le père de l’existentialisme. Tu crois vraiment que ça peut faire un feuilleton télé... ? »
Ouliposuccion- Messages : 377
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Re: David Lodge
« Aux yeux de Morris Zapp, toute erreur de critique provenait d’une confusion naïve entre la littérature et la vie. La vie était transparente, la littérature opaque. La vie était un système ouvert, la littérature un système fermé. La vie était composée de choses, la littérature de mots. Avec la vie, il fallait s’en tenir aux apparences [… »
David Lodge, « Changement de décor »
« − Je croyais qu’il n’existait pas une telle chose que le soi.
− Une telle chose, non, si vous parlez d’une entité fixe et définie. Masi il y a le moi que nous élaborons sans cesse. Comme vous élaborez vos histoires.
− Voulez-vous dire que notre vie est purement fictive ?
− En un sens. C’est l’un des produits de nos réserves cérébrales. Nous brodons sur le thème de notre moi. »
David Lodge, « Pensées secrètes », 9
Lecture toujours intéressante, surtout si on ne se lasse pas trop vite du côté universitaire spécialiste de littérature.« Le romancier est un capitaliste de l’imaginaire. Il, ou elle, invente un produit dont les consommateurs ne s’imaginaient pas avoir besoin avant qu’on ne le leur propose ; il le fabrique avec l’appui financier que lui apportent des bailleurs de capitaux à risques, appelés éditeurs, et il rentre ainsi en compétition avec d’autres fabricants de produits à peine différenciés de celui qu’il propose. Le premier grand romancier anglais, Daniel Defoe, était commerçant. Le second, Samuel Richardson, était imprimeur. Le roman est le premier artefact culturel fabriqué en grande quantité. »
David Lodge, « Jeu de société » , I, 2
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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram- Messages : 15925
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Re: David Lodge
Morris, spécialiste de Jane Austen, enseigne à l’université d’Euphoria, U.S.A. Philip touche à tout et ne termine rien ; il est professeur à l’université de Rummidge, Angleterre. Six mois durant, ces deux hommes échangent leurs postes.
Rigolo ! Des jeux sur les genres et les formes, surtout, très sympathiques. Je ne lirai pas tous ses romans les uns à la suite des autres, au risque de me lasser, mais je les garde sous le coude pour les mauvaises passes... en utilisant ce sujet pour guider mon choix.
Extrait :
Le département d’anglais avait changé de Q.G depuis son arrivée à Rummidge. Il était maintenant situé au septième étage d’un nouveau bâtiment hexagonal, un de ceux qu’il avait aperçus du périphérique. Le transfert s’était effectué pendant les vacances de Pâques avec moult gémissements et grincements de dents. Oyez, oyez, l’Exode n’était rien en comparaison. Avec cette complaisance naturelle, quelque peu loufoque et néanmoins touchante, envers la liberté individuelle, et au mépris de toute logique et de toute efficacité, l’administration avait permis à chaque enseignant de choisir les meubles qu’il aimerait déplacer de ses anciens locaux vers les nouveaux, et ceux qu’il aimerait voir remplacer. Les permutations qui en résultèrent jetèrent une totale confusion parmi les hommes qui furent chargés de ce travail, et de multiples erreurs furent commises. Pendant des jours, on vit deux caravanes de porteurs titubants faire la navette d’un bâtiment à l’autre, emportant pratiquement autant de tables, de chaises et de classeurs du nouveau bâtiment qu’ils en apportaient. Tout neuf qu’il fût, l’Hexagone avait déjà toute une légende. C’était un bâtiment construit en préfabriqué et le confiance que l’on pouvait avoir en la solidité de sa structure avait été considérablement réduite le jour où l’on avait décidé, un peu hâtivement, de limiter le poids des livres que chaque professeur avait le droit d’avoir sur ses rayons. On vit les membres les plus consciencieux du personnel, pendant les premières semaines qu’ils occupaient le bâtiment, peser leurs livres en renâclant sur des balances de cuisine ou des pèse-personnes, et additionner de longues colonnes de chiffres sur des bouts de papier. Le règlement limitait aussi le nombre de personnes qu’il pouvait y avoir dans chaque bureau et chaque classe, et on prétendait que les fenêtres du côté ouest étaient bloquées parce que si tous les occupants avaient en même temps l’idée de se pencher aux fenêtres, le bâtiment s’écroulerait.
