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101 résultats trouvés pour xixesiecle

Colson Whitehead

Underground Railroad

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Colson Whitehead raconte la fuite de Cora, jeune esclave d'une plantation de Georgie. C'est une épopée romanesque puissante, aux multiples rebondissements, qui permet à l'auteur de tracer un portrait du Sud peu avant la guerre de Sécession. Il s'attache plus particulièrement aux esclaves marrons, ainsi qu' à ceux qui les aident (abolitionnistes les cachant et les convoyant,  organisés autour de fameux Underground Railroad ou Chemin de Fer Clandestins), ceux qui leur offrent un paternalisme déguisé, et ceux qui les traquent (milices et chasseurs d'esclaves).

Au fil des péripéties, on traverse les différents Etats du Sud, dont Whitehead nous révèle les singularités et les "raffinements" dans l'exécration de Noirs. C'est un récit aussi  attachant que révoltant, peuplé de figures fascinantes, dont l'écriture ne faiblit à aucune page, palpitant, qui sait en permanence trouver la bonne distance.

mots-clés : #esclavage #historique #xixesiecle
par topocl
le Sam 27 Jan - 21:06
 
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Sujet: Colson Whitehead
Réponses: 16
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Mark Twain

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Le journal d'Ève......Le journal d'Adam

Des petits textes très courts. Le premier étant “Le journal d’Adam”, qui est bien structuré avec un début une fin et une continuité dans le récit. Adam est très bien au paradis. Il vit nu, mange des fruits, vit avec des tigres végétalistes. Et une créature apparait, Eve. Et elle est pénible. Elle parle trop, elle veut tout comprendre, elle le suit partout, elle donne des noms à tout. Pour dire, elle a inventé le mot “nous”. Il la fuit et se dit qu’elle ne lui apportera que des ennuis. Et en effet elle mange des fruits défendus et  ils perdent le paradis. Les animaux s’entretuent pour survivre. Et d’autres créatures apparaissent Caïn et Abel. Au début Adam ne sait pas ce qu’ils sont. Des sortes de poissons? Des Ours sans poils? En tous cas, ils font beaucoup de bruits. Adam finit par s’attacher à Eve, l’interdépendance est nécessaire dans ce monde dans lequel il faut se battre pour survivre.

Le journal d’Eve est plus morcelé. Il commence comme le journal d’Adam et puis change. Il y a une partie où Eve raconte les expériences que Adam et Eve, donc font pour comprendre le monde. Et on comprend que Eve a beaucoup de tolérence pour Adam qui ne comprend pas grand-chose et s’intéresse à des choses bien inintéressantes, mais qui est là constant et fort. Eve se demande pourquoi elle aime cet homme qui semble bien médiocre sur certains plans, mais elle l’aime. Et elle l’a aimé tout de suite, quitte à interpréter ses signes de fuites autrement. Eve a eu le coup de foudre et n’aime pas être seule. Mais Eve est entreprenante et ose tout. Bref deux petits livres amusants.

Je mettrai quelques extraits plus tard.....


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James Tissot

mots-clés : #contemythe #humour #xixesiecle
par Pia
le Sam 20 Jan - 16:58
 
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Sujet: Mark Twain
Réponses: 34
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Larry McMurtry

Lune Comanche

Tag xixesiecle sur Des Choses à lire - Page 5 116_lu10

Et il continue, Larry McMurtry, il nous offre une  suite au préquel, les quelques années avant et après la Guerre de Sécession.   Exterminés par les guerres et les maladies apportées par les blancs, la famine du fait du "génocide" des bisons, usés, peu à peu les Comanches, ces Indiens farouches qui se croyaient invincibles, abdiquent peu à peu,  acceptent la fausse amitié des Blancs, se regroupent dans des réserves où ils vont se mettre à la l'agriculture, refoulant les merveilles (et les horreurs ) de leur civilisation.

On est répartis pour 750 en compagnie de Gus et Call les jeunes rangers texans promus capitaine. Cavalcades, pistages, attaques, tortures, McMurtry ne lésine pas sur la marchandise. Mais la force de ce nouvel épisode, plus que le roman d'aventure (une fois de plus sans aucune zone d'ennui), c'est son aspect  choral, qui adopte autant le point de vu des deux héros, que celui de leurs chefs, de divers personnages secondaires, des bandits mexicains ou surtout des Comanches qu'ils combattent.

Que les choses soient mystérieuses ne les rendait pas moins valable. Le mystère des oies volant vers le Nord l'avait toujours habité ; elle volait peut-être jusqu'au bout du monde, aussi avait-il composé un chant pour elles, car il n'y avait pas plus grand mystère aux yeux de Famous Shoes que celui des oiseaux. Tous les animaux à sa connaissance laissaient des empreintes derrière eux, mais les oies qui déployaient leurs ailes et s'envolaient vers le Nord n'en laissaient aucune. Les oies devaient savoir où vivaient les dieux, pensait Famous Shoes, et du fait de cette connaissance, les dieux les avaient exemptés d'empreintes. Les dieux ne voudraient pas qu'on vienne les voir en suivant simplement une piste, mais leurs messagers, les grands oiseaux, étaient autorisé à leur rendre visite. C'était une chose merveilleuse à laquelle Famous Shoes ne se lassait jamais de penser.
A la fin de son chant, Famous Shoes vit que le jeune Blanc s'était endormi. Au cours de la journée, il n'avait pas été assez confiant, il s'était épuisé dans d'inutiles courses. Le chant qu'il venait de terminer avait peut-être eu un effet sur les rêves du jeune homme ; peut-être qu'en vieillissant, il apprendrait à faire confiance aux mystères plutôt qu'à les redouter. La plupart des Blancs ne pouvaient pas faire confiance aux choses autour d'eux tant qu'ils n'arrivaient pas à les expliquer ; mais les plus belles, comme le vol des oiseaux sans trace, demeurait à jamais inexplicables.


Mc Murtry s'attache une fois de plus à une intime connaissance de ses personnages, ces hommes forts, violents, fougueux, passionnés, qui ont leurs zones d'ombre: des peines cœur, des maladresses à vivre, des certitudes mêlées d' interrogations, des doutes...

On attend la suite annoncée par Gallmeister  Tag xixesiecle sur Des Choses à lire - Page 5 1171367610  !


mots-clés : #aventure #historique #romanchoral #xixesiecle
par topocl
le Sam 20 Jan - 14:27
 
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Sujet: Larry McMurtry
Réponses: 31
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George Sand

Merci Bédoulène pour l'ouverture de ce fil, même si George Sand est loin d'être dans l'air du temps (sinon pour être décriée, souvent de façon méprisante) !



Les Maîtres Sonneurs

1853, roman, 445 pages environ, divisé en 32 chapitres -ou, plus exactement, "veillées" et une préface-dédicace introductive.

Tag xixesiecle sur Des Choses à lire - Page 5 Millet10
Jean-François Millet, Les scieurs de long (vers 1850-1852).




Vous trouverez le texte intégral ici.

Un éclairage contextuel peut paraître nécessaire, ou pas, d'où ce spoiler:
Spoiler:


George Sand écrit Les Maîtres Sonneurs avec une vitesse étonnante, en quelques semaines à peine. Premiers jets, sans doute, lors du dernier trimestre 1852 et les manuscrits nous révèlent, ce qui n'est pas sans intérêt, que le livre à l'état d'ébauche s'intitule "La mère et l'enfant", et commence à peu près au milieu de la version définitive des "Maitres Sonneurs". L'action se situe à la fin du XVIIIème siècle mais avant la révolution française.

Roman paysan, villageois et forestier, il emprunte son rythme et l'intitulé des chapitres en "veillées" comme celles où, bien sûr, l'on se réunit, et pour quelques décennies encore, à l'époque d'écriture de cet ouvrage, en milieu rural. Le conte de veillée est sûrement une dimension d'art populaire fascinante pour George Sand (je vais tenter plus loin d'exposer pourquoi).

Le narrateur est Etienne Depardieu, alias Tiennet, qui évoque en 1828 les années de sa jeunesse. La langue est magnifique, pleine d'emprunts patoisants, ou désuets, de tournures qui se veulent proche de l'oralité. Vraiment un régal. Ne pas s'embarquer, à mon avis, dans ce livre si l'édition n'est pas confortablement annotée. De surcroît George Sand entend témoigner d'un monde certes pas encore tout à fait passé alors, mais dont on sent confusément qu'elle sait qu'il est appelé sinon tout à fait à disparaître à brève échéance, du moins à se modifier.
Cueillir des instants qui ne seront peut-être plus, se remémorer un passé définitivement perdu à coup sûr, autant de thèmes très cher aux Romantiques, que la grande lectrice de Chateaubriand, l'amante de Musset et de Lamartine possède à merveille.
J'ajoute ceci: Avons-nous jamais été aussi proche des bohèmes de Nerval, dans le dessein poursuivi par George Sand ?

Tout part d'un trio, Joseph, alias "Joset l'ébervigé", au caractère égoïste et tourmenté, Brûlette, beauté de village, et donc Tiennet.
Ce sont de beaux jeunes paysans. George Sand tient, j'en suis persuadé, à montrer combien le peuple proprement dit est beau, sain. Y compris d'ailleurs les caractères d'aînés, les vieillards, etc...

Ils surprennent aussi par l'extrême profondeur de leurs sentiments, la finesse de leurs analyses et de leur comportement en société - leur psychologie aussi.
Une clef d'importance est que, selon George Sand, qui a beaucoup lu et de façon critique Rousseau étant jeune, le terroir façonne le caractère, la terre fait le paysan - juste à l'opposé de la toute-puissance, démiurgique pour ainsi dire, aseptisée et identique partout que nous lui imprimons aujourd'hui.