Baleine- Messages : 78
Date d'inscription : 09/07/2017
Re: David Lodge
merci à tous ceux qui ont alimenté ce fil
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Bédoulène- Messages : 21635
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Re: David Lodge
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Armor- Messages : 4589
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Re: David Lodge
Dans sa préface rédigée ultérieurement (et qui devrait être placée en postface), David Lodge évoque, à l’origine de son troisième roman, son propre dilemme de jeune ménage catholique :
Il éclaire aussi le lecteur français sur les parodies et allusions littéraires moins perceptibles de notre côté de la Manche (ce qui m’a paru bienvenu, même pour les quelques livres et auteurs que j’ai pu lire) ; il signale encore de curieuses parentés avec l’Ulysse de Joyce.« Nous avions acquis le sentiment, honorable bien que naïf, que l’Église catholique était une sorte de club, avec son propre règlement, et que si l’on voulait bénéficier des avantages auxquels donnait droit l’adhésion, on devait observer toutes les règles, pas seulement celles qui nous arrangeaient. La proscription des contraceptifs provoqua cependant frustrations et angoisses en quantité disproportionnée chez les couples catholiques qui, s’étant efforcés (dans la plupart des cas) de rester chastes non sans mal jusqu’au mariage, trouvaient que le régime de la méthode des températures ou du calendrier (c’est-à-dire, l’abstinence périodique, seule forme de planning familial autorisée par l’Église) réprimait sévèrement leur vie érotique dans le mariage. »
Adam Appleby est un thésard de troisième cycle qui se débat entre sa vie d’études au British Museum et sa hantise d’un quatrième enfant, qu’il n’aurait pas les moyens d’élever correctement. Pris entre chasteté contrainte et thèse en panne, il rêvasse, inspiré par ses lectures – et c’est « un roman où la vie ne cesserait de prendre la forme de la littérature »…
Peinture fouillée de la vénérable institution londonienne, c’est aussi une grande réussite humoristique.
Excellente scène également où Adam se rêve devenu pape, réformant la conception du contrôle des naissances dans l’Église…« Les archéologues martiens ont appris à reconnaître le domicile des catholiques grâce à la présence d’un grand nombre de graphiques compliqués, de calendriers, de petits livrets remplis de chiffres, et de quantités de thermomètres cassés, ce qui atteste la grande importance attachée à ce code. Des savants ont soutenu qu’il ne s’agissait là que d’une méthode pour limiter en nombre la progéniture ; mais comme il a été prouvé de manière concluante que les catholiques donnaient naissance à plus d’enfants en moyenne qu’aucune autre partie de la société, cela semble indéfendable. D’autres doctrines des catholiques comprenaient une croyance en un Rédempteur divin et en une vie après la mort. »
\Mots-clés : #humour #social
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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram- Messages : 15925
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Re: David Lodge
Voilà un romancier contre les virus et pandémies...
Voilà-t-il pas que je le confonds avec Julian Barnes autre romancier so british...
bix_229- Messages : 15439
Date d'inscription : 06/12/2016
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Re: David Lodge
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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram- Messages : 15925
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Age : 68
Localisation : Guyane
Re: David Lodge
David Lodge : La Vie en sourdine
Un professeur d'université anglais à la retraite depuis peu. Sa femme est active et lancée dans un commerce de luxe.
Ses enfants et petits enfants profitent d'une vie sans problèmes immédiats.
Seul son père, trés agé, décline. Ancien prolo et musicien populaire, il déteste la famille bourgeoise de son fils.
Laquelle famille le lui rend bien.
Son problème à lui, c'est la quasi surdité qui le frappe soudain, et c'est le moteur, si l'on
peut dire, de cette pseudo autobiographie.
L'intrigue tarde à venir et elle est intermittente.
Une étudiante américaine teste son érotisme en sommeil. Mais il résiste et regrette.
Et tant qu'à faire, li regrette aussi de ne pas avoir cédé.
Classique.
Le reste se fond dans une vie de famille et matrimoniale insipide tant elle est normale.
Enfin, surtout du coté de sa femme et de sa belle-mère, où triomphe la bienpensance
à laquelle s'ajoute une bigoterie quasiment héréditaire.
Et les repas de famille au moment des fetes tiennent un place très excessive.
Ils sont longs et indigestes comme l'oie de la tradition, mais arrosés de vins fins..
Comme on l'imagine.
Le narrateur s'ennuie dans cette maison design et aseptisée, mais il vieillit et résigné, il abdique, résigné.
Conscient d'avoir été un bon fils, un bon père, un bon époux (deux fois) et un professeur honorable.
Tout le livre est ainsi : longuet, répétitif, lénifiant.
A la fin, l'auteur laisse passer une ombre d'angoisse anticipée de la mort.
Et le souvenir traumatisant mais incommunicable d'Auschwitz.
On l'aime bien, Lodge, mais cette tentative de recyclage est une chronique inutile.
bix_229- Messages : 15439
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Re: David Lodge
Les quatre vérités
Une novella sous la forme d’un vaudeville entre écrivains et journaliste, permettant d’aborder le thème de l’image qu’on donne et la vérité sur soi mal assumée.
Tout au long de ma lecture je me suis posé la question « mais pourquoi n’a-t’il pas écrit une pièce de théâtre » » ? ». La répons vient en postface : ce petit texte a été ré-écrit par David Lodge à partir d’une de ses pièces, car clairement un roman, ça a plus d’audience (et se vend mieux) que du théâtre. Et en plus Lodge, ça l’a beaucoup amusé de faire ça.
Et bien voila une vérité bien assumée !
Ça n’en restera pas moins une œuvre plaisante certes, mais mineure, de l’auteur.
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Etre dans le vent, c'est l'histoire d'une feuille morte.
Flore Vasseur
topocl- Messages : 8546
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Re: David Lodge
Bernard Walsh, prêtre défroqué et théologien (et aussi le narrateur, notamment lorsqu’il tient un journal, mais pas toujours), emmène son père de Rummidge (le Birmingham de Lodge – à rapprocher de celui de Coe ?) à Honolulu pour y rencontrer Ursula, la sœur de son père, avec qui ce dernier est en froid depuis son départ aux USA, suite à son mariage avec un GI : elle se meurt d’un cancer. À peine arrivés, « papa », individu assez pénible par ailleurs, se casse la hanche, renversé par la voiture de Yolande Miller alors qu’il traversait en regardant à gauche (travers britannique).
C’est l’occasion d’observer les voyages en avion (livre paru en 1991, et ça ne s’est pas amélioré) et le tourisme (là aussi c’est devenu pire), vu comme un rituel remplaçant la religion dans la quête du paradis selon Roger Sheldrake, un anthropologue qui se rend aux îles Hawaï afin de poursuivre ses recherches. C’est de nouveau Un tout petit monde, le microcosme des clients de Travelwise Tours à Waikiki (une jolie collection de personnages vus avec un œil satirique, comme la fille qui cherche tout au long de ses vacances « le Mec Bien »). Il y a aussi un point de vue anglais sur le système américain (carence des assurances sociales pour ceux qui n’ont pas beaucoup d’argent, pratique répandue des poursuites en justice par cupidité).
C’est encore l’opportunité de parler de ces îles loin de tout.« Les Américains ont l’air d’adorer manger en marchant, comme les troupeaux qui pâturent. »
Il est surtout question d’aborder la foi (et sa perte).« Le paradis est ennuyeux, mais vous n’avez pas le droit de le dire. »
« L’histoire d’Hawaii est l’histoire d’une perte.
— Le paradis perdu ? ai-je demandé.