Au bout de ses introspections, Joset se découvre une attirance pour la musique. Il garde cela secret. Mais Tiennet découvre le secret. Joset, bien qu'amoureux, comme Tiennet de Brûlette, part vers son destin, chez les grands cornemuseux des forêts, en Bourbonnais, un autre pays, un autre terroir, et par conséquent d'autres caractères. Voyage typiquement initiatique. De longs mois plus tard, mandés par Huriel, muletier, homme de grands chemins et qui initiera en secret Joset à la musique dans le Berry, lui fournissant même son instrument (une cornemuse du Bourbonnais, d'une taille bien supérieure aux "musettes" usitées dans le Berry), Tiennet et Brûlette entreprennent le voyage vers les hautes forêts, le pays des bûcheux, des fendeux, des grands chantiers de bûcheronnage, de la vie en forêt et ses codes spécifiques, éloignés des lois qui régissent le royaume comme des habitudes berrichonnes, pour rejoindre un Joset malade et languissant...


Une petite recherche sur Frédéric Chopin plus loin, j'ai l'intuition qu'il y a du Chopin dans le caractère de Joset. Mais à petites touches dosées seulement.
George Sand, qui a reçu dès son enfance une solide éducation musicale, qui fut (brièvement) l'amante de Listz et (longuement) celle de Chopin, qui a connu, protégé et parfois lancé ce que Paris comptait de meilleur en termes de musiciens, de cantatrices etc... signe aussi là un livre sur la musique.

Mais pas celle des salons et des salles huppées de la capitale. Comme c'est encore elle qui en parle le mieux, voici ce que George Sand en dit dans une lettre:

Il y a une musique qu’on pourrait appeler naturelle, parce qu’elle n’est point le produit de la science et de la réflexion. Mais celui d’une inspiration qui échappe à la rigueur des règles et des conventions. C’est la musique populaire : c’est celle des paysans particulièrement. Que de belles poésies naissent, vivent et meurent chez eux, sans avoir jamais eu les honneurs d’une notation correcte, et sans avoir daigné se refermer dans la version absolue d’un thème arrêté!
Le paysan n’examine ni ne compare. Quand le ciel l’a fait musicien, il chante à la manière des oiseaux, du rossignol surtout dont l’improvisation est continuelle, quoique les éléments de son chant varié à l’infini soient toujours les mêmes.

Toujours est-il que l'on apprend que les "musiqueux" ruraux sont une pairie qu'on ne rejoint qu'en se faisant adouber, après avoir acquis une maîtrise certaine, et sur épreuves. Que l'âpreté, la concurrence sont vives, et qu'il faut se voir remettre formellement un territoire, ne pas empiéter sur celui d'autrui. La concurrence déloyale, les coups bas sont légion. Souvenons-nous que la cornemuse est, du moins je le crois, le seul instrument de musique à avoir jamais reçu le statut d'arme de guerre (en Ecosse)- c'est à vérifier, mais il me semble que c'est encore le cas de nos jours pour certains régiments britanniques dont l'origine se perd dans les brumes des Highlands.
George Sand nous montre vraiment un univers musical à part. A noter son insistance sur le thème du terroir qui façonne le paysan, traduit en terroir qui façonne l'artiste, son répertoire, sa "manière" et jusqu'à son instrument.
Et, même si son territoire est défini, il doit encore "performer" suffisamment pour prétendre vivre de ses talents musicaux. Il ne faut pas du tout situer "Les maîtres sonneurs" dans un univers de gentille fête champêtre un peu fleur-bleue. George Sand disait de Chopin qu'il parvenait à exprimer l'infini sur un seul instrument, elle le laisse aussi entendre pour les meilleurs d'entre les personnages de "sonneurs" et "musiqueux".

A noter, cela me paraît important, qu'on en est aux balbutiements de l'intérêt pour le patrimoine folklorique -donc populaire - (le mot "folklore" date d'ailleurs de ces années-là), et par conséquent George Sand est, encore une fois, "en pointe".  
A titre tout à fait personnel, je n'hésite d'ailleurs pas une seconde à qualifier l'intérêt, qui perdure toujours, pour le patrimoine intangible, non matériel en général, d'apport imprévu du romantisme.

On trouve aussi deux belles narrations de luttes entre duettistes à la loyale -surtout une, la première, les deux impliquant Huriel, bien que la seconde soit d'un enjeu et d'une intensité dramatique bien supérieurs à la première, qui est un bon chauffage d'oreilles entre garçons ayant querelle à vider. A celles-ci il faut ajouter une bataille rangée nettement plus fantaisiste.
Mais, pour ce qui est des deux affrontements entre duettistes, narrer une bagarre est un casse-tête d'écrivain, il y a peu de conventions, c'est très difficile à rendre, et comment le faire en suggérant la vitesse d'exécution des mouvements ?
Le plupart du temps, les auteurs ont recours a des expédients, à de bonnes grosses ficelles, donnant peu de crédit à ces scènes. Ce qui sera fait en bonne partie pour le second affrontement.
En dépit de cela, George Sand épate quand même dans cet exercice particulier.
Certes, elle connaît. On se souvient qu'enfant, à Nohant, elle était davantage coups de poings avec les garçons que crêpages de chignons avec les filles, et elle connaît à merveille les us et coutumes non écrits qui régissent ces joutes. La bagarre, l'affrontement physique, dans la mesure où il est loyal et justifié, n'est pour George Sand ni un fléau bestial, ni même un pis-aller sordide, mais la manifestation d'une loi naturelle (loi prise dans un sens rousseauiste, donc) en somme quelque chose de primitif et spontané, ce qui pare ces duels d'une certaine respectabilité.  

Quelques généralités pour finir:
En voulant restituer un parler paysan, la gageure consiste à le faire tout en maintenant une lecture alerte, adaptée à la trouvaille chapitres=veillées. Ce tour de force est réussi avec brio, je vais même plus loin: tout empli de termes peu usités ou déjà surannés ou locaux, dès la date d'écriture, ce livre a pourtant, c'est fort paradoxal, une très grande fraîcheur, et n'est jamais empâté, encore moins pompeux, écueils pourtant difficiles à éviter si l'on recherche la tournure pittoresque et le mot rare.    

George Sand maîtrise l'art du romancier à merveille, je crois que même ses détracteurs et ceux qu'elle indiffère lui reconnaîtront sa qualité de calibrage et de peinture, elle sait relancer l'intérêt du lecteur sans faire du stimuli en continu, sa plume a sa joliesse et n'est jamais du "rentre-dedans".
Ici, elle nous amène à un dénouement qui conserve sa part d'imprévisibilité jusqu'aux toutes dernières "veillées". A noter qu'elle écrit là un roman qui -du moins est-ce mon avis- est susceptible d'entrer parfaitement parmi les ouvrages de littérature pour adolescents, j'espère, sinon je m'y suis mal pris, avoir indiqué quelques autres niveaux de lecture, et, bien entendu, il reste beaucoup d'autres pistes et niveaux que je n'ai pas effleurés !


Un extrait, choisi pour son absence de vocabulaire rare ou inusité, ainsi que de tournures patoisantes ou singulières:
Troisième veillée a écrit:Après avoir pataugé assez longtemps pour en avoir chaud, malgré que la soirée fût bien fraîche, je me trouvai dans des fougères sèches, si hautes, que j’en avais jusqu’au menton, et en levant les yeux devant moi, je vis, dans le gris de la nuit, comme une grosse masse noire au milieu de la lande.

Je connus que ce devait être le chêne, et que j’étais arrivé au fin bout de la forêt. Je n’avais jamais vu l’arbre, mais j’en avais ouï parler, pour ce qu’il était renommé un des plus anciens du pays, et, par le dire des autres, je savais comment il était fait. Vous n’êtes point sans l’avoir vu.
C’est un chêne bourru, étêté de jeunesse par quelque accident, et qui a poussé en épaisseur; son feuillage, tout desséché par l’hiver, tenait encore dru, et il paraissait monter dans le ciel comme une roche.

J’allais tirer de ce côté-là, pensant que j’y trouverais la sente qui coupait le bois en droite ligne, lorsque j’entendis le son d’une musique qui était approchant celui d’une cornemuse, mais qui menait si grand bruit, qu’on eût dit d’un tonnerre. Ne me demandez point comment une chose qui aurait dû me rassurer en me marquant le voisinage d’une personne humaine, m’épeura comme un petit enfant. Il faut bien vous dire que, malgré mes dix-neuf ans et une bonne paire de poings que j’avais alors, du moment que je m’étais vu égaré dans le bois, je m’étais senti mal tranquille.

Ce n’est pas pour quelques loups qui descendent, de temps en temps, des grands bois de Saint-Aoust dans cette forêt-là, que j’aurais manqué de cœur, ni pour la rencontre de quelque chrétien malintentionné. J’étais enfroidi de cette sorte de crainte qu’on ne peut pas s’expliquer à soi-même, parce qu’on ne sait pas trop où en est la cause. La nuit, la brume d’hiver, un tas de bruits qu’on entend dans les bois et qui sont autres que ceux de la plaine, un tas de folles histoires qu’on a entendu raconter, et qui vous reviennent dans la tête, enfin, l’idée qu’on est esseulé loin de son endroit; il y a de quoi vous troubler l’esprit quand on est jeune, voire quand on ne l’est plus.

Moquez-vous de moi si vous voulez. Cette musique, dans un lieu si peu fréquenté, me parut endiablée. Elle chantait trop fort pour être naturelle, et surtout elle chantait un air si triste et si singulier, que ça ne ressemblait à aucun air connu sur la terre chrétienne. Je doublai le pas, mais je m’arrêtai, étonné d’un autre bruit. Tandis que la musique braillait d’un côté, une clochette sonnait de l’autre, et ces deux résonances venaient sur moi, comme pour m’empêcher d’avancer ou de reculer.
Je me jetai de côté en me baissant dans les fougères; mais, au mouvement qui s’ensuivit, quelque chose fit feu des quatre pieds tout auprès de moi, et je vis un grand animal noir, que je ne pus envisager, bondir, prendre sa course et disparaître.

Tout aussitôt, de tous les points de la fougeraie, sautèrent, coururent, trépignèrent une quantité d’animaux pareils, qui me parurent gagner tous vers la clochette et vers la musique,
lesquelles s’entendaient alors comme proches l’une de l’autre. Il y avait peut-être bien deux cents de ces bêtes, mais j’en vis au moins trente mille, car la peur me galopait rude, et je
commençais à avoir des étincelles et des taches blanches dans la vue, comme la frayeur en donne à ceux qui ne s’en défendent point.
Je ne sais par quelles jambes je fus porté auprès du chêne; je ne sentais plus les miennes.

Je me trouvai là, tout étonné d’avoir fait ce bout de chemin comme un tourbillon de vent, et, quand je repris mon souffle, je n’entendis plus rien, au loin ni auprès; je ne vis plus rien, ni sous l’arbre, ni sur la fougeraie; et je ne fus pas bien sûr de n’avoir point rêvé un sabbat de musique folle et de mauvaises bêtes.
Je commençais à me ravoir et à regarder en quel lieu j’étais. La branchure du chêne couvre une grande place herbue, et il y faisait si noir que je ne voyais point mes pieds; si bien que je me heurtai contre une grosse racine et tombai les mains en avant, sur le corps d’un homme qui était allongé là comme mort ou endormi.

Je ne sais point ce que la peur me fit dire ou crier, mais ma voix fut reconnue, et tout aussitôt celle de Joset me répondit :
– C’est donc toi, Tiennet ? Et qu’est-ce que tu viens faire ici à pareille heure ?



(Musé d'un message du 26 avril 2015 sur Parfum)


mots-clés : #initiatique #nature #xixesiecle
par Aventin
le Jeu 30 Nov - 11:53
 
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Sujet: George Sand
Réponses: 4
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George Sand

Tag xixesiecle sur Des Choses à lire - Page 5 Tylych10

Elle et Lui


C’est l’histoire d’une passion, celle de Thérèse et Laurent,  exacerbée par le caractère inconstant du jeune et talentueux peintre. En effet Laurent semble souffrir d’un déséquilibre psychique, passant de la douceur à la fureur en quelques minutes,  de la jalousie à l’indifférence, ne cessant d’accuser puis de réclamer le pardon de celle qu’il aime.

C’est par l’amitié que ces deux êtres se sont liés,  puis le garçon tombant amoureux de sa tendre et belle amie (peintre elle aussi) la convainc par ses déclarations, ses promesses ( renoncement à sa vie dissipée) de  céder à l’ amour.

« Ecoute,  ajouta-t-elle en tenant sa main dans les siennes avec tout la force dont elle était capable, ne me retire jamais cette main là et, quelque chose qui arrive, garde assez d’honneur et de courage pour ne pas oublier qu’avant d’être ta maîtresse, j’ai été ton ami. »

Mal lui en prit,  le bonheur ne dura  pas 7 jours. Victime d’hallucination Laurent est incohérent,  cette 7ème journée qui s’annonçait agréable fut une déconvenue.

« Il avait eu une hallucination. […]Quand il a été tout près, j’ai vu qu’il était ivre, et non pas poursuivi. Il a passé en me jetant un regard hébété, hideux, et en me faisant une laide grimace de haine et de mépris. Alors j’ai eu peur, et je me suis jeté la face contre terre, car cet homme…c’était moi ! »

Laurent s’ennuyait de cette vie calme, régulière,  il critiquait Thérèse qui pourtant fit des efforts pour sortir avec lui dans des lieux qu’elle n’aurait jamais fréquenté.

« Il faut savoir que la monotonie ne me convient pas, il faut me laisser à mes instincts qui ne sont pas toujours sublimes, mais que je ne peux pas détruire sans me détruire avec eux… »

Pour rompre la monotonie elle proposa à Laurent un voyage en Italie mais en 24 heures Laurent était déjà las de Gênes. Ce fut la rupture après une scène terrible.

Palmer, un américain ami de longue date avec Thérèse avait  favorisé la réunion du couple pensant que Laurent pouvait apporter le bonheur à Thérèse. Il avait une nouvelle à délivrer à la jeune femme (dont il avait d’ ailleurs raconté la vie à Laurent) Thérèse s’apprêtait à rentrer en France et Palmer, fort de sa rupture d’avec Laurent, lui révéla son amour et lui proposa le mariage. Elle accepta.

Palmer et Thérèse reçurent une lettre inquiétante de Laurent, ils le rejoignirent à Florence où il était atteint de fièvre, de délire. Thérèse le veilla et le soigna. Remis de cette épisode Laurent ne se souvenait pas de leur rupture et souhaitait continuer à vivre  avec Thérèse.

« Ce cœur là,  Laurent,  dit-elle en frappant se poitrine, n’est ni si fier ni si ardent peut-être que le vôtre ; mais, vous l’avez dit vous-même souvent autrefois, il reste toujours à la même place. Ce qu’il a aimé, il ne peut cesser de l’aimer ; mais, ne vous y tromper pas, ce n’est pas de l’amour comme vous l’entendez, comme vous m’en avez inspiré, et comme vous avez la folie d’en attendre encore. Ni mes sens ni ma tête ne vous appartiennent plus. J’ai repris ma personne et ma volonté ; ma confiance et mon enthousiasme  ne peuvent plus vous revenir. J’en peux disposer pour qui les mérite […] »

Rentrée en France, Thérèse fut bouleversée et amère de la demande de Palmer, jaloux de Laurent ; elle reprit sa parole sur le mariage.

« Thérèse !Thérèse ! s’écria Palmer avec violence en lui serrant le bras jusqu’à le meurtrir, jurez-moi,sur le souvenir de l’enfant que vous avez perdu, que vous n’aimez plus Laurent, et je tombe à vos  pieds pour vous supplier de me pardonner mon injustice. »

Fort de la rupture de Thérèse avec Palmer, Laurent  redevient  si charmeur, si prometteur,

Ah ! Thérèse, vous m’avez déjà dit une fois que je me vantais devant vous de ce dont je devrais rougir, que j’étais un mur de prison. Vous n’avez oublié qu’une chose : c’est qu’il y a derrière ce mur un prisonnier !
A quoi me servira, je vous le demande, d’avoir barbouillé de peintures fantasques les murs de mon cachot, si le mot  aimer  ne se trouve écrit nulle part ?


que  Thérèse succomba  une nouvelle fois :

« Thérèse sentit bientôt que l’affection de son pauvre enfant, comme il s’intitulait toujours, lui était douce, et que, si elle pouvait continuer ainsi, elle serait le plus pur et le meilleurs sentiment de sa vie.
- Probablement, lui disait-il, j’étais malade sans le savoir quand, pour la première fois, j’ai été coupable envers toi. Une fièvre cérébrale, cela semble tomber sur vous comme la foudre… »


Le premier bonheur de Thérèse n’avait pas duré toute une semaine ; le second ne dura pas vingt-quatre heures.

« Aussitôt ses velléités d’amour pour elle lui revinrent  et en même temps ses soupçons, sa jalousie et sa colère. Jusque là ce charme d’amitié l’avait bercé et comme enivré ; il devint tout à coup amer et glacé. »

« Il obéissait à cet inexorable besoin que certains adolescents éprouvent de tuer ou de détruire ce qui leur plaît jusqu’à la passion.

Thérèse  pensa que c’était elle qui était la cause de la « folie » de Laurent car ce n’est qu’en sa présence qu’ elle se manifestait.


« Un soir, il lui fit une si longue et si incompréhensible querelle, qu’elle ne l’entendit plus et s’assoupit sur son fauteuil. Au bout de quelques instants, un léger frôlement lui fit ouvrir les yeux. Laurent jeta convulsivement par terre quelque chose de brillant : c’était un poignard. Thérèse sourit et ferma les yeux. Elle comprenait faiblement, et comme à travers le voile d’un rêve, qu’il avait songé à la tuer. En ce moment tout était indifférent à Thérèse. Se reposer de vivre et de penser, que ce fût sommeil ou mort, elle laissait le choix à la destinée. »

Mais, un matin un bambin vient sonner à sa porte disant qu’on l’ avait adressé à elle, Mlle Jacques parce qu’elle devait s’occuper de lui, son père étant mort et sa marâtre ne voulait plus de lui. Thérèse reconnait ses traits dans le visage de l’enfant, elle comprend que c’est le fils qu’elle croyait disparu.

Elle remercia Palmer  de lui avoir ramené son enfant ; tous deux partent vivre en Allemagne, la mère avait  chassé la maîtresse.

***

Mon sentiment : passion, souffrance,  l’art, la solitude  qu’est-ce ? romantisme? mais il y a dans ce  livre du drame, du social, le  stoïcisme  de Thérèse,  alors  peut-on   qualifier cette histoire de romantisme réaliste (?)