— Le paradis volé. Le paradis violé. Le paradis pourri. Le paradis acheté, développé, mis en paquets, le paradis vendu. »
« Les visiteurs défilaient le long des avenues Kalakaua et Kuhio en un va-et-vient incessant avec leurs T-shirts fantaisie, leurs bermudas et leurs petites poches de marsupiaux ; le soleil brillait et les palmiers se balançaient au gré des alizés, les notes nasillardes des guitares hawaiiennes s’échappaient des boutiques, et les visages avaient l’air assez sereins, mais, dans les yeux de chacun, on semblait lire cette question à demi formulée : bon, tout cela est charmant, mais c’est tout ce qu’il y a ? C’est vraiment tout ? »
Le point de vue de Bernard permet à Lodge de présenter l’évolution au sein du christianisme, qui abandonne la croyance en la vie éternelle au paradis (ou en enfer) pour laisser la place à une sorte d’humanisme sur terre.« On cesse de croire à une idée qui nous est chère bien avant de l’admettre au fond de soi. Certains ne l’admettent jamais. »
« Point n’est besoin d’aller très loin dans la philosophie de la religion pour découvrir qu’il est impossible de prouver qu’une proposition religieuse est juste ou fausse. Pour les rationalistes, les matérialistes, les positivistes, etc., c’est une raison suffisante pour refuser de considérer sérieusement le sujet dans sa totalité. Mais pour les croyants, un Dieu dont il n’est pas possible de prouver l’existence vaut bien un Dieu dont l’existence est avérée et vaut manifestement mieux que l’absence totale de Dieu, puisque sans Dieu il n’y a aucune réponse satisfaisante aux sempiternels problèmes du mal, du malheur, de la mort. La circularité du discours théologique qui utilise la révélation pour appréhender un Dieu dont on ne dispose d’aucune preuve de l’existence en dehors de la révélation (que Saint-Thomas d’Aquin repose en paix !) ne dérange pas le croyant, car le fait de croire n’entre pas en ligne de compte dans le jeu théologique, c’est l’arène dans laquelle se joue le jeu théologique. »
« La Bonne Nouvelle est celle qui annonce la vie éternelle, le paradis. Pour mes paroissiens, j’étais une sorte d’agent de voyages qui distribuait des billets, des contrats d’assurances, des brochures et leur garantissait le bonheur ultime. »
Ce roman mêle donc des aspects sociologique, géographique, historique, religieux, métaphysique, tout cela relevé d’humour et d'intertextualité (renvois notamment à des artistes anglais, comme W.B. Yeats).« Bien sûr, il y a encore beaucoup de chrétiens qui croient avec ferveur, même avec fanatisme, en un au-delà anthropomorphique, et il y en a encore beaucoup d’autres qui aimeraient y croire. Et il ne manque pas de pasteurs chrétiens pour les encourager dans ce sens avec chaleur, parfois avec sincérité, parfois aussi, comme les télévangélistes américains, pour des motifs plus douteux. Le fondamentalisme a profité précisément pour se développer du scepticisme eschatologique que véhiculait la théologie instituée, si bien que les formes du christianisme qui sont de nos jours les plus actives et les plus populaires sont aussi les plus indigentes sur le plan intellectuel. Cela semble être vrai pour d’autres grandes religions du monde. »
\Mots-clés : #contemporain #fratrie #lieu #relationenfantparent #religion #social #spiritualité #voyage #xxesiecle
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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram- Messages : 15925
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Re: David Lodge
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“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia
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"Il n'y a pas de mauvais livres. Ce qui est mauvais c'est de les craindre." L'homme de Kiev Malamud
Bédoulène- Messages : 21635
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Re: David Lodge
Un commentaire qui complète sans désaccord, celui de Tristram
Le titre est à double sens : Paradis des îles du Pacifique et Paradis des croyants. Le rapprochement de ces deux thèmes peuvent sembler un peu improbable. En fait, Lodge les tisse avec une grande finesse et un humour toujours en arrière-plan.
Bernard Walsh, quarantenaire, célibataire et professeur de théologie reçoit un appel de sa tante Ursula, résidant à Honolulu, qui souhaite revoir son frère, père de Bernard, avant de mourir. Ayant réussi à obtenir un séjour à bas coût en se joignant à un voyage organisé, il quitte Londres avec son père pour gagner Hawaï, décrit dans les brochures touristiques comme un Paradis sur terre. L'inadaptation, la mauvaise humeur de Jack, le père de Bernard puis son accident accompagnent la description des autres voyageurs du groupe de touristes anglais. Une réflexion sur le tourisme de masse écrit il y plus de trente ans qui résonne avec les analyses actuelles sur un phénomène qui n'a fait que s'amplifier.
« M. Best haussa les épaules. « Florence avait vu une émission à la télé sur Hawaï.
- Vous comprenez, on a fait tous les circuits habituels, l’Espagne, la Grèce, Majorque, dit Mm Best. On est allés en Floride une année. Et puis, on a eu une rentrée d’argent, alors on a pensé essayer quelque chose de plus aventureux cette année.
-Pas tant d’argent que ça, dit M. Best. N’allez pas croire qu’on est riches.
- Non, non, dit Bernard.
- Hawaï m’attirait beaucoup dit Mme Best. Mais, les choses sont toujours différentes à la télévision, vous ne trouvez pas ? Comme cette vidéo. Je suis presque sûre que ce n’est pas du tout comme ça en réalité.
Ils regardèrent tous l’écran.