L’histoire de cette passion est sauvée  par l’écriture  à la fois sensible et forte  de l’auteure,  les sentiments  et les raisonnements  sont bien exploités,  sinon j’aurais certainement abandonné le livre car cette passion  aurait pu virer, avec une autre plume, au pathétique.

Ce livre est dit autobiographique, il semble en effet que certains personnages et évènements de l’histoire s’inspirent  fortement de  la vie de George Sand.


mots-clés : #autobiographie #xixesiecle
par Bédoulène
le Jeu 30 Nov - 10:47
 
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Sujet: George Sand
Réponses: 4
Vues: 824

Lafcadio Hearn

Tag xixesiecle sur Des Choses à lire - Page 5 Cvt_ma10

Ma première journée en Orient suivi de Kizuki le sanctuaire le plus ancien du Japon

C’est une invitation à une promenade magique que nous propose Lafcadio Hearn accompagné de son guide japonais. J’ai été la spectatrice de cette agréable ballade en pousse-pousse, dans les petits villages typiques du vieux Japon, dans les temples à l'architecture tarabiscotée et aux rites complexes. Une longue promenade mais de courte durée, car ces deux textes sont extraits de Pèlerinages japonais, dans Le Japon. Court mais plaisant.

Un extrait :

« Ce que je vois devant moi est infiniment plus intéressant : un bosquet de cerisiers couvert de quelque chose d’inexprimablement beau – le brouillard éblouissant de fleurs blanches qui s’accrochent à chaque branche, à chaque rameau, comme des nuages d’été. Le sol au-dessous, le sentier devant moi, sont tout blancs de la neige épaisse, douce et odorante, de pétales tombés. Au-delà de cette splendeur, on aperçoit des corbeilles de fleurs entourant de petits sanctuaires ; des rocailles merveilleuses ciselées dans le roc, des paysages miniatures avec de petits bosquets d’arbres nains et des lacs lilliputiens, des ruisseaux microscopiques, des ponts et des cascades. »


mots-clés : #voyage #xixesiecle
par Barcarole
le Lun 27 Nov - 20:52
 
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Sujet: Lafcadio Hearn
Réponses: 10
Vues: 1183

Ralph Waldo Emerson

Je récupérerai ceci de l'autre forum...

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Le scholar américain :

Il est peu d'ouvrages qui nous disent avec force l'esprit qui les anime. Ralph Waldo Emerson a prononcé une conférence en 1837 intitulée «The American Scholar». A posteriori, je devrais faire cette comparaison avec «Le savant et le politique» de Max Weber. Nous disons même que Max Weber fut largement influencé par la branche sociologique états-unienne. Toutefois, il est important d'établir une distinction : Emerson avait un intérêt pour l'histoire états-unienne et était soucieux du patrimoine littéraire. Il est lui-même un poète en prose. Ça transparaît dans sa conférence. Nous pourrions situer ce texte quelque part entre l'essai et la prose poétique. Pierre Monette parle de «scholar» et de l'importance de distinguer ce terme de quelque connotation intellectuelle au sens français du terme.

Le texte est relativement court, comptant trente pages. Nous pouvons aisément le comprendre d'autant plus qu'il s'agit d'une conférence. Dans cette même conférence, Emerson livre un plaidoyer en faveur de la curiosité et de l'importance de savoir dépasser ses propres maîtres. Je retiens un passage fort évocateur qui livre sa philosophie commune :
   
«La littérature du pauvre, les sentiments de l'enfant, la philosophie de la rue, le sens de la vie domestique sont les sujets du jour. C'est un grand pas en avant. N'est-ce pas le signe d'un regain de vigueur lorsque les extrémités se mettent à bouger, lorsque les chauds battements de la vie se font sentir jusqu'au bout des pieds et des mains.»

Ralph Waldo Emerson, Le scholar américain (1837), 2013, Montréal : Triptyque, p. 91.


Nous parlons souvent du transcendantalisme lorsqu'il s'agit d'Emerson. Il nous est permis d'en voir l'expression au cours de cette conférence qui plaide pour l'indépendance intellectuelle de la nation états-unienne par rapport aux contrées étrangères, plus particulièrement en Europe. Nous pouvons sentir une certaine communauté d'esprit avec Les Essais de Montaigne. Emerson prend fait et cause pour le «scholar» qui est détenteur d'un savoir spécialisé. Cette assertion s'oppose à l'intellectuel qui se mêle des choses qui ne le regardent pas à l'instar de la version proposée par Jean-Paul Sartre.

Je le répète ici, Emerson est tellement empreint du sentiment d'appartenir à la littérature américaine. Ça se sent jusqu'au choix de ses termes. Il est si recherché dans sa réflexion que nous flairons les astuces de l'essayiste et du poète qui sommeillent en lui.


mots-clés : #essai #xixesiecle
par Jack-Hubert Bukowski
le Lun 20 Nov - 9:59
 
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Sujet: Ralph Waldo Emerson
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Ralph Waldo Emerson

Relecture de ce que j'écrivais il y a pas loin de quatre ans, pas relecture du texte. Aujourd'hui je me sens toujours fort distant avec ça mais ça m'a aidé à caler ma vision, ma lecture de ces influences américaines.

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En avant la récup pour une lecture de  Nature, pour le texte (en vo) : clic

lecture curieuse mais rapide parce que fatigue et parce qu'une partie du texte... tout en reconnaissant que c'est le genre de lecture qui bien que courte pose entre autres questions celle de la distance culturelle : un océan, une langue et bientôt 200 ans. Une distance qui va se mesurer pas tant sur des faiblesses démonstratives (on peut en lire de très actuelles) que sur des références (et encore) surtout un cadre de pensée, des images toutes faites auxquelles il est bien difficile d'échapper : visions standards sur la nature versus  une vision standard d'athée sur la religion et sa place dans le monde des idées !

Donc... Nature. ça serait une heureuse manifestation de Dieu. La vision de la nature est positive voire positiviste avec bienfaits matériels et bienfaits pour l'âme de qui sait voir. La nature représente une source innée d'inspiration et d'images pour le langage, une nourriture essentielle. Le langage lui se doit par justice de revenir à la nature, une réalisation active donc qui apparaît sous plusieurs formes dans l'essai. C'est le mélange de retour à un état originel et une réalisation nouvelle... et sans fin à proprement parler. Il reste une place infinie pour l'intuition.

Tout ça se noie petit peu dans le rapport au temps et à l'éternité entre spirituel et matériel, partie la moins convaincante et qui sert aussi à placer le rapport à Dieu et une certaine transcendance. Mais si on y regarde et même en y trouvant quelques bateaux. L'observation du besoin de nature, l'approche faite du langage et un positionnement vis à vis de l'art (révélation d'une vérité dans l'expression de la nature pour simplifier) c'est assez stimulant.

A coté de ça si on imagine que la vision d'un Dieu dépersonnifié et par là plus universel devait être point de litige on trouve une hiérarchie "moralisée" assez robuste avec de façon schématique ; Dieu, l'Homme puis la Nature. On retrouve une morale économique autour de l'exemple des dettes qui semble un peu rapide.

Je ne suis pas sûr de ne pas avoir commis quelques contresens dans ma lecture mais ça semble à sa manière contradictoire. L'ouverture de l'observation est en effet très limitée par le cadre donné qui n'est pas une interprétation mais un présupposé. On est aussi face à un monde dans lequel la volonté individuelle en somme l'emporte sur les circonstances extérieures (ce qui est une bizarre tentation face à la nature), il n'y a d'ailleurs pas encore de sélection naturelle ! La nature grandiose conforte une sorte de vision de  réussite humaine qu'on peut éventuellement trouver éloignée de préoccupation humanistes.... alors même que plus loin l'homme se doit de se découvrir lui même dans la nature.  

Étrange, déroutant. Porté par quelques énumérations et citations et de vibrantes envolées lyriques. Sans casser des briques du moins vu d'aujourd'hui et à travers un épais brouillard l'essai titille finalement assez pour que l'intérêt compense l'incompréhension et aussi le désaccord (presque le dédain). La vision de la nature est sommaire, de même que l'explication de mécanismes liées à la nature, mécanismes du langage et de la perception mais c'est vivant et met en avant bien que tout soit écrit d'avance une expérience et une vision dynamique de la nature.

Quelque chose qui rappelle de grands auteurs, Ramuz pour prendre un exemple qui me tient à cœur (mais qui renverse presque, presque, le sens des rapports), qui met en lumière une aspiration essentielle et son influence l'expression. Mais on ne sent pas franchement une pensée libre, volontaire. Ambitieuse certainement, mais pas libre, assez hiérarchique voire discriminante elle se prend dans son piège de tout expliquer.

On peut quand même tirer moult citations pratiques pour tout dire de façon un peu simple :

The corruption of man is followed by the corruption of language.

But wise men pierce this rotten diction and fasten words again to visible things; so that picturesque language is at once a commanding certificate that he who employs it, is a man in alliance with truth and God.

Parts of speech are metaphors, because the whole of nature is a metaphor of the human mind.

By degrees we may come to know the primitive sense of the permanent objects of nature, so that the world shall be to us an open book, and every form significant of its hidden life and final cause.

Idealism sees the world in God.


Alors pour en revenir à Thoreau, on le sent bien dans ce moule mais Walden ressemblerait à une mise en application du rapport décrit par Emerson dans Nature, c'est à dire qu'il tire de moins grandes conclusions et à travers la recherche d'un contact plus grand gomme le rapport de supériorité de principe de l'individu à son monde... sans le démunir de sa volonté.

Il y a une forme de romantisme barbare dans cette entreprise dont la durabilité culturelle serait à mettre au compte des grands espaces sauvages du continent/pays ?

mots-clés : #essai #nature #xixesiecle
par animal
le Dim 19 Nov - 14:18
 
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Sujet: Ralph Waldo Emerson
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Dominique Fortier

La porte du ciel

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Quand elle comprit qu'elle avait affaire à des hommes plutôt qu'à des revenants, sa terreur grandit.


Quand Eleanor avait huit ans, son père, le docteur McCoy, ramena à la maison une jeune noire du même âge, rachetée pour lui éviter le fouet, rapidement rebaptisé Eve. Les deux fillettes grandissent côte à côte, dans cette famille plutôt libérale, dans le Sud où se déchaine al guerre de Sécession . La jeune noire n'est ni vraiment libre, ni vraiment esclave, la jeune blanche alternativement amicale et rejetante. Cette dernière se marie de façon conventionnellement arrangée, et toutes deux partent ensemble dans une plantation lointaine.


L'histoire est  assez plate, ressemblant plus à une chronique, d'autant que l'auteur gomme consciencieusement toute expression de sentiment et que les quelques rebondissements ne sont pas vraiment inattendus. L'auteur attache par son style, élégant, le plus souvent entaché de noblesse, parfois plus convenu.

Sentant sans doute que tout cela un peu maigre, Dominique Fortier glisse quelques astuces d'écriture : quelques chapitres la première personne au sein d'un discours indirect, quelques considérations plus générales (mais bien effleurées ) sur la Guerre de Sécession, et cinq descriptions, rythmant le texte,  de courte-pointes cousues  par les femmes dont c’est le seul mode d'expression, qui me sont restées totalement incompréhensibles, mini-textes abstraits au sein de l'histoire, métaphore sibylline  du fait que toute histoire est, comme les courtepointes, un assemblage personnel d'éléments disparates se donnant sens les uns les autres.

Il en ressort un récit qu'on suit avec un agrément paisible, mais qui ne connaît pas d'intensité,  comme on lirait une histoire déjà entendue racontée par une voix nouvelle.


mots-clés : #conditionfeminine #esclavage #xixesiecle
par topocl
le Dim 10 Sep - 9:46
 
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Sujet: Dominique Fortier
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Henry David Thoreau

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Walden ou la vie dans les bois (1854)

L'heure du commentaire est venue pour cette lecture étrange... il y a des traces sur le fil alors je ne vais pas trop insister : le début est lourd (au sens un rien ch...), une leçon de morale (décroissante) par un petit gars de bonne famille qui part vivre "dans les bois". Même en tentant d'imaginer un contexte mi XIXème états-unien... Difficile de ne pas sentir une forme de morale écrasante (dont il conserve néanmoins des traits) et une machine d'exploitation qui se met en marche avec beaucoup de gens, de pauvres gens qui prennent ce train à la destination incertaine en marche.

Alors la vie dans les bois aux bords de l'étang de Walden pourquoi ? pour écrire, pour réfléchir, pour faire un break peut-être aussi comme on dirait de façon floue... pour chercher, peut-être trouver, esquisse-t-on après lecture.

Des chapitres à thèmes : économie, chauffage l'hiver,... une structure assez carrée avec la volonté d'instruire à travers le récit d'expérience(s) qui se permet des écarts avec un certain 'humour et un trop plein d'amour pour la langue et la culture. Motivation palpable.

Ce carré a un côté de rejet d'une forme de vie, ça apparaît très fermement au début et c'est par reflet fermé. Intéressant peut être ses chiffres du premier chapitre mais partiel. Il y a forcément des manques et on a le droit je crois d'avoir l'impression de subir un genre de littérature d'une mode très éloignée des nôtres (mode XVIIIè ?)... et puis ça se transforme, on entrevoit une longue méditation quelque peu hébétée mais pointilleuse teintée de tradition morale, du pays (le lieu géographique) et de pensées lointaines, indiennes, chinoises et par les courants du moment (transcendantalisme).

Dans cette méditation "l'épreuve" a un rôle non négligeable bien que le zozo avoue apprécier de ne pas travailler toute la journée et trouve aussi de l'aide à l'occasion. et sans doute dans ses réponses plus de doutes qu'il n'a l'air de l'affirmer car l'expérience est conclue comme une parenthèse (ce qui ne veut pas dire qu'il n'y avait rien dedans).

Le lecteur agacé du premier chapitre (le plus long d'ailleurs) ? aura à traverser d'autres moment d'intérêt moindre surtout dans les accumulations de références et les dérives vers le catalogue documentaire. Ceci ne l'empêchera heureusement pas de suivre avec intérêt les observations sur la formation et la fonte de la glace sur l'étang ou les animaux... et les gens... qui sont eux comme des ombres dans cet univers. Ombres bien vivantes cependant qui rejoignent cette impression de passage, qui se mue aussi presque imperceptiblement en impression de pardon (pour rester dans les références).

Ce qui n'est pas exclusivement un très humain miracle. C'est un des propos de l'auteur à travers la réinvention (ou révélation ?) d'une manière d'attention. une observation soigneuse, curieuse et ouverte... qui cherche la beauté sans masquer certaines taches (intéressant rapport à la prédation et à la nutrition, réflexion autour du végétarisme). Et la beauté de son coin, de son "endroit" qu'il arpente par tous les temps le jour et parfois la nuit, il fait un bel effort pour la partager !

Un résultat étrange, qui tire sur le bancal, dont on a envie de dire si ça devait être nécessaire qu'on doit y réfléchir à deux fois mais beau, motivant, revigorant... et moins certain que la somme de ses affirmations. Une distance à prendre avec le contenu du livre et avec son image devenue quasi-intouchable, iconique, presque impérative. Une approche, un moment de vraie recherche d'une espèce de constante résurrection. Recueillir ou épuiser toute la saveur de l'instant pour qu'il existe pleinement en soi, tenter de le connaître ou de savoir pour... (vivre mieux ?).

Je me suis usé sur les premières pages mais je ne regrette pas et je crois que je lirai volontiers Civil Disobedience qui suit dans le livre. Petit plus personnel dans cette lecture en VO (désolé pour les extraits) ? Livre sorti de la bibliothèque familiale et petites annotations qui vont avec, passage soulignés ou points de vocabulaires.  

(récup certes mais remaniée).

mots-clés : #autobiographie #essai #lieu #nature #xixesiecle
par animal
le Sam 9 Sep - 6:37
 
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Sujet: Henry David Thoreau
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Gustave Flaubert

Et en attendant, un peu de récup :

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Le candidat


Pièce de théâtre en 4 actes. Les deux premiers comportent 14 scènes chacun, le troisième 7, et le dernier 12. Une composition étrange, tout comme la fin, qui ne semble ne pas en être une.

Ce vaudeville n'aura été joué que 4 fois, le public n'applaudissant pas, rideau ! Ils auraient voulu une fin tranchée, un cinquième acte en forme de dénouement classique. Mais Flaubert était bien plus subtil.

Villiers de l'Isle-Adam l'explique bien dans son analyse présente en annexe.

Citation :
Lorsque sur la dernière scène du drame, la toile est tombée, comme la nuit sur les coassements d'un marécage, le public du Vaudeville est demeuré, pendant un bon moment, comme interdit, et pouvant à peine en croire ses oreilles. J'ai un faible pour ce public, lequel est tout particulier. J'ai eu affaire à lui, naguère, et c'est toujours avec intérêt que je l'observe, à l'occasion.
«Eh bien mais ? Et le dénouement ?... cela n'est pas fini ?...» demandait-il machinalement par une vieille habitude.
Il voulait son maire et son notaire.
Hélas ! c'était impossible. On ne pouvait lui servir son plat favori, attendu que, cette fois, la comédie ne finit pas, n'ayant jamais commencé. Le Candidat dure toujours, avec son auréole de satellites ; il est, voilà tout; il continue au sortir de la salle, en renchérissant peut-être. C'est le serpent qui se mord la queue ! Demander la fin de cette comédie, autant demander la suppression de la Chambre. On aurait dû arrêter comme radicaux et subversifs les gens qui ont osé réclamer une chose pareille.


Pour en revenir à la pièce en elle-même, elle est vraiment bien rythmée, très fine dans cette peinture du monde politique, qui se prête merveilleusement bien à la satire et au vaudeville.

Dans une élection provinciale, on découvre les dessous de l'ambition des personnages... Eh oui, le pouvoir corrompt, le politique est une vaste farce, où tout est permis pour l'ascension. Le retors Murel fait froid dans le dos, et Rousselin (le candidat principal à l'élection) est d'une bêtise affligeante. Il est prêt à tout pour séduire ses électeurs, même à marier sa fille au plus offrant (celui qui lui accordera le meilleur accessit vers le pouvoir). C'est dommage que cette pièce soit inconnue, mais à en croire Villiers de l'Isle-Adam, Flaubert en était satisfait?

Citation :
Le seul moyen spirituel d'exécuter la «pièce» eût été de l'applaudir. Mais si le public eût été capable de ceci, Gustave Flaubert ne l'eût pas écrite.

Cette pièce trouve évidemment un écho qui semble intemporel, tant le monde politique paraît voué à rester éternellement dans cette fange ridicule.

A noter que l'humour est bien présent, tout comme le cynisme implacable, le long monologue de la scène première de l'acte III est vraiment terrible.

Quelques extraits :

Flaubert a écrit:

Murel : Saperlotte, il faudrait cependant vous résoudre ! Soyez d'un côté ou de l'autre ! Mais décidez-vous ! finissons-en !  