- Allongez-vous au soleil sur les plages de sable étincelantes, batifolez au milieu des chutes d’eau et des fontaines ou laissez vous porter par le courant d’une rivière sinueuse… »
Puis le récit bascule vers la question de la fin de vie de la tante Ursula confrontée à un régime de santé onéreux et peu pris en charge par l'Etat. Un paradis pas si paradisiaque que cela. Bernard se débat avec tout cela, son père hospitalisé après s'être quasiment jeté sous les roues d'une voiture, la recherche d'une institution accueillante pour sa tante et les avances de la femme qui a renversé son père.
La relation à la religion, à la croyance est abordé au fil du récit, des personnages, croyants à l’ancienne, agnostiques, indifférents, ayant perdu la foi comme Bernard. Une religion catholique bousculée par Vatican II, affaire qui est loin d’être terminée.
« C’est ainsi que j’ai dû me mettre à enseigner l’exégèse biblique et l’histoire de l’Église, domaines dans lesquels je n’étais pas vraiment qualifié, en même temps que la théologie dogmatique, qui, elle était censée être ma spécialité. Dans la formation que j’avais reçue, il y avait quelque chose qu’on appelait l’apologétique et qui consistait à défendre chaque article de l’orthodoxie catholique contre les attaques et les prétentions des Églises, des religions et des philosophies rivales, en employant tous les procédés de la rhétorique, tous les arguments et toutes les citations bibliques possibles. Dans le climat engendré par Vatican II, un style d’enseignement plus tolérant et plus œcuménique s’était développé mais les séminaires catholiques anglais - Saint-Ethelbert en tous cas- avaient gardé un enseignement traditionnel. Nos autorités épiscopales ne tenaient pas à nous voir troubler la foi des candidats – d’ailleurs de moins en moins nombreux- à la prêtrise, en les exposant d’emblée au vent glacé de la théologie libérale moderne.
Cette question est d’autant plus prégnante qu’elle concerne au premier chef Ursula, proche de la mort et ceux qui l’entourent.
Yolande, l’amoureuse, restée à Hawaï envoie à Bernard, une citation de Sentiment tragique de la vie de Miguel de Unamuno (philosophe espagnol, 1864-1936) en plus de sa lettre évoquant, en particulier, la mort d’Ursula
« Dans le repli le plus secret de l’esprit de l’homme qui croit que la mort mettra fin à sa conscience personnelle et même à sa mémoire à tout jamais, dans ce repli intime une ombre plane, à son insu, peut-être, une ombre vague se cache, l’ombre de l’ombre, d’une incertitude, et tandis qu’il se dit : « Il n’y a rien d’autre à faire que de vivre cette vie fugitive, car il n’y en a pas d’autre ! » en même temps, il entend dans ce repli très secret, son propre doute lui murmurer : « Qui sait ?... » Il n’est pas sûr d’entendre correctement, mais il entend. »
Le livre est aussi une éducation amoureuse assez tendre, une réflexion sur les blessures de la vie, comme celles d’Ursula abusée par son frère ainé dans ce qu’elle pense avoir été l’indifférence de son autre frère, Jack. On y retrouve comme dans beaucoup de livres de Lodge, les universitaires qui se pensent plus ou moins extérieurs aux événements pour les analyser et sont souvent rattrapés par la vie tout court.
« Je fais pour le tourisme ce que Marx a fait pour le capitalisme, ou Freud pour la vie familiale. Je le déconstruis. Je ne crois pas, voyez-vous que les gens tiennent tant que ça à aller en vacances, pas plus qu’ils ne tiennent tant que ça à aller à l’église. Ils ont subi un tel conditionnement qu’ils sont persuadés que ça leur fera du bien, ou que ça les rendra heureux. En fait, de nombreuses études révèlent que les vacances sont d’incroyables sources de stress.
Donc un livre à la fois drôle et assez profond, trente ans ont passé et tout reste d’actualité. Si on compare Lodge, né en 1935 à Coe, né en 1961, une génération de différence, on peut dire que Coe est plus politique et traite sans doute moins en profondeur ces personnages. Cependant, Benjamin dans la trilogie commencée dans Bienvenue au Club et terminée par Le Cœur de l’Angleterre n’est pas sans rappeler Bernard et ses maladresses.
Enfin, quasiment terminer son livre par une citation de Unamuno, philosophe donquichottesque, est une manière de nous dire qu’il est bien difficile et peut-être vain de ne pas vouloir croire au Paradis, dans le Pacifique ou dans l’Au-delà.
Pinky- Messages : 525
Date d'inscription : 28/11/2021
Re: David Lodge
peux-tu montrer la citation d'Unamuno ?
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Bédoulène- Messages : 21635
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