Rousselin : Pourquoi toujours ce besoin d'être emporte-pièce, exagéré ! Est-ce qu'il n'y a pas dans tous les partis quelque chose de bon à prendre ?

Murel : Sans doute, leurs voix !



Flaubert a écrit:
Rousselin : Il aura le temps ! on a encore cinq minutes ! Dans cinq minutes le scrutin ferme, et alors ?...
Je ne rêve donc pas ! C'est bien vrai ! je pourrais le devenir ! Oh ! circuler dans les bureaux, se dire membre d'une commission, être choisi quelquefois comme rapporteur, ne parler toujours que budget, amendements, sous-amendements, et participer à un tas de choses... d'une conséquence infinie ! Et chaque matin, je verrai mon nom imprimé dans tous les journaux, même dans ceux dont je ne connais pas la langue !
Le jeu ! la chasse ! les femmes ! est-ce qu'on aime quelque chose comme ça ? Mais pour l'obtenir, je donnerais ma fortune, mon sang, tout ! Oui ! j'ai bien donné ma fille ! ma pauvre fille ! (Il pleure)


mots-clés : {#}théâtre{/#} {#}xixesiecle{/#}
par Invité
le Dim 13 Aoû - 19:05
 
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Arturo Pérez-Reverte

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Le Hussard

Premier roman d'Arturo Perez Reverde....et bien heureusement que je n'ai pas commencé par celui-ci, sinon je n'aurais peut-être pas poursuivi avec cet auteur.

L'Andalousie en 1808, guerre napoléonienne Français-Espagnols....la confrontation de jeunes officiers du corps des Hussards pour qui c'est le baptême du feu....tout juste sortis de l'école Militaire... avec la dure réalité du terrain.....leurs rêves de gloire vont s'effondrer tout comme leurs chevaux, leurs camarades...dans un torrent de sang, de boue...

Et la gloire. Merde à la gloire, merde au monde entier, merde à l'escadron..........Ils pouvaient bien tous la garder pour eux, leur maudite gloire, leurs drapeaux, leurs cris de "Vive l'Empereur"......  

Nous livrons une guerre étrange qui ne figure pas dans les livres que nous avons étudiés à l’École militaire. Tu te rappelles notre conversation de cette nuit ? Il est difficile de renoncer à des guerres loyales, contre des ennemis parfaitement identifiables et bien alignés en face de nous.
— Des guerres propres, résuma Bourmont.
— Oui. Des guerres propres, où les curés ne battent pas la campagne avec leur soutane retroussée et un tromblon à l’épaule, où les vieilles n’arrosent pas nos soldats d’huile bouillante. Où les puits contiennent de l’eau et non des cadavres de camarades assassinés.
— Tu demandes beaucoup, Frédéric.
— Pourquoi ?
— Parce qu’à la guerre, on hait. Et c’est la haine qui motive les hommes.



Bref, un réquisitoire contre l'absurdité de la guerre et son horreur...

Mais, ça n'a pas suffit pour que j'accroche...je trouve qu'il n'y a pas d'émotion...  Neutral

(commentaire récupéré)

mots-clés : #guerre #historique #xixesiecle
par simla
le Ven 12 Mai - 6:38
 
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Joseph Conrad

Bix et Bédoulène, mais aussi "Le flibustier" m'ont donné envie d'une relecture:





Le nègre du Narcisse
[i]Histoire de gaillard d'avant[/i]
Titre original: The Nigger of the Narcissus, A Tale of the Sea.
Titre original américain: The children of the Sea, A Tale of the Forecastle
NB: Nigger posait problème aux éditeurs américains de l'époque. Il fallut attendre les années 1920 pour que The Nigger of the Narcissus s'impose aussi comme titre pour les éditions d'outre-atlantique.

On voit que la traduction française propose un mélange des deux titres.
Au reste, Conrad a proposé la bagatelle de treize titres à ses éditeurs (!), quelques exemplaires prisés des bibliophiles arborent des titres rares.


Roman, 150 pages environ, cinq chapitres, paru en 1897, l'écriture a débuté (en Bretagne pendant la lune de miel des Conrad) en juin 1896 pour s'achever en janvier ou février 1897.

Tag xixesiecle sur Des Choses à lire - Page 5 Otago_10
Le trois-mâts-barque Otago, sur lequel Conrad servit comme Capitaine en 1888 et pendant trois mois en 1889.


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Le procédé littéraire:

Conçu pour être à l'origine une nouvelle, celle-ci s'allonge au gré des retouches de l'auteur, pour devenir plus un court roman qu'une longue nouvelle.
On note que Conrad a effectué une traversée à bord d'un navire (trois-mâts-barque) nommé "Narcissus", entre Bombay et Dunkerque, ici le Narcisse navigue entre l'Inde et Londres.
Il a sans doute puisé là le matériau nécessaire à l'écriture de ce livre, et remarquons en outre que c'est le seul cas de bateau ayant réellement existé, traduit sous son propre nom, dans les ouvrages de Conrad.

L'intrigue ? Cela va être vite vu, il n'y en a pas, ou si peu: le bateau va-t-il réussir sa traversée, parvenir à bon port, accessoirement James Wait (le "Nègre du Narcisse") va-t-il guérir ?

La construction, ce sont cinq chapitres formant un Opus quasi-symphonique. En cela c'est un joyau, à classer vraiment parmi le tout meilleur de Conrad.

Le prélude est en douceur, presque enjoué, de petites notes exotiques de port de nuit d'une côte indienne. Le brouhaha des conversations dans le gaillard d'avant - j'ai toujours pensé que ce chapitre en particulier avait inspiré Malcolm Lowry pour quelques pages un peu similaires, de bribes de conversations décousues, d'équipage, dans (un autre chef-d'œuvre) Ultramarine.
L'appel du rôle, de l'engagement à bord. In extremis, noir sur ténèbres, paraît James Wait qui jette un "Wait !" ambigu, est-ce son nom, est-ce une apostrophe (qui serait, alors, provocante, irrespectueuse) envers la hiérarchie du bord ?

Le chapitre I et II (le plus bref) nous présentent l'équipage et brossent les trente-deux premiers jours de mer - quelques individualités sont déjà appuyées.
James Wait est un pivot de cette histoire, une individualité centrale, peut-être à son insu, du corps homogène que forme l'équipage, est-il un imposteur qui singe la maladie, ou bien souffre-t-il réellement ?
Un autre matelot, Donkin, rescapé d'on ne sait quelles prisons coloniales, inscrit au rôle en haillons, sans coffre ni vêtements, écorché-vif, brebis galeuse, insoumis et tire-au-flanc, est lui aussi en rupture vis-à-vis du corps on ne peut plus disparate, mais uni et discipliné, que forme les autres marins.

Le III glisse sur l'élément, la mer tempétueuse, une accumulation de touches négatives, de fragments hostiles crayonnés.

Conrad, magistral, recentre sur l'humain au milieu de tout ce négatif en nous livrant un morceau de bravoure positif (cinq hommes affrontent le péril pour aller désincarcérer Wait de sa cabine). La mise en exergue de la mâle vigueur coordonnée, de l'héroïsme ordinaire, du sens même de ce que forme un bord, de la responsabilité, autant de thèmes qui hantent les ouvrages de Conrad.

Dans "Le nègre...", dans ce chapitre en particulier, ces messages sont introduits de façon non démonstrative, ramassée, sans en faire des tonnes, de manière vraiment talentueuse je trouve.    

Avec la fin de la tempête et l'arrêt du "marche ou crève", Jimmy Wait reprend une position centrale, le haineux Donkin aussi, qui monte la tête des uns et des autres, versant sa rage de brebis galeuse. C'est alors que le Narcisse traverse une longue accalmie. D'idiosyncrasies en formules emporte-pièce et rhétorique de caniveau, Donkin parvient à ses fins, retourner l'équipage contre la hiérarchie du navire. Une scène d'une grande violence verbale met aux prises Donkin et Wait. Puis le prosélyte cuisinier Podmore objurgue Jimmy Wait de tous les feux de l'enfer, au point que le commandant doit recadrer Podmore.  

A l'occasion d'une matinée radieuse, le même commandant, fin psychologue sous son abord très sec, règlera aussi le cas Donkin.  

Reste l'épilogue, plutôt allegro ma non troppo, qu'on ne dévoile pas.

Mais tout ceci serait peu de choses, s'il n'y avait cette poétique par séquence sublime, vraiment, et l'étrange alliage, qui fonctionne, de celle-ci avec cette justesse, cette profusion de termes de marine et de souci d'exactitude dans le réalisme de navigation.

L'un des messages que fait passer l'auteur est cette chaleur fraternelle de l'équipage, qui, s'il est conduit par des supérieurs hiérarchiques à la hauteur, arrive presque à transcender en noblesse, en ce que l'homme peut effectuer de meilleur, ce travail dur, sous-considéré, sous-payé, de marin à la façon de la marine marchande à voile au XIXème.

Quelques pages de Loti, de Melville, ou encore de Stevenson vont sans doute dans un sens similaire, et, vous l'aurez compris, l'intérêt principal -l'attrait- du livre n'est pas non plus dans cette petite démonstration-là.  

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Les personnages:

On note qu'ils sont exclusivement masculins. Toutefois, à bien regarder, Wait cristallise un côté féminin je crois, et, d'une certaine façon, la mer elle-même, voire le Narcisse, constituent un nécessaire pendant féminin à ce monde viril.

Chapitre III a écrit:Il buvait ce qui restait gravement, d'une longue goulée; tandis que les lourds embruns crépitaient sur son ciré et que les cinglants paquets de mer déferlaient sur ses hautes bottes. Il gardait les yeux rivés sur le navire, comme un amant observe le généreux labeur d'une frêle femme à la vie de laquelle est suspendue, comme par un fil ténu, la plénitude de la joie et la signification de ce monde. Nous observions tous le navire. Il était magnifique et avait une faiblesse.


L'équipage est une masse-magma, un chœur de tragédie antique, servant le navire comme la narration. Parfois un membre s'avance, tel un bref soliste, jusqu'au premier rang.
Outre Donkin le faux, Podmore et Belfast déjà cités, évoquons Singleton le vétéran, marin instinctif et inébranlable, à la bravoure hors pair, patriarcal et visionnaire à force d'expérience, Wamibo le colosse étranger, les scandinaves doux et en un "ailleurs", Baker, l'officier en second, qui ne prend jamais de galon mais mène bateau et hommes à merveille, participant à cet encadrement efficace, composé de trois hommes semblant disparates.

Et Wait.
Wait, le malentendu, le quiproquo dès son arrivée à bord.
Wait le personnage-pivot, ce qui justifie sa présence en titre.

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Un chef-d'œuvre ?
Le "Nègre..." ?
On se situe dans le courant littéraire dit réaliste, à ce qu'il à proposer de meilleur.
Il vient pourtant d'un écrivain qui était, à sa parution, encore un débutant à peine confirmé, loin de son firmament.

Résumons: Un roman XIXème, réaliste donc daté, donnant dans la littérature de genre (littérature de mer), peu voire pas d'intrigue ni de suspense, mâtinant la narration de traits qualifiables sans excès de poésie en prose (brillante), mais, dites-moi, cela a tout pour être rébarbatif, enfin, à tout le moins vieillot, dépassé !

Et bien non.

Je ne m'explique pas tout:
Pourquoi est-ce que "ça prend", comment ça fonctionne encore aussi magistralement, pourquoi est-ce un ouvrage qu'on ressent aussi fort aujourd'hui, pourquoi je le recommande et le glisse entre des mains amies dès que possible, etc...

Le même sujet, avec les mêmes ingrédients, traité par une plume de moindre envergure aurait confiné à l'oubliable reportage pour terriens ou urbains de l'époque.

Expliquer pourquoi c'est un ouvrage aussi majeur ? J'en suis bien incapable, et ce n'est pas faute de l'avoir décortiqué patiemment (je n'ai pas compté mes relectures, je sais que je n'en suis pas à la dernière).

Mais, trêve de bavardages, partageons plutôt une petite dégustation de cette prose si chargée en poésie -paradoxalement- réaliste... (pour la qualité du réalisme chez Conrad, on note que Conrad écrit ce qu'il a lui-même éprouvé -ça aide-, mais cela ne saurait expliquer complètement pourquoi il nous semble si brillant...pour une évidence, soulignons que le vécu, en réalisme, est un matériau de choix, mais distinct du talent d'assemblage littéraire, qui reste la part de l'art en écriture).

chapitre III a écrit: À minuit, ordre fut donné de serrer le petit hunier et le perroquet de fougue. Au prix d'immenses efforts, les hommes, impitoyablement battus par le vent, se hissèrent dans la mâture, sauvèrent la toile et redescendirent quasiment épuisés pour endurer en un silence pantelant le cruel martèlement des énormes lames.

Pour la première fois peut-être dans l'histoire de la marine marchande, le quart, invité à laisser son poste, ne quitta pas le pont comme s'il était contraint d'y demeurer sous la fascination d'une violence venimeuse.

À chaque forte rafale les hommes, blottis les uns contre les autres, se murmuraient: "Ça peut pas souffler plus fort" - et, après, la bourrasque leur infligeait un démenti avec un hurlement perçant et leur coupait le souffle au fond de la gorge.

Un grain furieux parut fendre l'épaisse masse de vapeurs fuligineuses; et, par-delà la débâcle des nuages lacérés, on put entr'apercevoir la lune à son apogée qui revenait traversant le ciel à une vitesse effrayante droit dans l'œil de la tempête.

Beaucoup opinaient du chef, murmurant que "ça les retournait" de regarder ça. Bientôt les nuages se refermèrent et l'univers redevint ténèbres aveugles et folles qui en hurlant lapidaient le vaisseau solitaire de grésil et d'embruns salés.      



mots-clés : #aventure #xixesiecle
par Aventin
le Ven 7 Avr - 22:35
 
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Ivan Alekseïevitch Bounine

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Soukhodol


CONTENU:
Présentation de l'éditeur a écrit:Chronique nostalgique de l'âme russe, ténébreuse et lumineuse à la fois, Soukhodol est la saga des Khrouchtchev, petite noblesse de province derrière laquelle se dissimule la famille de l'auteur. Le regard de Bounine se pose avec un calme impitoyable sur un monde en déclin. Dans une langue précise et mélodieuse, hommes et nature composent un poème qui dégage une sobre magie empreinte de spiritualité, où se croisent Natalia, servante et " mémoire " de cette famille, Piotr Petrovich, son amour secret, ou Tante Tonia, qu'un amour déçu a enfermé dans la folie. Car " à Soukhodol, l'amour était singulier, la haine aussi ". Et leur temps nous semble, à nous comme à Bounine, " soit infiniment lointain, soit tout proche ". La Cerisaie de Tchekhov, dont Ivan Bounine fut disciple et admirateur, résonne dans ce récit avec des accents et des prolongements tragiques.


REMARQUES :
Par d’autres classiques russes j’avais déjà reçu une idée des changements immenses dans la Russie, déjà bien avant  la Révolution, aussi alors au milieu du XIXème qu’aussi bien au tournant du siècle. C’est une époque de changements, de la lente disparition d’anciennes structures. Bounine raconte ici bien l’histoire d’un déclin : les petits-enfants entendent juste encore de la gloire d’un passé sur l’ancienne domaine de la famille. Y-a-t-il dans ce regard peut-être une certaine nostalgie, Bounine reste très clair sur tout ce qui n’allait pas dans ses « bons vieux temps » : dans le rapport entre serviteur et maîtres, l’apparence et l’être, les parents et leurs enfants. A l’époque de l’écriture une telle vue critique sur la vie dans les campagnes étaient assez innovatrice et aller à contre-courant de l’étiquette dominante.

Je suis très heureux de trouver dans cette description alors au même moment un amour profond pour ses racines et ses origines ET un regard limpide sur la misère existante. Dans un certains sens les deux peuvent coexister…

Justement en cela et en d’autres aspects, comme par exemple cet attachement si fort à la mère-terre, cette insertion dans un flux d’une histoire plus grande, un élément tragique et nostalgique, un certain fatalisme, l’auteur nous donne quelques idées sur cette fameuse « âme russe ». Certains passages et réflexions, surtout au début et à la conclusion du livre était d’une beauté saisissante et encadraient bien les épisodes plus imagées et moins classifiables de l’histoire familiale.


mots-clés : #famille #xixesiecle
par tom léo
le Ven 7 Avr - 22:22
 
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Sujet: Ivan Alekseïevitch Bounine
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Henry James

Tag xixesiecle sur Des Choses à lire - Page 5 Maisie10


Ce que savait Maisie

le sujet : une fillette dont les parents sont divorcés et chacun remarié ce qui fait dire à la fillette qu'elle a 2 maman et 2 papa. Elle sera un prétexte que chacun accaparera ou se renverra pour se mieux haïr et ce n'est qu'auprès d'une gouvernante vieille, laide qu'elle trouvera l'affection dont elle a toujours manqué. Son beau-père et sa belle-mère l'aimeront aussi, mais cette dernière plus égoïstement, le beau-père, de faible caractère prouvera cependant son amour en lui laissant décider avec qui elle veut vivre.

L' innocente fillette comprendra assez rapidement la situation dans laquelle elle se trouve, l' abandon de ses parents au profit des beaux-parents et se découvrira le "sens moral" dont la gouvernante l'accuse de manquer après bien des revirements, des emballements, des peurs et des situations inconfortables. Les enfants contraints de "partager" les vicissitudes de la vie des adultes mûrissent vite et Maisie est une fillette intelligente.

En fond une critique sur une certaine société de l'époque ; en effet on ne peut comprendre la situation de la fillette et des différents personnages qu'en se référant aux moeurs et les lois de la société Anglaise à cette époque (fin 19ème siècle). La distinction des classes est très sensible.

Une lecture intéressante à laquelle une écriture mesurée qui ne dévoile que peu et laisse la place à l'imagination, celle de la fillette et celle du lecteur, est efficace.


mots-clés : #famille #initiatique #xixesiecle
par Bédoulène
le Jeu 23 Fév - 20:51
 
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Sujet: Henry James
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Honoré de Balzac

Tag xixesiecle sur Des Choses à lire - Page 5 Produc15

Le Père Goriot

L’un des chef-d'œuvre de Balzac est avant tout une galerie de portraits et une atmosphère, celle de la pension Vauquer. Destinée aux bourses plates, la pension pue la misère, le sordide. La maîtresse de maison qui veut jouer à la bourgeoise n'est pas insensible aux plaisanteries et aux avances de Vautrin, colosse qui joue lui les boute-en-train mais dont on devine rapidement les aspects inquiétants. Il y a là un jeune noble désargenté monté de la province, Eugène de Rastignac, son camarade étudiant en médecine, Bianchon, une jeune fille, Victorine et sa gouvernante, une vieille fille, Me Michonneau et un retraité, Poiret ; enfin le père Goriot, qui avait fait fortune sous la révolution en spéculant sur les blés mais dont les biens sont amoindris. Goriot a tout sacrifié pour ses deux filles, Anasthasie qui a épousé le comte de Restaud et Delphine qui a épousé le baron de Nucingen.  

L'intrigue a pour point de départ la récupération des diamants mis en gage auprès de l’usurier Gobseck pour couvrir les dettes de l’amant d’Anasthasie. Pour cela, Goriot abandonne ses dernières ressources. Ne voulant pas faire de jaloux, il offre également un appartement meublé pour les amours de Delphine et d'Eugène de Rastignac. Celui ci est plein de compassion pour Goriot qui devient rapidement la risée des autres pensionnaires. Pendant ce temps, un mouchard de la police approche Mle Michonneau et son soupirant Poiret pour l'aider à démasquer Vautrin en qui il voit un dangereux forçat échappé du bagne. Ledit Vautrin a proposé un marché sulfureux au jeune Rastignac désargenté. Il lui offre la main de Victorine, en échange il fera tuer son frère en duel pour qu'elle puisse hériter de la fortune paternelle. Rastignac sait résister à la tentation. Vautrin démasqué est enfin arrêté, Goriot, épuisé par ses sacrifices et au désespoir de ne pouvoir faire plus, tombe gravement malade.
Son dernier espoir est de revoir ses filles avant de mourir. Espoir déçu. L'agonie de Goriot, abandonné par ses filles et ses beaux-fils, est terrible "A quoi cela lui sert de vivre encore ? - A souffrir". Rastignac qui avec Bianchon soigne le vieil homme doit mettre sa montre au clou pour payer un linceul et une place dans le cimetière. Endurci par ces événements, Rastignac décide de prendre la société à bras-le-corps "Paris, à nous deux".


mots-clés : #xixesiecle
par ArenSor
le Lun 2 Jan - 17:47
 
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Sujet: Honoré de Balzac
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Stephen Desberg

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Série Golden Dogs

Dessin : Griffo
Couleurs : Bautista Angel, Burgazzoli Roberto

Ils sont quatre. Ils sont voleur, putain, criminelle ou faussaire, ils vont devenir sous l'impulsion d'Orwood les plus grands malfaiteurs de Londres. L'un des quatre va trahir mais lequel ?

L'histoire se passe dans le Londres des années 1820, le dessin de Griffo, qui s'affirme au fil des quatre tomes est très plaisant à découvrir, avec un attachement certain à vouloir 'rendre' le Londres de cette époque. Néanmoins, j'ai trouvé que les moments d'action manquaient de réalisme et d'envergure, comme si le dessinateur avait du mal à donner du mouvement à ses personnages, les figeant un peu dans des attitudes plutôt que des gestes.

Pour le scénario, au départ très alléchant, il tourne rapidement en rond avec des personnages qui ne m'ont pas semblé assez étoffés, assez fouillés pour avoir l'ampleur nécessaire aux quatre tomes. Le méchant juge Aaron aurait mérité un peu plus d'attention et certains passages m'ont semblé frôler l'invraisemblable. Le dernier tome, très essoufflé, semble écrit à la va-vite comme s'il fallait se débarrasser du bébé. Ceux qui attendait une grosse résolution avec le nom éclatant du délateur resteront sur leur faim, comme moi.

C'est dommage parce que l'idée de réunir des personnages atypiques et mystérieux (Orwood amoureux d'une morte, Fanny la putain narratrice, Lucrèce la tueuse et Lario/Laria le castrat) offrait d'infinis déroulements. Le fait de ne pas avoir suffisamment donné corps aux vies des uns et des autres conduit finalement à une impasse dans laquelle le lecteur se sent déçu et un peu dupé.


Une déception scénaristique mais un dessin intéressant qui s'affine au cours des tomes.


mots-clés : #bd #xixesiecle
par shanidar
le Mer 28 Déc - 12:00
 
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Sujet: Stephen Desberg
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William Henry Hudson

Tag xixesiecle sur Des Choses à lire - Page 5 Captur34

VERTES  DEMEURES


Vertes demeures fut écrit au 19e siècle, traduit en français dans les années 3O, plus ou mois oublié par la suite malgré une réédition en poche
dans la collection Points.

Passionné par la nature et les oiseaux, Hudson bourlingua pandant des années sur le continent latino-américain. Retiré à Londres, il pourra recréer un univers qui l'obséda toujours, et qui est à l'origine de Vertes demeures...

Difficile de parler d'un livre qui est plus une féérie fragile et envoûtante qu'un roman.
Sa fragilité meme, la délicatesse du sujet donnent seulement envie de suggérer ce qu'il est...Suggérer seulement...
En tout cas pas un récit de voyage. Son Amazonie est encore plus délirante que la vraie... Hors du temps et sans points de repères topographiques. Un livre poétique et onirique, qui donne énormément à voir et à imaginer...

Un hommage à la nature et aux rêves qu'ils peuvent créer. Un livre transparent, mélodieux... Etrange. Un livre unique.
Une histoire d'amour fou aussi certainement...
La passion de Hudson pour les oiseaux lui inspira le personnage féminin.
Je n'en dirai pas davantage...
Laissez vous tenter, et passez de l'autre coté du miroir...

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mots-clés : #nature #xixesiecle
par bix_229
le Sam 17 Déc - 17:15
 
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Sujet: William Henry Hudson
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Emile Zola

La Curée.

Tag xixesiecle sur Des Choses à lire - Page 5 Image152

Incisive description du milieu des nouveaux (très) riches sous le second empire,   La curée ne nous épargne aucune vilenie, aucune mesquinerie, aucune déroutante insouciance… Les personnages sont tous d'égoïstes matérialistes menés par le pouvoir, l'argent et la débauche, happés par les outrances d'une spéculation immobilière débridée. Rien ne les arrête pourvu que ces succédanés de puissance leur donnent une illusion de vie bien remplie. Dans la réussite comme dans l'échec, dans la splendeur comme dans la décrépitude, ils se remettent  en permanence enquête de cet épanouissement consumériste.

Zola s'en donne à cœur joie en descriptions de toilettes, de logements fastueux, de sociétés futiles, et l'on vogue, incertain, entre la fascination et le dégoût pour ses splendeurs absurdes.




mots-clés : #xixesiecle
par topocl
le Sam 17 Déc - 11:12
 
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Sujet: Emile Zola
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Ivan Gontcharov

Tag xixesiecle sur Des Choses à lire - Page 5 512sxi10

Oblomov

ll est temps que je vienne au secours d'Ivan Gontcharov avant qu'on l'oublie...

Oblomov, esprit vide, infantile, passif, régressif ? Voilà ce qu'on reproche à ce personnage de Gontcharov.
A ceux qui l'accusent de rever sa vie, Oblomov pourrait répondre qu'il préfererait vivre son rêve. Mais il ne répond rien. En fait, il défend fermement sa conception à lui de la vie. Contre ses prétendus amis qui cherchent à l'enrégimenter, à le culpabiliser, qui voudraient bien le marier et faire son bonheur malgré lui ; lui donner des ambitions sociales, bref en faire un conformiste bon teint comme euxv

A tous ceux-là, à tous les esprits positifs, Oblomov rappelle que le rêve est supérieur à l'homme, à la réalité, à la vie même. Et que s'il ne la remplace pas, il permet au moins d'échapper à ses aspects les plus sordides, à reculer les limites du possible.
Mais que serions nous donc sans le rêve, sans la possibilté de réinventer le monde, de le réanchanter. De le transcender ?...

Oblomov symbole du naufrage humain et de la régression ? Certainement pas, mais il dit non à la banalité. Aux compromis. C'est un rêveur sensible, et il a gardé de l'enfance le souvenir lumineux et créateur qui lui permet de vivre. Enfin de survivre.
Mais parce qu'il veut que la vie réalise son rêve, Oblomov parvient à opposer sa volonté d'etre comme son moi intime le lui demande. Il réussit à être lui-même en dépit des autres qui n'ont que faire de sa révolte intérieure. Et satisfait au fond d'etre différent d'eux.
Car ce rêveur sensible, finit par s'opposer timidement mais fermement à ses amis. Tout aussi fermement que le Bartleby de Melville à qui il me fait penser.

Que fait il ? Un simple pas de côté.
En tant que personnage romanesque, il s'oppose à tous ces héros positifs qui bombent le torse, et à ceux qui n'ont rien choisi.
A tous ceux que la société étouffe, à force de conseils irréalistes, de sagesse bleme, de moralisme béat ou d'esprit de compétitivité avant de les rejeter usés.
Oblomov est aussi attaché à ses chimères que Don Quichotte, sauf qu'il n'en meurt pas et ne s'en repent pas non plus.

Oblomov, c'est finalement la recherche obstinée, souterraine du bonheur. D'une certaine forme de bonheur en tout cas.
C'est l'histoire d'un rêve exaucé. Ce rêve poétique et nostalgique, Gontcharov le partage sans l'approuver nécessairement. Il laisse simplement son personnage s'exprimer librement. Comme le faisait Dostoievski avec les siens.
Et tout le style de Gontcharov est lié à son projet. Il n'est qu'à voir le célèbre passage intitulé "le rêve d'Oblomov".

Ce personnage, je l'ai inventé ?
Peut-être. Chaque livre publié appartient à celui qui le lit.

mots-clés : #philosophique #xixesiecle
par bix_229
le Mar 13 Déc - 16:18
 
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Sujet: Ivan Gontcharov
Réponses: 18
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